Magazine «l’environnement» 3/2024 - Vers des comportements plus durables
Les ressources naturelles en Suisse
PORTRAIT
Une soirée avec une jeune chasseuse suisse P. 32
RESSOURCES
Les PME qui s’inscrivent dans l’économie circulaire P. 40
EXPÉRIENCE
Trouver les essences d’arbres les plus résilientes P. 45
PSYCHOLOGIE / PARADOXES / EXEMPLES
VERS DES COMPORTEMENTS PLUS DURABLES
FOCUS | P. 12
Encourager les bons gestes P. 25
04 Aperçu
06 Conseils
07 Formation
08 Balade
10 Interview
Des PFAS dans les eaux souterraines
Focus
14 Psychologie
Comment favoriser les habitudes durables
18 Transformation sociétale
Les enjeux de la réduction de l’empreinte carbone
22 Comportements
L’influence de la perception des risques
25 Visualisation
Adopter et encourager des pratiques favorables à l’environnement
29 Passer à l’action
Le rôle des émotions
360°
32 Portrait
Chasser pour entretenir la faune
36 Reportage
Des arbres en classe
40 Entreprises
Intégrer l’économie circulaire
43 Régions
La valorisation du paysage
45 Changement climatique
Identifier les arbres du futur
48 À votre porte
50 Question de nature
25
Encourager les comportements adéquats.
À Copenhague, la moitié de la population de la ville se déplace à vélo.
La chasse avec Sarah Moritz.
Sonder la résistance des arbres aux conditions climatiques de demain.
Vous voulez suivre l’actualité liée à l’environnement et adopter les bons réflexes ? Ce magazine peut vous y aider.
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Les articles ainsi que les numéros précédents sont disponibles en ligne sous : bafu.admin.ch/magazine.
Comportements durables
Par Katrin Schneeberger Directrice de l’OFEV
Notre monde est confronté à de nombreux défis. La politique a pour tâche de définir des mesures efficaces et durables pour protéger l’environnement et la population.
Or les réponses à trouver sont complexes et multidimensionnelles et nous placent face à nos propres paradoxes. Quelles sont nos priorités, comment les fixer et à quel prix ? Ou encore : que sommes-nous prêts à sacrifier en contrepartie ?
Dans un contexte marqué par les transformations, où tout évolue rapidement, la science peut grandement contribuer à la recherche de solutions.
La sociologie offre un aperçu des interactions entre les individus, les sociétés et leur environnement. Elle étudie la manière dont les normes sociales, les valeurs et les institutions conditionnent la volonté individuelle.
La psychologie explore les raisons qui entraînent l’adhésion à ou le rejet d’une pratique ou d’une habitude. Elle cherche aussi à comprendre comment les préférences personnelles influencent l’acceptation de mesures de politique environnementale.
Ces deux disciplines fournissent des approches permettant de développer des solutions durables et susceptibles de recueillir une majorité des avis. Elles nous aident à mieux saisir les dynamiques du comportement humain et des structures sociales. Cette édition du magazine donne un petit aperçu du vaste monde de la sociologie et de la psychologie en lien avec la question de l’environnement.
Bonne lecture !
360°
DÉCONTAMINATION DURABLE
La bioremédiation consiste à dépolluer un milieu en utilisant la dégradation chimique ou l’activité d’organismes vivants. Directeur de l’entreprise
Tibio, spécialisée dans cette technique, le toxicologue Davide Städler mène des recherches à Lausanne et raconte les défis de l’assainissement des sites pollués aux dioxines.
Le changement climatique favorise le rhume des foins
Les yeux qui larmoient, le nez qui pique ? Si vous faites partie des individus réagissant aux pollens, vous n’êtes de loin pas seul à souffrir. Le nombre de personnes atteintes de rhume des foins ne cesse de croître. Sous l’effet du changement climatique, les plantes libèrent leurs pollens plus tôt dans l’année et en quantités plus importantes, ce qui prolonge la période d’allergie et exacerbe les réactions allergiques. Sans oublier l’apparition de plantes invasives hautement allergisantes. Ces récents constats sont résumés dans une fiche de la Commission chimie et physique de l’atmosphère. bit.ly/3Wbfu6p
Le plus grand récif corallien
Des scientifiques ont découvert au large de la côte est des États-Unis le plus grand récif corallien d’eau froide connu à ce jour. Nommé « Million Mounds », il s’étend sur 500 kilomètres de long et 110 kilomètres de large.
Quelle est la particularité des sols contaminés à Lausanne ?
DS : Les dioxines sont des composés complexes, il faut s’assurer que la transformation n’aboutisse pas à un produit encore plus toxique. Aussi, comme la toxicité se situe à un niveau faible, la biodisponibilité, soit la concentration dans le sol, peut rendre la tâche difficile.
Quelles sont les étapes du projet ?
DS : D’abord, nous avons isolé des bactéries capables de transformer les dioxines et qui pouvaient être produites en grande quantité. En juillet dernier, nous avons prélevé 900 kilos de terre pour réaliser des essais en laboratoire.
Les chances de réussite sont-elles élevées ?
DS : Nous sommes loin de la solution miracle, mais la recherche vaut la peine d’être menée. À une telle échelle, c’est une première mondiale, et grâce au soutien du Canton, nous collaborons avec le monde académique. Si ça fonctionne, cette technique avantageuse sur les plans écologique et économique nous aidera beaucoup.
Des récifs artificiels
La vipère, reptile de l’année Il reste seulement quelques rares habitats pour la vipère pléiade qui est gravement menacée en Suisse. Soucieux de sensibiliser la population à la protection de ce serpent, le Service conseil reptiles l’a désigné « reptile de l’année 2024 ».
À la manière de mini-hôtels à coraux, la start-up suisse rrreefs a imaginé des structures pour contribuer à lutter contre la disparition des récifs coralliens. Les 820 modules en briques recouverts d’argile et de terre cuite déposés au large des Philippines ont déjà permis d’accueillir de nombreuses larves, un mois seulement après leur installation. L’objectif est de reconstituer 700 km de côtes d’ici à 2034.
Danger d’incendie en hausse
Le danger d’incendie de forêt dans les Préalpes va plus que doubler d’ici à la fin du siècle, selon un communiqué de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches. Une évolution directement liée au changement climatique.
L’OBJET
LE CHIFFRE
8 0 %
C’est le pourcentage de l’empreinte carbone totale d’un smartphone que représente sa fabrication. Pour limiter son impact environnemental, il est donc important de prolonger sa durée d’utilisation en le réparant, par exemple. Idéalement, une fois qu’il ne fonctionne plus, il faudrait aussi recycler les matières premières qui le composent.
L’ANIMAL
Le bourdon
Les plantes pollinisées par les bourdons s’adaptent plus rapidement que celles pollinisées à la main. Observé par une équipe de l’Université de Zurich durant deux ans, ce phénomène joue un rôle majeur, car face aux changements climatiques, la survie d’une espèce dépend directement de sa rapidité d’adaptation.
Une baignade sans PFAS
En plongeant dans le lac ou dans une piscine, on ne s’imagine pas libérer des substances per- et polyfluoroalkylées, autrement dit des PFAS. Pourtant, la majorité des maillots de bain en contiennent et sont susceptibles de diffuser ces substances nuisibles dans l’eau. C’est pourquoi une équipe de l’institut de recherche Empa a développé une nouvelle fibre textile hydrophobe totalement dépourvue de PFAS.
Les aigles évitent la guerre
Chaque année, des centaines d’aigles criards passaient par l’Ukraine pour rejoindre leur lieu de reproduction. À cause des tirs d’artillerie et des avions à réaction, ces rapaces gravement menacés font un détour. Ils volent ainsi 85 kilomètres de plus et arrivent plus tard à destination. C’est la conclusion d’une étude menée par des chercheurs qui ont fixé des GPS sur une vingtaine d’aigles.
27.09.24
Le brame du cerf
La fondation Nature & Découvertes
Suisse organise une excursion à Charmey afin d’assister à la parade amoureuse des cerfs. L’expédition nocturne est destinée aux adultes et aux enfants dès 9 ans.
Office du tourisme, Charmey 16 : 00 – 20 : 30
10.10.24
Les plantes alpines
Christophe Randin, spécialiste de la biogéographie végétale, présentera « Should I stay or should I go ? Comment les plantes alpines évitent (ou pas) le clash du changement climatique ». Une conférence qui se concentrera sur les évolutions et les modifications de la flore alpine, réel indicateur du réchauffement climatique, ainsi que les résultats des projections pour le XXIe siècle.
Conservatoire et Jardin botaniques de Genève (serre tempérée) 18 : 00
12.10.24
Découverte de champignons
Dans le Parc naturel du Jorat, des spécialistes guideront les participants dans la forêt pour découvrir les champignons et peut-être en ramasser des comestibles. L’événement permettra aussi de mieux comprendre l’importance du rôle de ces organismes dans l’écosystème forestier.
Centre sportif de Mauvernay, Le Chalet-à-Gobet, Lausanne (VD) 9 : 00
07.12.24
Créer un hôtel à insectes
Lorsqu’il est entretenu, un parc ou un jardin met en péril les abris des insectes. L’association La Libellule propose un atelier de construction d’hôtels à insectes afin de leur offrir un lieu de protection et de reproduction. Activité accessible dès 6 ans.
« Comment bifurquer, les principes de la planification écologique »
L’ouvrage de l’économiste Cédric Durand et du sociologue Razmig Keucheyan s’intéresse à la notion de planification écologique. Le principe, historiquement associé aux périodes de guerre ou de reconstruction, implique un pilotage de l’économie par un État. Le livre imagine les enjeux d’une planification pour faire face à l’urgence climatique. L’hypothèse suivie par les auteurs s’articulerait autour d’une phase expérimentale durant laquelle des projets seraient lancés à l’échelle locale, comme le développement des transports en commun dans une agglomération, suivie par une phase d’évaluation démocratique qui permettrait de choisir le maintien, la généralisation ou l’abandon des mesures testées. La perspective d’une planification écologique impliquerait aussi comme principe de base de ne pas polluer davantage que les écosystèmes peuvent absorber. Les structures économiques seraient ainsi ajustées pour réduire drastiquement l’impact des activités humaines. Le modèle exploré par les auteurs renonce aussi aux systèmes de compensation où la destruction est tolérée si la nature est restaurée à un autre endroit.
LIVRE
« Atlas de botanique parfumée »
38 fr. 50
Jean-Claude Ellena décline dans son « Atlas de botanique parfumée » tous les éléments naturels qui peuvent servir dans la conception d’un parfum. Enrichi par les illustrations de Karin Doering-Froger, l’ouvrage se divise en différents chapitres, car en plus des fleurs, les odeurs de la nature se trouvent aussi dans le bois et les écorces, les feuilles, mais aussi les gommes et les résines, les graines ou encore les racines. En plus des informations concernant chaque élément, l’auteur ajoute des anecdotes. On apprendra, par exemple, que certaines fleurs dégagent leur parfum uniquement le soir ou encore que les écorces et les résines, de bouleau notamment, étaient déjà utilisées au néolithique pour leur odeur. Une manière d’aborder la richesse naturelle sous un autre angle. Jean-Claude Ellena s’est formé à l’école de Givaudan à Genève. Il a aussi été nez exclusif pour la maison Hermès durant quatorze ans.
PODCAST
Faune et littérature
Le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel propose une série de capsules sonores s’inspirant de l’audioguide. En collaboration avec le büro UmLaut, les « podcast dioramas », que l’on peut écouter librement depuis le site de l’institution, racontent les vitrines du musée grâce à la littérature. Dans l’un des épisodes, l’autrice Violaine Bérot s’adresse aux animaux qu’elle croise quotidiennement dans les montagnes pyrénéennes où elle vit. L’écrivain Guillaume Poix se sert, quant à lui, des récits du public exprimant leur lien aux dioramas du musée. Dorothée Thébert s’intéresse à l’environnement des animaux (à partir du 25 octobre). Ces vitrines, créées dans les années 1960, donnent à voir une reconstitution des milieux et des paysages habités par les animaux du canton de Neuchâtel. Le Muséum en compte 111.
EXPOSITION
Archives naturelles « Spécimens 24. Nos collections racontent… » est la première exposition conduite par le Naturéum. Au Jardin botanique cantonal de Lausanne, l’un des trois sites publics du Naturéum, le projet « Tourbières / Spécimens entourbés » s’intéresse à ce milieu naturel particulier. À la manière d’archives naturelles, ces environnements fascinent par leur capacité d’adaptation aux changements climatiques. En plus, ces milieux jouent un rôle primordial sur Terre en raison de leur aptitude à séquestrer le carbone. Les commissaires de l’exposition ont aussi mené une réflexion afin de mettre en place des solutions concrètes pour limiter l’empreinte écologique du projet. Le mobilier utilisé est ainsi majoritairement recyclé grâce notamment au recours au matériel d’expositions passées.
Cédric Durand, Razmig Keucheyan, Éd. La Découverte
31 fr. 90
Jean-Claude Ellena, Karin Doering-Froger (illustrations), Éd. Arthaud
Apprendre dans les Alpes
Troquer la classe d’école contre une cabane du Club Alpin Suisse, et l’enseignante contre une guide de montagne. Dans le cadre du projet « AlpenLernen », des élèves dès la 6e année passent une semaine dans les Alpes pour découvrir la région et pour apprendre à en profiter tout en la préservant. Quelle est la place de l’homme dans l’espace alpin ? Quels sont les dangers naturels dans les montagnes ? Que signifie un sport de montagne respectueux de l’environnement ? La semaine de projet repose sur le concept Éducation en vue d’un développement durable et intègre les principes de l’alpinisme que sont le respect, la solidarité et la confiance mutuelle. sac-cas.ch
Éducation à l’environnement
La Maison de la Rivière, à Tolochenaz (VD), se situe dans un cadre idéal pour la découverte de différents milieux naturels. La sensibilisation à l’écologie se déroule en diverses activités destinées aux élèves des écoles puisque les animations s’inscrivent dans le Plan d’études romand. Les plus jeunes, entre 4 et 7 ans, pourront par exemple suivre les rives du Boiron et du Léman en se plongeant dans l’histoire de Colin, un jeune castor qui a disparu de sa hutte. Pour les enfants plus âgés, entre 7 et 15 ans, l’animation « Rivière vivante » propose trois ateliers autour des invertébrés, des larves d’insectes et autres crustacés pour en apprendre davantage sur ce milieu naturel. Les expositions et les aquariums accueillent aussi le public tout au long de l’année pour une plongée à la découverte des trésors du patrimoine naturel. maisondelariviere.ch
Vers des entreprises plus durables EcoLive dispense des formations permettant de développer des ecoTeams au sein de son entreprise. Le but est de créer un groupe, composé idéalement de collaborateurs de différents services et divers niveaux hiérarchiques. La formation se décline ensuite en quatre sessions. La première mission est de cerner le potentiel d’amélioration de l’entreprise. Ensuite, il s’agira de comprendre les mécanismes des changements tant au niveau individuel que collectif. Finalement, le groupe formulera un plan sous forme de rétroplanning pour véritablement passer à l’action aux niveaux comportemental, organisationnel et technique afin de diffuser les bonnes pratiques au sein de son entreprise. EcoLive est l’une des fondations majeures de la protection du climat en Suisse romande. bit.ly/4fvQyiX
THE JOB
Mécanicien en cycles
Assurer le montage, les réparations et l’entretien des vélos, toutes catégories confondues, telle est la mission des mécaniciens en cycles. Ils sont également spécialisés dans le conseil à la clientèle en matière d’achat de vélos, mais aussi d’accessoires et de vêtements. La formation s’effectue par apprentissage et dure trois ans. Face à l’augmentation de la pratique du vélo, les perspectives d’emploi sont bonnes, en ville comme en montagne.
Une application pour plus de biodiversité
Quid de la biodiversité à l’école ? Une application permet aux enseignants et à leurs élèves de réfléchir aux conditions nécessaires à certaines plantes et animaux pour vivre dans leur environnement. Durant un voyage virtuel, ils explorent le terrain autour de l’école et analysent son potentiel écologique. Sur la base du rapport généré par l’application et à l’aide d’un guide sur la biodiversité, ils formulent et concrétisent des propositions pour revaloriser les lieux. L’application « BioDivSchool-WebApp » a été développée par la Haute école pédagogique de Saint-Gall et l’association Globe Suisse. Le matériel didactique de la fondation Pusch pour le cycle 2 et 3 soutient l’intégration et l’encadrement méthodique du travail de cartographie dans l’enseignement. Les supports sont disponibles en allemand, en français et en italien. bit.ly/3xMZdfT
Le mythique Creux-du-Van
Avec ses falaises de 200 mètres de haut, le cirque du Creux-du-Van impressionne. Classé réserve naturelle, le site de calcaire abrite une riche faune, comme des bouquetins et des lynx.
TEXTE : AUDREY MAGAT
Au cœur du Val-de-Travers, la randonnée débute dans le village de Noiraigue (NE). Le sentier sportif des « quatorze contours » fait une boucle de 14 kilomètres de long avec environ 800 mètres de dénivelé. Chaque étape est fléchée par des panneaux jaunes Suisse Rando. Après avoir traversé les voies ferrées, le chemin contourne la ferme de Vers-chez-Joly.
La randonnée s’engage ensuite dans la forêt : la montée commence, sur un large sentier forestier. Elle se poursuit jusqu’au refuge animalier des Oeillons. Cette ferme ouverte aux visiteurs est aussi une buvette qui propose des rafraîchissements et de l’absinthe artisanale. L’ascension se poursuit entre les arbres. Attention, le sol peut être glissant par temps humide. La pente s’intensifie alors que les derniers lacets amènent sur les hauteurs, où l’on découvre un panorama grandiose : le cirque du Creux-du-Van.
Fait de couches de roches calcaires, le Creux-du-Van est le résultat de milliers
d’années d’érosion due à l’eau, au gel et à la glace. Le nom « van » signifie rocher en celte. Ce cirque naturel forme un amphithéâtre d’environ 1,5 kilomètre, avec des falaises de près de 200 mètres de haut. Prenez garde à ne pas marcher trop près du ravin. La balade au sommet suit des murets de pierres sèches qui ont la particularité d’être construits sans joints. Ils témoignent d’un savoir-faire artisanal jurassien du XVIe siècle et hébergent une petite faune de lézards, de belettes, d’insectes ainsi qu’une flore diversifiée de mousses et de lichens.
Le site fait partie de l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP) qui recense les paysages suisses les plus précieux. Il fait partie d’un district franc fédéral, une zone protégée qui sert à la sauvegarde des mammifères et des oiseaux sauvages rares ainsi que de leurs habitats. C’est également une réserve naturelle neuchâteloise. Le camping est ainsi interdit et les chiens doivent être tenus en laisse.
Ces efforts de conservation ont permis aux animaux de prospérer : des bouquetins, des chamois, des chevreuils, des lièvres, des grands tétras – en grave danger d’extinction –vivent au Creux-du-Van. Les plus chanceux pourront même apercevoir des lynx, qui ont été réintroduits sur ce site naturel dans les années 1970.
Un détour d’une dizaine de minutes de marche permet de découvrir le Soliat, point culminant du site. Une table d’observation présente un large panorama, allant de Fribourg à Moudon, avec les montagnes de l’Eiger et de la Jungfrau en toile de fond.
Après avoir longé les falaises, on peut entreprendre la descente. Le sentier conduit rapidement dans la forêt. Il commence par une forte déclivité puis s’adoucit en une pente faible. Les randonneurs pourront profiter de la Ferme Robert sur le chemin. Rösti, croûtes au fromage et autres spécialités sont au menu de cet établissement historique. La balade continue quelques kilomètres pour retrouver le chemin de départ près de la ferme de Vers-chez-Joly, et retraverse le village pour retourner au point de départ. Ce parcours peut être fait dans le sens inverse de celui proposé ici.
Durée 4 h 30
NEUCHÂTEL
Longueur 14 km
Difficulté difficile
INFOS PRATIQUES
La randonnée du Creuxdu-Van débute à Noiraigue (NE). Pour accéder au village en transports publics, il faut d’abord se rendre à la gare de Neuchâtel puis prendre le train R21 des Transports publics neuchâtelois en direction de Buttes, et s’arrêter à l’arrêt Noiraigue. Pour les voitures, plusieurs parkings dans le village permettent de se garer facilement.
Scannez ce code pour obtenir le tracé détaillé et les coordonnées GPS de cette balade.
A MOINS DE MARCHE
Un parking se situe devant l’hôtelrestaurant Le Soliat, installé sur les hauteurs du Creux-du-Van. Cette solution permet de limiter le temps de marche : en une dizaine de minutes, le promeneur peut être aux abords des falaises.
NOIRAIGUE
Dénivelé 800 mètres
B LE PARADIS DES BOUQUETINS
Sur les rochers du cirque de pierres, les bouquetins s’épanouissent. Les femelles et les mâles vivent généralement en troupeaux séparés et ne se réunissent qu’en période de rut. La longueur des cornes des mâles permet de déterminer leur âge : 20 centimètres équivalent à 2 ans, 40 centimètres à 3 ans, 50 centimètres à 4 ans et plus de 60 centimètres indiquent que le spécimen a plus de 5 ans.
À la recherche des substances toxiques éternelles
Des analyses révèlent une forte présence de PFAS dans les eaux souterraines en Suisse. Ces substances chimiques persistantes peuvent porter atteinte à notre santé. Mauro Veronesi, spécialiste de la protection des eaux du canton du Tessin, explique comment déterminer les causes de cette pollution.
Elles repoussent la graisse, la saleté et l’eau ; elles résistent à la chaleur et sont donc extrêmement pratiques. Les substances per- et polyfluoroalkylées, autrement dit les PFAS, se trouvent par exemple dans les vêtements imperméables, les revêtements de poêles ou les mousses anti-incendie. On les appelle aussi les « forever chemicals », soit les produits chimiques éternels. En effet, une fois qu’ils se répandent dans l’environnement, ils sont très difficilement dégradables. Parmi les plus de 10 000 substances, certaines se sont avérées nocives pour l’être humain, notamment parce qu’elles peuvent provoquer le cancer. Certains PFAS sont désormais interdits en Suisse.
Environ la moitié des stations de mesure dans les eaux souterraines suisses révèlent la présence de PFAS, d’après l’étude pilote de l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA (voir encadré). Actuellement, les services spécialisés cantonaux évaluent les sources locales de ces « forever chemicals » afin de pouvoir prendre des mesures adéquates pour la protection des eaux souterraines et donc de l’eau potable. Mauro Veronesi, responsable de l’Office de la protection des eaux et de l’approvisionnement en eau du Canton du Tessin, explique comment faire pour remonter aux sources de la pollution.
Comment savoir d’où proviennent les PFAS dans les eaux souterraines ?
Mauro Veronesi : En examinant en détail le bassin d’alimentation d’une station de mesure. En 2020, à Chiasso, nous avons par exemple trouvé dans l’eau souterraine d’un puits utilisé pour capter de l’eau potable l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), une substance qui fait partie des PFAS et dont l’utilisation a été strictement réglementée dès 2011. Le problème est que le PFOS peut provenir de différentes sources, comme des mousses anti-incendie, des entreprises industrielles, des décharges, des sites contaminés ou des eaux usées.
C’est-à-dire qu’il y a plusieurs sources possibles pour une seule et même substance ?
Absolument. Nous nous sommes donc adressés en premier aux pompiers et nous leur avons demandé où ils avaient réalisé des exercices avec de la mousse anti-incendie dans le passé. Car l’utilisation de PFOS pour la mousse anti-incendie a été autorisée jusqu’en 2014. Ensuite, nous nous sommes renseignés sur la production des industries à proximité. À Chiasso, il y a une entreprise active dans le domaine de la galvanisation, mais par le passé, on y trouvait de nombreuses entreprises de l’industrie
textile qui pourraient avoir utilisé également des PFAS. Aujourd’hui, bon nombre d’entre elles sont fermées. Nous avons dû effectuer des recherches historiques afin de pouvoir déterminer qui avait travaillé quand et où avec des PFAS.
Quelle est la conclusion à laquelle vous êtes parvenu ?
Nous ne pouvons pas encore affirmer avec une certitude absolue si la source de la pollution est liée à la mousse anti-incendie ou à un site industriel. Mais il est très probable que les entraînements des pompiers soient à l’origine de cette pollution, car il y a près de ce captage d’eau potable plusieurs lieux destinés à ces exercices. Ensuite, la mousse antiincendie s’est certainement infiltrée dans les eaux souterraines.
Quelles sont les mesures à prendre pour protéger les eaux souterraines et l’eau potable ?
En premier lieu, il convient de réduire au minimum l’infiltration de PFAS dans les eaux souterraines. Cela signifie que les lieux pollués par les PFAS doivent être identifiés et assainis dans la mesure du possible. Dans l’eau potable, il faut en plus respecter la valeur maximale actuelle qui est de 0,3 microgramme de PFOS par litre, définie dans l’ordonnance
MAURO VERONESI
a grandi à Lugano. Il a étudié la biologie à l’ETH Zurich, rédigé un mémoire en écotoxicologie à l’Eawag et réalisé un doctorat à l’Université de Zurich sur le cycle des nutriments dans le lac de Lugano. De 2008 à 2012, il a effectué des recherches à la Haute école spécialisée de la Suisse italienne SUPSI, où il travaille aujourd’hui encore comme enseignant. Depuis septembre 2012, il dirige l’Office de la protection des eaux et de l’approvisionnement en eau du canton du Tessin. Il vit à Bellinzone.
PROTÉGER LES EAUX SOUTERRAINES
sur l’eau potable. Même si cette valeur a été tout juste respectée, le service local d’approvisionnement en eau a préventivement installé un filtre à charbon actif pour extraire le PFOS. Désormais, les concentrations dans l’eau potable traitée sont donc nettement plus basses. L’installation de traitement a coûté 1,7 million de francs.
Tous les PFAS peuvent-ils être filtrés ?
Certaines de ces substances, tels le PFOS, peuvent être extraites de l’eau avec du charbon actif. Pour d’autres, c’est difficile, voire presque impossible. Plus les PFAS sont petits et mobiles, plus le traitement des eaux est difficile.
Existe-t-il d’autres sources de PFAS susceptibles de polluer les eaux souterraines de manière importante ?
Après la construction du tunnel du Ceneri, une vaste surface des eaux souterraines a été polluée par de l’acide perfluorobutanoïque (PFBA), une substance qui fait également partie des PFAS, à proximité de la décharge pour matériaux d’excavation. Après de longues recherches, nous avons découvert que cette substance se trouve dans le béton projeté utilisé pour la construction du tunnel. Afin d’arrêter son infiltration dans les eaux souterraines, les CFF ont pris des
mesures d’urgence pour protéger les eaux souterraines et l’eau potable et ont déversé le lixiviat de décharge dans la canalisation d’égout. Ensuite, nous avons informé l’Office fédéral des routes et les grandes entreprises de construction de la région. Nous les avons invitées à renoncer au béton contenant des PFAS à l’avenir. En tant que canton, nous sommes un mandant important et donc en position de sensibiliser les entreprises privées.
Le problème des PFAS est donc résolu ?
Je ne peux pas encore l’affirmer. Actuellement, nous connaissons relativement bien les trente PFAS les plus fréquents. Parallèlement, les connaissances sur la nocivité de ces substances pour l’homme et la nature s’enrichissent. Et plus nous en apprenons, plus la nécessité d’agir peut prendre de l’ampleur. Aujourd’hui, nous sommes seulement au début des recherches et encore loin d’avoir fait le tour de cette problématique.
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-01
L’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA donne un aperçu de l’état et de l’évolution des eaux souterraines en Suisse. Dans le cadre de NAQUA, l’OFEV a initié, en 2021, une étude pilote sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Il s’agit d’un projet commun entre la Confédération et les cantons, qui est axé spécifiquement sur les polluants qui se trouvent dans les eaux souterraines. Parmi plus de 500 stations de mesure, presque la moitié d’entre elles indiquaient la présence de PFAS. Une valeur comparable à celle des pays voisins, constate Miriam Reinhardt de l’OFEV, responsable de l’observation NAQUA des PFAS. « La large dissémination de ces produits chimiques dans les différentes régions de Suisse montre qu’il est nécessaire d’agir pour protéger les eaux souterraines contre ces substances en réduisant leur infiltration dans ces eaux souterraines. »
Les services spécialisés cantonaux sont chargés d’identifier les sources de PFAS et de prendre les mesures nécessaires. Leurs expériences montrent que les causes de pollution les plus fréquentes sont l’utilisation de mousses anti-incendie ainsi que les décharges et certaines entreprises de galvanisation. « Dans les zones industrielles ou urbaines qui présentent une pluralité de sources potentielles, il n’est pas toujours facile d’identifier les pollueurs », dit Miriam Reinhardt. Les recherches effectuées par les services spécialisés cantonaux représentent donc un grand défi.
Dans l’industrie, le commerce et les ménages, on utilise plusieurs milliers de PFAS ainsi qu’un grand nombre de produits contenant ces substances. Pour la plupart, on ne sait pas quel produit contient quel PFAS et dans quelle entreprise ils sont utilisés. Dans le cadre de l’étude pilote NAQUA, 26 PFAS ont été analysés dans les eaux souterraines. Pour trois d’entre eux, des valeurs maximales ont été fixés dans l’eau potable. Dans le cadre d’une intervention parlementaire, la Confédération examine actuellement s’il est nécessaire de mettre en place un plan d’action national relatif aux PFAS.
LIEN VERS L’ARTICLE
Vers un monde plus durable, mais comment ?
Changer les comportements
« J’en fais déjà assez », « la technologie résoudra le problème », « c’est trop tard » : Thomas Brudermann, chercheur en psychologie, invite à se libérer des excuses qui entravent le passage à l’action.
Transformer la société
« Le changement ne requiert pas nécessairement l’implication de la majorité. Nous avons trouvé qu’il suffisait d’avoir le soutien de 25 % de la population pour atteindre un point de bascule social. Une grande minorité peut rapidement se transformer en majorité. » Ilona Otto est spécialisée dans la recherche en transformation à l’Université de Graz.
Percevoir les risques
Pour changer de comportement, il faut d’abord comprendre ce qui influence nos choix.
Choisir l’option la plus durable repose sur un équilibre complexe, où interviennent les émotions, la perception des risques, la connaissance ou encore le comportement des autres. Décryptage.
Agir durablement
« Les campagnes d’information qui ne transmettent que des connaissances ne modifient pas les comportements. »
Tobias Brosch, directeur du Laboratoire de psychologie du développement durable à l’Université de Genève, explique l’importance du croisement de différents types de connaissances pour influencer l’action.
« Les personnes vivant dans des zones déjà touchées par des catastrophes naturelles ont tendance à avoir une conscience des risques plus élevée. » La sociologue Elisabeth Maidl pointe un des facteurs définissant le rapport au danger.
Durabilité : comment adapter les comportements
Relever les défis environnementaux n’exige pas seulement des solutions technologiques, mais aussi des évolutions sociétales profondes. En révélant ce qui nous pousse à adhérer à un changement, les recherches en psychologie ouvrent des pistes pour rendre plus faciles les décisions qui contribuent à un monde plus durable.
TEXTE : DANIEL SARAGA
Éolien marin et solaire alpin, fermes verticales et viande in vitro, bioéthanol et capture de carbone : les innovations technologiques nous font miroiter le rêve d’une société durable sans changer notre consommation. Elles ne suffiront pourtant pas si la population n’embrasse pas ces nouveautés et, surtout, n’opte pas pour un mode de vie moins gourmand en énergie. Mais changer de comportement est plus simple à dire qu’à faire, rappellent les spécialistes en psychologie du comportement. Leurs travaux révèlent ce qui nous empêche de modifier nos habitudes de vie et de consommation, et soulignent les excuses que nous nous donnons pour remettre à demain ce que nous pourrions faire aujourd’hui. Ils suggèrent des pistes pour rendre moins difficiles le choix le plus durable et vérifient l’efficacité de ces interventions.
Bien entendu, nos décisions dépendent des choix objectifs qui s’offrent à nous, notamment les aspects économiques ou de confort. Mais pas seulement : elles sont
également influencées par nos préférences, par la quantité et la qualité de l’information dont nous disposons, par la manière dont les options nous sont présentées ainsi que par nos émotions (voir encadré). « Les émotions jouent un rôle central dans notre manière de réagir aux défis environnementaux et au changement climatique, explique Tobias Brosch, directeur du Laboratoire de psychologie du développement durable à l’Université de Genève. Elles incluent la peur –d’une catastrophe ou d’une perte de confort –, la frustration et les reproches envers la politique ou les entreprises qui n’en font pas assez, ou encore la honte que nos actions ne soient pas à la hauteur de nos principes. »
Ces émotions ne sont pas toutes négatives, poursuit le chercheur. On y trouve par exemple l’empathie envers les gens touchés. La peur permet de se rendre compte de l’urgence de la situation et peut pousser à réagir. Cet état peut cependant aussi mener à la paralysie
et au défaitisme, ainsi qu’à la fuite et au déni. « Pour éviter la résignation, les discours doivent davantage se concentrer sur le positif et moins sur le négatif, notamment sur le fait que des solutions existent et que nous avons les moyens de nous en sortir. L’espoir représente une émotion très importante, car il nous propose une vision à suivre et une raison de nous battre. »
Le piège de la compensation
Une réaction courante est la compensation morale. Lorsque le fait d’avoir adopté un comportement positif réduit notre disposition à le faire dans une autre circonstance. C’est l’équivalent du « je m’offre un dessert puisque j’ai mangé une salade ». On se dit ainsi qu’un voyage en avion n’est pas si grave, vu qu’on n’utilise pas de voiture le reste du temps. On voit aussi des transferts entre des domaines apparentés, mais pas identiques. Lorsqu’une action positive pour la nature, comme le fait de ne pas laisser de déchets en forêt, nous permettrait de négliger le climat en gardant le chauffage à 22 °C,
Yasai, une spin-off de l’EPFZ, cultive des herbes aromatiques en intérieur. Les différents plants sont superposés, la lumière est fournie par des lampes LED, aucun produit phytosanitaire n’est utilisé et le besoin en eau est moins important que dans la culture conventionnelle.
Les éoliennes en mer, comme ici en Allemagne, sont particulièrement efficaces, car les vents sont plus fréquents, plus forts et plus réguliers que sur la terre.
La première installation photovoltaïque sur un barrage à haute altitude dans les Alpes a été réalisée sur celui d’Albigna. Ces installations garantissent un meilleur rendement lorsqu’elles sont placées en altitude. Ici environ 500 mégawattheures d’électricité sont produits par an.
« Tout choix par défaut est le résultat d’une décision », selon Tobias Brosch qui dirige le Laboratoire de psychologie du développement durable à l’Université de Genève.
le faire soi-même de manière consciente, selon Thomas Brudermann de l’Université de Graz, en parquant son vélo devant sa voiture, par exemple.
La durabilité plutôt que le meilleur prix
Une mesure qui peut s’avérer très efficace est de sélectionner comme option par défaut celle qu’on veut encourager, selon Tobias Brosch. Une étude menée auprès de quelque 42 000 ménages en Allemagne en 2015 a montré qu’on pouvait multiplier par dix le nombre de clients ayant un courant électrique « vert », pourtant plus cher, lorsque celui-ci était mis comme choix par défaut au lieu du courant « normal ». Les gens ont donc tendance à ne pas changer, même au prix d’une facture plus élevée.
alors même que ces deux points n’ont pas de rapport direct, souligne Thomas Brudermann de l’Université de Graz, en Autriche.
Dans son livre « Die Kunst der Ausrede » (L’art de l’excuse), le chercheur en psychologie fait le tour des excuses les plus courantes qu’on se donne pour justifier notre inaction climatique. « J’en fais déjà assez », « la technologie résoudra le problème », « cela ne sert à rien vu l’impact de la Chine », ou encore « c’est trop tard » figurent parmi les plus fréquentes. « Le but de mon livre n’est pas de pointer du doigt nos défauts, mais d’illustrer avec un peu d’humour des mécanismes qui sont en fait très répandus, précise le chercheur. J’invite à observer les autres ainsi que soi-même, et à se donner, peut-être, l’envie de changer les choses en se libérant de ces excuses. »
Favoriser les chances que les gens adoptent les comportements jugés désirables peut se faire à plusieurs niveaux, poursuit Tobias Brosch de
l’Université de Genève : « On peut améliorer la qualité de l’information mise à disposition, comme ajouter sur un produit un label qui classifie son impact climatique ou environnemental. » Il est alors important de se pencher sur les besoins réels des personnes, car un trop-plein d’informations peut avoir l’effet négatif d’empêcher tout choix.
Un deuxième levier d’action consiste à soutenir la décision une fois qu’elle a été prise, comme les applications qui envoient des rappels nous encourageant à maintenir le comportement adapté. La troisième piste porte sur la structure de la décision. De la même manière qu’un menu de restaurant incite la clientèle à commander une entrée, un plat principal et un dessert, une cafétéria peut favoriser l’option végétarienne en la présentant avant l’option carnée. Une entreprise peut inciter à la mobilité douce en décidant de rapprocher le parking des vélos de l’entrée du bâtiment et d’en éloigner celui des voitures. On peut d’ailleurs
Modifier ce qu’on appelle « l’architecture des choix » soulève des questions éthiques. Serait-il immoral de manipuler ainsi les choix de la population ? Pas forcément, répond le psychologue : « L’important dans ce genre d’intervention est d’être très transparent, de ne pas cacher le fait d’avoir changé l’option par défaut, et d’en expliquer les raisons. » On peut également considérer qu’une personne qui reste avec la sélection par défaut est relativement indifférente aux différentes options –comme un courant normal ou vert, ou un prix un peu plus élevé. « Tout choix par défaut est le résultat d’une décision. On est habitué à ce qu’il corresponde à l’option la moins chère, mais il semble justifiable d’un point de vue moral ou politique qu’il soit remplacé par l’option la plus durable. »
Des obstacles différents selon les secteurs
Ces principes de psychologie comportementale sont généraux, mais s’agencent différemment selon les cas concrets. Les sondages, comme le Swiss Sustainable Consumer Observatory, permettent d’y voir un peu plus clair. Cette étude a interrogé entre 2021 et 2023 quelque 3600 personnes sur leurs habitudes de consommation dans trois domaines – alimentation, habillement et électronique – ainsi
COMMENT NOUS DÉCIDONS
La psychologie et l’économie comportementales relèvent une variété de facteurs influençant nos choix au-delà des considérations économiques, qui jouent un rôle évident. De nombreux aspects psychologiques influencent nos décisions. Certains sont bien apparents, comme nos préférences personnelles, l’aversion du changement, ou encore l’attrait d’une gratification visible et immédiate plutôt qu’abstraite et différée. D’autres sont plus inconscients, comme l’influence de nos émotions ou encore les biais cognitifs tels que l’effet du framing (la différence perçue entre « 70 % de chances de gain » et « 30 % de chances de pertes ») ou celui de l’ancrage (l’impact de la première impression).
Les facteurs sociaux sont également importants, notamment les normes et la pression sociales, les avis des personnes proches ou encore l’appartenance à des groupes. Ces différents aspects peuvent être pris en considération dans la manière d’informer les gens, de leur présenter des options et de les soutenir dans leur décision. L’architecture des choix consiste en l’art de favoriser des choix jugés désirables. Par exemple à travers une option par défaut, la présentation des différentes variantes, ou encore la mention que 90 % de nos voisins se sont décidés, eux, pour le « bon » comportement.
que sur leur perception des barrières à des choix plus durables. Les résultats indiquent que leurs habitudes sont stables, mais diffèrent entre les secteurs.
Pour la nourriture, c’est en premier lieu le prix plus élevé des options respectueuses de l’environnement qui fait obstacle, suivi par l’avis que les labels ne sont pas fiables. Ces deux facteurs sont cités de manière à peu près égale pour les achats d’habits, alors que la barrière principale dans l’électronique est la difficulté à identifier les produits les plus durables.
« Ces résultats soulignent l’importance de distinguer les secteurs », explique Swen Kühne, coauteur de l’étude et spécialiste de la psychologie de l’environnement à la Haute école spécialisée zurichoise ZHAW. S’il est difficile pour les consommateurs de comparer la durabilité de nombreux produits, par exemple pour un fruit importé ou un autre élevé en serre, les alimentations végane, végétarienne, piscivore et carnivore « offrent des choix très différenciés quant à leur impact environnemental ». La difficulté de distinguer les options est encore plus grande dans l’habillement, où la profusion de labels peut rendre la situation confuse. « Avoir un label unique établi par un acteur clairement indépendant, comme l’État, pourrait contribuer à rétablir un peu de confiance », selon le chercheur.
Sondage en temps réel
Ce type d’enquêtes a une faiblesse : les gens ne se souviennent pas de manière fiable de ce qu’ils ont acheté, tendent à rapprocher leur réponse des attentes sociales, et ne peuvent pas toujours décrire les raisons de leurs choix. Des applications permettent au contraire d’interroger les participants au bon moment et au bon endroit. Développée par un consortium européen, l’application GESIS sera en mesure de localiser la position des usagers et de leur poser des questions lorsqu’ils se trouvent dans un magasin ou à l’heure de préparer un repas afin d’étudier ce qui les pousse à acheter tel ou tel aliment. Le système permet
également aux participants d’autoriser l’accès aux données des programmes de fidélité de différents magasins, explique Sabrina Stöckli des universités de Berne et Zurich, qui participe au développement de cette application.
« L’application nous permettra notamment de vérifier la fiabilité de l’évaluation a posteriori des achats effectués en la comparant avec les données objectives des programmes de fidélité, poursuit la chercheuse en marketing. Nous testons également l’efficacité de différentes interventions, comme l’envoi d’un message rappelant la possibilité d’opter pour un repas végétarien lorsque les gens s’apprêtent à cuisiner. » Cet outil pourrait contribuer à vérifier si les applications commerciales soutenant un comportement durable fonctionnent, ou non, apportant un regard scientifique sur le marché complexe de la durabilité.
Les nombreuses recherches en psychologie aident à mieux comprendre les obstacles à une consommation plus durable, selon Tobias Brosch. « Mais une société durable ne peut uniquement reposer sur les efforts de la population. Elle doit être soutenue par des décisions politiques à même d’amener les changements structuraux nécessaires. » ●
EN BREF
Pour changer les comportements, il importe de comprendre les mécanismes qui interviennent lors d’une décision. Aussi, des mesures peuvent être prises pour orienter les décisions. Définir les options les plus durables comme celles données par défaut constitue une piste intéressante.
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-02
« Les arguments les plus solides ne sont pas d’ordre économique, mais moral »
Spécialisée dans la recherche en transformation à l’Université de Graz, en Autriche, Ilona Otto
étudie les conditions pour accéder à un monde plus durable et analyse si la société sera en mesure de réduire son empreinte carbone à temps.
TEXTE : ROLAND FISCHER
Qu’est-ce que la recherche en transformation ?
Ilona Otto : Ce domaine se place à la croisée de différentes disciplines. Certains instituts mettent davantage l’accent sur le côté technique et d’autres, sur le côté sociologique. Pour ma part, je suis sociologue et économiste des ressources, mais il y a aussi des physiciennes et des climatologues dans mon groupe.
La transformation doit-elle plutôt être comprise comme une adaptation à des bouleversements inévitables ou comme une mutation sociétale active ?
Cette question fait appel au concept de l’« human agency », c’est-à-dire de l’action humaine et de son efficacité en tant que société. Avec le changement climatique, nous réalisons actuellement une grande expérience sociétale qui implique un changement. Mais notre capacité d’adaptation s’amoindrit rapidement lorsque nous ne faisons rien et nous contentons de continuer comme avant.
Quels sont les leviers à disposition pour opérer un changement ?
Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Il est clair que nous devons renoncer dès que possible aux combustibles fossiles, mais ils sont partout. Nous en dépendons. La question des ressources reflète en outre des inégalités sociales, c’est peut-être là le principal problème : ce sont majoritairement les groupes privilégiés, ceux qui se déplacent beaucoup, qui ont de grandes maisons et consomment beaucoup, qui profitent de l’énergie fossile à bas prix.
Une politique climatique efficace implique-t-elle donc de s’attaquer aux privilèges ?
Oui, c’est l’un des aspects, mais c’est encore plus complexe que cela. Ainsi, il est considéré comme évident que le kérosène soit moins cher pour l’industrie aéronautique alors que les agriculteurs protestent contre la hausse du prix du diesel. Cette situation est, comme beaucoup d’autres, très contradictoire et source d’insécurité. Ce ne sont pas
MOINS DE TRAVAIL, PLUS DE RICHESSE
La réduction du temps de travail pourrait-elle contribuer à la transformation sociétale ? Le projet de recherche de l’Université de Berne « Zeit als neuer Wohlstand : Reduktion der Erwerbsarbeit zur Förderung suffizienter Lebensstile ? » (Le temps comme nouvelle richesse : réduire le temps de travail pour promouvoir les modes de vie éco-suffisants ?) vise à répondre à cette question. D’après Christoph Bader, coresponsable du projet, différentes études montrent qu’une réduction du temps de travail permet de préserver l’environnement. Il pense que seul un débat sociétal permettra de déterminer si une réduction du temps de travail est souhaitée.
« Au final, cela reflète ce qui est important pour nous en tant que société. Le célèbre économiste britannique John Maynard Keynes affirmait en 1930 qu’à l’heure actuelle, 15 heures de travail suffiraient à couvrir nos besoins. Une équipe de recherche de la New Economics Foundation propose une semaine de 21 heures, le Parti socialiste suisse, une semaine de 35 heures. » Dans l’idéal, Christoph Bader voit la transition vers un temps de travail réduit comme le fruit d’une coopération entre tous les acteurs sociaux. Il estime que l’évolution des valeurs telles que vécues par la génération Z, ainsi que le fait que le stress lié au travail coûte chaque année environ 6,5 milliards de francs à la Suisse, nécessitent de toute manière une adaptation des modèles d’horaires et des conditions de travail. « Les employeurs, de même que la sphère politique, sont dans l’obligation de promouvoir et d’exiger ces changements en mettant en place les conditions-cadres adéquates. »
uniquement les décideurs et les chefs d’entreprises qui souhaitent conserver leur style de vie. Les autres ne souhaitent pas non plus que leur niveau de vie soit menacé. Dans les périodes d’incertitude, on recherche ce qui nous est familier, comprenant aussi le fait de continuer à consommer comme avant.
Cependant, les jeunes sont de plus en plus convaincus qu’il faut consommer moins et se concentrer davantage sur le fait de tisser des liens, par exemple.
Vous avez effectué des recherches sur ce que l’on appelle les « points de bascule sociaux », c’est-à-dire les tournants décisifs. Comment se présentent-ils ?
Nous avons identifié des points de bascule possibles dans différents domaines. Dans le système financier, on peut faire en sorte que les investissements dans des projets impliquant les combustibles fossiles
ne soient plus rentables. Dans les villes, on peut promouvoir la construction respectueuse du climat. Mais d’autres domaines, tels que la publicité, auraient le potentiel nécessaire pour transformer la société de façon durable et à moindre effort.
Changer beaucoup de choses avec un minimum d’efforts, est-ce réaliste ?
Oui, c’est ce que montre le principe de Pareto, selon lequel environ 80 % des effets sont le produit de seulement 20 % des causes. Nous nous en sommes inspirés pour une publication. Le changement ne requiert pas nécessairement l’implication de la majorité. En effet, nous avons trouvé des indices clairs qui montrent qu’il suffit d’avoir le soutien de 25 % de la population totale pour atteindre un point de bascule social. Ensuite, une grande minorité peut rapidement se transformer en majorité. Ce genre
de points de bascule positifs revêt une grande importance dans les processus de transformation. Ils seront également intégrés au prochain « Global Tipping Points Report » (Rapport sur les points de bascule globaux) qui sera présenté à la COP30, la Conférence des Nations unies sur le climat qui se tiendra au Brésil en novembre 2025.
Existe-t-il des exemples historiques de transformations sociétales réussies ?
Absolument, l’abolition de l’esclavage en est un. Il s’agissait là moins de questions économiques que de questions morales. On peut en effet aussi voir les choses de cette manière : les esclaves étaient des sources d’énergie. A-t-on renoncé à l’esclavage lorsque les sources d’énergie fossiles sont apparues ? Non, on s’est accroché au système, entre autres parce que les esclaves coûtaient moins cher. Un contre-mouvement
ILONA OTTO
Elle est professeure en impacts sociétaux du changement climatique au Centre Wegener pour le climat et le changement global de l’Université de Graz. Polonaise d’origine, elle a étudié la sociologie et l’économie des ressources à Poznań, Rotterdam, Galway et Wageningen et a réalisé sa thèse de doctorat à l’Université Humboldt de Berlin. À Graz, elle dirige un groupe de recherche consacré à la complexité sociale et à la transformation systémique.
a commencé à se former par la suite. Le principal argument pour changer de système était le fait qu’il n’est pas correct de bâtir sa richesse sur la souffrance d’autrui. Lorsque ce mouvement moral est devenu suffisamment fort, la situation a effectivement évolué très rapidement. Le changement climatique génère aussi de la souffrance.
Mais une souffrance potentielle dans le futur n’est-elle pas moins tangible qu’un scénario de malaise social qui se joue sous nos yeux ? Il n’en va pas uniquement de l’avenir. La migration climatique par exemple est un phénomène qui se passe ici et maintenant. J’entends aussi souvent mes étudiants dire qu’ils ne veulent pas avoir d’enfants car ils sont conscients de la souffrance qu’ils devront endurer.
Que pouvons-nous faire pour que le pessimisme ne l’emporte pas et que nous puissions atteindre des points de bascule positifs également en matière de climat ?
Nous avons besoin de récits globalement efficaces et positifs. Actuellement, rien ou presque ne nous permet de nous représenter la vie en 2050. Il n’existe quasiment aucun livre pour enfants ni de film sur le sujet. Or, si nous ne pouvons pas nous figurer cet avenir, nous ne sommes pas non plus en mesure de le définir sur le plan politique.
À la place, nous ne cessons de nous raconter des histoires dystopiques. Le fait que les récits de crise soient plus attrayants est sûrement dû au fonctionnement de notre cerveau, c’est lié à l’attention. Mais lorsque les dangers et les problèmes nous dépassent, nous attendons sans rien faire. Dans ce cas, la colère ou l’enthousiasme peuvent être plus utiles car ils poussent à l’action et sont à l’origine de nouveaux mouvements tels que la « Klimajugend (la jeunesse du climat) ».
Quel rôle joue la technologie, selon vous ?
Je ne crois pas aux miracles techniques qui règlent tous les problèmes. Ni à l’exploitation des ressources spatiales, ni à la fusion
nucléaire comme solutions, tout du moins pas dans les prochaines années. À l’inverse, je ne crois pas non plus à un retour aux sources. Nous avons à disposition quelques technologies très utiles dont nous devons tirer parti. Comment pouvons-nous exploiter au mieux leur potentiel – et de la façon la plus juste qui soit ? Il est urgent d’améliorer nos recherches sur le sujet. Nous avons besoin d’utopies qui intègrent aussi la technologie, par exemple une économie circulaire conséquente, mais déjà intégrée dans le design des produits.
Quel est le rôle de la Suisse en tant que plaque tournante des matières premières et place financière mondiale dans le processus de transformation climatique ? Cela nous ramène à la question de la morale. Une partie du problème réside dans le fait que chacun peut exfiltrer son argent vers une destination financière sûre. Le capital va volontiers là où on le laisse tranquille et où il n’est soumis à aucune réglementation. On ferait sûrement un bon pas en avant en rendant ces flux financiers transparents et en veillant à ce qu’ils soient utilisés là où ils ont le moins d’impacts négatifs sur le climat. ●
EN BREF
Le principe de transformation s’intéresse à la capacité d’adaptation de la société, notamment face au changement climatique. Ilona Otto, spécialisée dans ce domaine, explique l’importance des points de bascule : le moment où, par exemple, l’investissement dans des projets en lien avec les énergies fossiles n’est plus rentable.
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-03
COPENHAGUE : EN ROUTE VERS LA NEUTRALITÉ CLIMATIQUE
La Ville de Copenhague est déjà très avancée en matière de discours social. En 2009, alors qu’elle accueillait la quinzième Conférence des Nations unies sur le climat, elle a annoncé vouloir devenir climatiquement neutre. Quinze ans plus tard, Copenhague est sur la bonne voie, grâce à une multitude de mesures environnementales et compensatoires. La moitié de la population de la ville se déplace à vélo, il y a des pistes cyclables ultralarges et des voies rapides pour vélos. Près de 70 % des rues sont désormais parcourues à vélo, en transports en commun ou à pied. Mauro Reina, l’ambassadeur de Suisse, en témoigne. « C’est peut-être lié à la situation du pays dans lequel je travaillais auparavant – Cuba –, mais depuis mon arrivée à Copenhague, je suis impressionné de constater à quel point les politiques publiques et les comportements privés ont évolué en matière de développement durable. »
D’autres villes danoises montrent aussi l’exemple. C’est le cas d’Aalborg, qui met en œuvre un grand projet impliquant la Suisse : la métropole danoise souhaite réduire ses émissions de CO2 de 160 000 tonnes par an au moyen de pompes à chaleur industrielles qui utilisent l’énergie marémotrice pour générer de la chaleur. Les pièces maîtresses du système sont fournies par l’entreprise zurichoise MAN Energy Solutions. « Au Danemark, tout n’est bien évidemment pas encore parfait, en particulier dans le domaine de l’agriculture, qui continue de fortement menacer l’environnement, ajoute l’ambassadeur Mauro Reina. Mais on va dans la bonne direction et il existe au sein de la sphère politique et de la population un consensus en faveur d’une plus grande durabilité. »
Les enjeux de la perception des risques
Comment les différents dangers environnementaux sont-ils appréhendés par la population ? De quelle manière cette perception influe-t-elle sur les comportements des uns et des autres ? Explications.
TEXTE : ERIK FREUDENREICH
Avalanches, crues, tremblements de terre : la Suisse n’est pas épargnée par les dangers environnementaux. Ainsi, au cours des cinquante dernières années, les dommages causés par des événements naturels ont atteint en moyenne 304 millions de francs par an, selon les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les crues d’août 2005 ont provoqué à elles seules des dégâts records pour un montant de 3,2 milliards de francs. Des événements qui pourraient augmenter tant en fréquence qu’en intensité en raison des changements climatiques, mais qui pourraient aussi toucher des régions du pays épargnées jusque-là.
CLIMAT ET DANGERS NATURELS
Comment les changements climatiques influencent-ils la perception des risques de la population ?
Une enquête réalisée l’an dernier par l’OFS indique que 41 % des personnes sondées disent percevoir des changements climatiques importants en Suisse, 48 % des changements légers et 11 % aucun changement. Paradoxalement,
ces observations ne se reflètent pas forcément dans les comportements des personnes interrogées, par exemple en matière de consommation d’énergie ou d’achat d’appareils électriques, relèvent les auteurs de l’étude.
« Certaines personnes minimisent l’impact sur les humains du changement climatique, ce qui peut influencer leur perception des risques et leur volonté de prendre des mesures de précaution. De manière générale, la conscience des risques varie considérablement en fonction des expériences personnelles et des contextes sociétaux, explique Elisabeth Maidl, sociologue et autrice de différentes études sur le sujet. Par exemple, les personnes vivant dans des zones déjà touchées par des catastrophes naturelles ont tendance à avoir une conscience des risques plus élevée. Cependant, cette relation n’est pas linéaire et d’autres facteurs comme la possibilité d’influencer les événements, la confiance dans les autorités, et le degré d’engagement social jouent également un rôle crucial. »
Dans les zones alpines, la conscience des risques est aussi souvent plus marquée en raison des expériences transmises de génération en génération. « À l’inverse, dans les zones urbaines comme le Plateau, où la densité de population et les infrastructures sont plus importantes, cette conscience est moins présente, même si les dommages potentiels y sont plus élevés. » La relation entre la conscience du risque et le comportement
préventif n’est toutefois pas linéaire. L’expérience personnelle et le sentiment d’efficacité personnelle constituent d’autres facteurs clés de la motivation à prendre des mesures de précaution. La possibilité d’influer sur les effets des événements joue également un rôle, tout comme la confiance dans les autorités et les forces d’intervention et le degré d’engagement social. « Les personnes qui participent activement à la vie de la communauté peuvent également mieux situer les risques liés aux dangers naturels dans le contexte local. Les connaissances, les opinions et les attitudes locales sont en outre fortement influencées par l’environnement social. Les comprendre et s’y référer facilite la communication et peut avoir un effet décisif sur l’acceptation des interventions. »
Impacts en cascade
S’y ajoute le fait que les changements climatiques provoquent des situations complexes, en cascade, note Stéphane Losey, chef de la section Glissements de terrain, avalanches et forêts protectrices au sein de l’OFEV. « C’est particulièrement vrai en montagne, où par exemple un glissement de terrain dû au réchauffement du pergélisol peut ensuite impacter plusieurs autres processus. » Une collaboration entre les scientifiques, les autorités locales et la population est essentielle pour développer des stratégies efficaces face à des phénomènes imprévisibles et intenses. De plus, une bonne communication avec la population est importante afin que les personnes soient sensibilisées et préparées à ce qui peut se passer.
La population suisse montre une grande confiance dans les autorités, ce qui facilite la communication sur les risques anciens et nouveaux. Cependant, cela entraîne également des attentes élevées en termes de protection et de gestion des risques. « Les autorités doivent donc maintenir un dialogue constant et ouvert avec la population pour assurer une compréhension et une acceptation mutuelles des mesures prises », dit Elisabeth Maidl. Des initiatives comme la création de cartes de dangers participatives peuvent aider à impliquer les habitants et à renforcer la culture de la sécurité.
Communication bidirectionnelle L’an dernier, la vie dans le village de Brienz (GR) a été bouleversée : près de 1,2 million de mètres cubes de roches se sont détachés de la montagne qui surplombe la localité. 84 personnes ont dû être évacuées à titre préventif. Une galerie de drainage est prévue pour ralentir le glissement du village, mais l’incertitude géologique persiste, créant une ambiance d’anxiété constante pour les habitants.
Une hot-line a été mise en place par les autorités pour canaliser les demandes et diffuser des informations. Elle a enregistré plusieurs centaines d’appels au plus fort de la crise, y compris de nombreuses personnes solidaires de toute la Suisse offrant des solutions d’hébergement. L’outil a joué un rôle crucial dans le soutien psychosocial, en écoutant les préoccupations des habitants et en dirigeant les appels vers les personnes compétentes, explique Jürg Maguth, psychothérapeute et responsable de la hot-line.
« Elle a été un outil précieux de médiation pour résoudre les conflits et empêcher l’escalade des tensions psychosociales. De plus, elle a servi de point de contact entre le comité de direction communal et la population, assurant une circulation bidirectionnelle de l’information. »
Malgré la gravité de la situation, les habitants semblent avoir développé une forme de résilience. Ils ont appris à vivre avec le danger, adoptant une approche pragmatique, souligne Jürg Maguth.
« Par exemple, les agriculteurs continuent de travailler leurs champs malgré les ravins et fissures qui apparaissent soudainement. »
La commune envisage de maintenir la hot-line jusqu’à ce que la situation se stabilise. Le succès de cette approche a conduit d’autres communes à envisager de mettre en place des systèmes similaires de manière proactive. « Cela a aussi montré l’importance d’une approche intégrée, combinant expertise technique et soutien psychosocial », conclut Jürg Maguth.
LA 5G, ENTRE CRAINTES ET AVANTAGES CONCRETS
Comment l’acceptation de cette nouvelle technologie de téléphonie mobile a-t-elle évolué au cours du temps ?
En 2019, l’introduction de la technologie 5G en Suisse a suscité un vif débat public. Certains y voyaient une avancée technologique essentielle, tandis que d’autres craignaient des effets sanitaires et environnementaux potentiels.
Une étude de l’Institut de psychologie de l’Université de Zurich a identifié plusieurs facteurs clés influençant la perception des risques liés à la 5G. « La confiance dans les
autorités de régulation est importante : plus celle-ci est faible, plus la perception du risque est élevée, explique Clara Balsiger, collaboratrice scientifique au sein de la section Rayonnement non ionisant (RNI) à l’OFEV. De même, les personnes se considérant comme électrohypersensibles perçoivent un risque plus élevé. À l’inverse, une meilleure connaissance objective de la 5G est associée à une perception du risque réduite. »
Valeurs limites contre le rayonnement L’effet du rayonnement de la téléphonie mobile sur l’humain dépend de sa fréquence et de son intensité. La 5G utilise actuellement des fréquences déjà employées pour la téléphonie mobile et les réseaux sans fil. Il existe un certain nombre d’études qui abordent la question des effets sanitaires ou biologiques dans ces gammes de fréquences. Certains effets sont bien connus et avérés, tels que la capacité de réchauffer un corps ou les parties d’un corps. « La législation protège la population contre ces effets liés au rayonnement issu d’antennes de téléphonie mobile, dont les antennes 5G. Elle fixe des valeurs limites d’émissions qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent se trouver. »
En dessous de ces limites, certains effets biologiques ont été observés, mais les éléments disponibles ne permettent pas d’affirmer qu’il existe un risque pour la santé. « La Suisse applique donc le principe de précaution en limitant davantage l’exposition de la population au rayonnement non ionisant (RNI) dans les lieux où les personnes séjournent régulièrement (p. ex. logements, écoles, hôpitaux) », explique Clara Balsiger. Ce principe de précaution, inscrit dans la loi sur la protection de l’environnement, est concrétisé par les valeurs limites préventives dans l’ordonnance sur la protection contre le RNI (ORNI). Ces valeurs limites préventives visent donc à limiter toute atteinte potentiellement nuisible et sont, pour la téléphonie mobile, dix fois plus basses que les valeurs limites d’émmissions. Le Conseil fédéral a confirmé qu’il n’entendait actuellement pas modifier ces valeurs limites en réponse aux préoccupations liées à la 5G.
Mesures d’accompagnement L’OFEV suit de près les avancées de la recherche sur les effets potentiels du rayonnement non ionisant (RNI). Il a notamment créé un groupe consultatif d’experts en matière de RNI (BERENIS) pour examiner et évaluer les nouveaux travaux scientifiques.
En plus, plusieurs mesures ont été lancées pour accompagner l’introduction de la 5G.
« L’OFEV encourage la recherche sur les effets du RNI, finançant actuellement plusieurs projets interdisciplinaires, indique Clara Balsiger. L’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg a mis en place, sur mandat de l’OFEV, le Réseau suisse de conseil médical sur le RNI (MedNIS), actif depuis septembre 2023, pour aider les personnes qui se considèrent électrosensibles. »
Un monitoring périodique de l’exposition au RNI a également été instauré. Depuis 2021, des mesures sont effectuées dans toute la Suisse dans des espaces publics extérieurs et intérieurs typiques, ainsi que dans des habitations privées. Les résultats montrent une exposition modérée et respectant les bases légales de protection de la santé.
Enfin, pour renforcer l’information et la sensibilisation de la population, l’OFEV, l’Office fédéral de la communication et l’Office fédéral de la santé publique ont développé un site internet dédié (www.5g-info.ch), qui vise à répondre aux principales questions sur la téléphonie mobile et la 5G. ●
EN BREF
La conscience des risques et le changement de comportement face à l’environnement varient en fonction des expériences personnelles et du contexte sociétal dans lequel la personne évolue. Le degré de confiance dans les autorités joue aussi un rôle majeur.
CONTACT
Stéphane Losey
Chef de section Glissements de terrain, avalanches et forêts protectrices, OFEV stephane.losey@bafu.admin.ch
Par rapport aux enjeux environnementaux, les citoyens n’agissent pas toujours autant qu’ils le voudraient. Des solutions simples permettent de les influencer.
INFRASTRUCTURES
La présence de nombreuses pistes cyclables facilite l’usage du vélo.
INFORMATIONS
En expliquant au consommateur qu’il ne va pas s’empoisonner en mangeant un produit dont la date de péremption est passée, on réduit le gaspillage alimentaire.
INCITATIONS
Une cafétéria peut favoriser l’option végétarienne en la proposant avant l’option carnée.
NUDGING
Le nudging permet d’inciter les individus à faire certains choix grâce à des suggestions indirectes. Exemples.
LA COMPARAISON
Un bilan de la consommation électrique comparé à celui du voisinage conforte les bonnes habitudes et tend à réduire la consommation des foyers au-dessus de la moyenne.
LE JEU
Un cendrier à deux ouvertures affiche une question, du type : « fondue ou raclette ? » En incitant à répondre, on évite que le mégot finisse par terre.
LE STANDARD
Le cerveau a tendance à choisir la simplicité : l’option la plus simple (choix par défaut) doit donc être favorable à l’environnement. Certaines imprimantes impriment par défaut en recto verso.
LA SIMPLIFICATION
Attribuer un label à un appareil (au lieu d’indiquer sa consommation énergétique) permet d’encourager les consommateurs à le choisir.
pprendre à rouler à vél o Savoirtrier sesdéchets
Existence de magasinsproposantdesproduits locaux APrésencedepistescyclables ccèsàuncentredetri
Trouver de la satisfaction dans l’action pour l’environnement
Constater que son entourage fait également des efforts
Les facteurs sont des éléments qui peuvent mener à une action. Ces éléments concourent à un résultat, positif ou négatif. Reconnaît releslégumesde saison
Plus les conséquences sont éloignées géographiquement, moins elles influenceront nos comportements
BIAIS
Un biais est une déviation de la pensée rationnelle.
Exemple : une volonté sincère de réduire les risques peut être atténuée par la distance géographique ou temporelle des conséquences.
Plus l’effet est lointain dans le temps, moins on aura tendance à se sentir concerné
Exemple
Le risque que des îles du Pacifique soient englouties a moins d’impact que celui d’inondations en Suisse.
Exemple
Les rapports du GIEC donnant les différents scénarios pour 2100 préoccupent moins que la fin du ski dans les stations de basse altitude dans les prochaines années.
LE DÉNI MOTIVÉ
Nier la réalité pour préserver son confort.
« Je ne change pas mes habitudes car selon moi, le climat est cyclique : il y aura bientôt un refroidissement global. »
LA PENSÉE MAGIQUE
Refuser la réalité en se réfugiant dans la superstition. « Mes enfants sont nés sous une bonne étoile : ils ne vont pas souffrir des effets du réchauffement. »
OBSTACLES
Divers facteurs psychologiques peuvent bloquer l’action. Exemples.
LA PERCEPTION DE L’INÉGALITÉ
Minimiser son rôle en accusant les autres.
« À quoi bon agir à ma petite échelle, alors que Taylor Swift multiplie les voyages en jet privé ? »
VISUALISATION l’environnement
LA FAUSSE COMPENSATION
Surpondérer les petits gestes pour se donner bonne conscience.
« Je suis végétarien, donc je n’ai pas besoin de faire d’autres efforts. »
L’être humain n’agit
pas toujours
rationnellement
L’adoption d’un comportement respectueux du climat ne dépend pas seulement des connaissances. Les individus sont aussi influencés par leurs émotions. Mais lorsque l’effet d’une action n’est pas directement perceptible, le changement peut se révéler encore plus complexe.
TEXTE
:
LUCIENNE REY
Que pouvons-nous savoir, et comment être sûr de savoir quelque chose ? Depuis Socrate, la philosophie n’a cessé de traiter cette question. La psychologie environnementale ne se limite pas à l’expérience de pensée, mais se projette vers l’action. Elle cherche ainsi à découvrir comment les connaissances, et donc aussi l’absence de connaissances, influencent les actions qui ont un impact sur l’environnement.
La connaissance : plus qu’une accumulation de faits À ses débuts, au cours des années 1970, la psychologie environnementale repose sur un modèle linéaire simple, selon lequel il suffirait de modifier l’attitude des individus par l’information pour les amener à agir de manière respectueuse envers l’environnement. Les résultats de recherches ainsi que l’échec de nombreuses campagnes menées par les autorités environnementales et les ONG montrent aujourd’hui que cette vision s’avère trop simpliste. « Les campagnes
d’information qui ne transmettent que des connaissances ne modifient pas les comportements », confirme Tobias Brosch, qui dirige, en tant que professeur de psychologie du développement durable, un groupe de recherche à l’Université de Genève.
Désormais, les spécialistes différencient plusieurs types de connaissances. Celle liée à des faits, par exemple sur les dommages causés par les gaz à effet de serre ou les microplastiques dans l’environnement, et celles qui influencent nos actes, comme les informations sur la manière dont il est possible d’atteindre un objectif ou l’efficacité de certaines mesures. Par ailleurs, la connaissance sociale de la manière dont se comportent les autres a aussi de l’importance. « Ce n’est que quand les différentes formes de connaissances convergent qu’elles influencent l’action », explique Tobias Brosch.
L’ignorance renforce la peur Trop souvent, l’ignorance, couplée à la peur, mène à endommager la
nature. Dans les Alpes, le gypaète barbu a été exterminé, car il avait pour réputation de tuer les agneaux et les petits enfants. Pourtant, le vautour s’empare avant tout de cadavres et ne tue que très rarement ses proies. Il en va de même par rapport à l’attitude envers les araignées : nourris par des représentations véhiculées par le cinéma et les médias, beaucoup attrapent l’aspirateur dès qu’un de ces arthropodes fait irruption dans la maison. Les araignées régulent pourtant les populations d’insectes et servent de nourriture pour d’autres animaux.
Tenir compte des émotions
Le changement climatique est également vecteur d’une charge émotionnelle forte. C’est un sujet d’actualité autant dans la recherche que dans le débat public. Cependant, il est aussi le symbole d’un avenir imprévisible et donc menaçant. Dès 1989, l’auteur américain et activiste pour le climat Bill McKibben parlait de la « fin de la nature ». Il parlait de nos représentations du monde et de la place que l’humain y occupe.
Le gypaète barbu a été exterminé dans les Alpes, car on pensait, à tort, qu’il s’attaquait aux agneaux et même aux petits enfants. Depuis 2015, une population de gypaètes s’y est à nouveau établie.
L’incertitude quant à l’avenir de la planète suscite un large éventail de réactions, comme le montrent de nombreuses études de psychologie environnementale. Certains cherchent des échappatoires en niant les problèmes, tandis que d’autres misent sur des solutions technologiques. D’autres encore se sentent découragés et incapables d’agir. « Dans les faits, ce ne sont pas les connaissances qui paralysent principalement les gens », nuance Tobias Brosch. Les connaissances opèrent plutôt « un détour par les émotions », qui peuvent aussi avoir un impact positif. Si à la connaissance factuelle et pratique s’ajoute une vision positive de l’avenir, le mélange de peur et d’espoir peut conforter les individus dans la modification de leur comportement.
Dépasser ensemble les blocages Michael Brodard aide les individus à surmonter la peur qui les paralyse. À Aquatis, le vivarium et aquarium de Lausanne, il dirige des ateliers destinés aux personnes qui craignent les araignées. « Dans nos ateliers, il est beaucoup question de la biodiversité et du rôle écologique des araignées », explique Michael Brodard.
Les connaissances factuelles sont complétées par des séquences d’observation. Avec le temps, beaucoup de participants osent même toucher l’animal. L’effet de groupe aide à surmonter la peur.
La conscience de ne pas être seul à agir peut aussi inviter à s’engager activement pour la protection du climat ou de la biodiversité. Par exemple, des volontaires se retrouvent depuis 1970 pour nettoyer la roselière de la Réserve naturelle des Grangettes (VD), à l’extrémité du lac Léman. Leur action consiste à libérer les plantes et ramasser les détritus. En 2024, les volontaires ont ramassé huit mètres cubes de déchets en un week-end. « Les gens sont étonnés quand ils voient la masse de plastique dans une aire protégée, raconte Romain Dupraz, gestionnaire de la réserve naturelle. On trouve même des bouts de plastique dans les sédiments, jusqu’à un mètre de profondeur. » Les volontaires sont motivés par l’importance du « nettoyage de printemps » de la roselière. Depuis le changement de millénaire, ce lieu, qui regroupe des plantes de la famille des roseaux et constitue un biotope pour de
nombreuses espèces végétales et animales, a doublé de surface.
Dans la forêt de l’Höhronen, un projet fait école. Il s’agit de régler les conflits avec les vététistes. « Après le COVID-19, le nombre de vététistes a bondi et la forêt est devenue un lieu de récréation », explique le garde forestier Pirmin Schuler. Les vététistes ont créé des pistes illégales et ont éliminé les arbres qui les gênaient.
Pour résoudre le problème, Pirmin Schuler a préféré miser sur le dialogue. Il a ainsi défini, en collaboration avec les vététistes, quatre corridors pour créer des pistes. L’OFEV s’est associé au projet en couvrant la moitié des coûts de surveillance et en donnant des conseils techniques. Le dispositif a rencontré un succès inattendu : 95 % des vététistes ont respecté l’accord. C’est un milieu dans lequel tout le monde se connaît, un facteur important dans la transmission des connaissances. « Beaucoup n’avaient pas pensé que le gibier pouvait être perturbé. Et un gibier stressé consomme plus d’énergie pour fuir et détruit davantage les arbres. » Les explications des gardes forestiers ont agi sur les vététistes.
Combler l’écart entre la connaissance et la pratique
Ces exemples montrent que les connaissances factuelles pratiques et sociales, associées aux conclusions tirées face à l’efficacité des mesures, permettent de modifier les comportements pour le bien de l’environnement. Cependant, les informations ne suffisent pas toujours à combler l’écart entre la connaissance et les actes. Ce fossé s’élargit à mesure que la distance spatiale et temporelle entre les actions et leurs effets grandit. Par exemple, lorsque les conséquences ne sont perceptibles que dans un pays éloigné ou plusieurs années après. La psychologie environnementale parle de distance spatiale et temporelle.
Les valeurs sociales et les habitudes exercent aussi une influence considérable sur les actes. Il est d’autant plus important de ne pas mettre uniquement les individus à contribution pour trouver des solutions aux problèmes environnementaux, insiste Andreas Ernst, professeur en analyse des systèmes environnementaux à l’Université de Kassel. Ainsi, des transports performants et une plus grande internalisation des ressources consommées incitent à agir de manière plus respectueuse de l’environnement. ●
EN BREF
L’adoption d’un comportement respectueux du climat n’est guidé que partiellement par nos connaissances. Des émotions telles que la peur ou l’incertitude ainsi que le comportement des autres jouent aussi un rôle important. Cependant, certains succès montrent que lorsque les connaissances sont associées à des effets observés concrètement, les comportements s’adaptent en faveur de l’environnement.
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-05
Un bénévole en train de ramasser des déchets à Villeneuve, dans la réserve naturelle des roselières lacustres des Grangettes, au bord du lac Léman. En 2024, huit mètres cubes de déchets ont été récoltés en un seul week-end.
Chasser pour protéger la faune
Sarah Moritz a grandi dans une famille de chasseurs. Maintenant, elle va elle-même à la chasse à l’affût. Tirer constitue pourtant une part minime de son activité. Portrait.
TEXTE : SARAH C. SIDLER
PHOTOS : SASKJA ROSSET / LUNAX
Sarah Moritz vient de terminer son examen de chasse et peut donc partir seule, pour la première fois.
Lentement, pas à pas, en veillant toujours à faire le moins de bruit possible, Sarah Moritz avance sur le chemin de graviers bordé de prairies. Bien que nous soyons déjà fin mai, la chasseuse est habillée chaudement pour la chasse du jour : grosses chaussures, pantalon imperméable marron foncé et deux épais blousons vert olive, typique de la chasse, qui tranche avec le violet de son bonnet. L’arme chargée pend à son épaule. Soudain, cette femme sportive de 38 ans s’immobilise et met son index sur sa bouche. Silence. Des chevreuils pourraient se trouver derrière la colline. Il y a de la tension dans l’air. Fausse alerte, malheureusement. Aujourd’hui, il faudra chercher les animaux ailleurs que dans cette zone de Lauwil, dans l’une des deux réserves de chasse du Baselbiet. Il pleut légèrement, le vent souffle et le crépuscule fait place à la nuit. Bientôt, il fera trop sombre pour chasser.
Après avoir réussi son examen de chasseuse, Sarah Moritz peut, pour la première fois, aller seule à la chasse. Elle connaît très bien cette réserve Elle sait d’où vient le vent, combien de chevreuils y circulent
et elle est capable d’identifier les voies de déplacement de la faune. Originaire du Baselbiet, elle a souvent sillonné les collines audessus de Lauwil avec son père, au cours de ces deux dernières années, durant sa formation. « Il m’a beaucoup transmis et je profite encore de ses vastes connaissances. » Aujourd’hui, il lui laisse souvent la priorité, afin de lui permettre de faire ses propres expériences. Et cela la motive. « Ce qui me passionne, lors des chasses individuelles, c’est de rechercher les animaux et de développer des stratégies en autonomie. »
Suivre les traces des chevreuils « La chasse occupe toute ma vie depuis mon enfance. » Jusqu’à l’âge de 20 ans, elle accompagne souvent son père dans les deux réserves de chasse. Il faudra attendre dix ans supplémentaires avant que l’appel de la forêt se fasse plus pressant. De retour en forêt, c’est une évidence. « C’est là que je me sentais à la maison. »
La nuit tombe, les contours s’estompent peu à peu. Des pins noueux se balancent dans le vent frais, le
cerfeuil sauvage brille dans les herbes hautes. La chasseuse avance lentement et montre du doigt une zone dégagée, où le sol a été gratté. « Ces traces révèlent la présence de chevreuils. Ces animaux possèdent en effet des glandes odoriférantes entre leurs sabots, avec lesquelles ils marquent leur territoire. » Les yeux à nouveau rivés sur la colline d’en face, elle saisit lentement ses jumelles et balaie la prairie des yeux. Elle s’immobilise au milieu et murmure : « Voilà la vieille chevrette que je suis depuis longtemps. Elle a enfin mis bas. » La chevrette s’allonge sur son petit, comme si elle avait instinctivement perçu le regard de la chasseuse. Le faon se dégage sur le côté, fait quelques sauts maladroits puis s’immobilise. « Un chevreau. » Sarah Moritz le reconnaît à la position que prend le jeune animal pour uriner.
Traquer un animal
Ces animaux ne sont cependant pas destinés à la chasse. Le mandat de Sarah Moritz consiste à abattre un mâle d’un an aux bois peu développés, un animal assez chétif. La chasseuse reconnaît les chevreuils de son domaine à leur museau, la zone
Les chevreuils ne sont pas destinés à la chasse dans cette forêt, sauf s’ils présentent des maladies.
En plus de la gestion de la faune, la collaboration avec les associations de protection ou l’aide aux agriculteurs, pour clôturer un champ, par exemple, font aussi partie des missions de la chasseuse.
Une pierre à sel est disposée sur le haut d’un tronc, elles profitent autant aux chevreuils qu’aux renards, sangliers et blaireaux qui lèchent l’eau salée qui s’écoule le long du tronc lorsqu’il pleut.
autour des narines. Les museaux présentent des formes et des couleurs caractéristiques – comme des empreintes digitales. L’animal recherché ne fera pas son apparition ce soir. Mais cela ne pose aucun problème à Sarah Moritz. « Tirer des animaux, c’est la plus petite partie de la chasse. » Sa passion ne vient pas de là : « Je suis fascinée par le côté incontrôlable des moments passés en forêt. J’aime être dans la forêt, par tous les temps. » En chassant, elle vit chaque moment intensément. Pour elle, chasser, c’est vivre pleinement.
Autorisée à chasser sur deux territoires, elle passe beaucoup de temps dans les bois : deux matinées et une soirée par semaine, et un week-end sur deux. Pour cette mère célibataire et peintre en bâtiment à temps partiel, cela requiert une bonne gestion du temps. Elle peut compter sur sa mère, sa sœur et son compagnon, chasseur lui aussi.
Du sel pour la faune
Cet après-midi, avant la chasse du soir, Sarah Moritz s’était déjà rendue dans le deuxième domaine, situé environ 400 mètres plus bas, près de Liestal, pour contrôler une partie de l’infrastructure nécessaire à la chasse. Là-bas, la forêt est dominée par des hêtres d’un vert intense,
les arbres sont plus denses qu’en haut des collines de Lauwil. Afin de recenser les animaux sauvages et d’élaborer la stratégie de chasse adaptée, Sarah Moritz pose des caméras de chasse et relève les empreintes. « Ces marques indiquent la présence de chevreuils », explique la chasseuse en montrant un petit tronc dont une partie de l’écorce a été raclée par des bois.
Les photos prises par l’appareil photo à détecteur de mouvement placé près de la pierre à sel dans la forêt de Liestal sont très révélatrices. Le garde-chasse du coin y a placé un morceau de sel minéral pour les chevreuils sur un tronc d’arbre scié à près de deux mètres de hauteur. La souche est assez abîmée et bancale après le passage de sangliers. « Je pense que nous devrons bientôt demander une nouvelle souche au garde forestier. » En plus des photos de la caméra de chasse, les différentes empreintes d’animaux dans la terre humide autour de la pierre à sel révèlent que les chevreuils ne sont pas les seuls à apprécier les minéraux, mais que les sangliers, les renards et les blaireaux en sont également friands. Ils lèchent l’eau salée qui s’écoule le long du tronc lorsqu’il pleut. Depuis que les chasseurs dispersent des
pierres à sel dans la forêt pour les animaux, il y a moins d’accidents avec des animaux sauvages en hiver, explique Sarah Moritz. Avant, les chevreuils léchaient parfois le sel des routes pour trouver les minéraux dont ils ont besoin. »
L’instinct des sangliers
La mise à disposition de pierres à sel ne représente qu’une partie des travaux d’entretien que les chasseuses et chasseurs doivent effectuer sur leurs territoires. « Nous aidons par exemple les associations de protection de la nature, nous faisons du travail de relations publiques, nous sauvons les faons menacés par les moissonneuses et il nous arrive aussi d’aider des agriculteurs à clôturer des champs régulièrement labourés par les sangliers et leurs marcassins en quête de nourriture. »
Pour pouvoir chasser activement le sanglier, le père de Sarah Moritz a installé il y a des années un agrainoir, c’est-à-dire un distributeur de nourriture, dans la forêt de Liestal, ainsi qu’un mirador, une petite cabane en bois posée sur une échelle. De l’intérieur, un volet s’ouvre pour permettre d’observer les animaux sans être vu. Les sangliers ne doivent pas sentir les chasseurs.
« Nous devons toujours tenir compte du sens du vent », explique Sarah Moritz. Le sol autour de l’agrainoir est creux et humide. Plus aucune plante n’y pousse depuis des années. Des empreintes fraîches dans le sol de la forêt témoignent de la visite d’une compagnie au complet. Comme si ces sangliers savaient qu’ils ne pouvaient être chassés dans la forêt que pendant les mois d’hiver.
Chasser pour l’écosystème
Depuis le début de son premier mois comme chasseuse active, Sarah Moritz n’a encore tiré sur aucun animal. « Je me pose beaucoup de questions sur ce moment », dit-elle. Pour moi, chasser, c’est protéger la nature avec une arme. J’ai un grand respect pour cette mission et je suis consciente de ma responsabilité. »
Pratiquée en respectant la déontologie, la chasse peut contribuer à maintenir l’équilibre de l’écosystème en forêt. Pour Sarah Moritz, l’abattage doit avoir un sens, par exemple abréger les souffrances d’un animal malade ou réguler une population excédentaire. « J’ai mes principes. Je ne tirerai pas tant que cela ne sera pas nécessaire. »
L’animal abattu doit pouvoir être valorisé au maximum. Sarah Moritz et son partenaire n’hésitent donc pas à recueillir la graisse des blaireaux abattus pour fabriquer de la pommade.
Dans la mesure du possible, ils donnent ensuite la précieuse fourrure des renards pour qu’elle soit transformée.
C’est aux chasseurs qu’il incombe d’ouvrir et de vider les dépouilles. « Si je chasse avec mon partenaire, c’est moi qui m’en charge », raconte-t-elle. Les entrailles de l’animal sont retirées sur place, dans la forêt. Ensuite, les chasseurs portent l’animal jusqu’à la voiture et le conduisent à la chambre froide de la société de chasse. Un échantillon de muscle du sanglier abattu doit toujours être envoyé à un laboratoire spécialisé. Cela permet de s’assurer que la viande n’est pas infestée de trichines, des vers résistants susceptibles de provoquer la trichinellose chez l’homme après la consommation de viande de sanglier.
Le dépeçage et la découpe des animaux chassés sont ensuite effectués par le boucher du village. Dès réception des documents d’accompagnement du laboratoire, les animaux sont mis en vente par la société de chasse. Il est évident qu’une partie de la viande revient aux chasseurs et aux chasseuses. Donc notamment à Sarah Moritz. « Je consomme du gibier en sachant exactement dans quelles conditions chaque animal est mort, explique la chasseuse. Ce sont ces valeurs que nous voulons transmettre à nos enfants. »
PETIT LEXIQUE DE LA CHASSE
- Agrainoir distributeur de nourriture permettant d’appâter les sangliers
- Bêtes noires sangliers
- Chasse à l’affût technique de chasse lors de laquelle le chasseur avance silencieusement contre le vent afin de s’approcher le plus près possible du gibier
- Chevrette femelle du chevreuil
- Compagnie groupe de sangliers
- Crépuscule conditions de luminosité suffisantes pour la chasse
- Marcassin jeune sanglier
- Mirador poste surélevé
- Ongulés sangliers
- Ouvrir une dépouille vider les entrailles
- Voie de déplacement de la faune chemins empruntés régulièrement par les ongulés
CONTACT
Hans Romang Chef de division biodiversité et paysage, OFEV johann.romang@bafu.admin.ch
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-06
La petite cabane en bois permet à la chasseuse de se cacher pour observer les sangliers. Elle tient aussi compte du sens du vent, pour que les bêtes ne la sentent pas.
Les arbres aussi vont à l’école
En complément des cours de sciences naturelles donnés en classe, les activités en plein air permettent aux élèves de primaire de découvrir et d’expérimenter la nature urbaine. Notamment les arbres. Reportage à Berne.
TEXTE : LISA STALDER
PHOTOS : CAROLINE KRAJCIR / LUNAX
Dans un platane, deux corneilles se disputent. Elles battent vigoureusement des ailes, sautent de branche en branche et croassent sans cesse. Sous l’imposant platane, la Tellplatz, située dans le quartier de Breitfeld, à Berne, est encore calme. Judith Büsser, spécialiste en environnement, dispose 24 coussins en rond devant une roulotte colorée. Bientôt, les élèves de 3e et 4e primaire de l’école voisine de Breitfeld rejoindront la spécialiste de l’environnement devant le « Wildwechsel », le centre mobile de découverte de la nature.
Ce matin, ils ne vont pas à l’école, mais profitent d’un cours en extérieur. Cette offre du Service des espaces verts de Berne permet aux classes primaires de la région de découvrir la nature deux à quatre fois par an. Les enfants suivent les traces de renards, de chevreuils et de couleuvres dans la forêt voisine, testent l’effet apaisant du plantain lancéolé sur les piqûres de moustique ou étudient les micro-organismes
vivant dans les eaux semi-naturelles à l’aide d’une épuisette et d’une loupe. Souvent, dans le jardin des découvertes du parc Elfenau, ils aident à désherber, pailler, composter, arroser ou récolter, en fonction de la saison.
Même les arbres vont à l’école Pour la classe de 3e et 4e primaire de Caroline Gilgen, l’accent est mis sur la nature de leur quartier en ce matin de mai. Ou plus exactement sur les arbres de la ville, car ils favorisent le climat et le bien-être de la population du quartier et offrent un habitat essentiel aux petits mammifères, aux oiseaux et aux insectes. Les élèves ignorent encore tout cela quand ils s’installent autour de Judith Büsser, qui donne quelques indices sur le sujet d’étude aux enfants : il donne de l’ombre lorsqu’il fait chaud, nettoie l’atmosphère et offre de la nourriture aux êtres humains et aux animaux. Tous les enfants lèvent la main. Judith Büsser ajoute une information : « Certains vont même à l’école. »
Les fronts se plissent. « Comment ça ? Trop drôle », souffle un enfant. Cela semble difficile à imaginer. « La plupart des arbres qui poussent en ville proviennent d’une sorte d’école, explique Judith Büsser. Ils ont été préparés à la vie urbaine afin de pouvoir grandir majestueusement sur la terrasse de la collégiale, devant le Palais fédéral ou dans le Rosengarten. Les arbres de votre cour de récréation sont probablement aussi allés à l’école un jour. »
Observer, découvrir, explorer La classe quitte la Tellplatz pour l’église Saint-Marc. Pendant cette courte promenade, les enfants sont invités à ramasser ce qui est tombé des arbres. Ils utilisent ensuite les branches, les graines, les fleurs, les pives, les morceaux d’écorce et les feuilles de toutes sortes qu’ils ont récoltés pour reconstituer un arbre sur une toile. La plus grosse branche sert de tronc, les plus petites représentent les grosses branches et les enfants disposent ensuite les feuilles,
Une classe de primaire profite d’un cours en plein air. Proposée par le Service des espaces verts de Berne, l’activité permet aux enfants d’approcher la nature sur le terrain, en réalisant des créations à partir d’éléments naturels ou en participant à divers jeux.
Emad, 10 ans, a même pu se suspendre à une branche, équipé d’un baudrier et d’un casque.
les graines et les fleurs. Alors que les élèves contemplent leur œuvre, Luzia place une branche très ramifiée au bas du tronc. « Il n’avait pas de racines », explique la fillette de 9 ans.
Il semble évident que les enfants connaissent déjà le sujet. La maîtresse le confirme : « Nous avons étudié les plantes l’année dernière. Les enfants appliquent à présent leurs connaissances. » Judith Büsser considère que cette entrée en matière est idéale. En effet, les différents ateliers des classes vertes sont conçus de manière à compléter les thèmes du cours sur la nature, l’être humain et la société, en laissant les enfants observer, découvrir et explorer directement la nature. « L’objectif est que les enfants relaient les expériences faites dans la nature et effectuent leurs propres expériences. »
Un équivalent du jardin scolaire Quel est le but des classes vertes ?
« Les classes vertes ont débuté il y a plus de vingt ans, explique Nik Indermühle, responsable de projet Nature et écologie au Service des espaces verts de Berne. À l’époque,
de nombreux jardins scolaires étaient abandonnés ou utilisés à d’autres fins. L’ancien service de la ville dédié aux espaces verts a donc cherché une solution pour que les enfants puissent continuer d’accéder à la nature. Cela s’est fait assez simplement. » Ursula Miranda, spécialiste de l’environnement travaillant toujours dans les classes vertes, a donc été chargée de proposer quelque chose, comme raconte Nik Indermühle. Elle a alors supervisé l’élaboration du jardin des découvertes dans une zone du parc Elfenau.
Cela a marqué le début d’un projet fructueux. Depuis, l’offre n’a cessé de s’étoffer. Le projet « Wildwechsel » est né en 2015 suivant la volonté de rapprocher également la population de la nature urbaine. De mai à septembre, le centre mobile de découverte de la nature se déplace d’un quartier de Berne à l’autre pour mettre les sciences naturelles à portée de tous. La roulotte « Wildwechsel » n’est pas uniquement destinée aux classes scolaires, mais aussi aux habitants du quartier. En se promenant dans le quartier, on apprend, par exemple, où est l’endroit
préféré des lézards, des tritons alpestres ou des orvets, comment les corneilles communiquent ou encore que plus de 600 sortes de champignons poussent en ville de Berne.
Ces promenades sont appréciées, surtout que la nature urbaine a pris énormément d’importance ces dernières années. De plus en plus de mesures sont prises pour créer des espaces verts : desceller les sols, végétaliser les toits et concevoir des jardins urbains. « La sensibilisation s’accentue et cela se ressent aussi dans les activités vertes pour lesquelles nous faisons face à une importante demande », explique Nik Indermühle.
Les élèves de Caroline Gilgen, quant à eux, sont occupés à se transformer en arbre. Au milieu, deux enfants miment le tronc, tandis que les autres jouent les branches, les feuilles et les fruits autour d’eux. En dernier vient l’écorce, un véritable écran de protection pour l’arbre, car les menaces sont nombreuses. Judith Büsser sort un couteau de poche et fait mine de graver un cœur dans l’écorce mimée par les enfants, ouvrant ainsi la porte aux champignons,
aux bactéries et aux agents pathogènes. Une élève s’interroge. « Est-ce grave d’uriner contre un arbre ? » Judith Büsser trouve que c’est une très bonne question. « Il est préférable d’éviter. Car l’urine contient de l’acide qui abîme l’arbre. On peut observer une décoloration à la base de nombreux troncs. On sait ainsi que ces arbres ont servi de toilettes pour les chiens. »
Intervenir sur la végétation pour prévenir les dangers
Sur le chemin vers la place de jeux de Sempach, près du stade du Wankdorf, une autre élève s’arrête devant un érable. « Il a de drôles de bosses partout », dit-elle en passant sa main sur le tronc. Balz Obrecht et Reto Wirz, qui travaillent au centre de compétences arboricoles du Service des espaces verts de Berne, attendent la classe sur la place de jeux. Leur tâche est de soigner et de protéger les 21 000 arbres présents dans l’espace public. Ils présentent leur travail aux classes vertes. Ces bosses indiquent les endroits où des branches ont été coupées, explique Balz Obrecht. « Ce sont comme des blessures cicatrisées. »
« En nature, les arbres n’ont pas besoin de soins, ils se débrouillent bien sans nous, explique Balz Obrecht. Mais dans les zones
urbaines, à cause des façades des bâtiments ou des câbles électriques, nous devons parfois intervenir sur la végétation en coupant des branches, par exemple. Cette mesure permet d’éviter qu’elles tombent sur un trottoir fréquenté pendant un orage. » Les arbres des places de jeux sont aussi particulièrement surveillés. Pour terminer, les deux hommes illustrent leur savoir-faire : bien équipé, Balz Obrecht grimpe avec agilité dans le tilleul centenaire à l’aide d’une corde et reste suspendu à une branche, la tête en bas. Emad, âgé de 10 ans, enfile un baudrier et un casque, et lève les bras en l’air. « Plus tard, je ferai la même chose. »
Goûter du pesto de feuilles de tilleul Pendant que les deux arboristes rangent leur matériel, les enfants ont encore du travail. Pour clore la matinée, ils préparent du pesto de feuilles de tilleul. Pour cela, il faut de jeunes feuilles fraîches. Judith Büsser conseille aux enfants de bien observer les feuilles. Des œufs de chenilles sont collés sur certaines et il vaut mieux ne pas les mettre dans le pesto. Pendant que Hawar et Sophie coupent finement les feuilles, Aisha râpe du fromage. Giuseppe broie des graines de tournesol dans un mortier. Il sait exactement comment faire, car il a vu une vidéo YouTube sur le sujet. Finalement,
Silas mélange tous les ingrédients avec du sel, du poivre et de l’huile d’olive et étale la pâte sur de petits morceaux de pain. C’est l’heure de la dégustation. Les enfants se servent, certains avec hésitation. « On peut vraiment en manger ? » demande Max. Sans attendre de réponse, il avale le morceau de pain. « Très bon, bien meilleur que le pesto du supermarché. »
Après cet apéro, retour à l’école. La maîtresse, Caroline Gilgen, est ravie de cette matinée, elle apprécie beaucoup ces leçons à l’extérieur. « Découvrir la nature ensemble crée un contraste extraordinaire avec les cours ordinaires et renforce la cohésion du groupe. » Elle se réjouit déjà de la prochaine activité verte. Les enfants pourront découvrir comment désherber, pailler et récolter.
Les enfants réalisent un pesto avec des feuilles de tilleul, qu’ils pourront déguster immédiatement.
LIEN
PME circulaires : les pionniers montrent la voie
L’économie circulaire repense le fonctionnement des entreprises pour limiter la consommation des ressources et la production de déchets. Entre sensibilisation et rentabilité, des PME pionnières livrent leur expérience et leurs conseils.
TEXTE
:
AUDREY MAGAT
PHOTO : CAROLINE KRAJCIR / LUNAX
Extraire, fabriquer, consommer, jeter – tel est le principe de l’économie linéaire. « L’objectif est d’amener les entreprises à transformer leurs processus dans une dynamique circulaire, c’est-à-dire de limiter la consommation des ressources et la production de déchets », explique
Anja Siffert, collaboratrice scientifique à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Cette forme d’économie, qui est d’une part plus respectueuse de l’environnement et qui promet d’autre part des avantages économiques tels qu’une contribution à la sécurité d’approvisionnement, est aujourd’hui le credo d’environ 10 % des entreprises suisses. Le modèle se révèle donc encore peu adopté, notamment parmi les PME (les sociétés de moins de 250 employés), qui représentent pourtant 99 % des entreprises suisses selon l’Office fédéral de la statistique.
Pour comprendre le fonctionnement de ces entreprises, le « think and do tank » sanu durabilitas a été mandaté par l’OFEV et le Secrétariat d’État
à l’économie (SECO) (voir encadré).
« Les témoignages de ces PME pionnières de la circularité permettent de comprendre leurs motivations, mais aussi les difficultés auxquelles elles ont été confrontées. Ces enseignements sont source d’inspiration pour les entreprises qui se trouvent en phase de démarrage d’une activité circulaire ou qui sont prêtes à repenser leurs modes de production », ajoute Anja Siffert.
Rentabilité à long terme
Certaines entreprises appliquent les principes de circularité depuis longtemps déjà. C’est le cas de Burri à Zurich. Créée en 1902, la PME familiale de 100 collaborateurs produit du mobilier pour l’espace public, comme des bancs, des lampadaires, ou encore des panneaux de signalisation. Son credo : des pièces artisanales, fabriquées avec des matériaux locaux et responsables, qui sauront perdurer dans le temps. « Les valeurs de longévité et de réparabilité des produits – en utilisant notamment des vis plutôt que de la colle pour
faciliter le réassemblage –, sont présentes dans l’entreprise depuis des générations, explique Andreas von Euw, responsable des ventes. Nous acceptons volontiers les certifications de circularité qu’on nous décerne aujourd’hui, mais notre pratique n’a pas changé. »
L’entreprise utilise du bois issu de forêts suisses, « une décision prise dans les années 1960 alors que la tendance était au bois tropical ». Les coûts de production sont donc plus importants. « C’est un investissement. Le prix à l’achat sera peut-être plus élevé, mais notre mobilier urbain tiendra des dizaines d’années, alors qu’un produit plus bas de gamme s’abîmera face aux intempéries. Il faudra donc le changer plus souvent, ce qui n’est pas rentable économiquement sur le long terme. »
La circularité implique de repenser la notion de prix. « Contrairement aux produits neufs, les produits issus de la circularité ont mieux intégré les coûts externes dans leur prix final, détaille Ueli Ramseier, collaborateur scientifique
Privilégier le reconditionnement, le partage ou la location par rapport au recyclage constitue l’un des axes majeurs de l’étude coécrite par Johanna Huber, chargée de projets chez sanu durabilitas.
au SECO. Tous les produits devraient être vendus à leurs coûts totaux. La population est de plus en plus prête à payer le prix juste. »
Changer les habitudes Que ce soit une perceuse, une tondeuse à gazon, un drone ou même une voiture, de nombreux objets restent inutilisés. L’objectif de l’entreprise Sharely : mettre ces objets en location entre particuliers. « Nous voulons promouvoir une économie de partage, avance Ivo Kuhn, co-CEO de Sharely. La société fonctionnait jusqu’à présent selon la logique matérialiste d’acheter chaque objet.
Or, cette consommation n’est pas obligatoire. Il est plus rentable, moins encombrant et plus durable de louer ponctuellement les objets qui sont rarement nécessaires. » Chaque produit est couvert par l’assurance, qui garantit selon conditions les réparations, voire le rachat de l’objet s’il est détérioré par l’emprunteur. « Les loueurs fixent leur prix, sur lequel nous ajoutons notre commission de 20 % et le montant de l’assurance. » L’objet loué peut être récupéré en personne ou envoyé par la poste.
Créée en 2013, cette entreprise basée à Zurich emploie aujourd’hui
quatre personnes et de nombreux indépendants. La société compte 75 000 membres et environ 10 000 loueurs. « Actuellement, la majorité de nos utilisateurs sont dans la région de Zurich, mais nous voulons nous développer dans toute la Suisse. » Destinée plutôt aux centres urbains, l’application propose 30 000 objets disponibles à la location. « Les Suisses sont prêts à envisager un changement de paradigme en faveur de l’accès plutôt que de la propriété, mais la méthode doit être pratique et adéquate géographiquement. Au-delà d’une courte distance, l’utilisateur va se décourager. »
TÉMOIGNAGES DE PIONNIERS
Pour être sélectionnées par sanu durabilitas, les 15 entreprises pionnières devaient être des PME (jusqu’à 250 employés) et bénéficier d’un certain succès économique. « L’accent a également été mis sur cinq secteurs : la construction immobilière et l’habitat, l’alimentation (production, vente et restauration), la mobilité privée, les vêtements et textiles, et l’électronique », précise Johanna Huber, en charge de l’étude chez sanu durabilitas, qui compte neuf employés a été créée en 2012 à Bienne. « L’étude se concentre sur les ‹ inner loops › ou boucles courtes, c’est-à-dire la conception visant à la longévité, au reconditionnement, à la réutilisation et au partage ou à la location. »
Pour le SECO, « en simplifiant les processus, les entreprises deviennent concurrentielles, et à une offre similaire, les clients vont à l’avenir plutôt choisir celle qui respecte au mieux l’environnement. Inclure des éléments d’économie circulaire dans son modèle d’affaires va donc devenir un facteur critique de succès pour les PME dans les prochaines années. »
Motiver la psychologie du changement 2nd Peak est le premier magasin de vêtements outdoor de seconde main de Suisse. Créée en 2020 par Isa Schindler, l’entreprise dispose d’une boutique à Zurich et d’une à Berne, et vend aussi ses articles en ligne. Elle rachète à des particuliers des vêtements de sport, tels que des habits de randonnée, des chaussures et des équipements, pour 25 % de leur prix de vente.
Avec un chiffre d’affaires d’environ 800 000 francs par année, elle peine à amortir ses frais. En cause : des coûts fixes importants, notamment au niveau de la main-d’œuvre –douze employés, quatre en équivalent temps plein. « Nous devons gérer une équipe plus importante qu’un commerce classique puisque nous achetons chaque vêtement à l’unité, et non en grandes quantités. Cette minutie implique d’avoir constamment des collaborateurs
chargés d’acheter, de vendre, de trier, d’étiqueter, de laver et de réparer des vêtements, et donc de verser de nombreux salaires par rapport à la taille de notre commerce. » La question de la localisation est également centrale. « Les petits commerces peinent à s’installer en centre-ville. Tous les emplacements stratégiques sont pris par des grandes chaînes de fast fashion, ce qui fait en outre grimper les prix des loyers. »
Pour Isa Schindler, les entreprises de seconde main devraient être soutenues par le gouvernement jusqu’à ce que les modèles circulaires soient établis dans le système économique et acceptés par le grand public. « Consommer durable devient une fierté, une prise de position. Mais les entreprises doivent être aidées pour les frais auxquels elles sont confrontées. »
Les PME demandent également de l’aide notamment pour sensibiliser le grand public. « La responsabilité de promouvoir le partage comme mode de vie ne repose pas seulement sur nous, nous ne faisons que proposer une solution, défend Ivo Kuhn de Sharely. Le monde politique devrait s’approprier cette question et commencer à soutenir l’économie de partage. »
Sortir de la niche écologique
« Les PME doivent aujourd’hui supporter pratiquement seules le coût de la transition à la circularité, par exemple pour la mise en place de la logistique et pour la sensibilisation des consommateurs », pointe Johanna Huber, chargée de projets et coautrice de l’étude de sanu durabilitas. Il y a un réel besoin de coordination entre les acteurs afin de rendre les filières circulaires. » Un objectif partagé par la nouvelle politique régionale du SECO. « Par exemple, une entreprise de coupe de bois pourrait se lier à un menuisier et à une société de recyclage des déchets de bois, explique Ueli Ramseier. Ensemble, ils peuvent former un écosystème circulaire régional. Les résultats de l’étude l’ont clairement montré. Les principaux freins ne sont pas le manque de bases légales ou une trop faible volonté d’investissement, mais plutôt des obstacles
structurels, par exemple le manque de personnel qualifié, ou d’ordre psychologique, comme la résistance au changement. »
Politiquement, la révision de la LPE (loi sur la protection de l’environnement), lancée par une initiative parlementaire et adoptée en mars 2024, donne des pistes pour améliorer les conditions-cadres pour les entreprises qui souhaitent aller vers plus de circularité. Par exemple, il y a plusieurs projets législatifs dans l’Union européenne. « La Suisse est aussi influencée par les modifications du marché européen suite aux régulations par l’UE, puisque c’est le principal marché d’exportation du pays, dit Johanna Huber. Certains pays membres ont même défini des taux de réutilisation des emballages. La Suisse devrait s’en inspirer. »
Pour en savoir plus sur les nouvelles politiques régionales (NPR) : regiosuisse.ch/fr/programmes/npr
La diversité et la qualité des paysages suisses renferment un potentiel pour le développement régional. Des projets montrent comment leur valorisation contribue à la prospérité d’une région.
TEXTE : CAROLE BERSET
Les paysages suisses constituent un patrimoine naturel et culturel riche et varié. Reflets de particularités géologiques, historiques et culturelles, ils revêtent en outre une importance cruciale pour le tourisme et la qualité de vie de la population de nombreuses régions. Aujourd’hui, les paysages sont néanmoins soumis à de fortes pressions, et accusent toujours plus de pertes en termes d’éléments paysagers régionaux et d’habitats pour la faune et la flore.
Depuis 2002, la Confédération soutient financièrement le programme « Projets-modèles pour un développement territorial durable ». Le programme sert d’incitation pour les acteurs locaux, régionaux et cantonaux à tester de nouvelles approches et de nouvelles méthodes et ainsi à expérimenter des solutions sur le terrain. Un des cinq axes thématiques définis dans le cadre de la dernière période, soit 2020 – 2024, était consacré aux contributions que le paysage fournit dans le contexte régional. Il a été piloté par l’OFEV avec six autres offices fédéraux.
Huit projets ont été sélectionnés pour l’axe thématique « Le paysage, un atout », notamment dans les régions de Valsot (GR) et des gorges de la Sitter (SG). « L’objectif est de montrer que le paysage permet à la fois de créer de la valeur ajoutée, mais aussi de renforcer la façon dont sont appréciées les qualités des régions,
indique Daniel Arn, collaborateur en sein de la division Biodiversité et paysage à l’OFEV. Le Val Poschiavo dans les Grisons constitue un pionnier en la matière depuis plus de vingt ans en Suisse. La marque territoriale ‹ 100 % Valposchiavo › permet de certifier des produits alimentaires entièrement fabriqués dans la région, afin de valoriser et d’utiliser davantage les ressources locales. » L’innovation reste en outre un critère central. La vallée de la Limmat (ZH), par exemple, a mis en place des promenades sonores, où le visiteur est sensibilisé au bruissement de la rivière, au-delà du bruit de fond émis par la circulation, ainsi qu’à la valeur d’un environnement sonore de qualité en zone urbaine.
Une application permet de découvrir deux sentiers naturels vers les gorges de la Sitter et proches de la ville.
Connaître pour protéger
Le projet « Inscuntrar » mené par Pro Terra Engiadina a réalisé des sondages auprès de la population locale et des touristes pour évaluer la valeur sociale et économique des paysages préservés de Valsot, dans les Grisons. La fondation a travaillé en collaboration avec l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). « Le but consistait à mesurer la valeur que les gens attribuent au paysage en termes de beauté, de cohérence et de complexité, par exemple, mais aussi en tant que zone de détente », explique Angelika Abderhalden, responsable du projet.
En parallèle de ces enquêtes, l’application « Valsot » a été créée. Elle propose un réseau de chemins pédestres et permet aux promeneurs d’en apprendre davantage sur l’histoire, la biodiversité, la structure et l’évolution du paysage de la région. « Le paysage représente une valeur et un héritage culturel souvent difficiles à appréhender. Le projet entend le valoriser car on ne protège souvent que ce que l’on connaît. Établir un lien avec le paysage permet de se sentir d’autant plus concerné par les enjeux liés à son développement et à sa protection. » Outre un sentier sur la durabilité, le projet a aussi mis au point un système afin d’évaluer ce que le paysage apporte en matière d’attrait du site.
À Valsot, dans les Grisons, un réseau de chemins pédestres s’accompagne d’une application donnant des informations sur l’histoire du lieu et sa biodiversité.
UNE POLITIQUE DU PAYSAGE COHÉRENTE
Afin de préserver et promouvoir la qualité des paysages helvétiques –et de garantir une politique fédérale cohérente en la matière –, le Conseil fédéral a adopté un instrument de planification : la conception « Paysage suisse » (CPS). Cet outil considère le paysage à la fois comme l’espace dans lequel la population habite, travaille et se détend, mais aussi comme base territoriale de la biodiversité.
Valoriser le paysage local Le site de Sittertobel (SG) représente un lieu d’intérêt national pour ses gorges et ses cascades, mais joue aussi un rôle essentiel en tant que zone de détente. Le projet « Tobelwelt Sitter pour tous » a eu pour but de sensibiliser la population de la ville de Saint-Gall et de la commune de Wittenbach à l’importance de la nature présente directement à proximité de ces espaces urbains. « Quatre excursions ainsi que des interventions dans la nature ont été organisées afin que les habitants puissent mieux connaître et valoriser le paysage qui les entoure », indique Doro Anderegg, responsable du projet chez REGIO Appenzell
AR-St. Gallen-Bodensee1
L’inclusion des acteurs du secteur représentait une condition préalable à sa réalisation. « Il était notamment important d’impliquer les associations de protection de la nature, qui ont parfois émis des réserves quant à l’éventuelle concurrence que nous pouvions représenter. » Avec le soutien des autorités et d’associations, la fondation Pusch a créé trois sentiers naturels, disponibles sur l’application « Naturpfade ». Les populations de Saint-Gall et de Wittenbach ont ainsi pu découvrir des éléments naturels et paysagers proches de leurs lieux d’habitation.
Au-delà de la sensibilisation, le projet visait aussi à encourager les communes et les responsables de l’urbanisation à agir à l’avenir en faveur de la biodiversité. Dans les quartiers de Wittenbach, un projet
d’entretien et de revalorisation d’un lotissement et de parrainage vert a ainsi vu le jour. Il permettra aux habitants de financer des espaces verts tels que des prairies fleuries en bordure de route, par exemple.
Des exemples inspirants
Les projets-modèles ont su tirer profit du potentiel propre aux paysages de leur région grâce à des solutions innovantes. « Tous les projets sont uniques, souligne Daniel Arn. Celui de l’application ‹ Valsot › dans les Grisons constitue un exemple intéressant pour le développement régional. Il illustre que ce n’est qu’à partir du moment où l’on définit les qualités particulières d’un endroit qu’il est possible d’imaginer une offre touristique, qui favorisera la croissance économique de la région. Les synergies créées pour ‹ Tobelwelt Sitter pour tous › à Saint-Gall enseignent l’importance d’inclure divers acteurs et points de vue afin de maximiser la portée d’un projet. » Le programme de la Confédération entend faire profiter d’autres régions des enseignements tirés des projetsmodèles. « Le rapport publié par l’OFEV en collaboration avec le SECO rend compte de ces résultats, conclut Daniel Arn. C’est une véritable aide concrète à la création de projets dans d’autres régions. »
CONTACT
Daniel Arn
Section Politique du paysage, OFEV daniel.arn@bafu.admin.ch
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-09
RÉCHAUFFEMENT
1 Une association copartenaire du projet avec la fondation Pusch – Protection pratique de l’environnement.
Des arbres au stress
Comment nos arbres forestiers réagissent-ils au changement climatique ? Une équipe crée des conditions artificielles pour analyser la capacité d’adaptation de différentes essences au climat du futur. Visite d’un écosystème expérimental.
TEXTE : SARAH C. SIDLER
PHOTOS : RAISA DURANDI / LUNAX
soumis thermique
Les cubes de verre aux allures futuristes du site de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL de Birmensdorf, à Zurich, sont visibles de loin. En s’approchant, on se rend compte que les serres vitrées sont construites de manière à empêcher l’eau de pluie de s’infiltrer. Sur certaines structures, les parois latérales sont légèrement ouvertes afin de contrôler la température. À travers les vitres, on aperçoit des chênes pubescents et des hêtres d’environ 6 ans. Ces installations, des écosystèmes MODOEK, servent de terrain d’expérience.
« Nous nous demandons quelles essences d’arbres sont aptes à affronter l’avenir », explique
Marcus Schaub du WSL, responsable de cette installation de recherche en tant que chef du groupe Écophysiologie. Depuis 1992, les chercheurs ont ainsi la possibilité de mesurer les cycles de l’eau, du carbone et des nutriments des arbres au sein de cette expérience. Marcus Schaub ouvre la porte de l’une des serres vitrées et écarte un câble orange afin de mieux voir les petits arbres qu’elle abrite. Seuls certains d’entre eux ont l’aspect de jeunes arbres sains en plein air.
Le hêtre souffre, le chêne se porte bien
Ce projet de recherche a commencé il y a huit ans. Christoph Bachofen, collaborateur scientifique, participe
à sa gestion. « Nous voulons découvrir, dans des conditions constantes et contrôlées, comment ces essences de hêtre et de chêne se comportent », explique-t-il. La sécheresse due à la chaleur entraîne un risque croissant pour nos forêts. Toutes les essences ne s’accommodent pas de la hausse des températures et de la baisse des précipitations.
Les chercheurs ont choisi ces arbres pour l’expérimentation parce que l’on sait déjà que la chaleur provoque de graves dommages pour le hêtre au nord des Alpes lors des étés caniculaires. En revanche, le chêne pubescent est une espèce qui s’adapte bien à la sécheresse, puisqu’il pousse en
Europe occidentale, centrale et méridionale. « Cette essence remplacera probablement le pin sylvestre à moyen terme en Valais, comme le montre une expérience d’irrigation du WSL dans le Bois de Finges », précise Marcus Schaub.
Pour savoir si cette espèce de chêne est vraiment un arbre d’avenir en Suisse, quatre conditions climatiques sont simulées dans les seize serres situées derrière l’institut de recherche. Dans les quatre serres témoins baptisées « Control », les arbres sont irrigués sans restriction. Comme les serres sont installées sur des bassins en béton, il est possible de mesurer avec précision la teneur en eau du sol. La température dans ces espaces est la même qu’à l’extérieur. Dans quatre autres serres, les arbres ne reçoivent que la moitié de l’eau dont les spécimens ont besoin. Un autre quart des arbres pousse avec une température ambiante supérieure de cinq degrés à celle de l’environnement naturel,
garantie en permanence par des ventilateurs de chauffage placés au centre des serres.
Les petits arbres du dernier quart de l’installation sont placés dans des conditions encore plus extrêmes. Non seulement ils reçoivent deux fois moins d’eau, mais ils doivent aussi survivre avec une température de cinq degrés supplémentaires. « Nous voulons savoir ce qui se passerait si ces conditions survenaient au cours des 100 ou 200 prochaines années », explique Christoph Bachofen.
Le manque d’eau comme problème majeur
L’impact de telles conditions sur les arbres est évident : les petits arbres des serres extrêmes, où est simulée une sécheresse thermique, apparaissent chétifs. Ils ne mesurent pas plus de 50 centimètres de haut. Alors que le nombre de feuilles des chênes a diminué, les hêtres ont réduit la taille des leurs. La plupart d’entre eux ont l’air malades. Les bords des feuilles
se recourbent légèrement et prennent une teinte brune. Les arbres sont parfois plantés de manière isolée ou par groupes. « Ces différentes combinaisons permettent d’étudier l’effet de la composition des espèces. C’est-àdire, observer l’effet de la concurrence entre les différents spécimens et établir qui en profite ou qui la subit. »
Ce dispositif sert aussi à mesurer l’entraide potentielle des arbres. En réalité, on en observe aucune. Au contraire, les essences se disputent l’eau à disposition et ce sont les chênes qui gagnent. Un phénomène clairement visible dans la serre suivante, où les arbres reçoivent suffisamment d’eau, mais sont constamment exposés à des températures supérieures de cinq degrés. Marcus Schaub évalue également la croissance des arbres. Ici, les chênes mesurent près de trois mètres de haut – environ deux fois plus que les hêtres. Pourtant, ils n’ont pas l’air de pouvoir survivre longtemps. Leurs tiges sont si fines qu’elles doivent être attachées à un tuteur.
Dans les espaces vitrés, les jeunes chênes et hêtres sont placés dans des conditions climatiques extrêmes. Il s’agit d’étudier leur résistance au climat de demain.
Des instruments de mesure permettent de suivre précisément l’adaptation de certains arbres aux conditions climatiques.
Le facteur temps joue un rôle important
Les chercheurs examinent également l’intérieur de leurs arbres cobayes. Dans les études les plus récentes, Janisse Deluigi, doctorante, vérifie comment la photosynthèse des arbres soumis à l’expérience s’adapte à l’augmentation des températures. Elle observe à quelle vitesse les feuilles peuvent absorber le CO2 et libérer de l’humidité. Cette question est existentielle, car la première réaction des arbres à la chaleur et à la sécheresse est de fermer les stomates de leurs feuilles afin de ne pas perdre trop d’eau. Mais en même temps, elles devraient absorber par les stomates ouverts le CO2 dont elles ont besoin pour la formation de sucre – donc de nourriture pour leur croissance. Ainsi, dans des situations extrêmes, l’arbre se retrouve face à un dilemme : il doit pour ainsi dire décider s’il veut mourir de soif ou de faim.
« La bonne nouvelle des derniers résultats de recherche est que si un arbre a suffisamment de temps, il peut ajuster sa température optimale pour la photosynthèse, explique Christoph Bachofen. Ce seuil est ainsi décalé de 24 à 27 degrés. » Le temps nécessaire pour y parvenir est encore à l’étude. Mais que se passe-t-il si la
température moyenne augmente de cinq degrés et que l’arbre n’a pas assez de temps pour s’adapter ?
« La forêt pourra globalement s’autoréguler », affirme Marcus Schaub. La forêt est en effet capable de s’adapter naturellement au fil du temps, mais cela s’accompagne d’un risque élevé de perte de performance, impliquant par exemple le déclin de sa fonction protectrice. L’adaptation active grâce à des mesures sylvicoles doit permettre de minimiser cette perte.
CONTACT
Robert Jenni
Section Prestations forestières et qualité, OFEV robert.jenni@bafu.admin.ch
LIEN VERS L’ARTICLE
bafu.admin.ch/ magazine2024-3-10
DE LA PARCELLE INDIVIDUELLE À L’ÉCOSYSTÈME ENTIER
La stratégie de la surveillance des forêts du WSL s’applique à différents niveaux. Pour observer l’effet du changement climatique sur les arbres, plusieurs conditions ont été crées. Présentation des différents niveaux de l’expérience.
- Niveau 1 : Expériences avec des plants d’arbres dans des serres climatiques entièrement contrôlées afin de mieux comprendre les mécanismes et les processus en réponse aux conditions environnementales extérieures.
- Niveau 2 : Expériences avec de jeunes arbres dans des serres semi-ouvertes.
- Niveau 3 : Expérience d’irrigation dans le Bois de Finges, prévue sur plus de vingt ans, entre Loèche et Sierre dans le Valais. Les arbres, qui peuvent atteindre 120 ans, sont partiellement irrigués sur un hectare et le déficit de pression de vapeur est réduit, ce qui altère la capacité d’évapotranspiration des plantes.
- Niveau 4 : Depuis 1994, la recherche à long terme sur les écosystèmes forestiers LWF étudie 19 sites sélectionnés en Suisse. Les données relatives à la litière des arbres, à l’état des couronnes, au flux de sève dans le tronc et à la respiration du sol y sont enregistrées.
- Niveau 5 : L’état d’écosystèmes forestiers entiers est enregistré.
- Niveau 6 : Sur la base de données provenant d’échantillons, l’Inventaire forestier national publie notamment des résultats sur la surface forestière, l’accroissement, l’exploitation, la diversité biologique et la qualité des forêts de protection.
- Niveau 7 : Toutes ces données sont rassemblées dans des modèles de prévision afin d’obtenir une image de la forêt du futur.
Quelques initiatives environnementales près de chez vous
Revoir les montagnes
Au-delà de la ville de Soleure, les montagnes sont aujourd’hui nettement plus visibles qu’il y a quelques années. Normal, puisque l’air est moins sale : dioxyde d’azote, anhydride sulfureux, particules fines – les quantités de tous ces polluants sont en baisse. Tel est le constat d’un rapport du Canton établi trente ans après l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur la protection de l’air. Outre les prescriptions plus strictes et le développement technologique, cette évolution s’explique aussi par des changements dans le tissu économique de la région. Bon nombre d’exploitations industrielles ont entre-temps disparu, notamment la fabrique de cellulose Borregaard à Attisholz, qui émettait de grandes quantités d’anhydride sulfureux.
Chiner des plantes
Il ne faut pas voir les plantes d’appartement comme des articles de décoration jetables, mais bien comme des êtres vivants dont l’apparence n’est pas toujours parfaite. Telle est la vision qui anime la « Pflanzenbrocki » à Berne, exploitée par l’horticultrice Nora Hürlimann et la fleuriste Kristina Hodel. Le duo applique le principe de l’économie circulaire aux végétaux en leur offrant la possibilité d’être utiles le plus longtemps possible. Du figuier au cactus, les plantes proviennent toutes de donneurs ou sont directement sauvées des déchets, du compost ou même de la déchetterie.
Stocker du CO2 dans l’asphalte
Mélanger des branches de haies et d’arbres ainsi que des déchets végétaux à l’asphalte, cette idée peut sembler saugrenue. Et pourtant, c’est bien ce qui est prévu à Bâle. Les résidus de plantes sont d’abord carbonisés avec un minimum d’oxygène puis mélangés à l’asphalte à hauteur de 2 % du volume. Le CO2 capté par les arbres et les arbustes dans l’air se trouve alors enfoui dans le matériau de construction. Bâle est la première ville de Suisse à miser sur cette technique et compte généraliser au maximum le recours à cet asphalte contenant du charbon végétal.
BS BÂLE-VILLE
Des bouquetins sur un barrage
Dans la presse, des images impressionnantes de bouquetins comme accrochés contre la paroi du barrage de Salanfe ont circulé. Cette escalade périlleuse s’explique par la quête de sels minéraux que les animaux ne parviennent pas à trouver dans la nature et que les dépôts laissés par l’eau contiennent. Actuellement, 17 000 bouquetins vivent en Suisse. L’animal a dû être réintroduit après avoir complètement disparu de certaines régions, comme dans les Grisons, au XIX e siècle.
Inauguration du Parc naturel du Jorat
Sur les hauts de Lausanne, le Parc naturel du Jorat a été inauguré officiellement en mai dernier. Les nombreuses sources et zones humides du lieu en font un endroit important pour la conservation de la biodiversité et l’étude des écosystèmes. La biodiversité abritée par le parc est en effet remarquable, puisqu’on y trouve 90 espèces menacées et 20 % de la diversité des espèces animales et végétales de Suisse, toutes régions confondues.
Un insecticide biologique
Les bouches d’égout et les eaux stagnantes constituent un lieu particulièrement apprécié par les moustiques-tigres qui s’y reproduisent facilement. Or, la prolifération de cet insecte pose de nombreux problèmes aussi pour les humains, à qui il peut transmettre des maladies comme la dengue ou le virus Zika. Pour contenir cette propagation, le Canton de Genève a recours à un insecticide biologique appliqué directement dans les canalisations.
Un mouvement citoyen primé
Le Prix Binding, doté d’une somme de 100 000 francs, constitue la distinction la plus importante pour la biodiversité en Suisse. En 2024, il est revenu au mouvement « Cittadini per il territorio » pour son projet Parco del Laveggio dans le Mendrisiotto. Le Laveggio est une rivière qui coule le long d’une vallée urbanisée de façon assez chaotique, un « non-lieu » en termes d’aménagement du territoire où il fallait trouver une place pour de nombreuses infrastructures différentes. Comme le relève la Fondation Binding, le prix récompense ainsi l’engagement persévérant des « Cittadini » pour transformer un cours d’eau jusque-là négligé en une zone de détente précieuse.
Ville du blaireau et de l’écureuil
Bonne nouvelle : les zones urbaines abritent aussi beaucoup d’animaux sauvages. Une étude réalisée par le projet communautaire international « Nos voisins sauvages » a permis de montrer quelles espèces animales se sentaient bien dans les villes.
Le projet repose sur la comparaison de données issues d’observations d’animaux sauvages effectuées sur plusieurs années dans trois villes. Les différences constatées sont surprenantes : à Berlin, on trouve des sangliers et des ratons laveurs, à Vienne vivent beaucoup de lièvres, alors que Zurich compte une population supérieure à la moyenne de blaireaux et d’écureuils.
VD VAUD
ZH ZURICH
GE GENÈVE
TI TESSIN
S’engager pour les femmes et pour l’environnement
Passionnée par la nature, Heidi Mück s’engage pour la visibilité des expertes en environnement tout en s’impliquant politiquement pour défendre un monde plus durable.
Avec mon père, les vacances à la montagne s’apparentaient à une sorte de camp de survie. Nous faisions des randonnées difficiles et du camping par tous les temps, qu’il pleuve ou qu’il neige. J’ai ensuite redécouvert la nature avec mes propres enfants. Nous avons beaucoup campé dans notre van VW durant les vacances. Il me tenait à cœur que les enfants puissent se défouler dans la nature.
Aujourd’hui, je passe du temps en plein air chaque week-end, dans la zone de détente de Lange Erlen, près de Bâle, par exemple. J’apprécie spécialement la verdure de la forêt, les odeurs et la lumière qui s’en dégagent. Je me sens bien dans la nature.
J’affectionne donc particulièrement les événements organisés par l’association Professionnelles En Environnement (PEE), dont je suis
la directrice. En parallèle de nos assemblées générales, nous effectuons toujours une visite dans une pépinière, une entreprise durable ou une réserve naturelle. Nos événements se déroulent aussi en plein air. Des moments revigorants qui sont aussi l’occasion de rencontrer des femmes fortes et intéressantes, aux parcours variés.
Lier les thématiques propres aux femmes et celles qui touchent
HEIDI MÜCK
Née en 1964, elle vit à Bâle, dans le quartier de Klybeck, juste à la frontière avec Kleinhüningen. Elle est mère de trois fils et grand-mère deux fois. Heidi Mück a d’abord travaillé comme enseignante de rythmique avant de devenir, pour vingt ans, responsable syndicale dans le domaine de l’éducation. En 2015, elle a trouvé un nouveau défi : reprendre la direction de l’association « Professionnelles En Environnement ». Totalisant plus de 1000 membres, l’association met en réseau des femmes issues de professions diverses, mais en lien avec l’environnement et le développement durable. Par ailleurs, Heidi Mück s’est toujours engagée sur la scène politique et est membre du Grand Conseil du canton de Bâle-Ville depuis de nombreuses années.
heidimueck.ch ffu-pee.ch
à l’environnement m’intéresse beaucoup. Grâce à l’association, nous permettons aux femmes travaillant dans les domaines de l’environnement et du développement durable de se mettre en réseau. Nous organisons des échanges, des rencontres et des visites sur le lieu de travail. Nous proposons aussi des offres de formation continue et disposons d’un pool d’emplois, d’un programme de mentorat et d’une base de données d’expertes. Car l’un de nos objectifs est également de rendre plus visibles les expertes en environnement.
À mes yeux, les thèmes sociaux et environnementaux sont fortement liés. Là où je vis, les nuisances dues au trafic sont marquées, et je me suis engagée pour que la circulation soit modérée et que plus de lieux de rencontres soient créés. Il a fallu réduire le nombre de places de parc, ce qui a déplu à de nombreuses personnes. J’essaie alors d’expliquer les enjeux aux gens tout en les encourageant à s’impliquer. Actuellement, je m’investis aussi dans la campagne « Dreirosen bleibt ! » qui s’oppose à la destruction d’un espace vert et de loisirs pour la construction du tunnel autoroutier du Rhin. J’ai également soutenu les initiatives bâloises pour le climat urbain, qui visaient à végétaliser la ville et à promouvoir une mobilité respectueuse du climat. D’ailleurs, l’initiative pour la justice climatique « Klimagerechtigkeitsinitiative Basel 2030 », pour la neutralité climatique a connu un franc succès et le projet est désormais mis en œuvre.
Les effets des changements climatiques me frappent particulièrement lorsque je fais de la randonnée dans la région d’Aletsch. Je constate, année après année, la mutation de l’environnement. Le permafrost fond, des fissures apparaissent et de plus en plus de chemins de randonnée sont fermés.
Pour moi, il est impératif de prendre soin de la nature, de remettre en question la croissance illimitée sur laquelle repose notre système économique et de revoir notre façon de consommer. En bref, il s’agit de repenser notre mode de vie et de s’interroger sur ce qui définit réellement notre qualité de vie. Car actuellement, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.
IMPRESSUM
Le magazine « l’environnement | die umwelt » de l’OFEV paraît quatre fois par an. L’abonnement est gratuit.
Office fédéral de l’environnement (OFEV). L’OFEV est un service du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). bafu.admin.ch, info@bafu.admin.ch.
Direction du projet
Katrin Schneeberger, Géraldine Eicher Stucki
Concept et production
Jean-Luc Brülhart (direction générale)
Rédaction
Large Network, Genève : Santina Russo, Maria-Theres Schuler, Carole Extermann, Pierre Grosjean, Gabriel Sigrist, Carole Berset, Audrey Magat
Collaborations externes
Bruno Delaby, Roland Fischer, Erik Freudenreich, Florian Niedermann, Lucienne Rey, Daniel Saraga, Maja Schaffner, Sarah C. Sidler, Lisa Stalder
Design et graphisme
Large Network : Aurélien Barrelet, Sabrine Elias, Lena Erard, David Stettler
Photo de couverture : Alessandra Meniconzi / Switzerland Tourism ; P. 2 / 32–35 / 37–39 / 41 Caroline Krajcir / Lunax ; P. 2 Chromorange / viennaslide.com / Keystone ; P. 3 / 45–47 Raisa Durandi / Lunax ; P. 4 Felix Imhof ; P. 5 Alamy ; P. 7 Club Alpin
Suisse ; P. 8 Ivo Scholz / Switzerland Tourism ; P. 9 DR ; P. 9 Dominik Baur / Switzerland
Tourism ; P. 11 / 25–28 Aurélien Barrelet ; P. 15 Michael Buholzer / Keystone ; P. 15 Roland T Frank / Mauritius images / Keystone ; P. 15 Gaetan Bally /Keystone ; P. 16 Caroline Minjolle / Lunax ; P. 19 Tzivanopoulos / Uni Graz ; P. 21 Kateryna Cherniuk / Alamy ; P. 30 Juanvi Fons / Alamy ; P. 43 Stiftung Pusch ; P. 43 DR ; P. 50 Nils
Fisch ; P. 51 DR
Langues
Français, allemand ; italien (Focus) uniquement en ligne
En ligne
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Tirage
14 300 exemplaires en français
35 050 exemplaires en allemand
Papier
Refutura, 100 % recyclé, certifié FSC et Blue Angel. Impression faible en COV. Corrections finales, impression et expédition
Vogt-Schild Druck AG, Derendingen
Copyright Reproduction des textes et des graphiques autorisée avec mention de la source et envoi d’un exemplaire justificatif à la rédaction
ISSN 1424-7135
Dans chaque numéro de l’environnement, une personnalité s’exprime sur son rapport à la nature. Les propos de Heidi Mück ont été recueillis et sélectionnés par Maja Schaffner.
DES PLANS CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE
Juste un petit pied de brocoli, un yaourt périmé et un reste de pain sec : on peut avoir l’impression de jeter peu de nourriture à la poubelle. Pourtant, les ménages suisses gaspillent 778 000 tonnes de denrées alimentaires chaque année. Et ce n’est pas tout : des aliments sont jetés tout au long de la chaîne de production, du champ à l’assiette – transformation, commerce et restauration compris. En Suisse, les pertes évitables représentent un tiers des denrées alimentaires produites et importées. Par ailleurs, le gaspillage alimentaire représente un enjeu majeur pour un monde durable, car c’est l’un des secteurs à la charge environnementale la plus élevée. Heureusement, il existe de nombreuses façons de réduire ce gaspillage. Dans le prochain numéro de « l’environnement », plusieurs pistes pour venir à bout des pertes alimentaires seront présentées. Vous y découvrirez aussi les étonnantes richesses des restes alimentaires.
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PROPOS DE LA COUVERTURE
Comment adopter des comportements durables ? La question peut paraître vertigineuse. Sur l’image un homme fait face au col de Susten.
Saskja
Rosset / LUNAX
À l’Europaallee de Zurich, le banquet « foodsave » sert un menu à partir d’aliments sauvés du gaspillage.