www.brazzamag.com NËš1 Janvier - Mars 2017
DOSSIER SPECIAL:
TOURISME le secteur de demain ? LES FETICHES TOMBENT LE MASQUE
DIABETE,
GRATUIT
9 QUESTIONS AU DR. BOuNGOU le futur de la tv & internet
LE MAGAZINE QUI MET L'HOMME AU COEUR DU DEVELOPPEMENT
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Par AfrikaMediaGroup Numéro 1 Janvier-mars 2017
GROUPE EXECUTIF
Directrice Directeur marketing Directrice administrative
Sarra Guerchani Fehmi Fennia Veronique Legault
DIRECTION ÉDITORIALE
Directrice de l'information Sarra Guerchani Directeur Photo Rey Mangouta Secrétaire de rédaction Gwennoline Le Cornec
DESIGN
Directrice artistique Infographiste
Olfa Taboubi Wajdi El Bez
MAQUETTE Sarra Guerchani
Julie Crenn
COMMERCIAUX
Pointe-Noire : Jessica Pace-Sole 06-402-2525 / jessica.p@brazzamag.com Brazzaville : Pierre Obou 05-627-0686 / pierre.obou@brazzamag.com
JOURNALISTES Julie Crenn Karla Cécile
CHRONIQUEURS Michael Ohayon : Mama Mundele : Yann Mokoko :
Molly Matongo Brenda Guarneros
Influence médias Bisso na bissso Blog Carrière
COLLABORATIONS SPECIALES Antoine Champvin Claude Patrucci Équipe Vivre Au Congo
PHOTOGRAPHE Rey Mangouta
PUBLICITÉ White Mama Prod (WMP)
Avenu du Wharf Pointe-Noire, République du Congo +242 05 059 55 55 +242 06 402 25 25 Info@brazzamag.com
Michelle Kibembe, sapeuse membre du collectif des Diables Rouges, fidèle lectrice de Brazzamag. Photo : Rey Mangouta 4
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Sarra GUERCHANI
Directrice & Cofondatrice Brazzamag
NUMÉRO 1 L'éditorial
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n ce début d’année toute l’équipe de Brazzamag et moi-même vous présentons nos meilleurs vœux 2017. Une nouvelle année commence, avec son lot de résolutions et de « plans sur la comète ». Cette nouvelle année marque l’an 1 de Brazzamag, votre magazine. Nous avons toujours plus d’ambition et de nouveaux challenges à relever. La préparation de ce numéro a été remplie de nombreuses rencontres imprévues et de voyages à travers le Congo. Durant la lecture de notre cahier spécial « Tourisme » vous cheminerez à travers ce beau pays. Oui nous avons fait le choix de vous présenter le Tourisme ! Avec ses 170 kms de côte atlantique, ses fabuleuses forêts qui couvrent 65% du territoire, le Congo Brazzaville a un potentiel énorme. Le pays avance doucement mais sûrement vers une nouvelle source de développement économique. Une idée pour diversifier ses revenus et sortir du « tout pétrole ». De Conkouati à Ouesso, en passant par Sibiti, Brazzaville et Pointe-Noire, nous avons découvert des projets mais aussi les hommes et les femmes qui les font vivre. Ces projets innovants sont portés par l’amour inconditionnel que ces personnes ont pour le Congo. Les moyens financiers ne sont pas le principal moteur de ces actions mais l’énergie et l’enthousiasme. Nous avons eu le plaisir de découvrir tout une tradition d’artisanat. Ce savoir-faire ancestral de fabrication ne doit pas se perdre et le tourisme sera, nous l’espérons, le moyen de sa préservation. Ils nous ont ouvert leur porte, leur cœur, et leurs secrets. Nous sommes heureux de leur donner la parole pour la partager avec vous. Le « numéro Zéro » a connu un franc succès. Ceci grâce à vous, nous vous en remercions. Nous avons voulu pousser notre interaction avec nos lecteurs, c’est pourquoi certains d'entre vous ont écrit des articles et participent à enrichir le contenu de ce nouveau numéro. Ces contributions enthousiastes et dynamiques rendent cet exemplaire encore plus beau et plus complet. Ainsi le nombre de pages a augmenté, pour votre plus grand plaisir. Vos remarques et votre soutien nous ont stimulés, grâce à vous, en cette nouvelle année Brazzamag prend son envol ! Bonne découverte, bonne lecture, bonne et heureuse année 2017. Sarra Guerchani
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Sommaire N ˚1 Janvier-Mars 2017
P. 8 DÉFI CONGO, A L'ASSAUT DU E-COMMERCE P. 11 ÇA ROULE POUR LES MOTOTAXIS P. 14 BIMV, PRIORITÉ SÉCURITÉ
CULTURE
P. 16 DOSSIER SPÉCIAL : CONGO PARADISE P. 18 INTERVIEW DE LA MINISTRE DU TOURISME P. 20 BRAZZAVILLE, EN BUS A TRAVERS L'HISTOIRE P. 24 DIMONIKA, UN VILLAGE EN OR P. 28 LÉSIO LUNA, GARE AU GORILLE EN PAYS TÉKÉ P. 30 LES RICHESSES DU ROYAUME DE LOANGO P. 32 À LA DÉCOUVERTE DE CONKOUATI-DOULI
P. 36 ART, LES FÉTICHES TOMBENT LE MASQUE P. 38 PEUPLES AUTOCHTONES, L'APPEL DE LA FORÊT P. 40 AVEC LES SAPEUSES DE BRAZZA
CHRONIQUES BRAZZAMAG P. 44 CARRIÈRE P. 56 INFLUENCE MEDIA P. 58 LA RÉVOLUTION DE L'INTERNET P. 78 VIVRE AU CONGO P. 82 MAMA MUNDELE
P. 68 P. 81 P. 80 P. 81
LES ATELIERS SAHM À TAMBOUR BATTANT THÉÂTRE À LA CARTE INTERVIEW NICOLE MBALLA-MIKOLO
SANTÉ & BIEN ÊTRE P. 60 LES BIENFAITS DE L'AQUABIKE P. 61 DIABÈTE, INTERVIEW AVEC LE DR BOUNGOU P. 62 PORTRAIT : LA SCIENTIFIQUE FRANCINE NTOUMI
ENTREPRENDRE P. 48 PORTRAIT : LA FEMME DE COEUR, STEFANIA GUIDA P. 53 PORTRAIT : DE PILOTE À MAITRE GLACIER, SAMY CHAER P. 54 CANAL + VA DROIT AU BUT EN AFRIQUE P. 64 APPRENDRE À PILOTER UN AVION P. 70 PORTRAIT ELISABETH BELLEROSE 6
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DÉCOUVERTE P. 74 NGANDA, LES CATARACTES P. 76 JAM ROCK À LA CROISÉE DES SAVEURS
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Crédit Photo : Rey Mangouta/Brazzamag
DÉFI CONGO
A L’ASSAUT DU E-COMMERCE Au Congo, acheter en ligne et se faire livrer à des prix corrects n'est plus un rêve. Le e-commerce se développe sur tout le continent africain et la compagnie ponténégrine Défi Congo s'est lancée dans l'aventure. Par Molly Matongo.
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e commerce en ligne a le vent en poupe. Si l’Afrique est à la traîne comparée au reste de la planète (le continent représente à peine plus de 2% des ventes en lignes mondiales), elle pourrait bien décoller dans les années à venir. Augmentation du nombre de téléphones portables, population jeune et croissante, développement d’Internet et des systèmes bancaires… Tous les experts voient les indicateurs au vert. La société de recherche en marketing digital eMarketer prévoit ainsi que le nombre d’acheteurs en ligne africains s’élèvera à 170 millions en 2018. A Pointe-Noire, la bien nommée Défi Congo s’est lancée depuis un an dans l’aventure du commerce en ligne. Créée il y a huit ans par le Français Jérôme Barbier, la compagnie a débuté par l’import et la vente de matériaux destinés à la production pétrolière avant d’élargir son activité à tout type de matériel industriel en 2011. Aujourd’hui, Défi Congo dispose d’un catalogue de 1700 pages et propose plus de 75 000 articles industriels. « Faire venir des cadeaux » Chaque semaine, la société importe plusieurs tonnes de marchandises à Pointe-Noire. « On a décidé de faire profiter aux particuliers de notre capacité d’importation », explique Jonathan Ragot, responsable commercial de la compagnie. Depuis six mois, le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime : les commandes des particuliers augmentent. « Les gens sont contents de pouvoir faire venir ici leurs cadeaux de Noël sans avoir à demander à un ami de le prendre dans l’avion de Paris, raconte Jonathan. Notre plus grosse
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demande concerne des accessoires de mode, des vêtements, des produits de décoration, des équipements sportifs spécialisés, etc. » Concrètement, lorsqu’un client est intéressé par un produit sur n’importe quel site Web qui en permet l’achat (Amazon, Darty, Rue du commerce…), il constitue un panier avant d’envoyer une capture d’écran de ce dernier à Défi Congo. Qui fera un devis, en fonction du poids et du volume de l’objet, et fournira un tarif. Une fois la commande passée, « le client est livré sous environ dix jours ouvrable », souligne Jérôme Barbier, aujourd’hui à la tête d’une entreprise de douze personnes. L’avantage de Défi Congo, c’est aussi l’absence de limite d’achat. « Si vous voulez faire venir un objet à 5 euros, c’est possible, précise Jérôme. Notre plus grand plaisir, c’est que ça puisse bénéficier à toute la population. » Accès à Internet Et pour se faire connaître auprès d’un maximum de Congolais, la compagnie a organisé une campagne de publicité radio ainsi qu’une distribution de flyers dans tout Pointe-Noire en 2016. Etant donné l’état de la connectivité au Congo et le coût d’Internet, l’entreprise a décidé d’ouvrir, début 2017, un espace aménagé avec un accès à des ordinateurs. Ainsi, les clients qui le souhaitent pourront se rendre dans ces locaux, rue de l’Abattoir, dans le quartier Songolo. Alors qu’à l’horizon 2025, le e-commerce devrait représenter 10% des ventes en Afrique, Défi Congo devrait pouvoir tirer son épingle du jeu. Infos : www.deficongo.com et Défi Congo sur Facebook.
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ÇA ROULE POUR LES MOTOTAXIS
Ils sont omniprésents dans certains pays d’Afrique, du Cameroun au Bénin en passant par le Kenya. Les mototaxis ne font pas l’unanimité au Congo, où leur dangerosité est souvent mise en avant. Et pourtant, dans les zones rurales, ils restent encore le principal moyen de transport. Reportage à Sibiti. Par Julie Crenn - Photo : Rey Mangouta.
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epuis la municipalisation accélérée, en 2014, Sibiti dispose d’un aéroport, d’une nouvelle gare routière et de belles et larges routes goudronnées… où les voitures sont rares. Dans la capitale de la Lekoumou, tout le monde ou presque circule en mototaxis. Manassé Mitsouma, 19 ans, attend des clients à la sortie du marché. « J’ai ma propre moto depuis un an et demi », explique-t-il fièrement au guidon de sa Jakarta rouge flashy. 10 BRAZZAMAG.COM
Ils sont près de cinq à ses côtés, alpaguant les mamans chargées de courses. Tous ont la petite vingtaine et utilisent cette activité pour gagner leur vie. Leur revenu ? Entre 5 000 et 7 000 francs CFA par jour. « Je ne sais pas comment je ferais sans ma moto », explique le jeune homme. Certains de ses compagnons qui n’ont pas la chance de posséder leur véhicule doivent le louer 4 000 francs CFA par jour. La recette est d’autant plus maigre…
Une activité non-encadrée Ils seraient entre 300 et 400 mototaxis pour la seule ville de Sibiti et 600 sur tout le département de la Lékoumou, d’après la direction départementale des transports terrestres (DDTT) qui enregistre leur immatriculation. Et ce mardi matin, il y a la queue à la cité administrative. « Tout le monde se presse pour obtenir sa carte grise et sa plaque parce que la police a commencé à mettre des amendes à partir du 1er décembre », explique Manassé. De manière générale, les mototaxis évoluent dans une zone grise de la loi. Interdits dans tout le pays d’après certains, seulement en ville d’après d’autres, réglementés par un texte national ou des arrêtés municipaux… Les services administratifs, contactés par Brazzamag, n’ont pas pu fournir de textes de loi. Cette activité, qui serait interdite à Brazzaville comme à Pointe-Noire, reste en tout cas tolérée dans les campagnes, où elle constitue le principal moyen de transport. Moto ou voiture, il faut choisir Autre point litigieux : les casques. « Chaque chauffeur de mototaxi devrait avoir deux casques, un pour lui et l’autre pour le client », rappelle Benjamin Gouonimba , le directeur de la DDTT de Lékoumou. « Mais ici, les gens n’ont pas beaucoup d’argent, et pour ne pas les pénaliser, les autorités ferment les yeux », souligne-t-il, compréhensif. Entre janvier et
septembre 2016, la DDTT a recensé 35 accidents impliquant des mototaxis, qui ont fait huit morts et une quarantaine de blessés. « Il y a dix ans, il n’y avait aucun mototaxi ici, se souvient Pierre Owando, directeur de la radio départementale de Lékoumou. Les gens se déplaçaient à pied ou en vélo. » Aujourd’hui, les deux-roues sont partout à Sibiti, transportant des charges impressionnantes pouvant aller jusqu’à 400 kilos. « S’il y avait un transport urbain, ce ne serait pas comme ça, se plaint Dieudonné, client des mototaxis. C’est le symbole d’une absence de développement. » « Nos belles avenues, elles peuvent pas rester que pour les motos », renchérit Jean, en écoutant la discussion. Un point de vue partagé par Benjamin Gouonimba : « Les mototaxis, c’est d’abord un moyen de transport. Avec le goudron, les voitures taxis vont arriver et l’activité va disparaître d’ici cinq ans, comme à Dolisie. » Pour le moment, les très rares taxis, de couleur bleue (Pointe-Noire) ou rouge (Dolisie), transportent uniquement leurs passagers dans les villages éloignés de Sibiti. A 200 francs CFA la course en moto, contre 800 minimum en voiture, les petites bourses font également leur choix. Moins cher, plus rapide, pourvoyeur d’emploi et permettant l’accès à des zones difficiles… les avantages des mototaxis restent nombreux et leur permettront peutêtre de tenir tête aux voitures sur le long terme. BRAZZAMAG.COM
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Cre.dit Photos : Zero Killed
BIMV PRIORITÉ À LA SÉCURITÉ Les flammes envahissent le pont du navire, la fumée empêche toute visibilité, un homme vient de tomber à la mer et vous devez mettre à l’eau le canot de sauvetage… Aurez-vous les bons réflexes ? Afin d’apprendre les bons comportements à adopter avant d’embarquer, l’entreprise BIMV propose des formations au Congo. Par Molly Matongo.
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irection les salles de classes du centre de formation de BIMV (1) flottante », unique en Afrique. L’unité de au cœur de Pointe-Noire pour débuter par les cours théoriques. formation « Elisa », une grande barge à « On explique beaucoup avec des dessins, des photos ou des l’origine, a été aménagée et équipée envidéos à l’appui », souligne Jean-Paul Hasselle, l’un des formateurs de tre autres d’une piscine, d’une platel’entreprise. Pour les gens de mer ou le personnel off-shore, ces forma- forme pour hélicoptère et de canots de tions à la sécurité en mer sont obligatoires. sauvetage à BIMV forme 4 500 personnes par an en « Sur l'Elisa, les exercices sont réalisés davier ou à au plus proche moyenne, et beaucoup n’ont jamais mis chute libre. les pieds sur l’eau… « Certains n’ont même Les élèves, des conditions réelles. » jamais vu la mer ! » constate Louis Coune, en groupe Olivier Hankenne, ancien officier de la marine marchande et de 6 à 14 responsable BIMV Congo formateur chez BIMV depuis quatre ans. personnes, y « Par exemple, nous avons eu à for- passent une ou plusieurs journées afin mer des électriciens qui venaient de d’apprendre comment lutter contre le feu, évacuer avec des canots de l’intérieur du Congo pour intervenir sauvetages, aller chercher un homme à la mer ou encore survivre dans sur plateforme et c’était la première un radeau de sauvetage… fois qu’ils devaient aller en mer. » D’où Les élèves de BIMV viennent majoritairement d’Afrique centrale (Conl’importance de la pratique. golais, Angolais, Gabonais ou Camerounais) et « beaucoup d’entre eux ont peur de l’eau », précise Hadrien Hamar, en charge de la barge et de Lutte contre le feu, sauvetage... la dizaine de personnes qui y travaillent quotidiennement. Il n’y a donc Et pour confronter les élèves à des scé- pas meilleur début que de sauter d’une hauteur de 3 mètres dans la narios réels, la compagnie BIMV dis- piscine pour « apprendre à nager comme en mer, sur le dos avec les pose d’une « plate-forme de formation voies respiratoires dégagées ». 14 BRAZZAMAG.COM
L’avantage d’apprendre à bord de l’Elisa ? « On est au plus proche des conditions réelles dans lesquelles les travailleurs évolueront pour leur futur travail : vous êtes sur un vrai pont, il y a des obstacles lorsque vous déroulez la lance à incendie, il y a des vagues dans la piscine, de la pluie, du vent… », explique Olivier Hankenne, responsable de BIMV Congo. Certificats reconnus à l’international Ces formations répondent aux exigences internationales en matière de sécurité. Car les législations sont de plus en plus drastiques : « un navire peut être immobilisé si son cuisinier n’est pas certifié MLC2006 (2) », indique Olivier. « Nos formations correspondent aux standards internationaux et nous fournissons des certificats délivrés par les autorités belges avec valeur et reconnaissance internationale. » Actuellement, BIMV dispose de centres de formation en Belgique, en France, au Luxembourg et à Pointe-Noire. D’une initiation de base à la sécurité à une formation qualifiante de pilote de « surfer », ces « taxis des mer » qui transportent les personnes à destination des installations maritimes ou off-shore, le catalogue de l’entreprise est large et permet de faire face à toutes les situations complexes auxquelles seront confrontés les travailleurs de la mer. Pour que la sécurité reste une priorité. (1) BIMV est un centre de formation international, agréé STCW 2010, ISO 9001 – 14001 et 18001. (2) Convention maritime du travail 2006.
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CONGO PARADISE! LE BASSIN DU CONGO EST LE DEUXIÈME POUMON DE LA TERRE APRÈS LA FORÊT AMAZONIENNE. SA BIODIVERSITÉ SAUVAGE, ABONDANTE ET VIVIFIANTE CACHE UNE FLORE ET UNE FAUNE AUSSI VARIÉS QUE SURPRENANTES. LE CONGO EST UN TRÉSOR EXCEPTIONNEL ET FAIT PARTIE DES DERNIERS PARADIS NATURELS SUR TERRE.
Cre.dit Photo : Brazzamag BRAZZAMAG.COM
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La ministre du Toursime et des Loisirs, Arlette SoudanNonault, revient pour Brazzamag sur sa stratégie pour développer le secteur.
Crédit Photo : Rey Mangouta/Brazzamag
ARLETTE SOUDAN-NONAULT
« 400 000 CONGOLAIS POURRAIENT VIVRE DU TOURISME » La nouvelle ministre du Tourisme et des Loisirs, Arlette Soudan-Nonault, veut faire décoller ce secteur plein de potentiel. Chaque année, environ 500 000 touristes internationaux visitent le Congo. Ce chiffre concerne essentiellement les touristes d’affaires et affinitaires. Le pays abrite actuellement près de 900 établissements hôteliers qui se répartissent aux deux tiers et de manière égale entre Brazzaville et Pointe-Noire, le dernier tiers étant situé sur l’ensemble du territoire. Afin d’ouvrir ce dossier spécial tourisme, Brazzamag a souhaité en savoir plus sur la stratégie de la nouvelle ministre du Tourisme et des Loisirs, Arlette Soudan-Nonault. Interview. Que représente le développement du secteur touristique pour un pays pétrolier et minier tel que le Congo ? L’impact de la chute des matières premières, c’est tout un pays et tout un peuple qui en subissent les conséquences. Il est impératif de diversifier l’économie et de miser sur un développement économique plus durable, ainsi que sur l’essor d’un tissu économique solide basé sur la création des TPE et PME. Le tourisme représente une opportunité formidable pour la jeunesse de notre pays, laquelle a soif d’entreprendre, pour créer une réelle valeur ajoutée dans l’économie nationale. Pour mon ministère, c'est un challenge difficile, mais exaltant. Nous avons constaté que les Congolais connaissaient peu le tourisme 18 BRAZZAMAG.COM
dans leur pays... Ils ne sont pas encore de grands consommateurs de tourisme interne, mais nous souhaitons que le développement économique puisse permettre rapidement à tous les citoyens congolais de découvrir l’ensemble de notre beau pays. Maintenant que le programme de municipalisation accélérée nous permet de traverser l’ensemble du Congo par voie routière, il va devenir de plus en plus accessible à chacun. Quelle stratégie de développement touristique allez-vous adopter ? Notre équipe a parcouru plus de 7 000 kilomètres à travers le pays et réalisé près de 300 entretiens, tant avec le public que le privé et l’ensemble des acteurs du secteur touristique pour élaborer trois axes principaux. Le premier permettra d’améliorer et de développer les infrastructures et les services touristiques. Le deuxième fera la promotion du secteur aussi bien au niveau national qu’international, en s’orientant vers un tourisme vert. Enfin, le troisième axe améliorera le cadre législatif congolais et permettra la mise en place de mécanismes de financement adéquats. Comment inciter les touristes à venir ? Il va falloir dans un premier temps que nous assouplissions les barrières à l’entrée. Il est de notre ressort de trouver des solutions pour faciliter
l'octroi du visa, et des travaux sont en court pour permettre son obtention à l’arrivée aux postes de frontières. A l’heure actuelle, où la tendance est aux produits touristiques dits « composés », où il s’agit de groupement de destinations comme en Afrique de l’Est, nous devons aussi travailler avec nos pays voisins pour mettre en place un visa commun et faciliter le développement de flux touristiques. Il nous faut fournir un produit touristique d’un bon rapport qualité-prix, avec une réelle valeur ajoutée, et rendre la destination attractive en développant également les loisirs. Quel est l’état des lieux du secteur hôtelier ? Le secteur hôtelier doit impérativement se restructurer, afin de devenir à la fois attractif et compétitif sur le marché international. Il est de notre responsabilité mutuelle – public comme privé – de travailler ensemble afin que les hôteliers soient en mesure de réaliser les investissements d’amélioration nécessaires sans mettre en péril leur survie économique. Ces dernières années, Brazzaville s'est dotée d’hôtels de grandes marques. Il est important de comprendre l’effet de levier que cela représente. C’est un signe de confiance des investisseurs étrangers et cela permet de tirer le niveau qualitatif de l’offre hôtelière vers le haut, mais c'est également une source de visibilité pour attirer de nouveaux investisseurs internationaux. Qu’avez-vous prévu pour les artisans du Congo qui éprouvent de réelles difficultés économiques ? Les artisans du Congo forment un maillon essentiel dans la chaîne de valeur du secteur touristique. Lorsqu’un visiteur découvre un pays, la manière de matérialiser un voyage, c’est d’emporter avec lui un souvenir, et notamment de l’artisanat. En ce sens, il est important de miser sur ce secteur qui, en contribuant activement au développement touristique, est source de création d’emplois et de transmission de notre culture. Le marché de Noël de Brazzaville est ainsi une nouvelle action qui nous permet de mettre en lumière l’artisanat du Congo. Maintenant, il nous
faut travailler sur un renforcement plus durable et moins périodique de notre patrimoine artisanal, et ce sur l’ensemble du territoire. Chaque objet évoque un souvenir lié à un lieu. Quelles formations en tourisme existent au Congo ? Il existe une offre de formation hôtelière et touristique au Congo, mais elle est évidemment insuffisante. Des formations dans le management existent mais elles sont encore trop loin de la réalité pratique du terrain. Les métiers de l’hôtellerie sont très populaires, mais le tourisme est si vaste qu’il est essentiel de diversifier l’offre de formation, je pense ici aux guides touristiques, mais également dans le domaine du transport, de l’accueil, de la restauration, des loisirs, de l’artisanat… Rappelons que le tourisme, c’est un emploi sur onze dans le monde, si l’on transposait cela au Congo, ça voudrait dire que près de 400 000 Congolais vivraient du tourisme, contre moins de la moitié actuellement. Quels sont les sites touristiques les plus visités actuellement ? En termes de sites, les cataractes de Brazzaville, les chutes de Loufoulakari, la plage de Pointe-Noire, la baie de Loango et la route des esclaves, les gorges de Diosso, sont déjà parmi les plus fréquentés. En termes de grande nature, pour une destination qui se veut écotouristique, le parc le plus connu est celui d’Odzala, réputé internationalement. Si ce parc attire des touristes internationaux, celui de Conkouati et la réserve de Lésio-Luna/Léfini, de par leur proximité des deux principales villes du pays, sont des espaces propices à une destination weekend. Les efforts fournis actuellement par les organisations Wildlife Conservancy Society et Aspinal dans ces deux cas de figures sont louables et de grande importance. Il nous revient de trouver les bons partenaires pour optimiser intelligemment l’attrait touristique les rendant plus accessibles, tout en respectant l’environnement, en préservant les cultures locales et en favorisant l’emploi de proximité. D’autres parcs, tels que Nouabalé-Ndoki, au nord, et Pikounda, attendent également d'être mis en conformation touristique.
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BRAZZAVILLE
EN BUS, À TRAVERS L'HISTOIRE Depuis le mois d’octobre, l’office de tourisme du Congo organise chaque samedi matin des balades en bus à la découverte de « Brazza la verte ». Brazzamag est monté à bord. Par Molly Matongo - Photos : Rey Mangouta.
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razzaville, que nous visitons aujourd’hui, fut fondée le 3 octobre 1880 par Pierre Savorgnan de Brazza, qui était de nationalité italienne mais agissait pour le compte de la France. » La voix grésille dans le micro mais elle est reconnaissable. Brice Djamboult, ancien chef de service de la promotion et de l’animation de la capitale, est le narrateur des films documentaires "I am Congo", et le guide de ces promenades particulières. Chaque samedi, ce puits de savoir vous emmène pour une visite sur un thème différent. Ce matin de novembre, le bus réalise un parcours autour de l’art et de l’artisanat. « L’idée avec ces visites guidées est de montrer et de faire redécouvrir nos monuments, notre histoire et les personnalités qui ont marqué le Congo », souligne Emilienne Ngayi, directrice de l’Office de promotion de l’industrie touristique. « Nous n’avons pas la culture touristique au Congo, alors ce bus fait partie d’une stratégie pour toucher les gens », ajoute-t-elle. Difficile en effet de rater le grand véhicule blanc lorsqu’il circule à travers la ville. Du City Center au marché Total, l’emblème roulant du tourisme au Congo ne passe pas inaperçu. De Poto Poto aux sculpteurs de Bifouiti « Votre attention s’il vous plaît », entre deux conseils au chauffeur, Hervé, Brice rappelle à l’ordre les passagers. « A votre droite, la basilique Sainte-Anne et sa toiture de 50 mètres carrés de tuiles venues de France, inaugurée le 1er novembre 1949 en présence de la chorale des piroguiers. » Premier stop à l’école de peinture de Poto Poto, qui, si elle se situait en 1951 dans le quartier de Poto Poto, se trouve aujourd’hui dans le quartier de Moungali. « Poto Poto veut dire la boue, raconte Brice au micro, car le quartier était la ceinture maraîchère de la ville à l’époque. » « Ici, vous ne trouverez pas de portraits, pas d’animaux, mais des idées qui émanent de nous autres », explique d’emblée Antoine Sita, l’un des huit peintres permanents de l’école, tout en accueillant les touristes. 20 BRAZZAMAG.COM
Alors que les visiteurs essayent de découvrir les œuvres plongées dans la pénombre à cause d’une coupure d’électricité, Nixon, 17 ans, peint sur la galerie extérieure du bâtiment. « Je viens ici tous les jours sauf le dimanche. J’aimais bien dessiner, et c’est ma mère qui m’a parlé de l’école de Poto Poto. J’ai commencé par apprendre au crayon-papier, puis aux crayons de couleur, et enfin à la gouache sur toile », expliquet-il tout en peignant une scène de village. Echanges avec les artistes, découverte des peintures... il est déjà temps de remonter dans le bus, direction la galerie du Bassin du Congo, aux Dépêches de Brazzaville. A bord, on n’arrête plus Brice : « Sur votre droite, le stade Félix-Eboué, initialement construit pour le cyclisme et l’athlétisme avant d’être utilisé pour le football. » Le centre des affaires, la tour Nabemba, le Beach, chaque monument donne lieu à une explication du « tour leader ». Masques et fétiches Devant la galerie du Bassin du Congo, Magloire attend les visiteurs. « Je ne suis pas féticheur, je suis galeriste », tient-il à souligner avant de donner des explications sur les masques et fétiches exposés. « Merci de ne pas prendre certaines pièces en photo, sinon vous pourrez avoir des problèmes », conseille-t-il en effrayant les touristes. De retour dans le bus, un documentaire sur la culture congolaise est présenté sur les écrans et une collation est distribuée aux passagers. Après un arrêt à la fresque historique de 1963 qui retrace l’histoire du pays, le bus emprunte la corniche le long du fleuve puis le pont du 15 août 1960, « bijou de la République » pour Brice. La visite s’achève auprès des sculpteurs et vanniers de Bifouiti ravis de présenter leurs ouvrages. Les trois heures de balade seront passées à toute vitesse. PLUS D’INFORMATIONS : Tous les samedis à 9 heures au départ du bureau d’information touristique de l’aéroport Maya-Maya. Adultes : 5 000 francs CFA. Etudiants : 3 000 francs CFA. Enfants accompagnés : 2 500 francs CFA. Contacts : 06 832 00 76/06 987 46 64.
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Aéroport MAYA-MAYA (BRAZZAVILLE) Crédit photo : Jean Stell Elanga BRAZZAMAG.COM
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DIMONIKA, UN VILLAGE EN OR
Imaginez une réserve naturelle protégée offrant découverte de la nature, patrimoine historique et tourisme culturel… Bienvenu à Dimonika, village né de la ruée vers l’or au cœur du Mayombe. Alors que les orpailleurs continuent leur quête de pépites, le Belge Jan Limbourg tente d’y réhabiliter la cité coloniale pour en faire un site d’écotourisme. Texte et photos par Julie Crenn.
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ans le Mayombe, la forêt chante. Ici et là, les moteurs des pompes à eau des orpailleurs résonnent. Depuis que la nationale 1 est terminée, une véritable fièvre de l’or a pris la région. Entre 300 et 400 orpailleurs se sont établis à Dimonika, petit village caché au creux d’une vallée à 7 kilomètres du goudron. Alors que les collines accrochent les nuages et que la nuit tombe, la musique monte du nganda « La Vie ». Ce soir, une équipe a été chanceuse, les hommes enchaînent les casiers de bière et les « rôdeuses » sont de sortie. Demain matin, il faudra retourner dans la forêt affronter les murs de végétation, le soleil qui cogne, les fourous et les serpents. Demain matin, il faudra sortir les pelles et creuser. Mais pour le moment, c’est la fête et les orpailleurs dilapident le revenu de leur journée. A 17 000 francs CFA le gramme d’or trouvé et partagé, les gaillards refusent de révéler leur butin du jour, mais le faste de la soirée parle pour eux. D’une exploitation industrielle à l’orpaillage artisanal Les orpailleurs travaillent en petits groupes. Il y a tout d’abord les creuseurs, qui extraient à coups de pelle la terre de la montagne, puis les porteurs qui la transportent sur leur dos (ou à moto) dans des sacs de 25 kilos, et les laveurs qui la trient en la passant sous l’eau, afin d’en extraire l’or. Enfin, le boss, celui qui supervise cette petite troupe, organise l’orpaillage, surveille les voleurs et répartit le butin à la fin de la journée. « Vraiment, c’est un travail difficile », témoigne Stanislas, ancien mécanicien de Pointe-Noire, à la tête de sa propre équipe depuis 2013. « Je suis le seul qui ait un permis de la sous-préfecture de Mvouti », clame-t-il haut et fort devant la tranchée de 400 mètres qu’il exploite dans un mont du Mayombe. Sauf que les seuls permis valides doivent provenir du ministère des Mines… Et quasiment personne n’en dispose à Dimonika. L’orpaillage artisanal, activité tolérée par les autorités, 24 BRAZZAMAG.COM
semble en effet ne pas avoir beaucoup de règles. « Si quelqu’un décide de creuser à 6 mètres de mon trou, il peut », confirme Stanislas. Alors la forêt est pleine de trous. Chacun tente sa chance ici et là et les monts se font gruyère – attention où l’on met les pieds. Les plus fortunés, comme Stanislas, ont leur propre pompe à eau, les autres s’endettent et les louent. Comme Hortense. « Mon père creusait l’or pour Armand Vigoureux et mon fils creuse avec moi », affirme fièrement cette quinquagénaire au sourire goguenard. Car la quête de l’or n’est pas nouvelle à Dimonika. L’histoire débute lorsque le Français Michel Romanot, arrivé en Afrique pour la construction du chemin de fer Congo-Océan, découvre en 1927 les premières paillettes dans le Mayombe. Alors que personne ne le prend au sérieux, un commerçant belge finit par l’écouter et s’installe sur place : Armand Vigoureux. L’homme organise la recherche de l’or et transforme complètement le village. Grâce aux résidus argileux de l’activité aurifère, il fabrique des briques et construit de nombreux bâtiments. Maisonnettes pour le personnel, entrepôts, hôpital et maternité, école, collège, centrale électrique fonctionnant à l’aide d’une turbine à vapeur alimentée au bois, cinéma, piscine olympique, terrain de basket… Dans les années 40 et 50, le village de Dimonika est complètement transformé sous l’impulsion de Vigoureux et jusqu’à 3 000 personnes y vivent. Pendant plus de vingt-cinq ans, Armand Vigoureux fouille la montagne du Mayombe, détourne les cours d’eau, construit des lacs, fait venir des wagonnets des mines françaises, installe des rails, creuse des tunnels et extrait au moins 2 tonnes d’or. Durant la Seconde Guerre mondiale, alors que Brazzaville est la capitale de la France libre, la moitié de l’or de Dimonika est destiné à financer la résistance française (1). En 1962, juste après la déclaration d’indépendance du pays, l’aventure s’arrête pour Armand Vigoureux, qui abandonne le village.
Réhabilitation et écotourisme Fasciné par cette histoire, un autre Belge se prend de passion pour le lieu en 2015. « C’est un endroit extraordinaire de par son histoire, sa beauté mais aussi ses possibilités », s’enthousiasme Jan Limbourg. L’ancien gérant s’est associé avec Julien Vigoureux, petit-fils d’Armand et propriétaire de 51 hectares sur place, pour transformer la cité de l’or en eldorado de l’écotourisme. Car Dimonika se trouve au cœur d’une réserve de biosphère, créée en 1988 par l’Unesco. Etendue sur 1 360 km², elle présente à la fois de la forêt tropicale et de la savane, sans compter une faune extraordinaire. Lors d’une recherche, en 2013, l’institut Jane-Goodall a recensé plus d’une centaine de gorilles et de chimpanzés. Des grands singes mais aussi de nombreux mammifères (éléphants, antilopes et autres) dont la protection n’est pas facile, tant la réserve est étendue, dense et difficile d’accès. Il aura fallu trois heures de route depuis Pointe-Noire à Julie, Guillaume, Inès et leurs six amis pour arriver à Dimonika ce samedi matin. Dans l’ancienne villa d’Armand Vigoureux, c’est l’effervescence. Jan Limbourg et sa troupe préparent la maison qui doit accueillir les touristes. Pendant deux jours, le lieu se transforme en auberge et Jan en guide. Balades au village, randonnées en forêt et rencontre des orpailleurs, les visiteurs sont sous le charme. « C’est un lieu unique où il se passe quelque chose », témoigne Claire, française récemment arrivée au Congo. « Il y a la forêt, l’histoire qui est très riche et l’accueil de Jan aussi qui nous fait sentir comme à la maison », ajoute Vincent après une sieste dans le canapé du salon. Réhabilitation des nombreux bâtiments historiques toujours debout, mise en place de circuits touristiques… « Il me faudrait sept vies pour réaliser tous mes projets, il y a tellement de potentiel ici », plaisante Jan. Le pétillant Belge souhaite impliquer la communauté locale et mettre en place une économie durable à Dimonika. « Je veux que les villageois s’investissent, explique-t-il. Par exemple, on peut réaménager les étangs pour faire de la pisciculture et vendre des poissons, essayer d’utiliser le bois de parasolier en créant des palettes, expérimenter la permaculture… » Les idées de source de revenus ne manquent pas mais, pour Jan, il s’agit de « trouver des partenaires pour tous ces projets qui peuvent générer très vite de l’argent ». En attendant, sa petite activité touristique finance l’achat des semences ou le salaire des maçons qui viennent réparer la maison…
Après une grosse averse, le soir tombe sur Dimonika. Du haut de la colline où Armand Vigoureux a vécu plus de trente ans, l’énergique Jan, aidé de sa femme, Mamitsho, range la maison et gère son petit monde. Alors que les lucioles éclairent les arbres centenaires, les pompes à eau des orpailleurs se sont tues ; la forêt continue de chanter. (1) Source : Eric Jennings, « La France libre fut africaine », p.76, cité sur l'excellent site de fonds documentaire : www.dmcarc.com.
COMMENT Y ALLER ? Sur la nationale 1, tourner à gauche à Pounga, 4 kilomètres avant Mvouti. Au-dessus de la route, vous ne pouvez pas manquer une grosse église de brique rouge, prendre la piste pendant 7 kilomètres (prévoir le 4x4). Pour l’hébergement à l’auberge Vigoureux : 05 627 94 43 / 06 440 52 01 ou jan.limbourg@gmail.com.
« Vigoureux, organisateur hors ligne, secondé par sa femme, fit de ce coin du Mayombe une véritable cité avec des bâtiments en matériaux définitifs. » Michel Romanot, L’Aventure de l’or et du Congo-Océan (1950) BRAZZAMAG.COM
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LAC PAPYRUS A seulement une demie heure de Pointe-Noire, une balade sur le lac Loufoualeba, dit "lac aux papyrus", constitue une sortie d'une demi-journée idéale. L'accès au lac se fait après 20 minutes de pirogue à travers ces hautes plantes utilisées par les Egyptiens pour faire du papier. De là, une petite rivière vous conduira au sommet d'une colline où vous pourrez admirer la vue sur les deux lacs, Cayo et Loufoualeba. Cet ensemble de lacs et rivières constitue une zone de production maraîchère et vous pourrez observer les va-et-vient des cultivateurs, aidés de leur pirogue pour transporter leurs légumes. Sans oublier les pêcheurs et les oiseaux multicolores qui peuplent les hautes herbes. Infos pratiques : de Pointe-Noire, prendre la nationale 4 en direction du Cabinda. Compter 25 000 francs CFA la pirogue de deux personnes (plus le batelier) pour 3 heures de balade.
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EN PAYS TÉKÉ, GARE AU GORILLE
Crédits Photos Antoine Champvin
Dans une réserve naturelle, près du village de Mâh, vivent les gorilles des plaines de l’Ouest. Collaboration spéciale Antoine Champvin.
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u nord de Brazzaville, sur la RN2 qui mène à Ouesso, commence le royaume Téké. Les cinq plateaux qui le composent sont séparés par de vastes plaines vallonnées, drainées par de nombreuses rivières. Cet environnement unique et peu peuplé est devenu une réserve de réintroduction des gorilles dans les années 90. C’est ce que j’apprends sur le site du projet Lésio-Louna, du nom des deux rivières encadrant le sanctuaire de gorilles. Des gorilles ! Gorilla Gorilla Gorilla, le gorille des plaines de l’ouest, le plus proche parent de l’homme dont il ne resterait plus au monde que quelque 45 000. Initiative de la fondation Aspinall, le projet prévoit la réintroduction progressive de gorilles orphelins. Aussi, l’un des sites du projet est une nurserie dédiée aux jeunes gorilles avant leur réintroduction. Des collines à perte de vue… Alors que je parle de ma trouvaille à mon fils de 3 ans, le voilà qui me dit que lui aussi, il veut voir des bébés gorilles. Alors c’est parti pour l’aventure ! Nous prenons contact avec le bureau du conservateur de la réserve et planifions notre visite. Quelques mails, quelques coups de fil, quelques errances dans Brazzaville aussi, car l’adresse sur le site n’est plus la bonne, et nous récupérons le laissez-passer qui nous permettra d’entrer dans la réserve. Ce samedi, nous partons de bonne heure de Bacongo, nous traversons Brazzaville déjà effervescente jusqu’à Talangaï, puis par la nouvelle route de Kintélé. Un peu plus d’une heure plus tard, nous arrivons au village d’Itaba. Fin du goudron, nous nous engageons sur une piste d’une dizaine de kilomètres jusqu’au village de Mâh. A partir de là, nous quittons le plateau et descendons à pic dans la plaine de la Louna. Une fois sortis de la forêt, le paysage change complètement. A la monotonie du plateau succède un enchaînement de plaines et de collines verdoyantes à perte de vue. 28 BRAZZAMAG.COM
Maman de substitution Quelques minutes plus tard, nous arrivons à la base-vie d’Iboubikro. Au bout de la piste nous attend déjà Sylvie. « Vous avez de la chance, nous dit-elle, vous allez pouvoir rencontrer Dominique, il vient tout juste d’arriver au camp. » Sylvie est éco-garde, elle est une maman de substitution pour les jeunes gorilles hébergés ici avant d’être réintroduits dans la réserve. Et Dominique est son petit dernier : repris aux chasseurs indélicats qui ont tué sa mère dans le nord du pays, Dominique est arrivé blessé il y a quelques jours. Dominique a 18 mois, mais il a la même taille que mon fils qui en a le double. Il se montre rapidement très curieux de ses cheveux blonds bouclés. Réciproquement, le petit blond est très intrigué par les quatre
mains de Dominique et ses grands yeux noirs malicieux. Les deux se jaugent, rigolent ou se roulent par terre. Ambiance cour de récré. Connexion improbable. 34 ans et 200 kilos Le lendemain, lever à 5 heures pour rejoindre le site d’Abio, à 50 kilomètres au nord. Amed nous y attend avec sa pirogue. En face du camp, une île abrite Sid, 34 ans, 200 kilos. A peine avons-nous accosté que le voilà qui surgit des taillis. La caisse de fruits qu’Amed vient de déposer sur l’île n’y est sûrement pas pour rien. C’est l’heure de son petit-déjeuner mais quelque chose ne tourne pas rond. Notre présence semble le contrarier. Première sommation, une mangue passe à quelques centimètres de nos têtes avant de finir dans la Louna. Plutôt amusés, les gardes lui font remarquer son mauvais caractère. S’approchant de l’eau, il feint alors de nous ignorer mais ramasse une poignée de sable. Seconde sommation, en passant en courant devant nous, il nous asperge de sable. Nouvelles railleries des gardes qui se moquent de son manque de précision. Son troisième essai fera mouche, un morceau de bambou m’arrive sur le dos, sans mal. Sid semble satisfait et retourne à ses fruits. Partir avant l'orage Cap au nord, La Louna serpente au fond de la vallée, les arbres qui la bordent forment une forêt-galerie, comme un couloir naturel pour la faune locale. Amed est incollable sur la faune et sur la flore de sa réserve. Nous croisons quelques hippopotames isolés et, sur le retour, un autre gorille solitaire prenommé Kélé. Il nous accompagnera sur la berge sur quelques centaines de mètres, intrigué. Deux heures de descente nous permettent de rejoindre la rivière Léfini puis, de là, le site du mont Ipopi, majestueux. L’orage gronde au loin et annonce une belle pluie tropicale. Nous préférons rebrousser chemin et profiter de la piste sèche pour remonter sur le plateau. Quand l’orage éclate, nous sommes déjà en route pour Brazzaville. La piste est devenue un torrent et il s’en faut de peu pour que nous ne soyons bloqués. Nous quittons donc le pays Téké, ou nous serions bien restés un jour de plus, hors du temps. BRAZZAMAG.COM
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Les richesses du Sur la piste des caravanes et au cœur de l'histoire de l’esclavage, la région de Loango, à une vingtaine de kilomètres de Pointe-Noire, a tout pour séduire : son musée ethnographique, son monastère ou encore ses plages sont autant d'excursions à ne pas manquer. Par Julie Crenn.
LE MUSÉE MÂ LOANGO Diosso est connu pour ses gorges, mais la localité héberge un autre trésor : le musée Mâ Loango. Installé en 1982 dans l’ancien palais du roi du même nom, il présente en quelques salles l’histoire du pays, à travers une exposition sur la traite de l’esclavage, des présentations historiques mais aussi des objets d’artisanat et des outils de travail. Tout comme la collection qu'il montre, Joseph Kimfoko Madoungou, l’expressif conservateur au caractère bien trempé, vaut le détour. Mortiers à manioc, sagaies, arbalètes, masques ou encore instruments de musique traditionnels… « Toute l’histoire du Congo est ici », insiste-t-il. En moyenne, seulement 3 500 visiteurs s’arrêtent chaque année pour écouter les anecdotes de ce conservateur unique en son genre. Infos pratiques : Sur la route de Diosso, tournez à droite juste avant le monument du royaume de Loango (statue d’une main et sept étoiles représentant chacune une province du royaume). Ouvert le samedi et le dimanche de 10 heures à 17 heures. Sur rendez-vous avec le conservateur en semaine. Contact : 05 533 68 16.
LA PISTE DES CARAVANES
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C’est de Loango que partait la piste des caravanes, nom donné à cette « route » reliant Brazzaville à la côte, parcourue à pieds par des milliers d’esclaves. Le port de Loango était en effet le point de départ des bateaux d’esclaves trois siècles durant. Ici étaient embarqués des captifs ramenés de tout le golfe de Guinée, du Gabon à l’Angola en remontant jusqu’en Centrafrique. Principal port de commerce de l’aire géographique, Loango aurait vu passer plus de 1,5 million d’esclaves, partis pour les Amériques dès le XVIIe siècle. Il reste peu de traces de cette histoire puisque les bâtiments du comptoir colonial étaient construits en bois. Difficile d’imaginer qu’ici, face à la beauté de la baie, entrepôts et dortoirs hébergeaient les esclaves et marchandises qui attendaient l’arrivée des navires. L’ancien port d’embarquement des esclaves de Loango est par ailleurs inscrit sur la liste indicative de l’Unesco depuis juin 2008, mais l’érosion marine et les constructions aux alentours n’aident pas à sa préservation. Le conservateur Joseph Kimfoko Madoungou indique aux visiteurs comment rattraper la piste au niveau du musée Mâ Loango. La marche mène jusqu’à l’ancien port.
royaume de loango LE PALAIS DU ROI A côté du musée Mâ Loango, vous ne manquerez pas de voir le nouveau palais du roi, sa majesté Moé Makosso IV. Le souverain du royaume du Loango, intronisé en 2009, est le second chef coutumier vivant avec le roi téké, Auguste Nguempio. La remise du palais à la cour royale a eu lieu le 24 septembre 2016 en grande pompe. Le roi y vit depuis en compagnie de ses deux épouses et de ses enfants. Le royaume de Loango fait partie des neuf provinces que comptait le royaume Kongo. L’actuel roi est le 17e du nom. Difficile d’avoir une audience auprès de Moe Makosso IV. S’il reçoit volontiers ses sujets, notamment pour régler des différends (de type foncier par exemple), il est plus difficile pour de simples visiteurs de le rencontrer. Un chef du protocole nous a ainsi fait parvenir une liste d’offrandes digne d’une liste de dot. Quatre cartons de vin, quatre cartons de « bières importées », quatre cartons de whisky, de l’huile, du riz, du sel, des gâteaux « de qualité », et autres nombreux produits nous ont été demandés pour une interview… Qui n’a donc pas eu lieu.
LE MONASTÈRE DE LA VISITATION
Crédits photos : Julie Crenn
Ouvert en 1965, le monastère de la Visitation héberge actuellement 15 sœurs cloîtrées et contemplatives, toutes congolaises. Leur « vocation première est la prière silencieuse », explique la mère supérieure, Marguerite-Marie, âgée de 52 ans, dont trente-cinq dans les ordres. Fidèles à la devise monastique Ora et Labora (« prie et travaille »), les sœurs consacrent sept heures par jour à la prière et occupent toutes un emploi au sein du monastère : cuisinière, lingère, en charge de l’accueil, etc. Même leurs travaux s’effectuent dans le silence et les sœurs sont autorisées à échanger lors de deux « récréations » par jour. Leur premier gagne-pain est le poulailler, via la vente d’œufs. Aujourd’hui, les sœurs cultivent également les champs, élèvent des poulets de chair, des porcs, fabriquent des yaourts et des objets religieux, en vente dans une petite boutique au monastère. Agées de 19 ans à 66 ans, elles ne vont pas à la rencontre des gens mais accueillent ceux qui viennent à elles. Il est d’ailleurs possible de se loger au monastère, où des chambres sont à la disposition des visiteurs. Pour maintenir l’aide caritative, les sœurs ont fondé en 2015 l’association Sœur MariePia, du nom d’une religieuse française et fondatrice du monastère. Matériel, nourriture, vêtement, argent, tout don est le bienvenu. Pour passer sur place : entre 9 h et 11 h puis 15 h et 17 h. 15 000 CFA la nuit avec les repas. Contact : 06 631 18 47 / 05 762 70 21. BRAZZAMAG.COM
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À LA DÉCOUVERTE DE CONKOUATI-DOULI Crédits Photos : Sarra Guerchani
LA RÉSERVE Créé en 1999, Conkouati-Douli est le plus récent et le deuxième plus grand des trois parcs nationaux. Situé dans le sud-ouest du Congo, sur la côte atlantique, Conkouati-Douli est l'habitat le plus écologique du pays. Les frontières de la zone protégée s'étendent depuis les profondeurs de l'océan Atlantique, à travers l'habitat de plage, les lagunes et les mangroves, la savane et les zones humides aux zones montagneuses du ayombe et de la savane de Niari. La région abrite ainsi une faune extraordinairement variée, avec des espèces marines telles que les lamantins, les tortues marines, les dauphins et les baleines, ainsi que de nombreuses espèces terrestres menacées telles que les éléphants de forêt, les gorilles, les chimpanzés, les mandrills et les buffles forestiers.
HELP Depuis vingt-six ans, Aliette Jamart, une Française, se bat pour la sauvegarde des chimpanzés rescapés du braconnage et de la déforestation. Ce bout de femme a créé en 1990 l’association HELP (Habitat écologique et liberté des primates). Un an après la naissance de l’ONG, le gouvernement met à sa disposition trois îles boisées sur la lagune de Conkouati. Aujourd’hui, environ 40 chimpanzés vivent là-bas. Aliette Jamart, soutenue par ses quelques travailleurs, prend soin des chimpanzés en les nourrissant quotidiennement et en leur apportant le soutien médical dont ils peuvent avoir besoin. Le financement vient majoritairement des aides internationales ainsi que des recettes générées par les activités proposées par l’association aux touristes et la location des bungalows en plein cœur de la réserve. L’association propose également des séjours éco-solidaire de quinze jours à trois mois.
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LE NOURISSAGE DES CHIMPANZÉS L’activité la plus prisée par les touristes est sans aucun doute la sortie sur la lagune avec deux membres de l’association en matinée et en fin d’après-midi pour le nourrissage des chimpanzés sur les trois îles boisées. Des légumes, des fruits, des céréales, sont distribués à chaque repas comme complèments alimentaires. En effet, les îles ne peuvent pas donner assez de nourriture aux chimpanzés. Une grosse partie du budget de HELP passe dans les courses. Environ une fois par semaine, Philippe Jamart, le fils d’Aliette, se déplace à Conkouati pour apporter le stock de nourriture nécessaire. Si vous avez l’occasion de passer quelques jours dans cette réserve, vous apprécierez à coup sûr ce moment magique où Dereck, Yombe et Pepère, trois chimpanzés sur leurs îles respectives, qui portent d’ailleurs leurs noms, vous accueilleront au pied des mangroves.
A LA CROISÉE DES ÉLÉPHANTS La lagune se situe derrière une plage d’environ un kilomètre, qui la sépare de la mer. La vision est époustouflante : les vagues puissantes de l’océan Atlantique se jettent avec vacarme et creusent la plage à droite et à gauche de l’embouchure. En face se trouve la flore profuse de la mangrove. Le parcourt d’environ une heure et demie est reposant, des oiseaux de toutes tailles, formes et couleurs passent. Tous les passagers sont à l’affût d’une branche d’arbre qui bouge dans la forêt qui borde la rivière, car cette sortie est aussi l’occasion de croiser des éléphants, des buffles, et toutes sorte d’espèces de singes sur les arbres. Ne perdez pas espoir car si vous êtes chanceux, vous croiserez un éléphant qui traverse la lagune ou encore des buffles en train de s’abreuver. Difficiles à repérer sans le regard exercé du guide, car souvent les singes sont perchés jusque très haut dans les branches. Il y a encore tant à découvrir dans cette réserve de Conkouati. Pour réserver, vous pouvez passer par l’agence Congo Travel et un chauffeur de l’association pourra vous y emmener. Une voiture 4X4 et recommandée car une partie du chemin vers ce parc national est une piste.
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Crédit photo: Sarra Guerchani 34 BRAZZAMAG.COM
le festin du chimpanzĂŠ (conkouATI)
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Crédits photos : Rey Mangouta/Brazzamag
LES FÉTICHES
TOMBENT LE MASQUE Si le masque téké figure sur tous les billets de francs CFA (en bleu, jaune et orange), rares sont les Congolais qui peuvent l’identifier. Les œuvres d’art traditionnel restent en effet méconnues et difficiles à trouver, du fait de leur mauvaise réputation. Alors, magiques les fétiches ? Par Julie Crenn.
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é, moi j’ai la trouille ! » Telle est la réaction de la majorité des Congolais qui passent les portes de l’Institut français de Pointe-Noire lors d’une exposition d’œuvre d’art congolais. Masques, fétiches et autres statues ont mauvaise presse au pays des Diables rouges. « Ces objets de culte traditionnels sont pourtant notre identité », regrette le conservateur du musée Ma-Loango, Joseph Kimfoko Madoungou. Car chacun de ces objets avait une fonction et un usage précis (lire page ci-contre). « Je pouvais commander un fétiche pour la guérison de ma jambe ou alors une sculpture de maternité pour que ma femme tombe enceinte », explique encore le conservateur. « Comme un téléphone portable » Une fois l’objectif atteint, la magie de l’objet s’arrêterait d’elle-même. « Souvent, après avoir servi, l’objet sert aussi de décoration dans le village », tient à préciser Christian Sanga Pamba, antiquaire à Brazzaville. Certains, à l’instar de Magloire Nzonzi, de la galerie du Bassin du Congo, aiment à jouer avec les peurs du public. « Les miroirs des fétiches sont des réceptacles, de véritables radars et on ne peut plus s’éloigner du regard du sorcier ! » s’amuse-t-il à raconter aux visiteurs de son musée brazzavillois. « N’ayez pas peur, ici, les objets sont déchargés de magie, et si vous les chargez, c’est tant pis pour vous ! C’est comme un téléphone portable… » prétend-il en rigolant. « C’est vrai, parfois, certaines pièces sont toujours chargées, admet Christian. Et là, oui, il faut faire une cérémonie avec le propriétaire de l’œuvre et un féticheur », rappelle celui qui parcourt le pays à la recherche d’objets à vendre. Et ces derniers se font de plus en plus rares. « Il y a trois aspects pour une œuvre : la beauté de la pièce, l’authenticité, c’est-à-dire une pièce qui a été sculptée par un artiste initié de la bonne 36 BRAZZAMAG.COM
tribu, et enfin l’ancienneté », explique Christian avec passion. En matière d’ancienneté, difficile de nos jours de trouver des pièces de plus de cinquante ans – et attention aux réseaux de fabrication de copies d’antiquités. Une culture à expliquer et à transmettre Suite aux superstitions et à la disparition progressive de l’animisme, ce savoir ne s’est en effet pas transmis. Aujourd’hui, la production et l’usage de ces objets ses sont quasiment arrêtés. « Le principal problème, c’est l’ignorance. Il faudrait que cette culture figure dans les programmes d’éducation du Congo et que les Congolais se la réapproprient », s’emporte Joseph. Un besoin de transmission et une tension entre tradition et modernité… « L’Eglise a fait beaucoup de mal en diabolisant ces croyances. La peur et le rejet de cet héritage se sont transmis à travers les décennies », ajoute-t-il en soupirant. Un point de vue partagé par Christian : « La superstition autour de ces œuvres s’arrêtera si l’on enseigne leur histoire. Parce qu’il n’y en aura bientôt plus. » POUR VOIR DES OEUVRES : Villa Monama (Brazzaville) : 06 672 97 00. Galerie Mak-R-D (Pointe-Noire) : 05 533 84 34. Mess Gaps (Dolisie) : 05 557 38 16. La galerie du Bassin du Congo aux Dépêches de Brazzaville. Contacts vendeurs : Christian Sanga Pamba : 06 671 83 47. Serge Kibosa Tuana : 05 339 75 22.
Masque Punu
Cimier Kiebe-Kiebe
Masque Kwélé
Ce type de cimier destiné à être dansé jouait un grand rôle au sein des cérémonies d'initiation des jeunes gens. Le cimier vivement coloré et perché sur un bâton était tenu à bout de bras par un danseur. Celui-ci, caché sous un ample vêtement de feuilles séchées, de tissus ou raphia, quelquefois juché sur des échasses, virevoltait en soulevant des nuages de poussière. Les cimiers peuvent représenter des tas de personnages, de la jeune fille à marier, au guerrier en passant par le général De Gaulle.
Ce masque est un exemple intéressant de l'association de traits zoomorphes et anthropomorphes. Originaire du nord Congo, ce masque a probablement été conçu pour danser, ainsi que le suggèrent les yeux percés. D'après Christian Sanga Pamba, ces masques seraient utilisés dans les cérémonies d'initiation des jeunes gens et les levers de deuil. Ils s'inscrivent probablement dans le cadre du culte Béété, une confrérie initiatique. Le visage fortement creusé présente une forme de cœur caractéristique et frappe par ses yeux presque clos. Leur forme étirée souligne la vigilance de l'esprit du masque.
Statue de Sage Bembé
Figure de reliquaire Kota
Fétiche Kongo
Cette figurine n'appelle pas de culte particulier. Elle est un objet de vénération et d'inspiration pour la communauté et représente un ancêtre réel ou mythique vénéré par tous. Ce type de statues de relativement grande taille est détenue par le Mfumu Mpu, le chef élu. Elle assure la protection du village, des récoltes et de la chasse.
Très caractéristiques de l’art funéraire au Congo, ces portraits abstraits en laiton ou cuivre représentaient les ancêtres défunts. Ces objets étaient destinés à protéger l'âme des morts dont les ossements étaient conservés dans un panier en écorce. Fixé sur le dessus du panier, ce losange représentait les bras et les épaules du reliquaire. Ces reliques étaient gardées par un des membres du clan.
Ces fétiches à clous que l’on appelle « Nkondi » étaient utilisés pour la protection des maisons ou des villages. Sur leur ventre, un réceptacle contient des matières magiques où un miroir sert à refléter les mauvais esprits et à les effrayer. Chaque clou ou objet de fer est une imploration adressée à l'esprit du fétiche.
Les masques blancs des Punu sont si célèbres que Matisse et Picasso en possédaient tous deux un. Ces masques représentent les ancêtres et sont utilisés lors des rites funéraires. Les hommes porteurs de ces masques étaient montés sur de grandes échasses lors de cérémonies, afin d’obtenir la protection et la bienveillance des morts.
Crédits : Œuvres de la collection Georges Cellier à la Villa Monama. Explications Christian Sanga Pamba. Photos : Rey Mangouta/Brazzamag. BRAZZAMAG.COM
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Peuples autochtones, L'appel de la forêt Les peuples autochtones congolais perdent peu à peu leur héritage ancestral. Sédentarisés ou semi-nomades, ils sont souvent marginalisés et peinent à s'adapter sans se renier. Rencontre avec eux dans la Sangha. Textes et photos par Julie Crenn.
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e matin, la première chose à laquelle je pense, c’est d’aller en forêt chercher de quoi manger. » Le vieux Léonard, le regard plissé par les rides qui bordent ses yeux, se tient dans un coin du mbongui, où les hommes se réunissent et discutent des conflits du village. Dans sa main usée par les années, il tient le bâton qui l’aide à marcher. Ici, c’est Paris, « Paris village », bien sûr, puisque seulement 540 personnes vivent dans cette localité en bordure de route, à une cinquantaine de kilomètres de Ouesso. La majorité de ceux qu’il ne faut plus appeler « pygmées », car le terme est jugé péjoratif, sont sortis de la forêt depuis de nombreuses années et se sont sédentarisés.
de la forêt, la chasse surtout. « Tu leur donnes une cartouche et ils te ramènent du gibier pour midi », clame fièrement Sylvain, le chef du village, en désignant un groupe de jeunes. Les gazelles ou porc-épics abattus par Désiré, Anicet et Donald ne sont pas mangés mais vendus au village, à coup de morceaux de 100 francs. Parfois, un gibier entier est acheté par un taxi qui s’en va à Ouesso. Les anciens nomades se déplacent rarement désormais. La dernière fois que Sylvain s’est rendu dans la capitale de la Sangha, c’était à l’occasion des fêtes du 15 août 2015, lorsque les autorités avaient souhaité sa présence. « Pour sortir, il faut des sous », explique l’intéressé.
Sédentarisation et acculturation La réalité du XXIe siècle est bien loin de l’image d’Epinal du « petit homme » nu dans la jungle. « Leur environnement est détruit par l’exploitation forestière ou par des fermiers », regrette Sorel Eta, « ethnologue de l’université de la forêt », comme il aime à se présenter. « Je côtoie les autochtones depuis vingt ans. Je me souviens qu’à l’époque, on voyait du gibier partout dans la forêt. Maintenant, on agrandit les plantations, on brûle... Si la forêt était restée telle qu’elle était, ils auraient gardé leur mode de vie traditionnel », assure-t-il. Car ces populations s’adaptent difficilement au mode de vie de leurs cousins Bantous... qui profitent parfois d’eux. Dans les régions de la Likouala et de la Sangha, il n’est pas rare de recueillir des témoignages de situation de quasi-esclavagisme. « Quand j’étais petit, dans mon village, chaque famille avait "ses autochtones". On pouvait leur faire faire tout ce qu’on voulait. Contre rien ou presque, un champ entier contre un paquet de cigarettes par exemple », se souvient Faustin, fonctionnaire bantou en poste dans le sud du Congo. Aujourd’hui, les autochtones de Paris et d’ailleurs travaillent à la tâche, contre 500 ou 1 000 francs CFA. Les autres sources de revenus des autochtones sont donc celles
Ecole du blanc versus école de la forêt « Un jour, ils sont là, le lendemain ils sont absents », se plaint Joseph Kiva devant sa classe. Sur les 203 élèves de l’école du village, 184 sont autochtones, d’après le directeur, qui ajoute : « C’est très difficile de leur faire cours, ils ne sont pas réguliers. » Bien souvent en effet, les enfants restent au village ou accompagnent leurs parents en forêt. « C’est là qu’on leur apprend la chasse et la cueillette », se justifie Augustine, l’accoucheuse du village. Un point de vue partagé par Sorel Eta. « L’ethnocentrisme est une grosse erreur ! Nous les jugeons selon notre culture au lieu d’accepter la leur », s’énerve-t-il. « La forêt, c’est une école en soi, même si ce n’est pas la même que nous, l’école du Blanc. Mais leurs enfants ont-ils vraiment besoin de changer d’école ? »
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Demander à un autochtone s’il aime la forêt revient à demander à un poisson s’il aime l’eau. C’est une évidence. Et pourtant, lorsque la possibilité de retourner vivre en forêt est évoquée, le refus est clair et net. « C’est trop difficile », disent les uns. « C’est un temps révolu », assènent les autres. Les visages sont fermés, outrés même rien qu’à l’idée de ce retour en arrière.
Ces débrouillards de la forêt ne peuvent pas s’en passer mais ne peuvent plus y vivre non plus, écartelés entre deux cultures. Changer le regard sur ces populations « Ce sont de vraies encyclopédies de la forêt : ils utilisent la résine des arbres pour l’éclairage, connaissent chaque racine comestible ou des techniques de conservations de la nourriture issues de la nature », répète Sorel Eta, qui appelle à sauvegarder cette culture. « Je voudrais qu’on les accepte tels qu’ils sont, qu’on respecte leurs traditions, qu’on évite de les juger et que l’on œuvre à leur préservation. Et ça commence par les mettre en confiance, les écouter et organiser la transmission de leur savoir. » Une confiance qui ne sera possible que lorsque les préjugés tomberont et qu’un travail d’éducation et de sensibilisation à la cause des autochtones sera réalisé. A commencer par les représentants de l’autorité qui, tout en leur reprochant un certain amour de la boisson alcoolisée, leur en offrent à chaque visite… L’heure a passé sous le mbongui, et le vieux Léonard conclut : « Nous avons besoin d’aide, notre vie est pénible. » Les yeux dans le vide, le vieil homme se lève avant de partir dans la forêt commencer sa journée.
LES CHIFFRES
Le Centre national de la statistique et des études économiques estime que l’effectif des populations autochtones s’élevait à 43 378 personnes en 2007, soit 1,2% de la population congolaise de l’époque. Bien que présentes dans tous les départements du pays, les populations autochtones se répartissent inégalement sur le territoire puisqu’elles restent concentrées dans trois départements, la Likouala, la Lékoumou et la Sangha.
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la sape AU FÉMININ
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« La sape, ça me libère… » « Une fois que tu es dans la sape, tu prends la même autorité qu’un homme » Créée, popularisée et publicisée par des hommes, la société des ambianceurs et des personnes élégantes (sape) est aussi une affaire de femmes. Nono et Michelle ont raconté leur vie de sapeuse à Brazzamag. Par Julie Crenn.
S
i vous passez un jour de semaine à son nganda du quartier Mpissa, à Brazzaville, vous rencontrerez Honorine, alias Nono, quinquagénaire plutôt timide et mère de deux enfants. Pourtant, la patronne du petit commerce se métamorphose régulièrement. Pantalon pied-de-poule bordeaux, veste assortie, chemise blanche à manchettes, nœud papillon rouge, bretelles, montre et lunettes Armani… et voilà Nono « noblesse de Paris » ! L’esprit de l’élégance et de la tchatche s’empare de la femme. « Même moi, je ne la reconnais plus », s’amuse sa fille Nobelcie, 28 ans. Fini l’Honorine réservée, Nono devient extravertie, se métamorphose, frime, tchatche, tape du pied et grimace. « Je ne la maîtrise plus », ajoute Nobelcie avec malice.
ler les chaussures, "le patinage artistique" quand tu glisses avec tes chaussures et que tu tournes, ou encore la pose, comme les mannequins », raconte Michelle.
En représentation permanente Etre sapeuse est une activité qui ne connaît pas de pause. Même lorsqu’elles sont « en relax », les jours où elles ne s’habillent pas sur leur 31, les adeptes de la société des ambianceurs et des personnes élégantes doivent être sur leur garde. « Il faut faire attention et être toujours belle », affirme Michelle. Car une sapeuse est en représentation permanente. Dans les quartiers, tout le monde les attend. « Quand tu sors de chez toi, tu attires l’attention, il y a des gens qui crient ton nom alors tu es obligée de faire des diatans et de Un mode de vie et des techniques frimer. Donc oui, ça change ton comportement », réfléchit Michelle. N’est pas sapeuse qui veut, car l’activité demande du caractère et Un style et un mode de vie qui ne sont pas acceptés par tout le du courage. « Faire la frime et la diatans [la marche des sapeurs, monde. « Certaines personnes m’ont dit que je devais rester à la de « diata », frimer en lari] devant les maison et arrêter ! Mais quand tu comgens, ce n’est pas facile », explique Mimences la sape, tu ne peux plus en sortir », « Il faut savoir comment parler, chelle Kibembe, alias « la Parisienne ». s’indigne Nono. « Ma mère ne comprenait marcher, danser et traivailler « Je me souviens de ma première fois… pas du tout ce que je faisais ni pourquoi, ton allure, ta tchatche. » J’ai eu quelques blâmes de mes frères ajoute Michelle. Il a fallu que je lui explique sapeurs. » La sape s’apprend. Aussi bien que c’était mon rêve pour qu’elle me soutiMichelle, sapeuse. en termes vestimentaires – pour éviter enne. » la faute de goût – qu'en termes d’attitude. « J’ai été entraînée par un ami, Ely. Il faut savoir comment parler, marcher, danser et travailDifficulté dans les rapports avec les hommes ler ton allure, ta tchatche », énumère la grande Brazzavilloise aux « Les sapeuses ont la réputation d’être difficiles et d’avoir du carcheveux courts et teints en blond qui rêvait de devenir sapeuse depactère », explique Patience, sapeur du collectif des Diables rouges, uis l’enfance. Et les techniques des sapeurs sont aussi nombreuses auquel appartient Michelle. Cette dernière confirme : « Une fois qu’originales : « Il y a "faire les claquettes", c’est-à-dire faire parque tu es dans la sape, tu prends la même autorité qu’un homme. » Une force de caractère qui mettrait en danger la virilité masculine… « Une femme qui est dans la sape est difficile à fréquenter pour certains hommes », confirme Ely, sapeur de style « extravagant ». Du coup, beaucoup de sapeuses, comme Michelle, sont des femmes de sapeurs. Pour Nono, il en est hors de question. « Ha non, ça casserait le rythme ! Ça ferait de la compétition dans la tchatche et la marche ! », s’exclame-t-elle, tout en soulignant que son copain doit tout de même « avoir du style ». Patience lui aussi refuse de sortir avec une sapeuse. D’après lui, cette association ne peut pas fonctionner. « Un sapeur et une sapeuse ensemble, c’est trop de caractère ! Tu peux imaginer le niveau chamaillerie ? », s’emportet-il, hilare. En attendant d’être complètement acceptées par les hommes, ces femmes fortes qui leur tiennent tête le font avant tout pour elles. Comme le rappelle Michelle : « La sape, ça me libère, c’est mon moyen de me retrouver. J’oublie tous mes problèmes tellement ça m’anime. »
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CrĂŠdit photo : Rey Mangouta/Brazzamag BRAZZAMAG.COM
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Yann Mokoko
Responsable du recrutement au sein d’un groupe international leader dans le secteur du e-commerce et ancien chasseur de tête, Yann Mokoko a lancé en janvier 2016 la plateforme RH Talenbiz, destinée à l'échange et au réseautage des jeunes talents congolais nationaux et de la diaspora. Titulaire d’un master 2 de grande école de commerce en Ressources Humaines, il s’emploie depuis quelques années à aider les talents nationaux et expatriés dans leur carrière en Afrique. Ces derniers sont souvent confrontés au manque de visibilité sur le marché de l'emploi local de certains pays africains, dont le Congo, ainsi qu’au manque d’attractivité de ces marchés pour les nombreux candidats à l’expatriation. Yann Mokoko partage chaque mois des conseils pour vous aider dans votre recherche de travail ou dans vos projets d'entreprises.
Talent Management & Recruitment Specialist fondateur @Talenbiz contact@talenbiz.com www.talenbiz.com www.linkedin.com/in/yannmokoko
L’ENTREPRENEUR AFRICAIN À SUCCÈS Pour s’imposer comme un entrepreneur africain à succès, il faut être armé, et les meilleurs entrepreneurs disposent de certaines caractéristiques très claires qui leur permettent de réussir.
Il fait ce qu'il peut, avec ce qu'il a faire « Think big but start small » (« pensez grand mais démarrez petit »). Regardez ce qui vous entoure, avec vos moyens du moment, ce que vous êtes capable d’offrir et qui pourrait servir les personnes autour de vous. C’est la meilleure approche pour démarrer un projet. Entreprendre, c’est vouloir régler les problèmes des gens autour de soi Améliorer le quotidien de son entourage est la meilleure manière d’aborder l’entrepreneuriat, notamment en Afrique, où les besoins du quotidien restent nombreux à satisfaire. Derrière chaque problème se cache une opportunité à tourner à son avantage dans une logique business. L’entrepreneur est un passionné Trouvez une activité que vous aimez faire. Une activité qui vous donne envie de vous lever le matin, avec ou sans contrepartie financière, par pure passion. C’est cette passion qui constitue la flamme de l’entrepreneur. 44 BRAZZAMAG.COM
carrière Il fait confiance à son instinct Un bon entrepreneur doit être habitué à entendre des phrases du type « qu’est-ce qui te fait penser que tu peux réussir ça ? » ou encore « si c’est une si bonne idée, pourquoi personne ne l’a fait ? ». Ces mots reflètent souvent les doutes dans l’esprit de ceux qui les prononcent, doutes qu’ils essayent alors de vous transmettre. Il est important de pouvoir garder la tête froide et d'écouter cette voix dans votre tête qui vous dit : « tu peux le faire ». Il sait dire « non » lorsque c’est nécessaire… « Non » est l’un des mots les plus puissants du monde des affaires. Lorsque l’entrepreneur ne se sent pas pleinement en phase avec ce l’on lui propose, il sait faire marche arrière et défendre sa vision. Dire « non » impose le respect et permet aux gens autour de soi de se rendre compte de la force de ses con-
victions et de ses idées. …mais il est également capable d’écouter et d’apprendre de ses erreurs La capacité de remise en cause est fondamentale pour réussir. Chaque entrepreneur doit savoir tenir compte des retours négatifs qu’il reçoit dans le but de corriger son approche ou sa stratégie lorsque nécessaire. L’entrepreneur à succès reste fidèle à ses principes « Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit », tel est le credo de nombreux entrepreneurs à succès qui ont fait le choix de rester fidèles à leurs principes, quelles que soient les circonstances et les opinions. Ils n’essayent pas de faire des ajustements à la vavite, pour éviter des critiques difficiles à accepter et c’est cette authenticité qui leur sert au quotidien.
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7 SIGNES QUI MONTRENT
QU'IL EST TEMPS DE CHANGER D'EMPLOI Il n’y a rien de plus regrettable dans une vie professionnelle qu’un talent mal exploité. Quels sont les signes qui montrent que vous devriez quitter votre emploi pour sauver votre carrière ? Vous ne progressez plus Si vous occupez le même poste depuis trois ans, sans la moindre évolution de responsabilités ou de tâches, alors il est temps de chercher un nouveau challenge. Même dans de grands groupes, où les promotions sont dures à obtenir, vous devriez avoir la possibilité d’évoluer dans ce laps de temps. Vous ne recevez pas de « feedback » sur votre travail Si votre manager direct ne vous donne pas de « feedback », ou si ce retour sur le travail accompli est générique et ne vous donne pas la possibilité de vous corriger, alors il est très difficile de savoir ce dont vous avez besoin pour évoluer. Les meilleurs managers sont concernés par le développement professionnel de leur équipe et leur offrent régulièrement des conseils pour les faire progresser. Vous n’apprenez rien ! Si votre courbe d’apprentissage s’est réduite et que vous ne vous sentez plus challengé, c’est le signal que vous avez besoin d’un nouvel environnement professionnel. Si ces possibilités d’évolution n’existent pas dans votre société, c’est que votre entreprise ne prend pas au sérieux le développement des compétences de ses employés. Vos collègues quittent le navire Quand vous remarquez que vos collègues cherchent à quitter leur emploi en nombre (spécialement ceux considérés comme compétents), recherchant des portes de sortie tous azimuts, cela indique qu’il y a de
meilleurs cadres de travail que celui que vous occupez actuellement. N’hésitez pas à demander à vos anciens collègues les raisons de leur départ. Leurs réponses seront peut-être applicables à votre situation. Votre société est en perpétuel chantier Si votre société annonce régulièrement réorganisation et autres changements de stratégies, ceci peut indiquer des problèmes de leadership ou un management fragile. Les réorganisations peuvent être une opportunité pour montrer ses talents, mais elles sont la plupart du temps synonymes de turbulence à tous les niveaux. Les recruteurs vous contactent Les prises de contacts de la part des recruteurs n’aboutissent pas toujours à une opportunité intéressante, mais il serait dommage de les ignorer complètement. Une forte demande vous concernant indique que votre industrie est « en mouvement » et que les entreprises de votre secteur embauchent. Considérez ces échanges comme une étude de marché qui vous permettrait de savoir qui embauche, sur quel type de fonctions et surtout à quel niveau de salaire. Vous avez l’impression d’avoir fait le tour de votre poste Au-delà de ces signes alarmants, n’ignorez pas ce que dit votre cœur. Personne ne connaît votre environnement de travail mieux que vous, alors si vous avez le sentiment que vous pourriez être mieux ailleurs, écoutez votre intuition et mettez-vous en quête d’un nouveau challenge.
RÉUSSIR SON CHANGEMENT DE CARRIÈRE Une carrière n’est pas un sprint mais une course de fond. Vouloir changer de métier peut être lié à une crise économique frappant son secteur d’activité – comme la crise du pétrole qui a frappé dernièrement l’ensemble des pays producteurs – ou à une expérience et un âge qui, avançant, ne permettent plus d’accéder aux opportunités du début. Quelles sont mes attentes ? Identifier ce que l’on ne veut plus faire est la partie la plus aisée de cette évaluation. Si vous voulez prendre les meilleures décisions pour votre carrière future, il est important de comprendre et d’analyser vos centres d’intérêts de manière très précise. Qu’est-ce que vous aimez le plus faire lorsque vous êtes au travail ou durant votre temps libre ? 46 BRAZZAMAG.COM
Cette première évaluation est la clef pour savoir comment orienter votre recherche. Où en est le marché de l'emploi ? Une fois que vous aurez découvert (ou redécouvert) vos passions et centres d’intérêts, prenez le temps de faire l’état des lieux des offres d’emploi à pourvoir dans ces domaines. Il faut pouvoir élargir les horizons d’une recherche pour la rendre efficace. Parfois, pour aller plus loin, repartir de zéro est nécessaire.
carrière Plus le changement de domaine est radical et plus le temps de recherche que vous devrez y consacrer sera important. Quid de mes compétences ? Certaines de vos compétences techniques et expériences actuelles et passées vous seront très utiles dans le cadre de votre recherche d’un nouvel emploi. De nombreuses compétences (communication, leadership, organisation) sont transférables et applicables dans le cadre de l’emploi que vous visez. Place à la formation ! La formation est importante dans votre démarche de changement de carrière. Prenez votre temps. Il est important de maîtriser de nouvelles compétences avant de pouvoir se projeter dans une nouvelle fonction. Si la compétence dont vous avez besoin peut également rentrer dans le cadre de votre emploi actuel, voyez avec votre employeur s’il pourrait vous financer un programme de formation, ou vous autoriser à vous former par vos propres moyens, sur votre temps de travail (cours d’anglais, renforcement Windows Office, etc.).
Assistez à quelques cours pour voir si le programme vous plaît, sans oublier d’avoir vérifié au préalable les accréditations de l’école ou de l’organisme, ainsi que les taux de réussite. Développez votre réseau Les personnes faisant parti de votre réseau pourraient vous donner des pistes d’emploi, ou même des conseils et des informations utiles dans le cadre de votre recherche. Même lorsque vous n’êtes pas conscient d’avoir un réseau élargi, considérez vos amis, votre famille et bien sûr vos actuels et anciens collègues de travail. Soyez flexible ! Avant de vous constituer une crédibilité dans votre nouveau domaine d’activité, vous devrez vous montrer flexible dans le but de vous créer de nouvelles opportunités d’emploi. Qu’il s’agisse de votre statut professionnel (de cadre à agent de maîtrise par exemple), de vos conditions de travail, ou même de votre salaire, il faudra sûrement faire des sacrifices, pour atteindre votre but.
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Stefania Guida Entrepreneure
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Stefania Guida, femme d’affaires sicilienne, a été professeure d’anglais et agente immobilière avant de devenir entrepreneure dans plusieurs secteurs d’activité au Congo. Africaniste dans l’âme, elle vit à Pointe-Noire depuis 2009. Par Karla Cécile.
la voir en cette après-midi de décembre si élégante et impeccable dans sa robe marine, on ne peut s’empêcher de lui poser une question bateau : comment fait-elle ? Et puis un doute nous frappe, alors on décide de remballer notre interrogation et on passe à des questions plus sérieuses, histoire de faire connaissance avec cette Sicilienne aux yeux qui pétillent. Rien ne présageait que Stefania Guida atterrirait sur le continent, mais, comme la majorité des femmes expatriées, elle a suivi son compagnon, Andréa. Au Nigeria en 2004, puis au Congo en 2009. C’est sans trop réfléchir et malgré la réticence de ses parents à voir leur fille partir à plus de 6 000 kilomètres qu’elle embarque pour l’aventure. « Dès qu’il s’est agi d’Afrique, j’ai tout quitté. Je ne sais pas pourquoi, l’Afrique a
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toujours été mon rêve. La première fois que je suis sortie de l’avion, je me suis dit que c’était sur ce continent que je voulais vivre », revit-elle de sa gestuelle très vive. 100 % made in Congo En arrivant à Pointe-Noire, Stefania parlait très mal français. Un jour, alors qu’elle discute de ses perspectives d’emploi au Congo, une proposition lui tombe du ciel. « Un monsieur s’est approché de moi et m’a proposé d’être sa directrice commerciale. Il avait sans doute entendu une partie de ma conversation au café. » Elle, convaincue que « le Congo est une terre d’opportunités », ne rêve que d’un travail qui procure du plaisir. « Je ne voulais pas avoir des horaires administratifs. Je voulais
La dame de cœur « L'Afrique m'a permis de m'accomplir » m’épanouir en faisant quelque chose que j’aime vraiment et être libre de gérer mon emploi du temps. » L’homme rencontré au café deviendra ainsi son employeur chez Fast Express, une compagnie de location de voitures et d’engins ainsi que de construction. Quelques années plus tard, ils s’associent à hauteur de 50% dans cette compagnie, puis dans un pressing. Cette Italienne charismatique n’a pas froid aux yeux, malgré la conjoncture économique. Au premier trimestre 2017, elle lance une nouvelle marque d’eau de Javel (le produit ménagé le plus prisé au pays) 100 % made in Congo, « du bidon jusqu’au produit, tout est fabriqué ici », explique-t-elle fièrement. Quand on l’entend parler avec son accent tonique, elle donne l’impression que rien ne peut l’arrêter. Cette énergie et cette ambition, Stefania les doit à sa mère : « Elle est mon modèle. J’ai commencé avec elle dans l’immobilier en Italie, elle m’a tout appris. » « Je veux encourager les jeunes » Stefania fait partie de ces rares expatriés qui se font un devoir de développer le pays en offrant de l’emploi à tous ceux qu’elle croise, ou presque. Il suffit de passer devant le pressing situé à quelques mètres de la pâtisserie Citronnelle pour le constater. A sa demande, des jeunes hommes habituellement errant dans les rues de Pointe-Noire lavent toutes les voitures garées dans le coin. En échange, elle leur assure au moins deux repas par jour. « Je veux encourager les jeunes à travailler, à devenir autonome, on ne peut pas gagner sa vie juste en mendiant dans la rue, explique-t-elle. Je me réalise quand j’aide les jeunes. Nous ne devons pas oublier que nous sommes dans leur pays avant tout. Je veux investir pour eux. L’Afrique m’a permis de m’accomplir. Je lui dois beaucoup. » Les journées de Stefania sont rythmées pas une passion : les animaux. Ainsi, elle se prépare à ouvrir une animalerie au cœur de la ville océane. Un projet qui lui tient particulièrement à cœur, car elle souhaite reverser un pourcentage mensuel des ventes à des orphelinats congolais. La constuction et la location de voiture, un pressing, une usine d’eau de javel, et bientôt une animalerie, Stefania se sent profondément bien au Congo. Si son mari devait partir pour un autre pays, elle resterait ici. « Je finirai ma vie ici, je ne bouge pas d’ici, notre maison est ici », revendiquet-elle avec assurance.
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MY GELATO, LE PALAIS DES GLACES Samy Chaer, pilote de ligne d'origine libanaise, a décidé de tout plaquer pour se lancer dans les affaires. A Pointe-Noire, il a créé My Gelato, un glacier à l'italienne. Par Brenda Guarneros.
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près avoir fini ses études de pilote aux Etats-Unis, Samy Chaer rentre dans son pays d’enfance, en RDC. Il travaillera comme pilote jusqu’en 2010 avant de se lancer dans les affaires. A Kinshasa, il découvre le métier de glacier par un de ses amis qui tient un établissement. « Ça m’a fasciné, je voulais savoir comment ça se faisait et découvrir toutes les possibilités d’arômes. » C’est à ce moment-là que l’ancien pilote de jet privé démarre son projet. En 2014, direction l'Italie, où il intégrera une de plus prestigieuses écoles du métier, la Carpigiani Academie de Bologne. Grâce à sa persévérance, il réussit un an plus tard, en juin 2015, à ouvrir My Gelato. « C’est une idée qui me tenait à cœur depuis des années. J’ai décidé de me lancer. » Epatant au palais Le secret de My Gelato repose sur la qualité sous toutes ses formes. Tout d’abord, la qualité des produits. Samy veille à faire venir d’Italie chaque ingrédient clé pour donner ce goût épatant au palais. Mais il fait aussi vivre le commerce local en s’approvisionnant des matières premières comme le lait, le sucre, la crème, etc. Ensuite, la qualité dans l’élaboration du produit. Les glaces sont fabriquées sur place de façon traditionnelle, à l’italienne. Et il propose environ 50 arômes différents. Finalement, la qualité de service. A My Gelato, dont l’equipe est composée de huit employés y compris le maître glacier, on est accueillis avec un grand sourire, le tout dans un cadre simple, joli et chaleureux ! Un deuxième local à Brazzaville Comme tout commerçant, Samy, avec persévérance, doit faire face à la conjoncture actuelle. Malgré tout, « nous restons positifs », confie-t-il. My Gelato a encore beaucoup de projets, il souhaite s’agrandir ainsi qu’élargir sa gamme de produits, pour ensuite ouvrir à Brazzaville son deuxième local, et après, qui sait ? Se développer dans d’autres pays africains !
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EN AFRIQUE, CANAL+ VA DROIT AU BUT La grand-messe du football africain, la Coupe d’Afrique des nations, organisée au Gabon en 2017, sera diffusée exclusivement et en direct sur les chaînes Canal+ Sport. De même que les plus grandes compétitions de football africain pendant les sept prochaines années. Cet accord qui a coûté des millions permet au groupe de se rapprocher de ses abonnés africains.
L
e premier rendez-vous incontournable sera la Coupe d’Afrique des nations Total, Gabon 2017, à vivre en direct et en intégralité sur les chaînes de sport de Canal+ du 14 janvier au 5 février. A la suite de ce grand événement sportif seront diffusées des compétitions africaines majeures telles que le Championnat d’Afrique des nations, la Ligue des champions de la CAF, la Coupe de la confédération de la CAF, la Super Coupe de la CAF, les matchs de qualification pour la prochaine Coupe du monde FIFA 2018 et les phases finales de la CAN féminine, de la CAN U17, de la CAN U20, de la CAN U23 et de la CAN de Futsal. Affirmer sa supériorité L’ensemble de ces compétitions bénéficiera d’un traitement unique sur les quatre chaînes Canal+ Sport, alliant expertise et passion du football. « Cette acquisition permet au groupe Canal+ de confirmer son positionnement de diffuseur sportif de premier plan en Afrique francophone. A ce titre, nous sommes honorés de participer à la mise en valeur de rendez-vous incontournables du football africain sur nos chaînes Canal+ Sport en Afrique », a déclaré Jacques du Puy, président de Canal+ Overseas. La bataille pour la CAN 2017 n’a pas été facile, les Qataris avec BeIN Sport ont pu se permettre une diffusion hors Afrique. Canal+ s’est rallié à Lagardère pour peser dans les accords. En effet, être diffuseur exclusif assure au groupe une hausse des ventes de décodeurs et permet
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d’affirmer sa supériorité en termes de programmation qui était jusquelà très pauvre en sport africain (absence de la CAN féminine et d’autres championnats interafricains) « L'ADN de Canal+ » Connaissant une période commerciale morose en France, Canal+ se rabat sur le marché africain, plus dense et plus jeune. Cependant, avec des acteurs internationaux de plus en plus agressifs (dont le chinois StarTimes), Canal+ contre la menace en gardant son côté premium du contenu mais en offrant du grand spectacle. Quand la concurrence propose les championnats de football italien et espagnol, Canal+ achète les droits de la célèbre chaîne NBA TV : « La NBA est dans l'ADN de Canal+ ! Nous som mes très heureux de pouvoir offrir le meilleur du basket-ball à nos abonnés africains grâce à ce partenariat formidable avec Kwesé et Econet », ajoute Pierre Chaudesaygues, directeur des chaînes Sport de Canal+ Overseas. Pour toucher un maximum d’amateurs de sport, Canal+ a baissé ses prix de 50%, le prix du décodeur passant de 20 000 francs CFA à 10 000. Cet accord signé entre la Confédération africaine de football, Lagadère et Vivendi va permettre au groupe francophone de diffuser les compétitions les plus prestigieuses et coûteuses d’Afrique sur ses quatre chaînes sport griffées Canal+, un beau cadeau en ce début d’année pour les plus de 2 millions d’abonnés africains !
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Michaël OHAYON Spécialiste des médias et des nouvelles technologies. Fondateur et dirigeant de la société Azoy Studio, société de prestations et de conseil, dont le siège est en France. Il possède 20 ans d’expérience dans le secteur et a développé de nombreux projets de chaînes tv et projets innovants dans plusieurs pays, notamment en Afrique et récemment au Congo Brazzaville avec le lancement d’Africanews. Il nous fait partager à travers une chronique intitulé INFLUENCE MEDIA sa vision et son expérience du secteur audiovisuel et des Nouvelles Technologies. Sa connaissance de l’Afrique et du Congo Brazzaville nous donne une perspective locale dans un secteur en constante mutation, aux enjeux forts pour notre continent et notre pays. Brazzamag vous laisse découvrir cette première chronique qui nous l’espérons en appelleront d’autres. mohayon@azoystudio.com
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LA TÉLÉVISION, C’EST (BIENTÔT) FINI, VIVE LA LIBERTÉ !
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ous regardez tous ou presque la télévision. Vous avez accès à des chaînes qui proposent des films, des matchs, des informations, des séries — oui, bien sûr, Novelas TV !
Mais les temps changent. On ne consomme plus les vidéos comme avant. Les changements ont commencé partout sur la planète, et l’Afrique n’est pas en reste, elle est même un moteur de changement. La population, jeune et nombreuse, influe sur les évolutions. Le concept de « saut de technologie », souvent observé en Afrique (par exemple : le téléphone fixe n’existe quasiment pas sur le continent et la population a très rapidement adopté le téléphone mobile, plus rapidement qu’en Europe), jouera en faveur d’une évolution rapide, ici au Congo. Un monde « du possible » Nous avons aujourd’hui accès à la télévision numérique, avec l’arrivée de la TNT à Pointe-Noire et à Brazzaville (le reste du pays prochainement). Les acteurs majeurs que sont le précurseur TNT Africa et Easy TV 56 BRAZZAMAG.COM
(Groupe Canal+, le leader du satellite et nouvel entrant TNT) offrent tout un panel de chaînes nouvelles, gratuites et payantes. La TNT est une technologie qui permet de diffuser du contenu vidéo ou audio en numérique (fait de 0 et de 1). Au-delà des détails techniques, c’est la possibilité de créer et de consommer des thématiques très différentes. La technologie numérique représente aussi et surtout l’entrée dans un monde « du possible » et du changement. Grâce au numérique, la télévision se « délinéarise ». Ce terme barbare signifie que les téléspectateurs ne sont plus passifs, à se faire imposer leurs programmes, et ont la possibilité de sélectionner un contenu et de le regarder à leur guise. Ils choisissent quand et quoi regarder, mais également où et sur quoi. Ce sont des services comme Netflix, Hulu, SVOD, Catch Up , OTT TV (on y reviendra prochainement)… Cet usage nouveau va « tuer » la télévision de Papa. Eh bien, vive la liberté de consommer !
INFLUENCE MeDIA Le temps de l'imagination Ici, au Congo, ces évolutions sont à portée de mains. Elles n’attendent que la mise en place d’un réseau Internet fixe et mobile de haut débit. Et il arrive… Des acteurs locaux publics et privés y travaillent d’arrachepied.
Après, viendra l’imagination, la créativité. Et là, la magie de l’esprit congolais jouera à plein pour dépasser ce qui se fait ailleurs et étonner partout ! L’homme au cœur du développement !
LA LIBERTÉ, D’ACCORD, MAIS POUR QUOI FAIRE ? LA RÉVOLUTION EN MARCHE Ainsi, la révolution numérique est en marche. Regardons ensemble comment elle va bénéficier à notre continent et au Congo-Brazzaville. La diffusion de contenu TV n’est plus limitée à la fameuse « télévision de papa », un signal réceptionné par l’antenne et reçu sur son poste de télévision. Dorénavant, il existe de multiples modes de diffusion. Il est possible de recevoir des chaînes par satellite (Canal+ avec 2 millions d’abonnés en Afrique est très présent en République du Congo), par la TNT (plus de 500 chaînes vont se créer dans les cinq prochaines années sur le continent), mais aussi par Internet fixe ou mobile. Ces solutions ouvrent la possibilité de consommer des contenus sur des supports différents : télévision, ordinateur, téléphone mobile et tablette. La télé sur IP (ou IPTV) permet de recevoir contenus et services sur son téléviseur via une box connectée à Internet et branchée sur la télévision. Les services OTT TV (Over The Top TV) sont des services accessibles via Internet et qui ne sont pas liés à un fournisseur de réseau. L’application du fournisseur de contenu est téléchargée et il suffit ensuite de s’y connecter (ex : Netflix, Hulu, Afrostream…). L’accès passe soit par le mobile, soit par une box TV. La liberté passe par le choix La pénétration de ces services est rapide. Ce marché explose. Une enquête de eMarketer réalisée en novembre 2016 révèle qu'en France en 2017, un adulte passera en moyenne plus de temps à regarder de la vidéo en ligne (quatre heures par jour) que devant la télévision (trois heures cinquante). La liberté passe par le choix, le choix de quand, où et quoi voir ou écouter. Ces nouveaux services répondent totalement à ce besoin.
Vous pouvez acheter, télécharger films et séries grâce à la VOD, la vidéo à la demande. Vous pouvez revoir une vidéo d’une chaîne TV (Catch Up TV), vous avez accès à des catalogues de contenus originaux et non diffusés en TV (contenus culturels, ethniques…), à des jeux et applications sur le téléviseur (YouTube, Facebook, jeux de console). « A quand pour moi ? » Alors, maintenant que votre appétit est aiguisé, la question qui vous brûle les lèvres, « à quand chez moi ? » Ou plutôt, « à quand pour moi ?» L’Afrique dans sa globalité est un enjeu majeur pour tous ces fournisseurs de services, pour toute cette industrie. C’est aussi une opportunité pour nombre d’entrepreneurs petits et grands capables de produire, de créer et de vendre ces contenus, de la société de production à Pointe-Noire en passant par le data-center d’Abidjan, le fournisseur de fibre à Brazzaville ou NollyWood, la célèbre industrie du cinéma nigériane. Ces acteurs vont vous apporter ces services directement dans votre poche et votre salon. La connexion au haut débit fixe (fibre) et mobile (3G, 4G et bientôt 5G) est en marche en Afrique. Entre 2016 et 2022, les abonnements au haut débit mobile augmenteront de 15% tous les ans ! Les acteurs ici au Congo-Brazzaville ont la volonté de créer les conditions d’accès à cette modernité, ils travaillent tous dans ce sens. Et ceci signifie que la révolution numérique est à votre porte et bientôt dans votre poche. Nous aurons l’occasion une prochaine fois d’aborder d’autres aspects de cette révolution numérique. Restons connectés !
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L'AFRIQUE, NOUVELLE BATAILLE
DE L'INTERNET
En Afrique, l’Internet à haut débit continue de se développer à grande vitesse. Bien que chaque année des milliers de kilomètres de fibre soient déployés sur le continent, ce n’est pas suffisant pour répondre à la demande. C’est pour cela que des multinationales comme Facebook, Google ou Space X projettent de lancer des centaines de satellites qui fourniront des Gigabits d’accès Internet. Par Claude Patrucci, Directeur Associé de Skytic Telecom.
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e leurs côtés, les opérateurs GSM sont obligés de revoir leur stratégie. Bien qu’en 2020, il y aura 725 millions d’abonnés, avec environ 1,3 milliard de cartes Sim actives, leur revenu baisse. Ceci est dû au fait qu’environ 90 % de leur revenu soit lié à la voix ou au SMS, produits directement concurrencés par des applications gratuites de type Over The Top (OTT), WhatsApp, Skype ou Viber. Pour faire face, ils accélèrent la migration vers la 4G, qui va leur permettre de changer de modèle économique et de se concentrer sur la data. Cette demande du haut débit et ces changements de modèles économiques sont liés à une nouvelle consommation d’Internet. En effet, d’une part il y a les entreprises qui migrent vers le mode « cloud » (hébergement de leurs applications sur des serveurs chez Microsoft, Google….) et de l’autre il y a les internautes africains qui utilisent de plus en plus de smartphones ou de tablettes et demandent une grande mobilité. En dehors des réseaux sociaux, leur consommation sera essentiellement des petites vidéos de 3 à 10 minutes.
Avec 4,3 millions d’abonnés, le Congo dispose d’un taux de pénétration d’environ 92 %, un excellent pourcentage pour le secteur de la téléphonie mobile. En cette fin d’année, deux acteurs sont en train de révolutionner le marché congolais : MTN, qui lance la 4G, et Skytic Telecom avec l’amélioration de son réseau à plus de 600 Mbps Le nouvel entrant, Skytic Telecom, est devenu leader sur le marché de l’Internet aux entreprises grâce à la mise en place d’un réseau utilisant les dernières technologies déployées par les fournisseurs d’accès américains. Son arrivée au Congo a permis d’accompagner une baisse des prix de l’Internet aux entreprises de façon visible. Ainsi, le Congo se prépare à l’Internet de demain.
Le Congo, une référence La dernière révolution en cours est celle du commerce en ligne qui s’implante en Afrique avec des applications comme Uber (taxis), Jumia et Amazon (vente en ligne) qui annoncent un changement des modes de consommation. Pour résumer, dans les cinq années à venir, il y aura plus d’internautes et ils réaliseront beaucoup plus de transfert de données, ce qui nécessitera des réseaux à très haut débit. Le Congo se prépare à accompagner ces changements et pourrait devenir une référence en Afrique Centrale. Alors que l’ARPCE, le régulateur, a mis en place un cadre juridique reconnu comme un exemple sur le continent, Congo Telecom et le projet CAB de la Banque Mondiale ont permis de déployer le cœur du réseau fibre avec l’interconnexion des principales villes.
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Source : manypossibilities.net
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Aquabike : tous en selle !
Crédit photo : Rey Mangouta/Brazzamag
INTERVIEW : MYRIAM GEOFFROY COACH AQUABIKE Travailler le système cardiovasculaire, combattre la cellulite, draîner les oedèmes… l’aquabike est un sport en vogue à Pointe-Noire qui regroupe tous ces bienfaits. De la bonne musique, un vélo dans une piscine et hop !, vous voilà en selle pour une activité des plus funs. Myriam Geoffroy, coach d’aquabike à Pointe-Noire. Par Karla Cécile. Parlez-nous de votre parcours… Je suis coach sportif ‘’aquatique’’ depuis une vingtaine d’année. J’ai commencé par donner des cours d’aquagym et d’aquafooting en France, à Douala, à Libreville et, depuis trois ans, à Pointe-Noire. Il y a deux ans, j’ai souhaité changer de discipline, me mettre à enseigner une nouvelle activité. En faisant des recherches, je suis tombée sur l’aquabike. Et me voilà ! En quoi consiste l’aquabike ? C’est une activité qui peut être intense ou douce selon les capacités de la personne et selon ce qu’elle recherche. C’est un vélo spécial, comparable à un vélo d’appartement, qui est fixé au sol de la piscine. Pour la petite histoire, l’aquabike servait pour la rééducation après des accidents de la route de certains patients, par exemple. Cette activité permettait surtout de remettre en état le dos et les jambes. Cela a com�mencé en Italie il y a quelques années. Ils ont remarqué que les personnes qui en faisait beaucoup perdaient beaucoup de cellulite. Un Français a importé ça en France et a créé des cours d’aquabike pour les personnes qui voulaient perdre de la cellulite, mincir, etc. Comment se passe un court d’aquabike ? Pendant un cours, nous ne faisons pas que pédaler. Nous faisons du sprint, nous travaillons les bras, les abdominaux, la taille, le fessier, le dos. Tout le corps travaille pendant une séance. Le tout sur de la supermusique bien rythmée. Une séance dure entre quarante-cinq et cinquante-cinq minutes. Nous commençons par une séance 60 BRAZZAMAG.COM
d’échauffement de quinze minutes, nécessaire pour éviter les blessures, cela se résume à du pédalage debout sur le vélo, accroupi et assis. Ensuite, on passe à un niveau plus rapide. On ajoute des poids aux che� villes, au bras et nous faisons différents mouvements pendant trente minutes. Enfin, on termine les dix dernières minutes avec des abdominaux et cinq minutes d’étirement. Quels sont les avantages de cette activité ? L’aquabike améliore l’endurance et permet de travailler le système cardiovasculaire. Comme je le disais plus haut, cette activité permet d’éliminer la peau d’orange ou la cellulite sur les cuisses. En effet, le mouvement de l’eau procure un massage drainant, excellent pour la circulation sanguine. L’aquabike est idéal pour les personnes sujettes aux jambes lourdes, à l’arthrose et aux maladies cardiovasculaires. Il n’y a pas d’âge pour faire de l’aquabike, c’est recommandé à tout le monde, même aux femmes enceintes. Ah oui ? Les femmes enceintes ne courent aucun risque ? Pour les femmes enceintes, s’il est pratiqué de façon modérée, il aurait des effets bénéfiques sur le cœur du bébé, mais l’aquabike soulagera aussi les problèmes de dos, tonifiera les jambes et amoindrira les problèmes veineux. Une pratique régulière évitera également une prise de poids trop conséquente et aidera à travailler le souffle. Combien perd-on de calories par séance ? Selon l’intensité de chacun, une séance d’aquabike permet de dépenser entre 400 et 800 calories à raison de deux à trois séances par semaine. Au bout de deux mois, les résultats sont visibles et la peau d’orange disparaît. Il faut vraiment en faire régulièrement pour atteindre de bons résultats. L’aquabike est un hydro massage. En travaillant, vous sollicitez tous tes muscles et l’eau vous masse en même temps, donc vous n’aurez pas de courbature après les séances.
9 questions AU DR. CHRISTIAN HERMANN BOUNGOU « LEDIABÈTE,UNPROBLÈMEDESANTÉPUBLIQUE » L’Organisation mondial de la santé (OMS) prévoit qu’en 2030, le diabète sera la septième cause de décès dans le monde. Cette maladie est souvent prise à la légère par la plupart des patients, notamment en Afrique. Brazzamag a souhaité en savoir plus sur ce problème de santé publique qui touche une partie de la population Congolaise. Par Sarra Guerchani. Quelle est l’ampleur de la maladie en Afrique et surtout au Congo ? En Afrique et dans le monde, le diabète constitue de nos jours un fléau, et donc un problème majeur de santé publique. En 2015, l’OMS faisait état, dans un rapport, de 415 millions d’adultes atteints dans le monde, dont près de 17 millions en Afrique. Au Congo, il est évident que les cas sont nombreux. Les études d’incidences spécifiques au diabète restent très peu disponibles. L’une des statistiques reconnues est celle de 7 %, issue d’une étude hospitalière STEPS menée en 2004 par professeure Kimbally au CHU, en collaboration avec l’OMS, initialement pour l’évaluation de l’hypertension artérielle et des autres facteurs de risque. Le « profil pays » du Congo 2016 indique un taux de 5,7 % de la population adulte, avec une tendance à la hausse. Expliquez-nous pourquoi parle-t-on d’un phénomène « d’épidémie diabétique » de nos jours ? Epidémie est un terme plus approprié aux maladies contagieuses. En matière de diabète, il s’agit d’un problème de santé publique. Ce rapprochement terminologique est la conséquence du nombre important des cas recensés à ce jour. Le diabète est une maladie difficile à détecter rapidement, surtout dans notre contexte congolais où les gens font rarement des bilans de santé. Quels sont les signes qui permettent de déceler un début de diabète ? Le diagnostic clinique de diabète se pose devant la présence de quatre signes cardinaux qui sont la soif importante, l’abondance d’urine faisant lever le patient plusieurs fois la nuit pour le dit besoin, une fatigue et un amaigrissement rapide. Pourquoi est-il important de se faire dépister ? Et comment faire ? Le diagnostic précoce est essentiel, surtout pour le diabète dit de type 2, dont les signes cliniques peuvent apparaître plusieurs mois ou années après le début de la maladie. Il est d’autant plus important de le savoir tôt car l’apparition des complications de cette maladie est étroitement liée à la durée d’évolution ainsi qu’à l’équilibre glycémique. Le dépistage est simple et disponible aujourd’hui à très faible coût. Il peut être réalisé en laboratoire d’analyse biomédical par un prélèvement classique de sang veineux ou en ambulatoire grâce à une ponction de sang capillaire au bout des doigts. Quels sont les traitements proposés actuellement pour combattre le diabète au Congo et ailleurs ? Selon le type de diabète, type 1 ou type 2, la prise en charge diffère. Le diabète de type 1 nécessitera sans délai la mise en route d’un traitement à base d’insuline qui devra se poursuivre durant toute la vie. Le traitement du diabète de type 2 est plus progressif. Il donnera lieu à une évaluation régulière des indications diététiques et/ou médicamenteuses. Il consistera d’abord en des mesures d’hygiène de vie avec une partie importante pour l’activité physique, puis la mise en route si besoin de médicaments antidiabétiques oraux. L’évolution naturelle de la maladie, même bien suivie, peut au bout
de plusieurs années converger vers le traitement à base d’insuline comme dans le type 1. Qu’est-ce qui différencie le diabète de grossesse, du diabète de Crédit photo : Rey Mangouta/WMP type 1 et de type 2 ? Quelles en sont les causes ? Quels sont les risques pour la mère ou pour l’enfant ? Le principe général de la maladie diabétique est un mal-fonctionnement des hormones sécrétées par le pancréas dénommées insuline. Selon que la production soit simplement insuffisante ou inexistante, ou encore accidentellement ralentie au cours d’une grossesse, on parlera respectivement de diabète de type 2, de type 1 ou de diabète gestationnel. Avec dans ce dernier cas certaines spécificités selon que le diabète soit préexistant ou pas à la grossesse.Les risques pour l’enfant sont la macrosomie fœtale ou « grand poids de naissance ». Ce volume fœtal important peut en pratique être à l’origine d’une surestimation du terme de la grossesse, de complications obstétricales à l’accouchement dont la voie de sortie peut être décidée par césarienne à titre préventif. Peut-on guérir du diabète ? Non. A ce jour, les traitements disponibles ont vocation à suppléer le besoin de l’organisme en insuline ou à aider à l’utilisation du sucre en trop dans le corps.La bonne attitude consiste pour la collectivité à faire régulièrement des dépistages massifs et pour les individus, à faire des bilans annuels ou pluriannuels afin de dépister et de traiter suffisamment tôt. Un régime strict est obligatoire pour le diabétique, mais est-il facile de le respecter, surtout quand on sait qu’au Congo, la nourriture est grasse ? Je dois avouer que la culture et les habitudes alimentaires locales sont d’un impact non négligeable sur la maîtrise des chiffres glycémiques et la mise en route de stratégies plus strictes comme l’insulinothérapie. Il demeure que les conseils diététiques se ressemblent et insistent, quel que soit le lieu, sur la réduction des graisses consommées, des glucides, l’arrêt de l’alcool, l’éviction des fritures, le respect des trois repas par jour, la réduction des repas trop caloriques et autres… Comment peut-on prévenir le diabète ? Grâce à une meilleure hygiène de vie, une maîtrise de son poids et surtout du périmètre abdominale excessif qui est dangereux mais sujet de fierté en Afrique, imprimer la culture des bilans annuels et une réglementation plus rudes pour la consommation des boissons alcoolisées.
Dr Christian Hermann Boungou
Diplômé en diabétologie de l’université Paris-Diderot, docteur Christian Hermann Boungou, originaire de Pointe-Noire, exerce depuis 2015 au centre médicosocial Eni Congo, en qualité de chef de département médical adjoint. Son vécu médical au quotidien et les difficultés de prise en charge des patients de la ville l’ont poussé vers cette spécialité. Les statistiques en perpétuelle augmentation aussi. BRAZZAMAG.COM
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FRANCINE NTOUMI Scientifique Elle aurait pu faire une carrière internationale sans revenir au Congo, mais la spécialiste en biologie moléculaire Francine Ntoumi est rentrée au pays et a créé la Fondation congolaise pour la recherche médicale, dont le laboratoire participe à la lutte contre le paludisme. Rencontre avec une femme au parcours atypique. Par Julie Crenn.
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lle a les yeux qui pétillent et le sourire aux lèvres malgré la fatigue. Francine Ntoumi vient de recevoir, lundi 28 novembre 2016, la médaille d’honneur pour la recherche scientifique des mains du président de La République du Congo, Denis Sassou Nguesso, et s’apprête à s’envoler pour New York. Toute de noir vêtue, la scientifique commence à raconter son histoire. « J’ai fait mes études à Paris, en biologie moléculaire. Je n’étais pas du tout spécialisée sur le paludisme, j’ai fait ma thèse de doctorat sur le poil de vison », se souvient-elle en riant. « Puis j’ai réalisé que je ne pouvais pas rentrer au Congo avec ce genre de recherches. » Direction l’institut Pasteur, où elle se spécialise sur le paludisme. « Si nous, chercheurs des pays concernés, ne nous intéressons pas à nos maladies, comment 62 BRAZZAMAG.COM
avancer ? C’est bien d’étudier le palu et les maladies tropicales depuis l’Europe, mais c’est quand même chez nous que ça se passe. » Un laboratoire à Brazzaville Après des débuts au Gabon et en Allemagne, la chercheuse se retrouve en Tanzanie, à la tête d’un projet de recherche interafricain sur le paludisme. « C’est là que j’ai pris conscience que les chercheurs d’Afrique centrale étaient à la traîne et qu’il fallait faire quelque chose. » D’où la création de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, en 2008. « C’est facile de donner des leçons depuis les bureaux des organismes internationaux, mais je voulais me lancer et travailler sur
LA DIFFÉRENCE PAR LA SCIENCE « Je me suis demandé où est-ce que je serai la plus utile ? » place », se souvient Francine. « Je me suis demandé : où est-ce que je serai la plus utile ? Je voulais faire la différence et montrer à ceux qui sont en Europe que c’est possible de rentrer et de réussir. Mais aussi montrer en Afrique que l’on peut aller en Europe et revenir. » Huit ans plus tard, trois chercheurs, un biostatisticien, un chef de projets et plusieurs étudiants de la faculté des sciences de Brazzaville travaillent dans le premier laboratoire de biologie moléculaire du pays. Les équipes sont divisées en trois axes de recherche : la surveillance du paludisme chez la femme enceinte, la co-infection VIH et tuberculose et les causes des maladies diarrhéiques. Le laboratoire participe également aux travaux pour l’élaboration d’un vaccin contre le paludisme. « De nombreux pays africains faisaient partie de ce groupe de recherche et nous voulions en être. Nous espérons que des essais cliniques soient menés au Congo dès 2017 », explique Francine. Une soixantaine de publications, de nombreux prix scientifiques Car depuis le début de son aventure au pays, la chercheuse souhaite « prouver que l’on peut collaborer d’égal à égal avec de grands laboratoires internationaux depuis le Congo ». Pari réussi avec la publication, en six ans seulement, d’une soixantaine de publications scientifiques, notamment dans les prestigieuses revues Science et Nature. « Même si nous avons des coupures de courant et un Internet laborieux, on peut y arriver et obtenir des résultats scientifiques de grande qualité », souligne fièrement Francine Ntoumi. La reconnaissance est également venue de ses pairs, car après avoir reçu le prix Kwame-Nkrumah de l’Union africaine pour les femmes scientifiques et le prix Georg-Forster de la recherche, la scientifique congolaise s’est vu remettre en juin 2015 le réputé prix Mérieux de l’institut de France. « C’est très impressionnant, et surtout, ça veut dire que je suis dans la bonne direction », se félicite-t-elle, en espérant que son parcours inspirera les jeunes Congolais à s’orienter vers la recherche scientifique.
LE PALUDISME EN CHIFFRES AU CONGO Le paludisme reste un véritable problème de santé publique au Congo et, si toutes les couches de la population sont exposées, les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes restent les plus vulnérables. D'après le rapport du Programme national de lutte contre le paludisme, la maladie a fait 452 morts en 2015, dont 100 à Brazzaville, soit 22 % des décès liés au paludisme de tout le pays. La maladie représente 47,9 % des consultations dans les hôpitaux publics et 64,8 % des admissions hospitalières. Le rapport souligne tout de même une baisse de 20 % du nombre de personnes touchées par la maladie, passant de 248 159 cas en 2014 à 198 047 en 2015.
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pOUR LA PETITE HISTOIRE...
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DANY ET ILITHE, PASSION PILOTE Se prendre pour un aviateur est aujourd'hui chose possible à Brazzaville, grâce au simulateur de vol de Dany Pepa et Ilithe Ongania, deux pilotes congolais qui souhaitent transmettre leur passion des airs au plus grand nombre. Par Julie Crenn.
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n va amorcer un virage à droite, tout doucement. Dans un cockpit d’avion, Dany s’adresse à Caroline, la pilote. — Mais j’ai peur de me crasher là, je suis toujours en montée ? — Oui tu es à 20 000 mètres au-dessus de Cape Town. » En réalité, Dany et Caroline se trouvent au premier étage du centre de formation de l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac) à Brazzaville. Dany est un pilote professionnel tandis que Caroline n’a jamais pris les commandes d’un tel appareil. Grâce à un simulateur de vol unique au Congo, tout un chacun peut s’installer au volant d’un petit avion virtuel de type Mooney Bravo (4 à 5 places). Après un briefing sur les instruments de vol, les différentes manettes et indicateurs qui s’affichent, vous voilà seul maître à bord, ou presque. Tandis que le son des réacteurs emplit le cockpit, Dany veille au grain et vous aide à piloter. Un cockpit made in Congo L’histoire débute en 2015, lorsque Dany Pepa et Ilithe Ongania ont la folle idée de construire un simulateur et créent leur entreprise, Sim Aerospace Corporation. « On a fait les plans, dessiné l’habitacle puis trouvé quelqu’un pour travailler l’acier et fabriquer le cockpit », explique Ilithe. « Le gars nous a pris pour des fous quand on lui a dit que c’était pour faire un fuselage d’avion », s’amuse le pilote de 37 ans. En récupérant d’anciens sièges de voiture customisés et des ceintures de sécurité sur de vieux coucous, les deux aviateurs se débrouillent pour que leur rêve devienne réalité. « On voulait aussi réutiliser de vieux instruments analogiques et leur donner une nouvelle vie, mais comme le logiciel de simulation de vol est numérique, c’était trop compliqué », souligne Ilithe. Les deux pilotes d’Air Congo, initialement formés à l’armée, décident d’acheter en Europe du matériel neuf. Et toutes leurs économies y passent. Le cockpit est finalisé fin juin 2016 et, après quelques tests et ajuste64 BRAZZAMAG.COM
ments, effectue sa première sortie lors de la foire au numérique MTN. « Ça a fait le buzz, c’était incroyable », se souviennent les deux amis, enthousiastes. Il faut dire que l’engin en impose. Le simulateur pèse plus de 400 kilos pour 2,50 mètres de long et 2,15 mètres de haut. Après la foire, les deux associés, sans locaux, ne savent pas où entreposer leur précieux engin qui sera donc démonté et stocké. Une rencontre avec un ancien pilote de ligne, Georges Cellier, leur sauvera la mise. Le simulateur est installé fin septembre au deuxième étage de la Villa Monama, hôtel-bar-restaurant brazzavillois. Pendant deux mois, les entrepreneurs y reçoivent leurs premiers clients et se font connaître. Initiation et formation « Tous les passionnés d’aviation sont ravis de venir essayer le simulateur, il y a eu beaucoup d’initiations offertes pour des anniversaires ou des cadeaux de Noël », raconte Ilithe. Mais les deux compères, qui totalisent plus de deux milles heures de vol à eux deux, voient loin. « Nous souhaitons développer un centre de formation aéronautique à destination des gens qui veulent devenir professionnels », explique Dany. « Aujourd’hui, les compagnies aériennes ont du mal à recruter des pilotes formés ici », ajoute Ilithe. Preuve de l’intérêt que leur projet suscite, le simulateur est désormais hébergé par l’Anac, où une salle de classe est également mise à leur disposition, qui facilite les visites scolaires. « C’est important pour nous de le montrer aux jeunes, de leur dire qu’il est possible de devenir pilote, même au Congo », insiste Ilithe. Les deux ambitieux souhaitent fabriquer et commercialiser plus de simulateurs, lancer des partenariats pour relancer l’aéroclub de Brazzaville ou encore permettre à des enfants handicapés ou orphelins de s’imaginer eux aussi dans les airs. Infos : A partir de 5 000 francs CFA. Page Facebook Sim Aerospace. Contact : (+242) 06 633 38 09.
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SUR LA ROUTE DE DOLISIE
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AUX ARTS Citoyens ! « Tout est à construire, brique par brique », Bill Kouélany, fondatrice des ateliers Sahm.
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A Brazzaville, il existe un lieu ouvert où les artistes viennent échanger, apprendre et créer. Lancés en 2012 par la plasticienne et écrivaine Bill Kouelany, les ateliers Sahm forment une structure pluridisciplinaire unique au Congo. Ils repèrent, accueillent, hébergent et exposent les étoiles montantes de l’art contemporain congolais. Par Julie Crenn.
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n passant le portail bleu de cette ruelle du quartier Bacongo, la première pièce qui s’offre à vous est la bibliothèque. Tout un symbole car c’est par là que l’aventure commence. « Je suis autodidacte et j’ai beaucoup appris à travers les livres. Les jeunes qui arrivent aux ateliers Sahm ne sont pas encore artistes dans leur tête », explique doucement Bill Kouélany. Et pour ouvrir leurs horizons et alimenter leur créativité, la bibliothèque et ses nombreux ouvrages sur l’art est un passage obligé. « Ils savent peindre mais tout est à construire, brique par brique, c’est même une reconstruction », ajoute l’écrivaine aux dreadlocks qui a justement choisi un mur en élaboration permanente comme logo de son association. Passer de l’artisanat à l’art La plupart des artistes qui rejoignent les ateliers sortent de l’école des Beaux-Arts de Brazzaville ou de celle de Poto Poto. Majoritairement peintres, ils sont encouragés à s’essayer à de nouvelles formes d’expres68 BRAZZAMAG.COM
sion comme la vidéo ou les collages, pour passer des scènes de marché à une création plus intime et briser la frontière entre art et artisanat. Ce saut d’une école traditionnelle à l’art contemporain ne se fait pas sans difficultés. « Je les bouscule, ils savent que ce ne sera pas facile. Mais il y a un bouleversement qui se fait dans leur tête », raconte Bill, qui pousse certains jeunes depuis quatre ans. Aujourd’hui, sur la vingtaine d’artistes passés par les ateliers Sahm, six font une carrière à l’international et sont exposés dans des galeries d’art à Paris ou ailleurs. Dans la maison des ateliers Sahm, outre le bureau administratif, deux espaces d’exposition et de création et quatre chambres accueillent des artistes en résidence. Le principe ? Pendant deux à trois mois, le créateur invité habite sur place, au milieu des livres, des expositions et des passages d’autres artistes. « Il n’est plus interpellé au quotidien par le matériel, la nourriture, sa famille. Il se concentre sur son art et cela abouti à une exposition », explique Chris Lewis Moumbounou, coordon-
nateur des ateliers. « En général, les artistes passent un grand cap avant et après résidence. » En moyenne, six artistes par an bénéficient de cette chance. Transmission et échanges En parallèle de la création des ateliers Sahm, la Rencontre internationale d’art contemporain (Riac) a vu le jour en 2012 à Brazzaville. Ce moment clé, également initié par Bill Kouélany, permet de découvrir de nouveaux artistes, mais aussi d’inspirer ceux que les ateliers Sahm accompagnent déjà. Des formateurs internationaux viennent y transmettre leur savoir lors de conférences ou de workshop en art vidéo, arts plastiques, design, critique d’art, conférences... Mais entre ces murs, l’énergie déborde toute l’année durant. Ainsi, tous les quinze jours, une dizaine de jeunes se réunit au sein du club de lecture-écriture. « On décortique les écrits des auteurs mais on se pousse aussi à écrire, et on discute de nos propres textes », explique Monroyal, 24 ans, étudiant en licence de littérature qui a découvert l’existence des ateliers alors qu’il cherchait un centre culturel qui lui convenait dans la capitale. Bref, un lieu à part, lancé par une femme qui l’est tout autant. « J’ai rencontré des gens qui m’ont beaucoup donné, et c’est à mon tour désormais », se justifie modestement Bill, rappelant le bonheur qu’elle y trouve. « J’ai ouvert les ateliers Sahm avec mon cœur, mais le cœur ne fait pas vivre », souligne-t-elle tout en appelant à des soutiens financiers. « Quand je vois des artistes comme Van Andrea, Artmel ou Jordi, qui n’existaient pas en temps qu’artistes avant… Je me dis que ça paye et qu’il faut que le centre perdure pour qu’ils puissent continuer à créer. »
PLUS D’INFORMATIONS : www.ateliersahm.org Les artistes des ateliers sont également exposés dans la galerie du Pefaco Hotel, en face de l’aéroport MayaMaya de Brazzaville.
«Tu dois montrer ce que tu as dans la tête» Artmel Mouyoungui, 33 ans, artiste aux ateliers Sahm. « Je dessine depuis l’enfance et même à l’école je préférais dessiner que travailler. Comme il n’y avait pas d’école artistique à Pointe-Noire, j’ai appris à faire de la sérigraphie et c’était mon activité jusqu’en 2006. Là, je suis parti à Brazzaville et me suis inscrit à l’école de Poto-Poto. «Tu dois montrer ce que tu as dans la tête», me disais-je. J’y allais trois jours par semaine et ma formation a été très rapide. J’ai vendu ma première toile en 2008. Je faisais toujours de la publicité à côté pour gagner ma vie et je n’aurais pas pu découvrir tout ce que j’ai appris en restant là-bas. Je n’assistais pas aux expositions des autres et je manquais de curiosité. J’ai rencontré Bill en 2013 via un ami de l’école de Poto Poto. J’ai participé à la Riac et j’y ai découvert des artistes, des critiques d’art et j’ai utilisé l’acrylique pour la première fois… La toile que j’ai créée pour l’occasion a reçu le second prix de la Riac. Après cela, j’ai été en résidence aux ateliers Sahm deux mois en 2015 puis j’ai reçu le prix de la fondation Blachère et je suis parti en résidence en France. Puis en 2016, j’ai participé à la Biennale de Dakar. C’était très important pour moi ce que j’ai vu au Sénégal, de découvrir ce que d’autres artistes font. Ça m’inspire encore aujourd’hui, ça me donne des idées… Après Dakar, je suis allé en résidence en Suisse de septembre à décembre 2016. Ce sont des expériences toujours très enrichissantes à travers les visites de musées et les rencontres avec les autres artistes. En 2017, je vais m’essayer à la vidéo pour la prochaine Riac ! »
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métisse à tisser « Le corps est l'expression d'un art de vivre » Audacieuse, dynamique et avant-gardiste, Elisabeth Bellerose ose le métissage des cultures. Congolo-gabonaise, elle a cofondé il y a sept ans la ligne de vêtements Elisav. Elle a ouvert les portes de son univers à Brazzamag. Par Brenda Guarneros.
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on bureau , son « antre » (comme elle l’appelle) est envahi par des vêtements colorés, de tous les styles et de toutes les formes. Style colonial, samouraï ou encore chic revisités avec des matières en pagne, en soie ou en dentelle. Cette femme à l’imagination débordante crée avant tout des concepts. En 2009, la stylisterejoint son époux à Pointe Noire, et, forte de son expérience et savoir faire évènementiel décide de créer, avec son amie Savita Ali Toihir, la marque de vêtement Elisav. Sur une tringle, par exemple, cette robe en wax imprimée vert et noir avec un gros papillon à la taille rappelle un habit de l’époque du 13e siècle revisitée. Cette création fait partie d’une collection réalisée dans le cadre du défilé de mode pour la célébration des dix ans du mémorial de Pierre-Savorgnan-de-Brazza, organisé et conçu par Elisabeth en octobre 2016. « Tout ce qui bouge m’interpelle » C’est sans doute son parcours de marketeuse et sa passion pour la culture qui lui permettent d’imaginer tout un univers autour de ses créations en utilisant la mode comme fil conducteur. Elisabeth Bellerose s’imprègne de la réalité culturelle qui l’entoure. « Il ne s’agit pas tout simplement de défilés de mode ou de créer pour vendre, c’est le métissage des cultures qui me fascine. Tout ce qui bouge m’interpelle », précise-t-elle. Ses défilés sont guidés par une thématique culturelle spécifique exprimée autour d’un spectacle d’art. Les mannequins sont aussi des artistes, danseurs ou chanteurs. « Ils sont là pour faire vivre les habits, chaque vêtement raconte une histoire », explique Elisabeth. « Les Congolais et la mode » La mode fait partie de la culture congolaise, les sapeurs en sont les
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Crédit photo : Rey Mangouta/Brazzamag ambassadeurs. Elisabeth est tombée amoureuse de ces « artistes » qui partagent sa philosophie : « Le corps est l’expression d’un art de vivre. Ses créations qui s’adressent aux citoyennes du monde, interpellent les Congolaises curieuses et qui osent la différence. Elisabeth Bellerose travaille déjà sur une nouvelle idée. Elle souhaite réaliser des projets qui permettent d’ouvrir le secteur de la mode au grand public. Et ainsi donner l’opportunité aux artistes locaux de se faire connaître. Pour elle, la mode reste un alibi pour créer des ponts entre les gens et la diversité culturelle. Pour la joindre : page Facebook ELISAV. Contact : 05 327 61 33. Email : btobgabon@yahoo.fr
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à tambour battant Avec les Tambours du Congo Lancé il y a un an et demi, la formation des Tambours du Congo commence à se faire connaître dans le pays avec des chorégraphies rythmées et une énergie communicative. Rencontre avec une troupe aussi joyeuse que dynamique. Par Julie Crenn.
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out le quartier s’arrête lors de leurs répétitions. Trois fois par semaines, les Tambours du Congo font trembler les oreilles du quartier Mpissa à Brazzaville. Les enfants rappliquent, les passants s’entassent au bord de la parcelle où les acrobates-danseurs-musicienschanteurs s’entraînent et chacun essaye de se trouver une place pour assister confortablement au spectacle. Ngoma, dum-dum et maracas « ZI-ZA –SASSASSI ! » leur cri de guerre résonne et c’est parti ! Les percussionnistes, cinq filles pour douze garçons, se mettent à jouer comme un seul homme. Les mains claquent sur la peau des tambours, les sourires éclairent les visages et les pieds battent la mesure tandis que les hanches se déhanchent. Tout en jouant et chantant, le groupe enchaîne les chorégraphies. Le « ngoma », ce tambour traditionnel d’Afrique centrale, sert d’instrument mais aussi de promontoire sur lequel se jucher pour former une pyramide humaine. On joue allongé sur le dos, tambour sur la poitrine, on le porte à bout de bras au-dessus de sa tête, on danse avec… Dans les mains des jeunes artistes, ces impressionnants instruments semblent 72 BRAZZAMAG.COM
si légers. Et pourtant, un « ngoma » pèse environ 5 kilos. Les tambours ne sont pas les seuls instruments du groupe. Ils sont accompagnés des dum-dum, un autre type de tam-tam réalisé avec des bidons d’essence et de la peau de vache sur lesquels on joue avec des baguettes, et des maracas, portées aux poignets. Une cloche en métal bat la mesure, tout comme le djembé, joué par le « grand batteur » Frague, 15 ans. Sans oublier le lokolé, tambour à fente sculpté dans le bois, instrument traditionnel congolais utilisé pour envoyer des messages dans la brousse, ou encore des couvercles de casseroles, utilisés comme cymbales, et des bouteilles en plastique remplies de graines. Acrobaties, chants et danses Après quelques concerts à Pointe-Noire, le groupe a fait sa « sortie officielle » en novembre 2016 au centre culturel Sony-Labou-Tansi à Brazzaville devant un parterre enthousiaste. Avec leurs costumes aux couleurs du drapeau national, la troupe impressionne le public. Pour l’occasion, les batteurs sont accompagnés d’une guitare basse et d’un synthé. Les danses sont parfaitement synchronisées et les acrobaties se succèdent, avec la jeune star du groupe, le cascadeur «Touta
Ngoma », 9 ans, véritable as de la danse qui réussit avec brio les saltos, le tambour toujours accroché à la taille. « Il jouait déjà sur des boîtes de lait à 6 ans », raconte Koub, petit frère de Willy Loketo, à l’origine de la formation du groupe. Le leader du groupe Africa Tambour, qui vit en France depuis seize ans, revient chaque année au Congo pour former et encourager les jeunes musiciens. « Je fais des sélections dans le quartier, je leur apprends et après ils se forment entre eux », explique l’artiste qui leur cherche des contrats à l’étranger. Car les membres du groupe, âgés de 9 à 32 ans, prennent leur art au sérieux. « C’est un moyen de s’en sortir pour eux, c’est un job qui peut les faire vivre », explique Willy. Avec leurs trois répétitions par semaine, le rythme est soutenu. « Je ne savais pas danser comme ça avant de venir aux Tambours il y a un an, ajoute Belmine, 22 ans. Si tu te donnes, c’est facile, tu peux tout apprendre », explique-t-elle, à bout de souffle mais ravie, après le spectacle. « Comme je n’ai pas de tambour chez moi, je m’entraîne avec ma tête et ma poitrine la nuit avant de m’endormir », raconte Divin, 18 ans, qui a rejoint la troupe il y a trois mois. Un engagement fort et une passion évidente tant le bonheur de jouer se lit sur les visages. Mbaloula, Kifouani, Bibila, Grâce, Sadam, Somba Pavy, Yasmine et les autres, tous espèrent réussir à vivre de leur art et présenter leurs trois spectacles à travers le globe.
PLUS D’INFORMATIONS : Page Facebook « Les Tambours du Congo » et tamboursducongo@gmail.com Contact : 05 591 19 68/06 657 69 96.
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LES CATARACTES BIENVENUE À BRAZZA BEACH
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Un endroit où contempler le fleuve Congo dans toute sa puissance. Les Cataractes, au sud de la capitale, sont depuis de nombreuses années le lieu privilégié de sortie des Brazzavillois et une belle découverte pour les touristes. Par Molly Matongo.
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es pieds dans le sable, Claude Dossou admire les rapides en furie du Congo. « C’est la première fois que je viens ici et c’est très beau », s’étonne le sexagénaire d’origine béninoise. Il faut dire que le lieu a beaucoup de charme. En face, c’est le quartier Malwéka de Kinshasa. Trois îles seulement séparent les Cataractes de la RDC : celle des amoureux, de la tentation et du diable. Sur la droite de la plage, les femmes du quartier viennent faire leur lessive, sur la gauche, les pêcheurs arrivent du Djoué sur leur pirogue. Maboké et saka-saka « Je venais ici quand j’étais jeune avec mes parents, on allait dans les paillotes sur la plage », se souvient Serge Makaya-Balou. L’entrepreneur de 41 ans a ouvert depuis sept ans le Bantou Beach, un bar-restaurant sur l’espace principal des Cataractes. Après avoir travaillé aux îles Seychelles et Maurice comme cuisinier, il revient à Pointe-Noire, sa ville de naissance, où il officie comme cuisinier pour l’hôtel Azur. « Que ce soit sur la côte sauvage à Loango ou aux Seychelles, je voyais toutes ces paillotes au bord de l’eau… Alors je me suis souvenu de cet endroit et j’ai voulu faire la même chose ici, à Brazza. » Aujourd’hui Serge dispose chaque jour une centaine de chaises et tables sur le promontoire qui surplombe la plage et offre un point de vue parfait. Son équipe (un cuisinier et des serveuses) installe également des paillotes, directement dans le sable. Au menu, les « maboké », ce mode de cuisson à l’étouffée. Poisson du fleuve, porc, mouton ou bœuf sont servis avec du manioc, des bananes, du pain, des pommes de terre ou du riz. « On a que du frais et du bio, assure Serge. Le saka-saka vient aussi d’ici, c’est uniquement celui qui est planté autour des Cataractes. La zone est très fertile ! » Parasols multicolores Et le paysage change selon les périodes de l’année. « Le niveau monte 74 BRAZZAMAG.COM
et descend de 6 mètres entre la saison sèche et celle des pluies », explique Serge. En saison sèche ce sont presque 200 mètres de plage qui s’offrent aux Brazzavillois tandis qu’à partir d’octobre, la bande de sable se réduit comme peau de chagrin. Ce qui n’empêche pas les enfants de se baigner. Mais attention, car si les îles et le Djoué protègent les nageurs des rapides, le courant peut être puissant et des noyades ont déjà eu lieu à cet endroit. « Je ne me baigne jamais », confie Joannes, qui se rend aux Cataractes deux fois par mois. « Je viens ici pour me relaxer parce qu’il n’y a pas de voiture et les rapides offrent un sacré spectacle. » Aux Cataractes, le spectacle est partout. Les photographes « minute » passent d’un groupe à l’autre, les mamas vendent des boissons fraîches sur la plage. Car à droite du Bantou Beach, les habitants du quartier plantent également leurs parasols multicolores, tables et petits bouiboui pour vendre à boire et à manger. Et chaque week-end, les Congolais profitent de Brazzaville-plage.
ON A TESTÉ POUR VOUS Bouillons, poisson salé, sautés ou maboké… Les plats du Bantou Beach sont variés et les prix restent abordables, de 2 000 à 4 000 francs CFA. L’affluence elle aussi est très variable. Si le lieu est plutôt calme en début d’après-midi, il a tendance à se remplir aux alentours de 15-16 heures. Mais peu importe l’heure, il y a toujours de la vie aux Cataractes… Et les fourous seront forcément au rendez-vous ! Si vous oubliez votre anti-moustique, n’hésitez pas à en demander à Serge.
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''WELCOME TO JAM ROCK'' CARREFOUR DE SAVEURS
Crédit photos : Rey Mangouta/Brazzamag Un restaurant original à Pointe-Noire réveille les papilles et éveille la curiosité ! Les patrons, Roland et Tereza Mombongo se sont en effet donné pour objectif de faire découvrir les similarités des cuisines caribéennes et éthiopiennes. En juin 2016, le couple a ouvert le JamRock, pour partager leur amour de cette cuisine riche en saveurs et en couleurs. Par Brenda Guarneros.
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elcome to JamRock », les mots peints sur la porte du restaurant et les rythmes caribéens qui arrivent aux oreilles ne laissent aucun doute. Vous voici dans un nouvel univers, un carrefour des saveurs, odeurs et couleurs du monde. L’espace est ouvert, simple et coloré, sans prétention. « Ici, le but est de mélanger les gens de tous les milieux », explique Tereza, la patronne.
coco, à la banane, aux ananas, légumes et autres recettes magiques. Pour mettre de l’ambiance, l’énergique couple organise des concerts de reggae de temps en temps. Ainsi, ce petit restaurant simple et joyeux constitue une invitation à voyager à la découverte de ces univers pas si lointains du Congo.
Ce couple d’entrepreneurs franco-congolais (pour lui) et éthiopien (pour elle) a trouvé la formule pour transmettre sa passion de la culture du reggae jamaïquain et de la cuisine éthiopienne. A savoir que l’origine idéologique du mouvement « rasta » est historiquement revendiquée en Ethiopie. C’est alors à la « terre promise des rastas » que Roland, rasta man depuis vingt-quatre ans, est allé chercher la source de sa passion. A sa grande surprise il y a aussi trouvé l’amour, auprès de Tereza, charmante infographiste. Après quelques années en Ethiopie, ils décident de partir et s’installent en 2015 à Pointe-Noire. « C’est ici que nous avons trouvé les conditions idéales pour créer ce concept qui demandait de l’ouverture d’esprit », raconte Tereza. Et, en juin 2016, ils ouvrent enfin les portes de leur restaurant.
Informations : à l'angle de la rue Nguelli-Nguelli et la rue AlfredRaoul, Warf Mpita (à 500 mètres du rond-point de Mpita en direction de la plage) Tel : 06 491 50 40 / 06 491 02 97.
Les spécialités à la carte C’est le jeudi soir qu’il faut s’y rendre pour goûter l’injera (galettes à la base de teff,céréale typiquement éthiopienne, qui font à la fois assiette et couvert), le bérbéré (sauce traditionnelle aux épices et piment) et le wat (ragoût de légumes et de viande en sauces) entre autres. Des plats tous aussi riches en goût et typiques éthiopiens. Le reste de la semaine, le menu est plutôt inspiré de la cuisine caribéenne, avec une grande variété de plats proposés : du poisson, de la langouste ou encore des brochettes de poulet... Le tout assaisonné à la 76 BRAZZAMAG.COM
ON A TESTÉ POUR VOUS Un restaurant très convivial. L’accueil est personnalisé. Les propriétaires, Roland et Tereza, ne manqueront pas de vous expliquer les coutumes et la cuisine éthiopienne. Les carnivores comme les végétariens y trouveront leur bonheur. Le partage du plat Injera dans un grand plateau vous assure un moment gastronomique unique entre amis. Le prix par personne est de 10 000 francs CFA, mais il est recommandé d’être au minimum cinq pour réserver. A la fin du repas, ne manquez pas de demander un café, c’est un rituel. Le café éthiopien est long à préparer, il comporte des gestes et des éléments rituels à découvrir.
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Elles se sont donné comme pseudonymes Flo, Bikeuz, La lu, Bea, Fafa et Raspou. Voici les six bloggeuses du site Vivre au Congo (VAC). Ce site communautaire d’entraide propose une information utile et variée qui facilite le quotidien au Congo et promeut la culture locale. Retrouvez les sur www.vivreaucongo.com, Facebook, ainsi que dans les prochains numéro de Brazzamag. Pour les contacter : info@vivreaucongo.com
la CUISINE de rue Chaque jour à l’heure des repas, des milliers de Congolais se ruent vers de petits stands installés un peu partout. En un tour de main, la commande est passée et livrée, et tout un chacun s’installe sur un coin de table ou emporte son repas avec lui. Au Congo, la cuisine des rues est une institution, pleine de surprises et de mystères pour les non-initiés. Le temps d’une pause déjeuner, l’équipe de Vivre au Congo a suivi Brecht et Flavienne, nos guides culinaires de choc pour une dégustation haute en couleurs.
Banane frite makonde yakou kalinga
Incontournable accompagnement congolais, la banane frite est un plat quotidien très prisé, préparé au fur et à mesure des commandes.
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Saka saka
Manioc - kwanga
De loin le plat local le plus populaire au Congo et ailleurs, ce plat de feuilles de manioc pilées et préparées avec de l’huile de palme est servi avec du pain, de l’igname ou du manioc. Nature, avec du poisson séché ou des crevettes fraîches, il est apprécié par petits et grands.
Traditionnellement servi emballé dans des feuilles de bananier, le manioc est d’abord trempé, puis cuit et enfin travaillé pour en faire une pâte dense et goûteuse. Très énergétique, le manioc est aujourd’hui la principale source alimentaire en Afrique centrale.
VIVRE AU CONGO Pain à l’avocat
Mangue préparée, akulamba et mangue épicée
Poisson grillé - makouala
De l’avocat frais, des oignons finement émincés et de la mayonnaise pour les amateurs, voici le secret de fabrication de ces succulents sandwiches que prépare Freddy chaque jour sur son stand en face de l’hôpital militaire de PointeNoire.
Pochée dans l’eau salée puis conservée dans une saumure assaisonnée d’oignon, d’huile et de piment, la mangue préparée est un mets proche des pickles anglo-saxons. Pour les amateurs de cuisine relevée, le mariage de la douceur de la mangue Alphonso et de la puissance du piment éveille divinement nos papilles.
Toujours bien achalandé par la pêche du jour, le poisson servi sur les stands est souvent grillé au feu de bois sur place. Présenté entier ou en ballotins de feuilles, il se déguste nature ou plus épicé selon l’origine du cuisinier !
Beignets frits ya makone
Bâtons de sable - kalaba
Pour arroser le tout…
Spécialité des « pousseurs », les vendeurs ambulants, ces beignets de farine et de sucre, parfois agrémentés de bananes, apportent une touche de douceur sucrée… et s’avalent en une bouchée.
Spécialité des habitants de la Bouenza — région proche du Pool —, le kalaba est souvent consommé après un repas copieux pour calmer les estomacs perturbés. Réputé pour calmer les nausées des femmes enceintes, le kalaba, composé d’argile, est plutôt connu pour ses vertus médicinales que gustatives.
Pour accompagner son repas, on pourra apprécier un verre de vin de palme (tsamba), ou de tangawis, jus de gingembre pur et sucré fort en sensation. Le bissap, sirop de fleur d’hibiscus, est la boisson la plus consommée avec sa belle couleur rubis et ses arômes de fleur, un plaisir pour les papilles et les pupilles. BRAZZAMAG.COM
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théâtre à la carte Lever de rideau sur le Congo
Crédit photo : Rey Mangouta/Brazzamag
Théâtre à la carte est une plateforme avant-gardiste et originale. A Pointe-Noire, une troupe de passionnés enchaîne les représentations avec un seul objectif : redonner à cet art la place qu’il mérite au Congo. Par Brenda Guarneros.
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out a commencé le jour où Alexandra Guenin, originaire de Guyane, a voulu sortir des quatre murs de son bureau pour s’adonner à sa passion : le théâtre, dont l’amour lui a été transmis par ses parents. Tout de suite, trois personnes embarquent avec elle dans l’aventure : Ange Pémo, Laure Bandoki et Selma Mayala.
francs CFA la représentation. Et espèrent ainsi que les gens continuent à faire appel à eux. Théâtre à la carte est plus qu’une équipe, c’est une famille. Leur savoir-faire est palpable à chacune de leurs apparitions sur scène.
Le concept est né lors d’une soirée au printemps 2016 entre collègues et amis, en compagnie de George M’Boussi, un comédien qui porte désormais le titre de président d’honneur de la troupe. « C’est grâce à George que j’ai trouvé la motivation pour me lancer dans cette nouvelle aventure », confie Alexandra.
« Faire disparaître la douleur » « L’artiste est un médecin, un magicien, l’artiste doit faire disparaître la douleur… Le théâtre est là pour apporter du réconfort, témoigne avec émotion Laure Bandoki. Il ne sert plus à dénoncer. » En effet, dans les années 90, le théâtre était une forme de revendication pour l’émancipation sociale. Aujourd’hui, son rôle a évolué. C’est devenu un plaisir pour les amateurs de culture. L’amour pour le théâtre les motive à aller encore loin à la recherche des partenariats pour le long terme. L’objectif, créer une école, parce que « c’est un vrai métier ». Et enfin atteindre le rêve qu’ils partagent : avoir leur propre théâtre.
Comment ça marche Avec Théâtre à la carte, ils donnent des représentations chez les particuliers ou les privés, qui leur permettent de financer une partie de leurs coûts de production. « Nous sommes totalement mobiles, le théâtre à la carte se déplace à votre domicile mais également dans votre restaurant, votre bar, votre entreprise » explique Alexandra. Pour toucher un maximum de personnes de différentes cultures, Alexandra et ses compères tient à maintenir des prix raisonnables - entre 250 000 et 400 000 80 BRAZZAMAG.COM
Pour les joindre, allez sur Facebook : Théâtre à la carte.
Crédit photo : Rey Mangouta/Brazzamag
NICOLE MBALLA-MIKOLO « Les femmes sont le maillon fort de l’Afrique »
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olygamie, adultère, célibat... pour Brazzamag, l’auteure des « Calebasses brisées » livre sa vision des relations hommes-femmes. Ngawali découvre un soir que son mari est infidèle. Faut-il se venger ? Quitter son époux ? Oncle, mère, ami et grand-mère interviennent pour conseiller le couple en crise. Les Calebasses brisées, premier roman de Nicole Mballa-Mikolo, aborde les sujets qui fâchent entre les femmes et hommes. Rencontre avec une écrivaine féministe, née en Allemagne de parents camerounais et qui vit au Congo Brazzaville depuis une dizaine d’années. Adultère, polygamie, violences conjugales, influence de la belle famille pourquoi avoir décidé de parler de ces sujets pour un premier roman ? Nicole Mballa-Mikolo : En tant que journaliste pour le magazine panafricain Amina, j’ai été amenée à rencontrer beaucoup de femmes et à échanger avec elles sur leur quotidien. Elles m’ont naturellement parlé d’elles, de ce qui les fait souffrir. Et tous ces problèmes sont liés. Quand il y a adultère ou polygamie, il y a violence. Même si elle n’est pas physique, elle va être verbale. Je voulais mettre le doigt sur certaines injustices et dire tout haut ce que les femmes pensent tout bas. Au Congo, la polygamie figure dans le code de la famille et un homme peut épouser jusqu’à quatre femmes. Quelles sont les origines de cette pratique ? Auparavant, les hommes avaient besoin de beaucoup d’enfants pour travailler la terre et une femme n’était pas suffisant. C’était aussi un signe de réussite et de richesse d’avoir beaucoup d’enfants et de femmes. Aujourd’hui, certains hommes congolais me disent que la polygamie a été voulue par les femmes, pour connaître leur rivale. Je ne suis pas d’accord, les femmes subissent la polygamie et l’acceptent uniquement par contrainte. Aucune femme ne veut partager son homme. Votre héroïne, Ngawali, ne brise pourtant pas les codes… J’ai voulu montrer à travers l’histoire de mon héroïne la bêtise d’accepter toutes les traditions. L’Eglise lui a demandé de pardonner, elle a pardonné. La société lui a dit que ce n’est pas convenable d’être divorcée, alors elle est restée auprès de son mari. Et elle est malheureuse. A un
certain moment, il faut faire un choix, il vaut parfois mieux être seule que mal accompagnée. Mais en Afrique, on n’apprend pas aux femmes à vivre seule. On leur dit que pour être digne, il faut avoir un foyer, il faut être appelée « madame ». Et au nom de cela, les Africaines acceptent tout. Comment faire changer les mentalités ? Quand il y a un problème, les hommes vont en parler de leur côté et les femmes du leur. Je pense qu’ils devraient apprendre à en parler ensemble, afin de se comprendre. C’est très dur de faire évoluer les mentalités parce que même les femmes se mettent des barrières. Il faudrait qu’elles disent « ça suffit ! », qu’elles se lèvent, qu’elles soient solidaires, debout, et clament que « trop c’est trop ». Beaucoup a été fait, les femmes peuvent voter, travailler, aller à l’école, l’alphabétisation des filles augmente… Mais beaucoup reste à faire. Est-ce que vous pensez avoir écrit un roman féministe ? C’est un roman féministe dans le sens où, pour moi, être féministe, c’est pouvoir assumer son rôle de femme, d’épouse, de mère, tout en trouvant du temps pour du militantisme associatif. Cela veut dire se battre pour les droits de la femme sans que ce soit un combat contre les hommes, c’est se battre avec eux. Les femmes sont le maillon fort de l’Afrique. Il y a bien un dicton qui dit : « Ce que femme veut, Dieu veut. » Les femmes peuvent changer la face du monde si elles le veulent. Que représentent « Les Calebasses brisées » ? La calebasse, c’est un symbole féminin, c’est un instrument à la fois solide et très fragile, qu’il faut manipuler avec beaucoup de délicatesse. Si on ne le fait pas bien, elle se brise. La calebasse brisée, c’est le symbole d’un monde qui s’effondre pour laisser la place à un nouveau monde, avec des traditions bien dépoussiérées et des femmes debout. PLUS D’INFORMATIONS : « Les Calebasses brisées », 150 pages, 16,50 euros, en vente à la librairie Paillet, à Pointe-Noire, chez L’Harmattan, à Brazzaville, et dans toutes les librairies L’Harmattan en Afrique et sur Internet. BRAZZAMAG.COM
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BISSO NA BISSO ... Par
[LE BLOG]
MAMAMUNDELE
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our cette nouvelle édition, j’ai réuni pour vous un mélange de mots et d’expressions que nous utilisons ici au Congo. Pour vous donner un petit aperçu du détournement local. Ce n'est qu’une simple petite liste, mais elle peut s’avérer utile dans bien des circonstances pour pouvoir comprendre votre interlocuteur. Ici, on aime rire, on aime se moquer, on aime s’amuser et vous allez comprendre pourquoi.
LES EXPRESSIONS DU CONGO Mal-à-l’aise : grand bus inconfortable (pas de place, pas de clim…). Un « Z » : un Zaïrois (habitant de la République démocratique du Congo). Mundele : je l'entends 12 398 fois par jour : la Blanche/le Blanc. Attends-moi-dehors : ces boutiques sont tellement petites que le vendeur vous dit : « attends moi dehors ». Bougies : ces chaussures en plastique quittent le bord de mer et s’attaquent au bitume. Téléphone anti-complexe : ce sont ces petits téléphones simples sans caméra ni appareil photo. Sans-confiance : plus connues sous le nom de tongs, on les appelle ici les sans-confiance. Il suffit de courir avec pour comprendre. Bureau : la maîtresse d’un homme, généralement numérotée (premier, deuxième bureau…). Aide-moi-à-mourir : plus communément appelée "jakarta", cette mobylette, certes très pratique, est très dangereuse. Tokoss : un mot assez vague qui veut dire « c’est bon ! », « c’est top ! » ou encore « c’est beau ! ». Benoît XVI, cuisse de poulet, titanic, Tchilondo : on appelle ainsi les différents modèles de taxi Toyota. La Sape, ou société des ambiances et des personnes élégantes : c’est une mode vestimentaire populaire née après l’ indépendance au Congo-Brazzaville. Ce courant est dans la filiation du dandysme. Ses adeptes ? Les sapeurs, ils s’habillent chez les grands couturiers et pratiquent la sapologie. Ambiance : celui qui met l’ambiance, qui aime s’amuser, qui fréquente les bars de nuit. V.I.P. : entre le bar et la boîte de nuit, il y a les V.I.P. Nganda : établissement où l’on vient boire, manger et discuter. On en trouve dans tous les quartiers. Bye yo ou Bayo : au revoir. Faire la beauté : au Congo, on aime se faire beau, et « faire la beauté » (surtout chez les femmes) c’est aller chez le coiffeur, la manucure, l’esthéticienne… 82 BRAZZAMAG.COM
Poutoulou (payé) : quand vous êtes bien habillé, vous allez souvent entendre ce mot, suivi de payé, car celui qui est bien habillé doit payer. On estime qu’il a les moyens puisqu’il investit dans son look. Les cent-cent : ces taxis parcourent toute la ville et les courses sont partagées. A l’époque, un trajet coûtait 100 francs CFA. Si depuis, le prix est passé à 150 francs, le nom est resté. Petite y’a quartier : c’est la petite « primus », la bière locale en petit modèle qui est devenue incontournable dans les quartiers. Pin-Pin : les embrouilles. Bouler : réfléchir, avoir des idées. Mercenaires : les prostituées. Boa : le train. Wax (ou pagne) : tissus imprimés utilisés notamment en Afrique de l’Ouest. La création et le tissage de ces pagnes ont donné lieu à une véritable industrie.Le wax, d’origine hollandaise, est le plus beau et le plus estimé. Il existe divers types de wax hollandais, qui se différencient les uns des autres de par leurs techniques de fabrication. Maquillage : dépigmentation artificielle ou volontaire de la peau. Au fil des années, le blanchiment de la peau a pris des proportions inquiétantes dans la plupart des pays du continent. Un peu partout en Afrique noire, de Dakar a Kinshasa en passant par Brazzaville, cette pratique tend à se généraliser. J’espère que ces quelques mots et expressions atypiques mais très typiques au Congo trouveront une place dans vos conversations. En attendant, vous pouvez me retrouver sur Brazzamag.com pour un nouvel article découverte du Congo. Et n'oubliez pas : soki omoni na mboka moko bato bazo bina lokolo moko, yo pe bina lokolo moko (« si dans un pays les habitants dansent sur un pied, toi de même, danse sur un pied ») !
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