Brazzamag num 2 avril juin 2017

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www.brazzamag.com DOSSIER :

AGRO-

N˚2 Avril - Juin 2017

"ÉLÉMENTAIRE''

STIMULANTS SEXUELS, LES DESSOUS d'un business

"ZIZIMAN" immobilier, LA rEPRISE ?

GRATUIT

SUr LEs TRACes DU MONSTRE ...

LE MAGAZINE QUI MET L'HOMME AU COEUR DU DÉVELOPPEMENT

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Par Executable Media Group Numéro 2 Avril-juin 2017 GROUPE EXÉCUTIF

Directrice Directeur marketing Directrice administrative

Sarra Guerchani Fehmi Fennia Veronique Legault

DIRECTION ÉDITORIALE

Directrice de l’information Sarra Guerchani Directeur Photo Rey Mangouta Secrétaire de rédaction Gwen«noline Le Cornec

DESIGN

Directrice artistique

MAQUETTE Julie Crenn

COMMERCIAUX

Olfa Taboubi Sarra Guerchani

Pointe-Noire : 06-402-2525

Jessica Pace-Sole jessica.p@brazzamag.com

Brazzaville : 05-627-0686

Pierre Obou pierre.obou@brazzamag.com

JOURNALISTES Julie Crenn Karla Cécile

Molly Matongo Flore Onissah

STAGIAIRE Brenda Guarneros

CHRONIQUEURS Michael Ohayon : Mama Mundele : Flore Onissah :

Influence media Bisso na bissso D"ici et d'ailleurs

COLLABORATIONS SPÉCIALES Claude Patrucci Équipe VivreAuCongo

PHOTOGRAPHE Rey Mangouta

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White Mama Prod (WMP) Rue Mc Gill Montréal, Canada +1 514 638 2992 Congo +242 05 059 55 55 contact@whitemamaprod.com AfrikaMediaGroup Rue Mc Gill Montréal, Canada

Crédit photo : Rey Mangouta.

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Sarra GUERCHANI

Directrice & Cofondatrice Brazzamag

élémentaire ! L'éditorial

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epuis ses débuts, Brazzamag s’est donné comme mission de promouvoir les secteurs et les acteurs de la société qui représentent une perspective d’avenir pour le développement économique et culturel du Congo. Après les femmes et le tourisme, votre magazine s’intéresse aujourd’hui au secteur de l’agroalimentaire. À l’orée de ce nouveau trimestre, que certains accueilleront avec plus ou moins d’optimisme au vu de l’incertitude autour de la hausse timide du prix du baril de pétrole, les différentes rencontres avec les acteurs de l’agroalimentaire nous ont révélé que ce secteur était une alternative intéressante au « tout pétrole ». Longtemps négligée, l’agriculture commence à être reconnue comme un gros potentiel pour la croissance congolaise. Avant de nous lancer dans nos reportages et d’envoyer l’équipe visiter des usines et des plantations, c’est aussi en faisant nos courses, comme vous tous, au marché ou bien dans l’une des célèbres chaînes de supermarché, que nous avons été interloqués par le coût élevé des produits de première nécessité. Le Congo abrite les terres les plus fertiles et non cultivées du continent et possède des ressources hydrauliques abondantes. Comme la plupart des pays de la sous région, 80 % de la nourriture est importée, ce qui explique le coût élevé du panier moyen des ménages. Bien sûr, les politiques douanières et le manque d’infrastructures, les coupures d’électricités, la concurrence des produits importés, le coût des semences et des engrais constituent des obstacles, le manque de financement représente aussi un frein au développement de l’activité. A l’échelle continentale, le secteur agroalimentaire

représente 50 % de l’activité économique (selon la Banque mondiale, le marché africain de l’agroalimentaire actuel pèse 350 milliards de dollars et pourrait atteindre 1 000 milliards en 2030). En effet, dans un pays comme le Congo où le chômage atteint presque les 30 % (selon INS Congo), améliorer la productivité du secteur augmenterait les revenus, stimulerait l’emploi, lutterait contre la dépendance alimentaire et permettrait de tendre vers une prospérité partagée. L’agroalimentaire, à mi-chemin entre l’agriculture et l’industrie, mériterait un renforcement des investissements privés et publics ainsi que des partenariats solides entre ces secteurs aujourd’hui indispensables. Unir toutes ces forces permettrait au Congo de relier les agriculteurs aux consommateurs dans un pays en constante urbanisation. En investissant dans l’industrie agroalimentaire, le pays pourra augmenter la disponibilité des produits alimentaires à l’intérieur des frontières et accroître les exportations régionales, et peut-être internationales sur le long terme. Le marché de l’agroalimentaire au Congo se cultive. Si tous les acteurs du secteur que nous avons rencontrés continuent à y croire et à investir leur temps, leur argent et leur connaissance, les résultats devraient être bons pour nous, les consommateurs. Et peut-être qu’après avoir parcouru cette édition, vous changerez vos habitudes de consommation. Bonne lecture et bonne découverte à tous de ce nouveau numéro encore plus complet et toujours aussi beau que le précédent.

Sarra GUERCHANI

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Sommaire N ˚2 Avril-Juin 2017

DOSSIER SPÉCIAL P. 22 NOURRIR LE CONGO, UN ENJEU AGRO-ÉLÉMENTAIRE P. 24 BRASCO, AU NOM DE LA BIÈRE P. 26 LE CONGO VEUT GAGNER SA CANNE P. 28 LES YAOURTS, L'AVENTURE LAITIÈRE P. 30 À LA RECHERCHE DE LA POULE AUX OEUFS D'OR P. 32 RETOUR À LA TERRE

CHRONIQUES BRAZZAMAG P. 12 IMMOBILIER P. 38 SANTÉ P. 52 INFLUENCE MEDIA P. 54 RELEVER LE DÉFI DU NUMÉRIQUE P. 60 INVESTIR P. 74 VIVRE AU CONGO P. 80 D'ICI ET D'AILLEURS P. 82 MAMA MUNDELE ENTREPRENDRE LA COOPÉRATIVE LES JEUNES PÂTISSIERS TSENGUÉ-TSENGUÉ APPUIE SUR LE CHAMPIGNON AMBASSADRICES DE L'ARCHITECTURE PORTRAIT : SPIRIT'ART D'INTÉRIEUR CONGO-INFO CHERCHE LE CONTACT PORTRAIT : MAÎTRESSE DE CÉRÉMONIE

P. 8 P. 14 P. 18 P. 46 P. 56 P. 62

À DÉCOUVRIR P. 10 LES MASSOLAS, BARAQUES À FRIPES P. 40 ZIZIMAN ET L'ALCOOL QUI SOIGNE P. 76 LA ROUE TOURNE POURLE CERCLE CIVIL P. 78 SUR LES TRACES DU MOKÉLÉ MBEMBÉ P. 64 POTO-POTO, UN QUARTIER CAPITAL P. 66 TIÉ-TIÉ, LE QUARTIER DES MARCHÉS

SANTÉ & BIEN-ÊTRE P. 16 LES DESSOUS DES STIMULANTS SEXUELS P. 44 LA MUSCULATION PREND SES QUARTIERS

CULTURE & SOCIÉTÉ P. 68 PROSTITUTION : « RÉPONDRE À L'URGENCE » P. 70 LE CINÉMA CONGOLAIS CHERCHE LA LUMIÈRE P. 76 SOLIDARITÉ : « LA TERRE C'EST LA BASE» 6

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ENTREPRENDRE

HANDICAP :

LA COOPÉRATIVE « LES JEUNES PÂTISSIERS »

Crédit photos : Rey Mangouta.

Aider les personnes en situation de handicap afin qu’elles puissent se sentir impliquées dans le développement économique de leur territoire, c’est la mission que se donne l’ONG internationale d’origine italienne AVSI. Depuis son implantation au Congo en 2011, 14 coopératives ont vu le jour. Brazzamag s’est intéressé à l’une d’entre elles, celle des jeunes pâtissiers. Par Karla Cécile.

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’est en prenant la N1 vers Dolisie, entre une maison et un atelier qu’il faudrait continuer la formation de ces travailleurs et renforcer ende ferraille, que la coopérative des jeunes pâtissiers est située. core plus leurs capacités de gestion de la coopérative. Toutefois, il s’agit Ce matin, la vitrine de la boutique est garnie de pâtisseries et de du premier projet en faveur des personnes vivant avec un handicap à viennoiseries en tous genres. Calotte sur la tête et veste blanche, Pat- Pointe-Noire qui leur permet d’apprendre un métier », communique rick Mouyama, chef pâtissier, est dans l’arrière-pièce, son laboratoire. Il Caterina Cipriani. se tient debout devant la table de travail et pétrit la pâte du pain qu’il servira à midi. La chaleur accablante du four et l’absence de fenêtre Lourdes charges dans cette petite pièce d'environ 10 mètres carrés ne l’arrêtent pas. L’autre réalité est que la plupart des membres ont de lourdes charges Pourtant, le salaire est dérisoire. « Nous ne faisons pas plus de 300 000 familiales, et le transport est à leur charge pour se rendre sur leur lieu francs CFA par mois. Nous payons 100 000 francs CFA pour le loyer, de travail, alors « les absences sont fréquentes et certains décident de environ 90 000 pour l’électricité, une quitter le projet ou de venir rarement, mais de« Le premier projet en faveur partie est dépensée dans les ingrémandent une part équitable de salaire », partage dients, détaille Patrick en continuant Patrick Mouyama qui continue à assurer le serdes personnes handicapées leur à travailler sa pâte. En partageant le vice. Depuis quelques mois, un nouveau produit chiffre d’affaires, il arrive que parfois permettant d'apprendre un métier. » a intégré la pâtisserie : les roches coco revisités. le salaire soit de 10 000 francs CFA. » C. Cipriani, représentante d'AVSI C’est Emmanuèle Béthery, arrivée au Congo En effet, comme toutes les coopéradepuis quelques mois, qui a proposé la recette au tives, le montant du salaire dépend chef pâtissier en les rebaptisant du nom malicieux du chiffre d’affaires mensuel, il est ensuite partagé équitablement à « Congo Bô », plus connu en France sous l’appellation « Congolais ». tous. Dans le cas de la coopérative, les jeunes pâtissiers, 6 adhérents, se partagent ce maigre butin, contre 13 à création de la coopérative. Plus d'informations : N1 vers Dolisie, arrêt de bus Marché Mayaka Nkouikou. Salaires équitables Téléphone : 06 665 4122/05 305 7521. En effet, si la coopérative est une alternative au travail pour les personnes à mobilité réduite, plusieurs faiblesses sont à noter. « La mauvaise interprétation sur le financement des coopératives biaise les attentes de leurs membres », explique la représentante de l’AVSI, Caterina Cipriani, malgré plusieurs mois de formation en lien avec la Pour 20 Congo Bô : gestion de ce type d’activités. La subvention d’environ 6 000 000 francs - 2 blancs d’œuf, CFA remise par l’ONG a aidé à monter le projet et à payer quelques mois - 120 grammes de sucre, dont 2 sachets de sucre vanillé, de charges, cependant, une grande partie de ce budget a servi à l’achat - 100 grammes de noix de coco râpée. du matériel et des ingrédients de cuisine. « Nous sommes conscients

INGREDIENTS CONGO BÔ

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2 nouveaux formats de 1Kg et 500g, plus économiques, plus pratiques

Société Anonyme avec Conseil d’Administration au capital de 19.340.000.000 FCFA RCCM : N°CG-MGO-91-B-002- NIU : M2006110000281154 Siège social : Nkayi, en face de la gare CFCO, BP : 71, E-mail : saris@saris.somdiaa.com, République du Congo Agence Pointe-Noire : Immeuble Liliane, Centre-ville, BP : 755. Tél: +242 22 94 19 58 Agence Brazzaville : 02, Avenue William Guinet, Tél: +242 06 651 36 32

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À DÉCOUVRIR

LES MASSOLAS, BARAQUES À FRIPES Crédit photos : Rey Mangouta.

Le business de vêtements usagés à destination de l’Afrique est en pleine expansion depuis les années 90. Au Congo, les habits et chaussures de seconde main représentent une véritable manne. Brazzamag a suivi leur piste dans les « massolas », ces marchés aux fripes. Par Julie Crenn.

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l est 8 heures et, déjà, des tas de chaussures sont posés en vrac sur vas trouver. Tu achètes 25 kilos de chaussures, pour 80 000 francs CFA des bâches de plastiques dans les rues de Tié-Tié. Plusieurs matins disons. Tu as entre 40 et 45 paires de chaussures dedans. Mais si elles par semaine, Wes, un revendeur du marché de la foire de Pointe- sont de mauvaise qualité, tu ne peux pas les vendre plus de 2 000 francs Noire, vient chiner. « Je regarde s’il y a de bons arrivages parce que je la paire et tu ne vas pas faire beaucoup d’argent. » ne prends que la meilleure qualité, des chaussures italiennes, espagnoles, américaines… » Aujourd’hui, Wes achète seulement trois paires : La chasse au ballot d’élégants escarpins rouges à talon haut, des mocassins en cuir bleu La plupart des vendeurs de chaussures ou de vêtements achètent des marine (pour femme) et des sandales ballots de marchandises auprès de grossistes au en cuir. Le tout pour 10 000 francs CFA. grand marché. Solidaira, Mafricom, Top Trading, « Dans un ballot, Une fois brossées, cirées et même Famtex, Oko… les entreprises sont nombreuses tu ne sais jamais ce que parfois renforcées, le costaud Camerdans la filière. Chaque semaine, leurs containers ounais espère bien les revendre entre remplis de ballots arrivent au port de Pointetu vas trouver. » 20 000 et 25 000 francs CFA. Noire. Une seule de ces compagnies peut faire Wes, vendeur de chaussures Son étal est soigné. Pour se distinguer venir jusqu’à 60 containers par mois, sachant des autres revendeurs de la foire, il ne que chacun d’entre eux contient 600 ballots… présente que des « perles » et envoie bien souvent les photos de ses Ce mercredi matin, maman Judith cherche des jeans pour les hommes trouvailles par Whatsapp à ses clients réguliers. Contrairement à de et court d’un entrepôt à l’autre inspecter la marchandise. « Il faut que nombreux vendeurs de chaussures, Wes n’est pas vraiment un adepte je voie au moins six jeans de bonne qualité sur les côtés du ballot pour de l’achat « au ballot ». « Dans un ballot tu ne sais jamais ce que tu être sûre que ça vaut le coup », explique-t-elle. Car, si les paquets sont

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À DÉCOUVRIR

fermés et l’emballage qui les entoure opaque, l’astucieuse vendeuse fait glisser les pans de plastique afin de regarder l’intérieur sans ouvrir réellement la balle de vêtements. En kikongo, « sola » signifie choisir et Judith veut faire le bon choix. Après plusieurs tours chez les grossistes du quartier, l’énergique Camerounaise se décide. « J’espère que celui-là, c’est un bon ! » prévient-elle, très sérieuse. « Quand les acheteurs partent, je suis obligé de leur dire “bonne chance”, parce qu’ils pensent que si je ne le leur dis pas, ils auront un mauvais ballot », s’amuse un vendeur libanais. En repartant avec son paquetage de 60 kilos de jeans, Judith fait appel à un « korokoro », ces porteurs payés 100 francs. Il lui faudra attendre d’arriver à la foire pour déballer la marchandise et découvrir si la chance était avec elle. Un circuit rentable Avant d’atterrir sur les marchés africains, ces vêtements usagés donnés par les Occidentaux sont récupérés par des organismes de collecte qui les trient. Les articles de meilleure qualité sont revendus aux friperies, tandis que les autres sont recyclés (chiffons, effilochage, etc). Chez Eco TLC, la plus grosse structure de récolte de vêtements usagés français, la proportion d’article recyclés atteint 38 %. Les 62 % restant sont revendus au kilo. Les grossistes qui achètent ces vêtements disposent eux aussi d’usines de triage afin de séparer les produits selon différentes catégories pour la vente : jeans hommes, jeans femmes, teeshirts, vêtements pour enfants, qualité A, B, C ou D, et ainsi de suite. Les articles sont compressés et emballés (dans ces fameux ballots multicolores) avant d’être expédiés en Afrique. Pour les Congolais, amoureux de la sape s’il en est, les friperies restent avant tout un moyen de bien s’habiller sans se ruiner. En 2012, l’ONG Oxfam Wastesaver estimait que 300 ballots de fripes pourraient être vendus 30 000 dollars alors que les coûts de transport seraient d’environ 2 500 dollars. Bien que ce soit légal, le profit généré par la vente de vêtements usagés peut choquer car beaucoup de donneurs pensent faire œuvre de charité. « Les vêtements sont vendus pour compenser la gratuité du service de collecte », se justifie Eco TLC sur son site Web. « Oui, c’est de la charité d’Europe, mais la douane et le transport, ce n’est pas gratuit », commente Cyprien, client congolais des massolas. « Après, si ça venait directement d’une association caritative, les containers ne seraient peut-être pas taxés pareil. En attendant, on n’a jamais vu de vêtements gratuits au Congo ! », s’amuse-t-il.

LE SAVIEZ-VOUS ?

40 %

Les vêtements de seconde main représentaient 39,91% des produits industriels textiles importés au Congo en 2011.

Si le marché des fripes est florissant, il a des conséquences pour le continent africain : la fermeture d’usines d’habillement et de tissus. Dans les années 80, le textile constituait le premier secteur industriel du Kenya en termes d’emploi, par exemple. Pour relancer ses usines, le pays compte bannir les importations de vêtements et chaussures de seconde main à l’horizon 2019. Les quatre autres états membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (Burundi, Tanzanie, Rwanda et Ouganda) souhaitent faire de même.

« C’est de la charité d’Europe, mais la douane et le transport, ce n’est pas gratuit...», Cyprien, client des massolas. 11 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

DÉCRYPTAGE L’accès à la copropriété Il comprend deux parties : l’état descriptif de division, qui liste les lots et leurs tantièmes, et le règlement, qui définit les parties privatives et communes et fixe les règles qui organisent la vie de la collectivité. Ici sont déterminés les droits et obligations des copropriétaires et les règles de fonctionnement de la copropriété.

Leader sur le marché de l’immobilier congolais, Gestrim Océan accompagne ses clients dans la transaction et l’administration de biens. Gestrim Océan est la référence pour obtenir toute information sur les nouveautés dans ce secteur. Brazzamag partage avec ses lecteurs l’actualité, les conseils de ce professionnel.

LA LÉGISLATION Du nouveau dans la législation Le secteur de l’immobilier évolue constamment et les textes de loi changent. Voici les informations à retenir concernant la taxe immobilière selon la loi n°33 du 31 décembre 2016 portant sur la loi de finances pour l’année 2017. Art. 1 : Il est institué une taxe sur les loyers des propriétés bâties. La taxe sur les loyers s’applique également sur les propriétés non bâties à usage professionnel. Le taux de la taxe est de 5% du loyer annuel. Art. 2 : La taxe est payée trimestriellement. Art. 5 : La taxe sur les loyers est payée par les locataires pour le compte des propriétaires ou usufruits et par les sous-locataires pour le compte des locataires, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, dans la période du 10 au 20 de mars, juin, septembre et décembre pour les anciens contribuables.

CONSEIL IMMO

Bien faire son état des lieux Lors de l'état des lieux, ne soyez pas avares de précisions, car soyez assurés qu’en fin de contrat, le bailleur sera très attentif au moindre détail. Partez du principe que plus l'état des lieux est précis, moins il sera sujet à contestation puisque c'est la comparaison avec l'état des lieux de sortie qui déterminera vos frais pour la remise en état du logement.

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À quoi correspond un lot de copropriété ?

Qu’est-ce que la copropriété ? On parle de copropriété dès qu’il y a au moins deux propriétaires dans le même immeuble. Le copropriétaire est propriétaire d’un ou de plusieurs lots privatifs (appartement, cave, locaux commerciaux...) et d’une quote-part indivise de propriété des parties communes de l’immeuble (sol, cour, voie d’accès, toiture, murs, escaliers, couloirs…). Cette part de propriété des parties communes est répartie en tantièmes de copropriété (millièmes). Les tantièmes sont fixés par l’état descriptif de division. Vivre en copropriété, c’est donc partager la propriété d’un immeuble, ce qui implique un style de vie, de nouvelles règles et des responsabilités. Le paiement des charges communes est ainsi obligatoire, les copropriétaires se partagent les dépenses afin de s’assurer du bon fonctionnement et de l’entretien de l’immeuble. À quoi sert le Syndic ? En devenant propriétaire de votre logement, vous êtes entré dans le Syndicat des copropriétaires. Vous avez ainsi acquis le droit d’exprimer votre avis et de contribuer aux décisions communes qui seront prises. Ces décisions ayant des conséquences importantes pour vous et les autres propriétaires, votre participation active au fonctionnement de la copropriété est donc un élément déterminant. Encore faut-il connaître les règles de la copropriété. Qu’est-ce que le règlement de copropriété ? C’est un document écrit, obligatoire : il s’impose à toute personne qui est copropriétaire d’un lot de la copropriété. Il s’impose également à tous les acquéreurs successifs de chacun des lots de la copropriété et à tous les occupants de l’immeuble (copropriétaires comme locataires).

Il s’agit d’une partie privative dont chaque propriétaire a la propriété et la jouissance exclusive. Elle correspond au lot de copropriété et à tous les éléments et installations qui se trouvent à l’intérieur. Quid des parties communes ? Une quote-part de parties communes (ou « tantièmes » de copropriété) : ces parties communes sont la propriété indivise de tous les copropriétaires et sont affectées à la jouissance de l’ensemble des copropriétaires. Les parties communes sont de deux sortes. Si elles concernent l’ensemble des copropriétaires, ce sont les « parties communes générales » (le terrain de la copropriété, les espaces verts, à l’exception de ceux qui seraient privatifs, les compteurs généraux électricité-eau-gaz). Si elles concernent seulement certains copropriétaires, ce sont des « parties communes spéciales », (le toit de chaque bâtiment, l’ascenseur de chaque bâtiment). Le règlement de copropriété détermine et détaille les parties communes et les parties privatives de chaque immeuble. La copropriété fonctionne grâce aux versements de provisions sur charges effectués par les copropriétaires via le paiement de ces appels de fonds. Le syndic mandaté se charge de leur recouvrement. Chaque copropriétaire est tenu de payer cette provision en début de chaque trimestre selon le budget prévisionnel voté en assemblée générale.


CHRONIQUE

IMMOBILIER « LE SECTEUR IMMOBILIER, UNE VALEUR SÛRE » 6 QUESTIONS À ESTHER DEBOULET

Depuis deux ans, les professionnels du secteur immobilier congolais subissent les conséquences de la crise économique et une mutation des attentes des clients sur ce marché. Cependant, Esther Deboulet, directrice générale de l’agence Gestrim Océan, reste optimiste sur l'avenir de ce secteur.

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Quelle est la situation du marché immobilier au Congo ? Que ce soit à Pointe-Noire ou à Brazzaville, des villas et des immeubles résidentiels, commerciaux ou industriels destinés à la location fleurissent dans le paysage urbain. Mais avec la crise, le secteur immobilier a subi de plein fouet l’effet boomerang de la chute des cours du pétrole, avec de nombreuses résiliations de baux, une baisse des loyers d’environ 40 % sur la ville de Pointe-Noire, un nombre important de logements vacants. La concurrence est rude aujourd’hui. La chasse aux meilleurs prix est devenue le sport favori des clients. Le développement des sources d’informations sur les offres, et notamment sur Internet, leur facilite le travail.

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Est-il encore opportun d’investir aujourd’hui, au regard de la conjoncture économique ? Malgré une conjoncture atone, le secteur immobilier reste une valeur sûre. Le pays, au même titre que le continent, demeure un marché prometteur jugé très rentable et lucratif ; avec des valeurs locatives de 11 000 à 18 000 francs CFA par mètre carré à la location des locaux professionnels et de 8 000 à 15 000 francs CFA par mètre carré en moyenne, comparé aux autres régions du monde arrivées à saturation en termes de débouchés. Le prix du foncier proche de centre-ville varie de 300 000 francs CFA à 800 000 francs CFA par mètre carré selon la surface et l’environnement proche.

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Quelle est la gamme des produits proposés ? Plusieurs promoteurs sont en cours de réalisation de projets, des édifices commerciaux, des logements sociaux et des résidences privées. Les prix actuels de commercialisation de biens, selon les prestations, vont de 2 800 000 francs CFA à 3 500 000 francs CFA du mètre carré.

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Est-il encore possible d’acheter du foncier et de construire en ces temps de crise ? L’immobilier a toujours été considéré comme un secteur où il est possible de s’enrichir facilement et rapidement. Si vous cherchez à faire un coup immobilier en achetant pas cher et en revendant au prix fort, les belles années sont derrières vous. En revanche, si vous vous interrogez sur un achat immobilier dans une optique de bon père de famille, ou de placement à long terme, le prix à la baisse des terrains et la volonté des banques à financer l’immobilier sont des atouts pour réaliser votre projet. Comme tout marché, les prix sont fonctions de l’offre et de la demande, donc des budgets des clients. Les prix des biens immobiliers ne font pas exception et ils sont fonctions de leur situation, de la capacité d’investissement des gens qui les achètent ou les louent. Si les adresses de prestige ne connaissent pas la crise, les prix sont en cours d'ajustement dans la plupart des quartiers de la capitale économique, tandis que Brazzaville reste pour le moment épargnée.

Crédit photos : Rey Mangouta.

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Quels conseils donneriez-vous aux professionnels ? La crise immobilière a permis à de nombreux agents de se recentrer sur les fondamentaux. Cette période était nécessaire. Cela va permettre de bâtir de nouvelles fondations pour les évolutions ou révolutions que va vivre notre métier dans les années qui viennent. Le durcissement du marché a permis de rationaliser les services. À la sortie de la crise, nous allons être beaucoup plus opérationnels. Également en offrant plus de services. La crise a obligé les agences immobilières à diversifier leurs activités. Imagination et professionnalisme sont présentés comme des solutions, il faut donc profiter de la crise pour réfléchir et répondre par le professionnalisme et la rigueur.

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Quelles sont les solutions pour sortir de cette crise immobilière ? Il est indispensable de favoriser l'accession à la propriété dans le secteur social. En plus d'apporter une stabilité financière et sociale aux acquéreurs, cette mesure permettrait aux promoteurs sociaux de constituer un fonds d'investissement pour lancer ensuite de nouveaux programmes de construction. De plus, il est impératif de faciliter l'accès au crédit, par une baisse des taux d’intérêt et une approche grand public des établissements bancaires. Et enfin, il est temps de rassurer les investisseurs et les locataires. Les professionnels constituent aujourd’hui un passage obligatoire pour sécuriser toute transaction ou gestion immobilière d’un point de vue commercial, d’expertise, de conseil et de gestion technique, administrative et financière du patrimoine locatif. Les parts de marché gagnées ces deux dernières années ont permis de mettre de l’ordre dans ce secteur qui, quelques années auparavant, était désordonné, et surtout d’envisager pour le professionnel de l’immobilier un rôle de conseil et non seulement celui de commercial.

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ENTREPRENDRE

Crédit photos : Rey Mangouta.

TSENGUé-TSENGUé

APPUIE SUR LE CHAMPIGNON La myciculture, ça vous parle ? Derrière ce mot compliqué se cache la culture de champignons comestibles. Une activité originale et pas spécialement congolaise, que l’inventeur Tsengué-Tsengué a décidé de remettre au goût du jour. De la culture des semences à la mise en place de kits de production de pleurotes, le Congolais a lancé son entreprise, Bio-Tech Congo, fin 2015. Par Julie Crenn.

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u rez-de-chaussée d’une maison du quartier Moungali de Braz- avant tout, j’ai dû devenir entrepreneur malgré moi pour faire connaître zaville, de drôles de cahutes en bois recouvrent les murs : des mes produits », souligne-t-il. étagères à champignons. Des centaines de sacs pendent ou sont En 2001, après de nombreuses années de recherche et développeposés sur des planches. Tsengué-Tsengué, le maître des lieux, contrôle ment, l’entreprise Challenge Futura voit le jour. Tsengué-Tsengué prola pousse, surveille la température et prépare les prochaines livraisons. duit alors des machines industrielles : broyeurs, mélangeurs, séchoir, Difficile d’imaginer qu’il y a deux ans, décortiqueurs d’arachides, presses à briques, ce Congolais de 59 ans ignorait tout ou « Mon objectif n'est pas de vendre à huile et de nombreux autres équipements presque de la myciculture. in Congo. Doublement primée en 2007 des pleurotes mais leur moyen made « Les champignons, c’était une révolte », à Genève au Salon international des invende production. » glisse-t-il, attablé sur sa terrasse avec vue tions, Challenge Futura reçoit également le sur la rivière Madoukou. Tsengué-Tsenprix Titans-Building Nations Awards de la PME Tsengué-Tsengué, créateur gué raconte avec pudeur ses vies d’avant. du continent africain en 2014 à Johannesburg. de l’entreprise Bio-Tech Congo Ses études d’ingénieur à l’école centrale en France, ses débuts à la raffinerie de Manipulation délicate Pointe-Noire, son passage à la Saris et, toujours en parallèle, ses re- Paradoxalement, 2014 sera aussi l’année de sa fermeture. Tsencherches et inventions qui débouchent, en 1991, sur la création et la gué-Tsengué reste discret concernant les difficultés rencontrées, évocommercialisation d’un séchoir à poisson salé. « Je suis un inventeur quant la destruction du show-room où les prototypes de l’entreprise

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ENTREPRENDRE

étaient exposés (en 2003), « plusieurs gardes à vue » et enfin un « litige foncier » (en 2012) qui aura raison de son entreprise. Le salut passera… par les champignons, une idée de sa sœur ! « Cela m’a pris huit mois pour maîtriser la production », explique-t-il au milieu de sa pièce d’incubation. Car il a fallu tout apprendre. Tout d’abord la culture des semences. S’il achète les premières en RDC, l’inventeur veut pouvoir les produire lui-même. Une manipulation délicate qui doit se faire en milieu stérile pour éviter toute contamination. Une fois cultivée en boite de pétri et développée dans des bocaux stérilisés, la culture de champignon

« C’est un véritable produit d’avenir car il est très peu gourmand en terme de capitaux et de suivi. » Mireille Ngazo, cliente est insérée dans des sacs plastiques contenant un substrat, c’est à dire un terreau fait de copeaux de bois, de son de blé et d’autres ingrédients. La recette (maison) a été trouvée après de nombreux tests. « Avec nos conditions climatiques, ce n’était pas facile », témoigne Tsengué-Tsengué. La semence de champignon colonise alors le sac plastique et commence à donner ses fruits trois à quatre semaines après encensement, des pleurotes en l’occurrence. Une fois cette période dite d’incubation passée, l’entrepreneur vend ses kits aux clients. « Mon objectif n’est pas de commercialiser les pleurotes mais leur moyen de production », explique-t-il, même si, pour se faire connaître, l’entrepreneur en a tout de même vendu aux supermarchés et restaurateurs de Brazzaville. « En bouillon, en omelette » Pour les clients de Tsengué-Tsengué, le processus est assez simple. Il suffit d’acheter un kit, de l’arroser trois à quatre fois par jour, et les pleurotes fleuriront ! Ainsi, un kit de 10 kilos (vendu 9 000 francs CFA) commencera à produire quatre à six jours après l’achat et produira 3, 5 kilos de champignons en quatre mois (les récoltes se font en général tous les quinze jours). Ce qui veut dire que 1 000 kits donneront environ 30 kilos de champignons par jour. « C’est un véritable produit d’avenir car il est très peu gourmand en termes de capitaux et de suivi », s’enthousiasme Mireille Ngazo, qui a installé six kits dans sa maison de Pointe-Noire. « Je voulais savoir si c’était vraiment facile à faire, et ça l’est ! » confirme la directrice de Fiscongo, qui envisage de pousser des porteurs de projet à développer cette activité. « J’en mange en bouillon, en omelette et j’ai testé la panure pour Noël, c’était délicieux. En plus, c’est riche en protéines. » En un peu plus de deux mois, d’août à octobre 2016, Bio-tech a vendu près d’un millier de kits. Suite à un problème de contamination, la vente a dû être suspendue jusqu’en février 2017. Entre-temps, des parts de la start-up Bio-Tech ont été achetées par plusieurs investisseurs et Tsengué-Tsengué cherche à s’agrandir. « Nous avons de plus en plus de demande et il faut que l’on trouve plus d’espace pour atteindre une capacité de production de 1 000 kits par mois. » Pour que les champignons « made in Congo » se retrouvent dans toutes les assiettes…

PLUS D’INFORMATIONS

Pour acheter des kits de productions de pleurotes ou contacter Bio-Tech Congo. Adresse : 152 rue Mayama, Moungali, Brazzaville. Email : biotechcongo1@gmail.com. Téléphone : 06 505 05 45/ 05 505 05 45.

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SANTÉ & BIEN ÊTRE

Les stimulants sexuels, DES DESSOUS PAS SI CHIC Ils sont chimiques ou naturels, on les trouve en pharmacie, sur les stands des marchés ou encore dans les « shalina », ces pharmacies de fortune. Ils ? Les stimulants sexuels ! En poudre, gel, pilules, à mâcher, diluer, appliquer… les étals regorgent de ces produits à tous les tarifs et pour tous les besoins. Bien souvent au détriment de la santé des consommateurs. Par Julie Crenn.

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l faut bien féticher le match », s’exclame Hugues en rigolant quand médicament se développe à travers toute l’Afrique et on lui prête de on lui demande s’il prend un stimulant pour faire l’amour. Le trente- nombreuses vertus (lire encadré ci-bas). Des tendances à l’automédinaire ne s’en cache pas : « J’ai testé tous les produits ! Il y a ceux pour cation, des médicaments accessibles sans consultation médicale et des les hommes, mais aussi le bonbon d’amour. Tu donnes ça à la fille, prises abusives qui conduisent parfois les consommateurs à l’hôpital. elle va être folle de désir pour toi », explique-t-il. « Il faut être performant, comme ça, si une femme a des secrets, elle t’avouera tout après « Cinq jours d’érection continue » l’amour ! » « J’ai des patients qui viennent consulter parce que cela fait cinq jours Et les femmes ne sont pas en reste. « Tu mets un peu d’ankoumou qu’ils ont une érection qui ne s’arrête pas, raconte le docteur Ongoly. dans ton sexe et ton mari ne pourra plus se passer de toi, il te désirera à En parlant avec eux, je comprends qu’ils ont pris des stimulants. » Le nouveau ! », raconte maman Hélène, geste à l’appui, tout en présentant priapisme (érection anormalement prolongée) doit être pris en charge un petit paquet de poudre verte sorti de dessous son étal. Au marché au plus vite. « A partir de six heures d’érection, il commence à y avoir de Fond Tié-Tié, les boutiques de médecine traditionnelle sont légion. des dégâts dans le pénis. Ici, les gens viennent à l’hôpital cinq jours, une Des crânes d’oiseaux côtoient les feuilles séchées, piments sauvages et semaine après… », regrette le médecin qui se voit donc obligé d’opérer autres plantes et bouts de bois à mâcher ou les malheureux. Ces hommes qui souhaià bouillir… Nombreux sont les Congolais qui taient être plus performants se retrouvent « Tous les stimulants doivent s’approvisionnent en médecine traditionun pénis inopérant. être soumis à un contrôle strict . » avec nelle auprès des mamans du marché ou des Outre le priapisme, les troubles d’érection vendeurs ambulants qui sillonnent les rues peuvent aussi masquer d’autres problèmes Claude Ongoly, urologue avec leur bois bandé et noix de kola. santé. « Parfois, c’est un symptôme qui à l’hôpital A. Cissé, Pointe-Noire de cache du diabète ou de l’hypertension, Mauvaise hygiène de vie rappelle Claude Ongoly. En prenant un méLa course à la performance sexuelle est partagée par des hommes de dicament pour régler ce problème d’érection, on ne fait que retarder tous les âges. Si le business des médicaments contre les problèmes une consultation avec un médecin et le soin du vrai problème. » Un suérectiles ciblait initialement les hommes d’un certain âge, il semble jet d’inquiétude pour de nombreux professionnels de santé qui regretqu’il touche désormais les Congolais dès 18 ans. « Des jeunes qui ont tent l’absence de politique de sensibilisation du grand public. « Tous les une mauvaise hygiène de vie aux quadragénaires en suralimentation stimulants doivent être soumis à un contrôle strict et il faut développer et en situation de diabète, bien souvent les raisons des faiblesses sex- une politique de santé de grande envergure, insiste Claude Ongoly. Il est uelles sont hygiéno-diététiques », rappelle le docteur Hélène Degui, difficile de combattre ce phénomène mais il faudra bien le faire. Et ce conseillère régionale en santé mondiale à l’ambassade de France de n’est pas impossible. » Brazzaville. Perdre du poids, boire de l’eau et faire du sport serait déjà un début, plutôt que de risquer sa santé en utilisant des produits chimiques. Car on trouve de tout dans les « shalina », ces pharmacies de fortune : copies de Viagra à base de sildenafil (la molécule contenue dans les fameuses pilules bleues), « filtres d’amour » à boire, pommades à appliquer, les produits viennent majoritairement de Chine ou d’Inde et il est L’Afrique est le principal continent touché par les médicaments parfois impossible de savoir quelles molécules chimiques les compocontrefaits. Les chiffres sont difficiles à estimer mais, d’après sent. « Le meilleur, c’est la chimie des Chinois », assurent les vendeurs l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les faux médicarencontrés. « Un cachet de Tramadol, c’est 50 francs, et un Lion 150 ments représenteraient entre 30 et 70 % du marché pharmaceufrancs, précise Gabrielle Odetty, qui travaille occasionnellement pour tique africain et viendraient à 50 % d’Inde et de Chine. Ce trafic une shalina. C’est bien moins cher qu’en pharmacie ! » Et surtout, pas mondial de médicaments aurait représenté plus de 75 milliards besoin de prescription. de dollars en 2010 d’après European Alliance for Access to Safe Medicines. Plusieurs ONG estiment qu’il ferait entre 200 000 et Une automédication problématique 800 000 morts par an en Afrique. « Le problème, c’est le mésusage, le détournement de l’utilisation de Le trafic de Tramadol se développe à toute vitesse et, d’après ces médicaments », souligne justement Hélène Degui. À l’image du TraFinancial Afrik, 157 envois non autorisés de Tramadol ont été madol, un antidouleur communément utilisé comme stimulant sexuel. effectués de l’Inde vers l’Afrique de l’Ouest en 2012, puis 882 « Ni dans son principe actif, ni dans ses effets secondaires il n’a un efen 2013 (soit une hausse de 560 %). Ce médicament créant des fet sur l’érection, tient à préciser le docteur Claude Ongoly, urologue situations de dépendances, il est à craindre que ce trafic a de à l’hôpital Cissé. Les gens l’utilisent à tort et à travers, et cette théorie beaux jours devant lui. du Tramadol pour faire l’amour n’a rien de scientifique. » Pourtant, ce

LES MÉDICAMENTS, UN TRAFIC FRUCTUEUX

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« IL FAUT Féticher le match »

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ENTREPRENDRE

Crédit photo : Rey Mangouta.

Valérie Mavoungou & Sandra Tchinianga 18

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ENTREPRENDRE

ambassadrices de l’architecture Alors que l’Ordre des architectes du Congo fête ses 25 ans cette année et organise des portes ouvertes à Brazzaville, du 27 au 29 avril, Brazzamag a rencontré deux des quatre femmes architectes du pays. Par Molly Matongo.

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a Congolaise Valérie Mavoungou et la Française d’origine gabonaise Sandra Tchinianga partagent la même vision d’un métier qu’elles veulent désacraliser et promouvoir. Rencontre.

Pourquoi avoir choisi ce métier ? Valérie Mavoungou : Je m’intéresse à cette profession depuis que je suis enfant. En grandissant en Afrique centrale, j’ai habité dans des maisons très bien pensées et d’autres pas du tout. Quand on est un peu curieux, on se demande : « Mais qui construit ? » J’ai eu envie de participer à concevoir des bâtiments plus adaptés à notre contexte. Sandra Tchinianga : Petite, je dessinais énormément et, en cinquième, je me suis prise de passion pour la physique. J’ai donc cherché un métier qui mettrait en symbiose les deux. Il s’agit aussi d’un emploi qui a du sens et qui répond à mon côté altruiste. J’ai grandi au Gabon, dans de bonnes conditions de vie, et je voyais ceux qui n’avaient pas cette chance. Améliorer le cadre de vie des gens m’a semblé une façon de changer les choses, d’aider ceux qui subissent des injustices. Quelle est l’image de l’architecte au Congo ? V. M. : L’architecte a mauvaise réputation, il est vu comme un intellectuel. Quand on va voir un médecin, personne ne remet en cause son savoir tandis que tout le monde se pense architecte. Pourtant, il faut prendre en compte le climat, les matériaux, l’orientation, les besoins d’ombre et de lumière tout en évitant la chaleur. C’est le rôle de l’architecte de savoir tout ça, ça ne s’invente pas. S. T. : Nous sommes des généralistes, nous connaissons un peu chaque domaine. On nous voit comme une élite mais il faut rappeler qu’on peut avoir recours à un architecte sans que ce soit cher. L’architecte peut juste intervenir comme conseiller et simplement apporter son expertise. Nous sommes aussi là pour écouter les gens, leurs besoins. On ne débarque pas en imposant nos bonnes recettes, on est là pour retranscrire les idées des futurs habitants sous forme de plans, de schémas. C’est un dialogue. Un conseil pour ceux qui veulent construire ? V.M. : Le Congo a un potentiel énorme. Les gens investissent de l’argent pour se loger mais ils se retrouvent parfois avec un bâtiment qui n’est pas viable. J’ai vu des maisons en bord de mer qui n’avaient aucune ouverture vers l’océan ! Il y a un grand besoin de sensibilisation pour changer les pratiques et les mentalités. S. T. : Par exemple, il faut faire une étude des sols avant de commencer un projet. Pointe-Noire est un terrain marécageux et il y a des gens qui construisent dans le lit des rivières et qui vont avoir après de gros problèmes d’inondation. Il s’agit donc de sensibiliser.

Si vous avez le choix entre une parcelle surélevée et une parcelle basse, il faut faire le bon choix. Quels matériaux souhaiteriez-vous mettre en avant ? V. M. : Le bois ! Le Congo est couvert de forêt et le bois devrait être un matériau de prédilection car il est adapté au climat et répond très bien à la chaleur et à l’humidité. Malheureusement, il coûte trois fois plus cher qu’un ciment importé. Si les menuiseries étaient aussi développées que les briqueteries, les gens prendraient l’habitude d’utiliser le bois. S.T. : C’est aussi une question culturelle. Aujourd’hui, les gens veulent des maisons « en dur ». Même s’il est possible de construire avec des briques en terre compressée, les gens vont préférer les parpaings d’aggloméré, qui peuvent être creux et retenir l’humidité. Dans l’imaginaire des gens, construire en terre, c’est négatif. Peut-on faire de l’architecture en Afrique comme en Europe ? Par exemple, en Afrique, une cuisine à l'américaine ne va pas TOUJOURS être adaptée V. M. : Il y a souvent un amalgame entre une vie « moderne » et une vie à l’occidentale. Ce qui est moderne, c’est ce qui apporte le confort et la salubrité, ce n’est pas transposer le modèle occidental partout. On ne peut pas tout standardiser, il faut contextualiser selon chaque culture, chaque pays. On n’est pas obligé de vivre tous de la même manière. S. T. : Par exemple, en Afrique, une cuisine à l’américaine ne va pas être adaptée, parce qu’ici on cuisine avec de grands récipients et il faut plutôt une extension extérieure de la cuisine. Les façons d’utiliser les espaces communs en Afrique ne sont pas non plus les mêmes qu’en Occident. Il y a des mœurs, des us différents partout. Quel est votre bâtiment favori au Congo ? V. M. : Enfant, j’étais fascinée par l’une des maisons tropicales de Jean Prouvé [architecte et designer français, ndlr] à Brazzaville. Elles étaient très modernes avec un système d’aération naturelle qui répondait parfaitement aux contraintes climatiques. Après la guerre, elles ont été démontées et ramenées en France pour y être restaurées et exposées. S. T. : Le nouveau Twiga sur la côte sauvage à Pointe-Noire. Quelle est la réalisation dont vous êtes la plus fière ? V. M. : Un éco-lodge tout en bois que j’ai réalisé à trois heures de Pointe-Noire. S. T. : Pour le moment, j’en suis aux balbutiements de mon activité et les réalisations que j’ai menées ne sont pas les miennes. Disons : à suivre !

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DOSSIER

L'AGROALIMENTAIRE SE MET À TABLE 20

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Crédit photo : Rey Mangouta.

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L'AGROALIMENTAIRE NE DEMANDE QU'À POUSSER

Crédit photo : Julie Crenn.

Le Congo dispose de 10 millions d'hectares de terres arables, d’une hydrographie et d’un climat favorables à l’agriculture. Et pourtant, 39% des ménages n'ont pas accès à l'apport minimum de 2 400 calories par jour, d’après la FAO. Alors, où en est le secteur agroalimentaire congolais ?

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’agriculture fonctionne à coup de slogan alors qu’ici, tout pousse », soupire un acteur de la filière agricole congolaise. Un paradoxe maintes fois répété. Le Congo vise l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2025 et, pour y arriver, développer l’industrie agroalimentaire apparaît comme une nécessité. Aujourd’hui concentré à Brazzaville et Pointe-Noire, ce secteur reste encore à la traîne. Des yaourteries, un complexe de fabrication de sucre, des usines de boissons (bière, eau et sodas), de l’aliment pour bétail, des biscuiteries, une ferme avicole développée sur le modèle intensif, une minoterie produisant des farines... Le tour d’horizon est assez rapide. Un secteur confronté au dilemme de la poule et de l’œuf Pour développer son industrie de transformation des produits agricoles, l’agro-alimentaire doit s’appuyer sur une filière agricole forte. Et c’est là que le bât blesse. Les acteurs les plus nombreux de la filière agricole restent en effet de petits exploitants, villageois, coopératives ou associations. Bref, des micro-structures aux petits moyens et avec une faible productivité… Qui disent pourtant avoir du mal à trouver des clients et à écouler leurs produits ! « S’il y avait des usines de jus de fruits ou de confiture, ce serait plus facile et cela pousserait les jeunes à se lancer », insiste Sylvie, maraîchère dans le Kouilou. D’un côté, donc, des petits producteurs qui souhaitent l’émergence d’industries de transformation. De l’autre, des industriels qui préfèrent souvent importer les matières premières, jugeant ces petits exploitants « peu fiables », aux récoltes trop aléatoires. Dans la filière œuf, par exemple, les difficultés d’approvisionnement en maïs pour produire l’aliment du bétail peuvent constituer un frein au développement du secteur (lire notre article page 30).

onérées d’impôts sur les bénéfices. Les importations sont également montrées du doigt. En 2015, le Congo a importé pour 322,7 milliards de francs CFA de produits agricoles et d’agro-industrie (contre 352 milliards en 2014), à savoir viandes, poissons, produits laitiers, céréales, produits à base de céréales, etc. Pour protéger ses quelques produits « made in Congo », le gouvernement a mis en place des taxes sur les bières, eaux et boissons gazeuses entrant dans le pays, ainsi que des quotas sur l’importation de farine. Il a aussi interdit l’importation de sucre (même si en 2006, 25% du sucre sur le marché congolais provenait de contrebande).

Cessions de terres contre maïs C’est pourquoi, dans le cadre du Plan national de développement du Congo 2012-2016, le gouvernement avait choisi de développer « de grandes exploitations de type industriel, susceptibles d’offrir un volume de production adéquat et suffisamment stable pour alimenter Changer les mentalités Manque de main-d’œuvre formée, agriculteurs l’industrie de transformation et l’exportation de produits à haute valeur ajoutée ». Ainsi, le En 2015, le Congo a importé pour indépendants pas assez chevronnés pour orleur activité économique... Là aussi, des gouvernement a autorisé des fermiers sud-af322, 7 milliards de francs CFA ganiser solutions ont été amorcées avec Agricongo (lire ricains à exploiter 80 000 hectares dans le Nide produits agricoles page 32) ou des formations à la comptabilité de ari et la Bouenza en 2011. Des 23 agriculteurs base dans les chambres de commerce et d’inarrivés à l’époque, il n’en reste que 9 au Congo et d'agro-industrie. dustrie. Car neuf exploitations agricoles sur dix aujourd’hui. Les fermiers se sont donné pour objectif d’atteindre 8 000 hectares de surfaces cultivables d’ici à 2019 et dans le monde sont gérées par des famille et produisent environ 80 % en comptent 2 200 en 2017. Les Sud-Africains n’ont pas été pas les seuls des denrées alimentaires mondiales (source FAO). Aider, accompagner à se lancer dans le maïs : 20 000 hectares de terre ont été cédés dans la professionnaliser et structurer ces exploitations agricoles familiales semble donc une priorité pour alimenter le secteur agroalimentaire. Bouenza à l’entreprise Tolona en 2015. Mais pour beaucoup d’acteurs du secteur, il faut avant tout « changer les mentalités et créer une mode autour de l’agriculture ». Le doÉnergie, financements et formation L’accès aux terres ne fait pas tout, encore faut-il tenir sur la durée. Car maine n’est en effet pas considéré comme un débouché pour les jeunes les freins au développement sont nombreux, rappellent les acteurs de la générations, qu’il faudrait sensibiliser dès l’école. Espérons donc que filière agroalimentaire. L’offre énergétique pose problème : à la fois en des vocations émergent pour pousser la production agricole et enfin termes d’approvisionnement d’électricité, mais aussi de conservation permettre l’émergence d’une agro-industrie de transformation natioalimentaire. D’autres soulignent des difficultés d’accès au financement nale. ou des problèmes fiscaux, bien que les entreprises agricoles soient ex- *Sources: Direction générale de l'économie, Direction générale des douanes et des droits indirects, Ministère des finances, du budget et du portefeuille public.

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RELANCE D’UNE FILIÈRE : L’AVENIR INCERTAIN DU CACAO

LE CACAO EN CHIFFRES

La filière cacao au Congo concerne plus de 2 000 petits producteurs sur 7 400 hectares de plants pour une production estimée à 4 000 tonnes par an. Concentrée dans le nord du pays, la commercialisation de cette production n’est pas réglementée et quitte trop souvent le pays sans être déclarée à destination de Douala. En moins de trois ans, la pépinière réalisée par Olam à Pokola a produit 3 millions de plants, distribués gratuitement auprès de 511 producteurs pour 2 700 hectares de plantation à travers 53 villages dans les départements de la Sangha, la Likouala et de la Cuvette.

Photo DR.

Historiquement produit dans le nord du pays, le cacao constitue l’un des seuls produits agricoles exporté, bien que sa production ait dramatiquement chuté dans les années 80 et 90. Dans une stratégie de diversification de son économie, le gouvernement a trouvé en Olam, compagnie agroalimentaire singapourienne ayant racheté la CIB en 2011, un partenaire idéal pour la relance de la filière cacao. Olam est en effet le premier acheteur mondial de fève de cacao avec une capacité de broyage de 700 000 tonnes par année. En 2014 un plan national de développement de la filière cacao est signé et prévoit la mise en place, à l’échéance 2018, de 23 000 hectares de plantations et l’installation de huit pépinières à travers six départements congolais. Une première pépinière est créée à Pokola, Olam recrute et forme une équipe de 17 personnes dédiée au projet et embauche jusqu’à 300 saisonniers temporaires. Alors que les premiers résultats des plants introduits dépassent les espérances en termes de production et que les populations locales sont motivées par la relance de cette filière, l’activité de la pépinière est suspendue en décembre 2016. En cause : une réduction drastique du budget d’État et le remboursement attendu des frais déjà engagés par Olam. En effet, une dette d’1,3 milliard de francs CFA conduit l’entreprise à suspendre son équipe cacao et met en péril le bon démarrage de ce plan national de développement. Les discussions avec des bailleurs de fonds internationaux se poursuivent, dans l’espoir d’enclencher une reprise rapide du projet. 23 BRAZZAMAG


DOSSIER DOSSIER SPÉCIAL

BRASCO

AU NOM DE LA BIÈRE Au Congo, on consomme 50 litres de bière par an par personne, et la brasserie est sans conteste l’une des plus anciennes industries du pays. Pour en savoir plus sur ce business pétillant, Brazzamag a visité l’usine Brasco de Pointe-Noire. Par Julie Crenn.

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on château d’eau peint aux couleurs de marques de bière est à différentes températures que l’amidon se transforme en sucre », préconnu de tout Pointe-Noire. Aujourd’hui détenue à 50 % par le cise François Balossa. Ce moût sera ensuite filtré puis porté à ébullition troisième plus gros brasseur de la planète, le Néerlandais Heinek- pendant une à deux heures, en compagnie du houblon, avant d’être en, à parts égales avec l’entreprise française CFAO, Brasco règne sur le transféré dans des cuves de fermentation où il se mélangera à des lesecteur de la bière et des boissons gazeuses. Au total, 810 personnes vures. « Ce sont les levures qui déterminent la fin de la fermentation travaillent dans les deux usines du groupe (à Brazzaville et Pointe-Noire) », soit douze à quatorze jours plus tard. Tout au long du processus, des pour alimenter le pays en bulles. tests de contrôle sont réalisés par le laboratoire de « Ce sont les levures qui l’entreprise afin d’être sûr d’arriver au résultat souPlus on approche de la salle de brassage, plus l’odeur de malt se fait forte. « C’est ici que haité. Il serait en effet dommage de devoir jeter les déterminent la fin de débute la fabrication de nos bières », expli3 000 hectolitres de bière contenus dans une seule la fermentation. » que François Balossa, ancien contremaître de cuve de fermentation… fabrication qui assure désormais les visites du François Balossa, brasseur site. Sur des écrans, les brasseurs surveillent Tapis roulants la recette, à travers un processus automatisé. Après la fermentation, la bière est filtrée avant d’être « Les quatre ingrédients nécessaires à la fabrication de nos bières sont mise en bouteille. La vision des chaînes d’embouteillage pourrait donle malt, le gritz de maïs, le houblon et l’eau », rappelle François Balos- ner le tournis aux fans de Ngok’. Car ces lignes peuvent produire jusqu’à sa. L’orge germé et séché, que l’on appelle donc le malt, vient de Bel- 31 500 bières par heure ! Imaginez ces milliers de bouteilles, encapgique, tandis que le maïs arrive de France et le houblon de République sulées, alignées sur des tapis roulants tournant autour de vous… Au toTchèque. L’eau quant à elle est de source congolaise. tal, ce ne sont pas moins de 400 millions de bières qui sortent chaque année des deux usines Brasco. Cuve de fermentation La consommation de bière au Congo, avec 50 litres par an et par habiLe processus de brassage suit plusieurs étapes, où la durée et la tant, reste loin derrière la République Tchèque, championne internatempérature jouent un rôle primordial. Le malt doit tout d’abord être tionale avec 148 litres, ou même le Gabon avec 60 litres. Une consomconcassé avant d’être mélangé à de l’eau chaude. En parallèle, le gritz mation « liée à la santé économique du pays », rappelle Denis Martin, de maïs est porté à ébullition puis incorporé au malt pour obtenir un directeur général de l’entreprise. Et qui tend donc à la baisse avec la liquide sucré, le « moût ». « C’est lors du brassage de ces deux céréales conjoncture actuelle.

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Crédit photos : Rey Mangouta.

LE SAVIEZ-VOUS ? Depuis 2011, l’entreprise Brasco a créé une fondation afin de mener des actions d’intérêt général dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’environnement. Ainsi, la Fondation Brasco sponsorise depuis 2014 l’association ALP381 à Brazzaville. Sa mission : le ramassage, le recyclage des déchets plastiques et leur transformation en pavés servant à stabiliser les sols et ruelles. La Fondation Brasco a mis à sa disposition des équipements nécessaires au ramassage et à la transformation des déchets plastiques (camions, tricycles, etc). Grâce à un don de 35 millions de francs CFA, une vingtaine d’emplois ont été créés et près de 100 tonnes de déchets sont désormais recyclées chaque année.

« LA BIÈRE IDÉALE DES CONGOLAIS » En janvier 2017 a été lancée La Class, la deuxième bière intégralement développée au Congo après la Ngok’. « Nous avons fait une étude auprès des consommateurs pour savoir ce qu’était la bière idéale des Congolais », raconte Ghislain Tchicaya, responsable marketing. La réponse : « Une bière légère, facile à boire, de bonne qualité et à prix accessible. » Après plusieurs mois de travail et de tests, les maîtres-brasseurs de Brasco, à Pointe-Noire, ont donc développé la Class, bière à fermentation lente. Elle reste en effet dix-sept jours en cuve de fermentation (là où les autres fermentent quatorze jours). « Un processus qui n’agit pas sur la qualité de la bière mais sur sa légèreté », précise Ghislain Tchicaya.

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DOSSIER

SUCRE :

LE CONGO VEUT GAGNER SA CANNE Bienvenue au sein de la plus grande agro-industrie du Congo. La Société agricole de raffinage industriel de sucre, la Saris, trône au milieu de ses plantations de canne à sucre à Nkayi, dans la Bouenza. Reportage au pays du sucre. Par Julie Crenn.

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es champs défilent, infinis et verdoyants. Des cannes à sucre de plusieurs mètres de haut bordent la piste où de gros tracteurs et engins industriels circulent. Il faut rouler plusieurs kilomètres depuis le centre de Nkayi pour atteindre l’entrée du site principal de la Saris. Voici l’unique sucrerie du Congo, véritable patrimoine industriel du pays. C’est ici qu’est produit le sucre de la marque « Princesse Tatie ». Savoir-faire agricole « Il y a deux cycles de culture de la canne à sucre : celui de “petite culture”, où la canne est récoltée neuf mois après avoir été plantée, et le cycle de “grande culture”, qui dure quinze mois », explique Faustin Mbingou, le souriant chef du service irrigation. Fier de présenter le savoir-faire agricole de son entreprise, il expose avec enthousiasme les différentes étapes de culture de cet or vert. « Nous avons sept variétés de cannes ici, et une pépinière où les boutures sont préparées avant d’être mises en terre », souligne-t-il. Les boutures passent par un traitement thermique pour éliminer les virus et un bain d’insecticides et de fongicides. Quant au sol, lui aussi doit être préparé : défrichage, désherbage puis sous-solage, pulvérisation des mottes de terre et tracé des sillons précèdent le logement des boutures. Une fois la plantation réalisée, la parcelle en question donnera de la canne pour sept années consécutives « en moyenne », précise Faustin : « Certaines repoussent pendant seize ans tandis que d’autres sont à changer au bout de deux. » Système d’irrigation Le rendement minimum attendu est de 52 tonnes de cannes par hectare. Pour l’atteindre, la Saris compte sur les conditions climatiques naturelles. Mais en 2012, la sécheresse a fait plonger la production de l’entreprise à 46 000 tonnes de sucre à l’année (contre les 70 000 habituelles). Décision a été prise de mettre en place un système d’irrigation. « Nous avions l’eau avec le fleuve Niari et nous nous sommes dit qu’il fallait en profiter pour rendre la culture plus fiable », raconte Faustin Mbingou. En 2014 sont donc installés deux pivots, impressionnants systèmes d’arrosage de 4,5 mètres de haut pour 603 mètres de long. Comme leur nom l’indique, ils pivotent sur eux-mêmes et arrosent les cannes à sucre pendant la saison sèche. Sur les 363 hectares couverts par les quatre pivots installés (deux ont été ajoutés en 2016), la différence est visible à l’œil nu : difficile de se frayer un chemin à travers les plans de canne irrigués tellement les tiges sont nombreuses. Car les résultats sont là. Ces champs produisent 120 tonnes de cannes à l’hectare. « L’objectif est d’irriguer 3 000 hectares au moins d’ici à 2025, et pas seulement les terres proches du fleuve », ajoute Faustin.

Crédit photos : Rey Mangouta. Un processus de transformation complexe Quand vient le temps de la récolte, les champs de cannes à sucre sont brûlés afin de faciliter le travail des coupeurs. Une technique impressionnante qui précède le traitement à l’usine. Car, six mois par an, l’imposante fabrique attend la récolte. Capable de broyer 210 tonnes de cannes à sucre par heure et de produire 600 tonnes de sucre par jour, la manufacture engloutit les cannes pour les transformer en sucre en sachet ou en morceaux. Il faut imaginer ces remorques remplies revenant des champs déversant des milliers de cannes sur une table industrielle où elles seront lavées, coupées, tassées… réduites en charpie et passées à travers des moulins pour en extraire le jus. Le jus subira à son tour de multiples transformations (passé au tamis, dépulpé, filtré, traité, ébouillanté, décanté, modifié, re-filtré, évaporé, cuit, malaxé, maturé, essoré, cuit à nouveau, séché et stabilisé) pour se transformer en sucre solide. Et chaque étape est réalisée par des machines énormes : marmites industrielles, malaxeurs, tuyaux et autres turbo-alternateurs aux dimensions monumentales. « En théorie, 100 tonnes de cannes à sucre donnent 10 tonnes de sucre en produit fini, mais il y a des pertes au fur et à mesure du processus de transformation », explique Baudry Diabangouaya, responsable de la fabrication. Ainsi, il ne faudra que 24 heures à une canne tout juste récoltée pour devenir sucre, en sortie d’usine.

LE PROGRAMME KOULISSA Depuis 2009, à la fin du régime spécial d'entrée du sucre sur le marché européen, l'Union Européenne a mis en place un programme d'appui au développement de la région sucrière. Ce soutien a permis la rénovation d'écoles, la réhabilitation de centres de santé, la construction de forages ou encore le financement d'une unité de production de sucre en morceaux.

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Le projet maïs Audrey Hernandez, 28 ans, responsable du projet

LA SARIS EN CHIFFRES

61 ans, l’âge de l’entreprise, créée en 1956. 700, le nombre d’employés permanents. 3 500, le nombre de saisonniers nécessaires en période de campagne de sucre, c’est-à-dire de récolte de la canne. 70 000 tonnes de sucre produites annuellement. 5 000 tonnes de cannes à sucre broyées par jour en période de production. 12 500 hectares de cannes à sucre plantées et exploitées.

Depuis 2014, la Saris a lancé un projet de développement de la culture du maïs. Il s’agit de mener des recherches pour trouver « la meilleure variété de maïs, c’est-à-dire la plus adaptée au Congo et la meilleure façon de le cultiver », explique Audrey Hernandez, responsable du projet. Mais le projet vise aussi à créer une filière paysanne structurée qui puisse produire, à terme, sans l’aide de la Saris. Pour le moment, l’entreprise « avance les intrants, les semences, achète les récoltes, les revend et reverse le bénéfice aux villageois ». Le projet concerne actuellement 22 agriculteurs qui cultivent chacun entre un et trois hectares de maïs. « L’objectif, c’est que le nombre de participants au projet et le nombre d’hectares cultivés augmentent, mais pour cela, il faut également trouver d’autres modes de financement. » En 2016, les villageois ont récolté 80 tonnes de maïs qui ont été facilement vendues car la destination du maïs est triple : pour l’alimentation humaine, l’alimentation animale mais aussi pour les brasseries qui utilisent le gritz (maïs moulu) dans la fabrication de la bière. La volonté de se lancer dans le maïs arrive en parallèle du projet de minoterie du groupe Somdiaa (entreprise française propriétaire de la Saris depuis 1991) à Pointe-Noire, comprenant des moulins mixtes blé et maïs.

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Crédit photo : Rey Mangouta.

YAOURTS, L’AVENTURE LAITIÈRE Les laiteries Bayo à Brazzaville et Auguste à Pointe-Noire ont développé l’industrie du yaourt au Congo. Alors qu’elles fêtent toutes deux leurs trente ans cette année, Brazzamag est parti à la découverte de ce secteur de l’agroalimentaire. Par Molly Matongo.

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es deux entreprises s’appellent bien « laiterie », mais elles ne pro- on les sort de la chambre chaude pour les mettre dans la chambre froide duisent pas de lait. Uniquement des produits fabriqués à partir de pendant trois jours. » Le changement de température bloque l’activité lait en poudre importé (près de 17 000 kilos par an). Une particu- des ferments et finalise le yaourt qui partira rejoindre les réfrigérateurs larité qui s’explique par l’absence d’exploitation de vaches laitières suf- des supermarchés. Grâce à sa machine-outil de conditionnement et ses fisamment conséquente pour approvisionner une filière « lait » dans installations modernes, l’usine Bayo peut produire 45 000 yaourts par le pays. jour environ. En 2016, l’entreprise a ainsi sorti plus de 7 millions de pots Il faut se rendre dans les quartiers de Massissia et Mbouono, dans le sud aromatisés ou nature. de Brazzaville, pour découvrir les deux usines de l’entreprise Bayo. Dans Mais pourquoi Bayo ? « Ba est le préfixe du nom du promoteur, un bâtiment entièrement carrelé de blanc, M. Bavoueza, et Yo pour la première appellation « Il fallait avoir le goût protections aux pieds et charlotte blanche sur du yaourt Bayo, Yogo Santé, de 1987 à 1992 », la tête, Maurice Malonga, le responsable qualraconte Gilbert Bayeni-Lupey, coordonnateur des du risque pour se lancer » ité, présente la fabrication des yaourts. « Nous départements et services de l’entreprise. C’est Auguste Miakassissa mélangeons le lait en poudre, le sucre et l’eau, d’ailleurs cette même année, en 1992, que la soavant de pasteuriser le tout et d’insérer les ferciété Bayo prend le nom de « FPLAPA – Laiterie ments lactiques », explique, pédagogue, l’un des 110 employés. Bayo » pour Fabrique de produits laitiers et alimentaires, de papeterie et assimilés. Car au fil des ans, l’entreprise diversifie ses activités. Alternance de production En 2001, elle se lance dans la vente de lait en poudre en sachet puis de Une fois cette étape terminée, le lait est conditionné et les pots lait caillé. Les jus de fruit (locaux) suivront en 2005, puis le papier en entrent en salle chaude pendant trois heures. « C’est là que le lait coag- 2007 et enfin l’eau en 2015. ule, et qu’il devient yaourt », rappelle Maurice, chargé de vérifier l’acid- De nombreuses activités qui ne sont pas toujours en production. En ité des yaourts toutes les heures afin de déterminer le bon moment février dernier, la section papier était ainsi « en pause » pour défaut de pour les sortir. « C’est cela qui influencera le goût », insiste-t-il. « Après, bobine. Et depuis huit mois, un problème d’approvisionnement d’élec-

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tricité handicape l’usine, obligeant une alternance de production entre le jus et l’eau. Seul le yaourt, véritable mamelle de l’entreprise, maintient le rythme. « Au compte-gouttes » Auguste Miakassissa trône au premier étage du siège de son entreprise, en bordure du grand marché de Pointe-Noire. Le capitaine d’industrie de 77 ans raconte son histoire entre fierté et amertume. « J’ai créé un complexe industriel de huit sociétés à Brazzaville en 1975 », annonce-t-il d’emblée. Industrie de la craie, boulangerie, menuiserie, emballage plastique, transport de marchandises, hôtellerie, ses secteurs d’activité sont multiples, et c’est en 1987 qu’il se lance dans la laiterie. Avant de tout perdre pendant la guerre. « Je suis venu reconstruire à Pointe-Noire. Il fallait avoir le goût du risque pour faire du commerce », s’exclame le patriarche qui désormais ne fait que plus que du yaourt et de la pâtisserie. Son entreprise, d’une capacité de production de 20 000 yaourts par jour, fabrique en fonction de la demande. « Aujourd’hui, le yaourt est entré dans les habitudes de consommation, les enfants en mangent le matin avant d’aller à l’école », s’enthousiasme Auguste Miakassissa. Pourtant, le jour de la visite de Brazzamag, les machines sont à l’arrêt et 15 000 yaourts fabriqués les jours précédents attendent d’être distribués. « Avec la crise, nous produisons au compte-gouttes », explique l’un des 80 employés. En effet, même son de cloche chez les distributeurs, où les ventes de produits laitiers sont en baisse. Au supermarché Casino de Pointe-Noire, par exemple, les yaourts Bayo s’écoulaient à plus de 6 000 pots par mois en 2015 (aromatisés et nature), alors que les ventes tournent désormais autour de 4 000 pots. De quoi rendre les producteurs un peu soupe au lait…

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À LA RECHERCHE DE LA POULE AUX OEUFS D’OR Au sud de Pointe-Noire se trouve l’une des plus grosses fermes avicoles du pays : La Poule qui rit. Huit ans après sa création, l’exploitation produit 47 000 œufs par jour et espère bien continuer à s’agrandir. Par Julie Crenn.

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uemba glisse sa main dans la mangeoire et remonte tout le hangar. huile de palme, tourteau de soja, maïs... Chaque jour, des employés Ce mouvement a pour but de pousser les poules à manger. Au fur préparent la potion magique dans un bâtiment dédié à cette activité. et à mesure de son avancée, les têtes surgissent des cages sur son « Ce sont des sportifs de haut niveau, il faut leur donner tout ce dont passage et se mettent à picorer, créant un joyeux brouhaha. elles ont besoin. Mais on ne les dope pas, attention ! », s’amuse-t-il. Les dix hangars de 60 mètres de long se dressent sur un grand terrain Six différents types de mélanges et d’aliments sont préparés et disverdoyant au sud de Pointe-Noire. Après une carrière de forestier, le tribués, selon le stade de la croissance de la poule. Et l’aliment constitue Portugais Rui Frédéric Baretto s’est lancé dans l’aviculture en 2007, bien le nerf de la guerre. « J’ai du mal à m’approvisionner en maïs », en récupérant une ancienne ferme et ses 5 000 poules près de l’aéro- explique l’éleveur. « J’aimerais le cultiver ici, mais il faut 250 hectares au port. Une seconde ferme suivra, avant l’ouverture, en 2009, de son site moins pour nourrir mes poules », un sacré projet qui nécessite donc un La Poule qui rit à Tchiamba, à 35 kilomètres de la capitale océane. sacré investissement. Pour le seconder dans son aventure, celui qui avoue alors « ne rien y connaître en élevage de poules » fait appel aux services de deux vétéri- « Faire baisser les prix » naires, un Brésilien et un Indien. Huit ans plus tard, l’entreprise emploie Et c’est là que le bât blesse : « Le prix de l’œuf n’a fait que chuter. Il y a une cinquantaine d’ouvriers locaux et compte près de 70 000 gallinacés neuf ans, on vendait 30% plus cher », se plaint Baretto. La faute à l’imqui produisent 47 000 œufs quotidiens. Et tous portation qui, d’après lui, fait une concurrence les jours de la semaine sans exception, à 15 heu- « Si j’augmente la production déloyale aux éleveurs locaux. A 2 600 francs CFA la res, les camions chargés d’œufs partent les disde 30 œufs contre 1 000-1 500 francs CFA j’espère faire baisser les prix. » palette tribuer à Pointe-Noire et ses environs. pour les œufs importés, la différence est nette. « Il faudrait une régulation plus stricte des œufs Rui Frédéric Baretto « Sportifs de haut niveau » importés, soit par des quotas soit par une obligaDans la vie d’une poule élevée en batterie, rien n’est laissé au hasard. « Il tion de prix de vente », plaide-t-il sans oublier les mesures positives déjà faut une attention constante, explique Rui Frédéric Baretto. Une poule qui prises. « Pour encourager l’élevage, le gouvernement a réduit les taxes a trop chaud va moins boire, s’alimentera mal et produira donc moins. » à l’importation. Aujourd’hui, elles sont d’environ 5% quand elles étaient En Europe, les bâtiments d’élevage sont fermés et les éleveurs peuvent de 40 % auparavant. C’est le jour et la nuit. Cette baisse de douane m’a régler la température et la luminosité. Ici, les bâtiments sont ouverts et permis de moderniser la ferme en 2014. » orientés est-ouest afin que les poules soient toujours à l’ombre. Une modernisation qu’il souhaite poursuivre sur six de ses hangars Les poussins arrivent par avion d’Europe, passent six semaines dans tout en agrandissant la capacité d’accueil des quatre autres. Ainsi son leur bâtiment (ils sont 38 par cage) puis, devenus d’adolescentes pou- exploitation passerait de 70 000 à 140 000 poules. « Si j’augmente la lettes, migrent dans un autre bâtiment où ils passent huit semaines production de 45 000 à 80 000 œufs, j’espère encore faire baisser les avant de devenir des poules pondeuses. Poules qui passeront environ prix de 15 à 20% », rappelle-t-il. Au-delà du développement de son exsoixante-douze semaines à produire des œufs avant d’être vendues aux ploitation avicole, Frédéric envisage aussi de se lancer dans l’agriculture « mamans » de la cité qui les revendront sur les marchés. « pour alimenter les poules, mais pas seulement : on veut produire pour Rui Frederic Baretto fabrique lui-même l’aliment de ses poules. Calcaire, les gens ».

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RETOUR à La terre

Accompagner les agriculteurs dans une professionnalisation de leur emploi ou gérer une exploitation jusqu’à la mise en marché de ses produits, voici deux exemples d’initiatives qui cherchent à revaloriser l’agriculture aux yeux des jeunes Congolais. Agri-Congo, doyenne de la formation et du développement agricole, et les Primeurs de Djeno, jeune société lancée fin 2016. Par Molly Matongo.

L’HISTORIQUE AGRICONGO « Impossible de parler d’agriculture au Congo sans parler d’Agricongo », souligne à juste titre Moussitou Yoyo, le directeur du centre Tchimbambouka au sud de Pointe-Noire. Lancée en 1986 via un partenariat entre la structure française Agrisud International et le gouvernement congolais, l’association vise à développer le secteur agricole dans le pays. Huit centres de ressources sont mis en place au fil des ans, de Pointe-Noire à Makoua en passant par Sibiti, Dolisie, Brazzaville, Ngo, Ignié ou Obouya. Ces sites servent tout à la fois de centre de formation, de recherche et développement, de pépinière d’entreprises, d’appui aux agriculteurs – via la fourniture d’intrants par exemple, ou encore de lieu de transformation des produits agricoles. Après dix-huit ans de collaboration avec Agrisud International, Agricongo devient une structure gérée uniquement par l’état congolais en 2004. D’après des chiffres de 2008, la structure aurait contribué à la création de 9 415 emplois directs et installé 9 187 exploitations viabilisées. Aujourd’hui encore Agricongo rencontre du succès puisque au centre de Pointe-Noire, 74 exploitants partenaires se partagent 15 hectares et le directeur explique avoir sur son bureau « 120 demandes de terrain qu’[il] ne peut pas satisfaire ».

LE NOUVEAU PRIMEUR DE DJÉNO Lancé en novembre dernier, un nouveau projet maraîcher a vu le jour au sud de Pointe-Noire à Banga Cayo. Sur un terrain de 15 hectares choux, courgettes, carottes, poivrons, tomates, salades, pastèques et melons sortent de terre. Une quarantaine de personnes s’active sur cette belle plantation entre la pépinière, le système d’irrigation, les semis et les récoltes. Chaque culture de légume dispose de sa petite équipe constituée d’un(e) responsable et de tâcherons payés à la journée. Le projet a mobilisé de nombreux partenaires, au premier rang desquels JTAgro, jeune société française spécialisée dans la culture en zone tropicale. Elle partage sa participation à la société Primeurs de Djéno avec deux autres actionnaires, Aries Investissements et l’Association des maraîchers de Djéno. Cette dernière, soutenue par Total à hauteur de 150 000 euros, constitue d’ailleurs l’actionnaire principal. « Salariés et actionnaires, ça motive », confirme Sylvie Minaka, l’une des 14 maraîchers de Djéno employés à temps plein sur le projet. Les fruits et légumes sont vendus à Sodexo, Daron Shipchandler, Regal et d’autres entreprises de Pointe-Noire et des environs.

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Crédit photo : Rey Mangouta.

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LA PISCicULTURE Dans le Kouilou, tout comme dans le département de Pointe-Noire, on compte àpeine 20 pisciculteurs privés pour un total de 279 étangs. Le Congo est réputé pour être l’un des plus grands consommateurs de poissons en Afrique. En effet, un Congolais consomme 49 kilos de poissons par an. La production annuelle de la pêche artisanale en 2015, était de 3011 tonnes, toutes espèces confondues. Toutefois, ce chiffre était en deçà des années en comparaison aux années antérieures.

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RADISSON BLU BRAZZAVILLE Ouverture du M’Bamou Health Club & Spa

Le Radisson Blu M’Bamou Palace Hotel, Brazzaville est heureux de vous accueillir dans son nouvel espace, réservé à votre bien-être. Combinant activités sportives et détente, le M’Bamou Health Club & Spa propose une grande diversité de services. Il compte un centre de remise en forme, un sauna, un hammam, un jacuzzi et une piscine à débordement, ainsi qu’un espace dédié aux massages et soins. Il dispose également d’un bar à jus, où vous sont proposées des boissons rafraîchissantes. Ceci permettant aux clients, d’éliminer plus vite toutes les toxines qui se sont accumulées durant l’effort ou les soins. L’accès au sauna, hammam et jacuzzi est réservé aux clients de l’hôtel et du Spa. Concernant les massages, le Spa est composé de cinq salles de massage, dont une prévue pour les couples. Six types de massages y sont proposés, avec des techniques diverses et variées, comme le massage chinois ou le Shiatsu, originaire du Japon. Un circuit détente et soins est également proposé aux clients du Spa. Vous pourrez alors vous faire choyer toute la journée par deux masseurs professionnels, qui ont chacun leur spécialités. Ils sont notamment habilités à exercer des massages pour les sportifs, et à manipuler les femmes enceintes. Les massages peuvent être réalisés à sec ou à l’huile, sur futon japonais au sol ou sur table. La piscine à débordement est composée de trois bassins dont un pour enfants. Elle donne une vue imprenable sur le fleuve Congo et Kinshasa. L’accès à la piscine est quant à lui ouvert au public, des tarifs journaliers et mensuels vous sont présentés. Un Brunch à volonté avec animations musicales et accès à la piscine, est proposé aux clients tous les dimanches. Le jacuzzi est un espace de détente et de relaxation. Quelques bougies autour de vous, un parfum d’ambiance et vous pouvez alors profiter tranquillement de cet instant. Le jacuzzi, le hammam et le sauna, ont une capacité limitée à quatre personnes maximum à la fois. Vous avez donc la possibilité de venir vous détendre en famille ou entre amis. Le centre de remise en forme du M’Bamou Health Club & Spa dispose de 18 machines de haute performance, notamment des tapis de course, des vélos, des cross trainer et des appareils de musculation. Il met aussi à votre disposition, un coach sportif le matin et le soir. Ce dernier vous aide pendant vos exercices et vous établit un programme adapté à vos besoins. Le coach est votre guide, il veille également à l’utilisation adéquate des machines.

Accès au Spa uniquement sur réservation : Tel : +242.05.803.60.69. Adresse e-mail : reservations.brazzaville@radissonblu.com 36

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TRU B LU TRU B R A Z Z AV I L L E

RADISSON BLU M’BAMOU PALACE HOTEL Avenue Amilcar Cabral Centre-Ville, Brazzaville, République du Congo T: +242 05 050 60 60 F: +242 05 050 60 61 reservations.brazzaville@radissonblu.com radissonblu.com/hotel-brazzaville

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CHRONIQUE

LA SAISON DES PLUIES ET SON LOT DE MALADIES

Être en bonne santé est un besoin universel. À chaque numéro Brazzamag partagera avec vous des conseils sur la santé, la nutrition ou encore la forme. Cette nouvelle rubrique ‘’Priorité santé’’ permettra de faire de la prévention et informer sur les traitements, toutes sorte de problématique autour de la santé et bien plus encore. Des spécialistes de la santé interviendront dans cette rubrique pour traiter différents sujets.

LE SAVIEZ-VOUS ? CONSOMMEZ PLUS D’ÉPICES Même si vous n’y croyez pas, sachez que les épices contribuent à la perte de poids. Les épices populaires comme la cannelle, le gingembre ou le piment de Cayenne, nous permettent d’activer le métabolisme et apportent d’autres grands bienfaits à la santé. De plus, elles aident à diminuer les niveaux de sucre dans le sang, ce qui évite le diabète.

LA BROSSE À DENT TRADITIONNELLE

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e Congo avec son climat équatorial, chaud et humide est rythmé par une grande saison des pluies et une grande saison sèche entrecoupées d’une petite saison du climat opposé. Les grandes pluies apportent avantages et désagréments. Voici donc les bienfaits et les précautions à prendre afin de passer une saison des pluies sereine. Par le médecin Paul Mowondabeka, médecin conseil de Gras Savoye. La principale manifestation étant la pluie, des problèmes sanitaires dus essentielle¬ment à l’évacuation de ses eaux résultent d’un développement urbain trop rapide avec une carence d’infrastructures de collecte et d’évacuation des eaux. Dans les quartiers périphériques, des habi-tations construites sans respect des normes peuvent être sujettes à des inondations et à l’érosion avec débordements de latrines. Ces déchets déversés dans les rues ou

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a brosse à dent traditionnelle, ou bâtonnet frotte-dents se présente sous de très nombreuses formes et appellations, ces variations étant principalement dues à la zone géographique, à la culture de ces utilisateurs et bien entendu à l’essence végétale utilisée. Mode d’emploi :

L’utilisateur mâche une extrémité afin de l’attendrir et d’en retirer la fine couche d’écorce jusqu’à obtenir une texture fibreuse (semblable à des poils de brosse). Une fois la forme de la brosse obtenue, il suffit de frotter les surfaces dentaires avec la partie fibreuse afin de retirer la plaque dentaire. Le bâtonnet frotte-dents contient entre autres du fluor, du silicium, du bicarbonate de sodium et autres substances inhibitrices de la formation de la plaque dentaire. Il est beaucoup utilisé dans les régions rurales des pays en voie de développement où son usage est très répandu. Facile à trouver, gratuit (ou pas cher) et écologique, ce sont quelquesuns de ses avantages. Cependant, il est recommandé d’être particulièrement vigilant sur la dureté des fibres. Des fibres trop dures ou trop rigides peuvent en effet être à l’origine de blessures gingivales et causer

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dans d’autres habitations posent des problèmes d’hygiène avec pour corollaire la maladie des mains sales (péril hydrique ou péril fécal). On note alors une augmentation des cas de diarrhées infectieuses et para¬sitaires liée à la contamination de l’environnement par des germes pathogènes (fièvre typhoïde ou salmonellose, choléra, amibiase, ascaridiose, anguillulose…). À l’opposé, les eaux non évacuées, qu’elles soient naturelles, ménagères ou industrielles vont créer une stagnation qui entraîne la multiplication des moustiques dont l’anophèle femelle qui est le vecteur du paludisme entrainant ainsi une augmentation des cas de malaria. Cette saison favorise aussi les maladies allergiques et respiratoires liées à l’humidité. D’autres risques résultent directement des excès de la nature : mort par noyade ou électrocution lors des inondations.

des douleurs. À noter également l’inaccessibilité au niveau des faces distales des dents postérieures. Enfin, des études(1) ont rapporté un risque accru de lésions des tissus mous et des récessions gingivales chez les utilisateurs des bâtonnets frotte-dents, la dureté du bois et une mauvaise manipulation seraient à l’origine de la plupart de ces lésions. Traditionnellement, cette brosse à dent est aussi utilisée parce qu’elle colore la bouche, notamment pour les femmes. La brosse à dent traditionnelle peut être combinée avec la brosse à dent moderne. Il est aussi recommandé de se brosser les dents matin et soir avec la brosse à dent moderne afin d‘enlever les détritus alimentaires et utiliser le Nzete Ya Mino au cours de la journée. (1) Tubaishat 2005, Dahiya 2012.

QUELQUES BÂTONNETS FROTTE-DENTS : Le MISWAK, SIWAK ou SOUEK : racine de l’arbuste SALVADORA PERSICA, le plus reconnu et répandu des bâtonnets frotte-dents. Il est utilisé dans les pays arabes. Le SOCCU : est utilisé surtout au Sénégal et dans les pays frontaliers. Le NZETE YA MINO : utilisé aux Congo Brazzaville et Kinshasa. Ilest de moins en moins utilisé dans les grandes villes au profit de la brosse à dent moderne.


CHRONIQUE

Priorité santé LES HÉMORROÏDES

5 QUESTIONS AU DOCTEUR ALAIN BIKINDOU Les hémorroïdes sont une pathologie courante, puisqu’elle touche un adulte sur trois. Pour en savoir plus, Brazzamag a posé cinq questions au Docteur Alain Bikindou, médecin conseil coordonnateur de Gras-Savoye et directeur de la gestion des malades à l'hôpital général de Loandjili. Il s’inquiète de la non-prise en charge des hémorroïdes au Congo.

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Qu’est-ce que les hémorroïdes ? « Les hémorroïdes sont une affection médicale qui concerne les paquets vasculaires hémorroïdaires (veines veinules, capillaires) irriguant l'anus. Ces paquets vasculaires, sous l'influence de certains facteurs, vont se dilater et entraîner les symptômes de la maladie, notamment des douleurs ano-rectales, des hémorragies ano-rectales (rectorragies) et tardivement une extériorisation des veines hémorroïdaires dilatées, décrites par les patients comme "l'anus qui sort".

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Quelques statistiques existent concernant les personnes qui développe des hémorroïdes au congo ? Il n'y a pas de statistiques nationales, mais il s'agit d'une affection relativement fréquente dans les milieux de travailleurs de force (manutentionnaires, chauffeurs poids lourds, haltérophiles).

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Comment se développent-elles ? Certaines habitudes alimentaires favorisent également la survenue de cette maladie. Il s'agit de la consommation des aliments constipants comme la banane, le riz, les ignames et autres. Les patient souffrant d’hémorroïdes doivent donc éviter les aliments constipants.

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Quelle solution pour guérir des hémorroïdes ? Que faut-il éviter ? L’évolution peut se faire vers les complications qui sont hémorragiques ou la thrombose hémorroïdaire qui est une affection chirurgicale. Le traitement des hémorroïdes est médical (veinotoniques,

anti-hémorragiques, bains de sièges et pommades hémostatiques) pour la forme simple, et chirurgical pour la forme compliquée. la ligature des veines hémorroïdaires par élastiques est une alternative à la chirurgie.

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Pourquoi le sujet des hémorroïdes est-il toujours tabou ? Les hémorroïdes sont un sujet tabou, particulièrement en Afrique, parce que concernant l'intimité. Il s'agit d'un "sujet honteux" dans la société africaine et congolaise, occasionnant une prise en charge tardive au stade de complications. Il faudrait expliquer aux populations à risque les symptômes des hémorroïdes et les encourager à aller en consultation. Le rappel aux populations des risques encourus lors des traitements traditionnels mérite d'être fait. »

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Quels sont les risques encourus lors des traitement traditionnel? Les risques encourus lors des traitements traditionnels sont d'abord infectieux. En effet les bains de sièges traditionnels ne sont pas forcément stériles et sont susceptibles d'entraîner des infections graves. Le retard de prise en charge médicale entraîné par les traitements des charlatans est souvent la cause des tromboses hémorroïdaires dont le traitement est chirurgical. Le conseil fondamental est de consulter un médecin qui pourra confirmer le diagnostic et traiter précocement la maladie. Dans le cas d'hemmoroides compliquées, le médecin vous adressera à un gastro-enterologue.

POUR ÉLIMINER CES ALIMENTS VOUS DEVEZ PARCOURIR EN COURANT :

3,46 km

2,88 km

10,47 km

1,87 km

3 km

5,97 km

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À DÉCOUVRIR

Crédit photo : Rey Mangouta.

« ZIZIMAN » ET L’ALCOOL QUI SOIGNE

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C’est la caverne d’Ali Baba de Brazzaville. L’hôtel Olympic Palace héberge l’unique bar du Congo-Brazzaville qui vend « de l’alcool qui soigne ». Une plaisanterie diront certains. Une réalité, affirme son propriétaire, qu’on surnomme le « redresseur de zizi ». Par Flore Onissah.

l est 18 heures. Après une journée de travail, vous venez vous comptoir du bar. Il y a des bois qui soignent les hémorroïdes, d’autres désaltérer dans le seul bar du Congo-Brazzaville qui soigne en même qui soignent la goutte, d’autres qui referment les parties intimes de temps qu’il saoule. Là, des bouteilles aux noms incantatoires s’offrent la femme ou d’autres, encore, qui soignent les hommes qui souffrent à votre vue pour faire la fête de plus belle : « Déchire culotte », « Pète d’éjaculation précoce. « Si un homme est fatigué et qu’il ne fait plus braguette », « Doucement chérie », « À moi seule »… Ici, on propose des rien, il prend une de mes compositions avant 2 heures du matin et c’est remèdes pour les couples en mal de désir. reparti », assure « ziziman » qui enseigne ses pratiques et son savoir« Je suis diplômé chef barman redresseur de zizi », vous explique faire à la nouvelle génération de barmans de l'Olympic Palace. Monsieur Gouaby, 53 ans et père d’une famille de treize enfants. « Pendant six heures, j’ai fait face à un jury et je leur ai présenté mes Le bar des stars compositions. Deux d’entre elles ont reçu les félicitations du jury. Le Tandis que nous poursuivons notre dégustation, des femmes s’amusent “compec”, qui mélange le vin de palme avec le Campari rouge, a de faire la connaissance de celui qui les a tant fait rire la veille. « C’est lui reçu la meilleure note », raconte encore cet le maître redresseur de zizi ! », se réjouit l’une d’enancien diplômé génie civile de l’université de « Je suis diplômé chef barman tre elles. « Qu’est-ce qu’on a pu rigoler hier ! » Car Dakar. Monsieur Gouaby a son fan-club. Des personnalités redresseur de zizi. » du monde de la chanson tel qu’Aïda, Koffi Olomidé Gingembre et bois bandé ou encore Youssoupha connaissent bien les alcools Monsieur Gouaby, l’initiateur de « l’alcool qui soigne », n’en est pas du maître. D’autres sont plus discrets et envoient leur protocole prenà son premier essai. Né d’un père mécanicien, d’une mère ménagère dre les commandes quand ils sont de passage au Congo-Brazzaville. La et d’un grand-père féticheur, le patron des lieux s’est initié à l’âge de bouteille « Gladiateur » a la faveur des chefs d’Etat. Le mélange « Pierre 11 ans aux vertus du cola, du gingembre, du bois bandé et autres aph- Oba » affiche également un franc succès. Composé de gingembre, cola, rodisiaques. Mais le plus gros de son savoir-faire de faiseur de cocktails, bois lélé et rhum, ce breuvage symbolise l’homme seul et fort. « Prenez il l’a acquis à Cayenne, en Guyane. en 6 cl et vous verrez ! » assure Monsieur Gouaby. « Il reste trois jours Là, le chef redresseur de zizi prend conscience que les bienfaits des dans le corps pour faire l’amour. » plantes traditionnelles africaines sont sous-exploités. « Une vieille dame qui s’appelle Eugénie m’a embauché dans son bar, et ça a été un succès immédiat. J’avais en charge de préparer dans les cuves les différents Au moment où nous bouclons cette édition de Brazzamag, nous alcools qui mélangeaient des racines, des fruits frais avec du rhum. » Le avons la tristesse d'apprendre le décès de Monsieur Patrick secret du maître ? Le choix des ingrédients, bien sûr, et la macération, Gouaby, une semaine après l'avoir interviewé. qui s’opère sur une trentaine de jours en moyenne. Monsieur Gouaby Brazzamag partage la douleur de sa famille et de ses proches. se lève et nous présente les différents bois qui sont présentés sur le

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Crédit photo : Rey Mangouta.

DE QUARTIER 4343 BRAZZAMAG BRAZZAMAG


À DÉCOUVRIR

la musculation prend ses quartiers Malgré le manque de budget et d’infrastructures sportives, certains Ponténégrins passionnés ont adapté des espaces et fabriqué leurs propres outils et machines de musculation avec des matériaux récupérés. Par Brenda Guarneros.

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’est dans une petite ruelle de l’avenue Bruno-Tchikaya du quartier Mbota, entre un ruisseau et un portail noir, que se cache « le Flash-Back » (photo ci-contre). Julvin, judoka et boxeur, a transformé sa cour en salle de sport. Le lieu est propre, ordonné, aéré, mais surtout, il est équipé pour pouvoir s’entraîner. Avec l’aide de son frère soudeur, ils ont fabriqué des haltères à partir de disques de frein de camion et de barres de fer. Entre les tambours de moteurs et les pistons de camions, des roues de trains sont utilisées comme barres pour muscler le dos. La récupération est le maître-mot des lieux et un développé-couché (banc réglable) a été également créé à partir d’une table en bois et de ferraille. « Il faut se créer des opportunités et avancer », explique cet autodidacte qui a monté depuis cinq ans son propre club afin de transmettre sa passion pour ce sport. L’adhésion au Flash-Back est gratuite, mais il faut s’engager à respecter deux règles, à savoir les horaires d’accès et la discipline. Enfin, une contribution symbolique est demandée à chaque séance. « On s’entraîne pour être bien » Dans le quartier Matendé, la « Force Tranquille », ou « chez Régis », reste la salle la plus connue. Ouverte depuis 1991, on y retrouve des roues de train et des freins de camion, mais aussi un équipement plus moderne grâce à d’anciennes machines, rachetées et réparées. Être volontaire, bienveillant et venir par amour du sport sont les seuls prérequis pour venir ici. « On s’entraîne pour être bien et pas pour faire du mal aux gens », souligne Régis, le leader du club qui demande une inscription et une mensualité pour l’entretien des machines. Au Fond Tié-Tié, le Metal Club Gym a été créé en 1988. Il est dirigé par «Castelbajack », personnage également président de la Ligue de l’haltérophilie-olympique et de la culture physique à Pointe-Noire depuis 2014. Cette salle qui disposait uniquement de pistons et d’une roue de train de 40 kg où s'entraînait son père avant lui est devenue un véritable gymnase. Ce passionné de culturisme aimerait certifier les instructeurs des salles de sport de quartier afin de structurer cette activité en un véritable réseau pour, un jour, organiser à nouveau de grandes compétitions de body-building. Et remettre au goût du jour l’élection de Mister Pointe-Noire.

« LES PLUS BELS DE POINTE-NOIRE »

Crédit photo : Rey Mangouta.

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Les origines de la musculation remonteraient à la Grèce antique et à l’Egypte avec, notamment, le soulèvement de pierres. La mode culturiste a déferlé à Pointe-Noire dans les années 90, comme partout sur la planète. Dès cette époque, la pratique de la musculation se diffuse et des salles de sports émergent dans les quartiers populaires. La compétition des hommes « les plus bels de PointeNoire » (sic) se tient même pour la première fois en 1991 et aura lieu douze fois avant de péricliter par manque de budget et d’organisation. À ses débuts, la musculation était souvent associée à la pratique d’un sport de combat comme le judo, la boxe, le full-contact ou autres. De nos jours, ce sport s’est démocratisé et ses adeptes le pratiquent juste pour le plaisir.


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ENTREPRENDRE Crédit photo : Rey Mangouta.

Crédit photo : Rey Mangouta

SPIRITA Artiste

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ENTREPRENRE

Spirit'art d'intérieur Certains l’ont découverte comme artiste musicienne, d’autres comme créatrice de décoration d’intérieur. Spirita, de son vrai nom Nanda Ngueguim Spirita, s’adonne à sa passion pour la décoration intérieure en créant des poufs à partir de pagnes. Par Karla Cécile.

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jouter de la couleur dans son intérieur », c’est la mission que se donne l’artiste. Pour Nanda Ngueguim Spritia, tout a commencé le jour où sa fille Elika, aujourd’hui âgée de 4 ans, a fait ses premiers pas. Quand elle a essayé de monter sur le canapé pour s’y asseoir, maman Spirita a eu l’idée de lui fabriquer son propre « canapé » à sa taille. De la mousse, du contre-plaqué pour la base au sol et un pagne pour recouvrir le tout, et le tour est joué, Spirita conçoit le premier pouf pour son enfant. « C’était beau dans mon intérieur, ça ajoutait de la couleur », se souvient la créatrice. Quelques amis de passage chez elle tombent en adoration devant cet objet de décoration et lui suggèrent d’en fabriquer d’autres pour la vente aux particuliers.

En attendant la concrétisation de ce projet, la créatrice continue de travailler comme responsable administratif dans une compagnie pétrolière à plein temps, à être chanteuse et musicienne en dehors de ses heures de travail et maman, plusieurs casquettes qu’elle porte avec succès.

« Une touche » C’est seulement depuis un an que les premiers « poufs d’Elika » voient le jour pour le grand public. A partir de 15 000 francs CFA, ronds, carrés, ou encore rectangulaires, petits, moyens et grands, les poufs font fureur dans la boutique Couleur Équateur à Pointe-Noire, ou encore par le bouche-à-oreille. « Les clients choisissent la forme et la couleur et je les fabrique à l’aide d’un artisan », explique Spirita. Elle en crée plusieurs par mois. Le choix du pagne, sa couleur et son imprimé ont une grande importance. « Tous les motifs ne font pas de beaux poufs, précise Spirita. Donc souvent, je demande à en savoir plus sur la décoration de mes clientes et je les conseille. Car cet objet doit apporter une touche à l’intérieur d’une maison », précise-t-elle. Ses clientes sont majoritairement des expatriées et la créatrice trouve dommage qu’il n’y ait pas plus de Congolaises qui s’intéressent aux créations africaines. Plusieurs casquettes Cette jeune femme de 31 ans d’origine camerounaise, né à Brazzaville, est née avec la fibre artistique. Depuis toute jeune, elle participe à plusieurs activités artistiques, la poterie, la danse, etc. C’est donc tout naturellement qu’elle se lance dans cette nouvelle aventure. Cependant, son rêve à long terme serait d’ouvrir son propre centre de loisirs afin de transmettre l'art aux personnes défavorisées. « Au lieu de traîner dans la rue, certains pourront apprendre une activité artistique et pourquoi pas en faire leur gagne-pain », expose Spirita.

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CHRONIQUE

Michaël OHAYON Spécialiste des médias et nouvelles technologies, fondateur et dirigeant de la compagnie Azoy Studio, société de prestations et de conseil, dont le siège est en France. Il possède 20 ans d’expérience dans le secteur. Il a développé de nombreux projets de chaînes tv et projets innovants dans plusieurs pays, notamment en Afrique et récemment au Congo Brazzaville avec le lancement d’Africanews. Il nous fait partager à travers une chronique intitulée INFLUENCE MEDIA sa vision et son expérience du secteur audiovisuel et des nouvelles technologies. Sa connaissance de l’Afrique et du Congo Brazzaville nous donne une perspective locale dans un secteur en constante mutation, aux enjeux forts pour notre continent et notre pays. Brazzamag offre avec cette chronique une fenêtre sur les coulisses des médias.

Crédit photo : Rey Mangouta.

Merci pour vos messages et votre soutien, cette rubrique a entraîné beaucoup de réactions et de questions. Je vais tenter de répondre à certaines questions et continuer, je l’espère, à faire connaître le monde, quelquefois obscur, des médias et des technologies. Parmi ces questions, certaines personnes nous demandent : « Comment fait-on une chaîne de télévision, comment fonctionne une émission ? »

UNE CHAÎNE DE TV, DE A À Z

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u commencement, il y a le contenu et le thème de la chaîne TV. Les principales thématiques sont le cinéma, le sport, l’information, les divertissements (séries, émissions…). Ces contenus ont en commun de mobiliser personnels, équipements (studios, tournages en direct — “live” —, achat de droits…) et d’utiliser des technologies de pointe pour être transmises du producteur au consommateur. Qu’est-ce qu’un « live » en télévision ? Une émission en direct-live est un contenu vidéo retransmis en temps réel à la télévision (temps presque réel car les délais de transmission satellite, technique, etc… créent un décalage de quelques secondes. Conséquence : la personne dans le stade voit le but des Diables Rouges du Congo avant vous devant vos écrans).

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Pour réaliser ces vidéos il faut : des caméras qui retransmettent en live ce qu’elles « voient », un « car- régie » qui assure la réalisation/production des images (choix des vues, ajout des informations contextuelles, prise de sons…) et transmission par satellite ou fibre à la « régie finale de diffusion ». À ceci s’ajoutent des équipes humaines pour opérer : pour une finale de European Champions League, il y a 25 caméras et une cinquantaine de personnes ; idem pour une course de Formule 1 ou les Jeux Olympiques. Pour les émissions, les moyens dépendent de la taille du studio. Un « petit » studio pour une chaîne de News (basée à PointeNoire par exemple) nécessite cinq caméras et une équipe de quatre personnes en régie. Une émission comme « The Voice » à Paris va rassembler 15 caméras et 40 personnes dans un plateau de près de 2 000 m².


CHRONIQUE

iNFLUENCE MEDIA Les droits du cinéma, des documentaires et des émissions La diffusion de documentaires ou de films de cinéma n’est pas du tout dans la même logique. Les productions d’images sont exécutées par des sociétés de production, soit des « Majors » du cinéma (Fox, Universal et Nollywood en Afrique, Bollywood en Inde…) soit par des « petites » sociétés, principalement pour des émissions, des documentaires ou des publicités. Il existe, et cette activité est en forte croissance, ce type de société en République du Congo. Nous travaillons tous, sociétés de production, distributeur de la TNT, professionnels des médias, à fournir des nouveaux contenus congolais ! Ces contenus, après avoir été tournés, sont ensuite vendus aux chaînes sous forme de « droits de diffusion ». Les prix d’achat dépendent de la qualité du contenu (films « blockbuster » ou productions locales…), de l’exclusivité de diffusion, du territoire, et de nombreux autres critères. Mais ce sont des coûts souvent

très importants pour une chaîne ou un groupe. Par exemple les droits du football sont négociés à l’échelle du continent par Canal +, Al Jazeera, BeIn, SuperSport… Après le contenu vidéo, il y a encore des étapes techniques jusqu’au consommateur. La régie de diffusion est un endroit inconnu du grand public où pourtant tout se joue. Les éléments sont assemblés là et donnent un flux, le flux que nous voyons au final, c’est aussi pourquoi nous l’appelons « régie finale ». Ensuite, ce qui est devenu un flux vidéo est transmis sur différents supports grâce à des « distributeurs » : satellite, TNT, mobile via les opérateurs et/ou OTT (souvenez-vous de la précédente chronique)… La boucle est bouclée. Vous pouvez regarder votre match de foot, votre série préférée et imaginer les « fourmis » qui travaillent, les machines allumées pour vous rendre ce service.

« MAIS ALORS COMMENT SONT FINANCÉS CES MOYENS ? »

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omme il existe plusieurs types de chaînes TV, il existe des business-model différents dans le secteur audiovisuel. De plus, ils évoluent rapidement au rythme des développements technologiques. Nous avons communément l’habitude de parler de chaînes « gratuites » et de chaînes « payantes », à ces modèles s’ajoutent les nouveaux moyens de diffusion « à la demande », streaming, etc…. Les revenus des chaînes gratuites proviennent principalement des publicités (je mets de côté les chaînes nationales, nombreuses sur le continent, dont le financement provient de subventions publiques). La chaîne de TV en fonction de son intérêt rassemble des téléspectateurs. Ceci forme son audience. Cette audience intéresse des annonceurs (marques, industriels, services…) pour assurer la connaissance et la promotion de leurs produits. Ainsi la télévision contribue à la Communication et s’assure des revenus pour financer son activité. Plus la chaîne sera regardée, en fonction de ses heures d’écoute et la structure de sa clientèle, plus elle gagnera d’argent. La commercialisation de cet « espace publicitaire » est assurée par une régie publicitaire. Ce modèle existe au Congo, mais il reste encore un travail important à réaliser pour le développer et créer un cercle économique vertueux. Les chaînes de TV payantes sont accessibles à des abonnés. Ceci signifie que le client doit payer un abonnement pour réception-

ner le bouquet de chaînes. C’est le modèle de Canal + Afrique, Star Times, DSTV…. L’élément fondamental dans ce cas est la quantité d’abonnés. Il faut donc convaincre de la qualité de ses programmes, de l’exclusivité (le foot par exemple), et de l’accessibilité de son bouquet. C’est pourquoi les opérateurs cités se font une guerre économique très forte pour les meilleurs contenus, territoires, etc… La qualité et la diversité des chaînes et des programmes sont fondamentales. À ces deux modèles vient s’ajouter un autre, plus récent, lié à la consommation sur Internet, Box, OTT… Ce sont les paiements « à l’acte » ou par abonnement de contenus vidéos de types VOD, SVOD, Replay, etc. Ils représentent l’avenir, comme vous le savez maintenant, et tous les opérateurs se concentrent sur ces développements : Canal + avec son application mobile, Netflix le leader mondial, Youtube…. Le potentiel économique de cette industrie est en devenir sur le continent. Le dynamisme africain permettra d’avancer rapidement au bénéfice des acteurs et des consommateurs. Et un petit mot personnel pour finir. Les médias permettent de rapprocher les personnes, d’apporter une ouverture sur le monde et un développement de soi-même, donc « à consommer selon vos goûts et sans modération » ! 53 BRAZZAMAG


CHRONIQUE

Relever le défi du numérique

La quatrième révolution industrielle est en marche. Pour réussir dans un monde connecté, les entreprises doivent adopter une transformation numérique : de nouvelles façons de connecter les personnes, les données et les processus afin de créer de la valeur pour les clients. Nous vous aiderons à relever ces défis ! Par Claude Petrucci.

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e monde évolue très rapidement et l’environnement de travail avec lui. Dans les années 2005, l’environnement de travail se composait d’une tour PC, d’un environnement de travail de bureau et de Windows XP ! Or ce monde change, et nous constatons que nous disposons désormais d’un à quatre devices (smartphones, tablettes, portables…) entre les mains. Nos habitudes et notre façon de faire ont évolué. Le monde de l’entreprise a suivi la même évolution : plusieurs appareils par personnes, nécessité d’être productif n’importe où et n’importe quand… tout cela est en partie dû à l’émergence de la mobilité. Dans ce nouveau mode d’interactions des entreprises, comment pouvoir être plus agile, plus performant et répondre à ses besoins de changement rapide et d’adaptation permanente ! Les tendances d’aujourd’hui sont : > Mobilité : situation de mobilité avec de plus en plus d’appareils mobiles. > Cloud : externalisation des services, accessibles de n’importe où. > Big data : de plus en plus de données et de types de données à analyser. > Social entreprise : réseau social. Au-delà de l’interne : 66 % du temps de travail est passé à travailler avec des personnes qui ne sont pas assises à côté de vous, incluant des personnes à l’extérieur (source IDC, 2012). Il est clair que nous devons travailler autrement et améliorer encore plus l’efficacité des entreprises. En adoptant un mode de travail digital, les équipes peuvent travailler de manière fluide et productive. Le but ? Collaborer au sein de l’organisation, engager toutes les parties prenantes de n’importe où et informer et aligner les organisations.

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Des solutions de bout en bout La plateforme de productivité mobile Microsoft Office 365 répond à cette évolution sur de nombreux points. Elle offre des solutions de bout en bout, fortement sécurisées, pour être mobile, mais aussi un accès à tout moment aux contenus et aux collègues. Microsoft Office 365, c’est la possibilité de collaborer avec des équipes et des clients où qu’ils soient, de participer aux réunions de l’équipe pendant vos déplacements, de travailler en ligne ou hors connexion, ou encore de partager de corédiger des documents. Office 365 n’est pas qu’une suite bureautique (Word, Excel et PowerPoint) dans le Cloud, c’est aussi une messagerie en ligne (Email), 50 go de messagerie par utilisateur, hébergée dans le Cloud avec Exchange Online, une communication mobile (Skype), un réseau social professionnel utilisable en interne avec ses collaborateurs et en externe pour se connecter avec ses clients tout en contrôlant les accès (Yammer), un stockage et une sauvegarde en ligne (OneDrive), la possibilité de faire des sites intranet, un outil collaboratif pour les collaborateurs (SharePoint, OneDrive). C’est ainsi que la frontière entre le secteur des logiciels et celui des services informatiques disparaît. Ce processus était déjà engagé avec la généralisation des applications web, de l’internet software, du Saas et des autres composantes du Cloud. Aujourd’hui, Skytic Telecom / PI Services a construit une offre globale mixte à base de logiciels, de services et de télécom afin d’apporter une réponse auprès des clients à ce passage obligé vers la numérisation, avec une grande simplicité de déploiement et de disponibilité !


EN ATTENDANT LA BON

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CHRONIQUE

Congo-info cherche le contact

Rendre les lieux de pouvoir décisionnel plus proche du peuple, c’est la vocation de cette application inédite qui permet d’accéder aux coordonnées de milliers d’entreprises, d’artisans et d’institutions au Congo-Brazzaville. Par Flore Onissah.

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onnaissez-vous le leapfrogging ? En anglais, ce mot désigne lit- le marché de l’annuaire téléphonique. Il y a vingt ans, il réalisait ses téralement un « saut de grenouille ». L’expression est utilisée pour premiers bottins au Congo-Brazzaville, qui a été son premier pays test désigner le bond technologique du continent africain en matière en la matière. « C’était logique de lancer notre première application de téléphonie mobile. L’Afrique a passé l’étape du téléphone fixe, et mobile de renseignement téléphonique dans le pays qui nous a ofmême celle d’Internet sur ordinateur, pour passer directement à l'étape fert notre première opportunité en la matière », souligne le patron de du mobile. Congo-Info, qui passe sa vie entre Israël et le Congo-Brazzaville. « On Chaque jour, plus d’un milliard de regards se posent sur un téléphone sait très bien que le problème, en Afrique, c’est l’accès à l’information. portable en Afrique. C’est même devenu un Tu veux contacter un ministère, c’est impossible. « Le problème en Afrique Il faut connaître qui, quoi […]. L’idée m’est donc venrituel quotidien qui commence très tôt dans la journée : selon une étude réalisée par le c'est l'accès à l'information. » ue de faire un site et une application mobile qui percabinet d’audit et de conseil Deloitte auprès mettent à n’importe qui d’accéder au contact dont Ayme Haddad, créateur de 5 000 personnes au Kenya, au Nigeria, il a besoin le plus rapidement possible. » de Congo-Info au Zimbabwe, en Ouganda et en Afrique du Sud, plus de 70 % des personnes interrogées Pratique et ludique avouent regarder leur téléphone cinq minutes après s’être réveillées. Lancé en septembre 2016, Congo-Info recense quelque 10 000 conQue ce soit pour nous alerter contre les médicaments contrefaits, tacts. Sur mobile, l’application est simple d’utilisation. En réalisant une suivre le prix de vente des produits agricoles ou encore cartographier recherche par thème (hôtel, restauration, ministère, ambassade, etc.), les ordures ménagères, les applications africaines font force d’ingénios- l’usager accède aux contacts téléphoniques, mais pas seulement. L’inité et de créativité pour s’adapter aux besoins de leurs usagers et leur scription est gratuite et se fait directement via l’application. apporter des solutions qui révolutionnent leur quotidien. Mais pour ceux qui souhaitent jouir d’un meilleur référencement et apEn la matière, l’Afrique de l’Est se positionne comme un des princi- paraître en haut des pages de recherche, l’offre payante de base débute paux pôles de création. Les grandes multinationales telles que Google, à 990 000 francs CFA. Elle offre la possibilité de mettre des vidéos, des Ericsson ou Samsung multiplient les compétitions d’innovations pour photos, de présenter l’activité de la société, d’envoyer un mail ou bien la stimuler davantage. Certaines applications sont même devenues des encore de géolocaliser l’adresse de cette dernière via Google Maps. La incontournables de la vie de tout Africain. plus grande prouesse de cette application est de rendre les lieux de pouvoir décisionnel plus proche du peuple… et des investisseurs étrangDémocratiser l’accès à l’information ers potentiels. Si vous souhaitez contacter le directeur de cabinet d’un « Qui peut se passer de son WhatsApp, Facebook, Skype, aujourd’hui ?», ministre ou sa secrétaire particulière, plus besoin de vous rendre en s’interroge Ayme Haddad, le créateur de Congo-Info, une application voiture sur place. En quelques clics, vous êtes connecté au bon numéro, qui permet d’accéder aux contacts de milliers d’entreprises et d’arti- avec la bonne personne. Un simple clic qui confirme, s’il en était besoin, sans au Congo-Brazzaville. Ayme Haddad n’est pas un nouvel arrivé sur un irrésistible… leapfrogging technologique !

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Pont du 15 aoรปt 1960

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Crédit photo : Rey Mangouta.

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CHRONIQUE

INVEStir Selon l’African Private Equity and Venture Capital Association (AVCA), le montant des investissements des fonds de Private Equity sur le continent africain a atteint 8,1 milliards de dollars en 2014, sur la période 2010 à 2015, on recense plus de 823 opérations d’investissements pour une valeur totale de 21,6 milliards de dollars. Par Regis Matondo, Associé, responsable du pôle Conseil stratégique et financier chez ARIES Investissements

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’Afrique est donc devenue la nouvelle frontière, une destination offrant aux investisseurs de nouvelles opportunités et de réels relais de croissance. Aujourd’hui, la croissance africaine est principalement portée par une démographie forte — la population est estimée à 1,5 milliard d’habitants d’ici à 2025 — et par l’émergence d’une classe moyenne dont il faut satisfaire les besoins en termes de consommation. Les PME africaines devront démontrer leur aptitude à répondre à un processus très exigeant et à cohabiter avec un capital-investisseur. En effet, le capital-investisseur a des exigences bien précises qui peuvent exclure un certain nombre d’entreprises. De plus, cohabiter avec un capital investisseur comporte des avantages et inconvénients qu’il convient de connaître avant de s’engager. Enfin, pour réussir une levée de fonds auprès de capital-investisseurs, il est important de se faire accompagner par des experts. Les PME, une cible idéale des capital-investisseurs Les petites et moyennes entreprises africaines recourent pour l’essentiel au crédit bancaire, difficile parfois à obtenir pour des projets de développement, mais surtout à des taux trop élevés. Les fonds de Private Equity profitent ainsi largement de l’accès réduit au financement bancaire des entreprises africaines pour se positionner comme solution de financement alternative et/ou complémentaire, mais surtout comme une source de capitaux propres. Les PME sont en effet au cœur du tissu économique local. Elles contribuent à le structurer et le renforcer à travers l’effet d’entraînement qu’elles ont sur leurs clients et fournisseurs locaux, favorisant la création de filières de production et de distribution entièrement intégrées au tissu local. L’analyse comparée des besoins en fonds propres des PME pour le financement de leur croissance, et de la capacité du capital-investissement à y répondre, fait ressortir une présence encore limitée des investisseurs. Le renforcement en fonds propres des entreprises est pourtant une des principales conditions pour la mise en place de concours bancaires. Elles constituent donc une cible idéale. Des projets à fort potentiel de développement Concrètement, une levée de fonds auprès d’un capital-investisseur peut se traduire par une prise de participation (acquisition de parts sociales ou d’actions) au capital de la société ou encore le recours à des instruments financiers hybride (dette et prise de participation). L’objectif pour eux est la réalisation de plus-values à court ou moyen terme. Par conséquent, la levée de fonds pour des PME concerne des projets à fort potentiel de développement à cinq-sept ans. Les projets doivent présenter de fortes perspectives de croissance du chiffre d’affaires et une bonne rentabilité, ainsi qu’un positionnement stratégique susceptible de permettre d’envisager une revente totale ou partielle de la société. Il ne s’agit pas uniquement d’une pure opération financière, mais aussi de la création d’un partenariat engageant avec les investisseurs (comme un mariage), qui prennent ces risques aux

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la levée de fonds auprès de capital-investisseurs en Afrique côtés des fondateurs sur un projet auquel ils croient. Le choix des partenaires financiers est donc un facteur de réussite. Pourquoi lever des fonds auprès d'un capital-investisseur Une levée de fonds représente un fort enjeu et doit se préparer à l’avance. La PME doit être bien armée pour l’affronter et s’y sentir prête. Elle devra notamment : > Avoir un maximum d’éléments crédibilisant le projet à montrer aux investisseurs. Elle doit avoir créé le plus de valeur possible et avoir réalisé au minimum la preuve de concept technico- économique. > Disposer d’éléments prouvant que le marché existe et que des clients sont prêts à acheter ses produits/services. Elle devra convaincre et prouver qu’elle a réussi à maîtriser les précédentes étapes de développement du projet, pour ensuite « faire rêver » sur les étapes suivantes... > Maîtriser sa stratégie et son positionnement, au point de maîtriser parfaitement son marché (pas seulement en termes de vision, mais aussi par une confrontation terrain auprès des prospects et clients). > Avoir bien conscience des conséquences d’une levée de fonds (avantages, inconvénients, risques), et s’y préparer. > Avoir identifié et sécurisé un plan B, pour le cas où la levée de fonds tarderait ou si elle ne parvenait pas à lever de fonds. L’entrée d’investisseurs au capital permet un effet de levier pour accéder à d’autres financements, comme le financement bancaire ou des aides publiques (souvent liées à un niveau de fonds propres : subventions, avances remboursables...). En outre, elle constitue un apport de valeur supplémentaire par les nouveaux actionnaires pour booster la capacité de l’entreprise : apport d’expertise (technique, stratégique), d’expérience, de réseau et carnet d’adresses. La levée de fonds est donc pertinente à condition que l’entrepreneur y soit bien accompagné par un conseil spécialisé et ait bien conscience des avantages et des inconvénients (perte de contrôle de partielle de l’entreprise) qu’elle représente. Il faut notamment être vigilant à l’adéquation entre les contraintes et les intérêts de l’entreprise et ceux de l’investisseur.


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ENTREPRENDRE

Crédit photo : Rey Mangouta.

Alida Makela Moungounga L’amour est aussi un business. Alida Makela Moungounga l’a bien compris. La cheffe d’entreprise dirige une société d’événementiel qui organise, entre autres, des mariages « clef en main » pour soulager les futurs époux dans l’organisation de ce jour pas comme les autres.Par Flore Onissah. 62

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Maîtresse de cérémonie

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’ai eu le mariage de mes rêves en Afrique du Sud, avec des fleurs L’entrée de gamme pour un mariage organisé par poupée africaine est magnifiques, une limousine pour les demoiselles d’honneur, une de 500 000 francs CFA, mais certains couples peuvent dépenser plus de chapelle dans un style rustique, tout était parfait ; c’était au-delà de 10 millions de francs CFA pour ce jour particulier de leur vie. L’offre est mes espérances », nous explique Alida, souriante et sobrement habillée établie à la carte et selon les besoins du client. Depuis le lancement de d’une élégante combinaison noire. La directrice de Poupée africaine, l’activité de Poupée africaine, en 2011, la société a organisé une cenune société d’événementiel qui organise, entre autres, des mariages taine de mariages et a développé ses services : mariage officiel, mariage « clef en main », nous reçoit dans un petit salon en plein air, composé traditionnel, noces, baptême, baby-shower, etc. Des thèmes variés sont de deux fauteuils blanc et or. Face à nous, un écran diffuse en bou- proposés aux clients : anniversaire « James Bond », gala « white party », cle des photos de mariage sur un air de Koffi mariage « les Oscars ». Poupée africaine se charge Olomidé. « Mais la grande tendance en ce moégalement d’organiser des événements pour les « J'ai eu le mariage ment pour les mariages organisés à Pointe-Noire, sociétés et compte dans son portefeuille client de mes rêves, [...] c’est la musique nigériane », souligne la cheffe des grands noms de la place tels que BGFI Bank, d’entreprise. « J’aide mes clients à choisir la playWeatherford Congo ou encore GRHIF Consulting. tout était parfait. » list de leur rêve. » Une playlist qui, le moment jour de notre interview, dans le jardin, une taAlida Makela Moungounga Le venu, ponctue les cinq grandes étapes de la céréble est dressée et présente le futur événement monie de mariage : l’entrée des mariés, l’ouverorganisé par Poupée africaine pour une grande ture du bal, la coupure du gâteau, la remise des cadeaux et le départ du société de la place. Nappes bleues, perles, coquillages…la mise en place nouveau couple. sera photographiée puis envoyée au client pour validation. À la carte Tandis qu’Alida reçoit une cliente, son époux nous fait visiter le jardin de leur maison, qui est également le lieu où le couple présente les différentes activités de Poupée africaine. « Ici, chaque détail compte. Je suis quelqu’un de maniaque », souligne le mari et directeur technique de la société. Le jardin de Poupée africaine donne l’aperçu d’une famille modèle, photo géante à l’appui, sur laquelle on distingue le sourire radieux de Madame, Monsieur et de leurs quatre enfants. Des épines du Christ ont été plantées à l’entrée de la maison pour chasser les mauvais esprits. Des bambous nains veillent à renouveler l’air tandis que la citronnelle chasse les moustiques. Un palmier céleri s’appuie sur l’un des murs de la maison. « Vous ne pouvez pas aller chez une personne qui a les moyens et ne pas trouver un palmier céleri, nous précise le directeur technique, ça se retrouve dans toutes les banques et ça symbolise l’argent et la fortune. »

Satisfaire les clients les plus exigeants « Vous rêvez… et nous réalisons », peut-on lire sur la brochure de présentation de poupée africaine. Mais tous les désirs sont-ils réalisables ? Alida esquisse un sourire et se remémore une demande à laquelle elle n’a pu accéder. « Un client m’a un jour reproché de ne pas avoir organisé son enterrement de vie de jeune garçon. Le problème à Pointe-Noire, c’est que je ne peux assurer que les filles respecteront le contrat, comme ça se fait ailleurs, en Europe par exemple, où des entreprises sont spécialisées dans ce type de service. Ici, rien ne garantit que les filles ne vont pas chercher à aller plus loin que la simple animation de soirée… » Toutefois, en dehors du respect des bonnes mœurs, aucun défi ne semble effrayer la cheffe d’entreprise. Un exemple ? Prochain défi d’Alida : réaliser un tapis avec 600 sachets de pétales de roses comme tapis d’entrée des jeunes mariés. De quoi voir la vie en rose.

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CHRONIQUE

nos quartiers

Brazzamag inaugure une Crédit photos: Reynouvelle Mangouta. rubrique présentant les quartiers des villes congolaises. Belle promenade à tous!

Crédit photos : Rey Mangouta.

Poto-poto, un quartier capital

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isite de l’animé arrondissement numéro 3 de Brazzaville, carrefour des cultures au cœur de Brazzaville. Par Julie Crenn.

Limites géographiques

Lorsque l’on évoque Poto-Poto, c’est bien souvent l’image du marché bruyant et coloré qui vient en tête. Pourtant, Poto-Poto est aussi et surtout l’arrondissement numéro 3 de la capitale congolaise, comprenant une partie du centre-ville. Bordé à l’ouest par Moungali et à l’est par Ouenzé (au-delà du Madoukou), Poto-Poto s’étend de l’avenue Lénine jusqu’au fleuve Congo. Sa colonne vertébrale est sans conteste l’avenue de la Paix, véritable artère commerçante.

Un siècle d’histoire

La commune de Poto-Poto fut créée en 1911, mais le quartier a vu le

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jour une dizaine d’années auparavant. À l’époque, Poto-Poto était formé de petits villages regroupés autour de la grande mosquée, construite en 1911. Brazzaville étant la capitale de l’Afrique équatoriale française, beaucoup de ressortissants des autres colonies d’Afrique francophone venaient s’installer dans le quartier, en périphérie du Brazzaville colonial.

PopulatION ET SUPERFICIE

101 000 habitants (chiffres officiels de la mairie datant d’il y a plus de dix ans) pour 900 hectares.

L’origine de Poto-poto

« Poto-poto » signifie la boue en lingala, le quartier s’appelait ainsi car il formait une ceinture maraîchère, installée sur une zone marécageuse, autour de Brazzaville.


CHRONIQUE

Pour la petite histoire

Le découpage administratif ayant changé au fil des ans, la fameuse école de peinture qui porte le nom du quartier se situe en réalité dans l’arrondissement de Moungali. L’ancien marché Moungali quant à lui est désormais à Poto-Poto. Allez comprendre…

les bâtiments remarquables

Poto-Poto regorge de bâtiments historiques. Bien entendu la grande mosquée, mais aussi la basilique Sainte-Anne, inaugurée en 1949. L’architecte Roger Erell se serait inspiré des cases-obus du Tchad pour bâtir sa structure ovoïde et allongée. Avec ces 200 000 tuiles vertes, la basilique est facilement reconnaissable. En face de l’édifice religieux se trouve un autre monument construit en 1943 : la maison commune de Poto-Poto, sur le perron de laquelle le maire de l’époque, l’abbé Fulbert Youlou, président de la République du Congo de 1959 à 1963, a remis les clés de la ville au général de Gaulle en 1958. La maison commune abrite actuellement les bureaux de la mairie d’arrondissement.

les communautés

Congolais, Maliens, Sénégalais, Béninois, Togolais, Centrafricains, Nigérians, Ghanéens, Tchadiens, Congolais de RDC, toute l’Afrique se retrouve à Poto-Poto ! N’oublions pas les communautés chinoises, libanaises et européennes que l’on retrouve dans certains quartiers de l’arrondissement. Les noms des rues évoquent d’ailleurs l’installation de ces différentes communautés : ici la rue Dahomey (ex-Bénin), là la rue Yaoundé (Camerounais) ou encore la rue Mongo (d’une ethnie de RDC)…

des mosquées...

Six mosquées culminent à Poto-Poto.

...et des églises

En plus de la grande église protestante et de la basilique Sainte-Anne, de très nombreuses églises du réveil se sont installées dans le quartier.

où manger ?

Les avis sont unanimes : La Sénégalaise (27 rue Makoua, au niveau de l’avenue des Beaux Parents / 05 556 04 15) et La Désirade (dans la rue de la grande mosquée) sont les deux restaurants où manger les meilleurs plats sénégalais du quartier. Yassa, Thiep et mafé pour tous ! Attention aux contrefaçons, d’autres restaurants ont pris les mêmes noms.

où faire la fête ?

Chez Faignond sans conteste. Franco, le Grand Kallé ou les Bantous de la capitale… l’établissement mythique a accueilli tous les grands groupes des années 60. Aujourd’hui, Chez Faignond n’est plus tout à fait le même qu’en 1948, année de son ouverture, mais on y joue toujours de la musique, notamment l’orchestre Bana Poto-Poto (« les enfants de Poto-Poto ») qui s’y produit souvent les samedi soirs. Le bar-dancing est désormais constitué de deux espaces : le bar Faignond et l’Espace Faignond, la boîte de nuit.

Une personnalité du quartier

Ahmed Yala est né, a grandi et réside encore à Poto-Poto. L’éloquent président de l’Union des associations de la Sape du Congo (UASC) est bien un enfant du quartier où l’on peut avoir la chance de le croiser… Sapé comme toujours !

Au moins une raison d’y aller

Le brassage et le cosmopolitisme du quartier en font la raison principale d’une balade. Les férus d’histoire y trouveront leur compte via la visite des monuments, les fashionistas pourront y faire de nombreux achats et les gastronomes sillonner les boutiques de légumes du marché, les restaurants et les bars. Toutes les langues et les couleurs d’Afrique seront au rendez-vous.

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CHRONIQUE

Crédit photos : Rey Mangouta

tié-tié, le quartier des marchés

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mblématique arrondissement de la capitale océane, Tié-Tié a gardé son dynamisme d’antan. De sa gare à son marché bondé, bruyant et éclatant, le quartier conté par Alain Mabanckou recelle bien des surprises à ceux qui prendront le temps de s'y perdre. Par Brenda Guarneros.

Limites géographiques

Tié-Tié constitue l’arrondissement numéro 3 de la ville de Pointe-Noire. Il englobe les quartiers suivants : Mboukou, Mbota, Mvoungou, Loussala, Bissongo, Tchibati, Tchiniambi, OCH, Fouks, Makayamakaya, SaintFrançois, Ndaka Sousou, Duo, Marché Liberté, Quartier Culôtte. Bordé à l’ouest par l’arrondissement 1, Lumumba, il rejoint l’arrondissement 6, Ngoyo, au sud. Très étendu, Tié-Tié est composé de trois zones différentes : urbaine, semi-urbaine et rurale, constituée de plantations d’eucalyptus.

Un siècle d’histoire

Tié-Tié existe depuis très longtemps en tant que zone rurale, et était composé de deux villages, Tchibota et Unkaji Mfinda. De nos jours, Tié-Tié est connu pour être le quartier où logeaient « les cheminots » qui construisaient la gare du chemin de fer. Le quartier est administrativement créé en 1959. Pendant la période coloniale, Pointe-

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Noire était divisée en deux, avec d’un côté la « cité européenne » et de l’autre la « cité indigène » dont la frontière était le rond-point Lumumba (ex-place de Brazza). Les deux quartiers étaient séparés par un pont qui n’existe plus de nos jours. Les nouveaux quartiers comme Tié-Tié ont vu le jour au fil des années 50 avec l’expansion urbaine.

PopulatION ET SUPERFICIE

Tié-Tié aujourd’hui n’est plus un petit village. Constitué de 17 quartiers, il s’étale sur 5 124 hectares avec une population de 231 005 habitants.

L’origine de Tié-tié

Dans la rue, les gens racontent de nombreuses histoires concernant l’origine du nom de l'arrondissement numéro 3, mais la version la plus commune est que Tié-Tié signifie « clairvoyance » en langue vili.

Pour la petite histoire

Même si Tié-Tié s’est étendu, il est facile de se faire indiquer où se trouvaient les anciens villages d’origine : Tchibota se situait autour de l’actuelle pharmacie Gemiland et Unkaji Mfinda là où se trouve l’église du prophète Lassy Zéphirin.


CHRONIQUE CHRONIQUE Crédit photos: Rey Mangouta.

les bâtiments remarquables

Difficile de ne pas parler de la gare de Fond Tié-Tié. Une des plus belles gares de l’époque. Cette gare du Chemin de fer Congo Océan a été la première à lier la gare centrale de la cité européenne de Pointe-Noire à la cité indigène. L’église du prophète Lassy Zéphyrin, créée en 1948, est également très particulière et unique dans son style. Des animaux constituent en effet les éléments décoratifs de la façade, avec des lions à l’entrée. Elle se trouve à proximité de l’église catholique Saint-François. Le tout entouré de ces premiers logements sociaux avec de jolis plafonds classiques coloniaux.

les communautés

Les autorités administratives tiennent compte de la présence de trois communautés étrangères principalement : ressortissants de l’Afrique de l’Ouest (Sénégalais, Camerounais, Maliens, etc.), Angolais et Congolais de la RDC.

où manger ?

Tié-Tié a toujours été un quartier populaire, alors ici, vous mangez dans les « restaurants de fortune » (alimentation de la rue). Vous en trouverez facilement à chaque coin de rue.

où faire la fête ?

Tié-Tié a connu une belle époque de vie nocturne avec des bars célèbres dont seulement un reste ouvert, le fameux bar Joli Soir. Dans le passé, au rythme de Franco Luambo Makaidi et Youlou Mabiala entre autres, accompagnés des ambianceurs, ce bar a marqué toute une génération. Même s’il n’a plus aujourd’hui la même grandeur, il est toujours possible de s’y rendre pour danser et boire un verre.

Une personnalité du quartier

Alain Mabanckou est sans conteste l’habitant de Tié-Tié le plus connu. Ecrivain renommé, il réside actuellement aux Etats-Unis, où il enseigne à l’université du Michigan. Fils de Tié-Tié, il a dédié à son quartier d’enfance son ouvrage Demain j’aurai 20 ans, paru en 2012.

Au moins une raison d’y aller

Pour faire des achats bien entendu ! Tié-Tié est et sera toujours un quartier commerçant, spécialement grâce à la dynamique créée autour du chemin de fer, car c’est ici que les produits du Mayombe descendent des wagons. Donc autant au Fond Tié-Tié, tout au long des voies de train, qu’à Tié-Tié Saint-François, vous retrouverez ses grands marchés et vous vous laisserez surprendre par l’authenticité gardée au fil des années. Vêtements, nourriture, objets divers et variés, ici vous dénicherez tout ce que vous cherchez. N'hésitez pas à vous y perdre pour y trouver votre bonheur.

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CULTURE & SOCIÉTÉ

PROSTITUTION : « RÉPONDRE À L’URGENCE » Crédit photo : Rey Mangouta.

Implantée au Congo depuis 2006, Actions de solidarité internationale (ASI) vient en aide aux mineures en situation de prostitution. L’association française réalise un travail de longue haleine pour sortir ces filles de la rue. Par Julie Crenn.

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’aime tout : la meule pour couper les tôles, manier le poste à soud- tion, dont 75% sont déjà mères, aidées par le centre d’ASI depuis 2012 er... » Sarah (les prénoms ont été modifiés) se tient au milieu de à Pointe-Noire. Caché dans une ruelle du quartier Tié-Tié, l’endroit est l’atelier de soudure qu’elle partage avec trois filles à Matendé. toujours très vivant. Chaque jour, du lundi au vendredi, 20 à 35 filles « Moi, je voulais faire ça depuis petite mais, quand j’ai mis au monde et leurs enfants s’y retrouvent. Elles peuvent se reposer, confier leur mon enfant, je pensais que ce ne serait jamais possible », raconte la enfant à la crèche, rencontrer une infirmière, faire leur lessive, se laver, jeune femme de 22 ans. Quatre soudeuses installées en coopérative, avoir un repas chaud le midi, se détendre et assister à des cours d’alphacela a de quoi surprendre. « Les gens croient que nous, les femmes, bétisation ou à des séances de sensibilisation. on ne sait pas faire de la soudure, mais on le Au total, entre le centre de Brazzafait aussi bien que les autres ! », se justifie « Répondre à l’accès à la santé et ville et celui de Pointe-Noire, cinquante Gloria. personnes travaillent pour venir en aide à Toutes ont en effet suivi une formation de offrir la possibilité de quitter le milieu ces mineures vulnérables, âgées de 14 à dix-huit mois avant d’enchaîner sur des 18 ans. « Ici, elles se sentent accueillies, de la prostitution. » stages chez Bolloré ou Rougier à Mokabi. aimées. Certaines ne veulent Pauline Ducos, coordinatrice d’ASI écoutées, Lancé en février 2016, leur business a un plus partir le soir venu et trouvent plein de peu de mal à décoller mais « elles devraient techniques pour traîner », raconte Japhet avoir bientôt une grosse commande de Boscongo », souligne Guy Obel Lesage, responsable accueil au centre de Brazzaville. « Les jeunes filles Ahoue, en charge de la formation et de l’insertion professionnelle chez passent par une phase d’accueil où elles commencent à fréquenter le Actions solidarité internationale (ASI). « Une fois que tout le monde les centre de façon plus ou moins régulière, avant de passer en phase de verra travailler, il faut espérer que les autres contrats suivront. » stabilisation », explique Cyr Dibala, coordinateur du centre de PointeNoire. « Cela veut dire qu’elles signent une charte de responsabilité « Projet de vie » dans laquelle elles s’engagent à venir aux cours d’alphabétisation, aux Toutes les quatre font partie des 250 mineures en situation de prostitu- ateliers de santé et à se préparer à la formation professionnelle. Chaque

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fille a un adulte référent avec lequel elle travaille sur son projet de vie. Si besoin, ASI peut mettre en place une médiation familiale », ajoute-t-il. Car bien souvent, ce sont des situations familiales difficiles qui poussent ces mineures à la rue. « Le choix de ceux qui n’en ont pas » « La prostitution, c’est le choix de ceux qui n’en ont pas », rappelle Gabriel Mpemba, psychologue au centre, pointant du doigt la pauvreté et signalant le nombre important d’orphelines et de filles issues de familles recomposées. « J’ai tellement de respect pour ces femmes. Elles sourient, rigolent quand elles sont au centre alors que ce qu’elles vivent en dehors de ces murs est tellement difficile », souligne Japhet Lesage. Lancé en 2006, le centre a vu passer plus de 500 jeunes femmes et accueille jusqu’à 40 filles chaque jour. Cette population fragile trouve au centre un refuge, même si la confiance et le lien peuvent parfois être longs à établir. « Au début, j’ai eu peur, j’ai failli ne plus revenir, mais on m’a dit qu’ASI, c’était une association bien, et qu’ils n’allaient pas me faire de mal… », confie Solange. Une mise en confiance qui débute dès la première rencontre, lors des maraudes, ces « tournées » sur les lieux de prostitutions où les membres d’ASI partent à la rencontre des filles. Questions de santé Ce mardi soir, Vivienne Dzobo, la responsable de l’équipe mobile, et Suzy Makaya, l’infirmière, préparent leurs sacs à dos : médicaments, trousse de premiers secours, préservatifs, classeur blanc de prévention avec images et explications des différentes infections et maladies sexuellement transmissibles... « Notre objectif, c’est d’aller vers les filles pour donner des soins, les écouter et aussi les sensibiliser aux questions de santé », explique Vivienne. « Notre première maraude, c’était horrible, on avait envie de les prendre toutes et de les amener au centre avec nous », se souvient-elle. Quatre ans plus tard, les prostituées connaissent bien l’équipe d’ASI et entourent Vivienne et Suzy dès qu’elles arrivent en leur posant directement des questions de santé. Distribution de préservatifs, conseils, les filles se livrent très facilement et apprécient ces échanges. « Nous ne visons pas à 100 % la réinsertion », rappelle Pauline Ducos, coordinatrice d’ASI Congo. « Il s’agit de répondre à l’urgence qu’est l’accès à la santé. Puis de leur offrir la possibilité de quitter le milieu de la prostitution. »

Crédit photo : Rey Mangouta.

Actions de solidarité internationale au Congo c’est aussi : > Un programme de soutien aux enfants de la rue qui assure la prise en charge globale, sanitaire, nutritive et scolaire de 34 enfants à Brazzaville, dont 11 réfugiés. > Un programme de sensibilisation santé avec la Croix Rouge à destination des travailleurs du sexe de tous âges. > Un projet contre les violences faites aux femmes avec un travail de sensibilisation et de protection. Deux guichets uniques ont été créés à PointeNoire et à Brazzaville, où les femmes victimes de violence peuvent être prises en charge médicalement, orientées vers un psychologue et bénéficier de l’accompagnement d’un policier pour aller déposer plainte au commissariat et d’un juriste ou d’un avocat pour le suivi judiciaire. Chaque programme bénéficie de différents partenaires et soutiens financiers, de l’Union européenne à l’Agence française de développement en passant par le ministère des Affaires sociales du Congo, Total, Daran, Bolloré, l’Unicef, le PAM, Boscongo, le Rotary club, etc.

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Crédit photo : Rey Mangouta.

LE CINÉMA CONGOLAIS CHERCHE LA LUMIÈRE Depuis trop longtemps l’accès au septième art était impossible, faute de salle obscure au Congo. En 2015, une salle de cinéma a vu le jour à Brazzaville et, en 2016, un grand écran se dévoilait au public à Pointe-Noire. Deux initiatives qui font le pari de redonner aux Congolais le goût du cinéma. Par Julie Crenn.

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a salle, cachée au rez-de-chaussée de l’hôtel de préfecture de Braz- d’une salle annexe pour des conférences, mariage, et autres activités. zaville, est équipée de la « Rolls Royce du cinéma » : un projecteur 4K, un écran de 7 mètres sur 4 et un son Dolby digital 7.1. Un « risque financier » Les deux entrepreneurs à l’origine du lancement de la « MTN Movie Car, se lancer dans le cinéma, « c’est un risque financier », confirment House », Gilles Massemba et Rodrigue Oniangue, ne cachent pas leur Rodrigue et Gilles, tout en soulignant l’investissement nécessaire à fierté. « Nous sommes ouverts tous les jours de la semaine et projetons l’équipement, la formation de deux projectionnistes, les droits de diffules nouveautés du box-office chaque vendredi. » Malgré le prix des tick- sion des films, le loyer de la salle, etc. Pour leur projet, les dynamiques ets - 5 000 francs CFA la place pour les adultes et 2 500 francs CFA pour entrepreneurs ont été aidés par plusieurs partenaires, au premier rang les enfants -, la salle trouve son public, petit à petit, puisque les deux in- desquels MTN, dont la salle porte le nom. « Le cinéma au Congo, ce vestisseurs annoncent « un taux de remplissage n’est pas facile », glisse Nady Issay. Aucune des de 50 % depuis août 2016 ». deux salles n’a bénéficié du soutien financier du « Le cinéma permet de « Il nous faudrait au moins 75 pers’évader, donne du courage gouvernement. Diversification événementielle sonnes par séance pour ça vaille le coup », ajouteet de l’espoir. » À Pointe-Noire, le Complexe Royal a pour sa part t-elle. Le Royal cinéma prévoit donc de vendre en ouvert ses portes en mars 2016. Situé dans le avance les places des prochaines projections. Nady Issay, gérante du quartier Mpita, la tout aussi moderne salle de complexe Royal à Pointe-Noire « Des étoiles dans les yeux » cinéma de 150 places ne fait pas le plein. Face au manque de public, la programmation a dé« On pense qu’il y a un public pour le cinéma ici, cliné petit à petit. « Nous avons commencé par projeter des films les et que ça va prendre avec le temps. Il faut tenir le coup », tempère, vendredi, samedi et dimanche puis seulement le samedi et dimanche, confiant, Gilles Massemba. « Chaque grand film, comme le dernier Star et finalement uniquement le samedi. Avec un ticket à 2 500 francs CFA Wars, nous amène un public toujours plus nombreux », ajoute Rodrigue pour les adultes et 2 000 francs pour les enfants, on a continué, essayé Oniangue, rappelant qu’« il ne faut pas oublier qu’il y a une génération pendant six mois… Mais avec nos charges, on ne pouvait pas tenir », qui n’a pas connu le cinéma en salle ». Du côté de Pointe-Noire, même explique la gérante, Nady Issay, sans fournir plus de chiffres sur les in- si la salle du Royal est plutôt dormante, « on ne va pas fermer », martèle vestissements réalisés. Nady Issay. « Quand je vois des enfants de 16 ans qui n’ont jamais été au Pour l’année 2016, la salle n’aurait pas servi à plus de 100 projections… cinéma sortir de la salle avec des étoiles dans les yeux, on ne peut pas Depuis, le Complexe Royal se réoriente vers des séances « événementi- s’arrêter. On veut vendre du rêve aux Congolais ! Le cinéma permet de elles », démarchant les entreprises et proposant également la location s’évader et, surtout, ça donne du courage et de l’espoir. »

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CHRONIQUE VivreAuCongo est un site communautaire d’entraide proposant une information utile et variée qui facilite le quotidien au Congo et promeut la culture locale. Retrouvez VAC sur www.vivreaucongo.com, www.facebook.com/VivreAuCongo, ainsi que dans les prochains numéros de Brazzamag. Pour les contacter : info@vivreaucongo.com

CHACUN CHERCHE SA TRESSE

VivreAuCongo a décidé de pousser la porte d’un des nombreux salons de coiffure de la ville de Pointe-Noire pour connaître les secrets de cette tendance à la fois si courante et seyante aux femmes congolaises.

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a tresse africaine, comme son nom l'indique, était à l'origine destinée aux cheveux crépus des femmes africaines qui y voyaient le meilleur moyen de dompter des chevelures indociles. Mais ces tresses sont si belles qu'elles ont rapidement été déclinées sur toutes les têtes et tous les types de chevelures. Elle est aujourd’hui la coiffure de prédilection des icônes R’n’B afro-américaines, comme Alicia Keys ou Beyonce, qui les ont remises au goût du jour. Mais les tresses étaient déjà l’apanage des fashion-victims dans les années 90, où l'on se tressait entièrement la tête pour être à la pointe de la mode. Coiffure sophistiquée que nos amies congolaises portent de manière quasi quotidienne et que les mundélés adoptent surtout par effet de mode, comme un accessoire qui peut fonctionner de jour comme de nuit, à la plage comme sur les tapis rouges. Les tresses africaines ne sont pas très faciles à réaliser, mais elles ont l'avantage d'aller à tout le monde et de mettre le visage en valeur.

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Maîtresse de la tresse C’est par téléphone que nous avons convenu d’un rendez-vous chez Chantal Coiffure, dans le quartier de la base. Car chez Chantal, on ne peut y aller au petit bonheur la chance. Si la ville de Pointe-Noire compte de nombreux salons de coiffure, celui de Chantal est de ceux qui ont tiré leur épingle du jeu grâce à la dextérité de sa propriétaire, maîtresse de la tresse africaine ! Le salon est étroit, aménagé dans un container peint en rose et bleu, avec affiches au mur et banderoles nous souhaitant la bonne année. Un panneau peint à la main assure la publicité de ce salon de coiffure réputé dans le quartier, et au-delà. Chantal nous accueille de son regard amusé, sourire aux lèvres, tout en préparant le matériel, et revient après quelque temps avec un ventilateur, petit égard envers nous qui supportons mal la chaleur de cette journée d’été. Attirées par la présence quelque peu inhabituelle de mundelés, deux petites voisines, Gloria et Esther, ont pris l’initiative de venir prêter main-forte à Chantal. Aujourd’hui, l’équipe de VivreAuCongo s’offre un relooking version congolais ! Les affiches font office de catalogues et présentent les différents types de coiffures et de tresses. La gamme des possibles est très, très large ! « Il faut d’abord choisir le type de tresses : faut-il les coller au crâne ou non ? Voulez-vous des tresses épaisses ou plutôt fines ? Et pour la longueur, on les arrête dans le cou ou on rallonge aux épaules, dans le milieu du dos ? » Modèles à l’appui, nous avons le droit à une explication en détail. Pas de chignon aujourd’hui, qui est plutôt adopté pour les occasions spéciales tels que les mariages, ni de tissage – comprenez perruque cousue sur la chevelure. « Pour les femmes, on fait beaucoup de tresses arabes, des tresses en écailles ou alors des tresses deux mains, qui nécessitent d'ailleurs parfois plus que deux mains pour être réalisées ! » Les tresses deux mains sont les tresses traditionnelles du Congo, « celles que nos grands-mères portaient déjà, toutes les autres sont venues après. Ce sont pourtant les plus difficiles et les plus longues à réaliser », nous confie Chantal. Mille façons Une fois le choix arrêté, Chantal s’absente un long moment pour chercher les rajouts forcément nécessaires à la réalisation de tresses sur cheveux courts. Rajouts noirs, bruns, blonds, rouges, bleus, tout est possible, et il y en a pour tous les goûts ! En compagnie de son élève en formation, Florene, Chantal ouvre les paquets de cheveux et les sépare en petits paquets pour mieux les travailler. Les mains agiles séparent, lissent et brossent, nouent et finalement s’attaquent à la tâche : tresser des mundelés quelque peu sensibles du cuir chevelu ! Il va donc falloir faire tenir les tresses sans tirer trop nos chevelures peu habituées à être triturées.


CHRONIQUE

VIVRE AU CONGO Crédit photos : VAC.

Mais cela n'effraie nullement notre experte. Coiffer les cheveux des « La couronne » mundelés ? Oui, Chantal l’a déjà fait, surtout à Brazzaville, « mais ils glis- À chaque moment de la vie correspond un style de tresses. « Certaines sent ! » Tout à son ouvrage, Chantal nous parle de son parcours profes- coiffures sont faites juste pour être pratiques, d’autres pour être à l’aise sionnel. « J’ai été formée à Brazzaville pendant trois ans. Je ne savais rien au bureau tout en étant élégantes. Je pose parfois des mèches colorées, faire et j’ai dû apprendre le b.a.-ba : faire les shampooings, puis nouer les rouges, bleues, mais c’est surtout le choix des jeunes filles qui veulent cheveux au fil, commencer le tissage, et enfin le tressage. Au départ, attirer l’attention, on dit que celles-ci cherchent à se marier. Ce type de c’est très fatigant; car on travaille debout et le tressage demande coiffure, c’est une sorte de code. Et quand les femmes mettent juste un beaucoup de force et d’agilité dans les doigts. Mais on s’habitue pe- pagne sur la tête ou un peigne planté dans les cheveux, j’ai le sentiment tit à petit, et nos tresses deviennent plus régulières, plus jolies à por- qu’elles viendront se faire coiffer chez moi ! C’est rare qu’une femme ter. Comme le tressage demande du temps, on a le temps de parl- laisse juste ses cheveux crépus, si elle manque de temps ou d’argent, on er et souvent le résultat final est loin de ce qui avait été décidé au attache juste un fil. On dit alors qu’une femme fait la couronne. » Il faut départ ! », rit Chantal. « Je dois être capable de dire ce qui leur va. » en général compter 50 000 francs CFA pour une coiffure de mariage, Aujourd’hui, Chantal peut réaliser jusqu’à 10 tissages par jour, 5 à 30 000 pour un deuil, et entre 10 000 et 40 000 CFA pour des tresses, 6 tresses, ou une quinzaine de chignons, ce qui selon leur longueur, leur nombre, et la qualité des représente de longues journées de travail du « Certaines coiffures sont rajouts. « Certaines femmes optent pour des vrais mardi au dimanche toute l’année. cheveux, mais vraiment pour des occasions spéfaites juste pour être ciales, car c’est très beau, c’est doux, ça ne tire pratiques tout en Nouveau look pour la rentrée pas, mais ça coûte un peu cher. Le plus souvent étant élégantes. » N’y a-t-il que des femmes qui portent les on utilise les rajouts Xpression, Diva, Naomi, ou tresses ? « Non, il y a aussi quelques hommes qui juste du fil noir pour avoir les cheveux en ngeli Chantal, coiffeuse copient des stars américaines et aussi africaines. ngeli. » Les stars aiment beaucoup se faire tresser, ça leur permet de changer d’allure souvent, les femmes apprécient les hommes bien mis. Ça don- Jusqu’à deux journées de travail ne alors des idées aux hommes ici à la Cité, même si peu viennent se Il faut aussi disposer d’un peu de temps, car même s’il est possible de faire coiffer. Ma clientèle est surtout féminine de ce fait, car dans mon changer de tête en une heure, certaines coiffures demandent une à salon je ne coupe pas les cheveux, je les arrange seulement ! » deux journées de travail complètes ! Et beaucoup de patience… « Une Les enfants représentent aussi une grande partie de sa clientèle. Le fois le tressage fini, si le travail a été bien fait, on peut garder les tressmois de septembre leur est en partie consacré, car eux aussi aiment se es un mois, et même jusqu’à trois mois pour un tissage. Mais souvent mettre sur leur trente-et-un pour la rentrée de classes. Chantal les pare les femmes ont envie d’une nouvelle coiffure avant… Certaines aiment de tresses arabes, de perles – les ndzeke – ou de chouchous pour leur changer toutes les semaines ! C’est pourquoi le dimanche, après la plus grand plaisir ! « Les enfants ont des idées bien arrêtées sur ce qu’ils messe, je suis toujours très occupée. Il faut tresser les femmes qui se aiment en matière de coiffure, et ils ont souvent gain de cause, même préparent pour la semaine, et les enfants pour l’école le lundi. » si leur maman avait une idée bien différente ! » sourit Chantal. « Les Une heure – seulement – plus tard, nous avons changé de look. filles sont coquettes et raffolent des boucles à l’anglaise ou de cheveux « Poutoulou ! » entend-on dire autour de nous (ce changement de look gaufrés pour les anniversaires, le fer à friser est un équipement indis- vous va bien, en substance). Preuve est faite que oui, les tresses africpensable pour coiffer les demoiselles. » aines vont à tout le monde.

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CULTURE & SOCIÉTÉ

Crédit photo : Rey Mangouta.

SOLIDARITÉ : « LA TERRE C’EST LA BASE » Thiano Kinkondi, reggaeman ponténégrin, a lancé sa fondation caritative et souhaite financer des projets sociaux et culturels grâce à l’agriculture. Soutenu par son père et des amis qui croient en son projet, ce touche-à-tout entend bien développer son initiative. Par Julie Crenn.

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uand j’ai vu ce qu’il faisait, ces dons aux enfants démunis, naliers : « Ce n’est qu’un début, je ne passe que deux jours par semaine je me suis dit qu’il fallait que je l’aide », se souvient en souriant sur la plantation, mais on veut faire plus ! », explique le petit homme Maurice Kinkondi. Depuis 2012 en effet, Thiano Kinkondi multi- sec avec enthousiasme. plie les récoltes de fonds à destination d’associations caritatives com- Depuis le début de l’année, les premières récoltes ont donné 550 kilos me le Samu social ou Actions solidarité internationale. Concert de reg- de choux, 900 kilos de poivrons, et le gombo va bientôt sortir de terre. gae après concert, le grand rastaman engrange les dons, quitte à se Les légumes sont écoulés à Pointe-Noire. « On a vendu aux mamans sur mettre en retrait. À l’image de ce samedi soir de décembre 2016, où il les marchés, mais plus on a de stock, moins ce système nous arrange. partage la scène du bar l’Opéra avec le groupe de danseurs Autorité Il faut qu’on trouve des grossistes », tient à rappeler Mattéo De Musso, Style du quartier Mpaka, une chanteuse locale patron du restaurant Pinocchio de Pointe-Noire et un troisième groupe. « Il y a trop de créativi- « On ne veut pas se limiter qui a rejoint l’initiative familiale en ce début 2017. té dans les quartiers, il faut la montrer », glisse au social, les projets agro- Car 10 hectares supplémentaires de terrain à culdoucement celui qui n’aura chanté que vingt tiver sont venus s’ajouter au projet, à Bilinga, du pastoraux représentent minutes sur plus de trois heures de show. côté de Mvouti. Des terres destinées à produire « Il ne réalise pas la grandeur de son geste, des fruits. l’avenir. » s’exclame son père. Depuis son bas âge, il a Thiano Kinkondi toujours aidé les autres, il invitait tous les « Besoin de soutiens » enfants du quartier à venir manger à la maison. » C’est ainsi qu’en 2014, En 2017, la fondation Makeda veut continuer à produire des artistes il aide son fiston à créer sa fondation, qui portera le nom de Makeda, la locaux en finançant l’enregistrement en studio et en assurant une mise reine de Saba, égérie du mouvement rasta. en contact avec des labels, organiser des concerts de levées de fonds pour certaines associations, réaliser un film sur les droits des enfants et Initiative familiale proposer, comme depuis quatre ans, le festival reggae Kongo Dia Ntoti« On ne veut pas se limiter au social, les projets agropastoraux représen- la, qui aura lieu du 9 au 13 mai prochain à Pointe-Noire. « Nous avons tent l’avenir. La terre, c’est la base », insiste Thiano. Aidé de son père, les terrains, les idées et la volonté… mais nous avons besoin de soutagent des douanes et pasteur à Nkayi, il investit dans 10 hectares de iens financiers », rappelle Maurice Kinkondi. « Pour le moment nous terres dans les environs de la capitale de la Bouenza. Fin 2016, trois manquons de fonds et dépensons beaucoup d’énergie à toquer à toutes hectares de poivrons, choux et gombos sont plantés. Sur place, Noël les portes », complète Mattéo. « Il s’agit de trouver la bonne ! », conNdoundou gère les semis et les récoltes, aidé de travailleurs jour- clue-t-il, approuvé par ses deux partenaires au grand cœur.

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À DÉCOUVRIR Crédit photo : Rey Mangouta.

LA ROUE TOURNE POUR LE CERCLE CIVIL Elle a connu la fin de la période coloniale, la défaite des nazis en 1945, et c’est encore elle qui organise la fête de la choucroute et de la bière. Bienvenue à la maison du Cercle civil de Pointe-Noire, vestige de la période coloniale. Par Flore Onissah.

C

’est une époque que les moins de 60 ans ne peuvent pas con- fête de la choucroute et de la bière, et tous les mois, une soirée moulesnaître. Louée pour 1 franc par an au gouvernement de l’Afrique frites. Debout au comptoir, des Congolais discutent en munukutuba. Au équatoriale française, la maison du Cercle civil a été construite à plafond pendouillent des boules de papier alvéolées roses et noires, la fin des années 30 par un club de tennis, l’association du Cercle eu- vestiges de la dernière soirée organisée au restaurant du Cercle. ropéen, renommé plus tard association du Cercle civil. La maison est louée à Laurent Manicas, qui a racheté le fonds de En ce temps-là, tous les jours vers 17-18 heures, les messieurs em- commerce à son prédécesseur, Monsieur Barbier, en 2007. « Lolo », barquent femmes et enfants pour s’adonner à différentes activités : comme l’appellent les habitués, est assis sur un fauteuil en simili bridge, pétanque, parties d’échecs, dégustation de whisky, etc. Deux cuir jaune pâle. Derrière lui, un rideau noir cache une scène sur une cents personnes s’y côtoient quotidiennement, et on organise les petite estrade sur laquelle se produisent et répètent des artistes de rock anniversaires des petits au sous-sol. Chaque mois, on guette l’arrivée du locaux : les Rolling Chic, Grain de folie ou encore Dark Side of the bateau qui ramenait des victuailles « made in France ». Mundele. Lolo s’est mis à la guitare depuis peu, son bureau ressemLe quartier résidentiel de Tchikobo, à Pointe-Noire, est alors un im- ble à un studio d’enregistrement. Mais l’humeur n’est plus à la fête. « mense marécage dans lequel se déversent Depuis le mois de novembre, c’est vraiment difficile. des eaux usées. Face à cet étang qui s’au- « On tourne à 35 couverts On tourne à trente-cinq couverts par jour contre cent to-nettoie naturellement grâce à l’action de la crise. par jours contre 100 avant avant la faune et de la flore, se dresse sur une butte Aujourd’hui, même les bars à tapas proposent des la crise. » la maison du Cercle civil et ses 9 350 m² carmenus du jour pour faire venir la clientèle. Avant, il rés de terrain. Le bâtiment a la forme d’un n’y avait que moi », explique Laurent, qui a finaleLaurent Manicas polygone régulier et arbore fièrement trois ment décidé de mettre son fonds de commerce en courts de tennis, un mini-golf et un jardin vente pour rejoindre sa famille, installée en France d’enfants. On y croise des antilopes, des cigognes, des serpents et… des depuis quelques mois. colons, habillés en blanc de la tête au pied, jusqu’au talc qu’ils se mettent sur la peau pour combattre la barbouille, cette affection cutanée Langue de bœuf qui touche les épidermes non habitués aux zones chaudes et humides. La chute du cours du baril de pétrole a fait fuir de nombreux expa« Le triptyque de survie, c’était casque blanc colonial, dormir sous une triés français, clientèle traditionnelle de la brasserie du Cercle civil. Les moustiquaire et prendre de la Nivaquine tous les jours », se souvient un amateurs de petit salé aux lentilles, langue de bœuf et tripes à la mode ancien habitué des lieux. de Caen se font rares. Seule touche d’espoir à l’horizon : le Cercle civil a multiplié Rideau noir par trois le nombre de membres de l’association. Depuis que Depuis l’avenue de Loango qui longe le port autonome de Pointe-Noire, Total a mis en place des horaires du soir réservées exclusivement on peine à repérer la maison qui jadis dominait la côte. La pancarte « Cer- à ses salariés, la maison du Cercle civil et ses trois courts cle civil » qui était fixée sur un poteau au bord de la route a mystérieuse- (un quatrième est en construction) s’imposent comme une ment disparu. À l’entrée de la maison, deux parasols Heineken et des alternative aux amateurs de tennis, l’activité originelle de l’associachaises en plastique ; le nom du bâtiment s’affiche sur une porte vitrée tion. La tenue blanche coloniale a bien heureusement disparu, mais en lettres gothiques. Les costumes-cravates et les tenues de chantier les jupettes blanches continuent de virevolter sur les courts… ont remplacé les vestes blanches en coton d’autrefois. et c’est finalement grâce à ses balles de tennis que le Cercle civil réussit Chaque année au mois d’octobre, le restaurant Le Cercle organise la à rebondir.

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À DÉCOUVRIR

SUR LES TRACES DU MOKÉLÉ MBEMBÉ

Photos : DR.

Un mystérieux animal se cacherait dans la forêt du bassin du Congo. Du lac Télé au sud-est du Cameroun, de nombreuses expéditions ont tenté de prouver l’existence de ce cousin du « monstre du Loch Ness ». Michel Ballot cherche le Mokélé Mbembé depuis plus de quinze ans. Au retour de son expédition, en mars, il a accordé une interview à Brazzamag. Par Julie Crenn.

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ncien juriste devenu explorateur, comment avez-vous entendu parler du Mokélé Mbembé ? Disons que c’est ma curiosité. Je me suis toujours intéressé aux animaux mystérieux et je voyageais souvent en Afrique centrale. J’ai aussi noué une relation d’amitié et de travail avec le professeur Heuvelmans [fondateur de la cryptozoologie], qui a écrit beaucoup d’ouvrages sur les espèces encore à découvrir dans le monde. En 2000, j’ai quitté mon travail, et j’ai lancé ma fondation Ngoko en 2007, du nom de la rivière camerounaise qui va jusqu’à Ouesso. Cette ONG vient en aide aux peuples autochtones Aka et Baka, et c’est en passant du temps avec eux que j’ai eu des informations sur le Mokélé Mbembé. J’ai alors commencé à mener des expéditions à sa recherche. À quand remonte la légende du Mokélé Mbembé ? Le premier témoignage date de 1776, celui d’un missionnaire français. Le nom de l’animal apparaît pour la première fois en 1916 lorsqu’il est prononcé par des Pygmées à un officier allemand au Cameroun. M. Von Stein est le premier européen à avoir décrit le Mokélé Mbembé de façon exhaustive et scientifique. Puis, dans les années 1980, des professeurs de l’université de Chicago ont mené une grande recherche au nord du lac Télé, suivis par des Canadiens dans les années 90. Pourquoi parle-t-on du lac Télé comme zone de vie de cet animal ? Le lac Télé est l’endroit où les autochtones ont dit avoir tué l’un de ces animaux. En 1958, un chasseur, Christian Le Noël, a écrit le récit de cette scène que lui ont racontée les autochtones. C’est aussi là qu’un autre chasseur français a vu un animal ressemblant au Mokélé Mbembé attaquer un crocodile sur les bords du lac. C’est donc une zone où sont recensés de nombreux témoignages, mais aussi un lieu mythique car très difficile d’accès. Que signifie Mokélé Mbembé ? À quoi ressemble-t-il ? C’est du lingala et cela veut dire « celui dont le cou arrête la rivière » ou « celui qui domine la forêt ». Le terme et l’interprétation varient selon l’endroit et les ethnies. Le Mokélé Mbembé a la masse corporelle d’un éléphant et mesure entre 5 à 7 mètres. Il sort toujours le dos de l’eau en premier, puis la tête pour manger des fruits et des feuilles. Il est souvent

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recouvert de vase ou d’herbes car il doit vivre sur le bord des berges. On ne sait pas s’il s’agit d’un reptile ou d’un mammifère. Certains nous disent qu’il a des griffes sur le dos ou une corne sur le haut de la tête… A chaque mission nous récupérons de nouveaux éléments. Qu’est-ce que la cryptozoologie ? La zoologie est la science des animaux connus, la cryptozoologie c’est l’étude des animaux qui ne sont pas encore répertoriés. Par exemple, le cœlacanthe, ce poisson découvert en 1910, était connu de la population locale mais pas des zoologistes. Pareil pour le gorille des montagnes qui a été découvert dans les années 20 alors qu’il était déjà décrit par les populations du Kivu au Congo. La cryptozoologie, c’est la partie cachée de la zoologie. Quels sont les derniers animaux découverts sur la planète ? Très récemment, le Saola, sorte de grande antilope des forêts du Nord du Vietnam, a été découvert en 1994 ; ou un petit tapir noir a été identifié en 2013 en Amazonie. On découvre des insectes chaque année, des batraciens, parfois des petits singes… Mais j’espère que des animaux de grandes tailles se cachent dans des grandes forêts comme celle du bassin du Congo ou de l’Amazonie. Quels sont les résultats de votre dernière expédition ? L’objectif était de récolter de nouveaux témoignages, de poser des caméras-pièges qui prennent des photos des animaux et de relever des traces. Nous avons collecté de très intéressants témoignages de pêcheurs qui corroborent nos précédents récits. Le principal problème, c’est la vie en forêt, qui est très difficile. Si les conditions étaient meilleures, j’y resterais plus longtemps. Nous allons dans des zones de forêt grandes comme un département français, où personne ne vit. Il nous faut un coup de chance. Mais ce n’est pas parce que je n’ai pas encore trouvé que je vais m’arrêter. J’y repars vers juin.

PLUS D’INFORMATIONS :

« A la recherche du Mokélé Mbembé », Michel Ballot, 194 pages, aux Editions du Trésor, 2014.


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CHRONIQUE

D'ICI ... FLORE ONISSAH Fondatrice du site web Diasporoom, à destination des Africains d'ici, de là-bas et d'ailleurs, elle sillonne aujourd'hui le continent africain, armée de sa caméra et de sa double appartenance culturelle. Elle partage avec vous des rencontres qu'elle fait au cours de ses différents voyages. Avec cette chronique D'ici et d'ailleurs, Brazzamag ouvre une fenêtre sur d'autres pays africains.

SUR LA PISTE DU « NEW NDOMBOLO »

Brazzamag a rencontré Diamant noir, le Congolais qui veut faire bouger le pays.

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n peut le croiser en face de chez lui, à l’hôtel Léon de Brazzaville, jean slim déchiré, casquette, baskets, chaîne en argent autour du cou, cigarette Vogue mentholée à la main, en train de chorégraphier de nouveaux pas de danse de « new ndombolo » avec son staff de danseurs. La danse, pour Diamant noir, est une obsession qui commence dès l’âge de 6 ans. « Pour danser, j’étais obligé de mentir parce que je n’avais pas le droit de sortir. Pour faire mes show-case ou donner un spectacle, je sortais en cachette où je disais que j’allais à des veillées. » Les

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Crédit photo : Rey Mangouta.

résultats scolaires s’en font vite ressentir. « Je n’aimais pas beaucoup l’école», confie-t-il. « En Afrique, quand tu es trop têtu, on pense tout de suite à des choses mystérieuses. On dit que tu n’es pas normal, qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez toi et que c’est lié au spirituel. » Diamant noir est possédé… par la danse et la musique. Il craque pour le style d’Usher, Papa Wemba, Koffi Olomidé ou encore Francis Cabrel. Mais Michael Jackson est peut-être celui qui l’a le plus inspiré : « Quand je le regardais, je me disais que c’était moi. »


CHRONIQUE Retour à la terre natale A sa majorité, Diamant noir quitte le Gabon, où il a grandi, et retourne dans son pays natal : le Congo. En 2009, il fonde News Bantous, un groupe de danseurs hip-hop qui mêlent les danses traditionnelles africaines des Pygmées, des Bantous et des Peuls aux pas de danse moderne. C’est le début du succès. News Bantous gagne le concours Gabao hip-hop, les trophées MTN, et anime chaque année la cérémonie d’ouverture de Miss Congo. La notoriété du groupe grandit et dépasse les frontières du Congo : Omar Denis Junior Bongo, le fils de l’ancien président gabonais Omar Bongo et d’Edith Lucie Sassou Nguesso, fait appel au News Bantous pour animer l’anniversaire de ses 18 ans à Oyo, dans l’est du Congo. Mais c’est au sein de Bana A6, groupe élu « meilleur révélation locale » lors des Africa Music Awards de 2016, que Diamant noir décide de passer au chant. « Les chanteurs du groupe ont pris la grosse tête, et dans les contrats, on ne s’intéressait plus qu’à eux », déplore Diamant noir. « C’est là que je me suis dit : moi aussi, je vais chanter, et j’ai décidé de lancer ma carrière solo. » Le dimanche, Diamant noir se lève à 6 heures du matin et fait des vocalises sur la promenade de la corniche à Brazzaville, « parce que si je m’étais mis à crier chez

moi à cette heure-là, on allait croire que c’était le début de la folie », explique-t-il en souriant. Balance du corps Diamant noir veut alors créer un nouveau concept : le new ndombolo. « C’était une danse qui faisait mal quand j’étais petit, et je me suis demandé pourquoi ça n’était plus le cas ? Pourquoi il n’y avait plus que de l’afrobeat ? », s’interroge le musicien et chorégraphe. En termes de danse, le ndombolo est basé sur un mouvement de balance du corps d’avant en arrière. La position de départ s’inspire des danses traditionnelles africaines, avec les genoux légèrement pliés et le buste basculé en avant. A ce style de danse, Diamant noir ajoute du break et du smurf pour créer le new ndombolo. Le new ndombolo a déjà plusieurs variantes, comme le new ndombolo love, qui se danse en douceur sur un rythme lent de type R’n’B. D’autres variantes puisent leur source d’inspiration dans la nature. Il y a le new ndombolo bangua (lézard en lingala), qui s’inspire des mouvements de tête du lézard pour créer une danse ; le new ndombolo poisson, qui s’inspire des mouvements que les poissons font dans l’eau... Petit poisson deviendra grand.

ET D'AILLEURS ORACLE Ô DÉSESPOIR

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Qu’est-ce que l’avenir nous réserve ? Pour le savoir, Brazzamag s’est essayé à la géomancie auprès d’un Bokonon béninois.

n face, une mer infinie et agitée, l’océan Atlantique. Personne ne s’y baigne. La houle est terrifiante. Cet océan est un tombeau. Il nécessite une vigilance de tout instant. Chaque année, des touristes s’y noient et pendant près de six siècles, des millions d’esclaves y ont péri. Une fois par an pourtant, la plage de Ouidah s’anime et devient l’épicentre liturgique du nouvel an vaudou. Pendant toute une journée, le 10 janvier, cérémonies officielles et immolations d’animaux se succèdent à un rythme effréné. Délégations venues du Gabon, du Cameroun, du Togo voisin, de la RDC, accompagnées de touristes du monde entier, célèbrent la déesse de l’eau (Mamy Watta), le dieu du tonnerre (Ashina), les gardiens de la nuit (les Zangbeto) et les revenants (les Kouvito).

passant par les soucis d’argent. Pour apaiser les esprits, le Bokonon nous propose de faire des dons de poules, bananes, biscuits et autres aliments. Nous sortons notre calculatrice : à 10 000 francs CFA en moyenne le don, la facture s’élève à 60 000 francs CFA. Au sortir cette consultation, le petit-fils d’un célèbre Fa de Ouidah reçoit. Ancien informaticien, il s’efforce de vulgariser et d’expliquer la pratique de l’art divinatoire vaudou. Il nous demande de tracer sur un papier seize lignes verticales de traits horizontaux. Chaque ligne donne une valeur paire ou impaire. Peu à peu, on nous enseigne les mots, les sens, les chiffres… ou quand le vaudou rejoint les mathématiques supérieures.

Dons de poules L’une des plus grandes curiosités du culte vaudou est sans doute la géomancie vaudou, qu’on appelle Fa en langue fon du Bénin. Brazzamag a voulu s’y essayer. La consultation de deux heures est négociée à 2 000 francs CFA. Un taxi-moto nous dépose devant la concession d’un Bokonon (prêtre du Fa en langue locale). Durant la première demi-heure, le Bokonon nous explique son parcours et la technique qu’il va utiliser. La pratique du Fa repose sur l’utilisation d’un chapelet divinatoire qu’on appelle « l’opélé ». La consultation nécessite trois lancements d’opélé au sol. Premières impressions : que du négatif. Dans les mois à venir, rien ne nous sera épargné, des peines de cœur aux problèmes de santé en

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CHRONIQUE

BISSO NA BISSO ... Par MAMA MUNDELE En ville, à la Cité ou à la plage, vous les trouverez partout. Ces « vendeurs » sillonnent la ville, une boîte posée sur la tête. Vous ne le savez peut-être pas encore, mais cette boîte regorge de trésors. Maux de tête, fatigue, faiblesses sexuelles ou tout simplement envie d’un chewing-gum, à chaque problème son remède, ces « boutiques ambulantes » sont là pour vous servir. Du paquet de mouchoir à la racine antipaludéenne, on trouve de tout dans cette caisse. Il suffit de demander au vendeur, il se fera une joie de partager une de ses recettes magiques*. Voici un petit aperçu de ces secrets bien gardés.

LEXIQUE DE RUE BANA PAYE-PAYE: [bana pa-yé-pa-yé] terme employé pour désigner les vendeurs ambulants, ceux qui n’ont pas de place fixe pour vendre. KORO MAN : celui qui porte les courses dans sa petite brouette fabriquée avec un pneu que l’on appelle Koro-Koro. On les retrouve souvent dans les marchés. POUSSE-POUSSEUR: celui qui conduit le pousse pousse, un engin un peu plus gros que le CoroCoro, qui permet de transporter des plus grosses marchandises (meubles, matelas, pièces de véhicules…).

Paquet de mouchoirs (ou pochette) « Simili » utile pour se moucher ou essuyer sa transpiration.

Nzo za nungu (petits piments) : guérit les angines, excellent pour les maux de gorge.

Œufs durs on vous en proposera avec un peu de sel et de piment en poudre en cas de petite faim.

Cola (Makasu) : la petite soigne les hémorroïdes, le mal de ventre, le palu, le diabète ; la grande aide à combattre la fatigue, soulage le mal de tête, augmente la tension artérielle et a également des vertus aphrodisiaques.

Cigarettes en paquet ou à l’unité, mais uniquement des « Fine » et des «Mustang ». Chewing-gum Hollywood pour une haleine fraîche . Arachides pour le plaisir.

Ce qui soigne

Gingembre : antiseptique et anti-inflammatoire, il est aussi aphrodisiaque qu’il est efficace contre la toux, les nausées, le mal des transports et le diabète. Petit citron vert : idéal pour le mal de gorge, pour se rincer la bouche ou dessoûler. Possède des propriétés anti-inflammatoires et est riche en vitamine C. Petit bois Moubamba : soigne les maux de ventre et aide à éliminer l’alcool dans le sang. Donne de l’endurance aux hommes. Racine Douce Amer : nettoie les reins. Mogomboro : aphrodisiaque, stimulant et endurant sexuel. Mufingu : contre les faiblesses sexuelles. Mbundzi-Mbundzi : soigne les hémorroïdes. Kindingi : soigne le diabète, la typhoïde, le palu. Kita Mata ou Tongo Tcha : très fort, stimulant, aphrodisiaque.

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