Magazine «l'environnement» 2/2024 - Villes vertes : construire avec la nature

Page 1

Les ressources naturelles en Suisse

INTERVIEW

Comment le changement climatique affecte notre santé P. 10

DÉCOUVERTE

Une biodiversité insoupçonnée dans les eaux souterraines P. 38

ANIMAUX

Optimiser l’utilisation des passages à faune P. 44

Les principes de la ville verte P. 25

FOCUS | P. 12
CONSTRUIRE AVEC LA NATURE
VILLES VERTES :
2 | 2024 VISUALISA T I NO ÉDTELLIUEF AT C HABLE VISUALISA T I NO ÉDTELLIUEF AT C HABLE bafu.admin.ch/magazine

04 Aperçu

06 Conseils

07 Formation

08 Balade

10 Interview

Les effets du changement climatique sur la santé

Focus

12 Villes vertes

L’équilibre entre l’espace bâti et la végétation

14 Verdir les villes suisses

Comment la nature s’intègre à l’espace urbain

22 Gestion du cycle de l’eau

La solution de la ville-éponge

25 Visualisation

La ville verte et ses atouts

29 Végétaliser les bâtiments

De la nature sur les toits et les façades

33 Nuisances sonores

Des espaces verts contre le bruit

36 Portraits

S’engager pour une ville plus verte

360°

38 Eaux souterraines

Des espèces microscopiques, mais précieuses

41 Espèces menacées

Animaux, plantes et champignons à préserver

44 Passages à faune

Optimiser leur utilisation

48 À votre porte

50 Question de nature

50

Noemie Dick a ouvert un magasin de vélos pour valoriser la mobilité douce.

41

Le milan royal est une espèce protégée en Suisse.

360°
2 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24

14

En Suisse, de nombreuses villes accordent de la place à la végétalisation, comme ici, à Lausanne.

ÉDITO

Ville verte, atouts multiples

Avec leurs toits recouverts de prairie, les maisons traditionnelles de Grassoden en Islande et en Norvège attirent les photographes. De nombreuses villes, notamment en Suisse, reconnaissent aujourd’hui la plus-value et les nombreux avantages des toits végétalisés.

Dans le nord, cette technique était surtout utilisée pour isoler les bâtiments, afin de limiter les pertes de chaleur en hiver et d’éviter la surchauffe estivale.

Dans les villes suisses, à prédominance grise, les toits végétalisés offrent un habitat aux plantes et aux insectes, tout en profitant à l’environnement et au climat. En effet, un mètre carré de toit recouvert de végétation capte jusqu’à cinq kilogrammes de CO2 par an et permet d’extraire 200 grammes de particules en suspension dans l’atmosphère en une année.

44

Grâce aux passages à faune, les animaux sauvages peuvent même franchir des autoroutes.

La ville de Bâle fait office de pionnière. Depuis un quart de siècle, les toits à partir d’une certaine taille et inclinaison doivent être végétalisés – pour le plus grand bonheur de la population, qui en ressent aujourd’hui les bénéfices. De telles végétalisations dans les villes sont un élément important, mais d’autres améliorations pour l’environnement et le climat sont également nécessaires. La présente édition du magazine contient de nombreux exemples inspirants pour verdir les villes et les agglomérations.

Bonne lecture !

Vous voulez suivre l’actualité liée à l’environnement et adopter les bons réflexes ? Ce magazine peut vous y aider.

Abonnez-vous à « l’environnement » sous bafu.admin.ch/servicelecteurs. Le magazine est gratuit.

Les articles ainsi que les numéros précédents sont disponibles en ligne sous : bafu.admin.ch/magazine.

À
PROPOS DE NOUS
3 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24

360°

DU BÉTON DURABLE

Le recours au béton a un fort impact sur l’empreinte carbone de la construction. Marlène Leroux, coassociée du bureau d’architecture Archiplein (GE), a participé à un projet visant à réhabiliter des méthodes moins énergivores.

Vous avez dirigé un projet de recherche* sur le « béton cyclopéen », de quoi s’agit-il ?

ML : Notre but est d’identifier des méthodes de construction bas carbone à travers l’histoire. Non armé, le béton cyclopéen est fait de morceaux de pierre et de mortier naturel.

Pourquoi le béton armé s’est-il imposé ?

ML : Il est omniprésent depuis la Seconde Guerre mondiale, car il est transposable partout. Mais il émane d’un procédé très énergivore.

Serait-il envisageable de revenir à ces techniques anciennes ?

ML : Oui, envisageable, nécessaire et économiquement faisable. Mais, le poids des habitudes est fort.

* Projet Circular Building Industry Booster : « Le Béton Cyclopéen ou comment s’inscrire dans le continuum des savoir-faire constructifs à l’aune des problématiques climatiques et environnementales » bit.ly/3Qjb9vQ

Boire du plastique

Un litre d’eau en bouteille contient 100 fois plus de particules de plastique que ce qui était supposé. C’est le constat récent d’une équipe de chercheurs des universités américaines Columbia et Rurgers qui a examiné l’eau à l’aide de lasers. Ces nanoplastiques, de minuscules particules de moins de 0,001 millimètre, sont potentiellement dangereux pour la santé, car ils peuvent atteindre les cellules beaucoup plus facilement que les microplastiques. Des recherches sont en cours pour déterminer comment ces particules affectent la santé.

Une colle réversible

Trop peu d’étiquettes en papier sont recyclées, parce qu’il est difficile de les retirer des bouteilles. Des chercheurs de l’Université de Newcastle ont donc développé une colle réversible qui en faciliterait le recyclage.

L’OBJET

Plus de biodiversité dans les émojis

Les insectes, les arachnides et les crustacés sont sous-représentés dans la palette d’émojis, constate une équipe de biologistes de l’Université de Milan. 76 % des animaux illustrés dans ces petites images sont des vertébrés. L’étude, qu’ils ont publiée dans la revue iScience souligne l’importance d’une représentation équitable du vivant pour une meilleure préservation de l’environnement.

Les bouquetins deviennent actifs pendant la nuit

Une nouvelle étude de la « Royal Society of Biological Research » indique que les étés plus chauds poussent les bouquetins à chercher de la nourriture de plus en plus tard malgré les dangers liés aux loups et à l’obscurité.

Espèces interdites

Le Conseil fédéral a allongé la liste des espèces qui ne pourront plus être vendues, ni plantées. Dès septembre, la vente de laurierscerises, d’arbres aux papillons et de paulownia sera interdite. En effet, ces néophytes invasives menacent notre écosystème.

4 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 A PER ç U 360°

LE CHIFFRE

francs par adulte et par année, c’est le coût moyen sur la santé provoqué par les îlots de chaleur en milieu urbain. L’étude menée par des chercheurs de l’EPFL montre que les fortes chaleurs entraînent notamment des risques respiratoires et cardiovasculaires.

L’ANIMAL

Mammifère indigène de nos régions, le putois a été désigné « animal de l’année » par Pro Natura. L’occasion de rappeler la nécessité d’une infrastructure écologique continue et cohérente pour la survie de ce petit mustélidé, soit un réseau de milieux naturels dans lesquels il peut trouver un abri. Pour l’heure, le putois est classé « vulnérable » sur la liste rouge des mammifères de Suisse.

Glaciers menacés

Même si nous stoppions le réchauffement climatique aujourd’hui, les glaciers du Rhône et d’Aletsch perdraient néanmoins 34 % de leur volume d’ici 2050. Des chercheurs de l’Université de Lausanne ont pu montrer cela grâce à un nouveau modèle informatique. En revanche, si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, la moitié des glaciers des Alpes aura disparu d’ici à 2050.

Distribuer au lieu de jeter

L’an dernier, la Fondation Table Suisse a sauvé 25 tonnes d’aliments. L’organisation lutte contre le gaspillage alimentaire en récoltant les invendus des grands distributeurs suisses pour les donner aux foyers, aux soupes populaires et aux hébergements d’urgence. En 2023, 18,6 millions de repas ont ainsi été offerts aux personnes touchées par la pauvreté.

06.09.24

Symposium biodiversité

L’association Le Rougegorge invite de nombreux spécialistes de la nature pour aborder différents enjeux actuels de la biodiversité à travers différentes conférences qui se dérouleront tout au long de la journée.

Salle bourgeoisiale, Avenue du Rothorn 2, Sierre 9 : 00 –17 : 00

16.06.24

À la découverte du glaïeul des marais

Une balade menée par plusieurs experts dans la Réserve des Faverges, à la découverte de différentes espèces, dont le glaïeul des marais, et des enjeux liés à sa conservation.

Réserve des Faverges (GE) 14 : 00

21.06.24

Conférence champêtre À l’occasion de la sortie de leur livre « Les plantes sauvages », Cathy et Emanuel Roggen, respectivement accompagnatrice en montagne et droguiste, dévoileront des anecdotes sur ces plantes sauvages qui nous entourent.

Jardin botanique de Neuchâtel

19 : 30

Le muscardin et ses cousins

Le Centre nature Les Cerlatez présente une exposition dévolue au muscardin et à d’autres micromammifères, « Petites boules de poils autour du marais », ainsi que les menaces auxquelles ils font face.

Centre nature Les Cerlatez, Saignelégier

ME – DI, 12 : 00 – 18 : 00

15.03 – 26.10.24
AGENDA
1 8 0
Le putois
5 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 A PER ç U 360°

LIVRE

« Le soin des choses. Politiques de la maintenance »

En prenant comme exemples différents objets, d’un smartphone à une cathédrale, les deux auteurs mettent en lumière l’importance de la maintenance, soit de l’entretien nécessaire à la longévité de toute chose. Si l’on insiste aujourd’hui sur l’importance de recycler, revaloriser ou réutiliser un objet en fin de vie, le fait de le faire durer dans le temps reste à la base de tout comportement écologique. Or, ce soin minutieux aux biens matériels, petits ou grands, passe souvent inaperçu. Jérôme Denis et David Pontille, respectivement professeur de sociologie et directeur de recherche au CNRS, tous deux rattachés au Centre de sociologie de l’innovation de Mines à Paris, décortiquent ce processus de maintenance par le biais de récits, en valorisant les individus qui y participent. L’ouvrage a obtenu le Prix du livre d’architecture de l’Académie d’architecture française en 2023.

PODCAST

Dernières limites

Dans ce podcast, la journaliste Audrey Boehly mène l’enquête, cinquante ans après la parution du rapport Meadows, qui avançait que poursuivre la croissance aboutirait inévitablement à un « crash » au cours du XXIe siècle. En s’entretenant avec des experts, de l’économiste à l’agronome, du spécialiste en énergie au géologue, elle cherche à comprendre si l’humanité a déjà dépassé les limites planétaires ou non et explore des solutions pour un fonctionnement viable qui n’épuiserait pas davantage les ressources de notre planète. Dans son prologue, la journaliste donne la parole à Dennis Meadows lui-même, coauteur du rapport qui a pris son nom, afin de faire le bilan de ces cinq dernières décennies et ses pressentiments sur les cinquante années à venir. bit.ly/4aqmUJ6

LIVRE

« Manuel d’écologie urbaine »

Presses du Réel

23 fr. 20

En ville, il existe une multitude de formes de vie, végétales, animales, minérales, parfois visibles, parfois cachées. L’ouvrage pointe du doigt cette biodiversité inhérente au milieu urbain, qui naît et meurt en fonction des usages et des comportements propres au mode de vie citadin. Plus que cela, ce livre encourage une prise de conscience pour que les habitants des villes ouvrent les yeux sur ces trésors présents au quotidien, afin de les protéger et de garantir la durabilité de l’écosystème de chaque ville. Les textes sont d’Audrey Muratet, écologue et botaniste et de François Chiron, écologue spécialiste des oiseaux et des mammifères. L’ouvrage est illlustré de photos prises par Myr Muratet. Paru en 2019, l’ouvrage bénéficie d’une deuxième édition augmentée, sortie deux ans plus tard.

DOCUMENTAIRE

« Êtres en transition »

Le documentaire « Êtres en transition » donne la parole à des hommes et des femmes qui ont choisi d’agir ou d’incarner par leur activité une société durable, soucieuse de justice sociale. L’objectif : tendre vers une économie soutenable.

Pêcheurs, éleveurs, juristes, philosophes ou spécialistes de la biodiversité se succèdent pour s’exprimer sur cette transition nécessaire, avec les difficultés qu’elle représente, mais aussi les espoirs qu’elle suscite. Le film dresse également le portrait de projets collectifs novateurs et ambitieux, tels qu’une ferme urbaine ou une forêt gérée durablement. De quoi donner de l’inspiration et l’envie d’agir. « Êtres en transition », de François Stuck, 1h33

Jérôme Denis, David Pontille Éd. La Découverte 35 fr. 80 d’Audrey Muratet et François Chiron, avec la participation de Marc Barra et Gilles Lecuir
6 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 C ONSEILS 360°

Éducation à l’environnement

L’association Pro Natura propose de nombreuses activités destinées aux élèves sur son site de Champ-Pittet. Proche de la Grande Cariçaie, le plus grand marais lacustre de Suisse, l’équipe d’animation a imaginé des exercices ludiques pour découvrir la nature. Les élèves pourront ainsi se glisser dans la peau d’une grenouille, pêcher des invertébrés dans le marais, partir à la rencontre des castors ou encore jouer dans la forêt, sentir les plantes du jardin ou encore repérer où se trouve la reine dans une ruche. En cas de mauvais temps, le groupe pourra se réfugier à l’intérieur et découvrir l’exposition interactive. Des supports pédagogiques sont également disponibles pour le corps enseignant. De 4 à 17 ans | De mi-mars à fin octobre bit.ly/3PIN5SW

Neurosciences et transition

Les neurones sont directement impliqués dans la tension entre l’hyperconsommation et la sobriété. Pour mieux comprendre cette dynamique, l’organisation Sanu, spécialisée dans la formation et le conseil dans le domaine du développement durable, propose une journée de formation. Pourquoi recommander des bons comportements pour accélérer la transition écologique ne suffit pas ? C’est la question qui structurera le cours « Neurosciences et transition écologique ». L’objectif est d’alterner la théorie et la pratique pour mieux cerner les fonctionnements cérébraux et comprendre pourquoi l’être humain a été amené à nuire à l’environnement, et développer des pistes pour retrouver une relation harmonieuse avec la nature.

Date du cours : 21.11.2024

(Inscription trois semaines avant) bit.ly/3PFnz0M

Sorties en Gruyère

Le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut s’étend sur trois cantons : Fribourg, Vaud et Berne. Des paysages imprégnés par l’économie alpestre s’ouvrent sur une nature préservée et un patrimoine remarquable. Guidés par un accompagnateur en montagne ou un spécialiste, les élèves pourront découvrir différentes thématiques chères au parc, le temps d’une demi-journée ou d’une journée entière. Les activités s’articulent, par exemple, autour du bois et de la forêt – qui recouvre près de 40 % du territoire – ou des traces et empreintes laissées par les animaux. Des animations autour de la gestion de l’eau constituent aussi une option. Accessible toute l’année, destiné à des élèves de cycles I et II. bit.ly/49gUH67

THE JOB

Conducteur ou conductrice d’engins forestiers

Ce métier est particulièrement recherché, car il combine connaissances techniques poussées en matière d’engins forestiers, et expertise de la nature, pour savoir agir en la respectant. Le métier s’acquiert par une formation de type diplôme ou brevet fédéral, sur un ou deux ans, avec des modules de cours séparés. Pour y accéder, il faut déjà être en possession d’un CFC de forestier-bûcheron (ou équivalent), de deux ans de pratique et de 600 heures de travail sur machines.

Tourisme et protection du climat Pour préserver la Suisse en tant que destination touristique pour les générations futures, « My Blue Planet » propose une formation de base en protection du climat à toutes les personnes actives dans le tourisme et les incite à appliquer des mesures dans leur entreprise. Les 15 modules, d’une minute chacun, concernent par exemple les déchets, l’électricité, l’énergie ou encore la mobilité. Ce programme permet aux entreprises touristiques de former leur personnel en peu de temps pour s’engager dans la stratégie de protection du climat. Cet outil fait partie du projet soutenu par l’OFEV « E-Learning 4 Climate Actions ». Disponible en anglais et en allemand.

7 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 F ORMATION 360°

À la découverte des mélèzes de Balavaux

Dans les alpages de Haute-Nendaz en Valais, la randonnée des mélèzes de Balavaux guide le promeneur entre les arbres les plus imposants d’Europe.

TEXTE : AUDREY MAGAT

Avec leurs larges couronnes d’épines, les mélèzes dominent les alpages de Haute-Nendaz. Au cœur des quatre vallées, la balade des mélèzes de Balavaux permet d’admirer ces somptueux conifères centenaires, dont le plus gros d’Europe. Accessible, la balade de 11 km dure environ trois heures sur un sentier comprenant peu de dénivelé.

La balade débute au centre du village de Haute-Nendaz, en embarquant dans la télécabine de Tracouet. Une fois arrivé au sommet, à 2200 mètres d’altitude, le panorama s’ouvre sur la vallée du Rhône et les montagnes environnantes. La randonnée débute en suivant les panneaux jaunes en direction de Balavaux.

Sur la gauche se trouve alors le lac de Tracouet surnommé le Lac Noir en raison de son aspect sombre et profond (voir encadré A). Il reflète la Dent de Nendaz, un sommet accessible à pied depuis le lac. La randonnée s’engage ensuite sur un sentier légèrement en pente s’ouvrant sur de grands pâturages. L’alpage boisé de Balavaux compte plus de 250 mélèzes. Cet arbre de la famille des pinacées est le seul résineux de la région à perdre ses aiguilles en hiver. Friands de lumière et d’espace pour déployer leurs branches, ils sont omniprésents dans ces grands espaces montagnards. Leur espérance de vie est d’environ 600 ans, et la randonnée permet de voir le plus gros mélèze d’Europe (voir encadré B).

Le sentier passe par la cabane de Balavaux, dans laquelle il est possible de dormir et de se restaurer.

La balade longe ensuite pendant quelques kilomètres le bisse de Saxon, un canal d’irrigation aménagé qui permet de conduire l’eau de la rivière Printse en amont dans les champs et les cultures alentour. Avec ses 32 kilomètres de parcours à travers les communes de Nendaz, d’Isérables, de Riddes et de Saxon, ce bisse est le plus long d’Europe. Achevé en 1876 après dix ans de construction, il est resté fonctionnel jusqu’en 1964 avant d’être remis en service dans les années 1990 à des fins touristiques.

La randonnée mène ensuite vers l’alpage de Pra da Dzeu, « le pré de la forêt » en patois. Ce pâturage dégagé faisait partie du parcours du bétail dans la région pendant des siècles. Ensoleillé et calme, l’espace est idéal pour un pique-nique. La balade regagne ensuite la station en passant à côté de la gouille d’Ouché et le quartier des Rairettes. Cette descente carrossable mais pentue serpente à travers les chalets d’habitation pour rejoindre le village de Haute-Nendaz.

8 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 B ALADE 360°

Durée 3 heures

A LES RICHESSES BATRACIENNES DU LAC NOIR

Quelques mètres en aval de l’arrivée de la station de télécabine de Tracouet se trouve le Lac Noir. Sous ses reflets sombres, le lac abrite une population importante de batraciens comme des grenouilles rousses ou des tritons alpestres. Il figure à l’inventaire fédéral des sites de reproduction des batraciens d’importance nationale et a été classé site naturel protégé en 2020 par le Canton du Valais.

Longueur 11 km

VALAIS

Difficulté facile

Dénivelé 110 mètres de dénivelé positif

B LE ROI DE BALAVAUX

Le plus gros mélèze d’Europe a pris racine dans la région de Haute-Nendaz. Son âge estimé se situe entre 850 et 1000 ans. L’arbre présente des dimensions monumentales avec une hauteur de 30 mètres et une largeur au sol de 11,8 mètres. Des panneaux spécifiques indiquent la direction à prendre pendant la balade pour s’en approcher. Il est protégé par une passerelle en bois afin de préserver ses racines du piétinement.

INFOS PRATIQUES

Pour accéder à la station de Haute-Nendaz en transports en commun, le promeneur doit d’abord prendre le train jusqu’à Sion. Puis, prendre le car postal numéro 362 depuis la gare pour environ 40 minutes en direction de Haute-Nendaz jusqu’à l’arrêt « télécabine ». L’arrêt est en face de la station de téléphérique de Tracouet. En raison de travaux sur les remontées mécaniques, la télécabine sera ouverte uniquement du 29 juin jusqu’au 25 août de 9 h à 16 h 30. Le trajet aller coûte 15 francs pour les adultes, 8 francs pour les enfants. Un parking payant se trouve également aux abords de la remontée mécanique.

Scanner ce code pour obtenir le tracé détaillé et les coordonnées GPS de cette balade.

A B
BALAVAUX TRACOUET
9 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 B ALADE 360°

« La chaleur est un tueur silencieux »

Aujourd’hui déjà, la hausse des températures met en danger la santé de la population. Ana Maria Vicedo-Cabrera, épidémiologiste à l’Université de Berne, explique comment mieux protéger les personnes les plus vulnérables.

INTERVIEW : SUSANNE WENGER

Ana Maria Vicedo-Cabrera, quels sont les effets du changement climatique sur la santé ?

Nous disposons aujourd’hui de preuves solides qui attestent que les phénomènes météorologiques extrêmes dus au changement climatique, la chaleur tout particulièrement, ont de graves répercussions sur la santé. Cette réalité concerne également la Suisse. Notre étude de l’été 2022, anormalement chaud en Suisse, a montré que sur plus de 600 décès liés à la chaleur, 60 % étaient dus au réchauffement climatique.

Comment savez-vous que ces décès sont dus à la chaleur ?

Les données médicales sur les causes de décès permettent rarement d’attester avec certitude qu’une personne est morte de chaleur. Nous savons toutefois, grâce à des études physiologiques et épidémiologiques, que les températures élevées sont coresponsables d’une partie des décès dus aux maladies cardiovasculaires et aux maladies respiratoires. La chaleur est un tueur silencieux.

Nous utilisons alors des modèles statistiques pour déterminer la surmortalité liée à la température sur une période précise, à partir de séries de données.

Et comment estime-t-on la part de décès imputables au changement climatique ?

Grâce à des simulations climatiques. Nous calculons l’impact qu’auraient eu la chaleur et d’autres facteurs environnementaux sur la santé sans le changement climatique, et nous comparons le résultat avec les observations actuelles. La différence peut ainsi être imputée au réchauffement climatique.

Les personnes âgées sont désormais mises en garde contre la chaleur. Quelles autres informations la recherche peut-elle nous fournir concernant les populations vulnérables ?

En Suisse, les femmes âgées sont plus à risque que les hommes par rapport à la chaleur. D’abord pour des raisons physiologiques, mais aussi par le fait que les femmes se trouvent plus souvent à l’extérieur. La population

jeune est aussi concernée. Notamment les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies psychiques, particulièrement sensibles aux températures ambiantes plus élevées. Cette dernière catégorie est passée inaperçue jusqu’à récemment.

Pourquoi le stress dû à la chaleur est-il plus important chez les personnes atteintes de troubles psychiques ?

Dans une étude réalisée pour la Suisse, nous avons constaté une corrélation claire entre les températures élevées et un risque accru d’hospitalisations en raison de maladies psychiques. Il semble qu’en cas de forte chaleur, ces personnes perdent le contrôle de leur état de santé. Le risque qu’elles subissent une aggravation de la maladie augmente. Le fait qu’elles soient plus sensibles aux facteurs de stress représente aussi une d’explication. Les médicaments peuvent aussi rendre certaines personnes plus sensibles à la chaleur. Il existe en outre des indices d’augmentation des risques suicidaires. Tout cela nécessite des recherches supplémentaires.

SANTÉ
10 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 I NTERVIE w 360°

Notre pays ne connaît pourtant pas les chaleurs torrides qui frappent par exemple le sud de l’Europe. Mais les effets sur la santé sont déjà perceptibles. Pourquoi ?

La Suisse est considérée comme un pays au climat tempéré, mais depuis quelques années, les étés sont caractérisés par des épisodes de hautes températures qui affectent la santé des gens, voire coûtent des vies. La Suisse est donc aussi vulnérable à la chaleur. Des politiques publiques dans ce domaine sont absolument nécessaires. Le changement climatique en Suisse ne concerne pas seulement les glaciers et la neige, il affecte aussi notre santé, parfois avec des conséquences fatales.

Cela veut-il dire que nous devons nous adapter et nous protéger de la chaleur ?

Avec les taux de réchauffement actuels, les étés caniculaires comme celui de 2022 ne deviendront pas seulement plus fréquents en Suisse ces prochaines décennies : ils deviendront la norme. L’été caniculaire de 2022 aura représenté un été moyen. Et même si nous réduisions immédiatement et drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, nous serions encore exposés à des températures élevées au cours des années à venir, comme le montrent les études climatiques.

Alors que faut-il faire ?

Pour passer à l’action, le monde politique, la population et les spécialistes doivent prendre conscience que le changement climatique entraîne des menaces réelles pour la santé. Pas seulement dans le futur, mais déjà ici et maintenant. Je trouve la manière dont le National Centre for Climate Services de la Confédération (NCCS) présente les connaissances relatives au climat et propose des options d’action très pertinente. Dans le domaine de la santé en particulier, il est important de sensibiliser les professionnels. Les médecins, le personnel de santé et les thérapeutes jouent un rôle clé pour informer le public sur les risques pour la santé. Ils jouissent d’une grande crédibilité et d’une grande confiance. Les urbanistes et les spécialistes de l’aménagement du territoire ont aussi leur rôle à jouer.

Comment peuvent-ils nous prémunir contre les canicules à long terme ? Le refroidissement des bâtiments en Suisse n’est pas écologique. Les maisons sont construites pour l’hiver. Les surfaces vitrées, qui permettent de bénéficier de la lumière du jour, deviennent un problème lors des étés chauds. Dans les villes, où la population est particulièrement affectée par les canicules, des « oasis climatiques » pourraient représenter une solution. Il s’agit de lieux ombragés

dans les parcs ou les centres de quartier où les personnes vulnérables comme les aînés, les enfants ou celles socialement défavorisées peuvent se rendre aux heures les plus chaudes. Nous savons que les plans d’action contre la chaleur sont utiles. La mortalité liée à la chaleur est manifestement plus faible dans les villes suisses qui appliquent déjà ce type de plans.

Le changement climatique a-t-il d’autres conséquences sur la santé en Suisse ?

Nous essayons actuellement de comprendre l’évolution de la charge de morbidité dans les maladies à transmission vectorielle. Il s’agit de maladies infectieuses, telles que la maladie de Lyme, qui se transmet par les tiques et se propage dans d’autres pays en raison des changements climatiques. Le degré d’urgence n’est peut-être pas encore particulièrement élevé pour ce type de maladies en Suisse. Mais en tant que chercheuse, je veux contribuer à établir des bases objectives pour que les autorités sanitaires puissent réagir et que la population se rende compte que les mesures de lutte contre le changement climatique servent directement la santé.

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-01

VICEDO-CABRERA est professeure assistante à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne. Âgée de 38 ans et originaire d’Espagne, l’épidémiologiste dirige le groupe de recherche interdisciplinaire « Changement climatique et santé ». En 2021, elle a publié en qualité de première auteure une étude internationale qui évaluait pour la première fois la part du changement climatique dans les décès liés à la chaleur entre 1991 et 2018 dans plus de 700 villes de 43 pays. Une équipe de recherche menée par Mme Vicedo-Cabrera s’est penchée sur la même question pour l’été 2022 en Suisse.

Lien vers l’article : bit.ly/3PkdW7z

11 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 I NTERVIE w 360°

La ville verte

On le sait depuis longtemps, une nature diversifiée est un avantage considérable pour les villes, à condition qu’elle soit bien planifiée. En plus des parcs, des allées et des jardins, les toits et les façades végétalisées contribuent au puzzle vert. Des espaces urbains plus proches de la nature sont plus résistants au changement climatique et favorisent la biodiversité. Une ville plus verte améliore aussi le bien-être et augmente la qualité de vie de la population.

FOCUS

Grandes villes

Intégrer des surfaces végétales à l’espace urbain

14 22

Ville-éponge

Une solution pour s’adapter aux épisodes météorologiques extrêmes

29

Bâtiments

Les avantages des toits et des façades vertes

33

Lieux calmes

Des espaces verts pour absorber le bruit

Une oasis ombragée dans la vieille ville de Winterthour, première ville certifiée Villeverte Suisse avec Lucerne.

Comment la Suisse verdit ses villes

URBANISME

Loin de s’opposer à la nature, la ville du XXIe siècle a appris à vivre avec, à l’intégrer et à en tirer profit.

Même dans les grandes villes suisses, l’aménagement d’un maximum d’espaces verts est désormais la norme.

TEXTE : DANIEL SARAGA

On peut avoir tendance à opposer la ville et la nature. À tort, selon un nombre croissant de spécialistes d’urbanisme, d’aménagement du territoire et d’environnement : il ne faut pas construire contre la nature, mais avec elle. Pour s’adapter au changement climatique, la conservation de la biodiversité ainsi que la santé et la qualité de vie de la population requièrent davantage d’espace pour les plantes, davantage de sols perméables et d’eau dans les zones urbaines. Pour ce faire, il est possible d’utiliser les services écosystémiques : ces processus naturels bénéfiques à la société comprennent par exemple la régulation thermique, l’épuration de l’air.

La « ville verte » sait aménager davantage de surfaces végétales, les connecter et en prendre soin.

La « ville bleue » intègre en plus, de manière réfléchie, les cycles de l’eau.

« Nos villes abritent un nombre d’espèces remarquablement élevé, explique Claudia Moll, de la section Politique du paysage de l’OFEV. Elles servent aussi de refuges pour les animaux et les plantes qui ne trouvent plus d’habitat à la campagne,

c’est-à-dire dans les forêts, le long des cours d’eau aménagés et sur les terres agricoles exploitées de manière intensive qui exercent une forte pression sur la biodiversité.

Au cours des vingt dernières années, on a reconnu l’urgence de relever les défis du changement climatique et l’importance de la valeur de la nature pour la société et l’économie. » Alors que nous considérions autrefois que la nature s’arrêtait à la limite de la ville, les définitions modernes du paysage englobent également notre espace urbain, ce qui rend cette frontière ville-nature plus floue (voir encadré Le paysage suisse dans la ville). La ville n’est plus vue uniquement comme un problème, mais également comme offrant une partie de la solution.

Pour la biodiversité, contre la chaleur

Les espaces urbains peuvent participer à préserver la biodiversité grâce à la mise en place de mesures simples. En renonçant à la haie de thuyas et en plantant différentes espèces d’arbustes, on crée des habitats pour une plus grande variété d’êtres vivants : comme les petits mammifères, les

14 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

L’Île-de-la-Suze, à Bienne, se distingue par ses espaces verts et ses sentiers pour les piétons et les cyclistes.

La renaturalisation de la Suze permet aussi de rafraîchir l’atmosphère en été et offre des habitats favorisant la biodiversité.

LES ÉLÉMENTS

D’UNE VILLE VERTE

Comment donner plus de place à la végétation en milieu urbain ? Présentation des options possibles.

Toits végétalisés : des herbes aromatiques aux arbres dans des bacs de plantation, ces éléments permettent d’améliorer l’isolation du bâtiment. En été, les toits verts protègent contre les rayons UV et les grandes variations de température. La végétation peut aussi refroidir les panneaux solaires et les rendre plus efficaces.

Façades végétalisées : planter contre les murs permet d’assurer une meilleure interconnexion des espaces verts.

Les lignes de tram et les parkings : les surfaces entre les lignes de tram et les parkings peuvent être désenclavées et végétalisées.

Les arbres : les feuilles des arbres fixent la poussière et les gaz, leur système racinaire stocke l’eau, leur ombre compense les températures extrêmes et réduit l’énergie dédiée à la climatisation des bâtiments. Une bonne couverture végétale des zones urbaines améliore en outre la capacité d’infiltration en cas de fortes précipitations et réduit le risque d’inondations. Les réseaux racinaires des arbres ou les bandes végétales peuvent favoriser la biodiversité et contribuer à la ville éponge.

Les espaces verts et les plans d’eau : ces zones favorisent la circulation de l’air et rafraîchissent le microclimat urbain. Avec le changement climatique, ils gagnent de l’importance, notamment dans les quartiers denses.

FOCUS

oiseaux, les insectes ou les microorganismes. Lorsqu’un troupeau de moutons broute l’herbe, cela permet aussi d’obtenir une structure végétale hétérogène, favorisant une plus grande biodiversité.

En Suisse, selon Claudia Moll, la contribution des villes à la biodiversité est clairement définie par le plan d’action biodiversité du Conseil fédéral de 2017 et les lois sur la protection de la nature. Les nouvelles zones constructibles doivent être compensées par la création de surfaces naturelles de taille équivalente. Et cela doit se faire sur place, même s’il s’agit de zones d’habitation utilisées de manière intensive. La nature doit donc être amenée au centre et non reléguée à la périphérie des villes.

Les villes jouent un rôle central dans l’adaptation au réchauffement climatique qui est également l’une des priorités politiques de la Suisse.

La stratégie d’adaptation du Conseil fédéral se concentre sur les principaux risques liés au changement climatique, explique Roland Hohmann, de la section Rapports climatiques et adaptation aux changements de l’OFEV. En particulier, l’augmentation du stress de chaleur et ses conséquences néfastes pour la santé de la population et de l’environnement. Il s’agit de réaménager l’espace urbain et de réduire la chaleur grâce aux espaces verts. » Les villes plus vertes, dont la végétation assure le maintien de températures supportables, joue ici un rôle décisif. « Un développement urbain adapté au climat augmente également la qualité de vie de la population. »

Les arbres et les plantes rafraîchissent l’air ambiant en faisant de l’ombre et par évaporation de l’eau par les feuilles. L’effet peut être considérable : un arbre au bord d’une route

peut réduire la température de sept degrés en été. « Les espèces d’arbres qu’on plante aujourd’hui devront pouvoir bien supporter le climat dans cinquante ans, note Roland Hohmann. Des projets pilotes, tels que celui mené dans la ville de Berne, cofinancé par l’OFEV, permettent d’établir des listes d’arbres bien adaptés au climat du futur. » Il s’agit par exemple du chêne chevelu, du charme d’Orient ou encore de l’érable à feuilles d’obier – des essences d’Europe du Sud-Est dont le climat actuel pourrait se rapprocher de celui de la Suisse d’ici un demi-siècle. Des études montrent qu’un parc d’une surface d’un hectare – soit un peu plus qu’un terrain de football –suffit à influencer le climat des bâtiments alentours.

Problème global, solutions locales Tout cela n’est pas seulement valable pour la Suisse, l’idée des villes vertes est mondiale.

À Berne, sur la zone piétonne de Bümpliz, des installations ont été aménagées pour profiter de l’ombre d’arbres résistants à la chaleur.

16 FOCUS

LES BÉNÉFICES D’UNE VILLE VERTE

Améliore la qualité de l’air en capturant des particules en suspension, la cause principale de pollution, et en réduisant la concentration d’ozone (O3).

Séquestre le carbone et permet ainsi de retarder l’avancée du changement climatique.

Facilite la mobilité douce et réduit la consommation d’énergie liée aux transports ainsi que les distances à parcourir pour trouver des espaces verts.

Moins de béton, plus de végétation : verdir les villes est devenu essentiel pour assurer des espaces durables et augmenter la qualité de vie dans les régions urbaines.

Atténue la chaleur urbaine en produisant de l’ombre et grâce à l’évaporation de l’eau. Les plantes participent aussi à lutter contre les îlots de chaleur par l’albedo (la réflexion du rayonnement solaire).

Favorise la biodiversité en offrant des refuges pour la flore, la faune et les micro-organismes. Les espaces verts étendent aussi la connectivité entre ces habitats.

Absorbe l’eau lors de fortes précipitations, la stocke et la relâche ultérieurement. Limite ainsi à la fois le danger d’inondations et de sécheresses.

Augmente la valeur des propriétés en assurant une bonne qualité de vie.

Contribue à la santé en encourageant les efforts physiques (déplacement à pied, sport) et en soutenant la récupération, mentale avec des effets psychologiques positifs.

Résilience des villes

L’intégration d’espaces verts en ville permet de tirer profit des services écosystémiques rendus par la nature, comme la purification de l’air et de l’eau et renforce les cycles aquatiques naturels. Cet ensemble de services est reconnu pour être à la fois efficient et économique.

17 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

Au niveau européen des initiatives telles que la Greener Cities Partnership des Nations unies ou encore le New Leipzig Charter (2020), le European Green Deal (2020), le New European Bauhaus (2021) et le projet BiodiverCities (2020-2023) en témoignent. « Ces programmes internationaux contribuent à faire prendre conscience de l’importance du sujet au niveau politique et au sein de la population », souligne Claudia Moll. Selon elle, chaque solution doit être adaptée au contexte local. Néanmoins, il y a beaucoup à apprendre des expériences faites par les villes pionnières et de projets pilotes faits à l’étranger, comme ceux menés à Copenhague, Vienne ou Berlin.

Certains principes généraux sont universels, selon Dunja Kovari, cofondatrice de l’agence d’urbanisme sa_partners à Zurich : « Il faut intégrer dans la ville des sources de fraîcheur, comme des arbres, aménager des couloirs d’air frais et prévoir des zones d’infiltrations

d’eau. Il est tout aussi important de montrer aux autorités les possibilités d’action et de transmettre à la population la vision d’une ville plus verte, en montrant les avantages personnels et en impliquant tout le monde dans les réflexions sur l’aménagement du territoire. » Pour l’urbaniste, les mesures à prendre représentent un investissement à long terme. « Verdir les villes est une nécessité. Le faire demain ne reviendra pas moins cher. En Suisse, nous avons les moyens et les compétences pour développer des solutions qui intéresseront aussi des villes à l’étranger. »

Pour Dunja Kovari, il s’agit d’une question autant financière que politique. « L’État peut et doit investir dans la ville bleue et verte, au même titre qu’il le fait pour les voies de transports. Le retour sur investissement est une meilleure qualité de vie pour les individus. Nous avons autant besoin de grands projets pilotés par l’État ou des entreprises privées que de petites initiatives locales, du

potager installé dans la rue aux plantes sauvages cultivées dans son arrière-cour. »

Verdir la ville nécessite de briser les silos entre les différents corps de métiers impliqués, de l’architecte au jardinier-paysagiste, note Dunja Kovari. Mais également entre les différentes autorités (aménagement du territoire, transport, environnement, forêt, protection contre le bruit, etc.), ajoute Claudia Moll. L’effort doit se déployer également de manière verticale, depuis les stratégies nationales jusqu’aux décisions locales prises par les services communaux et les maîtres d’ouvrage.

Des chevreuils dans le cimetière

Les grandes villes de Suisse travaillent à développer les espaces verts urbains. Bâle est un exemple souvent cité et on y trouve des chevreuils se promenant dans le cimetière, des abeilles sauvages sur les toits, ou encore des moutons paissant dans des prés entre route et ligne de tram.

Premier quartier d’habitation autonome en énergie, l’écoquartier
18 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS
Les Vergers (GE) comprend aussi de nombreux espaces verts accessibles au public.

La Mærsk Tower de Copenhague a été construite pour résister aux changements climatiques futurs, le toit vert y contribue.

19 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

Bâle, en tant que canton urbain, bénéficie d’une situation particulièrement favorable, selon Emanuel Trueb, directeur du service des parcs : ville et canton sont unifiés. Cela raccourcit les chemins entre l’implémentation et les financements fédéraux, contrairement aux autres autorités cantonales qui doivent coordonner les initiatives prises par les différentes communes. Autre atout : le service des parcs et jardins ou « Stadtgärtnerei » existe depuis 1861 et emploie 280 personnes.

La ville a pris des mesures claires pour favoriser le vert dans l’espace urbain. Depuis 1999, les toits doivent être végétalisés dès une surface de dix mètres carrés et jusqu’à une inclinaison de dix degrés. Particuliers et entreprises de la cité rhénane peuvent obtenir

un soutien financier pour des projets de verdissement (façades, plantation d’arbres, aménagement de végétation diversifiée). Un fonds dédié est financé par une taxe perçue sur la plus-value gagnée par un terrain lors d’un changement d’affectation. Il sert à valoriser l’environnement résidentiel par des espaces verts publics.

Le jardinier municipal bâlois Emanuel Trueb est satisfait du cadre national existant. « Actuellement, nos limites viennent des ressources, pas de notre marge de manœuvre. Chaque mètre carré qui verdit compte, mais il faut rappeler qu’une surface végétale est plus exigeante qu’une dalle de béton, autant financièrement qu’au niveau de son entretien. « Le vivant a une échelle de temps longue : planter un arbre ne suffit pas, il faut s’assurer des

ressources pour en prendre soin sur des décennies. La majorité de la population aspire à une ville plus verte, mais n’a pas le pouvoir, le temps ou encore les connaissances pour y contribuer. « Ainsi, seuls quelques acteurs restent concernés par le sujet : l’État, les propriétaires d’immeubles, et l’économie privée », poursuit Emanuel Trueb.

Des espaces verts accessibles à tous Tout le monde doit pouvoir profiter de plus de nature en ville. Le nouveau complexe scolaire de Tueffenwies à Zurich, qui devait s’installer au milieu d’un parc de quartier, constitue un exemple passionnant. « Des groupes de population ont perçu le risque de voir un changement négatif dans l’utilisation de cet espace vert et se sont démenés pour porter leur voix auprès des autorités, explique

20

Le cimetière de Bâle-Ville sert d’habitat à de nombreux chevreuils sauvages. Leur nombre étant devenu trop important, une partie d’entre eux ont dû être déplacés dans le Jura.

Ana Peric, spécialiste en urbanisme et chargée de cours à l’Institut de l’aménagement du territoire et du paysage de l’EPFZ. Ce qui montre qu’un conflit peut aussi être source de collaboration. » Finalement, un nouvel emplacement a été trouvé pour l’école, et le parc du quartier a ainsi pu être préservé pour la population. « Le concept de ville verte semble bien s’implémenter dans les grandes villes de Suisse. À l’avenir, les aspects sociaux qui jouent aussi un rôle important puisque les espaces verts servent toujours au bien-être de la population. Car les espaces verts encouragent l’exercice physique et les rencontres.

« La Confédération a reconnu l’espace urbain comme un domaine d’activité important et s’engage donc à soutenir les cantons et les communes dans

leurs villes », conclut Claudia Moll qui souligne les multiples bénéfices de ces stratégies. ■

EN BREF

Verdir la ville est devenu une nécessité. Face à l’adaptation aux effets du changement climatique, l’espace urbain joue un rôle central. Les solutions doivent être pensées de manière locale, mais il est intéressant de s’inspirer de villes pionnières, car le mouvement « green cities » est bien une tendance globale.

CONTACT

Claudia Moll

Section Politique du paysage, OFEV claudia.mollsimon@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-02

LE PAYSAGE SUISSE

DANS LA VILLE

Le paysage désigne l’ensemble de l’espace dans lequel nous vivons et la manière dont nous le percevons. Les zones urbaines en font également partie. Avec « Paysage suisse » de 2020, la Confédération a fixé des objectifs pour la préservation et l’amélioration de la qualité du paysage. Le développement des paysages urbains en fait également partie.

Ainsi, il est important de combiner différents aspects, tels que le développement de l’urbanisation vers l’intérieur, mais aussi la protection des sites, des valeurs culturelles et historiques ainsi que la création et l’entretien d’espaces verts. Il s’agit de maintenir des espaces proches de l’état naturel comme les forêts urbaines, les arbres plantés dans les rues, les toitures et les façades végétalisées, ainsi que les corridors de ventilation, des sols perméables et des surfaces d’eau qui assurent un cycle de l’eau équilibré. L’important est que le développement urbain réponde aux besoins de la population en matière de détente dans la nature tout en favorisant la mise en réseau des habitats.

En ce qui concerne les agglomérations, le concept prévoit de mettre un terme au mitage du territoire et d’aménager les franges urbaines, à savoir la transition entre le paysage construit et le paysage ouvert. L’urbanisation devrait se limiter à des sites centraux denses et clairement délimités. Et les franges urbaines doivent être entretenues et aménagées afin de permettre les activités physiques et de détente pour maintenir les réseaux écologiques.

21 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

La ville-éponge pour valoriser l’eau

GESTION DE L’EAU

Face au réchauffement du climat, la résilience des espaces urbains dépendra de leur capacité à s’adapter à des épisodes météorologiques extrêmes. La ville-éponge consiste à reconstituer le cycle naturel de l’eau au sein des villes.

En ville, le bétonnage des sols les prive de leur perméabilité, rendant indispensable la mise en place de systèmes d’évacuation des eaux en cas d’intempéries. Alors que le climat se réchauffe, les épisodes de sécheresse et de grandes chaleurs sont amenés à se multiplier en été, tandis que les précipitations se feront plus fréquentes en hiver, selon les scénarios climatiques CH2018 établis par le Centre national pour les services climatiques (NCCS) en coopération avec l’EPFZ.

Pour se prémunir des effets indésirables de tels changements, l’une des solutions est le concept de « villeéponge », soit miser sur les cycles naturels de l’eau. « La méthode consiste à rendre au sol sa perméabilité naturelle, non seulement pour lui permettre d’absorber l’eau de pluie, mais également de la stocker et de la restituer par temps chaud via l’évaporation », explique Antoine Magnollay, remplaçant du chef de la section Protection contre les crues de l’OFEV. Les variations de température entre les espaces verts et les zones bétonnées peuvent être considérables. À Genève, par exemple, cet écart s’est élevé à 3,1°C en moyenne, et parfois jusqu’à 7,7°C entre 1981 et 2010.

Réhabiliter le cycle naturel de l’eau « Le principe consiste à retenir l’eau là où elle tombe, sur des toitures vertes ou sur des surfaces végétalisées notamment, résume Silvia Oppliger, cheffe du projet « villeéponge » au sein de l’association suisse des professionnels de la protection des eaux. Cela permet d’appliquer une gestion locale de l’eau qui réplique son cycle naturel. »

La ville-éponge se concrétise via de multiples solutions techniques : les rues et les abords des habitations sont réaménagés pour accueillir des surfaces vertes, les nouveaux quartiers sont pensés de façon à intégrer les cycles naturels de l’eau, notamment via des noues (de légers creux ou des rigoles, le plus souvent végétalisés), des jardins de pluie ou des tranchées de rétention, par exemple sous forme de petites cavités perméables, qui permettent de retenir l’eau de pluie de façon à hydrater les végétaux environnants tout en favorisant son infiltration progressive dans le sol.

À plus grande échelle, les villes peuvent aussi agencer des zones humides ou des surfaces multifonctionnelles qui serviront de puits

22 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

naturels lors de précipitations. « À l’échelle d’une ville, il faut envisager la topographie urbaine afin qu’elle permette l’écoulement des eaux vers des zones sûres, via le principe de multifonctionnalité des surfaces. En cas de fortes pluies, cela permet le déversement des excédents d’eau vers des parcs ou des terrains de football. Ces derniers seront alors inutilisables pendant quelques jours, mais ce système permet d’éviter des dégâts plus importants aux habitations et aux infrastructures critiques. »

Lutter contre les îlots de chaleur

En prévision d’étés plus chauds, certaines villes suisses se préparent d’ores et déjà et ont commencé à intégrer des solutions basées sur la nature pour lutter contre les îlots de chaleur, à savoir les zones urbaines où le mercure monte à des niveaux supérieurs à la moyenne.

À Berne, la stratégie ville verte 2030 vise à préserver les quelque 23 000 arbres que comptent les rues, les places et les parcs de la ville. À partir d’une certaine taille, tous les arbres y sont d’ailleurs protégés et ne peuvent être abattus que dans des cas exceptionnels.

« Les arbres constituent le moyen le plus efficace de s’adapter aux périodes de fortes chaleurs et aux sècheresses qui se multiplient. Mais pour qu’ils prospèrent correctement, encore faut-il leur fournir des conditions de développement optimales et cela passe notamment par une zone racinaire suffisamment grande et un approvisionnement en eau abondant », explique Sabine Mannes, coresponsable de l’adaptation climatique de la ville de Berne. « L’un des objectifs consiste à agrandir la surface couverte par la canopée afin de fournir de l’ombre et de refroidir la ville lors de fortes chaleurs », ajoute Corina Gwerder, coresponsable de l’adaptation climatique de la ville de Berne.

Un projet pilote lancé par la ville de Berne et la Haute école spécialisée de Zurich cherche parallèlement à comprendre comment créer des conditions plus favorables à la croissance des arbres dans les zones urbaines denses à l’aide de substrats constructibles à base de gravier et de composants organiques. « Le substrat augmente l’accessibilité des arbres à l’eau et aux nutriments et permet aux racines de mieux se développer, explique Corina Gwerder,

La solution de la ville-éponge permet à la ville de Copenhague de gérer rapidement l’arrivée de grandes quantités d’eau, comme ici au parc Karens Minde aménagé en zone de captage.

à l’avenir, le substrat pourrait être utilisé sous les trottoirs, les pistes cyclables et les voies de circulation peu fréquentées. »

Soutenir la biodiversité

Alors que l’étalement urbain a tendance à éroder la biodiversité, la ville éponge lie protection de la nature et amélioration des conditions de vie humaine. Lauren Cook et Kilian Perrelet, chercheurs au sein de l’Institut fédéral des sciences et technologies de l’eau, tentent de mieux comprendre les interactions entre l’eau et la biodiversité en ville.

« La diversité des espèces végétales et animales présentes dans l’écosystème garantit le bon fonctionnement du cycle de l’eau. Plus il y a d’espèces qui remplissent la même fonction dans diverses conditions, plus le cycle est résilient. »

« Nos recherches nous ont permis de constater l’interdépendance entre espèces végétales et animales. Par exemple, la présence d’une espèce de ver de terre peut avoir

23

Des volontaires cassent l’asphalte, à Windisch (AG). L’objectif : attirer l’attention sur l’importance des sols perméables.

une influence sur la perméabilité des sols », souligne Kilian Perrelet, dont la thèse de doctorat porte sur l’analyse des traces ADN présentes dans la terre pour élucider les interactions entre la biodiversité et les points d’eau en milieu urbain.

Le chercheur genevois appelle à reconsidérer le rapport de l’humain aux espaces naturels. « Plutôt que de tout miser sur la reconstitution des espaces naturels, il faut aussi songer à renoncer à leur destruction en amont. À Zurich, on dénombre plus de 700 étangs. C’est un patrimoine naturel qui joue un rôle clé dans la préservation de la biodiversité. »

Loins des parcs et des berges des rivières, ces petites oasis fournissent des points-relais pour les espèces végétales et animales. Le verdissement des toitures, des façades et des chaussées a aussi pour but de les multiplier, recréant ainsi des corridors de biodiversité. « Pour que la revitalisation soit efficace, il faut que les différents espaces favorables à la biodiversité soient reliés entre eux », explique Lauren Cook.

Prévenir la prolifération d’« organismes nuisibles » Certains craignent cependant qu’un verdissement à la hâte fasse surgir des nuisances auxquelles les villes ne sont pas forcément bien préparées. Par exemple, les points d’eau stagnante fournissent les conditions parfaites pour la reproduction du moustique tigre, une espèce porteuse de la dengue et du chikungunya notamment. « Sitôt qu’un cas de maladie infectieuse est détecté, alors toute la zone présente dans un rayon de 150 à 200 mètres fait l’objet d’un traitement par les autorités sanitaires, prévient Gabi Müller, responsable du service de prévention des nuisibles de la ville de Zurich. Or, ces traitements affectent malheureusement aussi les autres espèces et peuvent donc nuire à l’ensemble de la biodiversité. »

Pour éviter que les mesures liées à la ville-éponge produisent des effets contre-productifs, la spécialiste préconise d’éviter la construction de citernes souterraines et de favoriser les étangs et les eaux courantes, mais aussi de procéder à l’élagage des arbres et autres végétaux. ■

QUAND LES RIVERAINS

« CRAQUENT »

La population locale se mobilise également pour revégétaliser les sols des zones urbanisées, parfois via des initiatives assez spectaculaires. Le projet « Asphaltknacker » du musée d’histoire naturelle d’Argovie, s’est notamment illustré en mars et en juin 2023. Sous l’égide de deux organisations environnementales, il a réuni une dizaine de résidents pour perforer l’asphalte à coups de marteaux-piqueurs, d’abord à Suhr (AG), puis à Windisch (AG). Dans cette localité, la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse (FHNW) a pris part au projet en réimperméabilisant une parcelle bétonnée de son campus. En ville de Zurich, l’association « Plan Biodivers » a entrepris des démarches similaires.

À Emmen (LU), le projet de densification de la Schützenmattstrasse, à proximité de la gare prévoit d’intégrer des toitures végétalisées ainsi que des sols vallonnés parsemés de végétation naturelle, répliquant ainsi les solutions de la ville-éponge à l’échelle du quartier. Pour mieux intégrer la population à ces métamorphoses, le bureau d’architecture paysagère en charge de la planification, BÖE Studio, prévoit notamment d’installer un espace de vie commune dès le début des travaux, qui devraient commencer en 2027 « Le local réunira un café, un pavillon ainsi que des outils de jardinage à disposition de la population », souligne Johannes Heine, fondateur de BÖE Studio.

EN BREF

Le concept de ville-éponge permet une meilleure gestion de l’eau. Grâce à des aménagement végétalisés et des dispositifs de récupération des eaux, les espaces urbains sont mieux adaptés pour faire face aux fortes intempéries comme aux périodes de sécheresse. Deux défis importants posés par le dérèglement climatique.

CONTACT

Antoine Magnollay

Section Protection contre les crues, OFEV antoine.magnollay@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-03

24 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

ADAPTER L’ESPACE URBAIN

NUISANCES SONORES

À cause du manque d’espaces verts, le bruit du trafic n’est pas atténué, or des zones calmes sont nécessaires au bien-être.

SOLS IMPERMÉABILISÉS

En cas de fortes pluies, le sol ne parvient pas à absorber l’eau, le risque d’inondations augmente.

VILLE GRISE

Près de deux tiers des surfaces d’habitat sont imperméabilisées. Cela entraîne la perte de précieux espaces et morcelle les milieux naturels, augmentant ainsi les effets d’îlots de chaleur et les risques d’inondation. Le manque d’espaces de qualité nuit à notre santé physique et mentale tout en mettant sous pression la biodiversité dans l’espace urbain.

POLLUTION LUMINEUSE

La lumière artificielle a des effets négatifs sur le paysage nocturne, et nuit à la vie animale, végétale et humaine.

ÎLOTS DE CHALEUR

En été, le manque de végétation accentue l’effet de surchauffe que produisent les zones imperméabilisées.

AIR POLLUÉ

Le manque de végétation nuit à la qualité de l’air.

HABITATS ISOLÉS

Des milieux naturels non reliés entre eux nuisent fortement à la biodiversité.

VISUALISATION L’ENVIRONNEMENT 2-24 FEUILLET DÉTACHABLE

PRAIRIE

Fait office de frange urbaine pour faciliter la transition entre le tissu bâti et le milieu agricole.

Biodiversité

VILLE VERTE

Les espaces verts jouent un rôle majeur dans la préservation de la biodiversité et la qualité paysagère. Ils assurent la régulation du climat urbain et améliorent la qualité de l’air. Bien reliés entre eux, les structures naturelles assurent des habitats pour la faune et la flore. Des sols perméables assurent le cycle naturel de l’eau et rendent les villes plus résistantes aux effets du changement climatique.

FAçADES

VÉGÉTALISÉES

Réduisent la chaleur à l’intérieur des bâtiments en été et les isolent du froid en hiver.

Biodiversité

ARBRES

Purifient l’air, créent des zones de fraîcheur et de l’ombre, participent à l’attractivité du paysage urbain.

Biodiversité

EAU

TOITS VÉGÉTALISÉS

Réduisent la chaleur à l’intérieur du bâtiment, peuvent héberger des plantes et animaux.

Biodiversité

COOL SPOTS

Amènent de la fraîcheur grâce à la végétation et aux plans d’eau, des refuges particulièrement utiles en été.

Permet un refroidissement par évaporation pour réguler la température, sert de lieu de détente et de rafraîchissement.

Biodiversité

PANNEAUX SOLAIRES

Génèrent de l’ombre sur la verdure qui elle-même augmente l’efficacité des panneaux solaires par effet de ventilation.

SOLS PERMÉABLES

Garantissent une meilleure absorption et le stockage de l’eau de pluie, selon le principe de la ville éponge.

RAILS VÉGÉTALISÉS

Participent à la mise en réseau des espaces naturels, garantissent un sol maigre, dont dépendent de nombreuses espèces.

Biodiversité

COULOIRS D’OBSCURITÉ

Assurent la circulation et favorisent la survie d’animaux nocturnes comme la chauve-souris.

MURS EN PIERRES SÈCHES

Renforcent le lien entre les espaces naturels. Biodiversité

JARDINER POUR LE CLIMAT ET LA BIODIVERSITÉ

Devant chez soi, sur son toit ou sur son balcon, jardiner, c’est concevoir un écosystème. Une démarche qui favorise la biodiversité et participe à lutter contre le réchauffement climatique. Conseils.

Planter des haies sauvages

Indigènes et sauvages, les haies permettent d’assurer un bon équilibre hydrique et offrent un habitat et de la nourriture à de nombreux insectes. Pour les humains, elles protègent du vent, des regards indiscrets et leurs baies et leurs fleurs peuvent être mangées.

Attirer la petite faune

L’aménagement du jardin avec des nichoirs pour les oiseaux, des abris pour les chauves-souris, du bois mort pour les insectes peut aider les animaux à y trouver refuge. Ils peuvent être d’une grande aide, pour polliniser les plantes ou tenir les parasites à distance.

Arroser avec parcimonie

Choisissez des plantes dont les besoins en eau sont couverts par la pluie. Durant les périodes sèches, il est possible de recueillir l’eau de pluie dans un tonneau. Une solution à la fois écologique et économique.

Verdir les toits et les façades

Les toits et les façades vertes retiennent jusqu’à 95 % d’eau de pluie, fixent le CO2 et filtrent les polluants de l’air. En plus, les installations solaires se combinent parfaitement avec les toits verts.

Semer des prairies à la place du gazon

Une prairie fleurie réclame moins d’arrosage et d’entretien qu’une pelouse classique. La prairie permet aussi d’offrir de la nourriture aux insectes, aux oiseaux et aux petits animaux.

Prendre soin du sol

Des milliards d’organismes, de champignons et de bactéries habitent le sol. Faire du compost permet d’obtenir une terre riche en nutriments, de fertiliser le sol et d’améliorer la rétention d’eau.

Planter les bons arbres

Les arbres rafraîchissent le climat, procurent de l’ombre et stockent le CO2. Chaque arbre abattu devrait être remplacé, de préférence par des espèces indigènes comme le tilleul. Le bois mort est utile pour les insectes.

Cultiver des légumes durablement

Renoncez à l’usage de pesticides pour préserver la vie dans le sol. Le paillage – l’éparpillement de plantes broyées – offre de la nourriture aux organismes du sol dont la santé garantit une bonne récolte.

Sources Le jardin climatique : bit.ly/3WhiyQ1 Quand la ville surchauffe : bit.ly/3UfwtUi Promotion de la biodiversité et de la qualité paysagère : bit.ly/4cCEuLl Biodiversité et qualité paysagère dans les agglomérations : bit.ly/3Ufrnr4 Nature – Un hérisson en toute saison : bit.ly/3UzN9Hk VISUALISATION l’environnement Juin 2024 Feuillet détachable à conserver

En ville, des façades et des toits verts

AMÉNAGEMENT

La végétalisation permet de concilier écologie et milieu bâti. Les plantes offrent des habitats favorisant la biodiversité tout en rafraîchissant les bâtiments et en optimisant l’utilisation de panneaux solaires. Visite à Bâle, avec le spécialiste Jascha van Gogh.

TEXTE : BRIGITTE WENGER

L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

Dans sa tenue de jardinier, Jascha van Gogh se distingue nettement du décor dans le foyer de la halle Saint-Jacques à Bâle, qui s’apprête à accueillir un déjeuner d’affaires. D’un pas assuré, il se dirige vers les escaliers.

Arrivé en haut, il disparaît dans une trappe située au plafond. Sur le toit de l’immense halle événementielle, le contraste avec l’intérieur est tout aussi étonnant : on y trouve des vipérines à fleurs violettes, des œillets des Chartreux d’un rose pourpre éclatant et tout un paysage de prairie sèche s’élevant à quelques mètres du vacarme routier de Bâle.

« Je me réjouis de voir pousser du chardon aux ânes, une espèce proche de l’extinction », confie Jascha van Gogh. L’ingénieur en environnement de la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) mène des recherches sur la végétalisation des toits à Bâle, dont les substrats permettent le développement d’une diversité de plantes des plus colorées, qui offrent aussi un abri aux insectes rares. Ces toits et façades végétalisés peuvent aussi abriter diverses espèces d’oiseaux et d’amphibiens. Les professionnels parlent de l’« Animal Aided Design ». De plus en plus, et grâce à des mesures spécifiques, les bâtiments, en plus de loger des humains, accueillent aussi la faune sauvage. Cette approche, encore peu connue en Suisse, a pour l’instant été mise en place uniquement sur quelques bâtiments. Une solution qui devrait gagner en importance ces prochaines années.

Les toits végétalisés s’accordent, par ailleurs, parfaitement avec les installations photovoltaïques. Des solutions écologiques combinant ces deux systèmes sont déjà visibles en Suisse.

Des plantes pour rafraîchir Plus les températures montent, plus le besoin de verdure se fait pressant dans les villes. En effet, les plantes apportent de l’ombre et retiennent l’eau de pluie, qui rafraîchit ensuite l’air en s’évaporant. Le béton des villes laisse peu de place à la nature. Dans ce contexte, les façades végétalisées jouent un rôle essentiel.

En plus, l’intégration de verdure aux bâtiments les isole et permet de réduire leurs besoins en énergie pour rafraîchir une pièce, par exemple. En effet, en été, les pièces situées sous les toits végétalisés affichent trois à cinq degrés de moins que celles situées sous des toits ordinaires. Intégrées à la façade, les plantes protègent les murs de la chaleur, mais aussi de la pluie et des rayons UV. Une mesure qui permet à la fois de prolonger leur durée de vie et de les rendre plus esthétiques.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser inexploitées des surfaces qui présentent un potentiel de végétalisation », dit Séverine Evéquoz de la section Politique du paysage à l’OFEV. Conformément à la loi sur la protection du paysage et de la nature, dans les régions où l’exploitation du sol est intensive à l’intérieur et à l’extérieur des localités, les cantons

doivent veiller à une compensation écologique. Les effets positifs de la végétation sur l’être humain et l’environnement ne sont plus à démontrer. Un paysage urbain de qualité, composé d’espaces ouverts et de structures proches de l’état naturel, en plus de favoriser la présence d’espèces essentielles comme les abeilles sauvages, contribuent aussi à une meilleure santé et à la détente. C’est pourquoi le Conseil fédéral a fixé l’objectif de développer la biodiversité et la qualité du paysage dans les agglomérations dans sa « Stratégie Biodiversité Suisse » en 2012. L’OFEV soutient ainsi les cantons et les communes en définissant des recommandations, par exemple dans le domaine de la planification urbaine, ou encore en valorisant les bonnes pratiques. Il apporte un soutien financier au travers des conventionsprogrammes dans le domaine de l’environnement et favorise aussi l’échange de connaissances entre les différents acteurs.

À Bâle, 46 % des toits plats sont végétalisés et considérés comme des surfaces de compensation écologique. Pionnier en la matière, le Canton de Bâle-Ville a inscrit dans sa loi l’obligation de végétalisation des toitures plates en 1999. À Bâle, de la planification à la construction, les toitures végétalisées sont donc intégrées aux projets. À chaque étape et jusqu’à la réalisation, les compétences sont désormais réunies pour mettre en œuvre des projets de qualité. Les techniques d’aménagements se sont diversifiées, explique Séverine Evéquoz.

Migration vers les toits plats

« Sur les toits, les conditions sont extrêmes », souligne Jascha van Gogh. Pour survivre, les plantes et les animaux doivent supporter à la fois la chaleur et le gel, mais aussi la sécheresse et l’eau stagnante.

Les toitures vertes facilitent le fonctionnement des panneaux solaires, les rendant encore plus efficaces. Une option adoptée par la piscine couverte de Muttenz (BL).

L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

La decticelle chagrinée, une espèce de sauterelle présente en Suisse, profite de la végétation sur le toit vert du

Sur le toit végétalisé de la halle Saint-Jacques à Bâle, le sympétrum à nervures rouges, une libellule, peut trouver refuge.

On trouve aussi des mantes religieuse dans la végétation au-dessus du centre commercial Stücki.

Les plantes recouvrant la halle Saint-Jacques viennent des environs, à savoir de la réserve naturelle de la lande de Reinach, située environ cinq kilomètres plus loin. « Plus chères que les mélanges industriels, les semences locales sont cependant mieux adaptées au climat régional et présentent une grande variété génétique », explique l’ingénieur. Elles ont été importées de la lande en 2018, avec des larves et des œufs d’araignées, de coléoptères, de sauterelles, d’abeilles sauvages, de papillons et de petits escargots rares.

L’ingénieur creuse le sol rouge foncé et peu profond. « Il ne se passe pas grand-chose ici. » La couleur rouge provient de la pierre ponce, une roche volcanique poreuse qui ameublit la terre et retient l’eau, mais rend le sol peu fertile en période de sécheresse. Or, s’il y a moins de plantes il y a aussi moins d’ombre et donc un sol qui chauffe davantage. Il s’avance vers une partie recouverte de bois mort et de pierres qui abritent des insectes. Le sol y est plus épais et irrégulier. Le substrat enrichi avec du gravier, de la paille et du compost favorise une végétation dense et variée. Une

végétalisation des façades rendrait cet habitat accessible à d’autres espèces sauvages, comme les amphibiens.

« L’épaisseur de la couche nutritive a son importance », précise Jascha van Gogh. Plus elle est épaisse, plus elle retiendra l’eau de pluie et plus les plantes vivront longtemps et pourront apporter de la fraîcheur. Mais, le toit pèsera plus lourd. Un élément à prendre en compte par les ingénieurs et les architectes lors de la construction.

Une mosaïque de plantes

Avec la végétalisation des toits, une mosaïque d’habitats pour plantes et animaux a été créée au-dessus de la ville de Bâle. Complétant le réseau des corridors biologiques et des cours d’eau de la ville, ces toits jouent un rôle important.

Jascha van Gogh rejoint ensuite le toit verdoyant du Stücki Park, un centre commercial construit sur le terrain d’une ancienne teinturerie. En analysant le toit, il y a déjà trouvé une mante religieuse. Cette espèce, protégée en Suisse, profite du changement climatique. La mante religieuse est en effet

arrivée du sud à travers l’échange de marchandises.

Le centre commercial Stücki a ouvert ses portes en 2009. Comme le bâtiment se trouvait dans une zone industrielle grisâtre, les architectes avaient décidé de végétaliser les façades pour le mettre en valeur. À cette époque, la biodiversité n’était pas encore une préoccupation majeure. Après une quinzaine d’années d’exploitation, on voit toujours la glycine, le lierre et la vigne sauvage grimpant le long du bâtiment, lui offrant de l’ombre et servant de refuge aux oiseaux. Avec ses 28 000 mètres carrés, le toit du Stücki constitue le plus grand toit végétalisé de la ville. La végétalisation du toit a été imposée par la municipalité comme compensation écologique à la construction du centre commercial.

Panneaux solaires et biodiversité Jascha van Gogh monte sur le toit. Les spécialistes en écologie urbaine de la ZHAW y ont reproduit des habitats avec divers types de sols. Car si l’œdipode turquoise s’épanouit sur des surfaces graveleuses, par exemple,

centre commercial Stücki, à Bâle.
31 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

l’œdipode émeraude, une espèce de criquet en danger, a quant à lui besoin d’un sol humide pour la ponte.

Le chercheur avance vers une partie plus récente du toit qui est recouverte de plantes et de panneaux photovoltaïques produisant près de 1000 mégawattheures par an et couvrant ainsi jusqu’à 70 % des besoins en électricité du bâtiment. « La biodiversité et la production d’électricité sont compatibles. » Comme les panneaux solaires produisent de l’ombre, le sol reste humide plus longtemps. Quant aux plantes, elles rafraîchissent et aèrent les modules solaires par le bas, ce qui permet d’augmenter la production d’électricité en cas de forte chaleur. La conception ou la rénovation d’une construction doit être l’occasion de combiner les installations solaires et la végétalisation, insiste Séverine Evéquoz.

Anke Domschky est chargée d’enseignement en architecture du paysage et études urbaines à la ZHAW à Winterthour. Sur mandat de l’OFEV, elle a coédité en 2022 l’étude sur le potentiel des bâtiments pour la biodiversité et la qualité du paysage dans les agglomérations.

Anke Domschky, comment nos bâtiments peuvent-ils favoriser la biodiversité ?

AD : Les bâtiments ont aujourd’hui une mission, qui comprend le développement de la biodiversité et le ralentissement du réchauffement climatique. Il ne suffit pas de limiter les émissions de CO2 avec des panneaux solaires, par exemple. Il faut aussi éviter d’imperméabiliser les surfaces, réduire la chaleur en ville et offrir un habitat à la faune et à la flore. Il ne s’agit pas de la survie d’espèces en danger, mais de notre qualité de vie et de notre santé.

Or, comme on le voit à Bâle, l’un n’exclut pas l’autre, bien au contraire. »

Évidemment, les néophytes comme la vergerette et le Séneçon du Cap se plaisent aussi sur ces toits. Pour un espace de cette taille, il faudrait plusieurs interventions annuelles pour arracher et éliminer les néophytes, explique l’ingénieur, sans quoi certaines espèces vont devenir envahissantes surtout si elles le deviennent alors que les plantes n’ont pas encore formé de graines. Les propriétaires confient souvent ces travaux à des spécialistes des toitures pour des contrôles techniques, mais d’après Jascha van Gogh, il faudrait faire appel à des professionnels du jardin. « La protection de la nature requiert des connaissances précises. » Le statut des toits verts est ambivalent, car il permet d’obtenir des portions de nature totalement

préservées, mais cette inaccessibilité s’accompagne aussi d’un manque de visibilité et la population ne perçoit pas tous ses atouts. ■

EN BREF

La végétalisation des façades et des toits plats offre un habitat précieux aux plantes et insectes dans les villes et permet de lutter contre la chaleur. Cette solution pourrait encore être mieux exploitée en combinant les toits verts avec des panneaux solaires.

CONTACT

Séverine Evéquoz

Section Politique du paysage, OFEV severine.evequoz@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-04

« L’écologie et le milieu bâti ne s’opposent pas »

Anke Domschky, architecte paysagiste et chargée d’enseignement à la ZHAW, explique comment les effets du réchauffement climatique poussent le secteur de la construction à s’intéresser à la végétalisation des bâtiments.

Dans votre rapport, vous formulez des recommandations d’action pour différents acteurs. Quelles sont les plus importantes ?

AD : Sous les effets du réchauffement climatique, la question de la végétalisation des bâtiments se pose de plus en plus dans le secteur de la construction. Je le vois non seulement auprès des étudiants, mais aussi dans les bureaux d’architectes. Ce sont maintenant les maîtres d’ouvrage et les investisseurs qui doivent s’en emparer, mais il leur faut d’avantage d’informations et de faits scientifiques. Je pense qu’il faut aussi des dispositions légales claires, des certifications et des mesures de biodiversité dans les procédures d’autorisation de construire, mais aussi dans les concours. Les effets du réchauffement climatique poussent le secteur de la construction à s’intéresser à la végétalisation des bâtiments. Les spécialistes de l’environ-

nement pourraient aussi aider les communes fortement sollicitées.

Par quoi faut-il commencer pour développer la végétalisation des bâtiments ?

AD : Il faut d’abord comprendre que l’écologie et le milieu bâti ne s’opposent pas. Notre étude présente quelques réalisations formidables. Plus ces exemples seront nombreux, plus nous étendrons nos connaissances sur la végétalisation des bâtiments et plus elle deviendra visible. La législation constitue toutefois le levier le plus rapide. La végétalisation doit devenir obligatoire. Pour cela, la première étape serait de l’autoriser dans le cadre de la protection. Comme les plantes sont inflammables, elles sont souvent vues comme un risque en matière de sécurité. Or, si elles sont bien entretenues, elles ne présentent aucun danger.

32 FOCUS

Des espaces verts, des espaces calmes

QUALITÉ DE VIE

Le bruit est omniprésent en milieu urbain. Bien planifiés et aménagés, les espaces verts non construits peuvent améliorer le bien-être de la population en atténuant les nuisances sonores.

TEXTE : ISABEL PLANA

Mardi matin sur la Bürkliplatz de Zurich. Trond Maag, urbaniste et collaborateur scientifique de la division Bruit et rayonnement non ionisant (RNI) de l’OFEV, se promène à travers les grands arbres séculaires dont les cimes forment un épais feuillage au-dessus de la place. En dépit de la végétation, l’environnement est assez sonore : de la route qui longe le lac s’échappe un bruit de circulation constant, entrecoupé d’un canon de moteurs vrombissants. « S’il y a autant de bruit au milieu de la place malgré les arbres, c’est à cause de l’asphalte, explique Trond Maag, les surfaces imperméabilisées et planes propagent le son, tandis que les sols perméables l’absorbent. La neige fraîche en est un bon exemple. »

Le trafic constitue la principale source de bruit en Suisse. Selon le monitoring de la Confédération, le bruit de la circulation routière est jugé incommodant ou nuisible par environ 1,1 million de personnes en journée, et presque autant la nuit. À cela s’ajoutent les émissions sonores des chantiers, de l’industrie et de l’artisanat. Ces nuisances touchent majoritairement la population des villes et des agglomérations. Le développement vers l’intérieur accentue en outre le problème. Afin d’exploiter pleinement les surfaces des terrains, les logements et bâtiments se multiplient désormais sur des sites exposés au bruit et à proximité des routes. La croissance de la population résidante entraîne par ailleurs une augmentation du volume du trafic.

Conséquence : un besoin accru de calme et de repos que les forêts, les prairies et les champs qui bordent l’espace urbain ne peuvent entièrement satisfaire. « Il faut davantage d’espaces verts intra-urbains, facilement accessibles à pied depuis le domicile ou le lieu de travail », souligne Trond Maag. Il peut s’agir de parcs, de cimetières, de promenades et de terrasses au bord de l’eau, mais aussi de petits lieux de refuge tels que des cours intérieures végétalisées ou des pelouses et des places au sein des zones habitées. Les responsables politiques en ont également pris acte. La révision de la loi sur la protection de l’environnement doit permettre de mieux coordonner la protection contre le bruit et le développement de l’urbanisation. Lors de la planification d’une augmentation de l’espace habitable dans des zones déjà bâties, il faudra désormais créer des espaces ouverts servant à la détente et prévoir d’autres mesures pour préserver la tranquillité.

Écouter avec les yeux

Mais qu’est-ce que le calme ? Et que faut-il pour créer des lieux réellement propices à la détente dans les zones urbaines ? Nicole Bauer, psychologue de l’environnement à l’Institut WSL, travaille sur ces questions. Un clapotis sonore l’accompagne tandis qu’elle se promène le long de la Reppisch, la petite rivière qui traverse la ville de Dietikon, telle un ruban vert et bleu, avant de se jeter dans la Limmat. Près des bancs situés sur la berge, le niveau sonore de l’eau avoisine les 57 dB, soit à peu près autant que les voitures qui passent.

33 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

On ne qualifierait toutefois pas le clapotis de la rivière de bruit indésirable. Au contraire, il est agréable, car il couvre les bruits du trafic alentour. « La seule indication des décibels ne permet pas d’évaluer dans quelle mesure un lieu est perçu comme calme et reposant », souligne Nicole Bauer. « Le calme est bien plus que l’absence de bruit. »

Dans le cadre d’une étude financée par l’OFEV, Nicole Bauer et deux collègues ont analysé, dans dix lieux de détente du Plateau suisse – dont les rives de la Reppisch à Dietikon –, quels bruits étaient perçus comme agréables et lesquels étaient considérés comme gênants. Les sons de la nature tels que le chant des oiseaux, le coassement des grenouilles, le bourdonnement des abeilles, le chant des grillons, le murmure d’un ruisseau et le souffle du vent ont été très appréciés par les personnes interrogées, tandis que le bruit des avions, du trafic routier ou des chantiers ont troublé leur quiétude.

Nicole Bauer précise qu’outre le volume sonore, notre perception et notre évaluation des bruits entrent également en jeu. Les sons qui ne correspondent pas à l’environnement dans lequel nous sommes nous frappent davantage. « Quand je me

À L’ÉCOUTE DANS LA VALLÉE DE LA LIMMAT

Un projet portant sur la qualité sonore est en cours dans la vallée de la Limmat, entre Zurich et Baden. Dans cette zone urbaine dense, traversée par l’un des axes autoroutiers et ferroviaires les plus fréquentés du pays, le bruit du trafic est constant, même à proximité de la rivière et sur les versants de la vallée. On y trouve pourtant des endroits paisibles, notamment le long de la Reppisch, à Dietikon. Le projet « Ruheorte. Hörorte », soutenu par la Confédération, sensibilise à la qualité acoustique de l’environnement. Entre autres initiatives, des promenades sonores dans plusieurs communes de la vallée invitent à une exploration auditive du paysage et rappellent l’importance de l’aménagement acoustique des espaces extérieurs. ruheortehoerorte.ch

promène en forêt, le bruit de mes pas sur le chemin de terre est assez fort, voire plus fort que celui d’un avion qui vole au loin. Mais je n’y prête pas attention, parce que ce bruit vient de moi et qu’il est naturel lors d’une balade en forêt, contrairement à celui de l’avion. »

De plus, notre perception de l’intensité sonore est relative. Dans un endroit calme, nous entendons mieux les bruits parasites. Inversement, un lieu nous semblera tranquille s’il est moins bruyant que son environnement. « Des aspects visuels peuvent en outre influencer notre perception d’un lieu », complète Nicole Bauer. Une zone piétonne très fréquentée génère souvent une sensation de stress, même si le niveau sonore y est peu élevé. En revanche, il est prouvé qu’un environnement naturel et la vue de plantes ont un effet apaisant. Il est toutefois difficile de quantifier dans quelle mesure le calme visuel peut compenser le bruit.

L’acoustique dans la ville de Zurich Selon Trond Maag, de l’OFEV, il n’est pas judicieux de trop miser sur les aspects visuels lors de la conception d’espaces ouverts. « Le vert est toujours préférable au gris. Mais les arbres ne suffisent pas à rendre un endroit moins bruyant. » De nombreux facteurs doivent être considérés pour créer dans l’espace urbain des lieux apaisants, à la fois visuellement et acoustiquement. La distance par rapport à la route, l’orientation et la forme des façades des bâtiments environnants, la topographie, la nature du sol, l’eau et la végétation sont autant d’aspects qui ont un impact sur la sonorité d’un lieu.

Trond Maag en fait la démonstration lors d’une promenade dans le centreville de Zurich. Depuis la Bürkliplatz, nous longeons le lac en direction de l’Arboretum, un parc verdoyant bordé d’arbres séculaires. Bien que la route à plusieurs voies contourne directement le parc, le sol désimperméabilisé et l’écran formé par les haies et les arbres rendent l’endroit nettement moins bruyant que le quai du lac, ouvert et en grande partie asphalté.

La promenade de Schanzengraben à Zurich sert de lieu de repos aux habitants qui peuvent aussi bénéficier de la fraîcheur de l’eau.

L’itinéraire se poursuit jusqu’à l’ancien jardin botanique situé sur une colline, un bastion des anciennes fortifications de la ville. Une fois en haut, le bruit du trafic n’est plus que diffus. « Sur un site surélevé comme celui-ci, on s’éloigne automatiquement de la route. De plus, les bâtiments alentour font un peu écran au bruit de la circulation », explique Trond Maag. L’impact de la différence de hauteur est encore plus net dans le Schanzengraben. Longeant le canal qui relie le lac et la Sihl, la promenade idyllique traverse le centre-ville en contrebas des rues. En dépit de la proximité de la gare centrale, le trafic est quasiment imperceptible. On ne voit et on n’entend rien du tumulte de la ville.

34 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

Les espaces verts ne sont pas des « bouche-trous »

Comme le montre ce parcours à travers Zurich, les espaces verts offrent calme et détente même dans des endroits centraux, pour autant que les conditions soient favorables. Mais l’aménagement de ces espaces est parfois complexe. Selon l’acoustique d’un lieu, il convient en effet d’associer des mesures qui réduisent efficacement le niveau de bruit, comme la désimperméabilisation du sol, et des mesures qui modifient la perception du bruit, comme l’eau. L’étude de Nicole Bauer montre en effet que le clapotis d’une rivière ou le ruissellement d’une fontaine peuvent être perçus comme

agréables, en plus de masquer le bruit du trafic.

Selon Trond Maag, les espaces non construits ne doivent toutefois pas être considérés comme des bouchetrous. « Dans un projet de construction, les espaces ouverts sont souvent intégrés à la fin, là où il reste de la place. Ce sont parfois des zones qui ne se prêtent pas à la détente et que les gens finissent même par éviter. Nous devons inclure l’espace non construit dans notre réflexion initiale et lui accorder autant d’importance qu’aux bâtiments. » ■

EN BREF

Les espaces verts améliorent la qualité de vie du point de vue phonique : ils réduisent le niveau sonore et modifient favorablement la perception du bruit, même au centre-ville.

CONTACT

Trond Maag

Division Bruit et RNI, OFEV trond.maag@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-05

35 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

PORTRAITS

Ils s’engagent pour verdir la ville

Il faut plus de végétation dans les villes et les communes suisses. Mais le type d’essences, la quantité, ainsi que l’emplacement adéquat pour ces végétaux font encore souvent débat. Présentation des projets de trois professionnels.

TEXTE : MAJA

La ville de Saint-Gall mène aujourd’hui une approche très verte grâce à sa charte « Grünes Gallustal ». Lucerne arbore le label Or de l’organisme Villeverte Suisse et en applique les principes. Dans le cadre d’un projet pour un développement territorial durable encouragé par la Confédération, Yverdon-les-Bains s’attache à ce que chacun et chacune ait accès à un espace vert attrayant situé à cinq minutes de son logement ou de son lieu de travail.

ESPACES PUBLICS À

CINQ MINUTES DE CHEZ VOUS

Architecte, cheffe du projet Espaces publics à Yverdonles-Bains, Julie Riedo souhaite améliorer les conditions de vie et la santé des habitants en leur offrant un espace public attrayant.

DE LA PRATIQUE POUR LA PRATIQUE

« Biodiversité et qualité paysagère en zone bâtie : Recommandations de dispositions de référence à l’intention des cantons et des communes »

Cette publication de l’OFEV aide les cantons et les communes à intégrer davantage le thème de la biodiversité et de la qualité du paysage en milieu urbain dans leurs bases légales et leurs instruments de planification. Elle contient aussi des dispositions types qui peuvent être reprises et adaptées au besoin par les spécialistes compétents au sein des administrations cantonales et communales.

bit.ly/4bmbgiC

La principale caractéristique du travail pour la ville d’Yverdon-les-Bains que semble apprécier Julie Riedo : « La diversité ». En tant que cheffe du projet « Espaces publics à 5 minutes de chaque Yverdonnois·e », ses tâches sont variées. Elles vont du nouvel agencement d’un site, par exemple avec des bancs, des chaises longues, des parasols ou un terrain de pétanque, au plan directeur des espaces publics pour le futur, en passant par les micros-trottoirs ou les sondages en ligne visant à identifier les besoins de la population, ou encore le réaménagement complet d’un lieu.

Cette architecte de formation mène toutes ces activités dans le cadre d’un projet pilote pour un développement

territorial durable encouragé par la Confédération qui soutient des projets jusqu’à 2024. « Nous voulons améliorer la qualité de vie, et donc la santé, des individus vivant dans les quartiers actuels et futurs. » « Notamment en encourageant la pratique des activités de plein air. » Ainsi la population urbaine n’a plus systématiquement besoin de se rendre en périphérie urbaine pour se détendre. Ceci est d’autant plus important pour les personnes à mobilité réduite ou celles en charge du « care » qui ont besoin d’une grande proximité avec les installations. La responsable du projet elle-même ne pourrait pas se passer d’espaces publics, dans lesquels elle prend l’air au quotidien.

L’urbaniste place les gens au premier plan, elle tient donc à ce que la ville appartienne à tous. « L’espace public doit être attrayant pour que tout le monde ait envie de passer du temps en plein air. » L’art, les manifestations culturelles et les possibilités de rencontre doivent contribuer à cette dynamique. Et bien sûr la verdure sous toutes ses formes : des arbres dans les rues, des espaces de détente végétalisés, des surfaces pour jardiner et récolter, des sites où la biodiversité est favorisée et des paysages agréables à contempler. Le projet a identifié 150 surfaces urbaines qui pourraient être entièrement ou partiellement réaménagées. « Notre but est que toutes les personnes qui vivent ou travaillent en ville puissent rejoindre rapidement un lieu de détente qui réponde à leurs besoins. »

bit.ly/3ID9eht

36 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

TOUJOURS AU CŒUR DE L’ACTION

Valentin Brändle mène un projet de jardins pour la biodiversité afin d’informer la population sur ces espaces naturels. Il travaille pour Stadtgrün Luzern.

Organiser, coordonner et communiquer – c’est ce qu’aime Valentin Brändle. Chez Stadtgrün Luzern, il s’emploie à réaménager et restructurer les espaces verts. Parallèlement à ses autres tâches, il dirige actuellement quatre projets. L’un d’entre eux est un nouveau jardin de la biodiversité. « Cet espace montrera à la population comment concevoir des surfaces semi-naturelles », précise-t-il. Sur 3670 m², le jardin proposera notamment une zone humide, des plates-bandes de plantes sauvages, des murs en pierres sèches, un minivignoble et un jardin communautaire.

Ce nouvel espace vert est un projet commun de Stadtgrün, du service de protection de l’environnement et de la population du quartier : les jardiniers de différentes équipes de Stadtgrün construiront des places en pierres naturelles et des murs en pierres sèches avec leurs apprentis, la pépinière communale certifiée bio fournira les plantes et la population du quartier pourra contribuer à les planter.

Valentin Brändle se voit comme le « trait d’union entre la politique, les spécialistes et le public ». Il demande des crédits d’étude et de réalisation, met la planification et la mise en œuvre au concours, coordonne les spécialistes qui conçoivent et réalisent les projets ou entretiennent les créations. Il lui tient à cœur d’informer

rapidement la population sur les projets envisagés et de l’y associer.

Les décisionnaires politiques ainsi que le personnel des équipes d’entretien et de production horticole de la ville de Lucerne s’engagent depuis longtemps pour la nature en ville. Depuis 2019, 46 000 m² d’espaces verts communaux ont été réaménagés de façon seminaturelle avec des prairies de fleurs sauvages, des plantes sauvages, des tas de pierres et de branches ainsi que des petits plans d’eau. Chaque année, la pépinière communale produit pour son propre usage plus de 180 000 plantes à fleurs, arbustes, plantes sauvages et arbres selon des critères biologiques. Ce ne sont que quelques-unes des raisons pour lesquelles la ville de Lucerne s’est vu décerner le label Villeverte Suisse : l’argent en 2017 et l’or en 2022. Valentin Brändle a coordonné le processus de certification, des préparatifs à l’audit en passant par la documentation.

UNE VISION POUR PLUS DE VÉGÉTATION EN VILLE

Directeur du WWF Saint-Gall, Lukas Indermaur lutte contre la raréfaction des arbres dans cette ville. Il a publié une charte qui montre comment concrétiser la végétalisation de cet espace urbain.

Lukas Indermaur aime son travail. En tant que directeur du WWF SaintGall, il s’engage pour la nature, une mission qui lui paraît indispensable. « À Saint-Gall, cela fait longtemps que nous agissons pour la protection des arbres, explique-t-il. Nous avons par exemple réussi à protéger un

gigantesque chêne commun vieux de 150 ans. » Lui et ses compagnons de lutte ont cependant constaté une raréfaction progressive des arbres à Saint-Gall.

« La municipalité de Saint-Gall, n’a pas de plan directeur concernant la nature en ville, l’adaptation aux changements climatiques et la promotion des espaces ouverts. » C’est pour répondre à ce manque qu’est née la charte écologique détaillée « Grünes Gallustal », initiée par le WWF Saint-Gall et encadrée par le cabinet GSI Architekten. Cet ouvrage en 14 volumes révèle le potentiel de verdure à Saint-Gall et comment le concrétiser.

« Nous voulons ramener la nature en ville », explique Lukas Indermaur. Il faudrait que les arbres ombragent environ un quart du territoire urbain. Il faut veiller à la diversité des essences. La végétalisation seminaturelle rend en effet l’espace public plus attrayant pour la population. « Une situation gagnant-gagnant », ajoute Lukas Indermaur.

On note la présence de nombreux visuels dans la charte « Grünes Gallustal ». Le spécialiste explique que la vidéo et les nombreuses photos avant-après doivent donner envie à la population. Et cela semble fonctionner.« Les premiers projets ont déjà été lancés ou mis en œuvre à l’initiative de la population et de la Ville », se réjouit ce défenseur de la nature. L’Areal Bach, un lieu de rencontre verdoyant établi sur une ancienne friche déserte en est un exemple. Actuellement, le WWF Saint-Gall tente de convaincre les propriétaires privés de l’intérêt d’une végétalisation semi-naturelle.

gruenesgallustal.ch

CONTACT

Claudia Moll Simon

Section Politique du paysage, OFEV claudia.mollsimon@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-06

37 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 FOCUS

BIODIVERSITÉ

Eaux souterraines : une richesse insoupçonnée

De nombreux organismes aquatiques, souvent méconnus, comme les amphipodes, jouent un rôle crucial dans la qualité de l’eau souterraine. Une équipe de recherche s’est penchée sur ce milieu particulier.

TEXTE : CLÉMENT ETTER

Qui sait ce qui se trouve sous nos pieds, dans les eaux souterraines ? Essentiels pour les écosystèmes aquatiques et pourtant peu connus, les amphipodes se trouvent au cœur de la recherche menée par l’équipe de Florian Altermatt à l’Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l’Eau (Eawag). Ces crustacés recourbés ressemblant à de minuscules crevettes de quelques millimètres de long sont très courants dans les lacs et les rivières, mais on les trouve aussi cachés dans les eaux souterraines que renferme le sol. Les amphipodes jouent de nombreux rôles écologiques essentiels, notamment

38 360°

La grotte du Hölloch dans le canton de Schwyz constitue la plus grande grotte de Suisse. Pour l’étude des micro-organismes aquatiques, elle représente un lieu incontournable.

dans la chaîne alimentaire, décomposent la matière organique comme les feuilles mortes et purifient l’eau.

En tant que bio-indicateurs, les amphipodes nous informent aussi sur la qualité de l’environnement, un aspect qui pourrait être utilisé pour contrôler la qualité des eaux souterraines en tant qu’habitat. Pourtant, ces organismes sont très peu connus. « L’accès à cet habitat est difficile, il y a donc peu de données le concernant, rappelle Florian Altermatt, chef de groupe à l’Eawag et professeur d’écologie aquatique de l’Université de Zurich. On oublie souvent cette

partie de la biodiversité, car elle n’est pas visible. Elle est cependant unique. » Avec les poissons, les amphipodes des eaux souterraines représentent le groupe avec le plus grand niveau d’endémicité en Suisse. Ce qui signifie que les espèces vivent uniquement à un endroit particulier. Pour les amphipodes, ces zones se situent dans les Préalpes ou dans les grottes du Hölloch dans le canton de Schwyz. Des recherches conduites à l’Eawag ces dernières années ont permis de décrire quelles espèces d’amphipodes vivaient en Suisse et à quel endroit, des données qui étaient jusqu’alors inexistantes.

PRÉSERVER LES AMPHIPODES, UNE RESPONSABILITÉ LÉGALE ET SCIENTIFIQUE

La protection des amphipodes fait l’unanimité. D’un point de vue légal, c’est la loi fédérale sur la protection des eaux qui implique la protection et le maintien de l’intégrité écologique des systèmes d’eaux souterraines. « De manière générale, il est important de connaître et d’étudier les amphipodes, car ils sont une partie de notre héritage naturel », explique Stephan Lussi, collaborateur scientifique à l’OFEV dans la section Infrastructure écologique. « À l’avenir, il sera aussi essentiel de concentrer nos recherches au domaine souterrain et plus seulement de surface, comme c’est le cas actuellement, précise Florian Altermatt de l’institut de recherche pour l’eau Eawag. Nous avons une grande responsabilité concernant la préservation de ces espèces. Certaines d’entre elles sont très anciennes : elles ont survécu à la dernière glaciation en Suisse. »

De plus, pour la première fois, différentes études pilotes se sont intéressées à la diversité de la faune des eaux souterraines du plateau suisse, en récoltant l’eau provenant de grottes, de puits et d’autres systèmes d’eaux souterraines. Ces différentes recherches ont ainsi permis d’identifier plus de 40 espèces, dont près de la moitié dans les eaux souterraines. Toutes ont été consignées dans l’ouvrage Amphipoda Certaines espèces étaient inconnues de la science et ont notamment été trouvées dans des grottes avec l’aide de spéléologues. D’après les scientifiques, au moins quatre sont endémiques : on ne les trouve qu’en Suisse. Il est donc primordial d’en prendre soin.

Les eaux souterraines, habitat méconnu mais largement peuplé De nombreux sous-sols renferment de grandes quantités d’eau circulant dans des structures rocheuses, dites karstiques, ou d’autres fissurées. Elles représentent d’ailleurs la plus grande source d’eau potable en Suisse. Ces eaux souterraines, comme les lacs et les rivières, représentent un habitat pour de nombreux amphipodes et d’autres invertébrés. Toutefois, les espèces

39 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°

qui s’y trouvent sont totalement différentes. Dans les eaux souterraines, les amphipodes n’ont ni yeux, ni pigmentation (ils sont transparents), car il n’y a pas de lumière. Leur métabolisme et leur taux de reproduction se trouvent réduits en raison du froid et des ressources plus limitées qu’en surface. C’est pourquoi leur densité de population est souvent plus faible. Petit avantage : les amphipodes souterrains peuvent vivre jusqu’à dix ans, contre environ un an pour leurs voisins du dessus. Les eaux souterraines constituent en quelque sorte un milieu protégé contre les variations de l’environnement extérieur. Les organismes qui y vivent ont donc évolué dans des conditions stables et constantes, ce qui pourrait paradoxalement les rendre plus vulnérables à des changements rapides de leur milieu. Dans l’étude pilote, les amphipodes représentaient la majorité des spécimens récoltés dans les eaux souterraines. Mais bien d’autres types d’organismes ont été découverts, comme des sortes de cloportes aquatiques (asselles), des escargots, de nombreux

insectes comme les mouches et les coléoptères, mais aussi des collemboles et des araignées.

Espèces sensibles aux changements

Les amphipodes se montrent particulièrement sensibles à leur environnement. La pollution, l’arrivée d’espèces non indigènes ou tout changement dans leur habitat peut les impacter, ce qui se traduit par une réduction de leur diversité. Les systèmes aquatiques de surface ont justement beaucoup changé. « En ce qui concerne les grandes rivières et les lacs, comme le Léman ou le lac de Constance, la composition des amphipodes est totalement différente depuis l’arrivée d’espèces via la connexion entre le Danube et le Rhin, et avec la mer Noire, explique Florian Altermatt, il y a quarante ans, on ne trouvait pratiquement que des espèces indigènes, mais elles ont été largement remplacées par des espèces invasives. »

l’équipe de l’Eawag a souhaité poursuivre l’exploration de ce milieu mystérieux, mais cette fois dans toute la Suisse et de façon systématique. Un travail d’une ampleur inédite mené principalement par la doctorante du groupe, Mara Knüsel. Des échantillons ont été collectés dans 462 puits de captage d’eau de source de toute la Suisse, en collaboration avec les fournisseurs locaux d’eau potable.

UNE NOUVELLE APPROCHE POUR

IDENTIFIER LES ORGANISMES

Pour déterminer les organismes vivant dans les eaux souterraines, les scientifiques peuvent analyser leur morphologie ou prélever un échantillon (une patte) pour en extraire l’ADN et l’identifier. Plus récemment, l’équipe de recherche de l’Eawag a pu reconnaître une grande diversité d’organismes en analysant uniquement des traces de matériel génétique trouvées dans des échantillons d’eau souterraines. Cet « ADN environnemental » a permis d’identifier une grande diversité d’êtres vivants. Toutefois, la majorité des traces n’a pas pu être assignée à des organismes spécifiques, car leurs séquences génétiques n’étaient pas présentes dans les bases de données. Malgré cet inconvénient, la méthode offre l’avantage de pouvoir déterminer des spécimens difficiles d’accès, sans avoir besoin ni de les prélever ni d’une grande expertise de leur morphologie. Cette technique et les données récoltées pourraient à l’avenir aider à contrôler la qualité des habitats souterrains et ainsi les protéger.

Dans les courants d’eau de surface se  rouvant en région forestière, les communautés d’invertébrés sont au contraire relativement intactes. Ce qui n’est pas le cas dans les régions agricoles et urbaines : la composition de la faune aquatique se voit souvent perturbée, il y a donc une réduction de la diversité et du nombre d’invertébrés. Selon les scientifiques, cette réalité est souvent reliée à la présence d’engrais et de pesticides.

« Concernant les eaux souterraines, il n’existe pas de données depuis suffisamment longtemps pour établir si le milieu est altéré, constate le professeur. Mais une de nos études récentes montre que la présence ou l’absence d’amphipodes et la composition de la faune souterraine en général reflète l’utilisation des terres qui se trouvent au-dessus. Comme pour les eaux de surface, on observe une réduction de la diversité et un changement dans la composition des communautés d’amphipodes dans les régions agricoles, en comparaison avec les milieux forestiers. »

La recherche continue dans les sous-sols

À la suite de l’étude pilote et des découvertes sur la diversité des amphipodes des eaux souterraines,

D’après les premiers résultats, 77 % des sites contiennent des organismes, les plus fréquents étant des amphipodes et autres crustacés. La chercheuse a aussi identifié des insectes (larves et adultes) normalement présents en surface, ce qui indique une possible interaction entre les eaux souterraines, les eaux de surface et les écosystèmes terrestres. « Certaines espèces sont connues pour migrer dans la zone de transition entre les eaux de surface et les eaux souterraines, selon les scientifiques. Les autres ont probablement été entraînées par hasard et servent de nourriture pour les autres espèces souterraines. Ces interactions impliquent que les activités humaines qui affectent les écosystèmes de surface pourraient aussi avoir un impact sur les écosystèmes d’eau souterraine. » L’étude pointe également, qu’à long terme, il serait souhaitable de mettre en place un monitoring de la biodiversité des eaux souterraines en Suisse, comme c’est déjà le cas pour les eaux de surface. Cela permettrait d’une part de constater d’éventuels changements dans la composition de la faune, mais aussi de continuer à découvrir de nouvelles espèces, car la recherche en est encore qu’à ses débuts.

CONTACT

Stephan Lussi

Section Infrastructure écologique, OFEV

stephan.lussi@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-07

40 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°

Portraits d’espèces prioritaires

L’état de la biodiversité et des habitats joue un rôle majeur dans la protection des espèces animales, végétales et fongiques. En Suisse, la liste des espèces prioritaires au niveau national permet de mieux coordonner les efforts pour conserver les espèces.

Les hygrophores, des champignons vert fluo, rouges ou encore orange, comptent parmi les espèces fongiques les plus spectaculaires de Suisse. Encore vendus sur les marchés des grandes villes de Suisse jusqu’au milieu du siècle dernier, ces champignons de prairie sont aujourd’hui très rares et strictement protégés. Pour l’hygrophore en capuchon, par exemple, un excès de nutriments ou l’épandage de fumier peuvent être fatals. L’espèce

internationale qu’assume la Suisse dans la conservation de l’espèce. L’hygrophore en capuchon fait ici figure d’exemple puisque ses populations diminuent en Suisse, mais aussi dans toute l’Europe. Comme la Suisse possède d’importants refuges, elle endosse un rôle de premier ordre dans sa conservation.

Le milan royal est davantage présent en Suisse parce qu’il est protégé et

Certains pays d’Europe ont élaboré des plans d’action pour cette espèce, comme en France, ou des programmes de réintroduction, par exemple en Italie. Nous avons la plus belle population de ce bel oiseau en Suisse.

L’OFEV, en collaboration avec le Centre suisse d’informations sur les espèces InfoSpecies, a publié une première liste EPN en 2011. Depuis, la liste a été actualisée à deux reprises. Depuis

CONSERVATION
41 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°
TEXTE : NICOLAS GATTLEN

nationaux de données et d’informations réunis sous l’association faîtière

InfoSpecies ont établi de nouvelles listes rouges pour les cigales, les carabes et les abeilles (publication prévue en 2024) et révisé d’anciennes listes rouges, notamment celles des reptiles, des amphibiens et des bryophytes. La liste a par ailleurs intégré de nouvelles données concernant la répartition internationale des espèces. « La liste EPN dans sa version actuelle fournit aux cantons des informations ciblées pour planifier des mesures », explique Danielle Hofmann.

L’importance de l’aménagement durable des sites

Environ 3000 espèces sont aujourd’hui recensées sur la liste EPN qui précise aussi le niveau d’action et le degré d’urgence à appliquer dans la mise en œuvre des mesures. En développant des pratiques respectueuses de la biodiversité tant sur les surfaces forestières et agricoles que dans l’espace urbain et aux abords des cours d’eau, 15 % des espèces prioritaires peuvent être préservées.

Le cas du putois illustre parfaitement ce niveau d’action. En effet, le petit prédateur apprécie des biotopes semi-ouverts et bien structurés composés de haies, de ruisseaux naturels et de terrains marécageux où il trouve un abri et des grenouilles, crapauds et autres petits animaux pour se nourrir. Or, les paysages structurés réunissant ces caractéristiques sont devenus rares en Suisse. Pour survivre à long terme, le putois a donc besoin de surfaces riches en biodiversité,

comme des haies et des berges boisées. Il bénéficie également de la revalorisation des lisières et du renoncement aux produits phytosanitaires. En effet, le putois se nourrit principalement d’amphibiens, lesquels absorbent en grande quantité ces substances nocives pour leur santé.

Le muscardin, a, pour sa part, des exigences écologiques nettement supérieures. Ce rongeur fréquente aussi des milieux semi-ouverts et structurés, comme les haies et les bosquets, il faut toutefois qu’ils soient riches en espèces et qu’ils offrent une grande variété de noix, de baies et d’insectes. Le muscardin a aussi besoin de bosquets suffisamment interconnectés pour nicher, s’alimenter et se reposer sans avoir à s’exposer. La survie du muscardin – à l’image de 55 % des espèces prioritaires au niveau national – dépend directement d’une utilisation durable du sol, d’habitats de bonne qualité qui compose l’infrastructure écologique comme des réserves forestières, des forêts clairsemées ou des lisières semi-naturelles riches en espèces.

Enfin, près de 30 % des espèces prioritaires ont besoin de mesures de conservation spécifiques. L’hygrophore en capuchon en fait notamment partie. Pour assurer sa survie, la Suisse doit sécuriser immédiatement les populations subsistantes et aménager de nouveaux sites appropriés, notamment dans des parcs. Dans le canton de Berne, un plan d’action en faveur de l’hygrophore est en cours d’élaboration. En plus

de l’examen des sites connus et potentiels, de nouvelles mesures pour la protection des sites est prévue, comme empêcher l’engraissement des prairies réunissant des conditions favorables au développement des hygrophores.

Succès des mesures de conservation des amphibiens

Des mesures de conservation ciblées sur certaines espèces permettent d’inverser la tendance. De nombreux exemples en témoignent, notamment parmi les amphibiens, dont la plupart des espèces sont inscrites sur la liste EPN et dont la survie dépend de mesures spécifiques. Ces vingt-cinq dernières années, le canton d’Argovie a aménagé plus de 600 sites de reproduction pour encourager le développement des amphibiens menacés. Ce tour de force est le fruit d’une démarche coordonnée avec les communes, les organisations de protection de la nature, les agriculteurs et les propriétaires forestiers. De petits bassins ont été spécialement installés dans le sol pour les sonneurs à ventre jaune, une espèce de crapaud. Chaque année, ils sont vidés à l’automne et remis en eau au printemps, simulant ainsi la dynamique des zones alluviales, qui occupaient autrefois largement les vallées fluviales d’Argovie et offraient aux sonneurs à ventre jaune des conditions de vie idéales. Pour se reproduire, le sonneur à ventre jaune recherche des mares, où l’eau se réchauffe rapidement. Mesurant généralement moins d’un mètre carré, celles-ci s’assèchent régulièrement, de sorte que les poissons qui mangent les œufs y sont peu présents. De petits

SIX ESPÈCES PRIORITAIRES

Hygrophore en capuchon
Porpolomopsis
calyptriformis Milan royal Milvus milvus Muscardin Muscardinus avellanarius
42 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°

plans d’eau temporaires et des étangs artificiels ont été créés. Ces mesures de conservation bénéficient non seulement au sonneur à ventre jaune, mais aussi à d’autres espèces d’amphibiens prioritaires au niveau national telles que le crapaud accoucheur.

Le monitoring cantonal du canton d’Argovie sur les amphibiens témoigne de l’efficacité des mesures déployées. Sauf pour le crapaud calamite, à qui il manque encore de vastes plans d’eau temporaires dans des milieux ouverts, la plupart des espèces d’amphibiens menacées peuplent aujourd’hui plus de plans d’eau que dans les années 2000. Depuis 1999, la population du sonneur à ventre jaune a augmenté de plus d’un quart et celle de la rainette verte a même triplé. « Les amphibiens profitent des nouveaux habitats de substitution », conclut Nicolas Bircher, responsable du groupe de travail en charge de la nature au sein du service Paysage et eaux du canton d’Argovie. Il y a une vraie corrélation entre le nombre de sites de reproduction artificiels dans une région et l’augmentation des populations d’amphibiens. »

Aide d’urgence requise pour le pic mar Le pic mar est aussi un bel exemple de réussite. L’oiseau fait partie de la même famille que le pic épeiche, il traque ses proies à la surface des arbres et les trouve, surtout en hiver, dans les essences qui présentent une écorce rugueuse et crevassée, comme les vieux chênes. Le petit pic creuse aussi sa cavité de nidification dans le bois pourri des vieux chênes

ou dans des arbres morts sur pied. Or, dans la seconde moitié du XXe siècle, ces chênes géants ont été abattus en masse dans les forêts suisses. Dans le canton de Zurich, le pic mar a ainsi perdu près de la moitié de ses habitats. En 2005, on ne relevait plus qu’environ 500 couples nicheurs sur l’ensemble du territoire. Pour enrayer le déclin de cette espèce, l’OFEV a lancé le « Plan d’action Pic mar Suisse » en 2008. Les cantons ont mis sous protection d’importants peuplements de chênes, en créant notamment des réserves forestières spéciales, et de nombreux propriétaires forestiers laissent depuis sur pied les grands chênes ainsi que d’autres essences de bois tendres utilisées comme arbres de ponte. De plus, des peuplements d’arbres denses ont été élagués pour offrir plus de lumière aux couronnes des chênes et, ce faisant, attirer les insectes, dont se nourrissent les pics.

Grâce à ces mesures spécifiques, les effectifs du pic mar ont pratiquement triplé. Aujourd’hui, en Suisse, il n’est plus considéré comme menacé. S’il est toutefois maintenu sur la liste des espèces prioritaires, c’est parce qu’il dépend de telles mesures.

« Pour assurer la survie de l’espèce, il importe d’augmenter encore la part des chênes et de bois mort dans les forêts suisses, explique Danielle Hofmann, autant de mesures qui seraient favorables au pic mar mais également à de nombreuses autres espèces, parmi lesquelles des coléoptères, des bryophytes, des lichens et des champignons rares. »

CONTACT

Danielle Hofmann

Section Faune sauvage et conservation des espèces, OFEV danielle.hofmann@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE

bafu.admin.ch/ magazine2024-2-08

RECHERCHE CONNAISSEURS OU CONNAISSEUSES D’ESPÈCES

La promotion de la biodiversité requiert une connaissance fine de la répartition des espèces. Or, il y a encore trop peu, voire pas d’experts et d’expertes pour de nombreux groupes d’organismes, notamment des mollusques, lichens et coléoptères. InfoSpecies coordonne l’offre nationale de formation et de perfectionnement sur la connaissance des espèces. Le site internet de l’association propose aux personnes intéressées un large éventail de cours de différents niveaux leur permettant d’acquérir et d’approfondir des connaissances sur les espèces et milieux menacés –des mammifères et reptiles aux bryophytes et champignons en passant par les poissons et arachnides. infospecies.ch/fr

Pic mar Leiopocis medius Putois Mustela putorius Sonneur à ventre jaune Bombina variegata
43 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°

PASSAGES À FAUNE

Laisser passer les animaux sauvages

Des solutions existent pour permettre à la faune de traverser les routes et les voies ferrées. Leur taux d’utilisation pourrait cependant être amélioré en prenant en compte l’environnement des passages et en évitant la présence humaine sur ces sites.

TEXTE : ROLAND FISCHER

360°

ATTENTION, PASSAGE DE FAUNE

En principe, les sentiers pédestres ne mènent pas à proximité des passages à faune, reconnaissables à leur végétation dense et dépourvue de chemins. Si un randonneur tombe sur un passage à faune, il devrait quitter le site au plus vite et surtout dégager l’entrée. En effet, les animaux sauvages détectent pendant longtemps l’odeur laissée par les êtres humains et les chiens. L’expérience montre qu’ils attendent deux à quatre heures avant d’emprunter à nouveau le passage.

Dans le canton de Vaud, à Oulens, un passage à faune permet aux animaux de traverser l’autoroute.

360°

Les corridors à faune sont comme les autoroutes ou les voies ferrées des animaux. Même s’ils ne sont pas aussi précisément délimités que les infrastructures destinées aux humains, ils forment un réseau que la faune sauvage emprunte pour migrer d’est en ouest ou du nord au sud sauf quand des obstacles infranchissables se mettent en travers de leur chemin.

Prendre en compte la faune et la flore

« Actuellement, 16 % des corridors à faune sont interrompus et 56 %, perturbés », explique Adrien Zeender, responsable de l’évaluation écologique des infrastructures routières nationales à la section Gestion du paysage de l’OFEV. En effet, le mitage du territoire et les infrastructures de transport exercent une pression sur les espaces naturels. « Des années 1940 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement en 1988, l’impact sur la flore n’était pas pris en compte lors de la constructions de routes et celui sur la faune, encore moins. » Pourtant, les personnes chargées de la planification des infrastructures de transport ont rapidement pris conscience des problèmes que le

morcellement des biotopes pouvait causer aux animaux sauvages. Les premiers passages à faune en Europe datent des années 1960. « Le problème était déjà connu, mais il n’a pas été suffisamment pris au sérieux », précise Adrien Zeender.

Pour de nombreuses espèces, la mobilité est indispensable à leur survie. Que ce soit lors de migrations saisonnières, comme pour les cerfs, mais aussi pour éviter les problèmes de consanguinité survenant lorsque les animaux sont limités à un espace trop restreint. « Ces aménagements profitent aussi à la flore, explique Adrien Zeender, en utilisant les corridors, les animaux disséminent les graines et favorisent ainsi la dispersion des plantes. » Même pour des animaux qui se déplacent en volant, les autoroutes peuvent constituer un obstacle, c’est notamment le cas pour les chauves-souris volant à basse altitude.

Traverser l’autoroute sans danger Les lacunes en terme d’aménagement constatées par le passé sont progressivement corrigées grâce à l’assainissement des corridors et la construction de passages à faune. La Suisse compte aujourd’hui 44 passages pour

grande faune. La plupart sont des passages supérieurs, mais on dénombre aussi quelques passages inférieurs. Sans compter qu’il existe aussi des passages à petite faune, comme les passages à amphibiens ou encore les passages à poissons. Les passages à faune supérieurs attirent souvent le regard en raison de leur taille. En effet, ils doivent être aussi larges que possible. L’expérience a montré que construire des passerelles de 50 mètres de large est pertinent. En plus de la largeur, il est important de prévoir un aménagement varié et naturel et un dispositif efficace pour protéger les animaux de la lumière des phares et du bruit. Ces mesures optimisent l’utilisation des dispositifs et à permettre aux animaux de traverser sans être dérangés.

De nombreux efforts sont donc déployés pour que le franchissement des autoroutes et des voies ferrées soit facilité pour les animaux. Mais la partie n’est pas encore gagnée. Les besoins en passages à faune et la mise en place des mesures dans ce domaine sont loin d’être comblés, selon Cristina Boschi, biologiste de la faune et responsable de ces corridors pour le canton d’Argovie. « Trop de corridors sont encore perturbés. »

Les CFF ont mis en place des mesures sur le tronçon Yverdon-Yvonand pour faciliter le passage des amphibiens.
46 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°
Les ailettes métalliques fixées sur le rail guident les animaux vers le couloir qui leur permet de traverser la voie ferrée.

Les autoroutes constituent les barrières les plus importantes au déplacement des animaux, non pas en raison de la densité du trafic, mais parce qu’elles sont systématiquement clôturées, ironiquement pour protéger les animaux sauvages et les automobilistes. « Mais les animaux ont absolument besoin de franchir les barrières, explique Adrien Zeender, collaborateur scientifique à l’OFEV. Du coup, la faune sauvage va longer les clôtures jusqu’à la prochaine entrée d’autoroute et se retrouver sur la chaussée. En cas de stress, un cerf adulte serait même capable de sauter par-dessus des clôtures d’autoroute de deux mètres de haut. Des passages à faune fonctionnels contribuent donc à la sécurité du trafic. »

Lorsqu’elles sont hautement fréquentées, les routes non clôturées constituent aussi une barrière pratiquement infranchissable. On estime que leur traversée est impossible à partir d’un trafic de 10 000 véhicules par jour. L’importance de la circulation nocturne joue un rôle particulièrement décisif, car c’est la nuit que les déplacements dans les corridors à faune sont les plus nombreux.

Si les routes sont très fréquentées, l’espace deviendra insuffisant pour les animaux. « De plus en plus de tronçons sont concernés en Suisse », explique Adrien Zeender qui fait état d’une augmentation considérable du trafic au cours des dernières années. Le problème va donc également s’aggraver sur les routes cantonales.

Les cris du sanglier comme alerte

Tous les problèmes ne nécessitent pas forcément la construction d’un passage à faune. Dans le cas des routes cantonales, il est possible de mettre en place des systèmes d’avertissement de présence bidirectionnels. Ils avertissent les animaux dès qu’il y a un trafic dangereux, ou il avertissent les usagers de la route dès que le gibier se trouve à proximité de la route. D’après Adrien Zeender, ce sont les mesures sur les conducteurs qui s’avèrent plus efficaces. Ces systèmes d’avertissement combinent des panneaux lumineux « Attention gibier ! » à une réduction temporaire de la vitesse.

Inversement, les systèmes d’alerte destinés aux animaux sont plus appropriés pour les voies ferrées en raison du temps de freinage des trains. Des systèmes anticollision bioacoustiques sont en train d’être testés. Les animaux sont particulièrement sensibles aux signaux d’alarme des geais ou des chevreuils, par exemple. Mais les plus efficaces sont les cris de douleur des sangliers, diffusés au passage d’un train. « Les animaux apprennent ainsi qu’un train représente un danger. »

Les voies ferrées posent généralement moins de problèmes que les routes. « Pour commencer, elles ne sont pas clôturées et les trains circulent peu, voire pas du tout la nuit, du moins sur les lignes régionales. » L’identification des impacts écologiques engendrés par les infrastructures de transport réclame une observation minutieuse, comme le montre Adrien Zeender. Les corridors empruntés par les amphibiens le long des voies ferrées n’ont commencé à être cartographiés que récemment. Lorsque ces passages traversent une route, on constate de nombreux animaux écrasés. En revanche, lorsque les amphibiens sont contraints de franchir des voies ferrées pour rejoindre leurs lieux de reproduction, ce drame écologique passe inaperçu alors qu’il concerne plusieurs centaines de sites en Suisse. Une fois que leur parcours est connu, il est possible de restaurer la connectivité en nivelant le ballast sous les voies, afin de permettre aux animaux de traverser.

Quand les humains font obstacle

Ces mesures impliquent parfois des constructions coûteuses qui ne se révèlent pas directement utiles aux hommes. « Il n’est pas surprenant que les passages à faune suscitent la polémique », déclare Adrien Zeender. Le comportement de la population peut entraver le fonctionnement de ces installations. En effet, il n’est pas rare que certains joggeurs, des cyclistes ou des promeneurs de chiens utilisent ces infrastructures, ce qui éloigne la faune. « Les animaux sauvages ont appris à considérer l’homme comme un danger, explique Cristina Boschi, biologiste de la faune

sauvage dans le canton d’Argovie. Un passage offre peu d’échappatoires. Si, en plus, les animaux détectent une odeur humaine, ils n’osent plus le traverser. »

Un projet de passage à faune réussi doit donc inclure la gestion des passages de la population. Cristina Boschi évoque diverses mesures, comme la déviation des sentiers de randonnée et des routes forestières ou l’installation de panneaux d’information indiquant aux passants les zones à ne pas emprunter. « Il est obligatoire d’effectuer un contrôle de chaque passage à faune pour s’assurer de sa réussite », précise Cristina Boschi.

Il existe des cas difficiles parmi les animaux sauvages, admet Adrien Zeender. Une étude publiée en 2019 montre que les cerfs ne traversent les passages à faune supérieurs que lorsque les conditions sont optimales, et que les sangliers n’utilisent seulement que la moitié des passages étudiés. « C’est pourquoi il faut prendre en compte l’environnement et ne pas se focaliser uniquement sur le passage. » Les ouvrages peuvent par exemple être dotés de systèmes de guidage permettant aux animaux de les trouver plus facilement. Les passages difficilement accessibles, comme ceux entourés de champs, doivent être équipés d’une structure capable de guider la faune. « Les passages à faune ne sont pas destinés aux espèces sédentaires, mais à celles qui se déplacent », rappelle Adrien Zeender. Pour être optimale, leur construction doit donc être suffisamment large et protégée contre les émissions lumineuses ou sonores. En d’autres termes : se situer le plus loin possible des activités humaines.

CONTACT

Adrien Zeender

Section Gestion du paysage, OFEV adrien.zeender@bafu.admin.ch

LIEN VERS L’ARTICLE bafu.admin.ch/ magazine2024-2-09

47 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360°

Quelques initiatives environnementales près de chez vous

Des sacs pour les plantes encombrantes

Dès qu’il fait chaud, les néophytes telles que la vergerette annuelle, qui ressemble à la camomille indigène, poussent dans les jardins. Cependant, ces espèces exotiques menacent la diversité biologique. Le PS, les Vert’libéraux et les Verts de la ville de Soleure lancent une campagne d’information pour aider la population à reconnaître les néophytes et à s’en débarrasser correctement. Car elles ne peuvent ni être laissées à l’abandon ni compostées. Par conséquent, la ville met à disposition des sacs en plastique pour ces plantes et les collecte gratuitement. L’idée n’est pas nouvelle puisque la ville de Lucerne avait déjà introduit ces sacs en 2021.

Opération d’ampleur

Une partie des herbiers du Conservatoire et Jardin botanique (CJB) de Genève a été attaquée l’automne dernier par des parasites, attirés par la chaleur et l’humidité des lieux. Une opération de protection conséquente et insolite a été nécessaire : les échantillons touchés ont été confinés sous un dôme de protection, soudé hermétiquement, afin de pouvoir étouffer les ravageurs sans recourir à des insecticides. Au total, l’opération aura coûté près de 200 000 francs. Un investissement nécessaire pour sauver ces herbiers qui recèlent des échantillons uniques au monde.

Navigation zéro carbone

D’ici à 2040, la majorité des 38 000 bateaux qui tournent sur le lac de Constance fonctionnera avec des carburants neutres en CO2

La Conférence internationale du lac de Constance, qui regroupe les représentants des gouvernements des Länder allemands et des cantons suisses qui bordent le lac de Constance, a présenté une étude de marché dans ce sens lors de la rencontre de ce printemps. Elle a décidé d’étudier et d’encourager des mesures pour que la navigation soit climatiquement neutre, le plus rapidement possible.

SO
GENÈVE
GE
TG THURGOVIE
SO SOLEURE GE VS FR NE TG 48 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 À VOTRE PORTE 360°

Viticulture en transition

Aujourd’hui, le réchauffement climatique s’avère plutôt bénéfique pour la culture de la vigne dans l’Arc jurassien : il permet de cultiver une plus grande variété de cépages qu’auparavant. Mais le secteur doit déjà chercher à s’adapter, car dès 2050, des températures plus élevées menaceront directement la survie du vignoble, observent des chercheurs en climatologie de l’Université de Neuchâtel. Des systèmes d’irrigation ou des couverts végétaux permettant de retenir l’eau de pluie dans le sol en hiver pourraient représenter des solutions.

Premier castor dans la région du lac Majeur

Le castor avait totalement disparu d’Italie pendant 500 ans. En effet, les hommes ont préféré sa fourrure, sa viande et l’huile produite dans certaines de ses glandes à sa survie. Aujourd’hui, le castor est de retour en Italie ainsi que dans la région du lac Majeur. En effet, le service de protection de la nature du Tessin et du lac Majeur a rapporté en février qu’un spécimen avait été observé pour la première fois dans la réserve naturelle de Fondotoce, à proximité du lac Majeur.

Glacier de Corbassière

Entre 2018 et 2020, des carottes de glace issues du glacier de Cornassière, au Grand Combin, ont permis d’analyser l’évolution du climat et la pollution atmosphérique de périodes du passé. Les études ne vont pas pouvoir se poursuivre en raison de la fonte du glacier, plus rapide que prévue. En effet, les traces présentes dans la glace ont pour certaines disparues en raison d’eau fondue qui s’y est infiltrée, causant un manque de fiabilité pour les observations des scientifiques.

Des parkings pour le covoiturage

En Suisse, la plupart des voitures n’ont qu’un seul occupant. Cela affecte l’environnement, mais aussi le trafic routier. La Zürcher

Hochschule für Angewandte Wissenschaften (ZHAW) a initié un projet pilote de parking dédié au covoiturage dans le Shopping Arena de Saint-Gall, le plus grand centre commercial de Suisse orientale. Les places sont réservées aux voitures occupées par trois personnes minimum. Le covoiturage est aussi une solution avantageuse, car les frais de déplacement et de parking peuvent être partagés. Le ZHAW espère que le projet se prolongera après la phase d’essai.

Manque d’eau dans les alpages

Près de la moitié des alpages fribourgeois connaissent des problèmes d’approvisionnement en eau pendant l’été. Ce constat émane d’un sondage réalisé par la Société fribourgeoise d’économie alpestre. Pour pallier ce problème, certains propriétaires d’alpages installent d’immenses citernes, afin de stocker l’eau pendant les périodes pluvieuses. Mais cette solution, particulièrement coûteuse, ne semble pas viable sur le long terme, mettant alors au défi le canton aux 1400 alpages de trouver d’autres solutions.

SG
VS VALAIS
NE NEUCHÂTEL
FR FRIBOURG TI TESSIN SG
49 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 À VOTRE PORTE 360°
SAINT-GALL
TI

Faire rayonner la durabilité

Noemie Dick, spécialiste en durabilité pour la Ville de Fribourg, a cofondé « Le Guidon », un magasin de vélos, en étant attentive à l’impact environnemental et social du commerce.

NOEMIE DICK

Née en 1992 à Fribourg, elle a d’abord réalisé un CFC d’employée de commerce. Après diverses formations, elle se forme en tant que cheffe de projets nature et environnement pour le brevet fédéral. Depuis 2016, elle s’engage au sein de l’association AdO qui réalise de la prévention auprès de la population lors de situations à risque notamment liées à la consommation de substances en milieu festif, mais aussi au sujet de la santé sexuelle ou encore du harcèlement. Elle organise également un camp jeunesse et sport de cyclisme, en parallèle de son activité de spécialiste en durabilité à la Ville de Fribourg et du magasin de vélo qu’elle gère.

Adresse du magasin : Route Saint-Nicolas-de-Flüe 6A, 1700 Fribourg

50 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 360° Q UESTION DE NATURE

J’avais besoin de trouver une voie en accord avec mes valeurs. Après un CFC d’employée de commerce et diverses formations continues, j’ai eu envie d’inscrire mon activité professionnelle dans le lien entre l’humain et la nature. Je me suis donc inscrite à une formation de cheffe de projet en nature et environnement en vue d’obtenir le brevet fédéral.

Mon intérêt pour la nature vient aussi de mon enfance. J’habitais en vieille ville de Fribourg. Ce quartier est particulier, car c’est un village bâti dans la pierre. Les falaises, qui font office de frontières naturelles, me fascinaient.

Mon activité principale, spécialiste en durabilité pour la ville de Fribourg, que j’exerce depuis 2022, me permet d’être reliée à la nature à travers mes diverses activités quotidiennes. Mais durant le confinement, j’ai eu l’opportunité de reprendre l’ancienne boutique familiale en vieille ville de Fribourg, en plus de mon emploi actuel. Avec mon compagnon, qui possède un diplôme de mécanicien sur moto et cycle, nous avons choisi d’ouvrir un magasin de vélos. Ce projet me permettait de concrétiser mes idées politiques et donc de faire le lien entre la théorie et la pratique. L’aventure « Le Guidon », le nom que nous avons choisi pour la boutique, a commencé ainsi.

Au départ, l’activité se concentrait sur la réparation de vélos, mais rapidement nous avons aussi proposé de la vente pour répondre à la demande de notre clientèle. Car de nombreuses personnes souhaitaient abandonner leur voiture au profit d’un vélo cargo, par exemple. Nous avons imaginé un concept au plus proche de nos valeurs : monter une activité proche de l’économie locale, offrir un service de proximité et être attentifs à l’impact environnemental et social de nos démarches.

Il m’importait aussi de partager mes expériences de cyclisme avec notre

clientèle et les personnes du quartier. Nous avons mis en place des sorties nature à vélo, proposant notamment de visiter Fribourg sous l’angle de la durabilité. Les circuits partent à la découverte d’un quartier renaturé ou d’un espace dédié à la mobilité douce, par exemple. Nous passons devant des magasins de vente en vrac, de seconde main ou d’invendus alimentaires. L’idée est de montrer les différentes initiatives qui émergent pour une économie plus sobre dans une ville en pleine transition. Grâce à mon poste de spécialiste en durabilité à la Ville de Fribourg, je connais la plupart des initiatives locales qui œuvrent dans ce sens. Cela me tient à cœur de les partager.

Dans le cadre de mes activités pour la Ville de Fribourg, mon objectif est d’apporter plus de durabilité au sein de l’administration mais aussi pour la population. Avec mon équipe, nous avons mis en place de la formation continue dans le domaine de la durabilité, nous encourageons aussi les partenariats entre la Ville et les acteurs associatifs, économiques et académiques. Des indicateurs ont également été définis pour mesurer la durabilité de la ville de Fribourg. Pour cela, ce sont des éléments tels que les espèces d’oiseaux nicheurs, l’accès aux transports publics ou encore le gaspillage alimentaire dans les ménages qui sont mesurés.

Du côté du magasin de vélos, « Le Guidon » va bientôt déménager. Nous avons besoin d’un espace plus grand, afin de continuer à répondre aux attentes de notre clientèle et garantir un service de qualité. Même si nous allons quitter la vieille ville de Fribourg, notre philosophie reste identique : favoriser le lien social et proposer des services respectueux de l’environnement.

Le magazine « l’environnement | die umwelt » de l’OFEV paraît quatre fois par an. L’abonnement est gratuit.

Abonnement

bafu.admin.ch/servicelecteurs

+41 58 200 55 72

Éditeur

Office fédéral de l’environnement (OFEV). L’OFEV est un service du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). bafu.admin.ch, info@bafu.admin.ch.

Direction du projet

Katrin Schneeberger, Géraldine Eicher Stucki

Concept et production

Jean-Luc Brülhart (direction générale), Claudia Moll et Séverine Evéquoz (Focus) Rédaction

Large Network, Genève : Santina Russo, Maria-Theres Schuler, Carole Extermann, Pierre Grosjean, Gabriel Sigrist, Audrey Magat Collaborations externes

Julien Crevoisier, Clément Etter, Roland Fischer, Nicolas Gattlen, Valérie Geneux, Isabel Plana, Daniel Saraga, Maja Schaffner, Brigitte Wenger, Susanne Wenger

Design et graphisme

Large Network : Aurélien Barrelet, Sabrine Elias, Lena Erard, Julien Savioz et David Stettler Délai rédactionnel

1er mai 2024

Adresse de la rédaction

OFEV, Communication, rédaction l’environnement, 3003 Berne, tél. +41 58 463 03 34 magazine@bafu.admin.ch

Crédits photographiques

Illustration de couverture et p. 25-28 : Aurélien Barrelet et David Stettler ; P. 2 Colin Frei / Schweiz Tourismus, WildMedia / Alamy ; P. 2/50 Noemie Dick ; P. 3/46 Emanuel Ammon ; P. 4/36/37 DR ; P. 5 Life on white / Alamy ; P. 7 iStock ; P. 8-9 Florian Bouvet-Fournier ; P. 9 Elodie Moos ; P. 11/17

Aurélien Barrelet ; P. 12-13 Christian Wieland ; P. 15 Urs Jaudas ; P. 16 Prix Binding pour la biodiversité 2022 / Stefanie Würsch ; P. 18 Marco Zanoni / Lunax ; P. 19 Rasmus Hjortshøj ; P. 20-21 FFW ; P. 23 Charlotte de la Fuente / Der Spiegel ; P. 24 Gianluca Rigamonti ; P. 29/31 Andreas Hofstetter ; P. 30 Stephan Brenneisen ; P. 32 Mallaun Markus ; P. 34-35 Alessandro Della Bella / Keystone ; P. 38 Urs Moeckli/Schweiz Tourismus ; P. 41 FLPA / Alamy ; P. 42 Peter Martin Rhind / Alamy, Drew Buckley / Alamy, Klaus Steinkamp / Alamy ; P. 43 Alexandru Tomuta / Alamy, Remo Savisaar / Alamy, tbkmedia.de / Alamy ; P. 46 Association de la Grande Cariçaie, Association de la Grande Cariçaie / Gaëtan Mazza ; P. 46 Shotshop GmbH / Alamy

Langues

Français, allemand ; italien (Focus) uniquement en ligne

En ligne

bafu.admin.ch/magazine

Tirage

14 300 exemplaires en français

35 050 exemplaires en allemand

Papier

Refutura, 100 % recyclé, certifié FSC et Blue Angel. Impression faible en COV. Corrections finales, impression et expédition

Vogt-Schild Druck AG, Derendingen

Copyright

Dans chaque numéro de l’environnement, une personnalité s’exprime sur son rapport à la nature. Les propos de Noemie Dick ont été recueillis et sélectionnés par Valérie Geneux.

Reproduction des textes et des graphiques autorisée avec mention de la source et envoi d’un exemplaire justificatif à la rédaction

ISSN 1424-7135

IMPRESSUM
51 L ’ ENVIRONNEMENT 2-24 Q UESTION DE NATURE 360°

PSYCHOLOGIE ET COMPORTEMENT

Les vagues de chaleur et les périodes de sécheresse s’intensifi ent. Les risques naturels s’accroissent. La diversité animale et végétale se raréfi e. Le changement climatique nous affecte déjà, nous et notre environnement, et le fera encore davantage à l’avenir. Être conscient de ces risques est une bonne chose, mais il importe encore davantage de comprendre comment passer à l’action. Les mécanismes psychologiques jouent un rôle majeur. Que se soit pour agir en tant qu’individu, à petite échelle, ou à un niveau plus important, en tant que société. Le prochain numéro montrera comment rendre les comportements écologiques plus simples et comment aller vers une société encore plus durable.

ABONNEZ-VOUS

Près de 90 000 personnes lisent déjà ce magazine, et nombreuses sont celles qui le partagent avec leurs proches. Notre objectif : promouvoir les bonnes pratiques environnementales. Vous pouvez y participer en vous abonnant gratuitement à l’environnement et vous recevrez le magazine à votre domicile.

Abonnement gratuit

bafu.admin.ch/servicelecteurs

La végétalisation des espaces urbains est indispensable pour faire face aux effets du changement climatique. Sur cette image simplifiée, nos illustrateurs ont réuni quelques éléments de la ville verte.

Fürstenlandstrasse 35

Retouren an:

DANS LE PROCHAIN NUMÉRO
Alexandra Wey / Keystone À Schwyz, en juillet 2021, de fortes précipitations ont provoqué d’importantes inondations dans les rues. À PROPOS DE LA COUVERTURE
CH
Media
9001
St. Gallen

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.