BSC NEWS
Couverture Svetlin Vassilev
N°78 - MARS 2015
Retrouver l’enfance à volonté 1
Réhabilitons Jerphagnon ! par Nicolas Vidal
Lucien Jerphagnon n’est pas mort hier. que la philosophie peut être infiniment Il nous a quitté le 16 décembre 2011. plus passionnante lorsqu’elle est aborMais j’ai eu envie d’en parler maintedée de cette manière avec une certaine nant et dans ce numéro. Non, ce n’est légèreté, de l’humour et une formidable pas une lubie ni une saute d’humeur capacité à nous instruire. À l’heure où littéraire. Je viens tout simplement la figure de l’intellectuel est l’objet de de terminer le dernier sarcasme (ou pire) est déouvrage de Lucien Jervoyée de sa nature première phagnon « Connais-toi au coeur même de la cité, il toi-même et fais ce que tu est salvateur de relire des auaimes» ( Editions Albin teurs comme Lucien JerphaMichel) d’où l’on ressort gnon pour ne jamais oublier totalement bouleversé par que la lecture nous permet ce que j’ai coutume d’apde prendre de la hauteur peler la brillance d’esprit. dans le monde qui nous enEt Lucien Jerphagnon toure et pour la période n’en manquait pas de qui nous concerne et la nicolasvidalbscnews brillance d’esprit. mettre en perspective Sans jouer les Cassandre, avec les autres. et il n’y pas matière à cela, ce philoLucien Jerphagnon incarne cette figure sophe, à mon sens, incarnait l’une des tutélaire du savoir, de l’intelligence et dernières figures de l’intellectuel à la de la sagesse qui mérite de ne pas être française avec ce qu’elle contient de rangée au fond des vieilles caisses des talent, de charme, de discrétion et bibliothèques. Réhabilitons Jerphade modestie avec toute la puissante gnon ! finesse que ces qualités requièrent. Cela se perd aujourd’hui sous la Pour ce nouveau numéro du BSC loupe du petit écran avec ses effets de NEWS MAGAZINE, je vous encoumanches et ses coups de mentons par- rage à découvrir l’actualité culturelle fois ridicules lorsque la diode rouge qu’il nous semble important ce mois-ci s’éclaire. de vous faire partager avec cette même La lecture de Lucien Jerphagnon mène et indéfectible passion qui nous anime à bien d’autres rivages et nous rappelle chaque mois.
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La vie de tous les jours par AndrĂŠ Bouchard
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Illustration
Svetlin Vassilev
P.6
Média P.6
JULIA CAGÉ
P.22
Théâtre
JACQUES ALLAIRE 4
P.32
Jazz P.6Club
Jazz & Gastronomie
P.100
Jazz Club
AVISHAI COHEN
P.94
Soul
LISA SPADA 5
P.106
ILLUSTRATION - COUVERTURE
Svetlin Vassilev Originaire de Bulgarie, Svetlin Vassilev vit aujourd’hui en Grèce en compagnie de son épouse et de ses deux filles. Après avoir été étudié à l’Académie des Arts « Tc.Lavrenov» à Plovdiv pendant cinq ans puis à l’Académie Nationale des Beaux-Arts « N.Pavlovitch» à Sofia six ans de plus, il s’est lancé dans l’illustration de livres, a publié en Bulgarie, en Grèce, en Espagne, en France, aux USA, en Corée et a participé à de nombreuses expositions internationales. Récompensé pour son travail pour Don Quichotte du « State Childrens Illustration Honouring Award» en 2004 et du « Golden EBGE illustration Award» pour Peter Pan en 2010, vos yeux de lecteurs avertis, après avoir parcouru les quelques illustrations de son travail qui vont suivre, ne pourront être que charmés. Si Svetlin Vassilev est doué avec son pinceau, son verbe n’en est pas moins capable d’expliquer son esthétique et vous allez pouvoir découvrir avec intérêt et pertinence les secrets de cet artiste de talent, à l’univers aussi cosmopolite que poétique !
Vous êtes né en Bulgarie, vivez aujourd’hui en Grèce... Dans quelle mesure ces deux deux pays ont influencé le choix de vos thèmes et votre esthétique? Pour commencer, je suis né dans les Balkans. Un endroit avec des couleurs fortes et du caractère, composé d’un mélange étrange de nations et de civilisations. Je compare cela à un chaudron frémissant, dans lequel sont mélangés des résidus de croyances anciennes et contemporaines, des traditions, des mentalités, des religions, des influences etc très diverses. Ces différences forces, quand elles s’affrontent, sont capables d’agir comme une étincelle d’une incroyable richesse et d’inspiration pour la créativité, et en même temps, peuvent être aussi la cause de destruction massive. Je
« Je suis né dans un chaudron frémissant, les Balkans » 6
Oedipus
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Peter Pan
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suis né à Ruse en Bulgarie, entre les vieux quartiers arméniens et juifs, très proche d’une mosquée, dans un monde de tradition chrétienne orthodoxe sous un régime athée. Etiquettes, étiquettes, étiquettes. Je suppose que la tolérance entre nous, quand nous étions enfants, m’a donné cette facilité à accepter la beauté sous toutes ses formes et à inclure des éléments de toutes origines dans mon travail. Des années plus tard, avec mon épouse grecque, quand nous avons fait le choix du lieu où nous voulions construire notre vie, nous avons décidé de passer en Grèce. Le paysage, les parfums, les saveurs,
les expressions, les relations humaines, les attitudes, tout autour de moi en Grèce a le caractère familier des Balkans, mélangé en même temps avec un merveilleux passé antique. En peu de mots, je dirais que la principale chose que j’ai appris ici en Grèce - et c’est quelque chose qui m’a toujours convenu-, c’est l’anthropocentrisme. Cela signifie toujours placer l’homme au centre de mon art. Avez-vous des mentors en matière d’arts graphiques? Et si oui, qu’est-ce qui vous séduit dans leur esthétique?
« Le paysage, les parfums, les saveurs, les expressions, les relations humaines, les attitudes, tout autour de moi en Grèce a le caractère familier des Balkans, mélangé en même temps avec un merveilleux passé antique. » 8
Daedal
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« Toujours placer l’homme au centre de mon art » Au cours de ma carrière, de nombreux artistes ont influencé et enrichi ma vision artistique. Grâce à ceux qui l’ont fait de façon directe (mes professeurs) et ceux pour qui l’influence a été indirecte (au contact du travail de différents artistes), j’ai formé mon propre point de vue sur l’art. Si je pouvais résumer , je dirais que j’ai traversé toutes les étapes connues de l’histoire de l’art à peu près dans l’ordre. Ce que je fais aujourd’hui est principalement influencé par Gustav Klimt et Egon Shiele. En outre, par l’observation, en décelant la complémentarité que peut avoir un dessin qui ressemble un peu à quelque chose fait par Toulouse Lautrec avec des panneaux décoratifs japonais, cela a titillé mon intérêt et m’a donné envie d’expérimenter des choses audacieuses, en plaçant , par exemple, mes personnages principaux dans différents environnements décoratifs influencés par un mélange de différentes références artistiques et de formes d’art (religieux, peinture, textile, art de la rue, etc.). À une certaine époque, mes expériences dans la peinture m’ont conduit au constructivisme abstrait
(c’était à la fin de mes études à l’école des beaux-arts), mais, après, je suis retourné au langage qui me permet de m’exprimer le mieux.
« Ce que je fais aujourd’hui est principalement influencé par Gustav Klimt et Egon Shiele. » Baron Von Munchausen 2 10
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Baron Von Munchausen
Don Quixote 2
Vous êtes l’auteur d’un Don Quichotte et d’un Peter Pan: pourriez-vous nous en dire davantage sur la genèse de chacun de ses deux livres? Avec Don Quichotte, les choses étaient plutôt faciles ; c’est le livre préféré de ma femme ... donc je suppose que l’environnement a mis un peu de pression et que j’ai, de façon toutefois absolument objective, décidé d’accepter cette proposition de travail. Peter Pan est une histoire plus personnelle. Ceux qui connaissent bien le livre sauront probablement que James Matthew Barrie a eu l’idée de génie « d’oublier » de décrire les caractéristiques physiques de son héros. De
cette façon, il permet aux lecteurs de s’identifier avec le personnage et de vivre son aventure (ou de revivre son aventure) ,comme si c’était leur histoire. En essayant de suivre sa tactique, j’ai créé un Peter Pan différent, en m’éloignant un peu des stéréotypes qui le dépeignent presque toujours de la même manière, influencée par les premières représentations théâtrales de cette histoire. Je crois que cette rigidité à fixer ce personnage dans une stylisation particulière est en train de tuer une partie de la magie de ce livre. Je voulais faire quelque chose par rapport à cela et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles j’ai décidé de choisir ce livre, l’autre raison était tout simplement de travailler sur un texte merveilleux.
« James Matthew Barrie a eu l’idée de génie « d’oublier » de décrire les caractéristiques physiques de son héros. De cette façon, il permet aux lecteurs de s’identifier avec le personnage et de vivre son aventure (ou de revivre son aventure) ,comme si c’était leur histoire. » 12
Don Quixote
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je travaille exclusivement à l’aquarelle et à Don Quichotte, Peter Pan : deux per- l’acrylique sur papier. J’ utilise toujours une sonnages qui refusent de voir le monde seule technique à la fois, nette et propre; Je tel qu’il est, non? Don Quichotte par n’aime pas les mélanger. son idéalisme chevillé au corps, Peter Pan par son refus de grandir? Revenons à la Grèce où vous résidez La diversité, l’originalité, l’audace, l’esprit aujourd’hui : on découvre dans vos libre, l’intensité, ils ont toutes les qualités œuvres de nombreuses illustrations magnétiques d’un caractère idéal. Leur per- de mythes grecs: Danae, Atalante, Désonnalité est stimulante et c’est plutôt amu- dale, Pandore, Apollon et Daphné, Orsant de passer du temps avec eux pendant phée et Eurydice...La mythologie, un un certain temps, à croire en eux, pour leur réservoir inépuisable d’inspiration? donner une forme, vivre avec eux. Fonda- Une passion née à l’enfance ou l’adomentalement, le caractère unique de leur lescence? caractère cache la possibilité d’une approche J’adore la mythologie grecque depuis que différente, la possibilité d’imaginer une il- je suis petit. Les mythes et les «1001 nuits» lustration beaucoup plus expressive qui dé- étaient, je pense, mes deux histoires prépasse les limites de la vie quotidienne. férées, plus quelques autres contes de fées. Maintenant, en regardant en arrière, j’aurais Deux personnages lunaires, rêveurs.... aimé dire que mon livre préféré était quelque qui vous correspondaient bien? chose comme Le Petit Prince, mais je n’ai compris et adoré cette histoire que beaucoup Personnellement, je pense que je n’ai rien en plus tard. En fin de compte, il semble que commun avec eux ou peut-être juste un peu j’ai toujours aimé les histoires exubérantes et avec Peter Pan. Par contre, j’ai toujours aimé riches en aventures. De nombreuses années les rêveurs, ce sont des créatures sensibles plus tard, on m’a donné l’occasion de travailqui donnent naissance à l’optimisme et l’en- ler sur la mythologie et au final, ce n’était pas vie d’une vie meilleure, et ce qui est étrange, du tout facile. Vous devez comprendre qu’en c’est que je pense que ces deux-là gèrent très Grèce, ces histoires particulières sont consibien; depuis tant d’années, ils réveillent tou- dérées comme d’énormes chapitres de fierté jours les émotions et l’envie de les suivre nationale pour les gens. Chaque grec a plus pour un monde meilleur chez la plupart des ou moins en lui sa propre mythologie perlecteurs. sonnelle, unique et spéciale. Mon illustraAvec quelles matières, supports et ou- tion serait le plus probablement vue comme tils travaillez-vous? l’intrusion d’un étranger sur la terre sacrée. C’est une réponse facile. Depuis sept ans, Néanmoins j’ai osé et le plus grand défi dans
« J’ai toujours aimé les rêveurs, ce sont des créatures sensibles qui donnent naissance à l’optimisme et l’envie d’une vie meilleure. » 14
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Peter Pan
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lequel je suis tombé était totalement différent du conflit que j’imaginais, à savoir que ce serait entre moi et les opinions personnelles des grecs sur le sujet qu’il y aurait heurt. La mythologie grecque est pleine de passion, de violence et d’aventure, mais elle n’a aucun sens de l’humour. C’était un très grand défi pour moi d’illustrer un tel texte pour les enfants. Concernant ma relation à la mythologie grecque en tant qu’adulte, par contre, je l’aime toujours. Pour vous donner un exemple de pourquoi, il y a quelque chose que vous ne savez peut-être pas: le son entendu quand une muse vous parle est appelé «musique»! Haw, comment peut-on ne pas aimer la mythologie !! ???
du Songe d’une Nuit d’été et même Moby Dick... Plus d’hésitation donc, vous êtes un peintre littéraire donc! Évidemment mon style convient davantage à des classiques et des contes pour adultes, bien que j’ai illustré des livres pour enfants et jeunes lecteurs; la plupart des propositions de travail que je reçois sont des textes plus graves et pendant les deux dernières - trois ans exactement- j’ai travaillé principalement pour des grandes écoles et des universités.
Vous arrive-t-il de peindre des sujets ordinaires...ou avez-vous besoin d’enthousiasme, de lyrisme, de l’extraordinaire de la fiction pour mettre en action votre pinceau? Curieusement, je crois que je fais exacteOn croise aussi le Baron Munchausen, ment cela, la peinture des objets et des perRoméo et Juliette, Obéron et Titania sonnes ordinaires. La vérité est que j’essaie
« La mythologie grecque est pleine de passion, de violence et d’aventure, mais elle n’a aucun sens de l’humour. C’était un très grand défi pour moi d’illustrer de tels textes pour les enfants. » 16
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de leur assigner une essence théâtrale afin de parvenir à une meilleure expressivité dans mon travail, mais la plupart des éléments dans mes images sont très populaires. Lyrisme, poésie et tous autres sentiments caractéristiques d’un héros ou d’un conte sont vitaux et cherchent à donner à mes images davantage d’expressivité. Sinon il y aurait une objectivité simple qui peut, bien sûr, être une forme d’expression en soi, mais certainement pas celle que je cherche.
Comme je l’ai dit précédemment, j’aime beaucoup la combinaison d’un dessin avec les éléments décoratifs autour de lui. Les choix sont illimités et peuvent être atteints grâce à un certain nombre d’expressions artistiques. Je profite et utilise tout ce qui a fait une impression sur moi et je pourrais travailler dans mes dessins avec des motifs de tapisseries, de tissus, de carrelages, de peintures murales religieuses ou encore de motifs qui donnent l’impression de murs avec des graffitis si caractéristiques du street art contemporain. Tout ce qui Vous ne centrez pas vos personnages, obli- fonctionne ... pas le moindre scrupule. gez l’œil à regarder autrement l’image, jouez avec les lignes de force du tableau, on Si vous deviez qualifier votre ambition arse trompe? tistique en quelques mots, vous diriez? La composition, les différents points de vue, l’instal- J’aimerais que mon art « touche » les gens. lation, le «mouvement» dans quelque chose de statique, ce sont les «outils» de mon processus de des- Enfin, puisque vous vivez en Grèce qui sin pour exprimer des sentiments dans une image. vit une époque de changements profonds, La façon dont j’illustre une scène est directement quel regard portez-vous sur votre pays auliée à l’expressivité que je veux atteindre. Une scène jourd’hui? Êtes-vous satisfait de ses mutapaisible et calme est présentée très différemment tions? Etes- vous un artiste impliqué dans la d’une autre qui est dramatique, intense et violente. vie politique ou plutôt, justement, quelqu’un Dans le premier cas, j’aurais évidemment recherché qui reste éloigné de tout ça et préfère s’emune composition tranquille, toujours horizontale, barquer pour de belles histoires imagialors que dans une scène dramatique, je voudrais naires? aller vers quelque chose de fortement en diagonale, La situation actuelle en Grèce est telle que chaque avec un point de vue brusque et une petite surprise action ou inaction est un acte politique en soi. Je si nécessaire. En termes de couleur, j’essaie de suivre vis parmi le peuple et aussi en dehors en tant qu’arle même principe. Quelque chose d’autre que j’aime tiste; je suis aussi le père de deux jeunes filles, ainsi souvent faire est de casser la perspective en faveur l’avenir du pays me préoccupe de façon vitale. J’esde l’expressivité. En modifiant la perspective, j’es- saie d’être un membre actif de la société, d’agir et de saie d’éviter de donner l’impression de profondeur, participer selon mes pouvoirs. mettant en place une impression de proximité, afin d’avoir de plus grandes surfaces avec plus de cou- Le site officiel de Svetlin Vassilev : www.svetlin.gr leurs décoratives qui, je pense, transportent mieux les émotions et sont beaucoup plus expressives. De plus, vous créez des arrière-plans qui semblent des tapisseries orientales, moyenâgeuses, petites fenêtres qui embarquent elles aussi vers un rêve..
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Contre feux
JULIA CAGÉ PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS VIDAL / Photos Emmanuelle Marchadour
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Alors que la presse française traverse une crise sans précédent avec des conséquences dramatiques sur les effectifs et la capacité à produire une information de qualité suite aux restrictions budgétaires et aux fermetures de rédactions, Julia Cagé fait paraître un livre qui propose de nouvelles pistes de réflexion pour sauver la presse. Normalienne et professeur d’économie à Sciences Po Paris, l’auteur explique qu’une issue heureuse paraît possible avec l’instauration d’un nouveau statut pour les médias afin de les mettre à l’abri des appétits financiers d’actionnaires peu scrupuleux et préserver leur indépendance éditoriale pour leur permettre d’aborder la révolution numérique. Car il en va de l’avenir de notre démocratie. Entretien avec celle qui fait bouger les lignes avec talent et conviction Julia Cagé, à quoi attribuez-vous la crise de la presse française ? Les raisons de la crise de la presse française sont multiples, et intrinsèquement liées. Tout d’abord il y a, avec une augmentation généralisée de la concurrence sur le marché des médias, un effondrement des revenus publicitaires. Certes, ce n’est pas nouveau (historiquement, les journaux ont souffert dans un premier temps de la concurrence de la radio, puis de l’introduction de la publicité à la télévision en France en 1968, et ensuite du minitel – ils souffrent également depuis toujours de la concurrence qu’ils se font les uns aux autres). Mais avec Internet, cette crise de long cours s’est accélérée. Avant Internet, la part de la publicité allant aux journaux plutôt qu’à d’autres médias était en baisse ; avec Internet, c’est la dépense publicitaire totale qui diminue, parce qu’Internet a tellement démultiplié l’offre d’espaces publicitaires, que c’est le prix même de la
publicité qui s’effondre pour la presse écrite. La presse française souffre ensuite d’une crise de la qualité, et donc d’une baisse de son lectorat. Pourquoi ? Parce que les patrons de presse ont dans leur grande majorité fait le choix, face à la diminution des recettes publicitaires, de couper dans les coûts, ce qui s’est le plus souvent traduit par une baisse du nombre de journalistes travaillant dans les journaux. Or sans journalistes – sans un nombre suffisant de journalistes – un journal ne peut pas produire une information originale et de qualité. Et c’est un cercle vicieux : la baisse de la qualité entraîne la baisse du lectorat qui entraîne la baisse des revenus publicitaires conduisant à de nouvelles réductions des dépenses… C’est crise de la qualité, c’est également ce qui explique la défiance d’un nombre croissant visà-vis de la presse écrite, défiance qui ne fait que s’accroître.
La presse française souffre ensuite d’une crise de la qualité, et donc d’une baisse de son lectorat.
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«On a tendance à surestimer l’audience en ligne par rapport à l’audience papier. On nous présente souvent des statistiques en millions – des nombres de clics – en oubliant de préciser qu’il ne s’agit pas de visiteurs uniques» Comment expliquez-vous que les médias qui se positionnent sur le numérique ne parviennent pas à monétiser leur audience ? Il faut faire attention : les médias qui se positionnent sur le numérique n’arrivent pas à monétiser leur audience vis-à-vis des publicitaires. Mais ceux qui font le choix de la mise en place d’un paywall (mur payant) - c’est le cas par exemple en France de Mediapart – peuvent gagner de l’argent (faire des profits) en vendant une
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information de qualité à des internautes tout à fait prêts à payer pour. Ensuite pourquoi les journaux n’arrivent pas monétiser leur audience en ligne auprès des publicitaires ? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que l’on a tendance à surestimer l’audience en ligne par rapport à l’audience papier. On nous présente souvent des statistiques en millions – des nombres de clics – en oubliant de préciser qu’il ne s’agit pas de visiteurs uniques. Et dans le même temps on sous-estime le lectorat du
« Pour récupérer son lectorat, il faut définitivement que la presse réinvestisse dans la qualité. Or elle semble plutôt faire le choix inverse (plans de départs volontaires à Libération, au Nouvel Observateur, au Figaro, à Sud Ouest…)» papier en se focalisant sur la diffusion plutôt que sur le nombre de lecteurs, qui peut-être de l’ordre de quatre fois plus élevé. Deuxièmement, les journaux n’arrivent pas à monétiser cette audience parce que l’information en ligne – et donc a fortiori encore plus la publicité – on ne la lit pas, on la survole. Toutes les études de comportement de lecture en ligne l’ont montré. Or un œil qui ne s’arrête pas n’a que peu de valeurs pour un publicitaire, et l’on estime qu’un lecteur en ligne vaut près de 20 fois moins qu’un lecteur papier. Et puis enfin, il y a la diminution du prix de la publicité. Les journaux démultiplient les espaces publicitaires en ligne mais ils se trouvent contraints de les brader. Phénomène qui est accentué par le fait que les géants du web comme Google s’approprient la plus grosse part du gateau. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’évolution du lectorat de la presse ? Il ne faut pas faire de généralités et cela varie beaucoup en fonction des différents types de presse. Si vous comparez par exemple les lecteurs de la Presse Quotidienne Régionale (PQR) avec la moyenne de la population française, en termes d’âge, de diplômes, de catégories socio-professionnelles, vous obtenez quelque chose d’assez similaire, même si
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le lectorat de la PQR a eu tendance à un peu vieillir. Dans le cas de la Presse Quotidienne Nationale (PQN), la situation est totalement différente, et vous avez un lectorat qui a un niveau d’étude plus important, et il s’agit davantage de cadres et de professions intellectuelles supérieures. C’est aussi un lectorat plus aisé qu’il y a quelques années, ce qui est dû en grande partie au fait que la PQN, pour compenser le ralentissement de ses ventes, a très fortement augmenté ses prix, or l’élasticité-prix de la demande pour la presse est relativement élevée. Même si, là encore, il ne faut pas faire de généralités, et la structure du lectorat de l’Humanité n’a par exemple rien à voir avec celle du Figaro (ce qui se traduit également en termes de revenus publicitaires). Surtout, le lectorat de la PQN devient de plus en plus parisien, ce qui est frappant si l’on regarde les chiffres de diffusion par département. Dans l’ensemble, sauf regain d’intérêt lié à l’actualité (périodes d’élections; drame de Charlie), c’est bien sûr un lectorat qui est en baisse. Mais je ne pense pas que cette diminution soit indépassable. Il y a des choses nouvelles et payantes, sur papier ou sur internet, qui émergent et qui marchent. Mais pour récupérer son lectorat, il faut définitivement que la presse réinvestisse dans la qualité. Or elle
« La pérennité financière viendra du recours au paywall (...) La seule façon de monétiser l’audience en ligne c’est en effet de la faire payer pour accéder à un contenu de qualité.» semble plutôt faire le choix inverse (plans de départs volontaires à Libération, au Nouvel Observateur, au Figaro, à Sud Ouest…) Est-ce que la crise de confiance envers les médias par le public ne s’agrège-t-il pas avec d’autres effets qui fragilisent la presse ? Comment expliquer que les Français (mais le constat vaut bien au-delà de la France) n’aient plus confiance dans les médias ? Je pense que c’est en grande partie lié en effet à un autre facteur qui fragilise la presse : son financement. Les médias sont de plus en plus possédés par quelques hommes d’affaires (on avait depuis longtemps en France Bouygues et TF1, Dassault et Le Figaro, maintenant on a une recomposition de la presse « de gauche » avec deux géants des télécommunications qui sont rentrés dans le jeu, Xavier Niel - Le Monde et l’Obs – et Patrick Drahi – Libération) qui voient dans ces médias un outil d’influence (les Français ne sont pas dupes) et qui de plus sont prêts à en fragiliser la qualité pour maximiser leur profit (ou limiter les pertes). Je pense que le manque de pérennité du capital – le sentiment de fragilité constant – est également clef, d’autant qu’il fragilise les journalistes ce qui entraîne des crispations. Au final, les Français n’ont plus l’impression
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que l’information est produite pour eux, mais pour servir les intérêts de certains ou par des journalistes qui seraient déconnectés de leur quotidien. Si l’on regarde dans le détail le salaire moyen des journalistes, il est en fait complètement faux de dire qu’ils sont déconnectés du Français moyen, mais les perceptions jouent un grand rôle ici. Avant d’entrer dans le vif du sujet, les sources de financement de la presse se tarissent avec la baisse des revenus publicitaires concomitant avec une désaffection du public pour la presse en général. A quoi attribuez-vous cela ? La baisse des revenus publicitaires s’explique à la fois par la concurrence des autres médias qui fait que la part du gateau publicitaire à destination de la presse écrite se réduit; par la baisse du prix de la publicité due à une offre publicitaire plus abondante que jamais; et aussi par l’émergence de nouvelles technologies comme le marketing direct qui font que la publicité n’est plus le seul moyen – et peut-être plus le moyen le plus efficace – pour une entreprise d’atteindre ses clients. Bien sûr les revenus publicitaires baissent également parce que le lectorat baisse. À l’arrivée, la désaffection du public est à la fois une cause et une conséquence. Une cause parce que moins de lecteurs égal
«Les journaux consacrent de moins de ressources à l’enquête, à l’investigation, à la production d’une information de qualité et de plus en plus à juste fournir très rapidement du contenu renouvelé très fréquemment en ligne, le plus souvent simplement sous la forme de copier-coller de dépêches d’agence et sous l’emprise de Google News.» moins de publicité, mais une conséquence aussi parce que la diminution de la manne publicitaire s’est accompagnée d’une baisse de la qualité. Est-ce que la perspective que certains médias puissent monétiser une partie importante de leur audience pourrait-il être l’une des solutions pour la pérennité financière de certains d’entre eux ? Les médias n’arriveront pas à monétiser leur audience auprès des publicitaires, je pense qu’il est temps qu’ils le réalisent, sinon ils vont aller droit dans le mur (financièrement, mais également déontologiquement – le recours grandissant à la publicité native pose ainsi un vrai problème). La pérennité financière viendra du recours au paywall. Plus de 40% des journaux américains l’utilisent aujourd’hui, certains journaux français s’y mettent petit à petit, je pense qu’il faudrait accélérer le mouvement. La seule façon de monétiser l’audience en ligne c’est en effet de la faire payer pour accéder à un contenu de qualité.
Quelle est votre analyse concernant ce déficit de monétisation par les médias français qui basculent et qui investissent sur le web ? Le problème ce n’est pas que les médias investissent sur le web ; en soit, faire le pari du futur et du progrès technologique, c’est toujours la meilleure des solutions. Le problème, c’est à quel prix. Or ce basculement s’est fait dans un contexte de ressources en baisse, et ce que l’on a constaté, ce n’est pas simplement un investissement sur le web, c’est un désinvestissement du papier pour réallouer des ressources vers le web. Et à l’arrivée l’on constate que les journaux consacrent de moins de ressources à l’enquête, à l’investigation, à la production d’une information de qualité (qui pourrait être disponible en ligne comme sur papier) et de plus en plus à juste fournir très rapidement du contenu renouvelé très fréquemment en ligne, le plus souvent simplement sous la forme de copier-coller de dépêches d’agence et sous l’emprise de Google News. De ce point de vue, il ne faut pas s’étonner plus que mesure du défaut de monétisation
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notre indépendance éditoriale 27
: l’information disponible en ligne n’a malheureusement souvent que peu de valeur. Vous proposez dans cet ouvrage un nouveau statut pour les médias qui pourraient assurer leur indépendance financière donc éditoriale et leur éviter de tomber dans l’escarcelle d’actionnaire peu scrupuleux. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots vos propositions concernant votre proposition de nouvelle «société de média» ? Le modèle que je propose – la « société de média à but non lucratif » - est un modèle hybride entre la fondation et la société par action (on pourrait l’appeler fondaction). Il s’agit de repenser le rapport entre capital et pouvoir. De la fondation, ce modèle garde l’aspect non lucratif et la pérennité du capital : les apports en capital sont des dons (ils ne peuvent pas être récupérés par l’apporteur, ce qui évite également les difficultés au moment des successions) et les éventuels dividendes sont réinvestis dans la société de média. La limité de la fondation, c’est qu’elle ne résout pas le problème du partage du pouvoir. Le plus souvent, les premiers fondateurs/donateurs écrivent les statuts de sorte à conserver l’intégralité du pouvoir à travers un conseil d’administration voué à se coopter. Ce que je propose, c’est de favoriser un actionnariat et une prise de décision beaucoup plus démocratiques, à travers notamment le dévelop-
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pement du crowdfunding ou financement participatif. La limite du financement participatif aujourd’hui, c’est qu’il n’a de participatif que le nom : quand vous faites un don à une entreprise de presse, vous faites un chèque en blanc d’une certaine manière, vous n’aves pas votre mot à dire. Je propose que chaque apport en capital donne lieu à des droits de vote, et d’aller même au-delà de ça : que les droits de vote, au-dessous d’un certain seuil, augmentent plus que proportionnellement avec l’apport en capital. A l’inverse, les droits de votes des plus gros actionnaires peu scrupuleux (par exemple au-dessus de 10%) seront limités. Mais ils gagneront fiscalement (à travers la défiscalisation et le bénéfice du mécénat) ce qu’ils perdent comme pouvoir. Et leur média, en donnant plus de pouvoir aux lecteurs et aux salariés, regagnera également la confiance des Français. Vos propositions ont un objectif assumé : se protéger du pouvoir de l’argent. Cela concerne les médias importants ou qui bénéficient d’une surface financière de premier plan. À l’heure de l’émergence de la presse en ligne et des pure players nouvellement crées avec tout ce que cela comporte de fragile, comment ce modèle économique peut-il prendre en compte leur essor et leur développement ? Ce modèle est également - peut-être surtout – un modèle pour les nouveaux médias qui vont émerger et qui demandent pour la plupart un
nouveau statut d’entreprise de presse. Si des journalistes se réunissent pour lancer un nouveau projet, c’est qu’ils ne sont pas satisfaits de l’existant, et en particulier qu’ils veulent cette fois–ci protéger leur indépendance, ce que leur permet mon modèle. Ce n’est également le plus souvent pas pour réaliser des profits, et je pense que de ce point de vue le modèle du non lucratif est le plus adapté. D’ailleurs on voit la multiplication des initiatives de crowdfunding pour permettre le lancement de nouveaux médias. Parmi les pure players qui ont émergé et réussi en France ces dernières années, il y a Mediapart. Or Mediapart est à la pointe du combat pour ouvrir véritablement le bénéfice du mécénat à la presse, et s’ est par exemple battu pour que le statut de fonds de dotation soit
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ouvert au média. Enfin, l’avantage du modèle de « société de média à but non lucratif », c’est justement de favoriser de nouveaux apports en capital sur une base régulière. Qu’est-ce qui freine aujourd’hui le développement de nouveaux médias ? C’est le fait que les actionnaires existants savent que, s’ils ouvrent le capital à un gros actionnaire extérieur, ils vont perdre tout le pouvoir. Avec la « société de média » ça ne serait pas le cas puisque le pouvoir des plus gros actionnaires est très fortement contraint. Et les actionnaires existants seraient ainsi davantage inciter à investir dans l’avenir en faisant appel à de nouveaux apports en capital. Il s’agit bien d’un modèle économique qui pense le développement, le renouvellement et l’investissement des médias.
Vous évoquez régulièrement le crowdfunding dans votre ouvrage. Pensez-vous que ce mode de financement par souscription puisse prendre de l’ampleur dans l’apport de capital au sein des médias français et qu’il peut représenter une solution du moins partielle ? Le crowdfunding ne représentera pas toute la solution – et c’est d’ailleurs pour ça qu’il faut penser la limitation du pouvoir des plus gros actionnaires – mais oui, je pense qu’il est appelé à se développer, comme l’a montré par exemple dans l’actualité récente le succès de l’initiative de crowdfunding de Nice Matin. Mais je pense que le crowdfunding ne se développera véritablement, et c’est pourquoi je pousse dans cette direction, que s’il s’agit bien d’apports en capital – donnant lieu à des droits de vote – et pas de simples dons. Je pense que les citoyens veulent pouvoir intervenir dans la prise de décision, et que c’est légitime. Et que si on leur offre cette possibilité, alors ils investiront – et ils s’investiront – massivement dans les médias. Vous mettez en parallèle l’avenir et l’indépendance des médias et l’exigence démocratique de notre société. Quand et comment cette nouvelle société de média que vous préconisez pourrait-elle se mettre en place dans le paysage médiatique français. Serait-elle seulement applicable aux organes de presse pratiquant l’information politique et générale ? Pourrait-elle être étendue à un spectre plus large ? S’il a la volonté – et le courage – politique, ce nouveau statut de société de média pourrait être introduit en quelques mois. Il y a d’ailleurs une
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loi de modernisation de la presse qui est à l’heure actuelle en train de faire la navette entre le Sénat et l’Assemblée, pourquoi ne pas saisir l’occasion ! Cette loi de modernisation a vu le vote d’un « amendement Charb » qui permet de défiscaliser dans une petite mesure des apports en capital aux médias. Il s’agirait de pousser cette logique plus loin en ouvrant véritablement le bénéfice du mécénat aux médias d’information politique et générale grâce à ce nouveau statut. Toute en garantissant de plus l’indépendance du travail journalistique vis-à-vis des plus gros actionnaires. SAUVER LES MÉDIAS
Capitalisme, financement participatif et démocratie, Editions du Seuil
De Julia Cagé Edition du Seuil
Collection : La République des Idées 11,80 euros - 205 pages Julia Cagé sur Twitter / @CageJulia
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THÉÂTRE
JACQUES ALLAIRE " Chez Durif, dire c’est faire»
Jacques Allaire est un homme de théâtre engagé et passionné. Ses créations ne laissent jamais indifférent tant son implication est entière, son esthétique singulière, sa direction d’acteurs investie. Après La liberté pour quoi faire? et ses cauchemars poétiques, Je suis encore en vie et son cri muet ou encore Les damnés de la terre qui se nourrit aux racines de l’âme humaine, le metteur en scène a choisi de monter le texte d’un « clown mélancolique », Eugène Durif. On y découvre deux femmes-clown et un « Tiers » masculin qui échoueront à représenter un spectacle. L’objectif principal de cette représentation absurde? Rire aux éclats. Aller découvrir cette pièce? ça ne fait ni une ni deux!
Propos recueillis par Julie Cadilhac / photo Marc Ginot
Ni une ni deux... comment est née l’envie de monter cette pièce? C’est une étrange et longue histoire . Il y eut, à l’origine, un chantier fait à Sigean (Aude) il 32
y a longtemps, bien longtemps, en 1997. à partir d’un texte d’Eugène Durif qui s’appelait « Il faut que l’une ait raison pour que l’autre ait tort » et qui était sous-titré «Eloge de la gélodacrye - l’art de rire et de pleurer en même temps.» Nous en avions donné en une seule soirée deux représentations au Festival «Théâtres » (que nous avions créé avec le collectif Abattoir fondé 4 ans plus tôt par Jean Varela, Jean-Marc Bourg, Véronique Do, Christian Pinaud et moi- même. Mais il n’y eut jamais de suite à ce «chantier» malgré mon désir. A cette époque, les priorités du collectif allaient ailleurs. C’etait ma première «mise en scène». Eugène Durif nous avait confié ce texte qui dormait sans succès dans un tiroir et que je décidais de livrer
sous la forme d’ une ébauche. J’ai rencontré Eugène à Paris où je vivais alors. J’aimais ses pièces mais je ne le connaissais pas personnellement et j’étais impressionné d’avoir à lui dire le coup pendable que je préparais. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises et je lui ai fait part, progressivement, de mon désir de remodeler ce texte de la veine « cabaret » de ses écrits et qui comportait, de fait, de nombreuses chansons et moments instrumentaux sur lesquels je voulais revenir. Je désirais -sans toucher son écriture - supprimer les chansons afin de renforcer la comédie du ratage et de l’abandon dont je pressentais la puissance mais que venaient contredire, de mon point de vue, les multiples moments musicaux. En effet, comment expliquer que les personnages disent, à longueur de répliques, qu’ils ne savent et ne réussissent à rien faire et d’un autre côté les faire chanter et jouer toutes sortes d’instruments à la fin de chaque fin de scène? Le genre renvoyait, bien entendu, au cabaret. Mais ce cabaret empêchait l’éclosion d’une comédie pathétique et désolée, cousine lointaine de Godot, dans laquelle les 33
deux héroïnes, deux jeunes femmes, «La Groule» et «L’Effarée «(personnages aux noms comme des masques), figures échappées d’un slapstick attendent quelque chose, c’est à dire quelqu’un, quelqu’un qui leur manque, pour enfin chanter. Mais qui ne viendra pas. Et comme chez Beckett, quelqu’un d’autre arrivera à la place du Godot, à la place de ce qu’on espère ou de ce qu’on attend. Ce n’est ni Pozzo ni Lucky qui débarquent. Chez Durif ça s’appelle le «Tiers» , un type qui s’appelle Tiers, comme on nomme une tierce personne et soi-disant musicien. J’expliquais longuement à Eugène ma vision de son texte et mon désir de supprimer les chansons. Bienveillant, ou simplement était-il heureux que je m’intéresse à ce texte plus ou moins abandonné et lui offre une deuxième vie ? Il m’accorda mon insolence. Lors d’un autre rendez-vous, j’allais un peu plus loin, craignant que ce ne fût cette fois irrecevable. Je demandais également à supprimer un tableau et inverser l’ordre de deux autres tableaux - conséquences devenues nécessaires pour moi depuis la suppression des chansons et afin d’accentuer la verve burlesque de la pièce. Enfin, et
"Je m'étais toujours promis de le réaliser, comme un enfant dit plus tard : « quand je serai grand » pour finir, comme pour m’assurer la naissance de ce « nouveau même texte », je changeais les Si vous deviez formuler quelques mots sur noms des personnages et le titre de la pièce qui l’écriture et l’univers d’Eugène Durif, vous désormais allait s’appeler « Ni Une, Ni Deux ». diriez…? Les personnages, eux, s’appelleraient Ni Une, Je dirais d’Eugène qu’il est un clown mélancoNi Deux et Tiers. Mais je n’osais lui avouer ce lique. changement opéré au début des répétitions et sans conséquence puisque les noms des per- C’est une pièce qui a pour unique objectif sonnages ne sont jamais prononcés. Quant de faire rire, c’est bien ça? Une première au changement de titre, je l’avais fait trop tar- pour vous? divement pour que l’information et autres Oui c’est mon seul et unique but produire un documents publicitaires soient transformés. rire irrépressible, que l’ensemble des émoLe chantier fut donc représenté sous le titre tions du spectacle soient traversées du rire original « Il faut que et des larmes du l’une ait raison pour rire. C’est une coque l’autre ait tort ». médie de l’échec et « C’est une comédie de l’échec et Seuls les manuscrits du vide. Un muet parlant, quelque du vide. Un muet des acteurs et ceux parlant, quelque chose comme ça» remis à l’équipe archose comme ça. tistique révélaient Non, Je ne crois « le changement pas que ce soit une d’identité ». Eugène assista aux deux seules et première puisque je travaille le vocabulaire uniques représentations et me donna sa bé- burlesque, le décalage et la comédie déjà en nédiction. Et me demanda ma version de sa tant qu’acteur. Ensuite il y a souvent des mopièce. Je lui révélai alors ce nouveau baptême ments qui relèvent de cette grammaire dans pour les personnages, changement de noms, mes précédents spectacles , radicalement Les et pour le titre, changement de titre. Il fit peu habits neufs de l’empereur ,mais aussi certains de temps après publier la pièce chez Actes moments de La liberté pour quoi faire ? J’aime Sud-Papiers sous le titre «Ni Une, Ni Deux », la comédie lorsqu’elle provoque un rire quanon sans qu’il eut rétabli assez logiquement si-mécanique. quelques uns des passages coupés ! Alors, lorsqu’Yvon Tranchant et l’équipe de la Scène Nationale de Sète m’ont proposé, en parallèle « Mon seul et unique but : de la création du «Dernier Contingent» de produire un rire irrépressible » Alain Julien Rudefoucauld prévu pour l’automne 2015, de réfléchir à une comédie qui serait aussi un spectacle court et tout public, c’est immédiatement qu’est revenu à ma mé- C’est quoi un clown pour Jacques Allaire? moire ce texte d’Eugène Durif. Je m’étais tou- Vous êtes-vous vraiment posé la question jours promis de le réaliser, comme un enfant avant de commencer les répétitions de dit plus tard : «quand je serai grand». cette pièce?
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« J’aime la comédie lorsqu’elle provoque un rire quasi-mécanique » Dès la lecture de ce texte, j’ai eu à l’esprit les comédies américaines, celles de Capra, Leo MC Carey, ou encore et surtout les Slapstick Fatty, Chaplin, Larry Semon... Ou les Marx Brothers. Fort de ce sentiment autant que de ce désir, je me suis attaché à travailler avec les acteurs à l’écriture de personnages, des figures, on peut parler de figure comme on dirait d’un clown, inventer son clown. Faire en sorte que ceux-ci répondent à des lois mécaniques et non explicites d’un comportement même absurde que nous dessinerons, d’autant qu’il s’agit essentiellement de deux clowns- femmes, et ce n’est pas si courant. Donc pas d’histoire personnelle, de psychologie personnelle. Seul importe le moment de la parole, de l’action, de la situation et la manière dont nous l’explorerons. Un fonctionnement qui relève de la nécessité immédiate et irréfléchie. Dès lors, ce qui compte, c’est la grammaire gestuelle des personnages, la précision du geste. Un jeu entier et direct. Oubli de la situation précédente, aveuglement dans la situation présente, manières récurrentes de certains actes, de certains comportements, de certains vocables. Insolence du jeu, insolence amusée avec le public. Cela appelle travail de rythme, de tempo, propres au jeu du clown et à la comédie, les mots devenant autant de trapèze à saisir au vol. Chez Durif, dire c’est faire. Les dialogues s’enchaînent absurdes, surréalistes. Ils produisent des situations loufoques, burlesques, le tout empreint d’une profonde douceur, peutêtre même est-ce de la mélancolie.
prêtent le plus à rire dans cette pièce? Je faisais référence à Beckett, mais il faudrait tout autant, sinon plus, parler de Laurel et Hardy, sauf que ce serait Laurel et Hardy femmes, enfermées dans un Godot à la sauce Durif. Leurs clown sont oui très différents en même temps quelles sont comme soeurs. C’est la raison pour laquelle je voulais associer Stéphanie et Vanessa. Des jeunes femmes élégantes montées sur leurs hauts talons avec leurs grands cheveux noirs et qui vont se mettre des tartes à la crème dans la figure et se cogner contre tous les poteaux, glisser sur toutes les peaux de banane. Vous mettez en scène deux clowns-femmes L’histoire est celle de deux jeunes femmes, Ni : se différencient-elles? Est-ce les situations, Une, Ni Deux, qui débarquent sur la scène du le langage, les gestes ou les caractères qui théâtre comme projetées sur le plateau. Elles
« Ce qui compte, c’est la grammaire gestuelle des personnages, la précision du geste. Un jeu entier et direct. » 35
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« Le public et la lumière du théâtre, tout est en marche, comme une injonction. Alors, Ni Une, Ni Deux s’exécutent, elles essaient du moins. » découvrent qu’il y a un public qui visiblement les attendait... Tétanisé de peur, il y a là, présent à observer le public et elles-mêmes, un homme, Tiers, dont la présence n’était visiblement pas prévue. Elles ne sont pas non plus celles que lui, de son côté, attendait. La comédie est autant une comédie de situation qu’une comédie burlesque de caractère, qu’une mécanique clownesque, sans oublier une comédie du langage et mêmedu mot. Une situation de base exploitée jusqu’à l’absurde, une manière burlesque. Des personnages qui échouent à chaque tentative et qui s’acharnent désespérément à essayer jusqu’au découragement, jusqu’à l’abandon. Le public et la lumière du théâtre, tout est en marche, comme une injonction. Alors, Ni Une, Ni Deux s’exécutent, elles essaient du moins. Mais rien ne vient, pas de poème, pas de chanson, aucune pensée profonde sur le sens de l’existence, aucune musique, rien ne vient. Seuls événements, les interruptions incessantes de Tiers qui les plongent chaque fois davantage dans le malaise. Sentences creuses et bouts de phrases dissimulent le vide ou le remplissent. On n’assistera pas à la représentation ratée d’une pièce, mais plutôt à un spectacle qui n’aura pas Iieu, qui n’a pas lieu, à l’impossibilité de représenter quoique ce soit, un non-spectacle. Ni Une, Ni Deux sont artistes de Rien. Au côté de ces deux femmes, un homme, nommé « Tiers », incarné par Cyril Amiot : pourquoi le choix de ce comédien en particulier? Parce que je voulais à côté de Stéphanie et Vanessa, un comédien qui est un corps petit. Vous êtes un habitué des croquis préparatoires pour la mise en scène : une forme de ce genre a-t-elle aussi suscité des dessins? 37
Vous ne croyez pas si bien dire. Je ne m’en souvenais même pas mais oui, même si c’est sans commune mesure avec ceux que je réalise aujourd’hui, j’avais tracé au feutre un croquis pour chaque tableau du spectacle. La place des acteurs et les directions de lumières y étaient signifiées clairement. C’est une pièce conçue pour être mobile facilement : quels sont les secrets de fabrication d’une « petite forme » pour vous? Faire comme choix celui d’un théâtre pauvre . Et avoir de l’imagination. Ni UNE Ni DEUX d’Eugène Durif un spectacle de Jacques Allaire avec Stéphanie Marc, Vanessa Liautey, Cyril Amiot son et lumière Guillaume Allory durée : 1heure / spectacle tout public Production : Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau • Réservation +33 4 67 74 66 97 Les représentations en 2015 • Lundi 16 mars, 20h30 Scène Nationale de Sète La Passerelle • Mardi 17 mars, Mireval, Centre Culturel Léo Malet •Mercredi 18 mars, Marseillan Théâtre Henri Maurin • Jeudi 19 mars, Mèze Chai du Château de Girard • Vendredi 20 mars, Vic-la-GardioleSalle des fêtes •.Samedi 21 mars, Poussan Salle Paul Vilalte (MJC) • Mardi 24 mars, Balaruc-le-Vieux Salle polyvalente •Mercredi 25 mars, Balaruc-les-BainsMaison du Peuple • Jeudi 26 mars, Montbazin Salle polyvalente • Vendredi 27 mars, Gigean Salle Polyculturelle • Samedi 28 mars, Frontignan la Peyrade Centre Culturel François-Villon • Mardi 31 mars theatre Molière, Pezenas • Mercredi 1 er avril scène des 3 Ponts de Castelnaudary • Samedi 4 avril le Grau du roi, Atp
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HUMOUR
Au nom du livre Modiano en Suède, Juliette Kahane partout ailleurs avec un but commun : expliquer ce qui nous intrigue. Par Marc Emile Baronheid
commande d’écrire »). Des indications précieuses, d’autant que Modiano réunit dans une même affection – nuancée - le poète et le romancier, exprimant en creux sa méfiance envers exégètes et biographes : « Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain, et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit embrouillée par le moindre parasite ». Dont acte. Il s’échappe du cinquième livre de Juliette Kahane plus que des effluves modianesques. Les situations, les personnages, l’Occupation, le spectre de la collaboration, les fréquentations inopportunes, la fragilité de la narratrice, le combat avec l’ange de l’amnésie et de l’oubli pourraient passer pour une manière d’allégeance, n’était la sincérité indiscutable de la remontée autobiographique. L’auteure est la fille de
On n’a pas à se justifier de recevoir le Prix Nobel. En revanche, rien n’interdit de lever le voile sur une démarche si abondamment commentée qu’elle finit par en devenir brouillée. Vingt-sept pages suffisent à Patrick Modiano pour élucider de manière limpide une œuvre qui le serait tout autant pour nous, si nous renoncions à cette manie d’y soupçonner quelque sortilège. Le lecteur est un grand enfant en demande perpétuelle de fées et de féérie. Il trouve son conte dans cet univers sismographique, aux énigmes phosphorescentes et aux atmosphères ultraviolettes. Ce discours est d’abord une lettre à un jeune romancier, rappelant les Lettres à un jeune poète de Rilke (« Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous
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son sparadrap le capitaine Haddock. Pas Juliette Kahane, enfant mélancolique, otage d’une tristesse ravageuse et muette, en quête d’un père insaisissable et imprévisible qui l’enlève parfois pour lui imposer le spectacle de sa vie énigmatique : un dîner pensum, le passage par une boîte de nuit où l’attend une bouteille de whisky à son nom. A 17 ans, elle ira le rejoindre aux Etats-Unis, où il est Prince of Porn, puis vivra mai 68 pour enfin détruire sa chrysalide. Un jour, elle remontera de la cave les caisses de Pandore contenant les papiers trouvés dans l’appartement de son père après sa mort. Le moment pour une autre Juliette d’affronter son propre imbroglio. Girodias aurait été fier de compter ce livre à son catalogue.
Maurice Girodias, éditeur de Lolita, Miller, Bourroughs, dandy et viveur, superbe et désinvolte un jour, fastueux panier percé le lendemain. Peut-être est-il trop flamboyant et trop décrié pour trouver grâce auprès de Modiano. Aussi trop soucieux de gommer une particularité ethnique mal perçue et dont il tentera de se débarrasser, comme de
> « Discours à l’Académie suédoise », Patrick Modiano, Gallimard, 7 euros > « Une fille », Juliette Kahane, éditions de l’Olivier, 16,50 euros
Merci à
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d’avoir tipé récemment le Bsc News Magazine afin de l’aider à se développer éditorialement et préserver son indépendance !
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HISTOIRE
Etre juive et vivre à Berlin en 40 Par
Régis Sully
« Et j’appris là quelque chose pour le reste de ma vie: dans une situation anormale il ne faut pas se comporter normalement. Il faut s’adapter » Comment une jeune juive a-t-elle pu survivre dans le Berlin des années 1940-1945, antre du nazisme? C’est ce que le lecteur découvrira à la lecture de CLANDESTINE, récit autobiographique de Marie Jalowicz. Pour cela, il faut disposer de complicités lucides ou pas. Les Allemands risquaient gros en hébergeant une juive clandestine contrainte de changer régulièrement de « planque» pour échapper à la Gestapo. La narratrice, Marie, promène le lecteur dans le Berlin populaire de ces années-là. Le regard qu’elle porte sur ses bienfaiteurs est sans complaisance. Parfois l’hôte, nazi bon teint, ignore tout de la qualité de celle qu’il reçoit. Le plus souvent l’acte est pesé, le risque connu comme chez cette militante communiste qui agit par devoir de résistance aux Nazis. Mais cette complicité s’étend également au voisinage car il est difficile de ne pas éveiller des soupçons compte tenu de la promiscuité inhérente aux immeubles et 42
à l’exiguïté des appartements. Une forme de résistance populaire au régime en place apparaît. Certes, elle n’est pas toujours exempte de calcul machiavélique ainsi cette jeune femme de sous-officiers, nazi de surcroît, qui déclare à celle qui logeait Marie : « Mon mari a dit qu’il
fallait que la juive parte d’ici. Mais il a dit qu’il ne la dénoncerait pas. Après Stalingrad, on ne sait pas comment la guerre va finir et si un jour on n’aura pas besoin des communistes».
La participation active des Allemands n’aurait pas suffit à la réussite de la folle entreprise de Marie si elle n’avait pas eu un caractère bien trempé. Qu’on en juge : refus du port de l’étoile jaune, obligée de travailler chez Siemens, comme les autres juifs, elle se livre a de subtils actes de sabotages avec d’autres employées d’ailleurs, pour finalement obtenir un arrêt de travail et passer dans la clandestinité définitivement. Son caractère est perceptible aussi dans ces jugements sous forme de sentences qu’elle porte sur ses coreligionnaires un jugement dépourvu d’aménité, comme d’ailleurs sur le peuple allemand
qui souffre certes, mais qui a par la voie démocratique a porté Hitler au pouvoir. Mais ces jugements à l’emporte-pièce seront plus nuancés à la fin du conflit. Ainsi, elle ne mettra pas tous les Allemands dans le même sac. A la fin de la guerre, Marie choisira de rester dans cette «maudite Allemagne» et à Berlin. Elle ne livrera son récit qu’à partir de 1997, soit à 75 ans , à son fils qui lui a forcé la main. Elle était restée très pudique sur ces années de sa vie. Un livre passionnant qui restitue tout un pan de la société allemande
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à cette époque, vu par une jeune femme issue de la bourgeoisie cultivée, juive de surcroît immergée dans le Berlin populaire. Dernier refus assumé celui de partir pour la Palestine, après la chute du nazisme « Je suis né ici, j’y ai grandi et logiquement c’est donc ici mon pays » CLANDESTINE Marie Jalowicz Simon Flammarion 22,90 €
POLARS
Jean-Luuuuuuuuuuc ! Par Marc Emile Baronheid / C.Hélie Gallimard
Godard for ever ! Décidément, il laisse un goût de revenez-y à celles qui l’ont approché, intellectuellement ou passionnément. Le garnement qui désossait consciencieusement le valerianum de son grand-père est mis sur le pavois, à travers deux évocations sans commune mesure. nouveau roman évoque mai 68, à travers le prisme de JLG et de sa smala. Les fidèles des Cahiers du Cinéma y trouveront leur provende et s’y ennuieront moins. Les gourmandes de fausses confidences auront de quoi papoter au long des séances de french manucure. Malheur aux autres !
Par ordre d’apparition à l’écran, Anne Wiazemski, puis Chantal Pelletier. La première n’en finit pas de laver sa défroque de Madame Ex, au point que l’eau d’essorage est devenue transparente. Le drône d’Anna Karina n’en finit pas de brouiller le souvenir de la petite-fille de François Mauriac, laquelle voudrait persuader qu’elle n’en a cure. « Pour ma part j’eus droit à beaucoup de compliments /…/ Il m’examina des pieds à la tête, avec un sourire : - Quelle jolie femme, et d’origine russe en plus ! ». On pense à La Rochefoucauld ( la modestie ajoute au mérite, et fait pardonner la médiocrité) . Ce 44
Chantal Pelletier c’est mieux, même si elle n’a jamais caressé de chat qui « sentait un mélange subtil d’herbes du maquis et de mimosa »… On quitte paisiblement M. Perrichon achetant un carnet pour y noter ses impressions de Suisse, pour un road movie placé sous le signe d’ A bout de souffle, prélude à un envoûtement, à la mise sur orbite autour de la planète Godard. Mais ces vestales du troisième type, ce n’est pas de la groupie de sansonnet. Ici encore, la dimension autobiographique est prépondérante avec Anne, une narratrice préférant l’admiration qui dilate aux discours qui ligotent et aux poses bourgeoises
fades comme une tasse de thé froid. Chantal P est passionnée par l’amour et cultive l’amour de l’amitié, à travers son trio de nanas à géométrie variable, aux mecs interchangeables, avec pour dénominateur commun le cinéma, le théâtre, les MJC, la solidarité, les utopies, les cicatrices. Aux côtés d’Anne, fille de paysans venus à la ville célébrer le culte du dieu travail, ses « plus que sœurs » : Marie, l’intello engagée, et Brigitte, la comédienne par qui l’aventure arrive. C’est le Capitaine Fracasse revu par des prototypes de
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femmes libres, modèle 1965. Causette avant la lettre. Les hommes ? Des passants qui passent, seconds rôles de courts métrages, car ce sont les filles qui actionnent le clap de fin. On lira ce qu’il advient des productions plus téméraires. C’est sans parler de cette prose qui est de la poésie effervescente, à l’incandescence irrésistible. C’est une écriture souple, bandante, aux ondulations suaves, aux fêlures justes. Le don si jalousé de la phrase exacte. Un bonbon acidulé que l’on brûle d’agacer, lentement, du bout de la langue, en implorant « encore un instant, monsieur le bourreau ». « Un an après », Anne Wiazemski, Gallimard, 17,90 euros « Et elles croyaient en Jean-Luc Godard », Chantal Pelletier, éditions Joëlle Losfeld, 14,90 euros
FRANC-TIREUR
Hors des sentiers battus, il y a d'autres livres Nombreux sont les ouvrages qui passent inaperçus aux yeux du public que nous sommes. Et pour cause : la presse – et quel qu’en soit le support médiatique - les ignore pour des raisons plus ou moins légitimes dont l’une d’entre elles – la principale ? - est que la production éditoriale sans doute trop dense (l’édition française publie par an 65 000 livres - en moyenne et tous genres confondus - dont, lors de la dernière rentrée littéraire 2013, selon les chiffres de la CNL, 697 romans. Dès lors comment distinguer telle ou telle publication et ce, quelle que soit sa nature ? Et puis, il y a les incontournables titres et auteurs qui, selon la tendance du moment, sont promus vers le succès commercial à grands renforts de publicités… en tous genres. C’est un fait : en dehors des librairies traditionnelles et quelques sites Internet spécialisés qui placent les œuvres selon leurs critères qualitatifs, nous subissons le règne de la « tête de gondole » ! Face à cette réalité, le BSC NEWS Magazine a décidé de vous présenter des livres dont on vous parle peu voire… jamais. Cette nouvelle rubrique, libre de toutes contraintes, est donc la vôtre.
Par Eric Yung - photos DR « Road tripes » qui vient de paraître en format de poche et qui a eu un beau succès lors de sa première parution serait (si l’on en croit la 4° de couverture rédigée par l’éditeur) un « polar humoristique et déjanté ». C’est vrai et cela tient à la cocasserie du ton général de l’ouvrage qui, par le talent de l’auteur, use d’un langage peu commun et sait s’amuser avec les mots pour tracer, avec finesse, quelques beaux portraits. Au-delà du plaisir de lire ce véritable divertissement littéraire qui met en scène deux personnages (Vincent et Carrel) « Road Tripes » s’inscrit dans ce qu’il est convenu d’appeler les « romans d’errance ». Et c’est formidable ! Road tripes, à travers les mésaventures des deux héros du livre raconte un voyage ini-
tiatique qui nous dit (à moins que ce soit un rappel) que nous, les petits êtres qui sommes sur terre, ne devons pas –pour vivre en toute quiétude- déro-
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ger aux règles (comment dire ?) du savoir-vivre. Or, ce livre est une gigantesque bousculade des normes qui régissent notre société. C’est une manière de poser la sempiternelle question : qu’est-ce que la liberté ? Pour Carrel, un être rustre, c’est exister à l’instinct, faire abstraction du temps, égrener les jours sans précaution et tirer du danger une jouissance immédiate. Pour Vincent, un ancien étudiant en médecine, c’est regarder agir son camarade, c’est rêver d’être son double au point de devenir son complice et conduire une introspection afin de savoir qui il est. Carrel n’a rien à démontrer. Vincent veut se prouver qu’il existe, qu’il n’est pas seulement un fils à papa, un pianiste raté, un quadragénaire qui n’a même pas su
être « un bon père de famille ». Alors, de Bordeaux à Montélimar en passant par l’Aveyron, les deux hommes -entre trois courses poursuites - volent, tabassent, incendient, braquent etc. Mais Carrel et Vincent sont différents et tout (jusqu’au physique) les sépare. Ainsi, si l’on devine –par la plume talentueuse de Sébastien Gendron- que Vincent a l’esprit vif, qu’il est plutôt leste et sportif et qu’il cultive une certaine élégance vestimentaire, on apprend que Carrel est un homme rustre « avec des doigts énormes, plein d’encre sèche et d’autres saletés compactées sous l’épiderme qui tire sur sa lèvre inférieure. Dessous, il y a un soupçon de dentition, largement battu en brèche par une importante dyschromie marron et noire. Une centrale à bactéries. (…) Impossible de lui donner un âge. Il a les cheveux poivre et sel, rares sur l’avant du crâne alors que l’arrière semble vouloir patienter encore un peu. Comme il est à la limite de l’obésité, son visage présente peu de rides ». C’est l’opposition de ces deux êtres qui fait toute la force du roman. Road tripes est l’union de la carpe et du lapin et c’est par le jeu subtil des situations, des brefs dialogues, les justes descriptions d’événements que Sébastien Gendron parvient à nous mener dans un récit digne des meilleurs « Road movie » sachant que ce terme est, en principe, réservé exclusivement à un genre cinématographique né dans les années 70. En réalité l’histoire de Road Tripes est – aussi- le prétexte, par l’opposition des deux personnages principaux, à montrer l’injuste
condition humaine. L’un, Carrel, le maroufle, est et restera un fieffé voyou, un malotru violent qui finira sa vie telle qu’elle a été écrite par avance : le visage sur le bitume, la poitrine criblée de balles et le calibre 12 à la main. Vincent lui vivra jusqu’au bout « sa récréation de 4000 kilomètres, son Iliade et son Odyssée » et retournera vaquer aux mornes activités d’un privilégié qui s’ennuie et s’interroge à jamais sur « sa peur de s’engager ».
« PARIS MA GRAND’VILLE » de Roger Grenier. Editions Galllimard dans la collection « Le sentiment géographique ».
Il suffit pour dire tout le charme de ce livre d’en lire, à voix haute, la première des phrases :
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« Je ne sais pas si je suis un provincial ou un Parisien. Je suis né par hasard en Normandie. (…). J’ai l’impression que les vrais parisiens sont ceux nés ailleurs et pour qui vivre à Paris est une conquête. Il me suffit de passer sur un pont de Seine, et je m’émerveille. Des ciels incomparables ! Ce n’est pas un rêve, je suis à Paris ». Le nouvelliste Roger Grenier nous offre avec son dernier livre des promenades délicieuses au cœur d’un Paris qui est d’abord le sien puisqu’il débute sur des lieux de l’intimité de l’enfance et de la jeunesse. Visite guidée s’il en est, Roger Grenier, cet auteur de 96 ans, qui a connu les plus illustres de nos écrivains contemporains et qui a été l’ami d’Albert Camus et de Romain Gary, pose sa main sur notre bras et nous guide jusqu’aux adresses qu’il a fréquentées. Ainsi, au 21 rue Mazarine, c’est la bâtisse où André, son père est né. Au 43 boulevard de Strasbourg c’est le lieu de l’ancienne imprimerie familiale. Au 3 rue Poissonnière, une vieille adresse de parents, on apprend qu’un certain Germain Calmel, vigneron dans un petit village perdu au nord de l’Hérault, sur les contreforts des Cévennes, serait parti avec une actrice. Un scandale à l’époque ! Et puis, au fil des pages et des rues qui reconstituent une portion de vie passée, Roger Grenier nous entraîne à ses basques pour tenter, avec lui, de retrouver une boutique d’optique, là où a travaillé sa tante et qui se dressait dans « une rue au nom gracieux, la rue Pastourelle. » Mais « Paris ma grand’ville » n’est pas qu’un live consacré aux émo-
tions doucereuses. Il y a aussi ces parcelles de vie plus difficiles qui –sans aucun doute- se confondent aussi avec l’amour d’une ville. Roger Grenier a vécu les douleurs de Paris avec la résistance, la peur des allemands et les drames civils. Et à l’auteur de « Paris ma grand’ville » de raconter que l’insurrection « a éclaté boulevard Saint-Germain » que c’est « la mitraille entre la rue Saint-Jacques et le parvis NotreDame, que du côté de l’Hôtel de ville il a vu « toute la journée des véhicules détruits, des façades saccagées, des flaques d’essence et de sang, des morts ». Tournons les pages. Et le récit continue sur des souvenirs plus joyeux car « la bataille s’est terminée ce soir en grande victoire. » Et le jeudi 24 août. Ils sont là ! « Sur la place, arrivaient les premières voitures de Leclerc, des chars légers. (…) Un délire collectif. J’ai téléphoné, à tous les journaux » se souvient Roger Grenier qui ajoute « Les cloches sonnent, sonnent dans tout Paris ». Et puis, les souvenirs se bousculent entre eux pour annoncer que « les fusillades s’éloignent » et c’est un Paris libéré que nous raconte maintenant Roger Grenier. « Dans nos nouveaux bureaux, au 63 avenue des Champs Elysées, on voit souvent d’étranges scènes. » Et de se rappeler en particulier « des artistes, plus ou moins compromis dans la collaboration, qui viennent proposer des galas à notre profit pour se faire dédouaner. J’ai vu ainsi Fernandel », nous dit Roger Grenier, « poiroter pendant plusieurs heures, assis sur une chaise. » Et ce que narre plus loin l’auteur de ce « Paris ma grand’ville » appartient un peu à la magie des exceptions
de la vie car c’est grâce aux circonstances d’après-guerre et à la création de petits journaux plus ou moins éphémères que Roger Grenier croise sur son chemin des gens tels que Brassaï, André Gide, Albert Camus, Pierre Seghers, Claude Roy et tant d’autres… Le récit n’est pas sans anecdotes. Ainsi, cette brève histoire rapportée par l’auteur et qui concerne la regrettée Régine Deforges. La scène se passe rue des Saint Pères. Dominique Aury me fait un reproche inattendu raconte Roger Grenier. «Vous avez croisé Régine Deforges et vous ne lui avez pas dit bonjour. C’est vrai. Elle avait un corsage très décolleté et j’étais occupé à regarder ses seins. Rassurée, Dominique s’est empressée de rapporter cette réponse à Régine. » « Paris, ma grand’ville » est une histoire d’amour. Pour preuve ? A la fin du livre Roger Grenier se souvient encore et il écrit : « De la passerelle du Pont des arts, j’ai regardé le square du Vert Galant, soudain bouleversé parce que c’est de cette pointe de terre que les cendres de Claude (ndr : Claude Roy) ont été confiées à la Seine. Au même moment, l’orchestre s’est mis à jouer (…) une rengaine que chantait sans cesse une amie, en 1944, à l’époque même où j’ai connu Claude, quand la vie nous semblait neuve. Et maintenant, comme le dit le héros de La traversée du Pont des Arts, « nous habitons probablement le son d’un écho qui s’éteint ». « Paris ma grand’ville » est un livre magnifique, vraiment. « JE VOUS ECRIS DANS LE
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NOIR » de J.Luc Seigle. Editions Flammarion. Pauline Dubuisson est une femme oubliée. Pourtant, dans les années cinquante elle a marqué les esprits tant elle a –par le tumulte de sa vie- passionné le grand public. C’est Henri-Georges Clouzot, le cinéaste, qui –en 1970- avec son film « La vérité » l’a, en quelque sorte, immortalisée. Pour comprendre le livre de Jean-Luc Seigle titré « Je vous écris dans le noir » il faut se remémorer rapidement la vraie histoire de Pauline Dubuisson. Qui est-elle ? Née en 1927 au sein d’une famille bourgeoise installée à Dunkerque elle est l’héroïne d’un fait-divers exceptionnel. En 1944, à la libération, elle est tondue en public et violée à plusieurs reprises dans les locaux du quartier général du comité d’épuration et ce, juste avant de comparaître devant un tribunal du peuple qui l’a condamnée (pour avoir couché avec un officier allemand) au peloton d’exécution. C’est son père, un ex-colonel, qui réussit à la sauver de la mort. En 1947 elle entame des études de médecine et c’est à cette époque que son destin bascule. En effet elle rencontre un étudiant, Félix Bailly. Après quelques mois de relation intime le jeune homme la demande en mariage. Pauline Dubuisson craint la réaction de son fiancé lorsqu’il apprendra ce qui lui est arrivé. Alors, elle se tait et refuse le mariage. Mais quelques semaines plus tard lorsque Félix Bailly quitte Lille pour Paris ville où il doit continuer ses études et qu’il se fiance à une autre fille, elle regrette sa décision. Elle vient
dans la capitale armé d’un pistolet et, dans des circonstances qui sont toujours restées floues, elle tire par trois fois sur l’homme qu’elle aime. Elle retourne ensuite l’arme sur elle mais celle-ci s’enraye. Elle ouvre alors le gaz et enfonce le tuyau au fond de sa gorge mais les secours arrivent à temps pour la sauver. En revanche, son père lorsqu’il apprend le crime commis par sa fille, se suicide. Arrêtée elle est envoyée en Cour d’assises et l’avocat général réclame le châtiment suprême : la peine de mort. Mais le jury est plus clément : il condamne Pauline Dubuisson à la réclusion à perpétuité. Libérée pour bonne conduite après 6 ans de détention la jeune femme quitte la France et part se réfugier, avec une nouvelle identité, au Maroc. C’est à partir de cette étape de vie que Jean-Luc Seigle raconte l’histoire de ce personnage hors du commun. Un récit entièrement consacré à la seconde partie de l’existence de Pauline Dubuisson, c’est à dire à cette parcelle de temps où elle a cru pouvoir reconstruire une vie. Mais, le destin en décide autrement. Et l’habileté de l’auteur est d’avoir imaginé une sorte de correspondance intime (tenant un peu du journal) qui lui permet de se mettre dans la peau de son héroïne. Dans ces « confessions » Pauline Dubuisson s’adresse à son nouvel amoureux, un ingénieur, un homme qu’elle a rencontré dès son arrivée au Maroc et qui veut –lui aussil’épouser. Et, une nouvelle fois, le passé de Pauline Dubuissson perturbe sa nouvelle histoire
d’amour. Elle tentera bien de tout expliquer, de dire sa vérité, de confier ses sentiments et d’affirmer – pour mieux se faire comprendre de celui qui dit l’aimer- qu’un « vrai procès devrait être interdit au public. Je ne comprends toujours pas ce théâtre du réel où l’accusé est livré aux autres en mémoire d’un crime dont il peut avoir du mal à se souvenir. (…) Pour ma part j’avais réclamé un huis clos, mais il fallait être mineure pour l’obtenir ; je n’avais pas encore vingt et un ans au moment du crime, mais j’en avais vingt quatre quand mon procès s’est ouvert. On m’a donc lâchée à la meute des chiens affamés d’histoires à sensations. » « Je vous écris dans le noir » est un livre remarquable et Jean-Luc Seigle signe un roman (qui est donc inspiré de fais réels) terriblement vrai.
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FOOTBALL
Leurres et malheurs de la planète Par Pascal Baronheid
Déjà, les soupçons de matches « arrangés », les anomalies d’arbitrage et les circonstances controversées d’attribution de la Coupe du monde à un pays peu perméable à la culture du ballon rond avaient écorné l’image du football professionnel. Les assertions récentes d’un laissé-pour-compte en remettent une couche malodorante. Et pendant ce temps-là, Michel Platini batifole au pays des bisounours.
Evoquant le livre du Footballeur masqué, Coluche aurait pu dire c’est l’histoire d’un mec « jeune et pourtant déjà trop vieux ». Il a cru tutoyer la gloire pour se retrouver dans la cohue des laborieux désenchantés. Alors il balance, il évoque les combines, les manœuvres, les luttes d’influence, les petits arrangements entre amis, les querelles d’ego, les escort-girls, les soirées particulières, l’apprentissage de la frime, les ramifications et enchevêtrements sournois, les relations contre nature avec les
médias, l’art discret des dessous de table, les secrets des vestiaires. Des noms ? En veux-tu ? En voilà ! Et pas que des seconds rôles. Simplement, il faut les distiller dans un contexte qui égratignera le Narcisse ou fera grimacer le Méphisto sommeillant en chacun d’eux, sans ouvrir la porte aux contre-attaques de prétoire. De quoi donner du grain à moudre aux pythies des cafés du commerce et des charrettes de désillusions aux naïfs qui se saignent aux quatre veines pour peupler les tribunes debout. Et à la fin c’est toujours le football qui encaisse. « Je suis le footballeur masqué », Hugo Sport, 16,50 € Avec Michel Platini, on entre dans une autre dimension. Premier footballeur à remporter trois Ballons d’Or consécutifs, il a mis sa réelle intelligence de jeu au service d’enjeux dont la présidence de l’UEFA n’est que le roseau qui cache la forêt de palmiers dorés. Dans un volume d’entretiens agrémenté 50
d’un précieux index, il arpente et balise les horizons de la planète football, au départ de sa propre carrière, pour établir un large état des lieux de son sport (ses différents aspects, sa légende, son actualité, les menaces qui pèsent sur lui) et présenter enfin des propositions pour le football de demain. Car le doute n’est pas permis : le ballon rond est promis à des lendemains qui chantent. Au son enivrant du tiroir-caisse ? « Il n’y a pas de mot « fin ». Le football est un voyage sans fin. Depuis si longtemps le ballon roule, roule, roule pour
tout le monde. Comme roule la vie. Et le football le suit à la trace. Comme il le peut ». « Parlons football, entretiens avec Gérard Ernault», Michel Platini , Hugo Sport, 17€ Platini encore, et avec lui une pléiade de très grands joueurs, de Cruyff à Ronaldo et Messi, qui ont connu un jour les affres du raté dans les onze mètres, lors d’un exercice souvent décisif, si simple en apparence et pourtant si plein d’embûches. Peter Handke avait écrit « L’angoisse du gardien de but au moment du penalty », titre excitant la curiosité, pour un roman dans lequel le football était si peu présent. Un journaliste anglais évoque et sonde la solitude du tireur de penalty. Quel rapport avec John Wayne ? Comment appeler à la rescousse l’espionnage et la science, dans l’analyse d’un exercice souvent entré dans légende, noire
ou éclatante ? Quel est le secret de Petr Cech, le gardien de Chelsea qui plongea six fois du bon côté en finale de la Champions League 2002 ? Comment se préparer à le tirer ? A l’arrêter ? Des spécialistes indiscutables prétendent que c’est impossible. D’autres proposent des stratégies imparables. L’ouvrage est sérieux, fruit de voyages et de recherches convoquant entre autres l’histoire, la statistique, la psychologie, l’enquête sociologique, la littérature et même le cinéma. Le pénalty est-il comme une jolie femme : perpétuellement inattendu, sous son apparente simplicité ? 380 pages ne suffisent pas à le dépouiller de sa glorieuse incertitude. « Onze mètres – la solitude du tireur de penalty », Ben Lyttleton ; préface de Mickaël Landreau, Hugo Sport, 19,50 €
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ROMAN
Olivier Maulin signe dans cette réjouissante beuverie une satire de notre société loin des poncifs du politiquement correct. Par Nicolas Bodou - Photo D.R « Depuis que la science et le capitalisme règlent nos vies, la notion de limite a disparu, et les âmes se sont perdues dans l’illusion de la technique, l’interdit est explosé par le marché. Fin de la Figure du Père, fin des limites structurantes qui nous construisent et nous constituent. On est seul, abandonné, personne pour nous dire non, perdu dans un désir sans fin d’enfant gâté, coupé du cadre symbolique. Un corps d’adulte vide qui ne supporte plus la frustration et ne peut compter sur personne d’autre que lui. Allez, je vous le dis, en vérité, la modernité a engendré deux types d’hommes : les conquérants brutaux sans foi ni loi et les souffrants. » Ainsi parlait Bertrand de la Bassefosse, critique d’art, érudit et dandy.» Pierre est journaliste au magazine « Santé pour tous ». Il y végète depuis maintenant 15 ans, sans grande conviction et sans enthousiasme. Un soir, après une conférence de presse, il rejoint Ollier, son vieil ami et auteur à ses heures perdues. Après quelques verres, ils sont rejoints par Fanfan, dépressif impénitent ainsi qu’un certain Bertrand de la Bassefosse, critique d’art au chômage, érudit
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et dandy. Les verres se suivent, la nuit s’allonge et emporte ces quatre magnifiques vers des pérégrinations éthyliques jusqu’à une soirée mondaine où ils font face à une galerie de personnages bien-commeil-faut, comme Axel Chanclair, PDG d’un grand groupe de télécommunication : « Grâce à lui des milliers de prolétaires au chômage pouvaient regarder les programmes TV en ligne et passer leur soirée à faire des patiences, et sans jeu de cartes(…) c’était l’idole des entrepreneurs, l’idole des politiques, l’idole des jeunes ! D’ailleurs, il avait l’air cool, quarante-sept ans, cheveux longs filandreux malgré sa calvitie entamée, bronzé, chemise ouverte, jean, baskets. Son grand truc, c’était la lutte antifasciste. Il était pour la liberté, bien sûr, des capitaux, des immigrés, de la drogue, des gangsters et du blasphème….mais celle de donner son opinion sur Internet…bof, bof ! » L’histoire se poursuit dans les Vosges, loin de la civilisation, de la modernité et de ceux qui en jouissent. Une sorte de retour à la terre où Pierre trouvera peut-être le remède pour échapper à une société trop heureuse de s’autodétruire. Olivier Maulin signe dans cette réjouissante beuverie une satire de notre société loin des poncifs du politiquement correct.
Avec un humour corrosif, il dresse avec justesse le portrait de nouvelles « élites » qui font « rayonner la France ». Si vous pensez vivre une époque tragique, si le catéchisme du progrès vous donne la nausée, si vous avez quand même envie d’en rire, vous pourriez aimer le dernier livre d’Olivier Maulin.
« Il faut dire que de progrès en progrès, l’humanité avait dégringolé à une vitesse vertigineuse, oubliant tout, reniant tout, se moquant de tout, brandissant son renoncement comme ultime espérance, persuadée de s’élever
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à mesure qu’elle sombrait dans l’abîme. On était bel et bien passé des hautes civilisations mégalithiques à … Jacques Attali souhaitant pour la grandeur de l’homme « l’acceptation du neuf comme bonne nouvelle, de la précarité comme valeur, de l’instabilité comme une urgence et du métissage comme richesse ». Quel gouffre ! Quelle chute ! ».
Gueule de bois d’Olivier Maulin 224 pages Denoël 18euros.
PHILOSOPHIE
Platon versus Machiavel Par Sophie Sendra
Il existe plusieurs façons d’envisager la Politique. Tout d’abord celle d’inspiration platonicienne qui incline cette dernière vers une vision théorique visant à rendre possible la construction d’une Politique Idéale. Elle rendrait la justice et la raison effectives dans l’art de gouverner la cité. Puis il y a celle de Machiavel pour qui diriger un État serait une forme d’art pratique, pragmatique voire technique fait de manœuvres diverses qui auraient pour but de conserver le pouvoir. Ces deux visions s’opposent car l’une est idéale donc considérée comme utopique et l’autre pratico-pratique donc bénéfique à l’État en dehors de toutes autres considérations.
Platon versus Machiavel et non de plaire à ceux qui
voudraient l’influencer. Exit la norme morale – à La question que pose Le Prince l’époque religieuse – biende Machiavel en 1516, est celle de la morale. En laïcisant la po- venue à la technicité, voire litique, Machiavel veut détacher à la « techno-cité ». l’État de toute question religieuse La Cité idéale de Platon vouée à l’utopie s’en reou morale afin qu’il devienne trouve bouleversée et autonome. Ainsi, la religion deviendrait un moyen utilisé par celle inspirée par Saint Augustin, Cité terrestre et la politique et non une fin vers laquelle tendre. Pour Machiavel, royaume du pêché, devant il est impératif de rendre ration- être guidés par la morale chrétienne, étaient abannel cet état afin de gouverner, donnés. Les différentes le transformant en machine de conceptions sur un projet conquête de pouvoir et d’aumoral expliquées la même to-conservation. Tout ceci a un avantage, celui de ne faire de l’ap- année, en 1516, par Thopareil politique qu’une technique mas More dans son Utopie, étaient balayées. La morale de gouvernance qui ne se préoccupe que de ce qu’il doit faire n’est pourtant pas totale-
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ment absente de la Politique de Machiavel, il ne fait que les distinguer dans l’application du pouvoir.
Politique et Modernité
La vision moderne d’un État est celle gouvernée par un contrat social passé entre une autorité Politique et des individus égaux Morale versus Neutraen droits et libres. En dehors de lité cette considération, l’État s’engage à protéger tous les droits En fait, selon Machiavel l’exerdes individus. cice du pouvoir doit être neutre Mais que reste t-il du discours en matière de morale afin Politique, de la vertu, de l’idéal d’éviter toute influence. L’État qui conduiraient vers l’élévation doit utiliser tous les moyens, y de l’esprit ? Machiavel verserait compris les plus indigents s’il y dans l’action de gouvernance a une nécessité, en dehors de ce quel que soit le contenu et Platon ou ces cas, la politique doit s’en parlerait de vertu et de justice du abstenir. Il ne s’agit donc pas discours associant le souverain d’immoralité, mais de bienfaits Bien au Bon, tout en expliquant pour le but fixé. Si le but fixé que seul le philosophe est garant exige de mentir, de faire preuve de mauvaise foi, de cynisme, de manière raisonnable, Machiavel de ces concepts et de leurs applications. Entre ces deux visions : « panglosseries », la morale doit pense que les lois humaines ne le Philosophe Roi et le Roi Polis’effacer. La Politique ne prasont pas assez fortes pour le tique pas une morale « neutre », contraindre, l’État doit donc être ticien – et non Politique – il n’y a pas d’alternative. mais « neutralise » la morale, ce plus fort que les lois humaines Le discours politicien a pris qui n’est pas tout à fait la même afin d’être à la hauteur de ce qui la place de la vision politique. chose. l’attend c’est-à-dire la gestion de Machiavel a sans doute rompu La politique – et donc l’État – se- tout un peuple. le pacte avec l’idéal moyenâgeux rait supérieur dans l’intérêt qu’on Peut-on alors souhaiter une de l’État, mais ne l’a malheureudoit lui porter, supérieur à toute vision plus platonicienne ? Plus sement pas remplacé par une forme de morale. Supérieur ne idéale, plus utopique ? Platon noblesse d’esprit, une vertu, une voulant pas dire « meilleur ». tenta par trois fois d’établir, en éthique – pour en finir avec une Pourquoi une telle pensée ? Sicile, un État fondé sur la justice morale captée par les vents chanConsidérant l’homme comme et la vertu, ce fut à chaque fois geants de l’histoire et des gouverincapable de se gouverner de un échec.
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nances. Le discours appelle désormais à la manœuvre, plus qu’à l’Idéal. Les jeux de pouvoirs pour le pouvoir par les Politiques ont comme manuel d’expression le Prince de Machiavel plus que l’utopie de Platon ou celle de Thomas More. A défaut de pratiquer une éthique, une réflexion sur la vie de la Cité, c’est le combat de la communication et de la technique politicienne. L’Histoire se rappelle encore des éléments de langage qui tirent les populations non seulement vers le bas, mais vers les abîmes au fond desquels elles finissent par se livrer bataille. La Politique consiste à élever le débat qui mènera l’homme vers un idéal de justice, il ne doit pas être livré pour la conservation ou l’appropriation d’un pouvoir. Gouverner ou vouloir gouverner c’est élever la vie de la Cité, ça n’est pas voir en elle un moyen technique et pratique de s’élever soi-même au dépend de toute éthique.
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S’il fallait conclure Il est des ouvrages qui doivent être relus et étudiés attentivement car ils se perdent dans nos mémoires ou dans nos bibliothèques. Il en est un qui semble ne pas être oublié tel un bréviaire, un manuel de conduite dont on n’oublie jamais les instructions. S’il y a bien un best-seller à retenir c’est bien celui de Machiavel, cinq siècles de succès, qui dit mieux ?
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POLAR
Bonnes aventures et mauvais garçons Par Marc Emile Baronheid
C’est la sortie des collections policières de printemps. Le noir est très à la mode et les boutonnières se portent parfois dans le dos, pour peu que l’on n’ait pas été sur ses gardes. L’homme qui aimait les mauresques
« Elle avait la peau brune et salée, les yeux d’un vert profond et mystérieux, et une bouche généreuse ». Apprentie fliquette, Samantha est apparemment plus douée pour la bagatelle que pour les enquêtes policières, au point que Clovis est prêt à délaisser ses chèvres et la quiétude de ses collines marseillaises, en échange d’une paire d’heures câlines. Cela n’empêchera pas les habituelles rafales de kalachnikov de ponctuer la moiteur des nuits phocéennes. Sauf que les escarmouches entre voyous sont brutalement reléguées à l’arrière-plan par les meurtres de jeunes femmes mis en scènes comme, en 1888, ceux de Jack l’Eventreur. Journaliste, Clovis s’était intéressé au phénomène. Il est officieusement appelé à l’aide par Emma, ancienne amante et accessoirement lieutenant de police. Remettre les fers au feu ne lui déplairait pas. Centre névralgique des cogitations clovissiennes, le Beau Bar, cadre idéal des cures de jeaunets. C’est là que Clo imagine comment mettre un terme à la panique qui s’est emparée de la Canebière. Mais le plus délicat consiste à satisfaire et utiliser Samantha, sans compromettre la reconquête d’Emma. Machiavel au royaume de l’apéro. Et Gouiran est son prophète, qui mène allègrement sa barque, entre plats de roi de la cuisine locale et charmes de la cité. Pendant ce temps, les mauvais garçons continuent à dé58
guster du plomb, les flics ripoux et les chefs bornés à vaquer à leurs petites affaires. Le récit fait mouche, net et tranchant comme une contre-attaque des hommes de Bielsa, dans un savant mélange de douceur de vivre, d’art de mourir et de fidélité au démon de midi. Si vous aimez la Bonne Mère et le Vieux-Port, vous allez adorer Gouiran. Si vous ne les connaissez pas encore, ce diable de roman sera le prélude à une addiction irrésistible. De l’art d’escalader Marseille par la face fatale.
De drôles d’apôtres
« Ils mangèrent le cake et la glace à la pêche sur une couverture au bord de la rivière, tandis que le soleil s’éteignait en une petite étincelle dans des nuages de pluie à l’ouest. Il sentait dans le vent une odeur d’allume-feu et de viande grillée, voyait des lanternes japonaises accrochées dans les arbres de ses voisins et entendait la musique d’une garden-party que quelqu’un donnait de l’autre côté de l’eau ». Cette scène bucolique donnerait presque envie de prendre Nick pour un Américain bien tranquille, amoureux de la nature et fou de sa petite famille, n’étaient les photos de femmes et de jeunes filles qu’il brûle discrètement. Non loin de là, le shérif Holland et sa sémillante adjointe enquêtent sur les meurtres de neuf immigrées clandestines, dont les cadavres viennent d’être déterrés derrière une église. Et Nick n’est rien, comparé aux autres protagonistes de cette affaire, dont le « Prê-
Blanche 1968. Il est comment ce roman que l’éditeur cheur », tueur à gages sans pitié, encore que… Les traumatismes des guerres de Corée et d’Irak hantent dit noir ? Il y a à boire et à manger. et éperonnent un récit angoissé, qui donne l’impression de s’éparpiller pour nous revenir en pleine La chute de l’ange noir poitrine, tel un boomerang diabolique. Un DVD pour le dessert. Il raconte le rodéo nocturne d’une petite bande de gens du voyage, partis pour aller voler un camion de cuivre. L’instigateur Marseille encore est tout juste sorti de prison, après 15 ans passés à Tout le monde aime Marseille, certains flics paril’ombre, mais « shoraver » est dans ses gènes et il siens ne le savent pas encore, tel Théo Daquin, 27 réussit à entraîner ceux du clan qui étaient résolus à ans, promu commissaire dans la cité où, en 1973, ne plus marcher en dehors des clous, dont son jeune des caïds de seconde zone se disputent l’héritage demi-frère qui s’apprête à célébrer des Guérini. C’est du moins la son baptême chrétien. On n’a pas piste sur laquelle de présumés d’essence ? Qu’à cela ne tienne, le représentants de la loi veulent siphonage n’est pas pour les chiens. entraîner le nouveau venu. Le Polar-reportage, ce film repose sur sang coule. Le contraire serait… une détresse et une âpreté accenstupéfiant. Malgré les chaussetuées par le naturel, le côte brut trapes de certains services et de décoffrage des protagonistes et grâce à sa sexualité hors norme, l’éloquence des silences . Il a obteDaquin navigue adroitement nu le prix Jean Vigo 2014. parmi les brisants. Il est question, entre autres, de la French « Une nuit trop douce pour mouConnection, de requins gourrir », Maurice Gouiran, Jigal, 18,50 mands, de Corses déterminés. euros Manotti, c’est une remarquable « Dieux de la pluie », James Lee architecture narrative. L’art de Burke, Rivages, 21,50 euros disposer ses pions, de les dépla« Or noir », Dominique Manotti, cer afin que l’adversaire imagine série noire Gallimard, 17,50 euros lire sa stratégie mais soit inca« Mange tes morts », film de Jean-Jacques Hue, Capable d’anticiper, de deviner le piège. Cela fait son pricci, 16 euros (www.capricci.fr)venirs émerge charme et le plaisir de la lecture. Par ailleurs, son commissaire est un amalgame de Maïté et de madame Maigret, donnant la recette de la ratatouille et de la bouillabaisse. A ce propos, si vous ne voulez pas passer pour un Parisien, servez avec la soupe de poissons un blanc de Cassis, Domaine de la Ferme
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PHILOSOPHIE
Magistral Jerphagnon Par Nicolas Vidal / photo Pauline de Préval
Disparu en septembre 2011, Lucien Jerphagnon a laissé un sourire indélibile et une brillance d’esprit inoxydable dans le monde intellectuel français. Il m’a fallu près de deux mois pour venir à bout de «Connais-toi toi-même... et fais ce que tu aimes» tant le propos est riche et la réthorique précieuse. Paru aux Editions Albin Michel, peu de temps après sa disparition, cet ouvrage de l’adieu est un recueil des articles parus dans différentes revues écrit par le philosophe. Il est toujours extrêmement délicat de classer Lucien Jerphagnon sur le trombinoscope des brillants intellectuels français. À la fois, philosophe, lecteur et conteur, Lucien Jerphagnon a eu cette force considérable de porter son public sur les rives oubliées de l’Histoire, de la Philosophie et de la Pensée. L’avant-propos de l’auteur introduit de fort belle manière un postulat à la fois simple et brutal « Les sociétés n’aiment guère qu’on bouscule leur manière de penser et de vivre le quotidien, redoutant les possibles répercussions sur le politique, le religieux, ou sur les deux mêlée. (...) Bref, il faut penser poliment». Il revient également à la notion essentielle 60
de l’étonnement déjà évoquée par la philosophe suisse Jeanne Hersch dans « L’étonnement philosophique*». De la Grèce à Rome allant jusqu’à Plotin et Saint Augustin (égérie philosophique de Lucien Jerphagnon) vous serez immergé dans une profonde et passionnante abysse du passé où mille et une choses vous sont contées par l’auteur ; de l’autorité sous l’empire romain jusqu’au «secrets de gnostiques» passant par la philosophie bergsonienne et la critique du cinéma qui a tenté de réapprendre l’époque depuis les années 2000. L’intelligence rayonnante de Lucien Jerphagnon ne cesse de se rappeller à notre bon plaisir des mots et de l’Esprit. «Ce sont les questions insolubles qui ont le plus bel avenir». Magistral Jerphagnon.
Connais-toi toi-même de Lucien Jerphagnon Edition Albin Michel / 208 pages - 20 euros 1
L’étonnement philosophique de Jeanne Hersch ( Editions
Folio Gallimard 1993 )
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ROMAN
Une écriture élégante et sensuelle Par Félix Brun Le roman débute en Normandie dans la maison familiale de Claire et Jean face à l’Atlantique ; cette résidence de vacances et de détente renferme un océan de souvenirs et de secrets bien gardés. Vincent, le fils, architecte débordé, et Manon sa compagne, galeriste d’art, viennent y séjourner le temps d’un week-end. Eric, le vieil ami, vient se joindre au quatuor ; ce quinquagénaire aguicheur est charmé par Manon qui est elle-même attirée par ce grand séducteur…..une passion coupable se noue et va provoquer des conséquences inimaginables. Avec ces cinq personnages, Arnaud Guillon dissèque le couple sous tous ses angles, décortique l’amour sous toutes ses facettes, passe au crible les phases de la vie conjugale. La famille : ses secrets viennent à la surface des eaux calmes de la vie, dans ces parodies de faux bien-être, de bonheur bâti sur des non-dits et le mensonge. Un « Tableau
de chasse » à double sens : celui d’un prédateur séducteur de jolies femmes et … celui de la dernière page du livre. « Comment la frontière entre le bonheur et le drame, la vie et la mort, pouvait-elle être aussi mince. » Entre comédie dramatique et drame sentimental, «Tableau de chasse» est un ouvrage à l’écriture élégante, simple, sensible, sensuelle sans jamais être mièvre. Arnaud Guillon joue de l’analepse avec délicatesse, faisant émerger les blessures enfouies et les émotions presque oubliées. Une histoire que Claude Sautet aurait bien pu mettre sur pellicule. Tableau de chasse d’Arnaud Guillon Edition Héloïse d’Ormesson 208 pages 17 euros
Maux enjoués en jeux de mots POÉSIE
JONAS JOLIVERT LES MOTS S’ORDONNENT EN JEUX ET EN STROPHES POUR DÉCRIRE LES MANQUES, LES RATÉS, L’AMOUR, LE DÉSIR, L’ATTENTE, DANS LES LIMITES DU TEMPS DANS SA FORMULE INSAISISSABLE ET DANS SON ATTITUDE INDIFÉRRENTE ...» EDITIONS EDILIVRE - 11,5 EUROS - 88 PAGES 62
ROMAN
La possibilité d’un père Par Félix Brun Un pays en construction, un quartier de Tel-Aviv dans les années cinquante essentiellement habité par des juifs originaires de Pologne, le décor est planté. La Shoah a décimé et disloqué de nombreuses familles ; Aliza ne sait pas qui est son père : est-il en vie? quelle est son histoire? a-t-il vraiment existé ? « Papa finira bien par apparaître un jour,[…],malgré le silence de ma mère, malgré le silence de Dorit et de tous les autres, et en dépit du fait que je n’avais aucune preuve de son existence, que j’ignorais à quoi il ressemblait et que je ne savais pas comment le reconnaître. […] Tout ce que je savais, c’est que nous nous rencontrerions un jour. ». Son enfance et sa vie vont reposer sur cette question sans réponse, sur cette quête qui conduit Aliza à imaginer son père sous des aspects différents, « Papa est parti en Amérique, une fois de plus, me consolai-je » et se rappelle « la diversité des pères» qu’elle s’est inventés durant son enfance. Sa curiosité obstinée, obsessionnelle même, se heurte au silence de sa mère, de ses amies Dorit, Brakha, Khayale et de leur entourage. Récit d’une «enfance avec des fils barbelés autour de l’âme» qui sépare du monde et des parents. Adulte, Aliza est de-
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venue écrivaine ; à l’occasion de cérémonies funèbres, ses retrouvailles avec ses camarades de jeunesse et les gens de son ancien quartier vont lui permettre de rassembler les morceaux de ses souvenirs et de découvrir enfin qui était son géniteur. Dans ce roman autobiographique, Lizzie Doron nous transporte dans la recherche de ses origines, dans l’absence du père, mêlant tour à tour l’émotion de l’enfance idéaliste et naïve, la solidarité de ces rescapés de la barbarie, le trouble des retrouvailles et des souvenirs. L’écriture est fluide, simple, agrémentée de quelques mots et expressions en yiddish, ce qui pimente un peu les dialogues graves et cocasses à la fois. « Crois- moi, avec une vie comme la nôtre, avec l’enfance que nous avons eue, le mieux est encore de rêver, de jouer du piano ou de danser, danser, danser. » Un livre agréable dans la ligne des grands auteurs juifs. Titre : Un jour on se rencontrera Auteur : Lizzie Doron Editions : Héloïse d’Ormesson
EDITION
LE PETIT MONDE DE L’ÉDITION Par Emmanuelle de Boysson
Sous la pression commerciale, poussée par des objectifs de rentabilité, les grandes maisons d’édition se centrent sur les romans à succès, les petites maisons quant à elles prennent des risques, se battent et tentent de survivre au diktat des chiffres de vente devenus des critères de sélection pour être publiés. Marie-Christine Guérin a repris la direction des Editions Guérin depuis la mort de son mari. Rufin, Tesson, Queffélec, Orsenna, bientôt Roger-Pol Droit, 1000 titres, 5 collections : un succès. Sa marque de fabrique ? Des couvertures rouge vif, de la couleur des pulls des guides de Chamonix. Saluons la naissance de Lemieux éditeur qui publie cette année une quarantaine d’ouvrages, des sciences humaines et sociales, des documents et des essais : tout ira pour… le mieux ! Deux écrivains engagés viennent de disparaître. Assia Djebar et André Brink sont réunis là-haut. Premier écrivain du Maghreb à entrer sous la Coupole, en 2005, au fauteuil de Georges Vedel, Assia Djebar, poète et essayiste, cinéaste et dramaturge, avait œuvré pour l’émancipation des femmes. Fille d’instituteur, normalienne, elle avait publié des pièces, des nouvelles et onze romans parmi lesquels « La Soif » et « Les Impatients ». «Assia, c’est la consolation, et Djebar, l’intransigeance. Quel beau choix !», disait d’elle Pierre-Jean Rémy. Sud-africain d’expression afrikaans et anglaise, André 64
Brink obtient, en 1980, le prix Médicis étranger pour son roman Une saison blanche et sèche. Son œuvre témoigne des souffrances et des violences que subissent les Sud-africains depuis des générations. Les grands prix du printemps approchent, le prix RTL, le prix de La Closerie des Lilas… En février, le prix des Deux Magots a été décerné à « L’Écrivain national », de Serge Joncour, roman d’atmosphère sur la rencontre improbable entre un auteur en résidence et les habitants d’une petite ville de province imaginaire (Flammarion). Deux romancières Nelly Alard et Capucine Motte, ont fondé le Prix Anaïs Nin, seul prix dont le titre lauréat est traduit en anglais. Virginie Despentes, pour « Vernon Subutex » (Grasset), est l’heureuse élue. Pour avoir l’air brillant, tordant, lisez Pierre Ménard. « Comment paraître intelligent » (Le cherche midi). « Il est si orgueilleux qu’il se suicide pour se rendre intéressant » disait Jules Renard. Un bon mot, et le roi vous faisait duc ou duchesse, vous invitait à Marly. Longtemps l’esprit a été l’apanage d’une
élite. Aujourd’hui, on nous évalue partout : l’intelligence est une dictature. Les sorties d’avril ? Chez Grasset, « Chien » de Samuel Benchetrit, l’histoire d’un homme qui ne sait pas mentir. Sa femme le met à la porte prétextant une allergie. A la rue, il s’achète un chien, mais la pauvre bête est écrasée par un bus. Notre homme se réfugie dans un hôtel minable et lorsque le dresseur contacté arrive, il se fait passer pour le chien. Une vie de chien ! Et chez le même éditeur, « Un carnet taché de vin » de Bukowski traduit par Alexandre et Gérard Guégan. Dans les années 40, Bukowski gagne sa croûte comme postier, lit John Fante à la bibliothèque municipale et s’offre une machine à écrire prêtée sur gage. Ses chroniques et nouvelles paraissent dans des canards underground. L’auteur de « Women » est le plus raffiné des vieux dégueulasses. Les Cahiers Rouges rééditent aussi « Les nouveaux contes de la folie ordinaire ». Jean Teulé s’est plongé dans la vie d’Abélard que nous retrouvons avec Héloïse, recommandée par son oncle à ce divin savant. Un texte croustillant, sensuel, malicieux, à l’image des amours torrides de la belle et de son professeur. « Héloïse, ouille ! », chez Julliard. La reine du printemps, la papesse reste Fred Vargas partie sur les traces de Robespierre. « Temps glaciaires » ( Flammarion), dans les brumeuses terres islandaises, au cœur de la Révolution, avec ces infiltrés de la société de Robespierre. Symbole de la guillotine à côté des cadavres et autres surprises. La brigade d’Adamsberg côtoie Desmoulins, Danton, les bourreaux de la Terreur. Captivant. Marc Dugain mélange politique et
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fiction. Magouilles, tractations, mensonges, trahisons, un pacte du Diable est signé entre deux ennemis. Tiens, tiens ! Il y a du vrai dans cette histoire de coups tordus et chacun reconnaîtra qui veut. Edifiant sur ceux qui nous dirigent. « Quinquennat » (Gallimard). Tatiana de Rosnay a lu Daphné du Maurier enfant. Elle s’en est inspirée, elle connaît tout sur cette romancière dont on découvre à travers « Manderley for ever » (Albin-Héloïse d’Ormesson) qu’elle ne fut pas si lisse. Daphné du Maurier s’est mariée, mais elle a eu des aventures avec des femmes : la directrice de son collège, une actrice. Ses romans et en particulier ses nouvelles sont écrits à l’encre noire : « La poupée », sa première nouvelle où une femme s’éprend d’une poupée ; « Les Oiseaux », adapté par Hitchcock et tant d’autres. Tatiana de Rosnay est allée sur les traces de Daphné, le long des côtes escarpées de Cornouailles, dans les vieux manoirs chargés d’histoire qu’elle aimait mais elle n’a pas pu entrer dans Menabilly, ce Manderley, de « Rebecca » qui reste un lieu interdit aux fans de la romancière. Une biographie, le roman d’une vie, d’une femme libre, passionnée de littérature, écrivain majeur qui souffrit d’être cantonnée à l’image d’auteurs de best sellers. A lire la traduction de « Rebecca » par Anouk Neuhoff qui redonne à Daphné sa modernité, son mordant. Muriel Barberis, auteur de « L’élégance du hérisson » choisit « La vie des elfes » (Gallimard), un monde enchanté où deux fillettes s’aventurent. Entre rêve et espoir d’une vie plus belle, une vie légère comme un elfe.
Les romans d’avril ? Chez Gallimard, Jean-Christophe Rufin publie « Checkpoint » dont on parlera beaucoup. Comme souvent, Rufin relate une expérience marquante, son pèlerinage, ses voyages : ici, il redevient médecin de l’âme. Plus léger, chez Lattès, Valérie Gans poursuit sa série autour de
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l’amour et aborde le problème des mères porteuses. L’histoire d’une femme qui a un amant de 25 ans de plus qu’elle, de la tendresse, du bonheur : « Des fleurs et des épines ». Comme dans la vie ! Bonne lecture.
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Les choix
de Julie
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ROMANCE
La liste de mes envies dées par «The»meilleure amie, trouver un partenaire s’avère cependant une question plus compliquée... Il y aurait bien Oliver, ce « frère de longue date», ce pote avec lequel Phoebe a une complicité et une confiance sans limite. Acceptera-t-il ? Et où pourra les mener une telle expérience commune? Voilà un roman très très très léger qui se déguste au printemps, comme une friandise digeste ne nécessitant pas trop de réflexion. Mais d’émotions, que diable, le lecteur n’en manquera pas! Joanna Bolouri fait vivre des personnages aussi attachants qu’espiègles et même si elle choisit de parler de sexe, c’est bien l’amour qui est au renPhoebe est une jeune femme moderne. dez-vous. Qui a dit qu’une sexualité épaPeut-être un peu plus délurée et paumée nouie excluait des élans de romantisme? depuis qu’Alex lui a brisé le cœur en la quittant pour « Miss Nibards». Depuis elle Un ouvrage aux mots souvent crus (on tente de se reconstruire en confessant ses vous avertit) et au cœur fondant de tenmaux quotidiens à sa psy Pam Potter, en dresse. sortant avec ses amies Lucy et Hazel et en Titre: La Liste - Comment prendre en main sa vie tentant sa chance grâce aux sites de ren- sexuelle contre. Après quelques mois, ces remèdes Auteur: Joanna Bolouri ne semblent pas bien concluants. C’est Éditions: Milady 18,20€ alors qu’un 8 janvier, suite à une nuit ar- Prix: 480 pagese rosée, Phoebe décide qu’en cette nouvelle année, sa liste de résolutions va être moins raisonnable et rébarbative : ce sera une liste d’expériences sexuelles à réaliser d’ici douze mois. Une fois ces résolutions vali-
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ROMANCE
Ensemble, c’est tout
On avait pleuré à chaudes larmes avec « Avant toi», récit bouleversant d’un amour impossible entre un jeune homme paralysé suite à un accident de moto et la jeune femme embauchée pour s’en occuper. Dans «Jamais deux sans toi», on retrouve Jojo Moyes dans un registre plus souriant, moins dramatique. Évidemment, on est ému par ses personnages écorchés par la vie mais l’on perçoit, dès les premiers chapitres, un rayon d’espoir salvateur. C’est l’histoire de Jess, obligée de se
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tuer à faire des ménages et des soirées comme serveuse dans un pub pour faire bouillir la marmite: son mari a pris la tangente, prétend n’avoir pas de travail et ne pouvoir donc pas subvenir aux besoins de ses deux enfants. Jess vit dans une zone pavillonnaire où il faut être vigilant. Certains voisins ont des adolescents peu fréquentables. Son fils Nicky revient d’ailleurs régulièrement de l’école avec des bleus. Quant à sa fille surdouée, Tanzie, Jess désespère de ne pas avoir les moyens de lui offrir une place dans l’école prestigieuse qu’elle mériterait. La vie semble être une somme de problèmes inextricables jusqu’au jour où le chemin de notre héroïne va croiser celui d’un millionnaire, Ed Nicholls, menacé d’aller en prison parce qu’il a fourni, par naïveté, des informations financières de premier plan à sa petite amie du moment. Moins plus moins, en maths, ça fait plus, non? Voilà une équation que maîtrise parfaitement Jojo Moyes. Une histoire d’amour rassérénante qui séduira tous ceux qui ont envie d’ensoleiller leur cœur blessé et de réparer leurs illusions perdues. Les autres se laisseront prendre au jeu, pourvu qu’ils aiment les romances pleines de bons sentiments.
« - Vous êtes? - Edward Nicholls. Je connais cette femme. Qu’est-ce qui se passe? Une panne? Il regardait la Rolls comme s’il ne parvenait pas à croire qu’un pareil tas de ferraille ait pu prendre la route. - On peut dire ça comme ça, dit le Policier Numéro Deux. - Vignette périmée, murmura Jess en essayant de ne pas prêter attention à son cœur qui tambourinait dans sa poitrine. J’essayais d’emmener les enfants quelque part. Mais maintenant, j’imagine que je vais devoir les ramener à la maison. - Vous n’irez nulle part dans cette voiture, répliqua le Policier Numéro Un. Elle est confisquée. La dépanneuse va arriver. Il est interdit de rouler sur une route publique sans une vignette valide, madame. Ce qui implique également que votre police d’assurance sera annulée. - Je ne suis pas assurée. Les deux policiers ouvrirent des yeux ronds comme des soucoupes.
Titre: Jamais deux sans toi Auteur: Jojo Moyes Éditions: Milady Prix: 18,20€ 480 pages
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ROMANCE
Tout peut arriver tions de friandises et des moqueries des élèves. Anna est vraiment heureuse que cette période soit révolue...aussi, le jour où elle découvre que l’exposition Théodora -dont elle doit être le commissaire - est encadrée par « Parlez», l’agence de conseil en marketing numérique dont le chef de projet est James en personne, le passé resurgit avec une violence terrible. Anna saura-t-elle faire preuve de sangfroid et se concentrer que sur l’Opération Théodora? James la reconnaîtra-t-elle? Le passé et le présent peuvent-ils faire bon ménage?
Anna Alessi a 30 ans : c’est une jeune femme qui s’épanouit dans son métier d’enseignante universitaire, spécialiste de la période byzantine. Célibataire, elle ne souffre pourtant pas de la solitude car elle s’est forgée une carapace depuis ses années lycée. En effet, à l’époque, elle était très grosse et terriblement mal dans sa peau. Toute sa vie, elle se souviendrait de l’humiliation que lui avait fait subir le playboy de l’école, James, en lui faisant croire qu’il envisageait de faire un duo chanté avec elle et l’avait laissée seule sur scène le moment venu, victime de projec-
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Une romance pleine de fraîcheur qui joue parfaitement avec les codes du genre. Les personnages sont attachants, les rebondissements bien présents et procurent quelques jolies surprises même si, somme toute, on sait bien que tout finira bien...Parfois, à l’approche des beaux jours et en période de désillusion générale, un peu de douceur ne fait de mal à personne! « La tension dans la pièce était à son comble. - Si nous pouvions nous rencontrer rapidement pour filmer une séance de questions-réponses, ce serait utile, intervint James, le visage impassible, en insistant avec une pointe de sarcasme sur «utile».
- Oui, je pense que cela aiderait, Anna, si James et vous pouviez vous retrouver bientôt autour d’un café, dit John nerveusement. Pour s’assurer que nous sommes tous satisfaits de l’orientation du projet. J’ai le sentiment que cette collaboration va se révéler extrêmement fructueuse. Anna lança à James un regard qui suggérait qu’elle glisserait peut-être quelques gouttes de poison dans son café quand ils se verraient, et la réunion prit fin.» Titre: Comme si c’était toi Auteur: Mhairi McFarlane Éditions: Milady Prix: 18,20€ 545 pages
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MANGA
Le portrait fascinant du bourreau de Louis XVI et Marie-Antoinette Le XVIII, siècle des Lumières et de la Révolution Française! Siècle, en outre, où l’échafaud et la guillotine n’ont pas manqué de candidats infortunés! Shin’ichi Sakamoto a imaginé une libre adaptation des faits historiques présentés dans l’ouvrage de Masakatsu Adachi, Les Sanson, exécuteurs des hautes oeuvres. On y découvre l’histoire de Charles-Henri Sanson, condamné à suivre le chemin d’une famille où les hommes sont exécuteurs des hautesoeuvres de père en fils. Cruauté d’un destin auquel on ne peut échapper! Désillusion empoisonnée dès l’adolescence! Charles-Henri va apprendre à ses dépens à accomplir son métier de bourreau, quel que soit le coupable désigné. Dans ce premier tome déjà, Charles-Henri exécutera notamment son amant, le fils du comte de Chartois. Shin’ichi Sakamoto nous dépeint un siècle sombre, au libertinage et à la perversité vé-
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hémentes. Les Sanson y ont l’élégance effrayante des vampires et s’ils ne s’abreuvent pas du sang de leurs victimes, on les fuit avec le même frisson. Recit de la vie singulière d’un des plus célèbres bourreaux de l’Histoire, inaugurateur de la guillotine et exécuteur de Louis XVI, Marie-Antoinette, Danton et Robespierre...un manga recommandé par Historia! Titre de la série: Innocent Volume 1 Auteur: Shin’ichi Sakamoto D’après l’ouvrage de Masakatsu Adachi, Skikei shikkônin Sanson ( Les Sanson, exécuteurs des hautes oeuvres) Éditions : Delcourt Collection: Seinen Parution: 18 mars 2015 Prix: 7,99€
le bourreau et son fils !!
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après tout, vous êtes le fils de monsieur de paris…
le patriarche de la confrérie des exécuteurs de la haute justice.
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BANDE DESSINÉE
Il était une fois... Louis de Funès plaisir et amusement le destin singulier d’un trublion du cinéma français, en croise d’autres à l’occasion du récit des tournages et en garde un souvenir plaisant. À offrir et à s’offrir sans hésitation ! Louis de Funès - une vie de folie et de grandeur Éditions: Delcourt Collection: Mirages Scénario: François Dimberton Dessin: Alexis Chabert Couleurs: Magali Paillat Date de parution: 13 novembre 2014 Prix: 16,95€
Louis de Funès reste pour le public français un acteur de génie, une figure de rire et ee joie inoubliable. Mais qui se cache derrière ce personnage public? Un être discret, très timide et terriblement anxieux. François Dimberton raconte la vie romanesque de cet être d’exception, depuis 1913 où son père, Carlos de Funès, jeune avocat espagnol, épouse à Paris la fille du richissime señor Soto Reguera qui n’apprécie pas du tout cette alliance jusqu’au 27 janvier 1983 où il s’éteint au château de Clermont à l’âge de 69 ans. Accompagné du trait complice et attrayant d’Alexis Chabert, le lecteur découvre avec 78
Louis a 13 ans quand il retrouve un père qu’il croyait mort depuis des années.
Le choc est violent et leurs relations resteront distantes.
Finalement, Carlos repartira en Espagne pour y terminer ses jours.
Une page se tourne, cette fois définitivement.
Mes enfants, je ne vous donnerai qu‘un conseil : Évitez la joaillerie !
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Et le 22 août 1943, Louis peut épouser Jeanne à la mairie du 9e arrondissement.
On ne bouge plus !
Janvier 1944. Naissance de leur premier fils, Patrick, qui deviendra radiologue.
Le couple emménage alors rue de Miromesnil.
Il est mignon !
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1956. « La traversée de Paris ».
Un film de Claude Autant-Lara tiré d’une nouvelle de Marcel Aymé.
Vous êtes sûr de lui ?
Je vous ai dit qu‘on est pressés, et ce soir c‘est pas la porte à côté !
Absolument. En plus, il ne sait même pas où on est.
Gabin, Bourvil et de Funès, formidable trio. En six minutes, le talent de Louis explose à l’écran.
La critique est unanime, Louis est de la race des grands acteurs !
Ah ! Mon billet !
Une histoire de marché noir. Voilà de quoi lui rappeler les volailles de son enfance. Elle est malade, la cocotte ?
Mon billet !
Oui ! Oui ! On le sait ! Plus un franc ! Plus un sou !!! 81
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LES ADOS
Devenir bodyguard de la fille du président... Check!
Connor Reeves a 14 ans. Il vit avec sa mère, atteinte d’une sclérose en plaques, et sa grand-mère. Son père,Jus-
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tin, est mort cinq ans plus tôt en mission en Irak, pour protéger l’ambassadeur américain au cours d’une attaque terroriste non loin de Bagdad. Connor est un adepte du kickboxing et avec l’aide de son entraîneur Dan, il enchaîne les compétitions gagnantes... Jusqu’au jour où, suite à son intervention dans la rue pour protéger un jeune en train de se faire agresser par des voyous, Connor se voit proposer une formation : celle de bodyguard pour les services secrets. Mais qui pourrait bien avoir besoin d’un garde-du-corps adolescent? Peut-être la fille du Président des Etats-Unis par exemple? Chris Bradford commence fort avec ce premier tome qui va, à coup sûr, séduire les adolescents, filles et garçons confondus. Le personnage principal est attachant et sa mission est exaltante. Bodyguard, un métier qui ne s’improvise pas et nécessite une énorme dose de courage et de don de soi. Un rôle qui sous-entend un
héros d’exception et Connor, assurément, en a la carrure! Face à Alicia Mendez, une adolescente gâtée qui ne réalise pas les menaces dont elle est l’objet, Connor va devoir être malin et vigilant! Un premier tome palpitant! À offrir absolument! « Un APR n’est jamais en code blanc, précisa le colonel. Lorsqu’on l’on est attaqué par surprise, le corps subit un afflux massif d’adrénaline qu’il est incapable de contrôler. On se retrouve alors instinctivement en état de combat, de fuite ou de paralysie. Cette surcharge sensorielle rend impossible la protection du SP. Vous devez toujours être en état de raisonner et de prendre les décisions qui s’imposent en une fraction de seconde.» © Danny Fitzpatrick – dfphotography.co.uk
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Titre de la série: Bodyguard Tome 1: L’otage Éditions: Casterman Auteur: Chris Bradford Traduit de l’anglais par Antoine Pinchot Prix: 15€ Date de parution: 4 mars 2015 Pages: 384 A partir de 12 ans.
ROMANCE
Au cœur des landes sauvages Juillet 1820. Kate Worthington cherche désespérément à échapper à sa condition de jeune fille à marier. Sa mère, redoutable nymphomane à la vision étriquée, est prête à toutes les machinations pour lui faire passer la bague au doigt. Aussi Kate, dans un dernier accès de désespoir, scelle un pacte avec sa mère. Elle pourra décider de son destin, s’éloigner de sa famille qu’elle abhorre et partir rejoindre sa tante Charlotte aux Indes si elle parvient à refuser trois demandés de mariage. Kate se rend alors au manoir de son ami d’enfance, Henry Delafield, promis à Miss St Claire. C’est là qu’elle doit susciter l’intérêt de trois hommes et décliner leur proposition. Très vite, elle réalise que cet objectif est inatteignable, davantage encore du fait de la réputation sulfureuse de sa sœur aînée. Elle demande alors à Henry un service qui risque de réveiller des émotions que l’on s’efforçait de contenir.. Un coup de cœur ! Un roman captivant, terriblement romanesque et romantique. Les amateurs de régence anglaise ne résisteront 84
pas aux charmes de cette écriture vive et élégante qui joue avec les analepses, les secrets vainement enfouis et les passions qui se déchaînent sous la lumière mystérieuse des pleines lunes. Assurément les âmes fleur bleue vont être conquises! « - Alors, Miss Kate, de quoi aviez-vous besoin? Son ton était devenu plus léger, plus taquin. Sa colère semblait évanouie - ou du moins bien dissimulée. Mon ami Henry était de retour. Reprenant espoir, je répondis vite avant de perdre cou-
rage: - J’ai besoin que vous me demandiez en mariage.» Titre: Blackmoore Auteur: Julianne Donaldson Traduit de l’anglais par Alix Paupy Éditions: Milady Romance Prix: 15,20€ 415 pages
LES TOUT-PETITS
Plaisir et éveil dès 6 mois! Pour les tous-petits, trois ouvrages idéaux qui peuvent même être utilisables dès les premiers mois tant ils sont attractifs en couleurs et en formes pour les petits yeux curieux des bébés. Avec Mon Doigt est une collection. Le petit dernier, nommé De-ci, De-là invite les tout-petits à suivre avec les doigts les aventures d’animaux espiègles qui glissent sur la glace, pataugent dans les flaques de pluie, convient à une farandole de fleurs et d’insectes complices ou encore nous plongent dans le monde merveilleux du fond des océans! Quel plaisir de regarder les images pétaradant de couleurs, de soulever les rabats et de découvrir avec son doigt les différentes matières présentes dans ce livre! Et puis, le Must du Must, un « Avec mon doigt» version musicale. Cette fois, en plus du toucher et de la vue, l’ouïe est sollicitée! Enfin, un classique indispensable: dans la collection « Je découvre» , voici Les Animaux! L’occasion de découvrir de nom-
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breux animaux et d’apprendre à les reconnaître et les nommer. Ceux de la ferme, ceux de l’étang, les animaux familiers, les animaux sauvages, les animaux marins... que de diversités passionnantes à partager avec son enfant! Avec mon doigt Auteur: Fiona Watt Illustrateur: Stella Baggott Éditions: Usborne Prix: 8,95€ Dès 6 mois Avec mon doigt- Mon livre musical Auteur: Joséphine Thompson Illustrateur: Stella Baggott Éditions: Usborne Prix: 16,95€ Parution: 9 avril 2015 Dès 6 mois Je découvre les animaux Auteur: Felicity Brooks Illustrateur: Rosalinde Bonnet Éditions: Usborne Prix: 6,30€ Dès 6 mois
www.usborne.com
BANDE DESSINÉE
A poor lonesome undertaker... quelques dangers qu’il ne soupçonne pas? Attention série de génie en vue! Xavier Dorison s’approprie les topoi du western pour créer un univers et un personnage terriblement passionnants! Des dialogues vifs et incisifs, un rythme qui ne faiblit jamais additionnés à un séquençage pertinent et dynamique, un trait réaliste et prenant...une bande-dessinée qui n’a pas fini de faire d’elle! Titre de la série: Undertaker Tome 1: Le mangeur d’or Éditions: Dargaud Scénario: Xavier Dorison Dessin: Ralph Meyer Prix: 13,99€ En librairie depuis le 30 janvier 2015
Jonas Crow est un croque-mort d’un genre un peu particulier. Dans l’Ouest américain, on ne l’accueille pas les bras ouverts. Faut comprendre les gens, faudrait pas que ça porte malheur ces bêtes-là! Mais Jonas Crow se moque bien de ce qu’on dit ; il n’aime pas les gens...enfin, c’est ce qu’il dit. De client en client, Jonas Crow prouve qu’il fait tout de même son métier plutôt correctement. Un jour, un drôle de bonhomme, Joe Cusco, le propriétaire d’une mine d’or, alors qu’il est encore bien vivant, lui demande d’organiser ses funérailles pour le lendemain ; Jonas Crow n’est cependant pas plus impressionné que cela; dans son métier, il a l’habitude d’en voir des vertes et pas mûres...ce travail cache-t-il cependant
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Lost Children
BERLIN
GLM Music
YOTANKA
Circum DISC
Zenzile, représentant de l’électro-dub sur la scène française rend hommage à la ville de Berlin avec «une proposition» de ciné concertoù l’essence se diffuse dans un album appelé... Berlin. Le groupe s’appuie sur un documentaire daté de 1927 réalisé par Walter Ruttmann. Le projet Berlin a été inauguré le 27 janvier dernier par une première représentation de ciné-concert et sera suivi dans les semaines à venir par une tournée sur le même format où les morceaux s’insèrent comme une «illustration musical» du documentaire. Une manière ludique de découvrir Berlin en musique.
Encore du Jazz qui nous vient de Suède ou du moins des origines suédoises de Stefan Orins avec un quatrième disque «Liv» chez Circum Disc. Avec 18 ans d’ancienneté, le trio de Stefan Orins composé de Christophe Hache (contrebasse) et de Peter Orins (batterie) a la maîtrise parfaite de ce que l’osmose musicale entre musiciens signifie et apporte à une formation de ce type. Un nouvel album très aérien qui repose autant sur l’énergie d’un rythme clair et une obstination de la mélodie sous le jeu enchassé de Stefan Orins. Conviendra en premier lieu aux amateurs de jazz.
Orioxy
Lost Children est le nouveau projet d’Orioxy, formation emmenée par la chanteuse israëlienne Yael Miller et la harpiste Julia Campiche. Ce nouvel album se situe aux frontières entremêlées de plusieurs univers : celui du jazz, du folk et de quelque chose proche du rock sous certains aspects (assez lointains). La résonance de ce troisième album regorge d’inflexions musicales variées, portées par le chant de Yaël Miller qui, de l’hébreu à l’anglais, lui assure une singularité intéressante. Un projet pour lequel on aurait bien du mal à le définir en tant que genre. Intéressant.
ZENZILE
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LIV
Stefan OriNs
A passion for John Donne
NU JOY
Body and Soul
ECM
Columbia
Caramusic
Ketil Bjornstad
Ketil Bjornstad nous refait le coup de l’album qui sort de l’ordinaire avec « A passion for John Donne» sorti chez ECM. Après son dernier album «Sunrise» consacré à Edward Munch (dont nous avions déjà parlé), le compositeur et écrivain norvégien rend hommage au poète métaphysique anglais John Donne ( 1572-1631). Cet album a été écrit par Ketil Bjornstad pour le Oslo International Church Festival en 2011. 15 morceaux qui déclenchent une irrépressible envie d’aller plus loin dans l’oeuvre de John Donne et Ketil Bjonrstad de continuer à nous ébahir par ses influences, ses références et son talent. Ébourriffant.
Gege Telesforo
Les mille et une casquettes de Gege Telesforo (instrumentiste, producteur, journaliste ou encore chanteur) ne l’empêchent pas le moins du monde de travailler sur des projets comme Nu Joy. A l’originie d’un scat bien à lui, Gégé Telesforo revient avec son quartet à la rencontre des sons où il mélange avec aisance la Soul, le R&B ainsi que le Jazz tout en y ajoutant quelques pulsions de swing. Nu Joy est un projet complet qui saura honorer l’oreille d’un large public. Entre mélodies et scat, n’hésitez pas à vous offrir Nu Joy. Vraiment.
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Caratini jazz ensemble
Un album qui va bien au-delà, du simple alibi musical et des musiciens qui le commettent. Body & Soul est à l’origine un film du cinéma afro-américain des années 1920 réalisé par Oscar Micheaux qui met en scène la relation entre une jeune femme candide de Georgie sous l’emprise d’un prêtre peu scrupuleux. Après avoir déclenché un scandale et ce à plusieurs reprises (dans les années 1920 puis plus récemment lors d’une projection en 2000 à New-York) lors de projection, le travail musical par le Caratine Jazz Ensemble dirigé par Pascal Caratini depuis 2007 autour du film donne une perspective différente à ce titre au travers de 20 morceaux originaux à la demande de Sébastien Danchin, directeur artistique du Paris Jazz Festival. Passionnant.
PULL
MILA MARINA Believe
Mila Marina manie avec beaucoup de tact et d’effet sa harpe pour venir à vous avec Pull. Entre rêves, songes et visions cotonneuses ( certains parlent de contes, pourquoi pas... ) on aime bien cette candeur dans l’univers de la jeune rémoise qui ne cesse d’introduire les concerts des têtes d’affiche de la scène française. Et puis la harpe n’a pas pour réputation ni pour réalité d’être l’instrument le plus répandu ni le plus entendu sur la bande FM. Gageons que Mila Marina a trouvé une voie intéressante et que sa jeunesse saura la porter vers un avenir brillant, toujours empli de belles mélodies électroniques. À découvrir pour le pari musical qu’elle inspire.
Great Divide Twin atlantic
Red Bull Records
Les Ecossais de Twin Atlantic continuent leur délicieuse ascension sur la scène européenne et américaine avec leur pop électrique aux mélodies qui accrochent et qui restent en tête. Les 4 garçons de Glasgow depuis leur succès avec Free (l’album qui les a propulsés sur le devant de la scène) remettent les couverts avec Great Divide. En tout cas, Twin Atlantic a épuré sa pop, a verrouillé ses influences et a pris en maturité pour ce nouvel album qui n’est pas sans intérêt. Attention pour les amateurs de pop plus travaillée, Twin Atlantic ne s’écarte jamais trop loin d’un son bien mainstream et grand public, sans être dénué de talent. La rhétorique du morceau qu’on retient est bien maîtrisée. À écouter.
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Luminescence Gregory privat & sonny troupe
Jazz FAMILY
Nous avions déjà reçu longuement Gregory Privat dans le Jazz Club pour son album «Tales of Cyparis». Il revient cette année avec Luminescence où il a convié Sonny Troupé, joueur de Ka, pour le suivre dans ses pérégrinations musicales et travailler un duo singulier autour du piano et du... Ka. On ressent immédiatement dans ce projet une interpénétration des styles propres à chacun de ses deux musiciens qui insufflent un univers équilibré, floral et exotique. La discussion est bonne et le rythme tient la route dans chacun des 10 morceaux contenus dans Luminescence. On recommande Grégory Privat. Encore.
No Way out
Ilanga
Cam Jazz
SOUL Factory Records
Giovanni Mirabassi
Giovanni Mirabassi continue avec assurance et classe sa belle carrière avec ce nouvel album « No Way Out» où il s’est entouré pour l’occasion de Stefan Harris (vibraphone), Gianluca Rienzi ( contrebasse) et Lukmil Perez ( batterie). On y découvre un jeu toujours ardent et équilibré pour donner le souffle suffisant à un album qui tient une belle longueur sur ces 8 morceaux. L’attention se porte particulièrement sur le duo singulier qui se joue entre le piano et le vibraphone. Voilà un axe parfaitement maîtrisé dont on se délecte avec plaisir. Un nouveau bon crû de Mirabassi.
TUTU POANE
Voici le nouvel album de Tutu Poane, chanteuse de jazz sud-africaine qui revient avec tout son enthousiasme et sa justesse pour nous livrer ce projet si profondément issu de ces origines et de son identité. Elle a toujours cette voix si chaude et souple qui lui permet de tenir la comparaison à de nombreuses artistes de premier plan. Tutu Poane continue son irrésistible ascension dans le monde du Jazz et ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Ilanga est une nouvelle preuve de son talent . À découvrir.
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D'amore e di altre cose irreversibili FLO Aqualoga records
C’est la petite trouvaille du mois avec cet album de la chanteuse italienne, Flo, très prometteuse dans ce premier opus où les influences latines sont partout. La chanteuse navigue avec aisance entre les chansons italiennes et les chansons françaises. Elle cultive à dessein un petit côté pop par certains aspects. Assurément, l’écclectisme est la marque de fabrique de cette nouvelle venue et devrait peut-être faire son succès dans les mois à venir. Aujourd’hui, elle soigne notre plaisir avec cet album au titre sans aucune équivoque.
JAZZ CLUB
AVISHAI COHEN La grâce de la maturité
Le contrebassiste Avishai Cohen n’en est plus à son coup d’essai. Sa réputation n’est plus à faire et ses collaboration sont nombreuses. Mais il n’a jamais perdu de vue son objectif : donner la pleine puissance musicale à la formation qu’il adore : le trio. Sept ans après Gently Distrubed, Avishai Cohen revient avec « From Darkness». Un album pétri de classe et qui regorge de toute la belle maturité artistique d’Avishai Cohen. Nous l’avons rencontré pour la sortie de ce nouvel album.
Propos recueillis par Nicolas Vidal - Crédit photos Youri Lenquette 94
Avishai Cohen, quel rapport entretenez-vous avec la forme du trio ?
Ma discographie n’a qu’un seul album en trio véritable à ce jour, et il ne reflète pas vraiment le fait que ma musique a toujours été écrite (et composée) pour ce type de formation. Pour moi, le Trio a toujours été là : c’est ma formule principale lorsque je suis en tournée. Celle qui reste au centre de mes projets, tels que le quartet, le sextet ou avec un ensemble à cordes.
Qu’est ce qui a changé depuis «Gently disturbed» dans votre approche musicale ?
C’est la première fois que j’ai eu le sentiment que j’atteignais quelque chose de nouveau, de frais et d’incroyablement important. Nitai Hershkovits est un partenaire clé dans la musique. Son jeu et sa musicalité n’ont pas cessé d’évoluer au fil des ans : ses compétences techniques sont hallucinantes, mais ce n’est rien par rapport à 95
ses capacités d’expression. Quant à Daniel Dor, il apporte de l’énergie, de la joie et de l’excitation au trio.
Le pianiste Nitai Hershkovits et le batteur Daniel Dor constituent la meilleure force de votre expression musicale. Est-ce que votre dernier album « From Darkness» aurait-il existé sans eux ? Le trio a un son particulier; c’est un art en soi. Nous présentons la noirceur de façon très directe, sans aucune artifice d’aucune sorte. Cela ce comprend quand nous soulignons le groove, la transe et le rythme qui définissent bien ma singularité qui se nourrit elle-même et contribue à l’énergie positive tout au long de l’album. Nitai et Daniel amènent ma musique dans des lieux et des perspectives que je n’avais jamais imaginé. Je ne pouvais pas rêver mieux. Ici, trois devient un.
Vous parlez avec justesse de la façon avec laquelle Daniel Dor a occupé « une place dans votre musique que vous auriez pu rejeter». Pouvez-vous nous expliquer cela ? Ce qui m’a totalement fasciné avec Daniel Dor, c’est lorsque je l’ai entendu jouer pour la première fois. C’était son gros son et son grand battement qui a immédiatement pris la musique à un endroit totalement nouveau et frais où le son n’avait pu s’immiscer auparavant.
Quel est le secret de cet album afin 96
de parvenir à une si belle unité musicale au sein de votre trio ?
La sensation de l’unité et de l’homogénité sur l’enregistrement a été créée en jouant de très nombreux concerts ensemble. Ils ont permi au trio de parler une langue bien à lui.
Cet album a une force narrative évidente autant que des mélodies puissantes. Comment parvenez-vous à un tel résultat, Avishai Cohen ? Le récit et l’intrigue que nous avons ciblés, proviennent principalement de la façon dont
J’ai donc choisi d’enregistrer nombreux de mes albums dans ce studio depuis. De plus, Lars Nilsson, le propriétaire du studio, est un maître dans son art ainsi qu’un grand ami et producteur.
Il n’y a aucun chant sur cet album. Y-a-t-il une raison à cela ?
J’ai décidé de faire plus qu’un album concept, et de faire un disque de trio instrumental total, avec la singularité que cela implique. Si j’avais ajouté une voix là-dessus, le résultat n’aurait pas été le même. Mais qui sait ? Je pourrais enregistrer des voix sur mon prochain disque...
Pouvez-vous nous parler en particulier
les compositions sont fabriquées et cette capacité à rester fidèles à elles-même. Et peu importe de la création d’Halelyah et définir dans quelle mesure nous évoluons dans l’impro- votre album en deux mots si vous le visation . pouvez ? Il est difficile de définir Haleyah, exactement. Quelle importance donnez-vous à cet Pour moi la musique est une pièce et j’ai pas eu album dans votre carrière alors qu’on des moments de spiritualité intentionnels. Pour moi, toute la musique est spirituelle. Haleyah est sait que vous êtes très attaché au trio quelque chose qui me ressemble et qui tente de ? montrer comment ma musique sonne. Cela fait Comme tout enregistrement ou projet, l’impor- partie de mon identité musicale. Je suis très heutance artistique de ce nouveau trio met en évi- reux que ce morceau fasse partie de cet album. dence le fait que nous essayons de nous amuser autant que nous le pouvons. Pourtant, nous avons Avishai Cohen Trio déjà de nouveaux défis. J’écris les compositions From Darkness et nous les jouons ensemble. Ce sont de très bons RadDaz Records musiciens avec qui j’aime jouer. Entre eux, une ww.avishaicohen.com amitié est née et elle ne peut que se renforcer pendant ces moments que nous partageons ensemble.
Pourquoi avoir choisi d’enregistrer cet album au Studio Nilento en Suède?
Je suis allé dans ce studio, il y a dix ans pour travailler avec une jeune chanteuse danoise. Voilà comment j’ai trouvé Nilento. J’ai adoré ce studio et l’ingénieur du son Lars Nilsson. C’est un beau studio situé dans la nature, avec un très bon piano et une excellente acoustique. 97
TOUTE L’ACTUALITÉ DU JAZZ CONCENTRÉE SUR UN SEUL SITE
LE JAZZ-CLUB.COM
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JAZZ CLUB
André Robert
Patrick Jeffroy
Jazz & G Yvan Le Bolloch
Depuis qu’André Robert a repris la direction du Petit Journal Montparnasse, célèbre club de jazz parisien en janvier 2013, les choses ont beaucoup évolué à cette adresse située à quelques mètres de la Gare Montparnasse. Poussé par une volonté de proposer un éventail très large de sensibilités musicales au coeur du même du Jazz, André Robert a souhaité enrichir sa programmation tout en l’associant avec son coeur de métier qu’est la cuisine. Pour cela, il a invité de nombreux artistes de renom ( Mina Agossi, Eric Le Lann, The Messenger Legacy...) pour redonner une nouvelle impulsion. Cette fois, il a proposé à Patrick Jeffroy, chef étoilé et Yvan Le Bolloc’h, acteur et musicien de donner corps une soirée dédiée au Jazz et à la Gastronomie. Rencontre avec trois personnalités musicales et iconoclastes.
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Patrick Jeffroy Patrik Jeffroy, quel rapport entretenez-vous avec la musique ? J’ai eu un rapport dès l’enfance, avec la radio puis dès l’adolescence avec «Salut les copains». Il y a eu également l’apprentissage délicieux avec «Campus de Michel Lancelot» sur Europe 1 et de José Arthur dans « Pop club» sur France Inter, sans oublier bien entendu Albert Raisner «Age tendre» ainsi que «Tête de bois». Plus tard, il y a eu encore «La route le soir» avec Julien Delli-Fiori et son charme musical sans oublier de mentionner le Quintet de musique classique de ma belle famille. Un choc musical, une révélation de la complexité et de la beauté de la musique. Un rapport de vieux con qui est resté bloqué à une musique construite de mélodie compréhensive.
cas échéant (et si possible) pouvez-vous nous dévoiler ce secret ? Tout d’abord, je suis très heureux de participer à cette soirée, qui est pour moi une nouvelle aventure, et cela pour deux raisons. La première est qu’elle me permet de retrouver André ROBERT, un vieil ami que j’adore et que je ne vois malheureusement pas assez souvent. Et la seconde est d’être aux côtés d’Yvan Le Bolloc’h pour cet événement. Je l’ai choisi pour sa générosité. Elle est flagrante quand on l’entend avec son groupe. Pour cette soirée, je veux du piquant, du parfum, et que cela croustille. Avec Yvan le Bolloc’h, nous sommes prêts au défi. D’après vous, accorde-t-on les saveurs comme on harmonise les notes ? Oui, je pense mais c’est aussi de l’instinct, une émotion de voyage. Cela devient progressivement une sensation…
Gastronomie Propos recueillis par Nicolas Vidal - Photos Gilles Ferron
On a lu chez nos confrères du Figaro que « vous ne faisiez pas une cuisine de compétition». Cette soirée autour de la musique et de la gastronomie n’aura t-elle pas tout de même une saveur de challenge ? Je confirme : pas de compétition, du plaisir, seulement du plaisir, en cuisine comme dans l’assiette. Allez-vous transposer la quintessence de votre cuisine au Carantec jusqu’au Petit Journal Montparnasse ou allez-vous innover et préparer quelque chose de spécial en rapport avec le thème de la soirée ? Le
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On vous dit « hyper inventif et un peu turbulent». Est-ce cela qui vous rapproche d’Yvan le Bolloc’h au delà de vos racines bretonnes communes ? Je ne sais pas, je suis brut de granit et je vois Yvan le Bolloc’h comme un roc.
Patrick Jeffroy est le chef du restaurant Patrick Jeffroy de l’Hôtel du Carantec, 2 étoiles au Guide Michelin. www.hoteldecarantec.com
André Robert Quelle la genèse de cette soirée où vous recevrez Yvan Le Bolloc’h et Patrick Jeffroy, un duo sur mesure autour de la musique et gastronomie ? Ce genre de projet est en fait un aboutissement naturel qui parait évident compte tenu de mon parcours personnel (pour ceux qui me connaissent) L’idée séduit parce qu’elle est respectueuse de tous les univers sollicités. Mais cette idée sera vraiment bonne si j’arrive à l’installer dans le temps comme un rendez-vous régulier que nous pourrions estimer à 3 rendez-vous par an. Le relais devra être pris par les musiciens et les cuisiniers eux-même ! C’est à cette soirée de leur donner envie. Connaissant Patrick Jeffroy depuis longtemps et Yvan Le Bolloc’h depuis peu, j’ai pu constater à quel point nous avions des valeurs communes. Préparer ce projet avec eux n’engendre pas de mélancolie ! Comment avez-vous convaincu ces deux personnalités de vous rejoindre autour de ce thème ? Patrick Jeffroy a été séduit par mon idée, il m’ a dit vouloir «essuyer les plâtres » avec moi. Je lui ai simplement demandé avec qui il aurait plaisir à le faire: « Yvan Le Bolloc’h! » m’a-t’il spontanément répondu. J’ai dit «banco» et il a été surpris quand je lui ai dit que je ne le connaissais pas personnellement. Il a été encore plus surpris quand je lui ai dit que ça allait se faire quelques jours plus tard. On connaît vos penchants pour la cuisine et pour le Jazz. Vous décidez une nouvelle fois d’innover au Petit Journal Montparnasse en rapprochant cette fois-ci de façon ténue ces deux domaines. Qu’attendez-vous de cette soirée ? La reprise du Petit Journal Montparnasse est un passage à l’acte général, et cette soirée est un passage à l’acte particulier. Je rentre dans le détail. Mon ambition est de faire la démonstration que l’on
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peut se faire plaisir en montant un projet de haut de gamme sans tomber dans les travers du luxe. Je recherche l’exigence sans la prétention. En commençant avec Patrick et Yvan, je me sens en harmonie avec ces valeurs. Dans l’espéré succès de cette soirée, je recherche la satisfaction du devoir accompli, par trois équipes différentes, concourant au même objectif : la satisfaction de ceux qui nous auront fait confiance. La programmation du PJM s’étoffe au fil des mois depuis que vous avez repris le club. Quel bilan tirez-vous à ce jour depuis votre entrée en fonction ? Il est extrêmement difficile de rester 100% Jazz ! Alors ma programmation s’ouvre naturellement aux autres genres musicaux. Concilier repas et musique implique une collaboration respectueuse entre le restaurateur et le musicien, et quand tout le monde joue le jeu, le résultat est saisissant : les clients sont heureux, les musiciens et mon équipe aussi. Qu’est ce qui vous a plus dans le duo d’Yvan le Bolloc’h et de Patrick Jeffroy ? Je suis sûr de bien manger, dans une ambiance musicale de qualité. Avec ces deux lascars, je pourrai vivre une soirée d’anthologie. Un(e) artiste que vous adoreriez recevoir au Petit Journal Montparnasse dans les semaines à venir ? Alors deux pour le même prix : Jacky Terrasson et Thomas Enhco. Si vous les connaissez, passez leur le message. André Robert a racheté le Petit Journal Montparnasse. Il en est depuis le directeur depuis janvier 2013. www.petitjournalmontparnasse.com
Yvan Le Bolloc’h On s’est laissé dire que votre passion pour la Rumba Flamenca est née d’une histoire d’amour. Pouvez-vous nous en dire plus ? La rumba flamenca, c’est comme la vie, il y a des hauts et des bas. On bascule de la plus grande allégresse vers l’effroi ou la mélancolie. Si la rumba peut être incroyablement joyeuse, sautillante, extatique, elle vous entraîne dans une profonde mélancolie la seconde d’après. Il ne faut pas oublier que c’est une musique majoritairement jouée et inventée par des gitans, qui est un peuple confronté à la souffrance depuis des générations. Je suis Breton, et je sais donc que les Bretons sont facilement enclins à la mélancolie. Il n’y a qu’à se balader dans n’importe quel coin de la Bretagne au mois de novembre sous la pluie pour comprendre ! C’est cette dimension émotionnelle de la Rumba Flamenca en laquelle je me suis facilement reconnu : l’image du soleil et de la pluie par intermittence, ce contraste si caractéristique de la Bretagne et de cette musique. Enfin, pour l’anecdote, la musique des Gypsy King a été la bande originale de mon histoire d’amour dans les années 1980 avec mon épouse ! Quel rapport entretenez-vous avec la guitare ? Incarne-t-elle pour vous le jeu ? L’ouverture sur le monde ? Les deux ? Mon rapport à la guitare est multiple. C’est la notion de travail qui m’anime avant tout lorsque l’on évoque l’instrument : quand je pense à ma guitare, cela veut dire que je ne suis pas en train de jouer ! (rires) Et donc cela m’amène facilement à culpabiliser… Je me dis «Espèce d’imbécile, plutôt que d’y penser tu ferais mieux de jouer ! Cesse d’y penser et travaille ! (rires). Et encore une fois le Breton ne dit jamais « réussir ». C’est un verbe qui n’existe pas en breton. Mais par contre « travailler » oui ! Essayer, recommencer, se perfectionner, cela ça existe, réussir non. C’est exactement ce que je ressens dans la pratique de la guitare. Il n’y a bien sûr pas que cela. J’entretiens aussi des rapports de grande satisfaction et
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d’émotion forte. La musique est merveilleux moyen, un formidable véhicule pour aller à la rencontre d’un peuple, et des peuples en général. Aller au contact de quelqu’un par le biais de la musique est quelque chose d’incroyable. C’est mieux que de lui envoyer un missile sur la gueule, non ? (rires) Quel regard portez-vous sur la relation entre musique et gastronomie ? Certains directeurs de théâtre l’ont parfaitement compris : le fait de s’implanter autour des lieux où les gens se rencontrent pour manger est une excellente idée. Les Suisses, par exemple, mettent beaucoup en pratique cette logique : ils construisent d’abord un restaurant puis agglomèrent ensuite des lieux de spectacle. Il y a des valeurs communes de convivialité entre gastronomie et spectacle vivant. Il faut savoir prolonger les moments, les relier entre eux. Qu’apprécie-t-on lorsque l’on va à un spectacle ou à un concert ? Le partage ! Autant poursuivre le plaisir, l’amplifier en y rajoutant la gastronomie, ce qui par ailleurs est très français : le goût des bonnes choses, les produits sains,… Cela dit, je ne suis pas sûr de la parfaite alchimie d’un moment passé avec les deux en simultané, mais les deux l’un à la suite de l’autre, bien volontiers ! Faites-vous un parallèle entre la musique gitane et le jazz ? Il y a des choses évidentes. Premièrement, ce sont des univers très vastes. En effet, la rumba flamenca est l’une des disciplines du Flamenco, au même titre que la buleria. Le jazz et la musique gitane sont tous deux régis par des codes. En jazz, il y a des pratiques, des codes et des standards. On le retrouve dans le flamenco. Ce sont des écoles à part entière, qui se partagent et se transmettent. Elles sont régies par ce que l’on appelle des « compass », des mesures métriques (il bat la mesure sur la table). Ce sont des musiques très élaborées, le flamenco est ancestral. Jazz et musique gitane ont en commun cette dimension et cet espace. La singularité principale de la musique gitane est d’être composée par des gitans, ce qui la rend unique. Si l’on devait définir un point commun entre un musicien de jazz et un gitan, ce serait leur spontanéité
et leur faculté d’improvisation. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre complicité bretonne et musicale d’un soir avec Patrick Jeffroy sur la scène du Petit Journal Montparnasse ? Je suis obligé d’être très honnête avec vous : je savais qu’il y avait d’excellentes fourchettes en Bretagne. Il paraît d’ailleurs que j’ai un sacré coup de fourchette ! On peut emprunter une expression à Michel Audiard: « je suis un sacré quadrille de mâchoire » ! (rires) Ma complicité bretonne, je la reconnais quand je vois la photo de Patrick JEFFROY en train de poser devant des abères, ces cailloux si bretons que l’on connaît tous les deux. La Bretagne, nous la connaissons. Il ne reste plus qu’à la faire briller ! Et puis nous avons la même coupe de cheveux, le même nez fort et volontaire, et visiblement ce n’est pas le dernier pour la rigolade ! J’ai été choisi par un Chef aux deux étoiles Michelin, si je peux rajouter la troisième, nous pourrions espérer passer ensemble le chamois d’or ! (rires) Ce projet est aussi une rencontre avec André Robert qui a su reprendre le Petit Journal Montparnasse en structurant une équipe et en améliorant le lieu afin d’offrir un meilleur accueil. Cela mérite d’être récompensé par une affluence bienveillante du public. André Robert fait les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. C’est un homme d’esprit qui sait accueillir et recevoir, ce à quoi je suis sensible. Je souhaite modestement pouvoir participer à redonner l’éclat qu’avait ce club auparavant, que le PJM retrouve son lustre d’antan. Yvan le Bolloc’h est acteur, comédien et musicien. Il est le leader aujourd’hui du groupe « Ma guitare s’appelle reviens !». www.yvanlebollochetmaguitare.com
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JAZZ CLUB
Lisa Spada
Nourrie au Rythm’n’Soul et à la Soul dès son plus jeune âge, Lisa Spada a connu une enfance forcément musicale dont elle a su tirer le meilleur parti pour sortir aujourd’hui un album détonnant, dynamique et bourré de groove. Family Tree a puisé ses racines dans ce que Lisa considére comme très important : la famille. Accompagnée de Tismé et du rappeur Edash Quata, Lisa Spada marque d’une pierre blanche son entrée remarquée sur la scène de la Soul française. Entretien. Propos recueillis par Nicolas Vidal - photos Hélène Berly
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Lisa Spada, quelle est votre histoire avec la Soul ? Elle remonte à mon enfance. Vers l’âge de 7/8 ans, mon père s‘inquiétait pour mon éducation musicale . Il était un grand mélomane il m’avait fait une cassette où étaient compilés tous les grands standards soul allant d’Otis Redding, à Aretha Franklin, passant par Ray Charles, Sam and Dave, Sam Cooke, James Brown et les Staples Singers. Il voulait me faire découvrir le Rythm’n’ Blues et la Soul Music. En me montrant des films comme les Blues Brothers ou, un peu plus tard, The Commitments il a senti très tôt l’enthousiasme que j’avais pour cette musique même si j’ai été élevée aux sons des Stones, des Beatles, de Police ou du Grateful Dead pour ne citer qu’eux. Ça a été immédiat, le coup de foudre. Je passais mon temps à écouter et apprendre tous ses morceaux et à chercher à découvrir de plus en plus de disques et d’artistes. J’ai eu tôt conscience que je m’attaquais à quelque chose de grand. J ai tout de suite été passionnée par Aretha Franklin et pendant toutes mon adolescence, je me suis procurée tous ses albums, les compilations, les lives. Je cherchais dans les brocantes ou chez les spécialistes, les pièces rares ou les enregistrements inédits qui me manquaient. Je connais quasiment tout son répertoire, allant des chants gospel qu’elle enregistrait adolescente avec son père pasteur au
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concert du Filmore West à San Francisco en 1971 devant les enfants du Flower Power. J’ai aussi une fascination pour le Gospel. Au-delà du message spirituel, j’aime plus que tout chanter en choeurs, en communion avec les autres. J’ai d’ailleurs intégré la chorale Gospel pour 100 voix en 2005 et j’ai créé un show réunissant plus de 30 artistes sur scène, «Let’s get together». 20 chanteurs emblématiques de la scène soul française (dont Ben l’oncle Soul, Sandra Nkaké, Rony, Juan Rozoff...) accompagnés de 10 musiciens chantant en choeurs les grands standards soul au New Morning et Trabendo en 2009. La soul m’accompagne depuis toujours. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les origines de cet album ? On imagine qu’il a un rapport étroit avec la famille ? En 2011, j ai eu l’opportunité de faire un de mes tout 1er concert en solo à Paris. Jusqu’à là, mes projets étaient des projets de groupe, de collectifs (Let’s get Together, 175 Workshop, Ladies In Blue). J’avais écris en co-composition un 1er album avec un projet electro jazz du nom de Third Shot sorti en 2008 (The Way you Smile When You Live). N’ayant pas encore de composition en solo, j’ai décidé d’accepter cette proposition de concert et d’écrire en un été une dizaine de chansons pour l’occasion, le concert ayant lieu au mois de décembre suivant. Ça a été le coup d’envoi et j
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ai relevé le défi. Ce fut une période de transition pour moi tant j’avais plein de choses à sortir, beaucoup d’émotions à communiquer suite à des déceptions personnelles et professionnelles. Et les textes sont sortis tous seuls. J’ai écris certaines chansons en une nuit. Ce sont des petites histoires qui parlent à tout le monde car on a tous eu au moins une fois le coeur brisé ou vécu la sensation grisante de tomber amoureux. Les choses ne sont pas immuables et c’est ce qui fait souffrir. Alors on se raccroche à ce qui ne bouge pas, ce qui est solide, notre famille. Ce qui fait et constitue ce que l’on est, ce qui nous rend fort et qui nous pousse à continuer, à se relever. «Family Tree» c’est ça. C’est la perséverance, l’espoir, les racines. C’est ce qu’on a voulu d’ailleurs retranscrire dans le clip à venir très bientôt. Ça peut être aussi les amis, la famille musicale. C’est une appartenance et la sensation de solidité que ça procure. Voila le concept de l’album. Ne pas oublier d’où l’on vient. Le titre «Family Tree» parle de mes modèles, ma mère et ma grand mère. D’où vous vient cette volonté de mélanger Soul, Hip Hop et groove ? Au départ, les titres étaient destinés au live et nous les avions arrangés dans ce sens avec les musiciens. Les titres sonnaient très old school, très rythm’n blues pour la plupart. Un an plus tard après plusieurs concerts, l’envie d’un album est venue et j’ai contacté le studio Obsidienne monté par Rémi Durel avec qui nous avions collaboré pour l’album de Third Shot. Le projet lui plaisait et il me proposa d’être co-producteur de ce 1er opus. Ce fût une grande chance car c’est un studio magnifique. Nous avons pu enregistrer tous les musiciens en live dans les conditions que
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seuls des artistes signés en majors peuvent avoir. J’ai pu travailler sur cet album pendant près de 2 ans à le paufiner, le perfectionner, trouver les arrangements qui collaient le plus à ma vision du moment car les 1ères sessions sonnaient trop live et j’avais envie de quelque chose de plus moderne, quelque chose qui corresponde aussi à mes racines hip hop et electro. J’ai pu réaliser aux côté de Rémi Durel et Rémi Barbot un album qui rassemble toutes mes influences. Un album qui me représente. Des beatmakers sont venus apportés leur touche. Gaël Maffre avec qui j’avais écris un album de Third Shot a réalisé 3 morceaux charnières sur cet album. Tismé a collaboré sur plusieurs titres également. Comment s’est passée votre collaboration avec Edash Quata et l’articulation musicale de vos deux personnalités ? Ma rencontre avec Edash Quata date de notre collaboration sur un projet télé «Dancing Cuisine» (M6) en 2010. Sous la direction musicale de David Lamy (avec qui j’écrirai donc un peu plus tard la plupart des arrangements live qui ont précédés l’enregistrement de l’album et de Nicolas Humbert le réalisateur de l’émission) qui a réalisé le clip de Family Tree cité plus tôt, nous interprétions les musiques des mini programmes où des danseurs réalisaient des recettes de cuisine en dansant. Edash Quata est un rappeur sud-africain, anglophone, très talentueux. Nous nous sommes tout de suite entendus et l’idée d’un featuring sur scène a été le départ de notre aventure. Au départ Edash était présent sur une seule chanson, Be the One. Mais son écriture m’a tellement plu, ainsi que son flow, que je lui ai proposé un autre titre, puis 2 puis 6 ! Il incarne dans cet album la voix masculine
qu’on entend pas toujours lorsqu’on entend une chanson d’amour par exemple. D’habitude c’est plutôt un monologue mais là on se répond on se parle, on se chamaille aussi. La nouveauté réside aussi dans le fait qu’il est rare qu’une chanteuse ait la place principale dans des titres hip-hop. En général, elle intervient sur les refrains. Là c’est moi qui «drive», c’est moi qui donne le ton. Alors parfois il suit, parfois il est un prince charmant, parfois non et il incarne avec humour le grand méchant loup. Nous sommes aussi complices sur des titres comme Family Tree. Notre message c’est «Respecte-toi, respecte les tiens, n’oublies pas qui tu es et d’où tu viens» ! Ainsi qu’avec Tismé ? A ce sujet, qu’estce que précisément un beatmaker ? Avec Tismé, nous avions collaboré sur une mixtape en 2013 du nom de «Hip Hop Live». À cette occasion, j’avais écris un texte et une mélodie sur une de ses productions, «Take a look» en écoute sur soundcloud. Nous nous
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connaissons depuis des années et nous partageons beaucoup de connaissances en commun surtout dans le milieu de la danse. Tismé mixe souvent lors de soirées où beaucoup de danseurs se retrouvent. Le beatmaker est une pièce majeur de la scène hip-hop car il crée des beats, il produit des titres essentiellement instrumentaux sur lesquels vont venir poser des rappeur, des danseurs et des chanteurs. Ils nous offre de quoi nous exprimer, un terrain de jeux où l’on peut laisser libre cours à notre créativité. Ils sont la base de la musique hip hop actuelle. La rythmique sur laquelle évolue des coupures, des reprises, des empilement des sonorités parfois oniriques, sombres, lourdes, des mélanges entre des sons electro et des samples de jazz ou de tous styles. Le beatmaker, c’est la rencontre des genres, le plateau d’argent des mc, le terrain favoris de l’improvisation, les subtilités qui n’échappent pas aux danseurs les plus musicaux. Vous avez su alterner la puissance vocale autant qu’une délicatesse de voix très proche du Jazz. Comment avez-vous appris à modu ler ces différents tons de voix qui vous permet de couvrir un spectre très large ? Je suis autodidacte. Je n’ai jamais pris de cours de chant. Ma 1ère école a été pendant des années celle de mon poste avec mes cassettes que j’usais à force de faire play et rewind. C’est en écoutant beaucoup de musique et beaucoup de chanteurs et de chanteuses différents que mon oreille et ma musicalité se sont développées dans ces dif-
férentes couleurs. Très jeune, j’écoutais aussi bien des chanteurs soul que jazz. Ella Fitzgerald fait partie aussi de mes modèles ainsi que Billie Holiday. À leur écoute j’ai appris la subtilité, la douceur, les mélodies et les couleurs jazz. J’ai beaucoup chanter sur du gospel aussi, que ce soit du gospel moderne ou traditionnel ce qui m’a appris à déployer plus de puissance et de résonance mais aussi à travailler mon vibrato. Le courant nu soul avec des artistes comme Erykah Badu, D’Angelo, Bilal, Jill Scott, combinent toutes ces subtilités et c’est pourquoi ces artistes ont complètement leurs places dans les plus grands festivals de jazz internationaux. Mais tout ça n’a jamais été réfléchit ou conscient. Au final, je découvre toujours ma voix en l’écoutant ou me revoyant en live. Je ne sais pas d’où ça vient ni pourquoi je m’exprime comme ça. Je sais que c’est naturel et que ça l’a toujours été. Diriez-vous que votre Soul a quelque chose de moderne ? Je dirais surtout que j’offre mon interprétation de la Soul. Ce métissage des genres est mon témoignage à moi, ma vision et surtout mon expérience de la Soul. Quand on se nourrit de la culture des autres, il y a un temps d’apprentissage et un temps où l’on s’émancipe de ses maîtres. J’ai suivi le livre de recettes pendant des années et aujourd’hui je commence à faire mes
propres dosages et ma propre sauce. C’est en cela que je pourrai dire qu’il y a quelque chose de moderne du moins contemporain, puisque cet album est la photographie aujourd’hui de ce qu’est la soul que j’ai écouté hier. Si vous deviez recommander un seul des morceaux de l’album qui vous semble le mieux incarner votre travail, quel serait-il ? «Family Tree» car il me ressemble aussi beaucoup. Un mélange de force et de fragilité, d’espoir et de persévérance. Où pourra-t-on vous voir sur scène dans les semaines à venir ? Je serai en concert le 19 Mars au Festival Jazz à l’Étage (Rennes) et le 1er Avril en session electro acoustique au Downtown Café (Paris). La date de concert de sorti de l’album est à venir très bientôt car l’album sort le 13 avril. www.lisaspada.com Family Tree Lisa Spada
Réalisé et Mixé par Rémi Durel & Rémi Barbot (Obsidienne Studio) / Masterisé par Chab (Translab)
Brèves Nos confrères de Jazz Magazine font paraître ce mois-ci un très bon dossier sur la carrière aussi talentueuse que courte du célèbre et jeune bassiste Jaco Pastorius (1951-1987) à travers les souvenirs de Peter Erskine, batteur de Weather Report entre 1978 et 1982. Voilà une bonne raison de se replonger dans l’histoire d’un artiste exceptionnel et parti très (trop?) jeune. 112- N°670 - Mars 2015 - 5,80 euros Jazz Magazine
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