EN VOISINAGES - Une balade de Raphaël Caillens le 9 mars 2024
Ce récit a été écrit par Jakob Hottner suite à la balade “En voisinnages” du 9 mars 2024, puis mis en conversation par Raphaël Caillens. Ce récit n’a pas d’ambitions monographiques… D’une balade, on ne retient pas tout. On s’approprie quelques bribes qui resteront et surtout le souvenir joyeux d’avoir partagé une journée avec d’autres.
Les biffins de Gèze
C’est au milieu des biffins qui s’affairent devant le métro Capitaine Gèze que nous commençons à nous regrouper C’est à l’intérieur du bâtiment de la station capitaine Gèze que nous commençons à nous regrouper La balade est conçue pour répondre à une commande de parcours “dans le périmètre d’Euroméditerranée”. Or, pour y répondre, et pouvoir qualifier “voisinages et convivialités” dans ce périmètre, la démarche est de passer auparavant dans la ville telle qu’elle pré-existe à Euroméditerranée, telle que je la connais non pas en tant qu’artiste ou expert, mais en tant qu’habitant depuis 1999.
Avant toute chose, le thème de la balade est mis en acte parmi nous, entre nous : nous ne pouvons pas voisiner pendant toute une marche sans conscience d’être ensemble. Habiter ensemble l’expérience en tant que moment de con-vivialité, c’est d’abord se placer non pas comme marcheur, ou consommateur culturel, ou touriste ou curieux, mais accepter de dire son propre prénom aux autres membres du groupe. Apparaître ainsi aux autres en tant que visage, en tant que personne. Et pour que ceci ne soit pas une formalité de convenance, je fais l’effort de mémoriser les prénoms à mesure que les personnes se présentent. Je fais cet effort d’attention à l’autre pour ne pas me placer comme “prestataire d’un service culturel ou touristique”, mais sur le terrain d’une “situation de rencontre”. La con-vivialité est le texte, le cadre de la balade un pré-texte. Je veux nous rendre présent.e.s à de possibles rencontres. Le dispositif ne peut fonctionner sans une certaine “attention”, “conscience”, “réceptivité”, “état de présence à soi-même, à autrui, à ce qui est là”. Si on ne fait pas cela “entre nous”, il ne peut pas y avoir de “nous” dans les rencontres que nous allons faire. Il n’y aura que des “eux-autres”. Nous regarder et nous reconnaître est une préparation à la rencontre de l’altérité.
Les biffins, ce sont les vendeurs à la sauvette qui récupèrent la biffe (les chiffons) : des objets hétéroclites chinés dans les poubelles, recyclés et vendus sur un drap à même le sol et à des prix imbattables. Chaque matin ici, dans le plus grand marché informel de France, un ingénieux et foisonnant étalage de marchandises s’étend sur l’avenue du Cap Pinède et aux alentours de la station de métro. Dans ce quartier en requalification, les barrières de chantier font office de mannequins, on peut trouver les maillots de l’OM de chaque saison et une multitude d'électronique et -ménager dans des étals débordant sur les rues, sous les grues et devant les blocs de bitume. Issus de la millénaire tradition des chiffonniers, les biffins se distinguent des brocanteurs qui paient un droit de place, et des revendeurs à la sauvette qui vendent du neuf. Oscillant pendant longtemps entre répression et abandon (suppression, fermeture) du marché aux puces, les pouvoirs publics veulent désormais légaliser et réglementer le marché de la débrouille, alors que les chantiers enserrent les biffins, qui apparaissent comme une épine dans le pied d’EuroMéditerranée. Leur futur semble se peaufiner à deux pas d’ici, dans les anciens entrepôts de Casino appartenant aujourd’hui à la Ville. C’est l’association Amelior - qui a notamment légalisé les puces de Montreuil, qui a reçu les clés de l’immense bâtiment. Elle veut installer une « ressourcerie/recyclerie » de 3 500 m² avec 200 stands prévus, tandis que 400 vendeurs ont déjà adhéré à l’association sur les quelque 800 biffins de Gèze recensés. Améliorer les conditions de travail - plus personne sur les trottoirs, résoudre les conflits d’usage de l’espace public et en finir avec les décharges sauvages, le déménagement est très attendu par les vendeurs, les acheteurs et les riverains. Aux dernières nouvelles, la nouvelle ressourcerie/recyclerie devait ouvrir pour la journée internationale des recycleurs et des récupérateurs, le 1er mars. Le 9 mars, notre groupe passe devant un entrepôt qui semble encore loin de pouvoir accueillir l’achalandage chaotique et plein de couleurs qui s’étale le long de l’avenue.
Comme beaucoup d’autres informations, j’ignore ce projet municipal de “re-loger” le commerce de trottoir à couvert dans les anciens entrepôts de Casino dont l’architecture apparaît en contraste avec celle de la station Capitaine Gèze en arrière-plan. J’ignore aussi l’histoire des ruines mises à jour face aux entrepôts, après que les anciens immeubles “Théodora” datant des années 1980, ont été détruits pour faire place nette. Des marcheureuses du groupe racontent alors ce qu’iels en savent. La balade se tisse ainsi de façon polyphonique, en situation. Le parcours “pré-vu” est une “trame accueillante” et “paritaire” au sens où “le guide n’est pas L’expert mais l’ouvreur d’un chemin”, mais pro-posant d’un espace-temps co-écrit dans les instants choisis par les membres du groupe en situation, inattendus, imprévisibles et de ce fait “riches d’exister au présent et en relation”.
Au milieu de la RTM
C’est donc ici que nous nous retrouvons pour marcher et discuter de voisinage et de convivialité. Nous apprenons à nous connaître à l’extrémité de l’esplanade de la station de bus de Gèze, dont l’atout est d’avoir une belle vue ; sur la ville au Sud d’un côté, sur le massif de l’Étoile de l’autre côté, ainsi que sur le ruisseau des Aygalades en-dessous de nous. Le fleuve côtier semble couler à l’envers, un vent sud souffle fort aujourd’hui mais peut-être qui sait, les eaux fuient-elles leur destin situé en deçà de la CMA-CGM. Nous discutions de la notion de milieu quand nous faisons la première rencontre avec nos voisins immédiats : un cadre de la RTM. Nous tentons alors de déterminer avec lui le type de milieu sur lequel nous nous trouvons. Nous avions déjà caractérisé un [?] C’est justement l’usage des termes qui est en question : espace, environnement, milieu, biotope, lieu, situation, ne sont pas équivalents. J’utilise une situation paysagère (un belvédère) pour introduire le terme de milieu. Je précise, tout en sachant que ce n’est pas audible, que j’aborde la question en tant que jardinier-poète : je ne suis pas “dans” quelque chose qui est autre que moi, je ne suis pas face à, dans un rapport dualiste homme-nature, je cherche à “être en présence”, qui est nécessairement une “co-présence” et donc une co-existence, où c’est l’ensemble des habitants humains non-humains, vivants non-vivants, visibles ou invisibles, matériels ou immatériels, qui sont là, qui font présence ensemble. Et cela remet in fine en cause la notion d’individu “détouré du milieu”. En ce sens, chaque “voisinage”, chaque situation, chaque instant, dans ses composantes multiples, est une con-vivialité. En tant que guide, je choisis donc d’investir une situation paysagère, et un gardien de la RTM fait “irruption” dans le groupe que nous constituons après nous être présenté.e.s en nous disant que nous n’avons pas le droit “d’être-là”. Plus qu’un discours cherchant à définir la notion de milieu, la situation en dit long à condition de l’utiliser pour la rendre parlante. Mon travail à ce moment-là consiste à “désamorcer” la situation de frontalité entre “lui” et “nous”. Lui cherchant à nous exclure du lieu, il s’adresse à nous et j’utilise cette situation pour en faire du lien “au-delà” des codes et “règles” apparents du “milieu”. J’essaie de faire ressentir que mon métier de jardinier poète consiste à tisser des liens. Donc “j’inclus” malgré lui cette personne qui veut nous exclure en lui expliquant que nous parlons de milieu et en le faisant reformuler son intervention à l’aune de notre trame, pour que nous nous mettions, l’espace d’un instant, à
co-habiter Je soustrais donc la situation à “l’ordre institutionnel abstrait” pour la replacer dans un ordre “d’urbanité”, c’est-à-dire de “politesse” entre “personnes” et non entre “objets dépersonnalisés d’un système”. Bitumé, très plat, formant un plateau grisâtre au-dessus d’un fleuve-côtier Mais avec lui viennent de nouvelles définitions. Selon lui, nous nous trouvons sur un milieu dangereux, à la merci des bus qui pourraient nous renverser Mais également dans un milieu réglementé, étant propriété privée de l’entreprise privée (à mission publique) de la Régie des Transports Métropolitains, autrement dit milieu interdit à nos présences. A ces définitions, nous (pr)opposons un milieu qui pourrait être convivial par une discussion commune et peut-être même un milieu négociable sur lequel nous pourrions rester quelques minutes de plus.
Habitats et fantômes
Suite à l’expérience du milieu, nous mettons le cap sur le quartier de la Cabucelle (15ème arrondissement) via le parc Billoux. C’est une longue histoire de l’habitat informel qui se dessine le long du ruisseau. Ingénieuses mais précaires, des cabanes longent les rives et emplissent les dessous des tabliers de pont vétustes. Ici, l’habitat investit tant bien que mal le milieu [habitats vernaculaires dans un sens industriel]. Les cabanes sont construites en matériaux de récup peut-être issus des entreprises de logistiques installées de l’autre côté de la palissade. Un détournement ingénieux de matériaux et d’usages de l’espace permet de construire des habitats éphémères, qui, abandonnés et détruits, puis réinvestis et reconstruits constituent le cycle sempiternel de l’habitat de ce coin du ruisseau. Mais ce ne sont pas les seul-e-s occupant-e-s impromptues du coin. Si les travaux d’EuroMéditerranée vont peut-être bientôt déloger les squatteurs des berges du fleuve-côtier, ils ont déjà délogé de nombreux fantômes de leurs tombes. Les fouilles préventives lors de la construction du métro Capitaine Gèze ont mis à jour un cimetière datant de la fin du XVIII° siècle et en usage jusqu’aux années 1930s. Dans ce quartier ouvrier aux nombreuses populations migrantes en mouvement, le cimetière est progressivement sorti des mémoires collectives pour laisser désormais place au métro tant attendu. Un peu plus loin, les fouilles préventives d’un grand projet de cyber activités mettent à jour des constructions anciennes et intrigantes, où l’on devine les fondations de bâtisses très anciennes, demeures des habitants ancestraux du quartier
Cette photo témoigne d’un voisinage d’humains avec des “éléments de nature et de géographie très manifestes” : l’eau du ruisseau des Aygalades embusé, la végétation “spontanée ou sauvage” de ripisylve dont on peut énumérer les espèces présentes, et qui s’installe “à la façon” dont peut être sont construits ces habitats : organique. Le milieu, la “con-vivialité” ici, ont un caractère “bio-logique” et “informel” très différent dans la ville où la nature et le vivant sont “mis en formes”, “mis en plis”, “mis au pas”.
Le parc BillouxLe parc Billoux marque une frontière. Une frontière sensorielle de degrés et de décibels. On ressent la fraîcheur du parc même en cet hiver finissant et l’on s’imagine aisément le soulagement qu’il procure pour les habitants d’ici, écrasés par la chaleur du bitume en été. D’un côté, il y a le jardin bastidaire, régulier et ordonné. La bastide [Aurenty ou Laplane ?] a été sauvée par la patrimonialisation de la Ville dans les années ?, sauvant son patrimoine architectural mais aussi végétal. Les bastides, ces anciens domaines de villégiatures de riches marchands et armateurs marseillais des XVIII° et XIX°, contiennent une grande diversité de plantes notamment exotiques, ramenées des lointaines expéditions comme signe de richesse et de gloire. La « nature » ici, a été domestiquée. On y trouve entre les ? et ?, un grand platane coiffé, c’est-à-dire taillé, amputé, mutilé, rendu régulier et symétrique. On parle d’architecture végétale quand on transpose la vision humaine de l’architecture sur la végétation. Ce platane est dit retombant, si on le laissait pousser à sa guise, ses branches toucheraient le sol contrevenant à l‘acception traditionnelle que l’on se fait d’un platane haut et droit. De l’autre côté du parc, il y a le sous-bois. Dense en végétation, il est traversé par une voie de chemin de fer reliant la raffinerie de sucre de Saint-Louis à la gare du Canet. Aujourd’hui intégrée au parc, elle témoigne du passé industriel encore prégnant du quartier Ce n’est qu’en 2015 que l’usine Saint-Louis, la dernière raffinerie de sucre de France a fermé, après avoir rythmé la vie du quartier pendant plus d’un siècle et demi. Ici, dans le coin du sucre - pas très loin de l’usine Haribo, on vivait au son des cloches d’usines, des matchs de l’US Raffinerie et des verres au O’café sucré. Une marcheuse se souvient de son oncle, ouvrier à la raffinerie : « C’était un travail terrible, je me souviens de la colle partout sur les doigts et aux horaires d’entrées et de sorties, c’était massif ; les rues étaient bondées d’ouvriers ». Aujourd’hui, le quartier a perdu de son foisonnement ouvrier, « c’est étrange de se dire que c’est fini » répètent ceux d’entre nous qui ont connu cette époque. Il reste bien le local départemental du PCF sur lequel ornent une multitude d’antennes étranges, d’un rouge qui vire à l’Orange.
Des pots bleus…
Mais si le quartier de la Cabucelle a perdu sa nombreuse population ouvrière, est-ce pour autant la fin des relations de voisinage et de la convivialité ? Certainement pas nous répond Raphaël Caillens, qui nous guide à travers ce quartier qu’il connaît si bien, puisqu’il y vit depuis 1999. Nous arrivons au milieu du Boulevard Honorine, devant son ancien habitat, situé au cœur du village industriel de la Cabucelle. Raphaël nous déploie sa vision de l’habitat. Ici, quand il est arrivé à la fin des années 1990, les personnes âgées posaient leur chaise dehors et discutaient, il y avait des fêtes, les gens se connaissaient, entretenaient des bonnes relations de voisinage. C’est ce qui lui avait plu en arrivant ici, cette vie de quartier dense encastrée dans un tissu social divers et varié. Au bout de quelques années, certains ont déménagé, d’autres sont partis en maison de retraite ou sont décédés. Ceux qui sont restés n’avaient plus d’acolytes de rue et les chaises se sont progressivement repliées derrière les murs des façades. La rue a perdu de sa fonction sociale facilitant discussion et rencontre, dans ce quartier qui ne compte pourtant qu’une ou deux places. Nombreux sont ceux qui y voyaient la fatalité d’un quartier qui se dégradait et se paupérisait, de pair avec la désindustrialisation. Mais, il restait Georgette, qui prenait encore soin du bout de trottoir devant chez elle. Vannes ouvertes, elle nettoyait régulièrement le trottoir, engageant un mouvement de soin de l’espace public. Inspiré par Georgette, Raphaël nous explique comme il a lui aussi pris soin de son bout de trottoir Jardinier-poète, il a récupéré de nombreux pots bleus en plastique chez un grossiste un peu plus loin et y a planté des fleurs. Au fil du temps et à force de persévérance, Raphaël s’est mis à jardiner des pots bleus avec les voisins motivés qui ont adopté chacun leur tour un pot bleu sur leur bout de trottoir La rue est peu à peu devenue la rue des pots bleus, engendrant par le jardinage commun, de nouvelles relations de voisinage et de convivialité. Malgré les désillusions du CIQ qui n’y croyait pas, c’est ici que la première rue végétalisée C’est vrai qu’on en était fier Rue des Pots bleus 2006, rue de l’arc, première rue végétalisée “en ville” à partir de 2009 de Marseille a pris forme, grâce à la motivation de voisins déterminés à reprendre en main et reprendre soin de leur espace public. Et ce qui se voyait encore à la fin des années 1990 est revenu au goût du jour, cette façon d’habiter la rue vivante et commune, dans laquelle on peut retrouver chaises et papis qui discutent. La date de la Sainte-Honorine et tous les prétextes ont été bons pour faire la fête ensemble. Grâce aux relations de voisinage, les pots bleus perdurent dans le temps. Aujourd’hui, Raphaël a déménagé mais les pots sont restés. Au déménagement d’un foyer, le pot associé est donné à un autre domicile et ainsi vivent les pots bleus, d’un bout à l’autre du boulevard. Pour Raphaël, c’est cela l’habitat. C’est créer de la convivialité dans les relations de voisinage par des communs dont on s’occupe, qu’on vit et fait vivre. Chacun y met sa patte, sa façon à lui, c’est le jardinage. On pourrait penser la rue des pots bleus comme un chemin vicinal, à son sens premier, c’est-à-dire comme d’un chemin de voisinage.
et des castors
Point de départ des pots bleus, cette maison était aussi le tout premier castor de Marseille. Les castors sont des rongeurs notoires, mais c’est aussi le nom donné à un formidable mouvement d’auto-construction suite à la guerre. Pendant la grave pénurie de logements des années 1950, des familles mettent en commun leur force, leur temps et leur capital pour construire ensemble et avec un soin égal des logements attribués aux participants à la fin du chantier par tirage au sort. Suivant la formule « Un pour tous, et tous pour un » de Dumas, le mouvement des cités-castors permet un moindre investissement individuel mais avec des cadences infernales pendant les dimanches et jours de congés. Dans ce premier castor marseillais vivaient les prêtres-ouvriers, des prêtres « sociaux » qui avaient créé une usine de parpaing à côté de leur église pour la construction des cités castors. On dit que Jean-Paul, avant d’être élu pape et numéroté second, est allé voir cette expérience de prêtres rouges (on les appelait les prêtres blancs), il aurait même dormi ici, dans un castor A la fin des années 1950 cependant, ces prêtres jugés trop « sociaux » ou « trop à gauche », sont finalement menacés d’excommunication et l’Etat commence à construire des immenses barres d’immeubles dans les alentours. De cette maison chargée d’histoire, nous repartons en direction de la nouvelle demeure de Raphaël, cette fois, un logement en immeuble de promoteur ! La question se pose, peut-on y jardiner dans les mêmes conditions qu’ici ?
EuroMéditerranée I : Résidence Cap Pinède
Raphaël se souvient de ses nombreuses balades ici, avant la construction de la résidence dite Cap Pinède. Il y avait un terrain vague avec une floraison toute l’année, une grotte souvent squattée, le figuier servait d’agachon à des chasseurs. C’était un parc du coin avec un large éventail d’usages informels. Nous arrivons par le portail de cette gated community, ouvert grâce au badge qui n’attend pas les retardataires. On s’imagine lire sur une plaquette de rêve : « Construction Nexity x Georges V, altitude 46, vue sur mer ». On voit : beaucoup de voitures, une grotte, des murs blancs et lisses. La pinède a été détruite pour construire la résidence qui porte son nom. Cette résidence est un ovni dans la mer de schmilblicks environnante. Le blanc très propre et lisse, la vue sur les bateaux de croisières, la grotte qui semble presque artificielle… Tout semble faux comme les images artificielles que vendent les promoteurs immobiliers. Mais la réalité est toute autre que celle vendue par le prospectus. Les problèmes sont vite arrivés. Sous couvert d’ « éco-quartier » et de progressisme (à l’époque de la livraison de l’immeuble
neuf en 2008, on n’utilisait pas le terme d’éco-quartier C’était la vue sur mer et le fait que c’était une “résidence fermée” qui étaient mises en avant), les pratiques immobilières sont presque mafieuses. Le syndic qui s’occupe de la résidence le temps d’épuiser les recours de l’assurance biennale contre les malfaçons s’avère être une émanation (filiale) du promoteur et fonctionne selon une logique clientéliste. Les problèmes collectifs sont masqués et pour se maintenir au conseil, le syndic se penche sur quelques problèmes individuels éparses. Les coupes budgétaires sont rapidement survenues et le premier poste d’austérité a été le jardin. Plus d’argent pour réparer le dispositif d’arrosage conçu par Nexity Tout l’espace vert meurt, la terre était pourrie de toute façon, constituée essentiellement de déblais du chantier de construction Pourtant ici comme ailleurs, les gated communities se propagent et attirent les gens. On fuit la vie foisonnante de la rue qui est intense, parfois sale et dangereuse, mais aussi conviviale. S’enfermer dans des résidences privées, c’est se mettre littéralement hors-sol. On se coupe du monde, on ne met plus ou pas le pied dans le quartier Ici, tout est conçu pour la voiture. On prend l’ascenseur directement pour le garage situé au sous-sol pour prendre sa voiture. On jette ses ordures pour certains en visant les containers par la fenêtre de sa voiture, on récupèrerait presque ses lettres à travers la fenêtre de sa voiture si c’était possible, on sort par le portail automatique jusqu’à son travail. Tout est pensé pour que les espaces collectifs ne soient pas investis. C’est le paradigme de cet urbanisme mortifère que l’on nomme fonctionnel. A Nexity, on déteste (proscrit ?) les communs. Quand dans l’entreprise ayant réalisé les espaces verts, la question des communs s’est posée pour la résidence Cap Pinède, on l’a vite évincée : « Ça crée des problèmes ; ça complexifie ; les gens ne s’entendent pas ; il vaut mieux ne faire que de l’individuel ; c’est plus facile ; c’est ce que les gens veulent ». Pour Raphaël, habiter passe par l’usage et l’entretien des communs, alors ici, autant dire que c’était inhabitable. Usant de sa persévérance, il se met à jardiner dans les espaces communs avec un soutien croissant de la part de quelques habitant-e-s motivé-e-s contrairement à d’autres ayant fait venir des huissiers pour constater des « dégradations ». Un mouvement pour se réapproprier la terre commune se constitue, on plante des et des On crée du lien et on pense à créer un petit sentier derrière la résidence pour fabriquer un deuxième accès, pour éviter de faire tout le tour de la résidence. A Cap Pinède, les communs se tissent et les liens se nouent. Nexity a certainement raison sur plusieurs points : oui, les communs, c’est compliqué, oui, ça crée des problèmes. Mais les promoteurs se trompent sur l’essentiel : les gens ont besoin de communs. Des liens de voisinage conviviaux sont essentiels pour habiter de façon agréable.
Curiosités
Au numéro 42 en sortant, il y a une ancienne bastide qui est devenue une auberge, peut-être la plus petite de Marseille. Certaines d’entre nous y sont allées. « Il n’y a que des curiosités ici » lance quelqu’un. En venant du Boulevard de la Méditerranée, on est allé voir le dernier lavoir de Marseille, un survivant, la preuve qu’il est possible de ne pas toujours faire table rase du passé. Un peu avant, on s’arrêtait à l’arrêt de bus « Moulin à vent » que l’on s’imagine bien ici, en haut de la butte, où le vent s’empare de nos cheveux et murmure très près de nos oreilles. En haut de la butte, c’est la pause. On s’assoie pour attendre les autres et on s’emploie à trouver des traces de l’ancien moulin. Du moulin, il ne reste que l’arrêt de bus, mais à pister ses potentielles ruines, nous ne voyons pas celle sur laquelle nous sommes assis-e-s, un vieux bunker végétalisé. Le quartier est à l’image de ce bunker, un peu sauvage et impromptue. Il pousse parfois à droite, parfois à gauche, par à-coups et reculs, strate par strate, des les hauteurs et les souterrains, mais toujours en-dehors des plans directeurs des technocrates. Comme un jardin finalement.
Le marché aux puces
Après notre grande incursion dans le quartier de la Cabucelle, nous reprenons cap centre-ville en traversant le quartier EuroMéditerranée version I et II. Mais d’abord petite halte aux puces. Le marché aux puces est mitoyen du marché informel des biffins qui s’étale devant la station Gèze, ce qui peut prêter à confusion entre les deux. Le marché aux puces officiel est dénommé « Centre commercial des Puces » ou « Marché de la Madrague-Ville ». C’est dans une ancienne usine Alstom dédiée à l’entretien et à la maintenance des navires marchands que se défile le dédale des puces. On slalome entre 300 stands qui vendent des produits alimentaires, vêtements, livres, antiquités, pièces mécaniques et on peut s'asseoir aux cafés, restaurants, locaux associatifs ou à la mosquée. Il y a quelques années encore, il y avait le gigantesque déballage de marchandise sur le parvis qui offrait des scènes peu communes. Cet espace est aujourd’hui entré dans le périmètre de sécurité d’EuroMéditerranée, expropriant ses usagers qui ont migré vers le marché informel de la station de métro. Le groupe de promoteurs a déjà fait plusieurs propositions économiques pour racheter le reste des puces qui, pour l’instant, résistent. On dirait que les puces forment une sorte de barrage face à l'avancée inexorable du projet architectural et social d’EuroMéditerranée, dont les tours s’élèvent à quelques mètres et urbanisent tout le quartier « C’est un drôle de caillou dans la chaussure d’Euromed » affirme une voix de notre groupe. Deux mondes se côtoient ici, fourmillement contre austérité, blanc lisse contre vives couleurs, panacher de langues méditerranéennes contre smart-langage, promiscuité contre grand vide, les puces m’apparaissent comme un front de la guerre sociale en cours qui se joue à coups de réhabilitation, rénovation, requalification et autre re-urbaines.
EuroMéditerranée II : Smartseille, ilot Allar
Après notre bifurcation aux puces, nous entrons à quelques centaines de mètres de là dans l’ilot Allar, l’écoquartier nommé “Smartseille” d'EuroMéditerranée. Nous sommes royalement accueillis avec café et biscuits par Christiane, habitante de l’une de ces grandes tours. Elle nous invite dans les espaces communs du 6ème étage et nous fait un tour de la grande terrasse commune, occupée par une nombreuse végétation qui plie sous le vent, s'engouffrant bruyamment sur la terrasse tout en bitume. Devant nous se dessine un panorama que la plupart d’entre nous rêvaient de voir un jour Une bonne partie d’EuroMéditerranée II se dévoile depuis les hauteurs. On voit les tours blanches et jaunes, un parking à voiture sur pattes et les innombrables chantiers de tous les côtés. « Ils construisent encore en face, j’avais une belle vue. Bientôt je n’y verrai que du blanc » commente Christiane. L’immeuble où nous sommes a un parking souterrain, les autres sont trop humides. Un parking-immeuble a donc été élevé à quelques mètres. La voiture semble indispensable au mode de vie qu’implique cet urbanisme, comme au Cap Pinède. En fait, il n'y a pas de transport en commun ici, tout le monde attend l’arrivée du tram, prévu pour 2025. Mais il n’y a surtout pas de commerces à proximité, Christiane nous raconte qu’elle fait ses courses au Grand Littoral, à 6 km et 10 min en voiture. Il y a bien un LIDL, qui est transitoire en attendant la construction du même supermarché version XL, qui abritera un gymnase sur le toit. « C’est donc ça l’espace commun d’Euromed, le toit du LIDL ? » s’amuse quelqu’un. « Qu’est-ce qu’il y avait avant ici ? » demande une autre personne. La réponse est dans l’air Ça sent le pétrole. L’odeur est le seul vestige des activités industrielles qui se déroulaient ici il y a quelques décennies. Une usine à gaz et des cuves de fioul occupaient cette partie du quartier des Crottes, qui sont difficilement imaginables dans ce nouvel univers aux antipodes de l’industrie lourde. La rue de Lyon est en face, entre nous, il y a une immense parcelle en chantier de terrassement. Je me souviens de nombreuses fois à cet endroit précis de la rue de Lyon, levant les yeux face au blanc écarlate de la silhouette de cet ilot, pestant contre cet urbanisme que je trouve démesuré. Cette fois pourtant nous y sommes, à l’intérieur même d’EuroMéditerranée, dans un de ses immeubles phares. Alors, comment la vie s’y déroule ?
Cher voisins
Raphaël a rencontré Christiane à la pagode des Aygalades. Alors qu’il a fait tomber une bouture, Christiane a fait du zèle pour protéger la plante des nombreux passants qui allaient l’écraser D’une bouture a éclos une amitié de deux passionné-e-s de jardinage. Christiane s’est installée ici en 2018, dans cette partie des quartiers Nord, d’où elle vient. Nous commençons à manger nos repas pendant qu’elle raconte les problèmes de la résidence, à savoir les ordures et l’insécurité. « Les ordures sont laissées partout, y a la vente à la sauvette de Gèze à côté, les gens laissent tout ici, le mobilier urbain devant, des canapés, tout… ». Elle ajoute : « Il n’y a pas de gardiens ici. C’est fermé normalement mais quand on oublie de fermer la porte, c’est foutu. N’importe qui peut rentrer ». A propos du deal : « Je ne sais pas, je ne sors pas la nuit ». Elle continue : « Dans la tour Euromed d’à côté, quatre appartements ont été squattés avant que le bâtiment soit livré. Il y a des marchands de soleil, pardon de sommeil, qui louent des appartements minuscules à des familles entières. A l'école primaire en bas, on a dû installer un filet car les gens jettent des ordures dedans, même des médicaments ou des cachets. Et puis il y a eu l’histoire du sabre ! Quelqu’un a jeté un sabre dans l’école. C’est trop. Il faut des médiateurs ! ». Nous l’interrogeons sur la vie à l’intérieur de l’immeuble. Christiane est référente de l’association Cher Voisins, qui s’occupe de faire vivre le voisinage de l’immeuble, notamment intergénérationnel. En fait, cette association est liée au format de l'îlot, voulu expérimental par son promoteur Eiffage. Des espaces communs d’un nouveau genre ont été pensés, toujours en test : un local de convivialité et une terrasse commune pensés pour la socialisation et la convivialité. Si le test échoue, les espaces communs seront transformés en appartement locatif. La gestion de ces espaces communs a été confiée à une entreprise de type économie sociale et solidaire (ESS) : Récipro-cité, qui se définit comme une « société d’ingénierie sociale ». Récipro-cité a mis en place le dispositif d’habitat intergénérationnel Cher Voisins, dont Christiane est donc l’une des deux référentes de l’immeuble. Et alors est-ce que ça marche ? « Ça commence tout doucement, pas très très bien encore, les gens sortent un peu de chez eux, ça leur plait. Ce ne sont que des femmes qui viennent ici. On fait des ateliers de jeux, du tricot, des séances de bavardage. Le mercredi il y a des jeux pour enfants, des cours d’arabes, et puis on jardine. Tout le monde veut récolter les légumes mais y en a pas beaucoup qui veulent travailler la terre haha ! ».
Du « social washing » ?
L’enthousiasme et le charisme de Christiane nous séduit mais au fond, le résultat nous semble ambivalent, à l’image de la terrasse éventée. Il y a de nombreuses plantes joliment arrangées, mais on ne peut s’empêcher de regarder le système d’arrosage d’Eiffage qui ne fonctionne pas, de se demander s’il ne faut pas replanter les fleurs chaque année à cause du vent et de s’imaginer la chaleur réfléchie par le bitume ici en été. En fait, tout repose sur Christianne. Sans elle, tout s’écroule, les jolies fleurs ne sont pas arrosées, il n’y a plus d’ateliers et les espaces communs restent fermés. C’est un équilibre très fragile, qui repose sur une habitante motivée, une « pépite » dans le langage ESS. Au fil des discussions, le problème s’affine : la convivialité a été sous-traitée à une entreprise privée émanant des logiques des promoteurs qui, forcés d'intégrer des espaces communs à leurs constructions, veulent garder le contrôle de ces quelques mètres carrés arrachés aux logiques marchandes. Quand une résidence ferme une voirie en gated community, on délègue l’entretien de la voirie au syndic, les pouvoirs publics ne s’en occupent plus. Ici, l’exemple est poussé très loin. Même la vie sociale est gérée par le syndic. Dans une autre discussion rapportée par Raphaël, la directrice de l’entreprise ESS, qui est par ailleurs architecte pour les promoteurs, reconnaît finalement qu’il y a bel et bien délégation de service publique au privé. Ce système de convivialité permet d’autant plus de faire la publicité pour les promoteurs, qui peuvent se louer d’organiser la convivialité, d’un système de rencontre qui in fine repose entièrement sur Christiane, fièrement mise en avant mais token du « social washing » d’Eiffage. « C’est bien ici ? » demande finalement quelqu’un ? « Ni oui, ni non. Jusqu’ici, ça me va, mais jusqu’à quand ? Je suis locataire comme ça, si ça ne me va plus, je me tire ».
Paysages urbains
Estomacs et oreilles rassasié-e-s, nous repartons vite avant que la pluie ne tombe. A deux pas de la rue de Lyon, nous arrivons sur la place de l'église du quartier des Crottes, qui tire son nom du provençal pour caves. Il n’y a pour autant dire personne sur cette place, ancien noyau du village qui a gardé sa belle forme concentrée autour de l'Église, mais perdu ses habitant-e-s. Notre groupe aime bien, et d’ailleurs connaît bien cette place. Du groupe monte un consensuel « Ahhh, bien, j’aime bien ici ». On remarque les sentinelles, postées au-dessus de l'église qui nous surveillent d’un œil grave. [photo des pigeons] On reprend la rue de Lyon et on remonte le chantier du tram, qui vient sans coïncidences en même temps que les nouveaux immeubles. De loin, nous voyons la petite dernière d’EuroMéditerranée : la tour Mirabeau, en bleu-blanc. En face de nous, il y a quelques vestiges de l’industrialisation : deux cheminées à côté des locaux de la Provence, des bâtiments en briques, les vieilles enseignes des usines et le silo à farine de Storione. Au-delà de tous les contrastes architecturaux, il y a la différence de couleurs des bâtiments, entre le rouge-brun industrielle à l’éco-blanc-gris. En fait, les bâtiments d’EuroMéditerranée ne sont pas peints, le béton est à nu, brut. Arrivé-e-s à Bougainville, nous bifurquons vers la passerelle rouge du nom d’Eugène Gauchet, qui surplombe la gare du Canet. Seul point de passage entre les quartiers des Crottes et du Canet, la passerelle vétuste offre sous nos yeux ébahis le spectacle de la gare de triage, qui semble à portée de main, du moins de yeux. Moitié fonctionnelle, moitié abandonnée, la gare est vouée à accueillir la fameuse coulée verte des Aygalades, annoncée à l’horizon de 2030. Le ruisseau renaturalisé au milieu d’une végétation dense et des espaces de jeux pour enfants, le parc serait immense, on se surprend à rêver, ici, au-dessus de la passerelle rouge. On voudrait y croire. Très vite, on se questionne : EuroMéditerranée prévoit de nouvelles constructions en bordures du parc. A quelle point vont-elles empiéter ? Comment vont-ils s’y prendre pour la renaturalisation des Aygalades ? En se hâtant pour rentrer avant la pluie, nous reprenons notre chemin en direction du parc de Bougainville, fraîchement livré par la Ville. Personne n’y a encore mis les pieds, c’est une première pour nous. On découvre un parc très minéral, avec peu de végétation, mais on se dit qu’elle poussera peut-être cet été ? Le ruisseau, enfermé dans sa cage de béton, asphyxié de déchets, laisse désirer sa renaturalisation. On peine à se l’imaginer libre là, aux pieds de Félix Pyat, la grande barre aujourd’hui fragmentée après plusieurs dynamitages. La pluie tant redoutée toute la journée commence à se faire sentir
Le parc et le banc habités
Le FRAC nous attend, nous arrivons, pressés, non sans avoir fait un détour par les archives départementales en passant par le « parc habité ». Les éléments de langage d’EuroMéditerranée se transforment au gré des modes. Au début du projet en 1995, on parlait d’un grand village provençal qui allait sortir de terre ici, dans le quartier des Fabriques. On diffusait des images à faire tourner la tête des amateurs du pittoresque provençal. Aujourd’hui, ces images sont introuvables et l’on parle donc désormais d’un « parc habité », îlot d’EuroMéditerranée I, constitué d’une poignée de platanes au milieu d’une mer de béton d’une dizaine d’étages. On parlait également d’un laboratoire urbain, expérimental, mobilisant les dernières recherches urbaines et sociales. De cette promesse d’art de faire mixtes, multiples, progressistes, on a finalement offert la grande majorité des permis de construire à Bouygues - à l'exception de l'îlot expérimental mentionné à Eiffage. Le quartier des affaires ressemble à tous les autres. Des grandes tours, des grandes rues trop larges pour s’y rencontrer et aucune place ni commerces. Les parapluies se déploient alors que nous faisons une dernière pause sur un banc à côté des archives. Ce banc, des jeunes en avaient fait leur lieu de rencontre, et les rencontres, ça fait du bruit. On discute, on écoute de la musique. Alors ça n’a pas plu aux voisins qui n’arrivaient plus à dormir Du coup, on a enlevé les bancs. Alors les jeunes sont allés au parc des archives. Alors on a fermé le parc. On avait oublié l’espace public en 1995.
qui habite ici ». Ils sont où les habitants ? Pour les rencontrer, le FRAC a organisé la biennale de la Joliette, une biennale consacrée au voisinage. Et avec certains voisins, une marche intitulée « Il n’y a personne qui habite ici » a fait le tour du quartier, racontée par les voix de ses habitants. Ici comme ailleurs, des gens habitent et n’attendent qu’à trouver des nouvelles formes de voisinage. Alors, que retenir de cette journée ? On lit souvent que le capitalisme aliène le travail, parfois qu’il pétrifie nos villes, quelquefois qu’il colonise la vie quotidienne. La forme urbaine détermine sous doute à partir d’un certain seuil de planification, de contrôle, de gigantisme, les arts de vivre qu’elle abrite. Mais alors, comment reprendre en main notre vi(ll)e ? Peut-être que cela se niche dans de petites choses, à commencer par rencontrer nos voisins. Mai 68 en a rêvé à travers le film L’an 01. Ceci est donc une invitation à faire un pas de côté, à sonner en face du palier, à sourire dans l’ascenseur, à jardiner son bout de trottoir, à partager un café ou quelques mots à la fenêtre, et pourquoi pas, à organiser une fête des voisins !