Brazzamag Num 5 mars mai 2018

Page 1

1 BRAZZAMAG


Heures d’ouverture Lundi à Samedi : 8h-13h / 15h-19h30 Dimanche : 9h-13h

2

Pointe Noire : BP 4845, Avenue Charles de Gaulle (en face de PARK N SHOP) Tél. : +242 22 294 02 70 / 05 573 15 75 Ligne 1 Grand Marche Tél. : +242 05 520 01 94 E-Mail : supersonic_pnr@yahoo.fr Brazzaville : BP 1107, Avenue Orsy (en face de PARK N SHOP) Tél. : +242 22 281 37 80 / 05 318 00 00 BRAZZAMAG Avenue Amilcar Cabral (à côté d’Air France) Tél. : +242 22 281 37 80 / 05 527 17 99 E-Mail : supersonic_bzv@yahoo.fr


3 BRAZZAMAG


Heures d’ouverture Lundi à Samedi : 8h-13h / 15h-19h30 Dimanche : 9h-13h

ires mina vers u L bre & di Cham - Alcools e l a tab uxe t de l deaux - L r A ger / Ca ména - Loisirs o r t c érie - Ele uets ment - Lit o J son age - Mai n - Amén s s e Fitn ardi r de J e i l i b Mo

4

Adresse : 29, Avenue Barthelemy BOGANDA B.P. 828 Pointe-Noire / République du Congo BRAZZAMAG Email : picknpay@burotec.biz Tel : (00242) 05 579 66 90, (00242) 05 537 14 01


5 BRAZZAMAG


14 À DÉCOUVRIR 18 18 52 62 20

CHRONIQUES

IMMOBILIER : QUI PAYE QUOI ? PRIORITÉ SANTÉ : BLANCHIMENT DE LA PEAU INFLUENCE MEDIA : INTELLIGENCE ARTIFICIELLE INVESTIR : BUSINESS ANGELS

14 16 58 66 70 72 76 78 80 81

10 PUBLIREPORTAGES 10 12 64

48 CULTURE & SOCIÉTÉ 48 54 56

TRADITHÉRAPIE AU CONGO DES CHENILLES DANS NOS ASSIETTES SPORT SUR LA CORNICHE DE BRAZZAVILLE

DANS LES COULISSES DE SERVAIR OFIS : ÉTAT DES LIEUX DE LA CONNEXION SKYTIC : AU-DELÀ DE LA FIBRE ET DE LA 4G

22 26 28 32 34 38 44 46

LE RAPHIA, UN TRÉSOR NATIONAL DES MOTIFS ET DES PAGNES AVANT, IL Y AVAIT DES USINES DE TEXTILE AU CONGO HUIT STYLISTES CONGOLAIS À DÉCOUVRIR PORTRAIT : ADRIANA TALANSI PORTRAIT ALEXIA FERLINE TAGGADA : SHOPPING EN LIGNE

40 40 41 6

BRAZZAMAG

LE DOSSIER

LES ENTRETIENS

PASCALINE KABRÉ TURMEL ROMARIC ONIANGUE


7 BRAZZAMAG


CE SECTEUR OUBLIÉ... Au fur et à mesure des pages du dossier, vous n’aurez qu’une seule envie, c’est d’aller faire un tour dans les showrooms des différents stylistes et créateurs que nos journalistes ont sélectionnés. Croyez-moi, vous ne verrez plus le pagne comme un simple tissu. Je suis la première à avoir découverte beaucoup de choses dans ce numéro. Je suis fière que cette sixième édition de Brazzamag mette le projecteur sur ce secteur économique qui mérite un grand intérêt de tous. Vous verrez que des hommes et des femmes en ont fait une bataille afin de le promouvoir. Chaque article est un bout d’histoire du Congo. Les temps sont durs et nous l’avons bien ressenti pour le bouclage de cette édition. C’est pour cela que je tenais à remercier tous nos annonceurs qui ont malgré tout contribué à ce que cette édition puisse voir le jour. Notre source de revenu vient uniquement de la publicité. Je tiens également à remercier le cabinet de Conseil Juridique et Fiscal Sutter & Pearce, qui sans prendre un placement publicitaire a fait un don financier à notre magazine afin de souligner leur grand intérêt pour notre travail. À bon entendeur… (sourire). Merci aussi au salon esthétique Secret d’essence qui a maquillé nos modèles, merci à tous les stylistes qui nous ont prêté des accessoires et des tenues pour le shooting de nos modèles (Otouh collection, Bisseyou et Okasama Bambou). Je vais m’arrêter là et vous laissez parcourir ce beau magazine. En vous souhaitant, comme d’habitude une belle découverte et une bonne lecture.

ExecutablE media groupe

Numéro 05

Mars - Mai 2018 GROUPE EXÉCUTIF Directeur marketing Directrice administrative

Fehmi Fennia Solange Mfizi

DIRECTION ÉDITORIALE Directrice de l’information Sarra Guerchani Secrétaire de rédaction Nadia Bencheikh

8

BRAZZAMAG

Sarra GUERCHANI

Cofondatrice de Brazzamag

édito

L

orsque l’on parle « mode » au Congo, c’est souvent la sapologie qui revient, et pourtant quand on cherche bien, on se rend compte que ce phénomène est défavorable à la démocratisation du secteur de la mode locale et africaine.

DESIGN

JOURNALISTES

Directrice artistique Olfa Taboubi Graphiste Yuma Dakwa Gbotud

Antoine Rolland Bernard Sallé Sylverène Ébélébé

COLLABORATIONS SPÉCIALES

MAQUETTE

Gestrim (Chronique Immo) Michael Ohayon (Influence media)

Yuma Dakwa Gbotud Sarra Guerchani

PHOTOGRAPHIE

COMMERCIAUX

PUBLICITÉ & CRÉATION

Pointe-Noire / Brazzaville +242 06 474 7790 +242 05 059 5555 info@brazzamag.com

WMP Congo +242 06 53 852 53 info@wmpmarketing.com

Sky Vision media


Crédit photo : Rey Mangouta.

9 BRAZZAMAG


PUBLIREPORTAGE

Dans les coulisses des plateaux-repas

Photos : Skyvision media

L’avion vole depuis une heure. Brazzaville est désormais loin. Le stress du décollage se dissipe à mesure que le temps passe. D’autant plus que le moment tant attendu du repas approche. La nourriture arrive sur la tablette, comme tombée du ciel. Et pourtant, elle est le fruit d’une longue préparation. A la manoeuvre, on retrouve les 99 employés de Servair Congo. L’entreprise de « catering », l’équivalent du traiteur pour le transport aérien, s’occupe également du nettoyage de l’intérieur des appareils de Air France, Royal Air Maroc, Mauritanian Airways… Brazzamag vous emmène dans les coulisses. . Par Antoine Rolland.

L

’entrée des cuisines de Servair Congo, située à deux pas du tarmac de l’aéroport Maya-Maya, est encore plus réglementée que celle d’un hôpital. Les cuisiniers ressemblent plus à l’image que l’on se fait du personnel d’un bloc opératoire. Ici pas de toques, mais des charlottes couvrant les cheveux, des protections sur les chaussures, et surtout un masque devant la bouche. Les visiteurs doivent par ailleurs se plier à une procédure supplémentaire : le remplissage d’une fiche médicale certifiant qu’ils ne sont porteurs d’aucune maladie infectieuse. « Nous sommes un restaurant classique, mais nous servons des repas à 10 000 m d’altitude, explique Fernando Dominguez, chef de production venu de Paris pour une formation de 6 mois. Cela nous interdit toute approximation dans l’hygiène, sous peine de devoir faire atterrir l’avion. Les codifications sont donc longues comme le bras. » La norme règne. Tout est régi par « la marche en avant » : quand un aliment arrive à Servair, il passe de la désinfection au stockage, des chambres réfrigérées aux cuisines, du

10

BRAZZAMAG

dressage de plateau jusqu’à l’avion, sans jamais repartir en arrière. « C’est comme dans un aéroport, compare Fernando. Les passagers qui arrivent ne croisent jamais ceux qui partent. Tout est tracé, rien n’est improvisé » Un personnel 100 % congolais Ces protocoles sont appliqués dans n’importe quel module Servair Congo à travers le monde. Mais à Brazzaville comme à Pointe-Noire, l’exception tient dans son personnel. Les quelques 33 employés des cuisines sont Congolais. Ils appliquent les normes et demandes, parfois très exigeantes, de n’importe quelle compagnie. Et ce à partir d’un menu souvent élaboré en Europe, alors qu’il n’y a pas d’écoles professionnelles comme sur le Vieux Continent. « Ils ont d’autant plus de mérite, vante Fernando. Et ils sont demandeurs d’apprendre une cuisine différente. Par exemple, ici on frit le poisson. Or, Air France demande du poisson cuit à la vapeur. C’est comme ça qu’ils élargissent leur savoir-faire. » Des dégustations par les compagnies ont lieu une fois par mois en guise de contrôle.


PUBLIREPORTAGE

Une bonne partie des employés de Servair Congo travaillaient auparavant dans les grands hôtels de la capitale, comme le Ledger ou l’ancien Sofitel. Guy-George Ngatsie dresse avec minutie, au gramme prêt, les plateaux réservés à la classe business d’Air France. Au menu, « pavé de gigot d’agneau accompagné de semoule de couscous au curcuma et aux raisins secs ». « Un bon montage consiste à imiter la photo que nous envoie la compagnie », explique-t-il. Ce soir-là les employés préparent 75 couverts pour la classe économique et 8 pour la classe business. « Les passagers ont un repas différent de l’équipage, révèle Guy-George. Même le pilote et le copilote ne mangent pas la même chose. » C’est une autre mesure de sécurité : en cas d’intoxication, l’appareil doit rester sous contrôle. Dans l’enfer du chewing-gum Une fois tous les plateaux prêts et chargés, ils prennent la direction du tarmac. L’autre équipe de Servair Congo, celle du nettoyage, attend déjà. Ils sont en tout 12 à y travailler à temps plein. Le chef d’opération, Christ Mbongo, commence à faire les cent pas : l’avion est très en retard. « Ça devient compliqué, s’inquiètet-il. On va avoir moins de 30 minutes pour nettoyer avant l’arrivée des prochains passagers. » Soudain un bruit assourdissant crève le ciel. L’avion vient d’arriver. Les passagers débarquent. Aspirateur sur l’épaule, balais à la main, l’équipe en tenue rouge part à l’assaut de l’appareil.

Il faut développer la filière du recyclage, nous sommes la preuve que cela peut conduire à l’emploi ! - Stéphane Ntsikouloulou Ginette Dorkas progresse à toute vitesse dans les travées. Le geste est mécanique, la vitesse d’exécution impressionnante : nettoyage de la tablette, puis du siège, ramassage des écouteurs, des couvertures et des déchets, remise en place des ceintures. Avant de recommencer à la rangée suivante, en moins d’une minute à chaque fois. « Ça ne fatigue pas trop, j’ai l’habitude, » relativise la femme de 48 ans. La sueur sur son front trahit toutefois l’intensité physique de la tâche. Dans les temps impartis, tout est plié, rangé, nettoyé, aspiré. L’équipe n’a trouvé aucun téléphone ou passeport, parfois oubliés par des passagers tête-en-l’air. Les chariots de nourriture ont été chargés. Les agents peuvent rentrer chez eux. « On aimerait des fois que les clients soient plus soigneux, regrette Christ. On retrouve parfois des crachats, et le pire : des chewing-gums. » Mais ils finissent toujours par en arriver à bout. « Les compagnies nous l’ont déjà dit, affirme-t-il avec fierté. A Brazzaville, les avions repartent plus propres qu’à Paris ou ailleurs. »

11 BRAZZAMAG


PUBLIREPORTAGE

I NTERNET TRèS HAUT DEBIT…, éTAT DES LIEUX L'accès à internet a considérablement changé les habitudes des professionnels et du grand public congolais. Le taux de pénétration d'internet au Congo ne cesse d’augmenter et les prix baissent progressivement. Petit tour d’horizon à ce sujet avec le Directeur d’Exploitation du département OFIS Network and Telecom Services, Paul Bertrand.N (PBN). - Par Brazzamag. de ces réseaux lorsqu’ils ont été conçus, n’ont pas pris en compte les besoins futurs de l’entreprise et l’évolution des technologies. Pour mieux comprendre, prenons l'exemple d’une maison conçue pour ne supporter qu’un seul niveau puis on décide d’ajouter d’autres étages sans en analyser l’impact. Les fondations ne tiendront pas et finiront par céder. C’est exactement ce qui arrive à un réseau informatique. S’Il n’y a pas de schéma d’architecture à la base, au fil des années le réseau de l’entreprise devient complètement hétérogène et perd en performance et qualité. Si l’on ajoute à cela le manque de maintenance, nous avons tous les ingrédients pour avoir des réseaux ne répondant plus aux besoins grandissants des entreprises.

B

Photo : Skyvision media

razzamag : Quel est l’état des lieux des réseaux internet au Congo ? PBN : Actuellement, il n’existe qu’un seul point d’entrée internet au Congo, il s’agit de la fibre optique internationale WACS* qui arrive à la station principale de Matombi, à environ 30 km de Pointe-Noire. En cas de rupture de cette fibre - comme ce fut le cas en juin 2017- tout le pays se retrouve déconnecté. La distribution d’internet de Matombi aux différents Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) congolais se fait par deux opérateurs, l’un public et l’autre privé. Internet est ensuite déployé par les FAI à l’intérieur du pays soit : •par fibre optique, mais essentiellement dans les villes de Pointe-Noire, Dolisie, Brazzaville, Oyo et Ouesso. Le choix de ces villes s’explique par le coût élevé de déploiement de la fibre optique, qui nécessite des travaux de génie civil onéreux, et donc non rentables dans les zones à faible démographie. •par le réseau 3G/4G, moins coûteux en infrastructures, qui est par conséquent beaucoup plus développé sur l’ensemble du territoire et permet d’acheminer l’internet dans des zones plus reculées du pays. •par des systèmes satellitaires pour les zones les plus reculées, comme par exemple les plateformes offshore. La bande passante de ces systèmes est extrêmement chère et peut présenter certaines restrictions techniques. La fibre optique est plus chère et plus contraignante à déployer que la 3G/4G alors quel est son avantage ? Sans rentrer dans les détails techniques, l’avantage principal de la Fibre est qu’elle permet des débits 20 fois plus élevés que la 4G, et même plus. Elle offre aussi une grande fiabilité. Par exemple, la connexion par fibre optique est insensible aux intempéries. Cependant, il faut aussi noter qu’au-delà de l’accès internet et de sa vitesse, la qualité des réseaux internes dans les entreprises congolaises n’est pas toujours de bonne qualité. Justement, quels sont les problèmes des entreprises congolaises concernant leurs réseaux informatiques? Ce que nous constatons, c’est que beaucoup de réseaux d’entreprises sont vétustes et ne répondent plus forcément aux normes en vigueur. La plupart

12

BRAZZAMAG

Que peut-on faire pour optimiser la performance des réseaux en entreprises ? Généralement nous préconisons des audits du réseau par des ingénieurs experts. Ces audits permettent d’avoir une vue d’ensemble du réseau et de proposer des solutions globales et sur mesure pour améliorer la performance. Souvent, les audits concernent des réseaux multi-sites pour lesquels les entreprises, les banques par exemple (sièges, agences, directions régionales), cherchent à avoir un réseau homogène, traité comme un ‘one network’. Avec les contraintes d'infrastructure au Congo comment faites-vous pour garantir la disponibilité du service chez vos clients? Nous proposons à nos clients des systèmes à solutions multiples (fibre optique, satellite, faisceau hertzien). En cas de coupure de la liaison principale, on peut facilement basculer sur une liaison de secours. Le passage se fait de façon automatique. Nous investissons aussi énormément dans notre infrastructure pour la rendre toujours plus robuste et performante. Quels sont vos projets à court, moyen et long terme ? Continuer à déployer notre propre réseau de distribution de fibre optique dans le reste du pays. Proposer de plus en plus de bande passante à nos clients. Fournir des solutions de connectivités multi-sites, interconnecter les sites avec l’internationale dans des réseaux privés et sécurisés,… Nous souhaitons également proposer de plus en plus de services à valeur ajoutée autour de l’internet comme les solutions cloud ou de vidéoconférence, … L’objectif est d’offrir des réseaux modulaires, évolutifs, agiles et répondant aux besoins de nos clients pour développer leurs activités opérationnelles avec succès. Enfin, pensez-vous qu’un jour la connexion par fibre optique pourra se démocratiser afin que même les particuliers puissent y accéder ? Aujourd’hui, nous fournissons déjà aux particuliers des services internet sur fibre optique à des coûts qui rivalisent avec ceux des services 3G/4G. C’est déjà une réalité au Congo. Le nombre de personnes reliées à la fibre optique dans les années à venir ne va faire qu’augmenter, c’est une certitude.


OFIS répond aux enjeux réseaux & télécoms des entreprises Audit de performance et d’infrastructure Optimisation WAN & interconnexion

AUDIT

Sécurité des réseaux

CONTRÔLE, SUPERVISION & SÉCURITÉ

(Pare-feu, VPN, prévention des intrusions, antivirus, antispyware, antispam, filtrage web)

Interconnexion de sites

INTERCONNEXION

(WAN, MPLS)

Vidéoconférence, collaboration, téléphonie

COMMUNICATION UNIFIÉE

Infrastructures réseaux

pour Data Center, routage, commutation, réseau Wifi.

INGÉNIERIE RÉSEAUX

INTERNET BUSINESS SOLUTION

FAI multi-technologies

Nos

engagements

FIABILITÉ, STABILITÉ & PERFORMANCE • Répondre aux exigences de performance des collaborateurs, clients et partenaires. • Tendre vers 100 % de disponibilité. • Protéger contre les menaces et ruptures de service.

319, Avenue Charles de Gaulle POINTE-NOIRE

SIMPLICITÉ & ÉVOLUTIVITÉ • Simplicité des architectures. • Simplicité des déploiements. • Assurer l’évolutivité des systèmes face aux technologies émergentes.

(+242) 06 600 0000 info@ofis-technologies.com www.ofis-technologies.com

SUPPORT • Support technique performant et disponible. • Solides engagements de qualité de service sur le rétablissement et la disponibilité des infrastructures.

105, Boulevard Denis Sassou Nguesso BRAZZAVILLE

13 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

Photo : Skyvision media

sur la route de Djambala Brazzamag s’est rendu à Djambala, dans le département des plateaux, à 360 km de Brazzaville, avec la compagnie Océan du Nord. Voici le récit d’un périple, entre routes abimées, boue, marchés aux légumes et passagers narcoleptiques. Par Antoine Rolland

P

our se rendre à Djambala en partant de Brazzaville, il existe plusieurs options. Avoir sa propre voiture, une solution bien confortable surtout au niveau des horaires, mais risquée en saison des pluies. Sinon il y a les transports en commun. Certaines compagnies informelles proposent de voyager en Coaster. Le départ se fait devant la pharmacie de Mikalou à bord de petits bus, pleins à craquer. Marchandises et passagers y sont entassés comme des sardines. Pour ceux qui préfèrent miser sur la sécurité, il est préférable d’emprunter la compagnie Océan du Nord, qui propose des trajets Brazzaville-Djambala deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi. Les bus partent de la gare routière de la compagnie à Mikalou. Il faut réserver ses billets et enregistrer les gros bagages la veille. Cela permet un chargement rapide du bus pour un départ à l’heure. 9h, le bus quitte les lieux, pour se fondre dans les embouteillages. Il est relativement rempli, seules quelques places sont inoccupées au fond. Mon voisin, malade, dort déjà. Premier arrêt au poste de péage de Kintélé, à la sortie de Brazzaville : les occupants sont invités à sortir pour présenter leur livret. « Pourquoi ce n’est pas la police qui monte, demande mon voisin, agacé d’être réveillé. Ce serait plus rapide.» Cette pause est bienvenue : au bout d’une heure, le manque d’espace pour les jambes se fait sentir. Ça fait du bien de les dégourdir. Reprise du trajet quelques minutes plus tard. Les dernières habitations de la capitale disparaissent derrière les collines vertes. Le bus s’engage sur la RN2, en direction du nord. C’est à ce moment que les choses se compliquent. Précisément à partir de la localité de Nkouo. La route est impraticable, une déviation nous fait emprunter les chemins sinueux du village. « Heureusement qu’il ne pleut pas », lance un passager. De retour sur la RN2, on pense que le cauchemar est fini. Ce n’est en fait que le début d’un enchaînement de nids de poules et de slaloms. L’occasion d’apprécier les prouesses du conducteur. Agrippé à son volant, il anticipe les embuches, prévient les pièges, mène son embarcation comme un capitaine en pleine tempête. Le bus penche à droite puis à gauche, semble être à deux doigts de se renverser, mais il finit toujours par se redresser. Quelques crevasses sont parfois abordées de manière hasardeuse. Il faut alors descendre vérifier l’état des pneus. Le conducteur du jour s’appelle Rodrigue. Il connait bien la ligne, il la pratique quatre fois par semaine depuis deux ans. « Il ne faut pas aller trop vite, conseille-t-il. Et surtout garder l’équilibre : il est préférable d’engager les deux roues en

14

BRAZZAMAG

même temps dans le trou, pour éviter de rester embourbé. » Nous ne dépassons jamais les 45 km/h, selon les estimations faites par mon voisin entre deux siestes. La végétation se fait de plus en plus dense. Les villages se succèdent, et semblent identiques, avec leurs écoles, leurs étals de fruits et manioc, prêts à être vendus si jamais le bus fait une halte. Car le bus est aussi l’occasion, pour de nombreuses mamans, de se ravitailler. C’est le cas de Chantal. A chaque arrêt elle se penche à la fenêtre, manquant de faire tomber son bob. « Je n’aurai pas le temps d’aller faire les courses en arrivant, explique cette fonctionnaire. Et puis c’est moins cher qu’à Brazzaville ». Elle va rendre visite à ses parents à Djambala. « C’est bien plus simple qu’à l’époque de la piste, où il fallait presque deux jours », se souvient-elle. Le ravitaillement se fait également à l’intérieur du bus. Entre Odziba et Inga, un employé de l’Océan du Nord monte à bord. C’est connu, toute bonne compagnie aérienne propose lors de ses vols d'achat de tabac, parfums et alcools. Dans le bus, on reprend le principe, saut que ce sont des crèmes contre l’urticaire, les démangeaisons, les champignons ou la perte de cheveux (produits qui, miracle, vont sortir mon voisin de sa torpeur.) Au bout de quatre heures, le bus sort du Pool, pour longer la réserve de la Léfini. La route est désormais meilleure, le paysage change à mesure que nous prenons de l’altitude. La savane légèrement boisée apparait. En haut d’une montagne est niché un rocher dont l’érosion a aplatit le sommet. « Un point de repère dans la région », me dit Fabrice avec qui je partage quelques arachides. Ce jeune homme de 27 ans est professeur d’histoire géographie. C’est la première fois qu’il est muté hors de Brazzaville, en milieu rural. « On m’a dit que l’école est très petite. Le toit est en tôle, je risque d’avoir souvent très chaud. » Mais il relativise : « au moins je vois du pays, et ce n’est que temporaire. » Djambala n’est pour lui qu’une escale. Il lui reste quelques heures de bus lundi pour atteindre la frontière gabonaise. Dernier arrêt à Ngo. Tout droit, c’est la Cuvette et le nord du pays. Le bus prend à gauche en direction des plateaux. Il repart, s’arrête pour attendre Chantal qui lui court après, les bras chargés de maïs. Puis il accélère sur une route en meilleur état. Après plus de 7 longues heures de routes, le bus s’arrête à la gare routière de Djambala, au grand soulagement de tout le monde. « Déjà ? », lance mon voisin en sursautant.


www.cg.total.com Par rapport à un carburant non spécifiquement additivé. Tests réalisés en avril 2015. Les résultats peuvent varier en fonction du type de véhicule. Plus d’informations sur total.cg

15 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

TOUS EN SELLE ! CLUB Hippique DE BRAZZAVILLE Fondé en 1946, le Club Hippique est l’une des plus vieilles institutions du genre de la capitale congolaise. Erigé en association à but non lucratif, il est géré par Corinne Rodriguez. Ce lieu dédié au sport équestre est situé au cœur d’un grand espace entouré d’arbres entre l’IFC (ex-CCF) et le stade Marchand. Doté d’une vingtaine de chevaux ce centre compte également un joli poney dédié aux enfants. Par Antoine Rolland.

Photo : Skyvision media

L

es chevaux du Club Hippique font l’objet d’une attention particulière. Soins spécifiques et beaucoup d’attention sont nécessaires à leur bien être. Ils sont suivis par un vétérinaire et soignés au quotidien par des palefreniers expérimentés. Bref ! Leur quotidien n’a rien à voir avec les chevaux « touristiques » sur lesquels on grimpe pour se prendre en photo. Il faut savoir que, pour être monté, un cheval doit d’abord être débourré. Il s’agit de le mettre en confiance avec le matériel, tel que la selle ou le filet et l’habituer progressivement à avoir un cavalier sur le dos. Vient ensuite l’étape du dressage, un art qui se définit comme la mise en scène du couple cheval-cavalier. Cela se fait sans contrainte et plutôt en douceur. Le Club Hippique veille à fournir à ses cavaliers d’excellentes montures et les meilleurs coachs. « La mission principale, du centre est de dispenser des cours d’équitation de qualité » insiste Corinne Rodriguez qui précise que « plus on est jeune, mieux c’est pour acquérir les techniques de base qui font que l’on devient un excellent cavalier », cela dit on apprend à tout âge. « C’est bien de commencer tôt. Au début, j’étais trop légère, et mes jambes n’étaient pas assez longues. Maintenant, ça va. J’adore ça ! Témoigne Sophie qui monte à cheval depuis quatre ans. C’est une discipline exigeante. Il faut arriver à ne faire qu’un avec son cheval et à s’adapter. On ne monte pas de la même manière un grand étalon, une jument docile ou un jeune cheval».

16

BRAZZAMAG

L’équitation est une discipline qui s’appuie aussi bien sur l’exercice physique que sur le mental. Les deux vont de paire si l’on veut réussir. A terme, le cavalier et son cheval ne font plus qu’un, grâce à cette complicité qui les lie. Un club pas comme les autres… Le Club Hippique de Brazzaville a ainsi formé de nombreux cavaliers au fil de ses 70 ans d’existence. Corinne y partage son amour pour les étalons et adapte la formation dispensée selon l’âge et le niveau de chacun. Cet endroit unique du genre est un lieu paisible et agréable où chevaux côtoient différents animaux : des chiens, des chats, des canards…. Olivier est membre depuis longtemps : « Le Club est notre seconde maison. Les chevaux sont magnifiques, et bien dressés. Lorsque nous fréquentons d’autres Clubs, pendant les vacances, par exemple, nous réalisons que nous avons un très bon niveau ici. Et nous aimons nos chevaux ». À Brazzaville, comme dans les meilleurs clubs, ce sont les cavaliers qui préparent leurs chevaux, qui les sellent, qui les bouchonnent ensuite. Le Club Hippique héberge aussi l’un des meilleurs clubs d’arts martiaux, Judo et Aïkido, où l’on peut commencer dès l’âge de 8 ans. Infos pratiques : Infos : Ouvert du lundi au samedi. Fermé le dimanche.


17 BRAZZAMAG 17 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

DÉCRYPTAGE Les charges locatives B.A.BA (qui paie quoi ?)

Le propriétaire paie les charges de l’immeuble ou de la maison. Mais il a le droit d’obtenir le remboursement de certaines dépenses du locataire.

Leader sur le marché immobilier congolais, GESTRIM OCEAN accompagne ses clients dans la transaction et l’administration de biens et se positionne comme référence pour toutes informations sur les nouveautés dans ce secteur. "Brazzamag" partage avec ses lecteurs, l’actualité, les conseils de ce professionnel de l'immobilier afin de vous accompagner dans vos projets.

LA LÉGISLATION

Du nouveau dans la législation

Voici les textes à retenir concernant la restitution du dépôt de garantie selon la loi 37 du 31 décembre 2012 portant sur la réglementation de la location à usage d’habitation. Art. 39 : Le dépôt de garantie n’est pas productif d’intérêt .Il sera remboursé en fin de bail au preneur, déduction faite des réparations locatives et autres sommes pouvant être dues pour quelque cause que ce soit. Art 80 : Lorsque le logement comporte des défauts graves, imputables au locataire, dûment constatées par les parties, le bailleur utilise le dépôt de garantie pour effectuer toutes les réparations nécessaires.

CONSEIL IMMO PÉRIODE DE PRÉAVIS Pendant la période de préavis, le locataire est redevable du loyer et des charges que ce soit lui qui ait notifié le congé, ou le bailleur. Il peut y avoir accord si le logement se trouve reloué avant la fin du préavis à un nouveau locataire. Entre-temps, le propriétaire ou son représentant peut faire visiter les lieux aux locataires potentiels.

18

BRAZZAMAG

L

es charges locatives, c'est-à-dire les charges récupérables sur le locataire par le bailleur, sont une source fréquente de litiges. Avec des textes de lois peu précis, une bonne connaissance des principes et pratiques permet de prévenir les contentieux. Une distinction doit être faite entre : •Les travaux et réparations locatives qui doivent être directement engagés et payés par le locataire. •Les charges locatives proprement dites, engagées et payées par le propriétaire, puis récupérables ensuite sur le locataire. La liste des charges dites « récupérables » n’est pas fixée par la loi 37 du 31 décembre 2012, elle doit donc être définie dans le contrat de bail, ou ses avenants. Le bailleur peut demander le paiement des charges sous forme de provisions, c’est-à-dire des avances mensuelles calculées sur une estimation des dépenses d’entretiens et de consommations SNE, SNDE gasoil. Elles sont payables chaque mois, en même temps que le loyer, et le locataire ne peut refuser de les régler. Calculer les charges dues par le locataire La récupération des charges ne peut pas être forfaitaire, car le propriétaire doit fournir les justificatifs (sauf si le logement est loué de manière saisonnière. Toutefois, deux solutions s’offrent à lui : • demander le versement d’une provision pour charges au locataire, par exemple tous les mois ou tous les trimestres, à condition de les régulariser chaque année. • se faire rembourser les charges qu’il a payées en soumettant au locataire les justificatifs, une fois qu’il les a en sa possession. Si le locataire a versé des provisions supérieures au montant réel des charges qui lui incombent, il doit être remboursé. S’il n’a pas payé suffisamment, il doit régler le complément au propriétaire. Exiger un décompte et des pièces justificatives des charges locatives ! Un décompte des charges locatives doit être adressé au locataire un mois avant la régularisation annuelle. Les pièces justificatives des charges, comme les factures correspondant aux dépenses ou les contrats de fournitures pour l’immeuble, doivent être tenues à la disposition du locataire pendant six mois après l’envoi du décompte des charges. Le locataire a en effet le droit de contrôler

lui-même les charges. S’il n’en reçoit pas le décompte ou s’il n’est pas autorisé à consulter les justificatifs, il peut s’abstenir de payer le supplément de charges que lui réclame le propriétaire lors de la régularisation, le cas échéant. Par ailleurs, le propriétaire dispose d’un délai de trois ans pour réclamer les impayés. Le même délai s’applique au locataire pour demander le remboursement de sommes versées à tort. Payer ses charges Même si le locataire n’a pas eu à sa disposition l’intégralité des équipements ou des services prévus, il doit payer les charges au propriétaire. Peu importe, donc, que le groupe électrogène ait été en panne ou que la climatisation fonctionne mal, les charges relatives à ces équipements doivent quand même être réglées. Toutefois, le juge peut admettre que le locataire ait cessé de payer une partie des charges lorsqu’il ne pouvait plus utiliser le logement conformément à la destination prévue dans le contrat de bail, parce qu’il est inhabitable ou ne correspond pas aux conditions de décence prévues par la loi. Mais, même dans ce cas, il est plus prudent de mettre en demeure le propriétaire de remédier à ces problèmes avant de suspendre le paiement. Ne pas régler les charges, tout comme le loyer, expose en effet le locataire à la résiliation du bail si une clause résolutoire le prévoit dans le contrat ou si le juge le décide. Liste des charges récupérables auprès du locataire • Eau chaude et climatisation : consommation d’énergie ; entretien des conduits et des unités intérieures et extérieures. • Ascenseurs : électricité consommée ; entretien et petit dépannage. • Production d’eau : eau consommée par les occupants; eau consommée pour l’entretien des parties communes et espaces verts ; • Hygiène : poubelle; frais de personnel (déchets, entretien). • Équipements divers : entretien d’une antenne collective ; • Parties communes : matériel et produits d’entretien; frais d’entretien; éclairage extérieur; désherbage ; peintures et menues réparations, changement d’ampoule. La rémunération du gardien reste également récupérable


CHRONIQUE

IMMOBILIER LA LOCATION MEUBLÉE Depuis une dizaine d’années, la demande de logements meublés ne cesse de croître. Ainsi dans les deux grandes agglomérations, les deux et trois pièces sont très prisés par les sociétés pour leurs salariés et les professionnels en situation de mobilité. Dans le parc locatif privé, elle représentait 22 % en 2016. La directrice générale de Gestrim Océan, Esther Deboulet répond à nos questions. Par Sylverène Ebélébé

4QUESTIONS A ESTHER DEBOULET

minima et d’ajouter les équipements les plus attendus et recherchés par les locataires : Internet, linge de maison, lave-linge, lave-vaisselle, télévision… autant d’éléments en pratique indispensables qui vous permettront de louer au meilleur prix. A noter que les meubles ne doivent pas obligatoirement être neufs. Le bailleur doit par contre s'assurer qu'ils soient en bon état d'usage et de réparation tout le long de la location. Il devra les réparer ou les remplacer au besoin, à l'exception des meubles dégradés par le locataire dont celui-ci devra assumer la réparation ou le remplacement.

3

Quelle est la différence avec une location vide (durée du bail, charges locatives, prix du loyer, régime fiscal...) ?

1

Crédit photo : Robert Nzaou

Qu'est ce que la location meublée ?

Le logement meublé est un logement décent équipé d'un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d'y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie

courante.

2

Quels sont les équipements "obligatoires" dans une location meublée ? Le caractère meublé du logement ne doit pas être pris à la légère, bien qu’aucun décret ne fixe la liste minimale des meubles qui doivent être fournis au locataire, iI est primordial de parfaitement meubler et équiper votre logement. Le logement loué en meublé doit comporter au minimum, dans les espaces destinés au sommeil une literie complète et un dispositif d’occultation des fenêtres ; dans la cuisine, tous les éléments nécessaires à la préparation et à la prise des repas (plaques de cuisson, four ou micro-ondes, réfrigérateur, vaisselle, ustensiles de cuisine) ; et bien sûr table et sièges, étagères de rangement, luminaires et kit d’entretien doivent être mis à disposition dans le logement. En revanche, le linge de maison (draps, serviettes de toilette, torchons...) n'est pas à fournir. Cependant, il est recommandé de ne pas se contenter de cette liste a

Les revenus provenant de la location meublée, même réalisée à titre occasionnel, sont imposés au titre des bénéfices industriels, commerciaux et artisanaux, non dans la catégorie des revenus fonciers. En signant un bail meublé, le propriétaire ne s’engage que pour un an renouvelable par tacite reconduction, contre trois ans pour une location nue. De plus, au terme du «bail meublé», il peut donner congé à son locataire et reprendre le bien pour y loger un parent (descendant ou ascendant) ou le vendre. Le locataire ne bénéficie pas - à la différence de la location nue - d’un droit de priorité pour acheter. D’autre part, le délai de préavis pour donner congé au locataire se limite à trois mois avant la fin du bail contre six mois en location vide. Le bailleur peut aussi pratiquer un loyer d’environ 15 % plus élevé que dans une location nue.

4

Quelles sont les contraintes de la location meublée ?

La location meublée, encore plus dans le cas de la location saisonnière, demande beaucoup de temps car il faut s'occuper plus fréquemment de la rotation des locataires, de l'entretien du bien et des meubles. La location classique ne nécessite pas ces investissements et permet de trouver des locataires plus stables, notamment des jeunes couples ou des familles qui vont faire reculer la vacance locative en assurant un revenu pérenne.

19 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

Investir

business Angels A QUAND LEUR EMERGENCE EN AFRIQUE FRANCOPHONE? Beaucoup de start-up Africaines se trouvent dans une situation intermédiaire en terme de financement : elles sont trop grandes pour obtenir des microcrédits, mais trop petites pour avoir accès aux crédits ou capitaux des institutions financières et fonds d’investissements. Selon la Banque mondiale, sur les 40 millions de PME africaines, tous secteurs confondus, 22 millions n’auraient pas accès ou pas suffisamment accès aux services de financement. Pour aider les entreprises en phase de démarrage à obtenir des fonds, une série de nouvelles options de financement créatives sont en train d’émerger en Afrique. Parmi celles-ci figurent les investisseurs providentiels – plus connus sous le nom de business Angels. Par Regis Matondo, Associé chez ARIES Investissements

U

n business Angel (littéralement ange d'affaires, appelé aussi « investisseur individuel ») est une personne physique qui investit à titre individuel dans le capital d'une entreprise innovante, à un stade précoce de création ou en début d’activité (à « l'amorçage »), période la plus risquée de l'investissement, et met à disposition ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps pour accompagner l’entrepreneur ou l’équipe dirigeante. En 2016, environ 77 start-up issues du continent africain sont quand même parvenues à lever 366,8 millions de dollars auprès d’investisseurs. Ces chiffres sont basés sur les levées de fonds supérieures à 200 000 dollars auprès de business Angels, révélant ainsi la forte concentration de ces gros financements sur trois pôles géographiques : au Nigeria dans la « Yabacon Valley », au Cap en Afrique du Sud et au Kenya dans la « Silicon Savannah ». Seuls 10 % de ces financements ont été captés par des start-up francophones, essentiellement au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, au Maroc et en Tunisie. Une culture à développer Cette culture s’est principalement développée dans les pays d’Afrique Anglophone, où les business Angels africains sont généralement des hommes et femmes d’affaires prospères, qui souhaitent apporter leur aide en retour. Ils ne veulent plus seulement effectuer ponctuellement des dons de bienfaisance, mais investir dans des entreprises susceptibles de se développer et d’avoir un réel impact positif sur la société. Ils viennent combler un manque en fournissant du capital et un mentorat à des entreprises qui peinent à obtenir des financements par les canaux traditionnels comme c’est le cas de Tomi Davies au Nigeria qui est à la tête de l’African Business Angel Network et qui multiplie les investissements dans des start-up locales. Il cherche ainsi la prochaine innovation africaine dans laquelle il pourrait investir. Avec ces financements alternatifs, nombre d’entrepreneurs en Afrique démarrent leur activité et augmentent leur rentabilité. Il y a donc bien en toile de fond, un aspect culturel, lié à l’émergence des Business Angel sur le continent. En effet le profil des business

20

BRAZZAMAG

Angels en Afrique Anglophone est souvent le même : D’anciens ou actuels chefs d’entreprise, ou cadres supérieurs, disposant d’un certain patrimoine et d’une expérience solide dans le domaine des affaires. Ils bénéficient de compétences, de relations mais également d’un patrimoine financier. Ils ressentent le besoin d’aider et de passer le relais à de jeunes créateurs d’entreprises prometteuses. Mais en Afrique francophone, cette pratique n’attire pas encore les foules. En effet, la situation économique et le tissu entrepreneurial des pays d’Afrique francophone ne permet pas encore de mettre en lumière ce type de financement. Le nombre de TPE et surtout d’établissements est encore trop important. Les potentiels investisseurs ayant des fonds assez importants pour investir, préfèrent les utiliser à leur divers loisirs et plaisirs ou investir hors d’Afrique. Perspectives Bien qu’en retard l’Afrique francophone n’est pas en reste. De nombreuses initiatives voient le jour, principalement en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, en Côte d’ivoire, au Mali ou encore au Bénin. Des initiatives sont mises en oeuvre pour bousculer le statut quo, comme au Cameroun, un pays à la fois francophone et anglophone, où des investisseurs individuels motivés ont permis la création du Cameroun Angels Network. De même, le continent étant porté par l’Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria et le Ghana, pionniers dans ce domaine, voit apparaitre de plus en plus de réseaux de business Angels. De fait, de petits sites internet et organisations tels qu’Africangels, African Business Angels Network ou Ivoire Business Angel se développent pour mettre en relation des start-up et de potentiels investisseurs. La nouveauté avec ces Business Angels Francophones est qu’ils viennent élargir les groupes de financement des start-up en plusieurs écosystèmes entrepreneuriaux. Sur le modèle des réseaux de business Angels Anglophones, non seulement ils augmentent les chances des start-up de réussir, mais aussi la masse critique de business Angels qui peuvent développer un secteur fort dans leurs écosystèmes start-up. Cette dynamique devrait permettre à de nouvelles vagues de start-up de faire surface. La clé est donc le développement de réseaux de Business à travers le monde aussi bien francophone qu’Anglophone, de travailler ensembles sur des activités allant de la recherche à l’établissements de standards professionnels, permettant enfin aux réseaux africains de puiser dans cette communauté mondiale d’investisseurs expérimentés. Ainsi donc, si la tendance est à l’apparition de nouveaux réseaux de Business Angels dans toute l'Afrique, ceux-ci ne permettront pas à eux seuls de combler le manque de capital et de crédits pour les S start-up Africaines. Néanmoins, ils commencent à se tourner vers les start-up et les entreprises intermédiaires en les aidant à se lancer et, une fois qu’elles sont mieux établies, en leur permettant d’accéder aux financements traditionnels. Grâce à cette nouvelle source de financement associée à trois éléments cruciaux qui sont : le mentorat, la bonne gouvernance et l’engagement social, les business Angels ont l’opportunité de faire une différence significative dans les économies africaines.


21 BRAZZAMAG


DOSSIER

Photo : Skyvision media

DOSSIER

mode : nos trésors cachés 22

BRAZZAMAG


DOSSIER

22 SOMMAIRE DOSSIER 26 32 34 38 42 44 46

RAPHIA, UN TRÈSOR NATIONAL CES ANCIENNES USINES DISPARUES; 8 STYLISTES À DÉCOUVRIR RENCONTRE AVEC ADRIANA TALANSI Crédit photo : Ricardo Kta gagnant du concours photo "L'Afrique qui gagne" organisé PROFESSION TOP MODEL par AFROPX et Paris Match. PORTRAIT : ALEXIA FERLINE TAGGADA : SHOPPING EN LIGNE 23 BRAZZAMAG


DOSSIER

LE PAGNE,

CE TISSU VENU D'AILLEURS Aujourd’hui, il est l’un des tissus les plus prisés en Afrique subsaharienne. Le pagne cartonne sur le continent et depuis ces dernières années sur les podiums des plus grands couturiers internationaux et des jeunes créateurs outre mer. Focus sur l’histoire tissus en coton haut en couleur. Par Sylverène Ébélébé.

Photo : Skyvision media

B

ien qu’il soit très populaire en Afrique, contrairement à ce que l’on croit, le pagne n’est pas un tissu proprement africain. Il serait originaire de l’Indonésie. En effet, à la fin du XIXe siècle, des colonisateurs anglais et hollandais installés en Indonésie s’inspirent du batik javanais teint à l’aide de la cire, un procédé permettant de mieux fixer les couleurs pour créer de l’étoffe avec des motifs très colorés. D’où le nom “wax”, “cire” en français. Le tissu plaît aux soldats ghanéens combattants pour les hollandais. Au moment de rentrer chez eux, les militaires remplissent leurs valises du nouveau textile pour l’offrir à leurs femmes. Ces dernières sont conquises par les couleurs vives et les dessins et se l’approprient. C’est ainsi que la première maison de confection Vlisco voit le jour. Les fabricants européens exportent le tissu vers le Ghana, devenu le premier détenteur du marché dans toute l’Afrique de l’Ouest. Peu à peu, le marché du pagne se répand dans le monde entier. Près de 120 millions d’Africains le portent au quotidien ou occasionnellement. Le pagne et ses déclinaisons Au Congo, où la mode est très influencée par le style européen, la population s’inspire des tendances en vogue dans les magasins pour se faire

24

BRAZZAMAG

faire des vêtements en pagne : “Pendant longtemps, la femme Congolaise préférait acheter du prêt-à-porter que de coudre des tenues en pagne faute de “bon” couturier. Contrairement à l’Afrique de l’Ouest, notre pays n’a pas d’école de couture. Ce qui fait que les dames sénégalaises ou béninoises par exemple valorisent plus le pagne que nous ” affirme Clémence Batchi, propriétaire de la boutique Manne Cachée Distribution située à Pointe-Noire. En effet, à Pointe-Noire et à Brazzaville, la majorité des détenteurs des boutiques de pagne sont originaires de l’Afrique de l’Ouest ( Bénin, Sénégal, Mali…). Un vendeur au grand marché de Pointe-Noire sous anonymat raconte : “il existe différents types de pagnes tous produits par l’enseigne Vlisco implantée en Hollande : “super wax”, “wax”,”java”, “suprême wax”, “Uniwax”, et “Woodin”. Le “super wax” est la meilleure qualité de pagne et c’est le plus cher ! Il est fabriqué à base de matières premières tandis que les autres sont faits avec les résidus”. Outre le “super wax”, “Woodin” séduit aussi de plus en plus de clients notamment en Côte d’Ivoire où se trouve la société de production. “Woodin propose des imprimés dans l’air du temps” précise Clémence Batchi avant de compléter “avec du Woodin on peut facilement faire du prêt-à-porter


(jupes, robes, chemises, pantalon…) mais aussi des accessoires et des tenues stretch (tee-shirts entre autres...) tandis que le super wax et le wax serviront surtout à des tenues traditionnelles ou à des modèles anciens (ensemble trois pièces *) ”. Mais, Vlisco n’est pas le seul fabricant sur le marché, plusieurs entreprises en Inde, en Chine, au Ghana et au Bénin confectionnent aussi du pagne. Certaines imitent des modèles de Vlisco tandis que d’autres proposent de nouveaux genres. Populaire et incontournable Véritable symbole culturel et identitaire, chaque modèle de pagne porte un nom différent en fonction des pays en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Ces appellations sont définies par les consommateurs en fonction des motifs dessinés sur le tissus dont les formes font allusion aux objets de la vie quotidienne (oignons, biscuits, clés..), aux relations conjugales ou encore à la tradition locale. “Les gens ont pour habitude d’associer le Congo à la sapologie mais ce mouvement vestimentaire n’est basé sur aucun élément qui relève de notre culture alors que le pagne s’identifie à l’Afrique, il s’inspire d’elle” souligne le Président de la chambre du commerce de Pointe-Noire, Didier Mavouenzela avant de compléter “la culture permet d’avoir un avantage sur les autres, de constituer une force”. Popularisé à travers la mode (défilés, fashion week…), le pagne est incontournable pour les cérémonies coutumières tels que les mariages, les deuils mais aussi pour les galas. En 2015, aux Etats-Unis dans le New Jersey une lycéenne, Kyemah McEntyre avait suscité l’admiration des internautes en arrivant à un bal de promo avec une robe dont elle avait elle même conçue le design. Sa création confectionnée avec le tissus “Ya Mado” lui a ouvert les portes de la prestigieuse école américaine Parsons The New School for Design de New-York. Depuis, la jeune étudiante a dessiné des robes pour des célébrités telles que Naughton du groupe R&B 3LW aperçue sur le tapis rouge des Black Entertainment Television (BET) Awards en juin 2015 avec une robe jaune en “Ya Mado.” “Il y a une nouvelle classe de jeunes stylistes qui essaient de faire vivre le métier de couturier au Congo en proposant autre chose que ce que l’on trouve à la friperie grâce à l’utilisation du pagne” affirme Didier Mavouenzela. “Depuis que le pagne a été aperçu sur des célébrités, de plus en plus de personnes ont repris goût à le valoriser davantage. Dernièrement, un papa est venu acheter une pièce pour fabriquer des robes sur-mesure que ses trois petites filles porteront à Noël. Cela faisait longtemps que je n’avais plus vu ça” révèle Clémence avec un élan de joie et de fierté ! “Aujourd’hui, on voit de plus en plus de fillettes avec des vêtements en pagne et c’est très beau” ajoute cette Congolaise habituée à s’habiller “avec le tissu de chez elle” depuis son enfance.

Photo : Skyvision media

Cette étoffe légendaire aux multiples couleurs -plus claires en Afrique centrale et plus sombres en Afrique de l’Ouest- sert également à véhiculer un message lors de campagnes électorales, ou pour un événement particulier (journée de la femme, fête nationale, lancement d’une marque…). Ensemble trois pièces* : une blouse, deux carrés de pagne nouées autour de la taille, et un foulard attaché sur la tête.

Le choix de vos tissus c'est chez

TOPCHINE 24, rue Moutelemo ligne 1, grand marché, Pointe-Noire, République du Congo. Tel : + 242 04 441 8722 +242 06 680 9251 Mail : topshinepointenoire@gmail.com

25 BRAZZAMAG


DOSSIER

LE RAPHIA, Un trésor national

Le raphia est le tissu patrimonial du Congo. Vêtement traditionnel du peuple téké, porté par les notables de l’ethnie, il est aujourd’hui utilisé surtout lors de cérémonies traditionnelles. Si son âge d’or est derrière lui, le raphia n’a pas dit son dernier mot : certains vivent encore de sa production, quand d’autres essaient de lui donner un nouveau souffle. Par Antoine Rolland.

Photos : Skyvision media

L

es hauts-plateaux tékés, à 600 mètres d’altitude, abritent un microclimat. La température y est plus douce, et l’air plus sec. Les pluies sont plus violentes que dans le reste du pays. C’est un paysage de savanes à perte de vue, d’herbes hautes entrecoupées de petites forêts légèrement boisées. Un lieu idéal pour les raphias, le palmier dont les fibres composent le tissu du même nom.

A Djambala, ils sont moins de cinq, contre plus d’une vingtaine il y a cinquante ans. Matié Ngapo a vécu cette époque, celle où la ville de 8 000 habitants n’était qu’un village de quelques centaines d’âmes. Lui-même est en train de laisser tomber son activité. Son métier à tisser, qui trône au milieu de sa maison, n’a plus servi depuis des mois. « Je souffre au bras droit, je ne peux plus tisser correctement, explique-t-il en lingala.

Nous sommes la prochaine génération,

Chez les Tékés, le « nzimba » ou « ndzouoSon père était tisserand, comme prédit-il. Celle qui va permettre au ses aïeuls avant lui. Son fils aîné, en na » est plus qu’un vêtement. C’est un trésor national. Il fut même à une époque revanche, ne semble pas prêt à reraphia d’aller plus loin. l’équivalent d’une monnaie d’échange, noprendre l’affaire. « Si j’étais sûr de pou-Eric Kanga tamment avec les M’bochis au nord. Ses voir les vendre, je me lancerais volontisserands étaient hautement respectés. Le tiers, explique ce transporteur routier. pagne était réservé surtout aux nobles et aux notables. Mais je préfère travailler dans un domaine qui me rapporte plus d’argent». Exclusivement des hommes. Mais l’introduction par les colons des proA Djambala, le commerce se fait principalement avec le sud et Brazzaville. ductions en coton à partir des années 1930 a relégué le raphia au second Or la demande reste faible. Le district Lékana, à une heure au nord, tire en plan. A tel point que le nombre de tisserands diminue dangereusement revanche son épingle du jeu. De jeunes producteurs se lancent dans les dans la région. villages, grâce à la demande gabonaise de plus en plus forte. Mais il s’agit là d’une exception. Un savoir-faire abandonné par les jeunes Une conception chronophage

26

BRAZZAMAG


DOSSIER

Les jeunes hésitent également à se lancer par manque de temps. La confection d’un seul pagne nécessite des jours. Basile Okawa est un retraité du CHU qui vit à Brazzaville. Pour tromper l’ennui, cet originaire des plateaux s’est remis au tissage, attiré par la magie du tissu aux teintes jaune ivoire et au toucher rêche. « Regardez comme c’est beau, lance-t-il admiratif en touchant l’une de ses réalisations. Pendant 30 ans, je n’ai rien fait. J’étais contraint d’abandonner, car c’est un fait : tisser n’est pas compatible avec une vie professionnelle. » La première étape est celle du tressage : il faut d’abord séparer chaque fibre à la main, une par une, avant de les croiser, à l’aide d’un petit objet appelé « moukoki ». Vient ensuite le moment du tissage. Là encore les instruments sont rudimentaires. Une barre en bois maintenue au sol par des anneaux de fer, au plafond, une autre barre de bambou maintenue par des cordes. Basile y accroche les tiges, de sorte qu’elles soient tendues au maximum. Puis avec un instrument, le « moutsoumou », il passe des tiges, une par une, pour resserrer le plus possible les points. « Cela demande une grande patience, affirme Basile. Et une grande concentration : il ne faut penser qu’au raphia, sinon c’est raté. » Il faut au moins quatre heures pour confectionner un carré de tissu standard de 40 sur 40 centimètres.

Il faut un investisseur. Quelqu’un qui est prêt à en faire la publicité. -Eric Kanga Au total presque trois à quatre jours sont nécessaires à la production d’un pagne complet, composé en général de neuf à douze pièces standard. Une difficulté qui permet de sélectionner les apprentis : « J’ai tenté d’apprendre à une soeur, raconte-t-il. Elle n’est pas allée jusqu’au bout. C’est dommage, elle avait fait le plus dur. » Un vent de modernité pour le raphia Ce patrimoine est-il en danger s’il n’attire pas plus de jeunes? Impossible pour Matié Ngapo, le vieux tisserand de Djambala. « Je n’imagine pas un seul instant que le tissu de mes ancêtres puisse disparaître un jour », assure-t-il. Certains à Brazzaville essaient d’exaucer son souhait. Un duo veut, à son niveau, faire entrer le tissu dans la modernité. Il est composé d’Eric Kanga, un des ambassadeurs les plus en vue du produit téké. Flamboyant styliste, il est le seul sapeur à porter ses créations en raphia. Il se fournit chez un tisserand professionnel, Jerôme Mbani. Discret commerçant des quartiers de Djiri depuis 1999. Il est, affirme-t-il, le seul à pouvoir vivre pleinement de son commerce à Brazzaville. « La demande est faible, mais comme l’offre l’est encore plus, je m’en sors », analyse-t-il. On le retrouve, avec Eric, dans son atelier, où il passe ses journées. C’est un point de rendez-vous pour les joueurs de damier, et autres curieux de sa rue, qui l’accompagnent toute la journée pendant son travail. Pour les deux hommes, pas de doute, la mode va s’emparer du raphia. « C’est d’ailleurs déjà le cas, fait remarquer le créateur. Certains grands couturiers l’ont ponctuellement adopté. Et à mon niveau je ressens une grande curiosité. » Il en a fait son signe distinctif depuis deux ans. Chaussures, vestes, chemises, sacs : il ajoute des touches de raphia à ses vêtements, donnant un coup de jeune et une allure moderne à la matière. Il les expose à l’hôtel Saphir, au centre de Brazzaville et a même présenté ses productions à Dubaï et au Japon. « Vous avez devant vous une filière toute prête, on sait travailler affirme-t-il l’air un peu bravache en montrant Jérôme en plein travail. Il faut un investisseur. Quelqu’un qui est prêt à en faire la publicité. » Se faire connaître, attirer à nouveau les jeunes, et notamment les femmes dans un métier trop souvent réservé aux hommes : voici les principaux défis qui attendent le tissu téké §pour les années à venir. Mais Eric Kanga est optimiste : « Nous sommes la prochaine génération, prédit-il. Celle qui va permettre au raphia d’aller plus loin. »

27 BRAZZAMAG


DOSSIER

DES PAGNES ET DES NOMS Si le wax n’est pas typiquement d’origine africaine, les noms des modèles les plus connus et/ou les plus vendus sont donnés par des vendeuses, des clientes… en Afrique ! La plupart du temps, les appellations des différents motifs imprimés sur les tissus font allusion à l’infidélité, au mariage, à la religion, la famille…, mais aussi aux aliments, et objets dont on se sert quotidiennement. D’autres désignent un événement, le héros d’une série télévisée ou encore un personnage politique. Brazzamag vous emmène à la découverte de ces noms parfois anecdotiques ou symboliques. Par Sylverène Ébélébé

MON MARI EST CAPABLE “On a appelé cette pièce “Mon mari est capable” parce qu’à l’époque lorsqu’un homme l’offrait à sa femme celle-ci était très fière de vanter l’affection que son mari lui portait” affirme Diouf, un commerçant du grand marché. Cette anecdote est notamment née en raison du prix “onéreux” d’un pagne (environ 60 000 ou 70 000 francs CFA aujourd’hui) auquel le tissu était vendu. L’homme qui pouvait l’offrir à son épouse était vraiment “capable”, autrement dit une personne ayant de l’argent. Le pagne sur fond jaune et blanc orné de petits motifs noirs que certains qualifient de lèvres et d’autres de graines de café. Deux hypothèses plutôt valorisantes aussi bien pour le conjoint que pour l’épouse puisque le café illustre le travail et la vigueur tandis que les lèvres représentent la douceur. Au fil du temps et des générations, “Mon mari est capable” est devenu un tissus historique que l’on retrouve dans plusieurs pays de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest.

MATUNGULU, “L’OIGNON” Connu sous le nom de Matungulu, ce pagne est l’un des tissus de la maison de fabrication Vlisco qui est porté par beaucoup de femmes en Afrique et en Europe. Disponible dans plusieurs couleurs (bleu, violet, jaune…), ses motifs floraux sont apparentés à la forme des oignons (matungulu en lingala) d’après certaines clientes. Les femmes l’utilisent généralement pour confectionner des tenues qu’elles portent à l’occasion de cérémonies traditionnelles (dot, mariage...) mais aussi pour des vêtements de tous les jours. Au Bénin, il est appelé “Maison sur trois pieds” et symbolise la force de l’unité.

LE SAVIEZ-VOUS ? Le pagne désigne un morceau de tissu de forme rectangulaire. Il vient du mot espagnol paño, qui signifie “pan d’étoffe”, c’est-à-dire morceau d’un vêtement et du latin, pannus qui se traduit par “morceau d’étoffe”. 28

BRAZZAMAG


BISCUIT Les motifs de ce pagne sont souvent appelés “biscuits” car les formes géométriques rappellent ceux des célèbres “Petit Beurre” de la marque LU. D’après l’histoire, “Le Petit Beurre LU” possède quatre angles en forme “d'oreilles”, que l’on retrouve illustrés sur le tissu par quatre petites fleurs. Au centre de chaque motif du pagne, un ornement peut laisser libre cours à une interprétation symbolique comme celle de la décoration des biscuits LU qui évoque les quatre saisons, les cinquante-deux semaines de l'année et les vingt-quatre heures d'une journée. Le plus souvent, ce sont les jeunes femmes (de 20 à 35 ans) qui achètent le plus ce modèle.

LA FAMILLE Sur ce tissu, on peut apercevoir une poule et un coq au centre, des poussins, des oeufs et des petites enveloppes sur lesquelles sont dessinés des coeurs. L’histoire raconte qu’ils représentent une famille, un papa et une maman côte à côte (la femelle et le mâle), entourés de leurs enfants dans un environnement sain... Si de nos jours l’expression “mère poule” est liée à la surprotection de ses enfants, dans les sociétés primitives, la poule désignait la bonne mère. Elle était associée à la femme docile qui couve ses enfants jusqu’au moment où ils sont capables d’être autonomes et à la fécondité. Voilà pourquoi, la poule (de couleur blanche de préférence) est souvent liée aux coutumes de mariage ou des rituels dans certaines cultures. Quant au coq, il représentait l’homme, la virilité ainsi que la fierté et la prétention. “Père et mère poules” se rejoignent désormais dans un éventail commun d’attitudes protectrices.

NZAMBA NZAMBA, (LA FORÊT) Souvent porté par des “mamans” ou des femmes âgées, ce tissu fait parti des modèles les plus anciens de Vlisco. Les différentes feuilles sont associées à la forêt en référence aux femmes qui cultivaient les champs dans les villages. Celles qui portaient cette étoffe étaient réputées pour être laboureuses, actives et battantes. Parfois épouses et/ou mères, elles se réveillaient avant que le soleil ne se lève et se couchaient seulement après s’être occupées des tâches ménagères. Véritable symbole de la féminité, “Nzamba nzamba” incarne les vertus de la femme qui veille au bien-être de son mari et de ses enfants tout en contribuant au développement de l’économie de son pays par son activité professionnelle.

LE PATCHWORK Très tendance en ce moment, le patchwork de Vlisco rassemble parfois les modèles de pagnes les plus anciens et les plus récents. Mais aussi les tissus les plus en vogue et ceux que la maison de fabrication ne produit plus. Le patchwork peut être utilisé pour confectionner plusieurs types de vêtements (robes, jupes, pantalons, chemisiers…), des objets de décoration tels que des housses de coussin, des nappes, des rideaux… mais aussi des accessoires (sacs à main, portefeuilles, bijoux...). L’appellation du patchwork de pagnes varie en fonction des pays en Afrique centrale ou en Afrique de l’ouest. Au Cameroun on le surnomme “Sanza”, “kizobazoba” au Congo.

29 BRAZZAMAG


DOSSIER

LA MODE AU CONGO, une institution

La mode au Congo est une institution. Depuis des décennies, les sapeurs font sa renommée en mettant en avant les griffes italiennes et françaises. Moins connu, le secteur de la création a toujours vécu dans son ombre, profitant de l’importation importante de tissus. Il vit depuis peu un renouvellement, avec l’émergence de nouveaux acteurs capables de percer sur les podiums internationaux. Brazzamag fait le tour d’horizon. Par Antoine Rolland

U

n samedi matin à Brazzaville. Des centaines de personnes se réunissent dans les locaux de l’université. Depuis quelques heures a lieu la veillée funéraire d’un professeur de la capitale. Les hommes sont en tenue de ville, élégantes et sobres. Un groupe de femmes portent un pagne identique, comme le veut la coutume dans ce genre d’événements. Ils ont été taillés et ne seront portés que pour l’occasion. Ces deux groupes résument l’importance de la mode au Congo. Quel que soit le budget, quelle que soit la classe sociale, l’habillement doit être soigné. Porter la veste élégante est un signe de réussite. Se procurer le pagne nécessaire, lors de cérémonies ou lors d’un événement comme par exemple la journée de la femme, est un signe d’intégration. Cette passion collective a fini par engendrer un important marché. Grossistes, revendeurs, petits commerçants sur les marchés, créateurs, tailleurs, transformateurs, stylistes : le commerce du textile représente 30% de l’économie. Première constatation : tout le secteur vit des produits importés, surtout depuis la fermeture des usines depuis les années 1990. En 2016, 8 874 tonnes de produits textiles ont transité par le port de Pointe-Noire, à destination du marché congolais. Soit deux kilos de vêtements par Congolais. 53 % sont des produits déjà finis (vestes, chemises, robes, cravates…) destinés à la vente directe. 47 % sont des tissus synthétiques et surtout en coton, en grande majorité des pagnes destinés au marché local de la couture. Ce dernier secteur échappe en partie aux Congolais. La plupart des pièces sont des créations de l’usine hollandaise Vlisco, ou des contrefaçons asiatiques. La revente des tissus ne profite pas non plus à la population locale. Un passage rue Mbaka, le marché aux pagnes niché au coeur du quartier de Poto-Poto, suffit pour s’en rendre compte. Les boutiques spécialisées s’alignent sur plusieurs centaines de mètres, mais aucune n’appartient à des Congolais. Les Ouest-Africains, parfois présents depuis les années 50, détiennent le monopole. « Si un Congolais vend un pagne, il y a de fortes chances qu’il l’ait acheté à un Malien auparavant », plaisante à moitié Adamo de Brazzaville, styliste situé non loin de la rue Mbaka. Des jeunes à l’offensive Pour la couture, l’équilibre entre Congolais et Ouest-Africain semble plus respecté, même si ces derniers sont plus nombreux depuis quelques années. Une étude publiée dans la Revue congolaise de Gestion en 2011 estimait à un peu « plus d’un millier le nombre d’artisans couturiers à Brazzaville », dont près de la moitié travaillant seuls. Autrement dit, le modèle dominant est encore celui du couturier du coin de la rue. Ce marché éclaté constitue un vivier de futurs talents, dans le sur-mesure comme dans le prêt-à-porter. De plus en plus de stylistes, bien qu’encore peu nombreux, lancent leur marque, et la défendent. Ils sont jeunes, voyagent, apportent un style moderne et renouvellent la mode congolaise.

30

BRAZZAMAG

Ils ont l’ambition de se faire connaître, comme Nandjika de Jacynthe Mackosso à Brazzaville ou Otouh de Révy et Grâce Fongui à Pointe-Noire. « Ils parviennent à créer une image de marque, à la promouvoir et la projeter dans l’avenir, analyse Romaric Oniangue, créateur de la Brazzaville Fashion Night, et dénicheur de talents Ils ne se contentent pas de créer et de gérer au jour le jour, ils bâtissent un modèle. Ce sont des businessmen. » Leurs créations écument les podiums des défilés locaux, dans l’espoir qu’elles tapent dans l’oeil d’un blogueur à l’étranger. Mais l’exercice a ses limites. « Je n’ai jamais vu quelqu’un vendre directement des créations à la suite d’un défilé, raconte Adamo, qui a eu la chance de participer à quelques événements. Mais ça permet de faire de la publicité gratuitement et d’étoffer son réseau. » En première ligne sur les réseaux sociaux Ces stylistes innovent avant tout par leur présence sur internet. Adamo de Brazza n’hésite plus à utiliser Facebook. Son coeur de cible ce sont les immigrés européens. Il a donc poussé la publicité jusqu’à s’intégrer et poster régulièrement dans les groupes Facebook consacrés aux expatriés « Ça a changé pas mal de choses. Il suffit qu’un Français voit un ami porter une de mes chemises pour qu’il se dise, « je veux la même ». C’est un boucheà-oreille amplifié. » Annonce de soldes, de vente privées, présentation des produits, vidéos de défilés de mode: pour l’instant internet ne permet pas de dépasser le stade de la publicité. « Ce n’est pas assez développé pour se lancer dans le e-commerce », constate la Youtubeuse de mode Alexia Felrine. Elle avait lancé une marque de vêtements vendus en ligne au Canada, sans reproduire l’expérience au Congo. « Les coûts et la logistique sont trop importants par rapport au potentiel du marché. Pour l’instant, la boutique physique est encore indispensable. » Alors que les enseignes de prêt-à-porter commencent à s’implanter dans le pays, comme Levi's, Aldo ou New Port, les businessmen congolais veulent tirer leur épingle du jeu. Ils n’ont plus peur désormais, grâce à Internet, de montrer au reste du monde le savoir-faire congolais.


DOSSIER

OKASAMA BAMBOO

Dans sa dernière collection la styliste Jessica Evoundou a dessiné ces deux tenus constituées de raphia, de bazin et de mousseline. (page 34) Collier BISSEYOU (page 35)

Photo : Skyvision media 31 BRAZZAMAG


DOSSIER

IMPRECO ET SOTEXCO

Une histoire bien tissée disparaît C’est l’histoire de deux soeurs jumelles, liées par un même destin. Elle s’inscrit à l’époque où le Congo se convertissait au marxisme-léninisme, quand le pétrole commençait à peine à être exploité, et quand le développement passait par l’ouverture d’usines de produits manufacturés, pilotées par l’Etat. Sotexco et Impreco ont représenté, des années 60 au début des années 90, le fleuron de l’industrie textile à Brazzaville. Brazzamag revient sur cette époque. Par Antoine Rolland

Photos : Skyvision media

T

out commence en 1966. Pour sceller leur entente, la Chine et le Congo prévoient un transfert de technologie, notamment dans le secteur industriel. L’une des premières mises en oeuvre concrètes est la construction d’une usine dans la banlieue de Brazzaville, à Kinsoundi. La société, appelée Sotexco, pour « Société textile du Congo », est entièrement contrôlée par l’Etat. Au plus fort de l’activité, plus de 1 500 ouvriers y travailleront. Alors âgé de 23 ans et fraîchement diplômé, Guy Ngoma devient chef de production de la nouvelle équipe, et participe à toutes les étapes de la conception des futurs éléments. « On est même allés en formation en Chine, se souvient-il. En pleine Révolution culturelle. L’ambiance était tendue ! ». La période préparatoire dure deux ans. « Quand on a terminé les premiers produits, on a ressenti une grande fierté, raconte-t-il. C’était comme un

32

BRAZZAMAG

Photo : Bernard Sallé rêve. Le tissu était vraiment de grande qualité, en dépit du matériel un peu vétuste que les Chinois nous avaient donné. » L’épopée Sotexco peut démarrer. Six ans plus tard, arrivent les « Impressions du Congo », surnommées Impreco. Il s’agit cette fois-ci d’un partenariat entre l’Etat et des investisseurs privés, dont le groupe français Schieffer actionnaire à 20 %. Contrairement à Sotexco, plus généraliste, Impreco se spécialise dans l’impression de pagnes locaux. Les colorants viennent d’Europe, les tissus d’Asie. L’usine basée à Djoué apporte la touche finale : les motifs et couleurs. Des tissus vendus jusque dans la Redoute Injustement, les deux sociétés ont encore aujourd’hui la réputation d’avoir conçu des pièces bas de gamme. L’origine remonte probablement au lancement de la marque Sotexco. La première année, l’usine utilise des colo-


DOSSIER rants de piètre qualité en provenance de Chine. Dès 1970, l’usine redresse la barre en se ravitaillant en Suisse. Les tissus ne perdent plus leur couleur, mais le mal est fait. « Pourtant on les vendait ! », affirme Guy Ngoma. Et notamment la gamme de pagne équivalente au Wax de Vlisco, appelée « Fancy ». La capacité de production de l’usine était de 3 400 000 mètres de tissus. Dès sa deuxième année, l’usine fonctionne déjà au deux tiers de ses capacités avec 2 000 000 mètres, ce qui n’est pas négligeable. Chez Impreco, le pagne est de moins bonne qualité, mais moins cher : 3 000 Fcfa la pièce, contre 12 000 Fcfa pour l’équivalent hollandais. Gustave Bitsindu était chef d’équipe chargé de la coloration des tissus pendant plus de 20 ans. Il admet que la création frôlait parfois la contrefaçon : « On avait nos propres designs, mais il arrivait qu’on nous demande un motif vu sur Wax. Alors on le faisait, et on laissait les gens choisir les couleurs. C’était participatif », rigolet-il. « Notre réputation était meilleure en face qu’ici », constate Guy Ngoma. Ironie de l’histoire, les Brazzavillois étaient friands des tissus kinois. Il arrivait donc que les produits Sotexco se vendent mieux après un détour par Kinshasa, que directement à la sortie de l’usine. « On voyait le même phénomène avec la France, explique Guy, mi-amusé, mi-agacé. Nous étions dans le catalogue de vente de vêtements par correspondance de la Redoute. Les plus aisés préféraient payer au prix fort nos produits sans savoir qu’ils étaient fabriqués à quelques kilomètres de chez eux. » La fierté de produire Congolais A la fin des années 80, les deux unités subissent de plein fouet la concurrence asiatique. Très vite, les pertes financières s’accumulent. Sotexco met la clé sous la porte en 1989, puis Impreco en 1994. Sur le moment, les fermetures sont vécues comme des déchirures. Les deux unités n’ont depuis pas été reconverties.

Nous étions dans le catalogue de vente de vêtements par correspondance de la Redoute. Les plus aisés préféraient payer au prix fort nos produits sans savoir qu’ils étaient fabriqués à quelques kilomètres de chez eux. - Guy Ngoma.

« Il y avait ce sentiment d’être des pionniers, témoigne Guy Ngoma. On pensait que, grâce à nous, le Congo entrait dans le développement. » Les équipes de Sotexco étaient très engagées affirme-t-il. « Il y avait de l’entraide, de la fraternité. On se serrait les coudes, comme une famille. On avait même crée notre équipe de foot. » « On rigolait tout le temps, et on était fier de notre travail », se souvient Gustave Bitsindu, d’Impreco. « Même avec la direction, les relations étaient bonnes ». Les salariés bénéficiaient de conditions de travail excellentes : la direction payait par exemple des primes à la naissance, et finançait 70 % des soins pour les femmes et enfants de ses 200 salariés. Dans sa parcelle de Makélékélé, Gustave garde jalousement un trésor. Des milliers d’échantillons sont répertoriés dans un classeur, avec les caractéristiques des teintes. « Si un investisseur veut reprendre l’affaire, il a déjà tout en main. J’ai aussi gardé des fichiers administratifs, au cas où. » Gustave caresse encore l’espoir d’une reprise, même s’il est conscient des difficultés. « Nous avions le groupe Schieffer derrière nous pour nous fournir en matières premières. Ce n’est pas à la portée de n’importe qui. » Guy, lui, pense que c’est impossible. « Les entreprises d’Etat appartiennent au passé. Il faut encourager les petits investisseurs désormais. » Il habite encore à Kinsoundi, juste en face de l’usine, mais ne la regarde plus. « Ça me fait mal de voir mon bébé perdre de sa superbe. C’était vraiment une belle aventure. »

33 BRAZZAMAG


DOSSIER

NOS STYLISTES

ont du talent ! Comment donner au Congo sa place dans l'histoire de la mode africaine ? A l’heure où le pagne se popularise dans le monde entier, une nouvelle classe de jeunes stylistes et créateurs congolais monte au front. Objectif révéler sa créativité et ses talents. Revue d'effectifs auprès de quelques dynamiques pionniers. - Par Sylverène Ébélébé et Antoine Rolland.

L’ENRACINÉE Première de cordée, Jessica Evoundou vient s’installer à Pointe-Noire avec la volonté de valoriser le savoir-faire congolais au niveau national et international. Elle a quitté la France où elle était connue comme une passionnée de mode et une grande consommatrice des produits made in Africa. Elle fonde Okasama Bamboo*, une marque de prêt-à-porter made in Congo et un atelier de couture. Jessica s’inspire de ses racines, du cinéma, de la couleur et des motifs des tissus pour confectionner trois collections en pagne et raphia. Deux d’entre elles portent des noms issus de son patois : “akami : les chefs Mbochi” et “Loyembo : chanson”. Robes droites, vestes, chemisiers, jupes… les créations de Okasama Bamboo se portent aussi bien pour aller au travail que pour assister à des cérémonies (dot, mariage, soirée). Pleine de rêves et d’ambition, J.Evoundou a peaufiné son expérience pendant cinq ans en tant que chef de produit avant de se former dans l'entrepreneuriat. “Je dessinais déjà des vêtements pour moi-même, confie la styliste. Je les faisais coudre par une couturière lorsque je venais au Congo pour les vacances de Noël”.

Photo : Skyvision media

Son lien est bien suivi : Facebook et Instagram : Okasama Bamboo Adresse : 48 avenue Tchikaya U'tamsi, Mpita, Pointe-Noire Okasama Bamboo* résulte de la combinaison du nom de sa grand-mère. "Oka", "sama", est un suffixe honorifique japonais utilisé pour désigner les personnes plus âgées ou hauts placées . « Bamboo" fait référence à la force de l’arbre et de ses racines en Afrique.

LES FONCEUSES Revy et Grâce Foungui, sont deux sœurs congolaises ayant deux styles vestimentaires différents. Résultat, une marque de vêtements et d’accessoires vintage, baptisée Otouh Collection. Les soeurs Foungui utilisent le pagne, la soie, du coton et du pagne tissé pour créer une variété de tenues. Elles s’inspirent de l’image des modèles des années 60/80 en les modernisant. Dans la panoplie, robes capes, pantalons taille haute, jupes courtes/ longues, bombers... “On voulait proposer de l’originalité en fabriquant de nouveaux produits dans lesquels les femmes ne seraient pas dénudées” précise Grâce, chargée de la gestion des commandes. “On ne crée généralement que trois pièces d’un modèle de vêtement” ajoute Revy. Ancienne mannequin, elle est l’égérie de Otouh Collection lancée officiellement à Pointe-Noire il y a quatre ans. C’est elle qui dessine les prototypes. C’est lors de leur séjour à Dakar que Revy et Grâce ressentent l’envie de monter un projet concret pour contribuer au développement de leur pays. “A Dakar, tout le monde entreprend !” confie Révy ajoutant “On a observé les jeunes stylistes dakaroises qui évoluent dans la mode. Elles nous ont inspiré pour franchir le cap !”. Elles se servent alors de leur bourse d’études d’une valeur de 1 million de Francs CFA pour monter leur entreprise. Elles commandent alors leurs premières étiquettes, package, cartes de visite…

Photos: Otouh

34

BRAZZAMAG

Pour les joindre : Facebook et Instagram: Otouh Collection Site internet : www.otouhcollection.com


DOSSIER

LA DIFFÉRENCE Être à la mode c'est bien, mais avoir son propre style vestimentaire, c’est mieux ! Gloire Itoua Apendi lance “mama styliste”, une marque de vêtements à petits prix pour hommes et femmes La créatrice et styliste propose, différentes collections de tenues urbaines qu’elle compose avec du pagne, de la dentelle, du coton… Le t-shirt en coton confectionné avec des manches ou encore une poche en pagne, le pantalon streetwear, les tongs avec un petit pompon... sont quelques-unes des griffes de Gloire Itoua Apendi. “J’aimais beaucoup m’habiller en jogging lorsque j’étais ado. Et, quand j’étais invitée à un événement, je concevais un habit que je cousais à la main pour éviter de ressembler à tout le monde. C’est à cause de ça que mes proches m’ont surnommée “mama styliste” souligne la créatrice de 26 ans. En plus de ses diverses conceptions, Mama Styliste met également à disposition de ses clients des modèles “spécial couple” fabriqués avec le même tissu pour agrémenter leur complicité. Parce que certains parents souhaitent habiller leurs enfants comme eux, Gloire Itoua a lancé “MwanaWax”. Inaugurée l'an dernier, cette gamme de vêtements et accessoires est destiné aux enfants de la naissance à l'âge de 13 ans. Autodidacte et audacieuse, Gloire fait partie des organisatrices du “coin des créateurs”, un événement trimestriel destiné à donner plus de visibilité aux différents stylistes et créateurs congolais. Photo : Mama styliste

Contact : Facebook : Mama Styliste Téléphone : 06 404 30 99

LA JOVIALE Transmettre de la gaieté et de la bonne humeur à ses clients : c'est la devise de Bisseyou Creat, une marque de prêt-à porter et de sur-mesure. Lancée par Christelle Natacha Boukoulou, elle a pour objectif la confection de collections mixées et modernes “Je voulais un nom qui rappelle mes origines et qui me représente, confie Mlle Boukoulou ». Dans ma famille, on m’appelle Bisseyou ce qui veut dire “joie ou rire” en Mbembe”. Styliste et créatrice, Christelle propose des robes de mariées des tenues de soirée, des tops, des shorts… pour femmes. Dans sa gamme, on trouve aussi des costumes et des chemises pour hommes dans différents types de tissus qui représentent chacun une culture. D’après la ponténégrine, “à travers les vêtements de Bisseyou, on retrouve les motifs colorés du pagne, la douceur de la soie, la finesse du satin, ou encore la brillance de l’organza”. De nature entreprenante, c’est à 9 ans aux côtés de sa maman que Christelle fait ses premiers pas dans la couture. En l'absence de maman la fillette coud des blouses... pour certaines de ses clientes. En 2015, la jeune femme travaille dans un atelier de couture à Niamey durant 6 mois. Elle forme des couturiers, supervise les conceptions... De retour à Pointe-Noire, Christelle confectionne des habits en soie dont son entourage s’empare très vite. Photo : Skyvision media

Contact : Facebook et Instagram : Bisseyou Creat Téléphone : 06443 23 23

35 BRAZZAMAG


DOSSIER

LA CONSERVATRICE Tout commence alors que Nathalie Rihan Hallot utilise le pagne pour confectionner des vêtements pour elle et ses enfants. Encouragée par ses proches, la mère de famille fonde “Ma tribu”, une ligne de vêtements pour femmes, hommes et enfants. Elle crée différentes collections dont certaines “mèrefille”, “père-fils” en mélangeant quelquefois le pagne et le jean. D’origine libanaise, Nathalie est née à Pointe-Noire et y a passé son enfance : “J'ai toujours été attirée par les motifs et les couleurs vives du pagne depuis que je suis petite" déclare la ponténégrine. Créatrice et styliste, Nathalie s'inspire des tendances européennes et du style des années 60/70 pour imaginer puis dessiner des tenues dans des tailles standards (S, M, L et XL). Outre les vêtements, la marque "Ma tribu" propose également des accessoires (sacs, bijoux, cravates, nœuds papillon, pochettes...). Tous les modèles de sacs sont conçus avec du jean à l'intérieur et du pagne à l'extérieur. Comme pour les robes, jupes, pantalons, tops... vous pourrez trouver le même sac à mains pour mère et fille. “ Par le biais de ma marque, dit-elle, je veux réunir les familles autour de la mode et toucher toutes les catégories sociales en proposant des prix pas très élevés”. Contact : Instagram : Ma.tribu Téléphone : 05 759 47 47 Photo : Ma tribu

LE TECHNICIEN Chez Hippolyte Diayoka, c'est le classicisme qui prédomine. Le créateur ne casse pas les codes, il les respecte. « Ma connaissance est cartésienne, technique. J’ai le niveau des plus grandes maisons parisiennes, assure-t-il. Il y a des règles. C’est tout. On ne peut pas improviser ! » Ce sont principalement des robes qui sont exposées dans la vitrine de sa boutique à la façade noire. Des robes sophistiquées et raffinées, proches des créations Prada ou Chanel. Classicisme ne veut pas dire simplicité ni facilité. Les robes sont élégantes, composées de multiples tissus, comme la dentelle ou la soie. Et s’il le faut, pour les besoins des cérémonies, l'artiste se résout au pagne ou au bazin (« une matière horrible »). Quelques smokings classiques rappellent que le styliste s’occupe également des vêtements masculins. Mais 90% de ses compositions sont à destination des femmes.

Photo : Skyvision media

Hippolyte ne travaille que sur commande, à un prix qu’il garde secret. Il fait partie des stylistes les plus réputés de Brazzaville. D’abord par son parcours original : cet ancien steward d'Air Afrique a pénétré sur le tard dans le domaine de la haute couture. Ensuite par son personnage singulier: l'homme accorde une haute considération à la mode et à son métier. Il ne donne jamais de prix. D’ailleurs il ne s’occupe pas de cela, et laisse les employés gérer la trésorerie. Enfin et surtout, sa disponibilité et sa discrétion ont crée autour de lui une clientèle fidèle. Il ne cherche ni la notoriété, ni à s’agrandir. « Je me dois d’être bon à chaque fois. Si ma cliente ne porte pas une belle robe, les gens se poseront des questions sur elle, avance-t-il. Mais aussi sur moi. L’enjeu est énorme. » C'est confirmé, la femme est bien l'avenir de l'homme. Adresse : Avenue Loutassi Tel : 06 666 5929

36

BRAZZAMAG


DOSSIER

LA RELÈVE Nandjika. Le nom de la marque de Jacynthe Mackosso est en soi tout un programme : il signifie « ajouter » en mvili. « C’est pour rappeler les différentes influences qui se combinent dans chaque création. Elles sont à la fois africaines, européennes et américaines », explique la créatrice. Robes, chemises, vestes, chapeaux, et sacs à main : le pagne est à chaque fois utilisé avec parcimonie. On le retrouve par petites touches, sur le col d’une veste ou sur la poche d’une chemise en coton. Si jamais il recouvre la totalité d’un accessoire, comme pour les nombreux sacs à main, c’est pour mieux mettre en valeur la robe qui l’accompagne. Nandjika présente des gammes de la marque hollandaise Vlisco, le principal créateur de pagnes. Mais seulement les plus récentes, comme Woodin : les couleurs sont sobres, les motifs abstraits. On retrouve même des objets de décoration pour la maison, avec le même art subtil du dosage. De l’avis général, à 30 ans à peine, la jeune femme, qui partage son activité entre Cotonou et Brazzaville, est l’une des plus prometteuses de sa génération. Elle a gagné il y a deux ans le prix de la meilleure styliste lors de la Brazza Fashion Night. « J’ai toujours été passionnée par la mode, mais c’est quand je suis arrivée au Bénin il y a quelques années que j’ai eu une révélation sur le pagne africain». Sa connaissance du tissu est quasiment encyclopédique, au point qu’elle a organisé l'exposition intitulée : « les pagnes de campagne » l’année dernière. Elle présentait tous les pagnes politiques africains. Photo : Skyvision media

Boutique Nandjika Hotel du Pefaco Maya Maya (Brazzaville)

LE "GÉNIE" Dans la vitrine d’une boutique située au quartier de Mvoumvou, trois robes de soirée en satin et en dentelle ornées avec des perles Swarovski suscite l’admiration des passants. Ces créations, “très travaillées” et raffinées sont celles de la marque Mam’s fondée par un styliste et modéliste, Mambou Simo Gustave. “Je m’inspire de Christian Dior qui selon moi est la marque représentative de l’élégance et du raffiné, d’Elie Saab, un styliste libanais qui a l’art de travailler différentes matières nobles telles que l’organza, la soie… et de les associer à d’autres plus légères et fluides comme la mousseline…, et de Pronovias, la référence des robes de mariée de princesse” confie celui que ses voisins surnomment “Mam’s”. Chacune des tenues reflète l’envie de ce jeune styliste rempli d’imagination et de créativité de proposer à ses clients “quelque chose qui sort de loin, qui a une histoire”. Sur des portants, des robes composées avec de multiples tissus entre autres le pagne et le raphia, associées à des broderies, des paillettes ou encore de pierres semi-précieuses. Mambou Simo confectionne des modèles sur-mesure, des collections destinées au grand public ainsi que du prêt-à porter pour hommes, femmes et enfants puis des accessoires. Originaire du Cameroun, Mam’s a fait des études de mode puis s’est formé par des stages auprès des plus grands avant de lancer sa marque à Pointe-Noire en 2015 dans le but de valoriser le savoir-faire africain et obtenir une notoriété dans le monde entier. Mam’s :avenue Sounda de Sympathique 200m après la pharmacie Latin 06 431 41 17

37 BRAZZAMAG


DOSSIER

L'ART DE SUBLIMER LA FEMME Son inébranlable optimisme et son envie de révolutionner le secteur de la mode au Congo lui ont permis d’être la lauréate de plusieurs concours dont la Brazza Fashion 2015. Adriana Talansi est le coup de coeur des Congolaises tant pour la création de vêtements raffinés et originaux que pour son identité culturelle. Cette jeune créatrice Congolaise, se démarque avec ses confections aux finitions nettes, sa façon d’associer les couleurs et les tissus et sa vocation pour le dessin qu’elle démontre à travers ses produits. Par Sylverène Ébélébé

P

assionnée par le dessin depuis l’âge de neuf ans, Adriana Talansi crée des vêtements de haute couture avec du pagne, de la soie, du raphia… Lauréate de plusieurs concours dont la Sorom Fashion Indépendance Women organisée en 2014 à Brazzaville par Romaric Oniangue, Adriana veut révolutionner le secteur de la mode avec ses créations. Robes de mariée, tenues de soirée, jupes, pantalons, vestes... Adriana propose un large choix de prêt-à porter et de pièces uniques glamour. Chaque modèle correspond au style d’une femme en particulier : “mon souhait est de réussir à sublimer les dames qui aiment bien s’habiller sachant qu’aucune femme ne ressemble à l’autre et chacune de nous est déjà sublime” souligne la fondatrice de la marque Talansi.

Afrique centrale, nous ne mettons pas assez en avant notre patrimoine. Tandis que depuis la nuit des temps, les occidentaux s’inspirent de l’Afrique !” lance t-elle avec un ton agacé en poursuivant “et puis quand on voit des personnes comme Stella Mc Cartney faire défiler ses mannequins avec les boubous* que portaient nos grands-mères on crie au scandale, au vol culturel. Mais j’ai envie de dire que c’est bien fait pour nous ! L’Afrique tout entière est remplie d’art mais nous n’en sommes pas conscients.” “L’émergence n’est pas qu’une question de beaux bâtiments…” Alors que plusieurs pays comme le Nigéria parvienne à promouvoir leur art à travers le monde, le Congo semble être en reste de ses voisins. En effet, aucun centre de formation n’est mis à disposition pour former les stylistes, les couturiers, les artistes, les peintres, les mannequins... L’idée d’organiser des événements culturels pour promouvoir le savoir-faire local et de donner envie aux autres pays de s’intéresser et/ou investir dans les talents Congolais n’est pas encore assez bien développée.

Le grand saut vers l’entrepreneuriat En 2011, alors qu’elle occupe un poste d’assistante de direction dans une société pétrolière, Adriana décide de vivre totalement de sa passion. Elle démissionne de son travail et commence à se former dans la couture. La jeune femme prend d’abord des cours en ligne puis fait appel à un professeur à domicile pendant six mois. Perfectionniste Mon souhait est de réussir à de nature, la ponténégrine se forme encore pendant deux ans aux côtés sublimer les dames qui aiment bien s’habiller du couturier congolais Aimé Chrissachant qu’aucune femme ne ressemble à tian, avant de confectionner ses propres collections en s’inspirant de l’autre et chacune de nous est déjà sublime la nature, son environnement...

“L’émergence n’est pas qu’une question de beaux bâtiments mais d’abord de mentalité” affirme Adriana. Plusieurs personnes sont prêtes à acheter des sacs de marques renommées à des millions de Francs CFA, et refusent de dépenser 300 milles dans une tenue élaborée par l’une de leurs consoeurs. Sous prétexte que c’est trop cher, elles vont finalement acheter du tis- Adriana Talansi “ J’ai lancé ma première collection su au marché puis font coudre leur en 2014 en participant à des défilés modèle par la couturière d’à côté. de mode, des concours… Le fait d’avoir contribué à ces différents événeElles ne se rendent pas compte qu’elles favorisent l’appauvrissement et ments m’a permis de m’améliorer, tester mes capacités et mes limites, le ralentissement de l’émergence social. ” me démarquer et obtenir de la visibilité” affirme cette entrepreneure Militante dans l’âme, Adriana Talansi tient à marquer son temps et laisaudacieuse. ser une trace à travers ses oeuvres totalement fabriquées au Congo. “Le fait d’entendre le public applaudir lorsqu’un mannequin défile avec De ce fait, en plus de la gestion de son atelier, elle accompagne et forme une de vos tenues vous encourage, vous motive. Les réseaux sociaux ne d’autres stylistes et couturiers locaux. suffisent pas pour identifier les besoins des clients. Il faut être en contact avec le consommateur” ajoute cette créatrice de Sollicitée pour la présentation de ses collections en Angola, au Kenya, en mode, pleine d’énergie et d’imagination. Côte d’Ivoire, au Maroc… la créatrice adapte ses confections en fonction de son public. Fière de ses origines Par ailleurs, l’entrepreneure cible les clientes qui ont conscience de la D’origine congolaise et portugaise, Adriana Talansi valorise sa culture valeur de ses produits et de la vision de son entreprise : exploiter les africaine en utilisant du raphia, un tissu typiquement congolais fabriqué richesses locales pour donner vie à la mode Congolaise. dans le nord du pays : “ma robe “elephant” conçue avec du raphia m’a vraiment porté chance. boubous* : robes larges portées par les femmes africaines dans les ciElle m’a permis de gagner trois concours” précise cet enfant du pays vilisations antiques. avec un large sourire aux lèvres. Née dans une famille de couturières, elle regrette le manque d’intérêt pour le pagne des africains en général. Nous, (les africains) surtout en

38

BRAZZAMAG


Adriana talansi Photo : Skyvision media

29.BRAZZAMAG 39 BRAZZAMAG


DOSSIER Au Congo, un pays où l’industrie du textile tente de se frayer un chemin, Brazzamag est allé à la rencontre de Pascaline Kabré Turmel et Romaric Oniangue, deux entrepreneurs animés par le désir de faire du Congo Brazzaville “la prochaine capitale de la mode africaine”. Au menu, la mode et l'industrie culturelle. Par Sylverène Ébélébé et Antoine Rolland.

PASCALINE KABRÉ TURMEL Fondatrice du caroussel de la mode

C

omment se porte le secteur de la mode au Congo ? Les gens commencent à peine à s’intéresser à la mode africaine. Beaucoup préféraient importer des vêtements depuis l’étranger que de consommer local ! Et puis, toute l’économie du pays était centralisée sur le pétrole alors que le Congo est riche.

Selon vous, comment peut-on démocratiser la mode au Congo ?

finitions, leurs coupes, l’harmonie des couleurs/des tissus... L’an dernier ça a été très difficile de choisir le gagnant. Vous êtes la fondatrice d’un événement à succès dans le secteur de la mode au Congo d’où vous vient cet intérêt pour l'événementiel ? J’ai toujours évolué dans les domaines de l’événementiel et de la mode depuis le Burkina Faso où j’ai été mannequin de 1997 à 2007. J’ai effectué de nombreux voyages à l’international pour des défilés avec plusieurs stylistes de l’Afrique de l’Ouest avant d’ouvrir une agence de mannequinat (Coris) avec quelques amis et commencer à organiser des événements à Ouagadougou. La première édition du Carrousel de la mode a vu le jour en 2006, puis la deuxième en 2007. Deux ans après, je suis venue m'installer à Pointe-Noire. Je souhaitais continuer à exercer dans le mannequinat mais je ne trouvais pas d'agence qui me correspondait.

Nombreux sont ceux qui pensent que la mode ne se limite C’est là que ma passion pour la mode a refait surface. J’ai crée qu'aux stylistes, aux couturiers. Pourtant, il y a plusieurs métiers Africa modely agence (AMA), une agence de mannequins. Les -designer, modéliste, visual entraînements se faisaient à mon merchandiser, commercial, domicile jusquà ce que je loue un responsable marketing...- qui Nos stylistes ont du talent, l’État doit local de 1500 mètres carré que j'ai peuvent être développés pour transformé en restaurant-bar : le les encourrager. que la mode se démocratise Gondwana. - Pascaline Kabré Turmel au Congo. Prenons l’exemple J’ai commencé à mettre en place du foot, au début tous les des soirées à thème… On m'appelait parents étaient réticents à l’idée de laisser leur enfant devenir "la dame du Gondwana". C'est grâce à ce "nom" footballeur mais aujourd’hui c’est tout le contraire. que beaucoup de personnes ont accepté de m'aider pour le Les acteurs de la mode réagissent au Congo mais l’Etat doit les premier Carrousel de la mode au Congo. accompagner, mettre à disposition des apports financiers… Au Burkina Faso par exemple, les hôtels soutiennent les projets Quel est l'objectif du Carrousel de la mode? culturels, ils louent la salle gratuitement et font parfois payer le cocktail. L’objectif du Carrousel de la mode est de donner de la visibilité aux créateurs et stylistes congolais et africains au niveau Comment les créateurs et stylistes peuvent-ils contribuer à national et international. valoriser le textile africain ? Le Carrousel de la mode c’est aussi la rencontre entre les grands stylistes africains renommés et ceux qui débutent dans Chaque créateur et styliste a son identité, sa particularité et le secteur de la mode. son image. Les jeunes congolais ont beaucoup de créativité et Tout au long de l’événement qui se déroule sur trois jours, les de talent mais ils ne savent pas forcément comment orienter jeunes stylistes peuvent échanger, demander des conseils aux leur imagination. Ils ont besoin d’être formés, encouragés et plus anciens. Le fait de déplacer des personnes comme Pathé’o lancés… Lors du Carrousel de la mode, nous organisons des (parrain de la première édition), Sabio Bee… est un moyen de réunions d’information et de conseil pour aider les participants pousser les nouveaux “apprentis” à se perfectionner et viser à faire ressortir le meilleur d’eux-mêmes. Et depuis la première plus haut en voyant que d’autres ont réussi dans le même édition, nous voyons énormément de progrès. Ils commencent domaine qu’eux. à comprendre ce que l’on attend d’eux. Ils travaillent plus leurs

40

BRAZZAMAG


DOSSIER

ROMARIC ONIANGUE « Brazza Fashion Night »

V

ous avez lancé le concours de défilé de mode, « Brazza Fashion Night ». Pour quelles raisons ?

On voulait à la fois promouvoir les mannequins et les créateurs. On a donc mis en place un concours qui les concerne directement. Cela permet de challenger les gens, de reconnaître la créativité et le talent. L'événement a une portée internationale mais il est focalisé sur les créateurs locaux. Ce n’est pas une fashion-week au sens traditionnel, où les gens viennent juste regarder un défilé. C’est plus que ça. On est fier de dire qu’on est un levier. Comment prépare-t-on un tel défilé ? Un bon événement, comme on l'a fait en 2015, c’est un an de préparation au minimum. Il faut répondre à des critères qualitatifs internationaux bien précis, au niveau du son, du cadre, de la lumière…Tout doit être parfait pour donner envie d’acheter le vêtement. On fixe le budget, on s’occupe de la logistique, on fait venir le public et les gens influents comme la blogueuse Fatou Ndyae : les artistes, que nous avons sélectionnés, n’ont plus qu’à s’occuper de leurs créations. Nous voulons recommencer en juillet 2018. Nous espérons que ce sera une grande édition. Pourquoi les événements de ce genre restent rares alors que la mode est une véritable passion au Congo ? C'est le coeur du problème : au Congo, tout le monde est créateur. Toutes les femmes ont déjà porté au moins une fois dans leur vie un vêtement qu’elles ont elles-mêmes dessiné, pour un événement coutumier, mariage cérémonie, ou autre. Elles le dessinent, le font coudre et le portent une seule fois : c’est comme un défilé de mode ! Quelque part il y a de l’amour pour ça. Il y a un marché, il y a un besoin. Il manque désormais un cadre, une professionnalisation. Quand un styliste a du talent, il peut être tenté de se débrouiller tout seul, de faire des défilés dans son coin. Mais il ne suffit pas d’être bon, il faut aussi le faire savoir ! Comment faire alors ?

Il y a un marché, il

qualitatif. Il faut des mannequins pour les faire rayonner. Le mannequin, c’est une muse qui doit mettre le vêtement en valeur. Vous pouvez faire la plus belle des robes, s’il n’y pas de mannequin, elle ne se vendra pas. Et là encore le créateur doit être au centre de cette industrie. Dans cet esprit, nous allons lancer au cours de l’année la Sorom Fondation. Cette structure récompensera les talents dans différents domaines, dont la mode. Le but est d’arriver à y a un besoin. déceler les talents de demain.

Il y a d’abord la solution des réseaux sociaux, comme Instagram, ou Il manque désormais un cadre, une Facebook. Aujourd'hui, le futur Pourquoi vous impliquez-vous à ce point dans le professionnalisation. mannequin ou styliste doit être secteur culturel ? - Romaric Oniangue présent pour tenter de se faire repérer. Mais il faut aussi des acteurs dont c’est Je suis moi-même un fruit de ce secteur. Je viens de le métier, comme Sorom. la photo. J’y suis tombé par hasard. J’avais créé ma ligne de vêtements Notre rôle est de créer de la valeur ajoutée à partir d’un talent, de lui à Paris, mais je trouvais que les photographes ne transmettaient jamais offrir une visibilité. Pour cela, il faut mettre tous les secteurs en branle. ce que je voulais réellement. Puis ça m’a amené à la communication, j’ai Quand on organise un événement de mode, on utilise la photo, le design, fondé Sorom… le branding, la communication… Vous voyez, c’est un écosystème de métiers liés entre eux. C’est comme cela que l’on crée une industrie. Elle ne se résume pas à la mode, elle inclut aussi le design, la photo, la vidéo… Bref, une industrie où la création est au centre du dispositif. Quelles sont les pistes pour développer cette industrie ? La promotion est essentielle ! Les vendeurs sont là, les acheteurs aussi. Alors, il faut donner envie de consommer les marques congolaises. Il faut donc créer une image de marque, qui met en valeur un produit

41 BRAZZAMAG


DOSSIER

PROFESSION TOP-MODEL Guibelle Fouakas est l’un des top-model les plus prometteurs du pays. Elle a été révélée il y a trois ans par un concours international organisé par Elite Model. Désormais une référence à Brazzaville, elle veut maintenant conquérir les podiums internationaux.Et pourtant elle revient de loin. Par Antoine Rolland.

A

l’école elle n’était pas à l’aise avec son corps. A l’université, on lui disait encore qu’elle était « trop mince ». Les parents ne voulaient de toute façon pas entendre parler de mannequinat. Enfin sa timidité, trahie par une voix douce, aurait dû, comme le reste, l’empêcher de défier le public, les flashs et les caméras. Pourtant quand ses hauts talons foulent le podium ce soir de printemps 2014, Guibelle Fouakas avance sur le podium sans l’ombre d’une hésitation. Le pas est assuré, le jury est unanimement impressionné. C’est le coup de foudre. « J’ai tout de suite su que je ne pourrais pas m’en passer », se souvient la jeune femme.

« Il ne faut pas se laisser impressionner. « Certaines filles sont des grandes gueules. Si tu montres que tu es timide, tu te fais écraser». L'enfant de Brazza ne gagne pas le concours même si elle finit première Congolaise, derrière l’Ivoirienne Awa Sanoko, nouvelle sensation d'Abidjan. Mais désormais elle a attrapé le virus. Dans la foulée, elle est contactée à nouveau par l’agence pour un autre défilé. Cette fois ce sera au Nigéria, le coeur de la mode africaine.

C'est moi la plus belle... Depuis, la jeune femme de 23 ans est devenue incontournable sur les défilés de mode congolais. Elle est une habituée du « C’est pendant cette audition, menée par Elite Model, une des Carrousel de la Mode » à Pointe Noire. Mais Guibelle a des amplus influentes agences de bitions, au delà des frontières. « mannequins au monde, que Je ne suis pas au niveau souhaité, « Certaines filles sont des grandes assure-t-elle». Guibelle Fouakas s’est révélée comme l’un des talents les plus gueules. Si tu montres que tu es timide, Son rêve est d'être embauchée encourageants de sa générapar une agence étrangère. Elle tu te fais écraser». tion. ne trouve pas son compte avec les La visite d’Elite était la dernière agences locales, qu'elle ne juge - Guibelle du genre au Congo. La jeune pas assez professionnelles. femme y gagne le droit de participer à un défilé à Abidjan. C’est En attendant elle se prend en charge elle-même. Elle contacte la première fois qu’elle sort du pays, à l’âge de 19 ans. les agences, apprend l’anglais et l’italien, s’entraîne seule, et entretient sa réputation sur internet, sa meilleure visibilité. Elle Si tu es timide tu te fais écraser poste régulièrement des photos sur Facebook et Instagram, où Auparavant, elle n’avait jamais vraiment fréquenté l'univers de la elle compte plus de 11 000 followers. Les clichés sont réalisés mode. « En fait, cette audition est mon premier défilé », précise- par des professionnels, ils la mettent en avant dans des vêtet-elle. A l'époque, sa seule expérience se limite aux concours de ments de stylistes. D'autres photos ont été prises lors de défilés. Miss à l’université, où elle étudie la gestion. Elle achetait des chaussures à talon en cachette, pour que son Elle écume aussi les concours de Miss pour rester active entre père ne le sache pas. Pour cette employée de la Banque mon- deux défilés, en espérant se faire repérer. « Cela me permet diale, les études passent avant tout, la mode n’étant pas un vrai d’aller à l’étranger, et rencontrer des agents». métier. Le papa avait déjà opposé une fin de non recevoir à En 2015, elle est même devenue miss Brazzaville le temps d’une l’aînée de Guibelle, qui voulait, elle aussi se lancer dans la mode. année. Prévoyante, elle a tenu à terminer son master en manaMais devant l’opportunité qui se présente à la cadette, il laisse gement. Sait-on jamais ? Elle se donne encore 10 ans de carrière faire. « Ma sœur, précise-t-elle, a beaucoup aidé à le faire chan- dans le mannequinat. « C’est parfois difficile. Il y a des moments ger d’avis. » de creux, des personnes malveillantes aussi. Mais je me bats pour être sur le podium, pour que tout le monde me regarde. Guibelle débarque au Sofitel d’Abidjan et découvre un nouveau A ce moment là, je me dis « c’est moi la plus belle ». monde « un peu fou». Tout va très vite. On est loin des rares Celle qui se dit timide sait ce qu’elle veut. Dans la vie comme sur concurrentes affrontées lors des qualifications à Brazzaville : La les podiums, elle marche droit devant, la tête haute. Le regard jeune fille se sent broyée par une machine qui s'emballe. Elle assuré. L'avenir lui sourit. est confrontée à 52 stylistes, et la salle est pleine à craquer de blogueurs influents, de personnes dévorées par l’ambition.

42

BRAZZAMAG


DOSSIER

GUIBELLE fouakas Photo : Skyvision media

33.BRAZZAMAG 43 BRAZZAMAG


DOSSIER

ALEXIA FERLINE

SANS ''FARD'' ET SANS REPROCHE Alexia Ferline est l’une des plus influentes youtubeuses congolaises. Elle donne des conseils de maquillage, mais aussi de diététique, à plus de 28 000 abonnés. Grâce à ses tutoriels, elle a développé un commerce de produits de beauté dont les ventes s’envolent. Il y a trois mois, elle a ouvert une boutique à Brazzaville dans le quartier de Moungali. Par Antoine Rolland

Photo : Skyvision media

A

lexia applique du fond de teint sur le visage de sa cobaye d’un jour. Dans le public, huit femmes et un homme observent ses gestes avec attention. Tous les smartphones fixent la scène en filmant la démonstration. « Votre maquillage ne doit pas se voir, il doit paraître naturel et rester léger », explique Alexia à son assistance. Application de la base, dosage des produits, comparaison entre pinceaux en poil synthétique et pinceaux en poil naturel : durant plusieurs heures ce samedi après-midi, la jeune femme de 25 ans donne des conseils, répond aux questions, échange avec le public. C’est aussi le but de ses vidéos Youtube, qui totalisent plus de 3.6 millions de vues, pour plus de 28 000 abonnés. A la différence des tutoriels, Alexia Ferline peut cette fois-ci échanger directement avec ses fans. Sa boutique ouvre ses portes à Moungali pour la première fois.

44

BRAZZAMAG

Lors de l’inauguration, elle organise un atelier de maquillage. La salle est décorée comme une immense loge d’artistes : de nombreux miroirs sont accrochés aux murs blancs, des spots de lumière éclairent les outils de maquillage. La lumière douce met en lumière les rajouts et les bijoux exposés…. « C’est la première fois que je viens à un atelier, confie Aldie, 25 ans, originaire de Brazzaville. J’apprends beaucoup : je ne savais pas, par exemple, qu’il fallait appliquer des produits de base avant le maquillage». «Les produits sont souvent chimiques et abîment la peau, répond Alexia. C’est important de la protéger ». Au grand étonnement de la coach, la plupart de ces étudiants d’un jour n’ont jamais assisté à un cours de maquillage. « J’ai eu la chance d’apprendre ailleurs et d’aller voir ce qui se fait à l’étranger. C’est normal pour moi, de donner en retour».


DOSSIER

Un certain regard La punch attitude En pleine démonstration, Alexia n’hésite pas à prévenir son auditoire : « Dans cette démarche, le maquillage joue un rôle central. Au début on ne l'a Dites moi si je fais quelque chose qui ne va pas. Vous avez de meilleurs yeux pas prise au sérieux. Simple babillage pour les uns, étalement impudique que moi». Pas de fausse modestie de sa part, mais sa façon d’assumer sa pour d’autres générations comme celle de ses parents. « Au début ils n'admaladie, diagnostiquée quand elle était adolescente. Cette native de Brazhéraient pas trop à mes projets, c’est vrai, mais ils ont fini par comprendre zaville est atteinte par un kératocône, une maladie rare qui atteint moins quand ils ont vu que j'allais au bout. » d’une personne sur 2000. Sans greffe, elle risque de perdre la vue. « La lumière me brûlait les yeux, et les luTrès vite, la chaîne trouve son public, et nettes n’y changeaient rien, raconte dépasse les 100 000 vues par mois. Au fil Alexia. Ma première réaction a été Je n’y connaissais rien, avoue-t-elle en des ans, et des abonnés, Alexia se profesde m’enfermer dans ma chambre et les sujets sont plus matures : riant. J’étais plutôt garçon manqué. sionnalise, de pleurer tout un week-end. Puis je le montage est plus fluide, le son s’améme suis dit qu’il fallait que j’arrête de liore, la caméra se pose en un décor fixe. - Alexia Ferline m‘apitoyer, que j’avais les moyens et Les coups de gueule de ses débuts, - ne la chance d’être soignée». pas manquer sa vidéo sur le soi-disant manque d’élégance des Africaines, un cliLe maquillage remède à la mélancolie ché très américain- laissent place aux présentations de produits. L’adolesLa franco congolaise est inscrite sur une liste d’attente pour une opération cente gagne en maîtrise et en influence. en France. Il faut au moins attendre deux ans pour une opération, préviennent les médecins. En attendant, Alexia veut défier sa maladie : elle Ces qualités lui permettent d'assouvir sa vraie passion, le commerce. Ses choisit de se plonger dans le maquillage, qui nécessite d’avoir un regard vidéos lui prennent du temps, parfois des nuits entières, alors qu’elle doit aiguisé. « Je n’y connaissais rien, avoue-t-elle en riant. J’étais plutôt garçon suivre son MBA en management, au Canada. Elle a de qui tenir. Fille de manqué. » commerçants, elle veut désormais se lancer pleinement dans la vente. Elle décide alors de rentrer à Brazzaville. Le déménagement de sa boutique Elle lit, suit des formations, regarde des vidéos et partage le tout dans des est prévu au printemps ou à l’été prochain. Elle sera installée en face du tutoriels sur la plate-forme Youtube dès 2011. Elle vit alors aux États-Unis. Radisson. Elle abritera un immense espace de ventes de produits, de maSa chaîne existe déjà depuis peu. Ses premières vidéos présentent des nucure… recettes diététiques. D’après elle, il s’agit d’une forme de thérapie : elle Toutefois Alexia ne veut pas quitter définitivement Youtube, même si elle sort alors de l’obésité. « Au plus fort de cette dérive je pesais plus de 152 pense espacer les publications, voire embaucher une équipe. Une de ses kilogrammes », se souvient-elle. Là encore elle en parle sans difficulté et dernières vidéos publiées il y a quelques mois s’intitulait « Entreprenariat… assume. « Beaucoup de personnes veulent montrer que tout va bien. Moi Certes mais par où commencer ? » Cette grande dame pleine de ressources je ne cache rien. Je démontre au contraire que, malgré les épreuves, on a probablement sa petite idée. Déjà ! peut aller de l’avant. Je veux que ça serve aux autres. »

Photo : Skyvision media

45 BRAZZAMAG


DOSSIER

OLGA OMBONDO

SHOPPING EN LIGNE

Au Congo, la consommation sur internet est un phénomène qui se répand de plus en plus dans les ménages. A travers les réseaux sociaux (Facebook et Instagram), plusieurs personnes sur place ou même à l’étranger proposent l’achat en ligne de différents produits ainsi que la livraison dans un point de relais… Rencontre avec Olga Obondo, la fondatrice de Taggada.fr, la boutique e-commerce. Par Sylverène Ébèlèbè.

Photo : Skyvision media

C

réée en décembre 2016, Taggada vend des vêtements et des accessoires pour femmes et pour enfants à des prix compétitifs : maillots de bain, casquettes, pyjamas, serviettes de plage, robes, sandales... Les articles pour les dames sont disponibles dans les tailles standards (S, M, L et XL) . Ceux destinés aux filles et aux garçons, proviennent principalement des collections Disney (Mickey, la Reine des neiges, Spiderman, Soy de Luna…) et vont de 3 à 8 ans. Une entreprise “propre” et “carrée” Native de la ville océane, Olga Obondo a toujours voulu devenir entrepreneure. En 2008, après plusieurs années en France, la jeune femme revient s’installer à Pointe-Noire. Diplômée d’un CAP petite enfance, Olga travaille pendant deux ans dans une agence de voyage en tant que responsable tourisme avant d’occuper jusqu'à aujourd'hui le poste de directrice commerciale au sein d’une agence de publicité. Néanmoins, cette mère de trois enfants est toujours animée par l’envie de créer “une entreprise “propre et carrée comme en France. “ L’idée de fonder la boutique, dit-elle en souriant, m'est venue après les difficultés que j’ai rencontrées, à acheter à mes enfants, des affaires de bonne qualité vendues à des prix raisonnables tels que les maillots de bains”. La ponténégrine de nature dynamique et ambitieuse a d’abord pensé à ouvrir un magasin physique, mais nuance-t-elle, il a fallu réfléchir à la façon de payer les charges… La Connexion Internet, une solution miracle Olga Obondo est une femme qui aime relever de nouveaux défis. En collaboration avec le webmaster Donald Alalengui, elle décide de développer un site internet au nom de Taggada, en référence aux bonbons que ses enfants apprécient beaucoup. Elle met également en place un partenariat avec la directrice de la crèche “Canaille plus” située derrière l’hôtel Elaïs. Son objectif est d'offrir la pos-

46

BRAZZAMAG

sibilité à ses clientes de récupérer leurs colis et surtout leur permettre de payer à réception de la marchandise : “les Congolais ne sont pas encore habitués à la connexion sur internet pour faire leurs achats. Beaucoup d'entre eux sont encore réticents au paiement en ligne. Ils sont hésitants quant à la qualité de ce qu'ils payent” souligne Olga. Pour ce faire, la chef d’entreprise, déterminée et assidue, a mis en place l’envoi d’un mail de confirmation ; il comporte une facture, et détaille la composition de la marchandise (type de matière utilisée : coton, polyester..) Autant de documents que l’acheteur reçoit après avoir passé sa commande. La livraison se fait sous 24 heures au point de relais, sur présentation du bordereau de commande. Une variété de produits Importés depuis la France, les vêtements et les accessoires en vente sur le site de Taggada.fr existent en quantité limitée pour favoriser l’arrivée régulière de nouveaux modèles. Pour faciliter la vie des mamans mais aussi des papas, la plate-forme propose des coffrets anniversaires. Ils contiennent une casquette, un t-shirt et des lunettes de soleil… ainsi que des packs spéciaux en fonction de la période (rentrée, été…). Olga Obondo dispose d'un sens relationnel affûté. Dans le but de se rapprocher des consommateurs, elle organise tous les trois mois des ventes privées.“ Certaines personnes aiment bien savoir qui se cache derrière un projet. Beaucoup appellent d’abord pour avoir des informations avant de se lancer dans la commande. Les ventes privées permettent de mettre les gens en confiance pour qu’ils achètent car ils peuvent tester le produit. On peut aussi leur montrer comment procéder en ligne parce qu’il y en a qui ne savent pas comment opérer ». Olga glisse parfois des petits cadeaux dans les commandes de ses clientes pour les fidéliser. Une boîte à suggestions est ouverte lors des ventes privées. Autant de propositions qui rassurent et entretiennent la confiance.


DOSSIER

Photo courtoisie GTC

47 BRAZZAMAG


le pont d'oyo OYO EST UNE VILLE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO. ELLE EST SITUÉE DANS LE DÉPARTEMENT DE LA CUVETTE. CHEF-LIEU DU DISTRICT HOMONYME, OYO EST À PLUS DE 400 KM DE BRAZZAVILLE ET À 5 KM DE EDOU.

48

BRAZZAMAG


49 BRAZZAMAG


CULTURE & SOCIÉTÉ

La médecine par les plantes, cet art ancestral Au Congo, où les forêts constituent l’un des trois plus importants massifs forestiers tropicaux, nombreuses sont les plantes aux vertus médicinales. Ces herbes sont utilisées pour fabriquer des "médicaments" traditionnels plus connus sous le nom de "tisane". Brazzamag a assisté à la préparation de quelques recettes d’une traditherapeute autodictate, Chantal Donga. Par Sylverène Ébélébé

C

Photos : Skyvision media

’est à son domicile situé dans le quartier de Tchimbamba (Pointe-Noire) que Chantal Donga concocte les tisanes traditionnelles : "Je me suis lancée dans la préparation de tisanes après cinq années de test. J'ai appris à les faire seule tandis que d'autres personnes reçoivent cette "héritage" de leurs parents voire de leurs grands parents..." souligne cette femme que ses proches appellent chaleureusement "Maman Chantal". Les différentes plantes ou écorces employées dans la composition des tisanes naturelles, peuvent soigner plusieurs types de maladies telles que la typhoïde, le paludisme, les fibromes, les kystes, les plaies infectées, les pertes de mémoire, les céphalées, la tuberculose... Certaines de ces plantes permettent de traiter plusieurs pathologies tandis que d’autres n’en “guérissent” qu’une seule. "Rien à voir avec les féticheurs" "Ce que je fais n'a strictement rien à voir avec les féticheurs" précise Maman Chantal tout en découpant les ingrédients dont elle a besoin pour la tisane contre le paludisme avant d'ajouter "je me sers simplement des richesses que la nature nous offre pour proposer une autre forme de médecine que celle que tout le monde connaît. D'ailleurs, on sait parfaitement qu'une partie des médicaments vendus en pharmacie sont conçus à base de plantes. Par exemple, si vous avez une fatigue aiguë ou une anémie, les feuilles d'avocat et de lemba lemba bouillies dans l'eau vous aideront à vous sentir mieux. Vous pouvez aussi juste vous laver avec le remède au lieu de le boire. La canne à sucre rouge et le matembele peuvent aussi être consommés pour ce type

50

BRAZZAMAG

de symptômes”. Par ailleurs, la feuille de papaye extrêmement célèbre pour ses bienfaits notamment grâce à ses antioxydants, ses vitamines, est un bon ingrédient pour lutter contre l'indigestion, le cancer, l’hypertrophie de la prostate… Tandis qu'une grosse casserole en aluminium est posée sur un feu de bois, Mme Donga passe à travers les bouteilles en verre qu'elle a achetées pour conserver ses tisanes. Des bouteilles de whisky recyclées… "C'est important de bien laver les bouteilles, parce qu'il ne faut pas que l'odeur de l'alcool reste et qu'elle imprègne la tisane" précise cette cinquantenaire tout en vérifiant si ses filles à qui elle transmet son savoir-faire ont bien respecté toutes ses consignes concernant le nettoyage des bouteilles de whisky. Environ une heure et demi après avoir fini de faire bouillir la première tisane, Maman Chantal filtre le liquide à l'aide de tissus en coton. Elle récupère la partie "propre" dans une bassine puis utilise un entonnoir pour la mise en bouteille. "On ne met pas le nom de la maladie sur les bouteilles car il y a des patients qui sont gênés par leur affection. Je suis la seule à savoir quelle tisane correspond à tel cas. A défaut de mettre le nom complet, il m'arrive de mettre des abréviations et d'expliquer ce que ça veut dire au malade" indique Chantal Donga. La conservation des tisanes dans les bouteilles est d'un mois. Toutes les recettes sont à combiner avec une alimentation équilibrée et variée.


CULTURE & SOCIÉTÉ

PALUDISME :

HÉMORROÏDES Pour soigner les hémorroïdes on mélange trois plantes : le kikolokoto, le Mutumbi et la Mouvanza. Le patient doit boire un demi verre matin et soir pendant une semaine soit 3 bouteilles d'un litre à renouveler durant 1 mois. Cette prescription peut être modifiée en fonction du genre de la personne (homme ou femme) et de la forme des hémorroïdes (interne ou externe).

TYPHOÏDE :

Pour traiter le paludisme, Chantal Donga se sert de "Okasia". Bouillie dans de l'eau, la plante libère sa sève qui est un remède efficace contre les différentes formes de paludisme. Un demi verre matin et soir est recommandé toute une semaine voire deux.

RÈGLES DOULOUREUSES : Une plante suffit pour préparer le traitement de la typhoïde. On l'appelle "mupechi" en kikongo ou nivaquine en français notamment à cause de son goût amer. Le "mupechi" existe dans deux couleurs différentes : le jaune et le blanc. Cependant, l'efficacité reste la même et la plante peut également être utilisée pour soigner le diabète ou des douleurs abdominales. Un demi verre matin et soir pendant une semaine soulage les douleurs. A noter que les doses de prise varient en fonction de chaque patient et selon le niveau de gravité de la maladie.

Dans cette recette, on retrouve le "Mutumbi", utilisé dans la tisane contre les hémorroïdes. Cette plante jaune aux multiples vertus permet de soigner aussi les problèmes de trompes. Ici, le médicament est à prendre pendant 1 à 2 mois et même si les douleurs "disparaissent", par mesure de précaution il est conseillé de continuer à boire un demi verre ou un verre matin et soir de préférence après le repas.

L'AVIS DU DR BOUNGOU La médecine traditionnelle trouve sa place dans l'approche thérapeutique actuelle tant par les vertus avérées de ses constituants que par l'adéquation entre la prise en charge somatique et la foi qui accompagne l'usage de procédés ancestraux et culturels. Il reste à signaler que les données scientifiques prouvant la reproductibilité de son efficacité et surtout son innocuité manquent souvent. C'est à ce titre que sa pratique est autant reconnue qu'encadrée par l'organisation mondiale de la santé qui reconnaît des plantes et des méthodes de production médicinales précises. Des agréments sont alors délivrés et la probité individuelle du praticien ne saurait souffrir de contestation si les règles édictées sont scrupuleusement suivies. Enfin, la sélection de pathologies est souvent constatée avec une fréquence non négligeable pour les thérapies visant l'impuissance sexuelle ou les hémorroïdes. L'usage de la médecine traditionnelle ne devrait pas ralentir les explorations paracliniques classiques d'une pathologie médicale persistante au risque d'exposer les patients à des conséquences graves et parfois irréversibles.

LE SAVIEZ-VOUS ? Environ, six Congolais sur dix ont recours à la médecine traditionnelle plutôt qu'aux soins fournis dans les établissements de santé dits "conventionnels." Les tisanes pythothérapeutiques sont aussi bien vendues au marché que par des particuliers.

51 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

MÉDICAMENTS DE RUE DANGERS D’UN MARCHÉ ILLICITE

L

a vente illicite des médicaments aussi appelée “médicaments de la rue” ou “pharmacie par terre” est un phénomène mondial. Selon des statistiques révélées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 1% des médicaments qui circulent dans les pays développés sont des contrefaçons. Ce chiffre peut atteindre entre 10 à 15% dans les pays émergents et 30% dans les pays en développement.

Être en bonne santé est un besoin universel. À chaque numéro, "Brazzamag" partagera avec vous des conseils sur la santé, la nutrition ou encore la forme. Cette nouvelle rubrique, "Priorité santé" permettra de faire de la prévention et informer sur les traitements, toute sorte de problématique autour de la santé et bien plus encore. Des spécialistes de la santé interviendront dans cette rubrique pour traiter différents sujets.

LE SAVIEZ-VOUS ? RÉDUIRE Certains fruits et légumes associés à une alimentation variée et équilibrée peuvent être bénéfiques pour la santé. Le Curcuma, le gingembre, les flocons d’avoine et la pomme réduisent le taux de Cholestérol. Tandis que la papaye favorise la digestion et l’avocat combat l’anémie. Sources * : OMS, Fondation Chirac

Photo : Skyvision media

Au Congo, la rue constitue la deuxième source d’acquisition des médicaments après les officines de pharmacie privées et précède les structures sanitaires publiques. L’achat des médicaments constitue plus de 50% des dépenses des ménages en général. En Afrique où 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, l’accès aux soins médicaux relève parfois du parcours du combattant. En effet, la plupart des consommateurs des “médicaments de rue” estiment que ces mêmes produits coûtent beaucoup plus chers en pharmacies. Ce qui les pousse à les acheter dans la rue. D’autre part, la disponibilité des médicaments plus précisément en milieu rural demeure faible. A peine un médicament sur deux pour traiter les pathologies “graves” est présent dans les dispensaires. La seule alternative qui s’offre aux patients est donc la rue quelque soit la qualité du remède qu’on peut y trouver. Dangers et conséquences des “médicaments de la rue” L’OMS considère que tout médicament issu des circuits illicites d’achat, de stockage et de distribution est susceptible de perdre en qualité et donc de devenir dangereux. La consommation de ces médicaments peut avoir plusieurs conséquences allant de l’absence d’effet thérapeutique à la mort. Pour soigner une maladie

quelconque, il est recommandé de consulter un professionnel (médecin généraliste, spécialiste…) et avoir recours aux conseils d’un pharmacien dans les établissements dûment autorisés par les pouvoirs publics (hôpitaux, pharmacies…). Opération Mpili En 2013, 35 tonnes de faux médicaments avaient été saisies à Brazzaville lors de l’opération Mpili lancée par les services de police. Les médicaments réquisitionnés -antibiotiques, antipaludiques pour nourrissons (Coartem)...- étaient des produits contrefaits, falsifiés et trafiqués faisant l’objet d’un commerce illégal. Au Nigeria et au Pakistan, les faux médicaments représentent 40 à 50 % de la totalité des médicaments en circulation. 36,5 % des antibiotiques et des antipaludiques vendus en Thaïlande sont falsifiés. Par ailleurs, aux Etats-Unis, la fabrication de faux médicaments a quasiment été multipliée par 10 depuis 2010. Aujourd’hui, même si les pays en voie de développement restent les plus touchés par le trafic des médicaments falsifiés, ce fléau se répand de plus en plus dans les pays développés à cause de la vente des médicaments sur Internet.

CONSERVATION DES MÉDICAMENTS La mauvaise conservation d’un médicament détériore la substance active et crée de la toxine. Selon qu'il est bien conservé et que son contenant est intact, un médicament peut préserver ses caractéristiques. Cependant, certains sont plus sensibles et fragiles que d’autres à l'effet extérieur (air, soleil, humidité…). Les vaccins et/ou quelques sirops pour enfants par exemple doivent être gardés au frais. Par ailleurs, les médicaments peuvent encore être utilisés après la date de péremption. Cette date correspond en fait au moment où le produit perd 10% de sa capacité ou principe actif.

52

BRAZZAMAG


CHRONIQUE

Priorité santé LE BLANCHIMENT DE LA PEAU,

PHÉNOMÈNE DE MODE OU COMPLEXE DE BEAUTÉ ? De nos jours, il n’est plus rare de croiser des hommes qui pour les mêmes raisons que les femmes utilisent des produits éclaircissants. Les sénégalaises appellent cela le “Xessal”, les camerounaises parlent de "maquillage", les maliennes de tcha-tcho et les Congolaises de “tchoko” tandis que les médecins, eux, utilisent le terme "dépigmentation volontaire". La dermatologue Sophie Bayonne évoque ce qui se cache derrière cette pratique parfois culturelle à laquelle les adeptes ont recours au détriment de leur santé. Propos recueillis par Sylverène Ébélébé.

1

Qu'est-ce que le blanchiment de la peau ?

Le terme approprié est “dépigmentation artificielle” ou encore “dépigmentation volontaire de la peau ”. Il s’agit d’une pratique cosmétique qui vise à éclaircir la teinte naturelle de la peau.

6

2

Quelles sont les origines de cette pratique ? Cette pratique a commencé dans les communautés noires d’Amérique après la découverte accidentelle du dépigmentant de l’hydroquinone par des travailleurs d'une usine de caoutchouc. C’est au début des années 1960 qu’elle s'est progressivement répandue à travers l'Afrique, notamment au Sénégal puis dans le reste de l’Afrique sub-saharienne. Cette pratique atteint son apogée dans les années 1980.

QUESTIONS AU Dr. SOPHIE BAYONNE

3

Combien de types de produits existe-t-il pour blanchir la peau (Gels, savons, laits, crèmes) ?

Les produits dépigmentants sont des substances chimiques qui composent certains cosmétiques et produits d’hygiène. Les principales substances sont : les corticoïdes, l’hydroquinone et les mercuriels. Ces produits sont utilisés seuls ou associés entre eux. Il s’agit le plus souvent du détournement des indications légales de ces substances au profit de leurs effets secondaires. Les corticoïdes sont des médicaments qui ont des propriétés anti-inflammatoires. Ils existent sous forme de crème, pommade ou de gel. Parallèlement, l’hydroquinone est une substance aux propriétés dépigmentantes utilisée autrefois à une faible concentration pour traiter les troubles de la pigmentation. Elle a été récupérée à cette fin en augmentant sa concentration. L’hydroquinone est proposée dans les laits de toilette à but éclaircissant. Les mercuriels sont des produits à action antiseptique. Ils ont été retirés du marché pharmaceutique en cette qualité. Néanmoins, certains savons dits “antiseptiques” circulent encore et sont utilisés pour dépigmenter la peau.

4

Selon vous, quelles sont les causes du blanchiment de la peau ?

La dépigmentation volontaire peut être due à plusieurs causes qui varient en fonction des sociétés et des individus : socio-anthropologiques, psychologiques, esthétiques et médicales. Les causes socio-anthropologiques sont liées aux indicateurs de beauté d’une société. Dans certaines sociétés, une personne est qualifiée de “belle” si elle a un teint clair. De ce fait, pour rentrer dans ce modèle de beauté, les membres de cette société s’adonneront à toutes les pratiques qui contribuent à éclaircir la peau. Aussi, l’influence des médias et des magazines qui mettent en exergue des modèles de beauté à peau claire ou métissée, aggravent le phénomène. Les causes psychologiques tiennent de plusieurs faits : le besoin de corriger un “ mal être ” par

rapport à sa peau, le besoin de s’identifier à la race blanche considérée pour certains comme suprême. Dans les causes esthétiques, c’est le désir d’être parfait sinon meilleur que son état naturel sans que ce dernier soit considéré comme mauvais.

5

Les conséquences (maladies...) ?

L’usage des produits dépigmentants peut avoir des conséquences sur la peau mais aussi sur le fonctionnement de l’organisme. Les corticoïdes favorisent le développement des infections, l’installation des vergetures, l’apparition de l’acné et peuvent entraîner des maladies générales telles que le diabète, l’hypertension artérielle ou des maladies endocriniennes par blocage au niveau des glandes du cerveau (hypothalamus/ hypophyse). L’hydroquinone provoque des troubles de la pigmentation (noircissement de certaines parties du corps ou apparition de taches claires). Elle peut être responsable de cancer cutané en cas d’utilisation sur une longue période voire plusieurs années et dans un environnement ensoleillé. Les dérivés mercuriels peuvent provoquer des irritations ou des allergies de la peau mais aussi des maladies rénales.

6

Il y a t'il des traitements ou des solutions pour y remédier ?

Malheureusement, les solutions pour pallier au phénomène de la dépigmentation volontaire ne sont pas toujours efficaces surtout que les complications sont parfois irréversibles. La meilleure solution reste la prévention dans les établissements publics et l’abstention totale de cette pratique.

L'incorporation de substances comme les dermocorticoïdes ou de dérivés contenant du mercure est interdite dans les produits cosmétiques éclaircissants de la peau. A noter que de nombreux produits cosmétiques n’indiquent pas réellement leur composition.

53 BRAZZAMAG


CILTURE & SOCIÉTÉ

Ciel! Une chenille dans mon assiette ! L'arrivée des insectes dans nos assiettes serait inévitable, selon plusieurs nutritionnistes. Ils disent qu’ils sont à la fois bons pour la santé et moins néfastes pour l'environnement que d'autres formes de protéines animales. Le seul obstacle à franchir pour ces petites bestioles, c'est celui de s'insérer dans la culture alimentaire de nos assiettes. Par Bernard Sallé

L

es spécialistes estiment aujourd’hui qu’élever des insectes bons à consommer demande quatre à cinq fois moins de nourriture que pour la viande, pour une même quantité de protéines. En effet 100g de chenilles contiennent 53g de protéines, 17g de glucides et 15g de lipides. Côté énergétique, vous avez une moyenne de 430 kilocalories pour 100g, sans oublier que ces petites bêtes regorgent de divers sels minéraux. Autre bonne nouvelle, c’est qu’un élevage d’invertébrés reviendrait huit à dix fois moins cher. De plus, selon les études menées, les insectes, sont « propres », non toxiques, et dépourvus d’antibiotiques…

Photo : Skyvision media

Photo : Skyvision media

Manger des insectes ? Quelle idée ! Si les occidentaux font la grimace à l’idée de manger des insectes un jour, chez nous la pratique a fait son chemin depuis bien longtemps. Les Congolais en sont friands. Plusieurs variétés ont été répertoriées. Grillées, passées à la poêle ou carrément plongées dans un bain d’huile, ces petites bestioles ont le don de réveiller les papilles. Et c’est bon ! Voyons un peu ce que nous offre la nature : Les Mbouila sont succulents en friture légère. Cette catégorie d’éphémères, est un peu plus charnue en Afrique qu’en Europe. Les Missina, petites chenilles d’un à deux centimètres, vivent dans l’herbe. On en trouve facilement dans les marchés. Colorées et souvent rouges, les Mabilou, sont des insectes qu’on trouve généralement en forêt. Les Miouka, chenilles noires de taille moyenne, sont le plus souvent vendues séchées et fumées. Elles sont utilisées pour faire d’excellents bouillons. Les Mafoundi, dont l’aspect ressemble plus à des larves qu’à des chenilles blanchâtres, sont plus grosses que le pouce. On les trouve dans les souches de palmier. Très appréciées, elles sont vendues vivantes dans des cuves au marché. Enfin les Makonko, sont de gros criquets au vague goût de crevette, très croquants sous la dent (on mange tout, même la carapace et les pattes). C’est aussi le cas pour les sauterelles Missombi, qui ont en revanche moins de saveur. Et si dans certains villages on adore ces deux variétés d’insectes, d’autres bourgades boudent totalement ce type de repas. Vous avez encore faim ? Allez près d’une fourmilière, posez une feuille de journal et raclez au fur et à mesure les fourmis, vous aurez une bonne friture à la saveur citronnée et nullement désagréable. On les pile également pour en tirer une pâte blanchâtre qui est cuite ensuite. Les termites, elles, se prennent au piège grâce à une longue cuillère après avoir fait un trou pour accéder à leur nid. On peut aussi les capturer, lorsqu’elles s’envolent au-début de la saison des pluies. Miser sur les insectes Jusqu’à présent la consommation d’insectes relève plus du phénomène de mode que d’une habitude alimentaire comme manger des algues ou du krill. Cela dit la filière intéresse de plus en plus à travers le monde où élevages et ventes sur internet fleurissent ici et là. Un jour viendra où, pâtés de criquets, chenilles en gelée, chips saveur fourmis feront partie du paysage culinaire au même titre que d’autres plats aussi universels que sushis, spaghettis ou pizzas aujourd’hui.

Photo : Skyvision media

54

BRAZZAMAG


CILTURE & SOCIÉTÉ

55 BRAZZAMAG


À CILTURE & SOCIÉTÉ

SPORT en plein air La nuit tombe sur la corniche à Brazzaville. Des badauds viennent se promener après une journée de travail, prennent des photos du fleuve ou admirer les lumières de Kinshasa qui s’allument à peine. Et puis arrivent ceux qui ne sont pas là pour le paysage : les sportifs. Ils investissent les lieux tous les soirs, au point d’en faire la plus grande salle de sport de la capitale. Désormais on transpire en groupe. Par Antoine Rolland.

Photo : Skyvision media

«

Non ça ne va pas! Vous hésitez trop ! » Adam, 32 ans, n’est pas leurs bonnes résolutions, les habitués à la foulée assurée, des coureurs, satisfait de ses élèves du soir. L’exercice qu’il demande tient presque des marcheurs venus en famille et même avec la poussette. de la figure acrobatique : une extension suivie d’une réception sur les Il y a ceux, plus téméraires, qui se lancent dans des concours de pompes, deux bras et d’un enchaînement de pompes. de tractions, dans des séances d’étirements. Les corps s’étendent, et se Alors certains, peu rassurés, n’osent pas se lancer. La fatigue, due à la tirent dans toutes les directions. chaleur, joue aussi. Depuis maintenant 20 minutes, le groupe d’une Un club de full contact de Poto Poto, qui sort du dojo une fois par semaine dizaine de jeunes hommes enchaine les exercices physiques plus ou moins pour faire du renforcement physique, enchaîne les prises, sans avoir peur spectaculaires. Adam n’est pas coach professionnel, il est commerçant. de chuter sur le béton. « Le groupe s’est formé spontanément. Et puis petit à petit des liens se sont Des coachs professionnels à mi-temps créés et on a décidé de faire du sport Quelques mètres plus loin, un homme les Ici on a de l’air, de l’espace. tous les jours. regarde en action. Il grimace à chaque fois - Adam Puis d’autres personnes nous ont qu’un corps touche le sol. « Ils vont s’abîmer les rejoints, explique-t-il. Il y a quelques tendons à force. On voit des choses aberrantes footballeurs, ou tout simplement des gens qui veulent rester en forme. » sur la corniche parfois. » Ken Lanzi est détenteur de trois diplômes de Les séances comprennent de la course à pied le long des 2,5 km de voie, sport. Il donne des cours particuliers trois fois par semaine, les lundi, puis du renforcement musculaire. « A l’origine, on allait dans une école à mercredi et vendredi. Djiri, mais nous manquions de place. Ici on a de l’air, de l’espace. » Sur ces Il a installé au sol son équipement : une corde de 12 mètres, des marques mots, il commence une série de pompes, bientôt suivi par son équipe. tracées à la craie sur le béton, un tapis et des bouteilles d’eau en guise d’haltères. « Mon activité n’est pas encore assez développée pour Tous les soirs sur la corniche, on se socialise autour du sport, comme être rentable. » L’entraineur a prévu pour son élève du jour, peintre en certains font connaissance autour d’une bière. bâtiment, un programme plutôt ardu. On retrouve tous types de profils : il y a les néophytes essayant de tenir Pendant 45 minutes, montre en main, il lui indique les gestes, le pousse

56

BRAZZAMAG


À CILTURE & SOCIÉTÉ à l’effort, le corrige. Et interdiction de flancher. « C’est normal de travailler dur », lâche l’apprenti le souffle coupé par la chaleur. Il a choisi Lanzi un peu par hasard. « Je suis venu m’entrainer sur la corniche, se souvient-il. On a discuté, et la semaine suivante j’ai intégré son cours. » Difficile d’en faire son gagne pain Ken Lanzi fait tout sur la corniche, jusqu’à y recruter ses élèves. « Je ne sais pas si ça a été pensé pour le sport, mais ici on a quasiment tout à disposition. Les marches pour les steps, les barrières pour les étirements. C’est idéal. » Ses cours coûtent 1000 F, autant dire que ce n’est pas l’activité principale de ce sergent-chef de l’armée, qui le soir venu, troque le béret pour une casquette. « C’est encore difficile d’en vivre. Tous les profs de sports qui étaient à l’école avec moi sont à mi-temps. » Il lui arrive de

Photo : Skyvision media

refuser certains éléments dans ses cours. « Je me dois de bien choisir : ce sont mes tableaux, ma publicité. » Ken constate un engouement pour l’activité physique dans la rue. «Le sport a toujours existé ici. Aujourd’hui le changement se fait dans la pratique : beaucoup de Congolais ne s’y mettent pas pour la compétition, mais bien pour prendre soin de leur corps. Il y a plus de sérieux. » Pour les amateurs, il organise une séance ouverte à tous et gratuite le dimanche matin. « Je reçois des mamans, des papas, ou des plus jeunes, qui veulent perdre du poids ou se dépenser. J’organise parfois des jeux : c’est un programme plus léger, qui se rapproche de la zumba » et destiné aux lève-tôt : le rendez vous est à 7h vers le rond-point de l’indépendance, au bout de la corniche. A Brazzamag, on s’est engagé à s’y rendre. Avec toute la rédaction, sinon rien.

Photo : Skyvision media

Crédit photo : Robert Nzaou

Photo : Skyvision media

57 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

DÉGUSTEZ 100% congo Au Congo, tandis que la plupart des produits sont importés, certains entrepreneurs ont choisi de favoriser la consommation locale. Cela passe par la transformation de fruits et légumes locaux dont regorge le pays. Jus de fruits, confitures, légumes marinés et épices moulues , sans oublier la production de miel. Brazzamag a visité quelques étals et sélectionné quelques produits du terroir.- Par Sylverène Ébélébé et Antoine Rolland.

DES JUS GARANTIS BIOS Parfait Kissita est l’un des producteurs de boissons locales au Congo. A la tête de la Conserverie des produits agricoles du Congo (COPRAC), il propose une variété de jus de fruits 100 % bio ( jus de gingembre, de bissap, de fruit de la passion…) ainsi qu’une variété de légumes marinés en conserves composées de choux, carottes, poivrons, oignons et concombres. Basé à Pointe-Noire, Parfait Kissita a fait des études d’ingénieur en agronomie à Cuba où il a travaillé dans une entreprise de jus fruits. De retour au Congo, il crée sa première société de production de jus et de compotes à Bacongo (Brazzaville) en 1997 avant de s’installer dans la ville océane en 1999. “Le but de la COPRAC consiste à réduire les pertes agricoles, sécuriser les revenus des autres producteurs et apporter de la valeur ajoutée aux produits de chez nous” affirme le patron de l’entreprise. Une partie des fruits et des légumes utilisés dans la préparation des différents produits provient des récoltes de la coopérative agropastorale alors que le reste est acheté chez les agriculteurs locaux. Les produits sont disponibles sur commande ou dans quelques restaurants de la place. Contact : 06 895 01 80. Photo : Skyvision media

MAJORIS, LE MIEL PUR DU CONGO Très utilisé dans l’alimentation, la cosmétique et la médecine alternative, le miel est une denrée riche dont les nombreuses vertus sont connues dans le monde. C’est dans cette optique qu’en 2012, Moïse Ngouamba crée MAJORIS, une société spécialisée dans l’élevage d’abeilles et la production de miel pur au Congo. Pour obtenir le miel pur, Moïse a installé à Nkayi un rucher d’une demi douzaines de colonies d’abeilles nourries avec de la canne à sucre permettant de générer en moyenne 40 litres de miel par an. Le miel produit par MAJORIS est commercialisé sous la marque “MELISSA”, un nom provenant du terme latin “meli” qui signifie "miel". Les produits MELISSA* existent sous deux gammes : la gamme “miel sauvage” composée de miel pur contenant plus de 20% d’eau, et la gamme “miel apicole” il s’agit de miel pur contenant au maximum 20% d’eau. Emballé dans des pots de mayonnaise recyclés, le miel MELISSA est disponible en version 500 ml et 1000 ml. Informaticien de formation, Moïse Ngouamba s’est formé à l’apiculture grâce à des vidéos sur Youtube. En 2017, il a remporté le prix Mesmin Kabath lors de la Semaine Mondiale de l’Entrepreunariat à Pointe-Noire. Contact : 06 632 06 60 ou 05 095 42 24

Photo : Skyvision media

58

BRAZZAMAG

Melissa*, c’est aussi le prénom de la Nymphe dans la mythologie grecque qui aurait découvert le miel et l’apportait aux Dieux pour les nourrir.


À DÉCOUVRIR

LES CONFITURES MAM’ IRÈNE Ananas, papaye, banane plantain, patate douce, safou… tant de fruits et légumes du Congo qu’Irène utilise pour fabriquer des confitures artisanales sans conservateurs et sans sucre ajouté. Les différentes saveurs se dégustent aussi bien sur une tartine, qu’avec des crêpes ou un yaourt... Passionnée de cuisine, c’est en 2008 que Mam’Irène (maman Irène) comme la surnomme son grand père, vient s’installer au Congo. D’origine franco-congolaise, Irène éprouve un vif intérêt pour les fruits et les légumes de chez elle. La ponténégrine se met alors à tester la fabrication de confitures dans sa cuisine avant de les faire goûter à son entourage. Encouragée par ses proches, elle lance les confitures Mam’Irène en 2016. “J’ai deux mamans de Mpita qui me livrent les patates douces et la papaye. Je m'approvisionne aussi chez des marchands de la place ou sur la route en allant vers le Cabinda..” confie Irène. En vente dans la boutique Agrofresh, les confitures Mam’Irène peuvent être conservées pendant un an (avant ouverture) et 10 jours au réfrigérateur (après ouverture). “Les pots de confiture sont recouverts avec un bout de tissus en pagne pour apporter de la couleur et une touche ethnique tout en rappelant mes origines africaines” précise Irène. Facebook : Confitures Mam’Irène Tél : 06 921 42 05 Photo : Skyvision media

BÉATRICE ELEGIDO, LA REINE DU CONDIMENT L’idée lui est venue à force d’arpenter les routes du Congo. « C’était il y 6 ans. Je suis tombée par hasard sur des fruits de brousse que je ne connaissais pas », raconte Béatrice Elegido. Une surprise de taille pour celle qui a vécu toute sa vie ici : son grand père s’est installé à Brazzaville en 1934. « Il y avait du tsuiteke, une sorte de fraise. Je me suis dit que l’on pouvait faire des choses plus originales que les éternelles variations autour de la mangue. » Béatrice se lance ainsi dans le projet de sublimer l’utilisation de ces fruits. Son idée étant d’apporter de la diversité aux produits culinaires de son pays. Après deux ans de tests en laboratoire, elle lance ses premières ventes de vinaigre. « Il fallait être sans reproche au niveau de la pasteurisation et de la stérilisation. Pour ce genre de produits, c’est essentiel. » Au fil des ans, la gamme s’enrichit avec d’autres fruits comme le litchi, mais aussi avec des sels pimentés et différentes variétés de poivres, ou encore des confits de fleur d’hibiscus. Autant de produits qui viennent de la brousse congolaise et qui prouvent la richesse du pays. On vous conseille spécialement le vinaigre de bissap, à glacer avec du canard, ou encore le vinaigre de passion à déguster avec des gambas et des avocats. Béatrice estime qu’un marché est en train de s’ouvrir. « Il faut aider les productions locales. »

Photo : Skyvision media

Beatrice Elegido Restaurant O Sympathic, 06 666 4136

59 BRAZZAMAG


60

BRAZZAMAG


61 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

L’AFRIQUE

reprend en main SON IMAGE

Michaël OHAYON

Spécialiste des médias et des nouvelles technologies, fondateur et dirigeant de la compagnie Azoy Studio, société de prestations et de conseil, dont le siège est en France. Il possède vingt ans d’expérience dans le secteur. Il a développé de nombreux projets de chaînes TV et projets innovants dans plusieurs pays, notamment en Afrique et récemment au Congo Brazzaville avec le lancement d’Africanews. Il nous fait partager à travers une chronique intitulée Influence Média sa vision et son expérience du secteur audiovisuel et des nouvelles technologies. Sa connaissance de l’Afrique et du Congo Brazzaville nous donne une perspective locale dans un secteur en constante mutation, aux enjeux forts pour notre continent et notre pays.

Trop d’intelligence tourne en folie.

Brazzamag offre avec cette chronique une fenêtre sur les coulisses des médias.

« Trop d’intelligence tourne en folie ». Certains lecteurs reconnaîtront ce célèbre et très sage proverbe congolais. Ce proverbe illustre magnifiquement le thème abordé dans ce numéro, l’Intelligence Artificielle. Avec cette chronique, je sors ainsi quelque peu du cadre des medias et vous m’en excuserez, mais dans l’évolution des technologies tout est lié. Ce mot qui envahit notre quotidien, est dans la bouche de celles et ceux qui se veulent ouvert(e)s vers l’avenir (ou se « donnent l’air » de l’être). Mais quelle est la réalité de cette évolution technologique ? Quelle est l’enjeu pour nous tous et pour l’Afrique ? J’ai voulu réfléchir avec vous à ces questions. Qu’est ce que l’Intelligence Artificielle ? Il est aussi difficile de définir l’Intelligence artificielle que l’intelligence tout court, sa nature est complexe et son périmètre d’action très large. L’Intelligence Artificielle (IA en français, AI en anglais) pourrait être définie comme « les sciences et technologies qui permettent d’imiter, étendre, augmenter l’intelligence humaine avec des machines » (Olivier Ezratty). En résumé, l’idée est de créer

62

BRAZZAMAG

Crédit photo : Rey Mang

une intelligence capable de réaliser des actions, ceci grâce à des machines et des systèmes informatiques. L’informatique est au centre des recherches sur l’IA, car c’est l’outil qui permet de la créer. Un outil informatique ne fait que ce qu’on lui demande sur la base de ce qu’il a appris. L’IA ne peut donc comprendre ou connaître que ce qu’on lui a montré. Elle ne pourra que répéter des actions « apprises ».


gouta.

CHRONIQUE

iNFLUENCE MEDIA Cette façon de faire est appelée « deep learning » ou apprentissage profond. Pour illustrer ce qu’est l’IA et comment elle est créée, voici un exemple concret de travail d’apprentissage sur la reconnaissance d’image. Un système informatique composé de plusieurs serveurs et puces (chipset) est assemblé selon une architecture proche du système neuronal humain. Elle est programmée pour reconnaître les images numériques qu’on lui fournit (analyse des pixels, blocs…). La personne humaine indique dans un premier temps à quelle catégorie appartiennent ces images (en l’occurrence des photos de chiens classés selon leur race).L’IA acquiert « une connaissance » qui lui permettra ensuite de classer seule des images dans ces catégories. L’Homme fournit l’architecture technique et la programmation, mais aussi la matière d’apprentissage (les images) et l’objectif à atteindre (les catégories et le classement). L’IA apprend sur la base de données qu’on lui fournit. Il s’avère que l’IA peut traiter une quantité gigantesque de photos. En fonction de la qualité de son apprentissage (comme un élève avec son maître) elle aura peu ou quasiment pas de déchet. Ces apprentissages ont déjà des applications pratiques (reconnaissance faciale sur Iphone, diagnostic de maladie telles que le cancer sur la base d’imageries médicales complexes) et en devenir (conduite sans chauffeur avec reconnaissance de l’environnement, cf « Google car »). Ce sont des actions que l’Homme ne peut pas faire aussi rapidement ou à une échelle quantitative bien inférieure. On touche là à l’atout majeur de l’IA : la masse de traitement d’information et sa rapidité. Les capacités des machines sont en évolution constante, la puissance de l’IA ne fait qu’évoluer, de manière exponentielle. Sans données à traiter l’IA est impuissante. Le « Big Data » (la capacité à collecter, à générer et à stocker des données à grande échelle) représente « la nourriture » de l’IA. Le Big Data et l’IA sont deux évolutions indissociables. L’IA, un danger ou un bienfait ? Le débat fait rage sur les dangers que représente l’IA pour les êtres humains. Des voix célèbres, telles que celles de Stephen Hawkings, Bill Gates ou Elon Musk, nous alertent sur l’avenir de

cette technologie. Ces craintes peuvent paraître justifiées, c’est pourquoi il faut encadrer l’IA sur le plan éthique, tout en assurant notre contrôle sur elle. Pour paraphraser le proverbe cité en exergue, l’intelligence ne tournera pas en folie si elle est maîtrisée. Et pour reprendre une image d’Hollywood, Terminator n’est pas prêt d’entrer dans notre salon. Pour ma part, je préfère voir l’avenir dans son écrin de promesses et envisager tous les potentiels de l’IA pour nos vies. Prenons des exemples en Afrique. L’IA a été intégrée à des drones pour protéger des rhinocéros en Afrique du Sud. Les vidéos ainsi enregistrées sont analysées en temps réel pour identifier animaux ou braconniers et prévenir les gardes-chasse en cas de danger. Le programme « Air Sheperd », c’est son nom, est très concluant. En 6 mois le nombre d’animaux tués est passé de 19 par mois à 0 !!! L’IA est aussi une aide potentielle pour une meilleure santé en Afrique. En effet l’analyse de photos ou vidéos d’enfants dans certaines zones d’Afrique permet de déceler des carences alimentaires à distance (projet de l’UNICEF contre la malnutrition). L’IA vient ainsi compenser un manque d’infrastructures médicales dans certains lieux du continent. La place de l’Afrique dans ces évolutions ? Il est coutumier de lire dans les articles consacrés à l’IA que la Chine et les USA sont largement en avance et que le reste du Monde ne pourra que suivre. Ceci s’applique à l’Europe comme à l’Afrique. Cependant, à l’heure où les cartes se rebattent, même si l’Afrique a du retard, elle peut en tirer un bénéfice important. Tout d’abord, l’IA ne nécessite pas des investissements d’infrastructure insurmontables. Pour participer à cette évolution il faut des personnes formées et créatives. La créativité existe en Afrique ; elle est portée par sa jeunesse. Cet atout maître africain qu’est la jeunesse doit être guidé par un plan de formation. Les futurs ingénieurs, informaticiens, médecins… doivent être formés à ces technologies dans le cadre d’une volonté politique forte. Ensuite, parce que l’Afrique est habituée au « saut de technologie » et que l’IA est un saut dans un avenir nouveau. Les habitants du continent, et ceux du Congo, sauront aller plus vite et plus fort que des populations figées dans des habitudes anciennes. Selon une étude de Dell et de l’ «Institut pour le Futur» de PaloAlto 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Ce chiffre en dit beaucoup sur le potentiel. Nous reviendrons prochainement sur l’énorme potentiel de l’IA dans la création, les medias et la créativité au sens large. Sujet passionnant et plein de surprise. A mon avis, mais il n’engage que moi, l’Intelligence Artificielle est un atout pour notre futur. Par contre, « la bêtise naturelle », elle, sera toujours un obstacle au bonheur. Alors développons la première pour lutter contre la seconde.

63 BRAZZAMAG


PUBLIREPORTAGE

Internet, plus qu’une notion de connexion fibre ou 4G La valeur de la connexion physique à l’Internet est ce que les pipelines sont pour le pétrole, c’est-à-dire très peu comparé à la gestion du réseau, la valeur des données et de ses applications. En 2020 le secteur numérique devrait représenter 25% de l’économie mondiale et continuer à changer le monde. Grâce à cette révolution, le monde se développe à une vitesse jusque-là inconnue. En un siècle, nous devrions connaître autant de changement qu’au cours des 20 derniers siècles. Par Christophe Pacilly. Lorsque l’on observe les 10 principales capitalisations boursières américaines on constate que la moitié des sociétés sont ce qu’on appelle les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui représentent une valeur d’environ 2 500 Milliards de Dollars. En dehors de leur valeur, ce qui surprend, c’est leurs réserves financières et surtout leurs actifs immatériels stratégiques : les données, c’est-à-dire le pétrole de demain et les applications. De quelles données parle-t-on ?? Chaque jour des milliers d’entreprises collectent des millions de données sur tout ce qui existe sur cette planète et notamment sur nous, nous les consommateurs, nos goûts, nos besoins, nos budgets…. Entre 2015 et 2020, elles vont être multipliées par 5. Mais quel est l’intérêt de ces données ?? A titre d’exemple, ces données vont permettre à un industriel et à un supermarché de s’assurer en temps réel que le produit que nous aimons consommer est disponible au moment où nous en avons besoin et qu’il rentre dans notre budget. Prenons deux cas qui nous paraitrons normaux dans les années à venir : •Grâce à l’Internet des objets (IoT) mon frigo analysera que j’aime bien manger une glace, chocolat/vanille, le dimanche vers 16h. Il constatera qu’il n’y a plus de glace dans mon réfrigérateur et enverra un message à l’Intelligence Artificielle (AI) du supermarché qui s’assurera que le magasin ait bien un pot de glace disponible le samedi, jour où je fais mes courses. •Chaque année la consommation électrique d’un bâtiment coûte énormément d’argent. Dans un futur très proche, des capteurs (IoT) indiqueront à une Intelligence Artificielle qu’il n’y a personne dans la pièce et réduira ainsi la température tout en éteignant la lumière. Toutes ces actions seront suivies en temps réel par mon Smartphone. L’économie réalisée sera de plus de 30%. Quel est le rôle des Data Center? Quand on compare la carte de la consommation électrique de l’Internet, on constate qu’elle se superpose à celle de la consommation électrique dans le monde. Plus on consomme d’Internet, plus on a besoin d’électricité.

64

BRAZZAMAG

L’explosion des données va demander plus d’intelligence artificielle et de stockage, donc plus d’énergie. C’est pour cela que les data centers sont installés dans les lieux où l’énergie est la moins chère. Qu’est-ce que l’Intelligence Artificielle ? Le concept de l’Intelligence Artificielle (IA) est de faire penser les machines comme des humains, elle doit être capable d’effectuer des tâches telles que raisonner, planifier, apprendre et comprendre. L’IA est déjà très présente dans notre quotidien car elle peut effectuer des millions de calculs en une seconde et ainsi nous simplifier la vie. Prenons quelques exemples concrets d’IA : •Les assistants personnels utilisés dans nos Smartphones : Siri, Google Assistant. •Facebook suggère des identifications dans les photos à l'aide de la reconnaissance d'image. •L’armée américaine l’utilise pour ses drones d’attaques, •Lorsque vous achetez en ligne sur Amazon, c’est encore elle qui vous répond. En moins d’une seconde elle vérifie la disponibilité du produit près de chez vous, calcul le temps de trajet, valide la transaction bancaire. •Elle permet à Uber de calculer votre temps de trajet et le tarif que vous allez payer pour une course. Pour résumer, on peut dire que c’est le cœur des principales entreprises de la Silicon Valley. Les réseaux de demain Comme vous pouvez le constater l’Internet c’est plus que de la fibre, l’Internet repose sur la rapidité de transfert de données, la capacité à les stocker dans des datacenters et à les analyser grâce à l’intelligence Artificielle. C’est pour placer le Congo au cœur de cette révolution technologique que Skytic Telecom a construit un réseau qui est interconnecté aux plus grands opérateurs de télécommunications et à une infrastructure de stockage reposant sur plus de 200 datacenters répartis à travers le monde. Au cœur de ce réseau, nous avons déployé des machines intelligentes qui gèrent les flux de manière dynamique. Cette infrastructure intelligente permet à nos clients de bénéficier du SMART Internet.


65 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

6 applis mode & BEAUTÉ

Envie de tester une nouvelle application sur votre téléphone ? Découvrez les appli du moment pour avoir des idées beauté et mode. Par Sylverène Ébélébé

Hairstyle Makeover

Les dernières robes africaines

Makeup Genius

Vous voulez changer de coupe de cheveux ou tenter une couleur mais vous appréhendez un peu ? L’application Hairstyle Makeover est là pour vous aider à franchir le pas. Disponible gratuitement sur Apple Store, Hairstyle Makeover propose à l’utilisateur d’avoir un aperçu du look qu’il aura en adoptant la future coiffure qu’il souhaite. Prenez ''un selfie'', et choisissez parmi plusieurs catégories : coupe courte, coupe longue, coupe mi-longue, carré, coupe garçonne... !

Quelle que soit la saison, porter une tenue en pagne reste indémodable ! Cependant, il arrive que même la personne la plus “fashion” soit à court d’idées pour le style de vêtements qu’elle veut confectionner. “Les dernières robes africaines” est une application mobile disponible sur Google Play qui offre une sélection de photos (régulièrement mises à jour) contenant des inspirations de modèles (robes, jupes, vestes, pantalons…) les plus tendances de la mode africaine.

Lancé en mai 2014 par une célèbre enseigne l’Oréal Paris, Makeup Genius est un simulateur virtuel permettant de tester tous les produits de maquillage de la marque en temps réel sur téléphones et tablettes. Pas la peine d’avoir fait une école de maquillage ou d’être une professionnelle en la matière, une simple photo fera l’affaire ! Positionnez bien votre visage face à l’appareil photo et capturer une image. Ensuite, choisissez les différents produits que vous souhaitez tester dans le catalogue proposé par l’application : blush, rouge à lèvres, fard à paupières, eye-liner… Votre téléphone devient alors un miroir qui vous aidera à tracer un trait de eye-liner sans déborder ou réaliser un smoky eyes “parfait” …

Aussi bien pour les femmes que pour les hommes, ces derniers peuvent également se prêter au jeu grâce à un large choix de coiffures et de moustaches. De plus, Hairstyle Makeover offre un nombre illimité de teintes de cheveux.

La galerie de photos propose de nombreux modèles de vêtements modernes et contemporains, conçus avec différents types de tissus africains. Chaque utilisatrice peut trouver un modèle qui lui convient parfaitement !

OPI Nail Studio

La Blackeuse

Apparel Paris

C’est toujours un grand dilemme lorsqu’une femme se trouve face au choix de la teinte de son vernis de la semaine. L’application OPI Nail Studio créée par la marque de vernis O.P.I offre aux dames la possibilité de tester les vernis en fonction de la carnation de leur peau et la taille de leurs ongles. Sur son smartphone l’utilisatrice remplit un “questionnaire” sur ses ongles puis sélectionne la couleur du vernis qu’elle veut tester. Le vernis s’applique automatiquement sur les ongles et la référence de la teinte utilisée apparaît. L’essai peut être répété plusieurs fois. L’application mobile est disponible sur IOS et Android en anglais.

Il vous est déjà arrivé de vous demander quel masque ou fond de teint utiliser sur votre visage ? Ou encore quel serait le produit le plus adapté à vos cheveux crépus ou défrisés ? Et bien, l’ application “La Blackeuse” lancé par le magazine web du même nom (dédié à la femme noire) est fait pour vous ! Elle propose régulièrement des conseils et astuces sur le traitement de cheveux, du visage et du corps pour les peaux noires, foncées et métissées ainsi que les dernières tendances de mode, maquillage… Les différents articles sont classés par rubriques : beauté, santé, lifestyle, food & drink (nourriture et boissons)... Disponible sur Android et IOS, l’application est gratuite.

Disponible sur Google Play et Apple Store, Apparel Paris suggère des idées de looks en fonction des vêtements et des accessoires que l’utilisateur possède dans sa penderie tout en tenant compte de sa silhouette et son teint, son style et la saison ! Pour être bien habillée et avoir un look “parfait” en quelques secondes pour toutes les occasions, il faut d’abord commencer par créer un profil sur l’application en donnant des informations sur sa couleur de peau, celle des yeux et des cheveux, sa taille…. Ensuite une liste de différents vêtements et d’accessoires (chaussures, sacs…) vous ait proposée parmi lesquels vous pouvez trouver un modèle que vous avez dans votre placard ou sinon vous pouvez prendre une photo de vos habits et la télécharger sur l’application.

66

BRAZZAMAG


Aujourd’hui avec MTN, j’affronte le monde avec passion et c’est vrai Appellez, tchatez, surfez en toute confiance avec le meilleur réseau au Congo everywhere you go

mtncongo.net

Le Meilleur réseau au Congo, ARPCE 2017. Le seul Réseau 4G au Congo.

51.BRAZZAMAG 67 BRAZZAMAG


Photo : Robert Nzaou

68

BRAZZAMAG


vendeur de leggins 69 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

LES ARTISTES INVISIBLES

ENTRE ART ET PUBLICITÉ On ne les remarque pas tout de suite. Mais elles sont partout. Ces annonces publicitaires, pour un restaurant, un salon de coiffure, un magasin de musique, de fournitures, une grande marque de bière. Elles apparaissent sur les murs de béton, les panneaux de bois, ou les portes de métal sous des formes graphiques parfois pointues. Brazzamag a rencontré leurs auteurs, mi artistes, mi publicitaires, dans les rues de Brazzaville. Par Antoine Rolland.

Photo : Skyvision media

B

laise Satiesse est assis sur son escabeau, à deux mètres de hauteur, dans le quartier de Poto-Poto. Son front sue à grosses gouttes, sous l’effet de la chaleur de l’après-midi, mais il ne s’en soucie guère. Il se concentre sur une lettre « a » en italique, particulièrement technique. C’est la touche finale au rafraîchissement de l’enseigne d’un restaurant sénégalais. « Le gérant m’a appelé pour refaire le travail, explique-t-il. Celui qui est passé avant avait bâclé son ouvrage. ».

Certains parviennent à décrocher des contrats avec de grandes marques, comme la Vache qui Rit, Cowbell, Primus, pour qui le dessin est un passage obligé. Samba, de Samba Color, est justement en train de dessiner une Vache qui Rit sur un mur de Poto-Poto. Il applique au pinceau de fines nuances de vert sur la prairie, afin de la rendre plus réaliste que jamais. « Les grandes marques nous contactent et nous fournissent la liste des boutiques à équiper. Nous avons un cahier de charges à respecter, une image précise à reproduire. »

DOUGOU, Kouilou

Blaise fait parti de ces hommes qui embellissent Brazzaville. Son métier, affirme-t-il, est celui de sérigraphiste. Il peint des sandwichs, des bouteilles de bières, des portraits de coiffures ou de célébrités, comme Zidane ou Ronaldo, pour la promotion d’un commerce. « Je dois rester concret, il faut que les noms soient clairs, les dessins bien identifiables pour les passants qui ne savent pas lire. Il faut rester informatif. » Ce n’est pas sa seule activité. Il imprime également des banderoles, ainsi que des t-shirts. « C’est ce qui rapporte le plus » dit-il.

70

« Précision et service de qualité »

BRAZZAMAG

Indépendamment de la marque ou du commerçant, le peintre doit satisfaire avant tout son prestataire. « Une bonne publicité attire, explique Moïse, coiffeur à Mikalou. Et dans la tête du client, plus c’est beau, plus le service est de qualité. Je n’imagine pas un commerçant réussir sans décorer sa façade. » L’artiste doit donc s’effacer face à son oeuvre.


Est-ce alors de l’art ou de la publicité ? Pour tous les sérigraphistes que nous avons rencontrés, les deux ne sont pas incompatibles. « L’art c’est le beau, philosophe Samba, qui a fait sa formation dans une école d’art. C’est l’application du beau, peu importe le support, peu importe le but. » Quant à savoir s’ils sont des peintres à part entière, la réponse diffère. « Moi je suis sérigraphiste avant tout, argumente Blaise. D’ailleurs, j’espère pouvoir abandonner la peinture pour me concentrer sur les t-shirts. » Samba pense l’inverse. Lui aussi imprime des t-shirts. « Mais ce n’est que pour vivre. Le vrai métier, c’est ça », assène-t-il en montrant la vache au mur.

Il a commencé son activité en 1987 en peignant « un homme qui fumait, pour un cigarettier », se souvient-il. Depuis il s’est fait une clientèle grâce à sa signature. « Ces peintures, c’est de l’alimentaire. Ce que je préfère ce sont mes toiles. J’expose dans une galerie ». Ce monde de l’art a ses codes, et inspire ses vocations. Dans la rue, on passe devant un commerce général. La devanture arbore un dessin signé « Merci Kipiala Star ». « C’est un petit qui débute, indique Idriss. Il m’a copié pour cette peinture. Ce genre de pratiques est courant chez ceux qui n’ont pas encore trouvé leur style. »

Des artistes stars

Conjoncture oblige, l’activité de ces artistes de rues faiblit depuis quelques temps. Mais ils finissent toujours par trouver un contrat ici et là. « Notre chance est que nos peintures sont éphémères, avance Idriss. Il faut les refaire sans cesse. » De plus, ils ne risquent pas d’être concurrencés par les banderoles ou les écrans, encore rares. « Je n’imagine pas Brazzaville sans publicité picturale, dit Samba. Elles donnent une âme à la ville. »

En revanche, il ne signe pas. « Les artistes ambulants font ça, développe Blaise. Ils signent avec leur numéro de téléphone pour qu’on les retrouve. » C’est le cas de Kipiala Star. Idriss de son vrai prénom. Son terrain de jeu est le nord de la capitale. Alors qu’il nous y conduit en taxi, le chauffeur réalise à qui il a affaire. « C’est toi Kipiala Star ! » L’homme de 47 ans s’est forgé une certaine notoriété.

LES ARTISTES INVISIBLES DE LUCA COSENTINO Coincé dans un embouteillage, directeur d’ENI Congo entre 2010 est 2013, Luca Cosentino, ressent un trouble particulier. Depuis quelques minutes, une vache, dessinée sur un mur, le dévisage. C’est à ce moment que l’homme d’affaire prend conscience du nombre de publicités murales qui l’entoure. Il décide de leur consacrer un livre, et de rendre hommage à leur « degré de sophistication graphique exemplaire en dépit des moyens techniques souvent limités. » Entre Pointe-Noire et Brazzaville. On retrouve les oeuvres de Biss Color, Kipiala Star, Sa majesté 1er zazou, et tant d’autres. « Ces images éparpillées racontent les goûts des gens, leurs habitudes, leurs valeurs écrit l’Italien. Il apparait que l’art publicitaire est le véritable art populaire congolais. (…) Un art qui change et se renouvelle avec l’évolution de la société, de ses goûts et de ses modes, et qui réussit à garder sa pureté originelle. »

Photo : Skyvision media

Crédit photo : Robert Nzaou

Crédit photo : Robert Nzaou

Photo : Robert Nzaou

Photo : Skyvision media

71 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

nos quartiers

Photos : Skyvision media

Moukondo, carrefour et commerces

I

l y a longtemps, Moukondo était un petit village téké, peuplé de Batéké et de Balari (Téké-Congo). Puis la construction de l’aéroport de Maya-Maya dans les années 50 a fait de Moukondo l’axe de contournement à l’est pour atteindre la Base, derrière l’aéroport. L’ouverture en 2010 de la bretelle « de l’Unité africaine » menant à Kombo a renforcé la vocation de carrefour de Moukondo… et ses embouteillages. Par Bernard Sallé.

Limites géographiques Moukondo est aujourd’hui l’un des quartiers de Moungali. Il est limité au sud par l’avenue Opangault (ex-Palmeraie), à l’est par l’école Supérieure de Police, au nord par les limites de la cité des 17, et il englobait à l’ouest un domaine forestier, aujourd’hui disparu. Mais Moukondo a conservé son identité propre, celle d’un quartier populaire animé, autour de son marché-gare routière, un carrefour encombré, désorganisé, mais particulièrement vivant et sympathique.

72

BRAZZAMAG

Un peu d’histoire Tout un plan de lotissements SONACO-SOPROGI était en cours quand les Diables Rouges ont gagné la CAN de 1972 à Yaoundé. Pour les récompenser, l’Etat Congolais a donné aux joueurs des parcelles, dans un quartier qui a conservé le nom de « Diables Rouges ». On se souvient de Boukaka, Mbono, Moukila, Tostao et de Zébio. François Mpélé y habite toujours. Par la suite, des fonctionnaires ont également réclamé des parcelles, et elles étaient fort appréciées, car elles étaient équipées en eau et électricité.

PopulatION ET SUPERFICIE Moukondo a toujours été un quartier éclectique. Des ministres et des députés de toutes origines s’y sont installés. On y voit de nombreux commerces d’Ouest-Africains, qui habitent également le quartier.


À DÉCOUVRIR

L’origine de Moukondo

« Moukondo », c’est le baobab en téké. Il y en avait quelques-uns, il en reste un grand dans la rue Minakou, derrière la rue Voka.

Pour la petite histoire

Lorsqu’elle existait encore, la forêt Mazala attirait les étudiants qui venaient y réviser à l’ombre et au frais. On raconte que le Président Ngouabi, qui se promenait dans les endroits les plus surprenants, en rencontrait quelquefois, et qu’il s’intéressait à leurs situations, et au paiement de leurs bourses.

les bâtiments remarquables

Quartier d’urbanisation, de cases, de rues encore mal nommées, Moukondo n’a guère bénéficié de constructions prestigieuses. Mais l’école de gestion, ESGAE, s’y est installée dans de grands bâtiments, tout contre le marché, et l’hôtel Ngalipomy élève également ses étages audessus du quartier.

où manger ?

On mange et on boit partout à Moukondo, les petits restaurants et les ngandas sont nombreux, avec une cuisine simple et traditionnelle, et quelquefois un plat de gibier ou de ngoulou. Pour un plus grand choix et une autre gastronomie, le restaurant de l’hôtel Ngalipomy est tout indiqué.

où faire la fête ?

Les grands bars, le soir, sont animés, mais il y a aussi de nombreux petits « VIP », ces discothèques sans prétention. Parmi celles-là se distingue « La Cour des Grands », avenue Loualou, où l’ambiance est garantie !

Une personnalité du quartier

De belles villas ici et là témoignent de la présence de certaines personnalités, souvent discrètes. M. David Bibi, Président du quartier, cite volontiers les anciens footballeurs, ainsi que le général Eta-Onka et l’honorable Médard Moussodia.

Au moins une raison d’y aller

Perché sur la première marche au-dessus de la plaine de Brazzaville-Centre, Moukondo cultive son identité, sa qualité de quartier vivant, animé et commerçant. Les auteurs, il y a quelques temps, parlaient des « Brazzavilles Noires » pour les banlieues de la capitale. Moukondo en fait parti, un village encore dans la ville.

73 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

Photos : Skyvision media

iL FAIT BON VIVRE À MVOUMVOU

S

superficie de la commune s’étend sur 600 hectares soit 6 kilomètres carré. Le quartier 203 (marché de Mvoumvou) est limité au nord par la rivière Songolo, au sud par l’avenue de l’indépendance, à l’est par l’avenue Zachari et à l’ouest par l’avenue Raymond Payet. Sa population est de 13 280 habitants.

Limites géographiques

L’origine de Mvoumvou

itué à l’ouest de la ville océane, Mvoumvou est l’un des quartiers les plus anciens de la cité africaine. Le lieu est devenu le deuxième arrondissement de Pointe-Noire le 10 avril 1967.

L’arrondissement de Mvoumvou se délimite au nord par la rivière Songolo qui le sépare du 4ème arrondissement (Loandjili), au sud par l’avenue Jean- Félix Tchicaya situé dans le 1er arrondissement (Emery Patrice Lumumba), et à l’est par l’avenue Moe Pratt, faisant office de délimitation avec le troisième arrondissement de Pointe-Noire (Tié-Tié). Mvoumvou est composé de 11 quartiers dans lesquels il y a 43 zones et 145 blocs.

historique du quartier Le nom de Mvoumvou fait référence à une famille Mvili dirigée par Kandji Mpinda, “la saison sèche” en dialecte Mvili. Le chef de famille Mvoumvou avait la réputation d’être puissant ! Il faisait des incantations pour que la pluie ne tombe pas. Certains habitants du village l’avaient également surnommé “l’homme qui faisait sécher les plantations d’arachides des femmes”.

PopulatION ET SUPERFICIE

Très dynamique, la population de l'arrondissement de Mvoumvou était de 86 450 habitants en juin 2001 et de 100 000 au dernier recensement. La

74

BRAZZAMAG

Mvoumvou était un village Mvili au coeur de Pointe-Noire. Il s’est développé grâce à l’implantation de plusieurs commerces et bars qui font de cette vieille cité “un lieu qui ne dort jamais. ”

Pour la petite histoire

Ancien maire de Mvoumvou Alexandre Honoré Packa, préfet actuel de la ville de Pointe-Noire a su gagner la confiance de la population par son amabilité. Il est celui qui a construit la résidence des maires, le PSP (commissariat) ainsi que le dispensaire de Mvoumvou. Ces différentes infrastructures ont permis à Mvoumvou d’être l’un des arrondissement où le taux de banditisme est le moins élevé et dans lequel on retrouve toutes les tranches d’âge.

les bâtiments remarquables

A l'entrée de Mvoumvou, le stade municipal de Pointe-Noire anciennement appelé Casimir M'voulaléa de 1975 à 2007 est équipé avec des sièges vert, jaune et rouge (les couleurs du drapeau national) pour offrir une ouverture sur l'échange, le partage et la diversité des peuples. D'une capacité de 13 594 places, ce stade a accueilli la coupe d'Afrique des nations junior en 2007 à


À DÉCOUVRIR

l'occasion de sa rénovation. Il a également abrité des championnats de football avec la participation des équipes congolaises telle que l'AC Cheminot, des matchs de catch et des combats mettant en scène des joueurs célèbres des années 80 comme Delima, Bois Sacré et Makaya- Masangui. A ce jour, certains clubs de football ulitisent l'espace pour s'entraîner en semaine ou le weekend. Un deuxième stade du 2ème arrondissement, "le stade kokolokopa" reçoit lui aussi chaque année de grandes manifestations religieuses, sportives et publicitaires ainsi que des kermesses. Situé dans le quartier 203, le bâtiment Kitoko Daniel est une reférence pour l'arrêt des transports en commun (bus et taxis).

les communautés

Mvoumvou est un secteur rempli de commerces (boutiques d'alimentation, restaurants, bars...). Les sénégalais, les béninois représentent la majorité de la population du quartier 203. Il y a également des rwandais, des camerounais, des ivoiriens, des Ghanéen et des Congolais de Kinshasa qui eux habitent un peu plus bas vers la corniche.

où manger ?

Si vous aimez le "nguidi", plat typiquement béninois, vous apprécierez le restaurant qui se trouve dans le quartier 203 en face de l'arrêt Kitoko Daniel. L'endroit propose des spécialités de l'Afrique de l'ouest mais aussi des plats congolais (poisson à la braise, madesu...). Le parc d'attraction zen city extrêment réputé pour ses nombreuses kermesses est aussi un lieu où on trouve des foyers, des restaurants ambulants qui proposent des menus variés. Au restaurant « Les Maya » vous pouvez déguster de bons bouillons de viande sauvage et d'autres recettes à découvrir sur place.

où faire la fête ?

Le parc d'attraction zen city est le coin idéal pour se détendre entre amis ou entre collègues. En effet, en plus des divers foyers disposés à l'intérieur du parc, il existe plusieurs bars à ambiance. D’autres “kandas” ou VIP* sont aussi ouverts tout au long de la semaine et le week-end.

Une personnalité du quartier

Jean Pierre Thystère Tchicaya, ancien député de Mvoumvou et maire de Pointe-Noire en 1994. Il s’est investi dans la construction et le maintien de la paix au Congo. Lors de ses funérailles, les rues de la ville océane ont vu défiler des milliers de personnes en sa mémoire. Son cercueil avait été déposé au stade Kokolokopa à Mvoumvou à cause de ses origines Mvili.

Au moins une raison d’y aller

Le calme, l'accueil chaleureux des habitants de Mvoumvou notamment ceux du quartier 203 font de ce cette ancienne cité des Mvili un lieu où il fait bon vivre. Les gens se saluent entre eux comme dans un petit village. Tout le monde se connaît. Les enfants s’amusent ensemble tandis que les "papas" jouent au jeu de dames dans une des parcelles au bout d'une rue autour d'une bière. Les femmes quant à elles, rendent cet endroit encore plus convivial en vendant des beignets, des brochettes de viande, des arachides sucrées… VIP* : il s’agit des discothèques “classes” avec climatisatision, fauteuils en cuir et télévision branchée sur les chaînes de Canal. Les VIP ouvrent à partir de 18h.

75 BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

Photo : Skyvision media

une virée en 100-100 Le 100-100 doit son nom au fait qu’à son lancement les clients payaient 100 francs pour un trajet. Mais aujourd’hui avec la hausse du prix de l’essence, une place coûte 150 Francs. Réparti en 12 lignes qui desservent tout Pointe-Noire, le 100-100 est le premier moyen de déplacement que les Congolais utilisent au quotidien. Notre journaliste Sylverène a embarqué dans ce transport en commun le temps d'un aller retour du centre ville de Pointe-Noire jusqu'à fond Tié Tié. - Par Sylverène Ébélébé.

Fond tié-tié, fond tié-tié”, hurle un homme avec une voix grave. Placé à l’entrée d’un minibus plus communément appelé “100-100”, ce dernier interpelle les passagers pour leur indiquer la direction du véhicule stationné non loin du rond-point Tractafric à Pointe-Noire. Il est 15h30, le mini car peint en bleu avec des traits verticaux jaunes n’a que six passagers. Je m’installe à la première rangée derrière le conducteur afin d’éviter d’être dérangée lors des montées et descentes des autres passagers. Le chauffeur met le moteur en marche avant de tourner le volant et faire signe au receveur qui claque la portière bruyamment. Le départ pour fond tié-tié est imminent ! Des passagers de tous bords A l’intérieur du 100-100, quatre longues banquettes sur lesquelles peuvent s'asseoir quatre personnes en heure creuse et beaucoup plus en heure de pointe, sont couvertes d’un tissu noir. “J’ai l’habitude de prendre le 100-100 pour aller au marché ou pour faire des courses. Ça coûte moins cher que les taxis” me confie une demoiselle assise à ma gauche. Les passagers à bord vaquent à leurs occupations. A l’avant, sur l’un des sièges à côté du chauffeur, un monsieur d’une trentaine d’années manipule son smartphone avant de lancer un appel. Il s’exprime tout doucement et promet à son interlocuteur de le rappeler plus tard. “Fond tié-tié, fond tié-tié” continue de crier le receveur assis non loin de moi avant de taper sur le toit pour signaler un arrêt. Deux jeunes garçons descendent sur le bord de la route au niveau du chemin de fer non loin de l’immeuble Azur. Une femme portant un seau et des bouteilles en plastique demande au receveur s’il a la monnaie de 5 000 francs CFA. Celui-ci lui fait un signe avec sa main pour l’inviter à monter à l’intérieur du véhicule puis referme la grande porte. Le chauffeur klaxonne pour demander le passage aux autres voitures sur la route avant d'appuyer sur l'accélérateur et rouler à vive allure. Je me cramponne alors au siège situé devant moi pour éviter de me cogner contre ma voisine de droite qui n'a pas l'air d'être dérangée par les mouvements de la voiture. Chaleur et ambiance garantis Il fait chaud, les fenêtres sont fermées et les odeurs de parfums, de

76

BRAZZAMAG

transpiration... se mêlent. Je demande au receveur s'il est possible d'aérer un peu. Ce dernier me lance un regard "dédaigneux" avant de répondre favorablement à ma demande. Au même moment, trois passagers débattent sur des sujets d'actualité relatifs au pays: "Ah la rupture là vraiment, on ne sait pas comment on va faire pour s'en sortir" lâche un homme vêtu d'une chemise blanche à carreaux avant de se regarder dans le rétroviseur pour arranger son col. Je me tourne pour essayer de voir son visage mais ce dernier baisse la tête pour sortir quelques billets de son portefeuille. Tandis que je prends mon cahier pour écrire, je sens le regard de mes voisins se poser sur moi. Certains s'interrogent de me voir prendre des notes alors que d'autres tentent de lire ce que je note. Un jeune garçon m'interpelle : "vous n'êtes pas d'ici n'est ce pas ?" Je me retourne pour repérer la personne qui m'a parlé avant de répondre pourquoi ? "ça se voit ! " dit-il en regardant son voisin et d’ajouter “C'est la première fois que vous montez dans un 100-100 ? " Non, c'est la deuxième lui dis-je. "C'est bien ce que je disais vous n'êtes pas d'ici. Mais pourquoi vous prenez des notes ? C'est pour un film ? " poursuit le lycéen en uniforme. La curiosité de cet écolier a stoppé toutes les conversations dans le véhicule. Tous les passagers me dévisagent et attendent ma réponse. C'est parce que je suis journaliste. Je fais un reportage sur les 100-100. Un "papa" à l'avant ajoute "il faut parler de moi dans ton article hein, tu écriras que papa Jean était dans le même 100-100 que toi". 20 minutes de trajet, nous voilà arrivés au marché de fond de tié-tié où les klaxons des voitures laissent place à la voix des vendeurs qui tentent d'attirer la clientèle sur leurs stands. Le receveur bascule son siège pour permettre aux passagers de descendre. Au moins une dizaine de personnes font déjà la queue pour nous remplacer à bord du mini car. Certains bousculent ceux qui descendent pour monter à leur tour. "Zala bango ko" "fais vite en français" me balance une femme qui tente d'accéder au bus au moment où je pose un pied par terre. "Laissez les descendre" hurle le contrôleur qui me fait un sourire en essayant de me frayer un passage avec sa main. “Au revoir” la journaliste, chuchote une “maman” avant de se faufiler dans le marché !


À DÉCOUVRIR

C'EST GRATUIT... ON NE VOUS LE DIRA JAMAIS ASSEZ ! www.brazzamag.com

www.brazzamag.com N˚2 Avril - Juin 2017

DOSSIER :

N˚1 Janvier - Mars 2017

AGRO-

"ÉLÉMENTAIRE''

DOSSIER SPECIAL:

TOURISME le secteur de demain ?

STIMULANTS SEXUELS,

LES FETICHES

"ZIZIMAN"

LES DESSOUS d'un business

TOMBENT LE MASQUE

immobilier, LA rEPRISE ?

DIABETE,

GRATUIT

9 QUESTIONS AU DR. BOuNGOU le futur de la tv & internet

LE MAGAZINE QUI MET L'HOMME AU COEUR DU DEVELOPPEMENT

LE MAGAZINE QUI MET L'HOMME AU COEUR DU DÉVELOPPEMENT

BRAZZAMAG.COM

Edition N ˚00

GRATUIT

SUr LEs TRACes DU MONSTRE ...

1 BRAZZAMAG

1

Edition N ˚02

Edition N ˚01

N˚4 Décembre 2017 - Février 2018

N˚4 Décembre 2017 - Février 2018

DOSSIER :

ils se sont investis au congo

www.brazzamag.com

www.brazzamag.com

N˚4 Décembre 2017 - Février 2018

N˚4 Décembre 2017 - Février 2018

lA SÉCURITÉ 3.0 AU COEUR DES DOCKERS

la dot, maître de cérémonie

DOSSIER :

à la mode de chez nous la dot, maître de cérémonie

DES IDEES CADEAUX 100% MADE IN CONGO

DES IDEES CADEAUX 100% MADE IN CONGO

L'obésité , un fléau pour le congo

GRATUIT

L'obésité , un fléau pour le congo

GRATUIT

1 BRAZZAMAG

Edition N ˚03

Edition N ˚04

Edition N ˚05

SUIVEZ-NOUS

LIEUX DE DISTRIBUTION : Dans tous les vols TAC (Nationaux et régionaux) Restaurants, hôtels, Supermarchés, magasins, salons de coiffure, agences de voyage, boulangeries.

POUR METTRE VOTRE PUBLICITÉ Mail : info@brazzamag.com Tel : +242 06 474 7790 +242 05 059 5555

lE MAGAZINE QUI MET L'homme au coeur du développement

77 BRAZZAMAG


DÉCOUVRIR

LE d&d , À VOTrE SANTÉ !

Photo : Skyvision media

L

Du vin, du fromage et de la chaleur humaine. Voilà les ingrédients de Dolores Jabon-Piquard et Dominique Picard qui ont tenté un pari audacieux dans le centre de Brazzaville : un bar à vin et tapas, une première dans la capitale congolaise. Brazzamag est allé faire un peu d’œnologie au bord du fleuve Congo. Par Antoine Rolland.

’homme aux cheveux noirs est bien installé dans un canapé, cigare dans une main, verre de rhum dans l’autre. Le pirate arbore un sourire aux lèvres. La mer s’étend à l’horizon derrière lui. Au fond du bar, Corto Maltese, grande figure de la Bande dessinée francophone, occupe toute la surface du mur. C’est en quelque sorte le premier client du D and D, celui qui en résume la philosophie : détente et dépaysement. Amuse-gueule et musique Le premier D, c’est Dolores. L’autre, c’est Dominique. A moins que ce ne soit l’inverse. Le couple a voulu prendre le contre-pied des autres brasseries de Brazzaville : au placard la bière locale et les bananes frites. Quand au décor, il tranche avec les bars impersonnels de certains hotels. Au D and D, on boit du vin, et du bon ! On écoute des classiques du jazz et du blues. L’énergique Dolores, se démène entre les commandes en cuisine, et les tables en salle. Son mari, flegmatique et plus zen, officie ce soir-là au bar, en l’absence de leur fille, Aurore. Pour tous les publics « Les clients aiment nous voir, » explique Dolores qui apprécie leur contact. Les tauliers aiment la transparence. La cuisine est en effet séparée de la salle par une baie vitrée. Attablés autour d’une assiette bien garnie, Sylvain et Marie confirment. Ils sont en train de déguster une plancha de tapas. Ces jeunes actifs viennent ici pour « décompresser » après une semaine de travail. « On ne se sent plus à Brazzaville, affirment-ils. Nous sommes ailleurs». Le compliment fait plaisir à Dolores qui confirme : « On voulait créer une bulle : ici on n’est ni à Brazza ni à Paris. On est autre part. »

78

BRAZZAMAG

Comme chez maman Congolais comme expatriés s’installent autour de l’immense comptoir. Les discussions sont animées et conviviales : attention à ne pas rester collé à son téléphone, sous peine d’un rappel à l’ordre des patrons : le bar est sans wifi ! Ici tous les publics sont acceptés. « Il y a une petite surreprésentation d’hommes célibataires, constate Dolorès. Parfois je leur donne des restes de repas que je fais chez moi. Sur le livre d’or, on retrouve souvent cette inscription : à la meilleure des mamans». « Je ne veux pas qu’on dise que c’est un bar d’expatriés », prévient la barmaid. D’après son mari, les Congolais aiment beaucoup le vin. « Ce sont de vrais connaisseurs, ils ne se contentent pas du Chardonnay classique». Ici on sert du Bordeaux, du Bourgogne, plus facile à exporter, et aussi du vin d’Afrique du Sud. « Le Loupios, vin sucré italien a son petit succès » affirme Dominique. En guise d’accompagnement, Dolores, puisque c’est elle qui cuisine, propose des planches raffinées de fromage ou de charcuterie, sans oublier les tapas confectionnés à partir de produits locaux. On vous recommande au passage les tapenades au chorizo ou les aubergines grillées. Des produits au prix raisonnable, la carte se veut accessible aux classes moyennes brazzavilloises. Le verre de vin coûte environ 5 000 F. « On voulait un bar chic et pas cher », résume Dolorès. 60 ans : il n'y a pas d'âge pour les braves Ils ont beau être sexagénaires, les barmen restent novices, pratiquement en rodage. C’est leur première expérience dans la restauration. Leur installation a été menée au pas de charge. C’est lors d’une dégustation de


DÉCOUVRIR

vin à Brazzaville en 2016 que Dolorès a eu l’idée d’un lieu bar entièrement voué à la boisson dionysiaque. Elle se décide vite mais Dominique souhaite réfléchir afin de peser le pour et le contre. Mais il ne tarde pas trop. Les travaux démarrent en octobre 2016. Leur choix se porte sur un local abandonné depuis deux ans, dont la vue donne sur le fleuve Congo. Pour accélérer les travaux ils n'hésitent pas à mettre la main à la pâte. Avec leurs ouvriers ils cassent, nettoient et construisent. Leur fille, architecte de formation, s’occupe de la décoration, moderne et élégante. Quatre mois plus tard, le 22 mars 2016, c’est la soirée d'inauguration. Ouverture en fanfare Les deux aventuriers ne souhaitent pas encore ébruiter l'événement. Ils veulent démarrer avec peu de clients et sans trop de pub. Sage décision mais en pure perte. Dès le premier soir les clients affluent en masse. Le couple, présent à Brazzaville depuis plusieurs décennies, est assez connu. Résultat, le bouche à oreille fonctionne à plein. Dès les premières semaines le D and D ne désemplit pas. La famille belge apprend peu à peu les subtilités du métier, et acquiert de l’expérience. Devant ce succès foudroyant, Dolorès envisage d'ouvrir un autre local sur le même modèle, à Kinshasa. Mais pour le moment, il faut se concentrer sur la première entreprise. Comme l’appétit vient en mangeant, pour la prochaine étape, elle souhaite embaucher des élèves de l'école hôtelière, afin de venir en aide aux trois salariés actuels. « C 'est important la formation, dit-elle. Il faut impliquer la jeune génération ». Avant de repartir, la barmaid prend soin de dire au revoir à chacun de ses clients. Elle salue également avec chaleur ceux qui arrivent. Le tutoiement est de mise. Certains sont là dès l’ouverture à 19h, mais ne savent pas forcément quand ils repartiront. « On n’a pas fixé d’heure de fermeture, sourit Dolorès. S’il faut danser jusqu’au bout de la nuit, on y va ». Tout cela autour d’un verre de vin, ou pour les plus futés, un verre de rhum arrangé. Jusqu'à plus soif !

ON A TESTÉ POUR VOUS On a testé pour vous : Pour les petits budgets, on vous recommande le vin de Loire Saumur Champigny, à 4000 FCFA ou encore le Muscat de Rivesaltes, une valeur sûre chez les moelleux. Et si vous voulez tester les talents de cuisine de Dolores, Brazzamag vous conseille de savourer la planche variée à 10 000 FCFA, composée d’un échantillon de différents tapas : aubergines grillées, poivrons à l’ail, crème de thon ou de sardine, sans oublier le saucisson et le fromage. Le tout ac-compagné d’un Bordeaux Château Cailleteau Bergeron aux arômes boisés, rond en bouche. Parfait pour passer une soirée en toute détente.

INFO :

Du mardi au samedi overture à 19h Immeuble Bolloré, Avenue Amilcar Cabral BRAZZAVILLE

TEL : 06 669 1688

Photo : Skyvision media

79 BRAZZAMAG


CULTURE & SOCIÉTÉ

LASAPE

Devenir expert en 30 minutes! Qui connait vraiment la Sape ? Les ignorants diront qu’il s’agit d’un folklore, d’autres que ce n’est qu’une forme de dandysme. Ils ont tort ! La Sape est une contre-culture. Mieux, un patrimoine. C’est le but du livre écrit par Joseph Itoua pour le ministère de la Culture, sobrement intitulé « La Sape au Congo-Brazzaville ». En 60 pages, l’ouvrage fait le tour complet et rapide du phénomène, le tout agrémenté de nombreuses photographies. Pour vous, Brazzamag a retenu 5 points essentiels à connaître sur la Sape. Par Antoine Rolland mode kinoise de l’époque. C’est le début d’une longue histoire d’amour entre les deux arts. Le livre montre d’ailleurs une photo du chanteur belgo-rwandais Stromae en pleine « frime » dans les rues de Bacongo en 2015.

Photo : Skyvision media

L

a Sape est née à Brazzaville. Ou du moins entre la France et le Congo. On retrouve les premières formes de dandysme après les deux guerres mondiales. Les Tirailleurs sénégalais originaires du Congo s’inspirent à l’époque des modes vestimentaires en cours à Paris et les reproduisent dans les rues de Brazzaville. La troisième génération de congolais se rendant à Paris est celle des intellectuels et des pères de l’indépendance. On trouve parmi eux Jean-Félix Tchicaya ou Pascal Lissouba. Ces expatriés reviennent au pays avec un style chiné sur les bancs de la Sorbonne à Paris. Mais c’est la quatrième génération, celle des années 70, qui va pousser l’élégance jusqu’à l’extrême et créer les codes actuels, sous l’impulsion notamment d’Antoine Wada, alias Djo Balard. Le mot « Sape » part d’un mal entendu. Pour beaucoup, c’est un acronyme qui signifie « Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes. » Jospeh Itoua en donne une autre signification. La légende tire sa source dans les années 70 à Paris. Christian Loubaki, surnommé Enfant Mystère, se présente tout de costume vêtu devant son patron, qui lui lâche : « Tel que tu es habillé, tu vas saper le moral de tes amis. » Enfant Mystère l’interprète mal : dès son retour à Brazzaville en 1976, les sapeurs n’utilisent plus le verbe saper pour parler de destruction, mais bien d’habillement. La Sape doit beaucoup à la musique. ’inverse est aussi vrai. « C’est par la musique que ce phénomène prend une dimension internationale », précise Jospeh Itoua. Dans les années 1970, des musiciens zaïrois de passage, et parmi eux un certain Papa Wemba, vont être fascinés par le faste des costumes des sapeurs, à rebours de la

L 80

BRAZZAMAG

Le « parisien », comme le « coopérant », doit respecter « la règle de trois ». Si cette phrase ne signifie rien pour vous, il est temps de faire un point lexical. Comme toute culture, la Sape a ses mots propres. Vous apprendrez ainsi que la « diatance » est le nom donné à la démarche chaloupée souvent accompagnée d’un jeu de pied, ou qu’un « coopérant » est un sapeur sans argent qui arrive à se débrouiller et vivre au jour le jour. S’il veut respecter « la règle de trois », le sapeur ne doit pas porter plus de trois couleurs sur lui. A défaut, il sera considéré comme « Tchindongo », autrement dit, en lari, comme un profane, ou pire, comme un « Ngaya », c’est à dire une personne qui transgresse les principes de la Sape. Une passion qui a un coût. Bien s’habiller coûte cher. Or sous peine de devenir un Ngaya, et parce que la compétition est rude, un sapeur doit toujours rester à la page, ce qui demande des moyens financiers conséquents. Le livre avance la somme de 227 000 FCFA en moyenne pour un ensemble de veste classique. Mais, souligne l’auteur dans son livre, Il arrive que des sapeurs, deviennent des conseillers vestimentaires de grands couturiers.

LA SAPE DANS LE PATRIMOINE MONDIAL IMMATÉRIEL DE L’HUMANITÉ DE L’UNESCO ? Le gouvernement y pense, mais la route est longue, et l’Unesco exige de nombreux critères. Parmi eux, la constitution d’une liste représentative du patrimoine immatériel, ainsi qu’une production universitaire effectuée par le gouvernement. C’est le sens de ce livre, qui est « un premier jalon », précise Joseph Itoua. Il faut désormais, entre autres, que le Congo-Brazzaville crée une commission pour valider la liste dressée par le gouvernement. Puis il faudra présenter à l’Unesco un dossier de 500 pages qui prouve « la valeur universelle et positive du bien ». La procédure est longue. Ce n’est donc pas pour tout de suite que la Sape pourra rejoindre la calligraphie chinoise ou le tango argentin. Mais le Congo compte bien y parvenir un jour.


prise de tête !

CULTURE & SOCIÉTÉ

Le Mouchoir

Les mèches, les tissages et les perruques n’ont pas encore entièrement détrôné le mouchoir de tête, véritable ornement africain.Faisons tout de suite un distinguo par rapport au foulard, qui n’est pas sans intérêt, mais qui est plus universel. Il y a un art pour nouer un foulard, avec de multiples variantes. Le chèche touareg, le turban sikh, les fellahs arabes demandent aussi un véritable coup de main, mais ce sont des coiffures d’hommes. Le mouchoir de tête, est un accessoire vraiment à part. Par Bernard Sallé.

P

remièrement, il est en pagne. Peu souple, sa plus ou moins grande rigidité permet des installations qui ne bougent pas ; ce sont de véritables coiffures. Ensuite, le mouchoir de tête est harmonisé. Il s’agit du même pagne que la robe ou l’ensemble. C’est, de plus, une tenue d’apparat. Les mariées, pour le mariage coutumier, portent bien souvent de grands mouchoirs de tête. Et, lors d’une soirée habillée, une femme en tenue-pagne-et-

mouchoir est encore très remarquée. Mais il y a bien des manières de nouer ces pièces de tissus. Jeunes filles, les connaissez-vous ? Une fois de temps en temps (entre deux tissages…), osez un mouchoir de tête joliment noué. Nous avons retenu trois types de poses, adaptées à différentes circonstances. Maman Clarisse a bien voulu apporter son savoir-faire, et Aldaïre Sita, mannequin, hôtesse, s’est prêtée au jeu. Voilà nos propositions :

« BADOUMA »

« LIBALA » Photo : Skyvision media

U

n modèle simple qui est à la mode. On l’appelle d’ailleurs « badouma », jeune fille. Un tour vers l’arrière, retour en avant. Il n’y a pas vraiment de nœud, mais les bouts sont croisés sur le front.

« EN TOUFFE »

v

Photo : Skyvision media

oici « libala », une très belle mise en place qui a beaucoup d’allure. Pour les plus beaux pagnes et les plus grandes sorties, qui ne se sentirait pas belle ? Il exige des tissus apprêtés, mais il tient comme un véritable chapeau.

Photo : Skyvision media

c

e joli montage « en touffe », dont le nouage est ordinaire, a la mise en place bien particulière. Osez essayer ! On l’appelle « matanga », sorti, et il fait toujours son effet.

81 BRAZZAMAG


82

BRAZZAMAG


Ste Regal - PARK N SHOP

Av Jacques Opangault ( Face agence Crédit du Congo ) Centre ville Pointe-Noire, T : + 242 05 720 99 07 / + 242 22 294 45 00 Av Colbert William Guynet, Centre ville - Brazzaville, T : + 242 28 116 46, Email : regalbzv@regal-congo.com Heures d’ouverture : Lundi à Samedi ( 8h30 - 20h ) et Dimanche ( 8h30 -13h )

83 BRAZZAMAG


MBONGO EXPRESS SUR MESURE

Taux d’intérêt

10% par an

Bénéficiez d’un prêt* plafonné à un montant de 10 millions de FCFA

* remboursable en 48 mois 84

BRAZZAMAG

www.lcb-bank.com


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.