Les récits de Foresta // Conversation marchée n°2

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LES RÉCITS DE FORESTA Les conversations marchées

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MERCREDI 13 MARS 2019 observer Les oiseaux Avec Patrick Bayle


L’histoire du site de foresta Il était une fois au nord de Marseille un site exceptionnel, une colline argileuse au dessus de la mer. Longtemps, on y a cultivé la vigne et prélevé la matière première pour des ateliers de poterie. Au XIXe siècle, la colline a renoncé peu à peu à ses activités agricoles et artisanales pour alimenter les tuileries du bassin de Séon et accueillir des quartiers industrieux et populaires. Le château du Marquis de Foresta surplombait la colline jusqu’à ce que les batteries allemandes du Frioul le bombardent en 1944. L’exploitation de la carrière avait alors cessé et la pinède bastidaire où les familles du quartier venaient pique-niquer le dimanche est devenu un terrain d’aventures entre les ruines. Quelques décennies plus tard, le projet de centre commercial Grand Littoral redessine les pentes et le paysage. L’espace en contrebas devient “la coulée verte”, identifiée dans les plans d’urbanisme comme grand site à vocation sportive ou de loisirs. Mais le temps semble se suspendre pour ces terrains qui, en dépit de ces intentions, sont depuis des années à la limite de l’abandon. L’histoire se remet en marche en 2015 avec l’acquisition de ces terrains par la société Résiliance. Leur rencontre avec le collectif Yes we camp, puis avec la coopérative d’habitants Hôtel du Nord et l’équipe du Bureau des guides du GR2013 crée les conditions pour proposer une utilisation collective et expérimentale de ces 16 hectares à ciel ouvert.

De nombreuses balades et rendez-vous collectifs ont permis peu à peu d’imaginer et de tester l’idée d’un parc, espace de loisirs mais aussi outil pour produire, partager et apprendre à partir des ressources locales et avec ceux qui vivent là.


Le vent s’est levÊ ce matin...

Portrait de Patrick Bayle


Le vent s’est levé ce matin sur Foresta et Patrick Bayle est notre invité. Naturaliste de formation, il a participé à la rédaction de fiches d’observation pour l’Atlas des oiseaux à Marseille, a travaillé au Musée d’Histoire Naturelle de Marseille et à la Ville où il est aujourd’hui en charge de la biodiversité. Il nous prévient, pour l’observation des oiseaux, le vent, l’horaire tardif - 9 h 30 - et le groupe ne sont pas des conditions favorables. Mieux vaut se déplacer au petit matin ou au coucher du soleil, en solitaire ou en petit nombre. Nous partons donc simplement en quête des écosystèmes qui pourraient abriter des oiseaux, et de traces qui nous indiqueraient leurs présences.

Le Grèbe castagneux, la façade maritime et le bassin de rétention Comme les autres oiseaux migrateurs, le Grèbe castagneux aborde Marseille par la façade maritime. Après une traversée transméditerranéenne, il arrive sur les côtes épuisé et découvre à Foresta une halte rare, avec des habitats, de la nourriture et peu de prédateurs (moins que dans les îles.) Foresta est structuré autour de deux bassins de rétention d’eau. Malgré leur caractère artificiel, ces bassins, dont la qualité première est de ne pas avoir été bétonnés, ont évolué en roselière. Ce sont des zones humides, assez uniques à Marseille, qui attirent des espèces aquatiques pour s’y reproduire ou pour une halte migratoire. En 2014, Le Grèbe a été aperçu en période de reproduction dans ces bassins.

Le bassin vidangé Le second bassin de rétention, halte pour les migrateurs Ces bassins sont gérés comme des ouvrages techniques. Aujourd’hui nous constatons que le bassin est vidangé, sans doute par souci de maintenance, par méconnaissance de sa valeur écologique et paysagère ou pour lutter contre le Moustique tigre. Mais maintenu en eau et géré comme un écosystème vivant le bassin n’offrirait pas d’habitat propice au Moustique tigre, qui préfère largement les coupelles d’eau stagnante oubliées au fond du jardin… Une meilleure gestion offrirait aux oiseaux un point d’eau douce et un refuge rare sur les côtes littorales. Il nous semble donc important d’élargir la conversation, et pourquoi pas d’aller à la rencontre des gestionnaires ?


Le bassin vidangĂŠ

Le second bassin de rĂŠtention, halte pour les migrateurs


La forêt de chênes pubescents

Les os du pigeon près de la barre rocheuse


Le Geai, le Pigeon, la Grive et la barre rocheuse Juste sous la petite barre rocheuse en dessous du lycée professionnel de la Viste, quelques chênes pubescents forment une chênaie, relique de l’ancien domaine de Foresta. Ces arbres hébergent le Geai des chênes, un beau corbeau bleu qui se régale de glands qu’il amasse, cache et oublie, jardinant ainsi les forêts de demain. En chemin, nous trouvons également des os de pigeon parfaitement nettoyés. Patrick Bayle nomme et situe chacun d’entre eux : un bassin, des os de pattes, d’aile, un os d’épaule et un autre situé au niveau du sternum, qui n’existe que chez les oiseaux. En grimpant un peu dans la forêt, dans la barre rocheuse, se cache une grotte. À l’intérieur, plusieurs variétés de coquilles d’escargot brisées indiquent l’emplacement d’une forge. La forge est utilisée par des oiseaux comme la Grive musicienne, entendue ce matin ; ils coincent les coquilles entre deux cailloux pour les maintenir et les briser à coup de bec. C’est donc un peu l’atelier de cuisine de la grive…


Un milieu ouvert avec des arbres isolés

La forêt d’arbustes

Une façade maritime hospitalière


Le Serin et le Pin Dans les milieux ouverts qui composent une grande partie de Foresta, il y a beaucoup de pins isolés. Depuis celui-ci, le chant puissant et virtuose du Serin cini se fait entendre. Le serin chante son territoire, et le marque. Aux mâles, il signifie ainsi sa présence : ne viens pas, je suis chez moi… Aux femelles il signifie tout autant sa présence avec une nuance : rejoins-moi, je suis chez moi…

Le Goéland et la ville Au début du XXe siècle, un naturaliste britannique s’extasiait au cours d’une « expédition » sur les îles marseillaises de la centaine de couples de goélands qui y nichait. Aujourd’hui, c’est des milliers de couples de Goéland leucophée qui résident à Marseille. Surnommés éboueurs, ils sont des indicateurs de nos modes de vie si producteurs de déchets. Comme quoi la nature bouge, les milieux évoluent, d’autant plus quand ils sont fortement anthropisés, les espèces ne sont pas figées dans leur devenir. Ce qui est abondant peu devenir rare et vice-versa.

Les arbustes et la Fauvette Au début du Vallon nous conduisant vers le Parc Brégante, on retrouve la colline non remblayée et ses sources. La densité d’arbustes très importante offre des caches et des habitats propices à toute une série d’oiseaux : merle, rossignol, mésange… Nous entendons le cri d’alarme de la Fauvette mélanocéphale, la seule des cinq fauvettes méditerranéennes à vivre en milieu urbain. Écoutons-la, car jamais nous ne la verrons. Elle fait partie de ces oiseaux avec lesquels nous vivons, que nous entendons, mais qui jamais ne se montrent à nos yeux. À Foresta déjà 76 espèces d’oiseaux ont été observées.


Pour aller plus loin ou transmettre vos observations : Atlas des oiseaux nicheurs de Marseille, coordonné par Eric Barthelemy, Delachaux et Niestlé 2015. www.faune-paca.org Dessins : Stéphane Brisset (SAFI) Photos : Robert Duband (un habitant participant)


LES RÉCITS DE FORESTA Les Récits du 1000 pattes

Les explorations botaniques

Animé par la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, le 1000 pattes est un groupe ouvert de voisins (proches ou lointains) qui partent régulièrement en voyage tout à côté de chez eux… Nous explorons et enquêtons dans nos quartiers pour rencontrer, apprendre, agir. Nous créons ainsi des balades à partager au moment des Journées Européennes du Patrimoine puis toute l’année. On vient quand on veut, quand on peut, et même quand on ne vient jamais on peut suivre à distance nos aventures grâce à ces petits récits que l’on reçoit par mel, un peu à l’ancienne, entre correspondance et carnet de voyage.

Les explorations botaniques sont des balades qui invitent à faire ensemble l’inventaire de la flore de Foresta. Guidées par les artistes-cueilleurs du collectif SAFI et les botanistes de l’association Espigaou, par ailleurs habitants de cette partie du territoire, elles permettent d’observer pour se constituer peu à peu une connaissance commune et partager ce que nous raconte le monde végétal des lieux où nous vivons. Les explorations botaniques sont une proposition du collectif SAFI et d’Espigaou dans le cadre de Foresta, un projet porté par Yes We Camp en collaboration avec Hôtel du Nord.

Les conversations marchées

Les conversations marchées sont des invitations lancées par le collectif SAFI et le Bureau des guides du GR2013 à des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… pour marcher ensemble et éclairer notre regard sur Foresta. Ils nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème. Les conversations marchées font partie du programme européen Nature 4 Citylife.


LES RÉCITS DE FORESTA Par de multiples marches d’exploration, nous prenons le temps de collectivement observer Foresta. Au travers ses sols, ses arbres, ses paysages, ce site a beaucoup à nous apprendre sur la biodiversité en ville mais aussi sur l’histoire industrielle et sociale de Marseille. En collectant et racontant ses multiples histoires nous espérons contribuer à prendre soin de ces lieux et à les vivre en commun.

www.hoteldunord.coop www.gr2013.fr parcforesta.org


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