Les récits de Foresta // Exploration botanique n°3

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LES RÉCITS DE FORESTA Les explorations botaniques

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samedi 30 MARS 2019 Les plantes utiles de foresta Avec LE COLLECTIF SAFI ET ESPIGAOU


L’histoire du site de foresta Il était une fois au nord de Marseille un site exceptionnel, une colline argileuse au dessus de la mer. Longtemps, on y a cultivé la vigne et prélevé la matière première pour des ateliers de poterie. Au XIXe siècle, la colline a renoncé peu à peu à ses activités agricoles et artisanales pour alimenter les tuileries du bassin de Séon et accueillir des quartiers industrieux et populaires. Le château du Marquis de Foresta surplombait la colline jusqu’à ce que les batteries allemandes du Frioul le bombardent en 1944. L’exploitation de la carrière avait alors cessé et la pinède bastidaire où les familles du quartier venaient pique-niquer le dimanche est devenu un terrain d’aventures entre les ruines. Quelques décennies plus tard, le projet de centre commercial Grand Littoral redessine les pentes et le paysage. L’espace en contrebas devient “la coulée verte”, identifiée dans les plans d’urbanisme comme grand site à vocation sportive ou de loisirs. Mais le temps semble se suspendre pour ces terrains qui, en dépit de ces intentions, sont depuis des années à la limite de l’abandon. L’histoire se remet en marche en 2015 avec l’acquisition de ces terrains par la société Résiliance. Leur rencontre avec le collectif Yes we camp, puis avec la coopérative d’habitants Hôtel du Nord et l’équipe du Bureau des guides du GR2013 crée les conditions pour proposer une utilisation collective et expérimentale de ces 16 hectares à ciel ouvert.

De nombreuses balades et rendez-vous collectifs ont permis peu à peu d’imaginer et de tester l’idée d’un parc, espace de loisirs mais aussi outil pour produire, partager et apprendre à partir des ressources locales et avec ceux qui vivent là.


Teinture et nourriture...


Pour cette exploration botanique, nous nous sommes intéressés aux plantes utiles présentes sur le site de Foresta : les plantes tinctoriales pour la teinture et la peinture, délaissées depuis l’ère industrielle, et la cueillette de plantes sauvages comestibles, qui ont toute leur place dans un développement écologique, et de ce fait bénéficient d’un regain d’intérêt. Tellement d’intérêt ce jour-là que personne n’a pensé à prendre des photos, je suis donc revenue plus tard pour photographier les plantes, une balade invisible...

Les plantes tinctoriales L’homme peint son corps et son habitat depuis le paléolithique, mais la teinture végétale des fibres comme le lin ou la laine pour le tissage se développe au néolithique avec les débuts de l’agriculture (-6000 en Europe). À Foresta, avec un sol calcaire, argileux, et fait de beaucoup de remblais, on trouve quelques tinctoriales qui se sont adaptées au climat méditerranéen local, sec et venteux. L’arbre à perruques, Cotinus coggygria, le sumac fustet – couleur jaune Important dans l’industrie textile depuis le 16e siècle, il est exploité en Provence, en Espagne, au Portugal et même cultivé en Italie du sud. Bien que sa teinture soit de faible stabilité à la lumière, il est économique à l’utilisation et se prête à une utilisation avec d’autres principes tinctoriaux onéreux comme la cochenille et le carthame. Malgré la concurrence des bois exotiques dès le 16e siècle, l’activité se maintient jusqu’au milieu du 19e siècle. On cueille les feuilles et les jeunes pousses en juin-juillet, mais toutes les parties aériennes de la plante peuvent s’utiliser. On coupe les branches, puis on les sèche au soleil et on bat. On passe ensuite à la meule les feuilles et les sommités détachées des branches. L’Argeras, Ulex parviflorus, Ajonc épineux – couleur jaune Il peut remplacer le genêt des teinturiers (Genista tinctoria) ou la Gaude (Reseda luteola). On récolte les branches fleuries fraîches qu’on fait bouillir. Le Nerprun, Rhamnus alaternus – couleur jaune Comme deux autres nerpruns, on utilise les baies pour la teinture depuis le IIe siècle, en récoltant les baies avant maturité en début d’été puis en les faisant sécher. On les appelait aussi « graines d’Avignon », recherchées par les teinturiers de « petit teint ». On l’employait aussi pour fabriquer une couleur jaune à peindre sous le nom de stilde-grain en la mélangeant à de l’argile et de l’alun (bi-sulfate de potassium et aluminium) utilisée par les peintres flamands des 15e - 16e siècles.


Vue du bassin haut

Nerprun alaterne, Rhamnus alaternus

Baies de nerprun alaterne


Chêne kermès, Quercus coccifera


Le chrysanthème jaune, Chrysanthemum coronarium – couleur jaune Plante de petit teint, on obtient le colorant jaune à partir de la décoction des fleurs, et il s’applique sur la laine, le coton et la soie préalablement mordancés à l’alun. Le Grenadier, Punica granatum – couleur jaune orangé La grenade peut contenir 400 graines par fruit, ce qui en fait le symbole de la fécondité dans de nombreuses cultures. Originaire du pourtour de la mer Caspienne, il est domestiqué dès le néolithique et importé en Asie orientale et dans le bassin méditerranéen. Les Romains le ramènent de Carthage et les Arabes en ont planté de grandes quantités en Espagne à partir du 8e siècle. On utilise en teinture l’écorce des fruits et parfois l’écorce du tronc. La grenade donne une teinte solide safran, résistante au soleil et aux lavages. Utilisée en simple décoction sans mordant au Maghreb pour teindre la laine, tandis qu’avec un mordançage au fer, elle donne des tons gris ou noirs. Passée sur un pied d’indigo, elle donne un vert bouteille ou émeraude. Gratteron, Galium aparine – couleur rose Cette plante qui ressemble à la garance voyageuse, Rubia peregrina, ou à la vraie garance, Rubia tinctoria, peut aussi être utilisée en teinture, par les racines stolonées rouges. Les baies sont un bon succédané de café. Le Chêne kermès, Quercus coccifera – couleur rose, rouge (cochenille) Le kermès a pris le nom de la cochenille qui le parasite, Kermes vermilio, et donne un colorant rouge très recherché pour le textile et l’alimentaire depuis l’Antiquité. Au 18e siècle, le vermillon français est concurrencé par la cochenille mexicaine, qui provient du figuier de Barbarie (Opuntia) et coûte bien moins cher. Aujourd’hui la cochenille est devenue rare en France, surtout à cause des incendies de forêts et des insecticides de l’agriculture. On récolte les femelles car ce sont les œufs qui sont remplis d’une liqueur rouge, que l’on trempe dans le vinaigre pendant 12h, et que l’on sèche au soleil. Il faut 60 à 80 individus pour obtenir un gramme de pigment. Le Sureau, Sambucus nigra – couleur mauve bleu Le nom fait référence aux Sambuca, les flûtes fabriquées par les bergers grecs à base de tiges de sureau évidées. On retrouve chez les Celtes cette même allusion aux flûtes en sureau que les druides utilisaient pour converser avec les morts. L’usage très ancien du sureau est attesté par l’archéologie. Les baies sont macérées dans du vinaigre pendant deux jours et portées à ébullition une heure. On trempe le tissu en décoction. Il donne des tons du violine au bleu en passant par un gris souris. On peut aussi utiliser les baies du prunelier Prunus spinosa pour ces couleurs.


Pastel, Isatis tinctoria

Le Coquelicot

Le Pastel, Isatis tinctoria – couleur bleu Des traces de son utilisation dès le néolithique ont été trouvées dans la grotte d’Adaouste dans les Bouches du Rhône. Mais son rôle en teinture se développe au 12e siècle avec des pastels en provenance d’Espagne ou d’Orient, et devient la couleur des princes et de la Vierge en France et en Europe. Pendant la Renaissance le pays de cocagne enrichit la région. Cependant l’indigo importé d’Inde et d’Asie vient concurrencer le pastel... La récolte des feuilles s’étale de la Saint Jean jusqu’en octobre en 4 à 6 cueillettes, puis un long travail de transformation est nécessaire pour obtenir le fameux bleu. Pour les bâtons de pastel, on mélange avec de la gomme et de la craie le colorant. La Scabieuse, Scabiosa – couleur bleu pâle Une décoction de cette plante donne, après oxydation à l’air du tissu de coton, une teinture bleu pâle assez solide. L’Iris, Iris Germanica – couleur vert La culture de l’iris comme matière première a été surtout pratiquée aux Pays-Bas (Iris xiphium) pour le pigment vert tiré de ses pétales, et au Maroc pour le parfum des racines, dont on tire une huile essentielle le « beurre d’iris » (Iris germanica). Il a été utilisé pour les enluminures et la peinture, mais il est peu solide. Le Sumac des corroyeurs, Rhus coriaria – couleur brun Son feuillage riche en tanins est récolté de fin juillet à fin septembre pour le tannage et la teinture des peaux, d’où son nom commun. Une plante comestible et tinctoriale : le Coquelicot (Papaver rhoeas)


Les plantes comestibles Toute l’année ou presque, on peut ramasser des plantes comestibles à Foresta, certaines très présentes comme le fenouil, d’autres seulement comestibles durant un petit moment de saison comme l’asperge sauvage. L’Ail sauvage, Allium napolitanum (à préserver) L’Arroche maritime, Atriplex halimus L’Asperge sauvage, Asparagus acutifolius La Bette sauvage, Betta vulgaris maritima Le Souci sauvage, Calendula arvensis Le Chardon marie, Silybum marianum Le Chénopode blanc, Chenopodium album La Chicorée sauvage, Cichorium intybus Le Coquelicot, Papaver rhoeas Le Fenouil sauvage, Foeniculum vulgare La Moutarde noire, Brassica nigra Le Laîteron maraîcher, Sonchus oleraceus La Mauve, Malva sylvestris L’Oseille sauvage, Rumex acetosa ou Rumex pulcher (violon) La Passerage, Cardaria draba, faux brocoli La imprenelle, Sanguisorba minor Le Pin pignon, Pinus pinea Le Pissenlit, Taraxacum officinale et T. obovatum (luisant) Le Plantain lancéolé, Plantago lanceolata Le Plantain corne de cerf, Plantago coronopus Le Poireau sauvage, Allium ampeloprasum Le Pourpier, Portulaca oleracea Le Prunier épineux, Prunus spinosa La Ronce, Rubus fructicosus Le Robinier, Robinia pseudacacia La Roquette blanche, Diplotaxis erucoides La Roquette jaune, Diplotaxis tenuifolia Le Salsifi à feuille de poireau, Tragopogon porrifolius Le Sureau noir, Sambucus nigra

Bibliographie : Sauvages et comestibles, Marie Claude Paume, Edisud Plantes à teinter, Chantal Delphin et Eric Gitton, Ed. Plume de carotte, collection Terra curiosa


Arroche maritime ou Pourpier marin

Blette sauvage

Fenouil

Plantain lancĂŠolĂŠ

Salsifi sauvage


LES RÉCITS DE FORESTA Les Récits du 1000 pattes

Les explorations botaniques

Animé par la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, le 1000 pattes est un groupe ouvert de voisins (proches ou lointains) qui partent régulièrement en voyage tout à côté de chez eux… Nous explorons et enquêtons dans nos quartiers pour rencontrer, apprendre, agir. Nous créons ainsi des balades à partager au moment des Journées Européennes du Patrimoine puis toute l’année. On vient quand on veut, quand on peut, et même quand on ne vient jamais on peut suivre à distance nos aventures grâce à ces petits récits que l’on reçoit par mel, un peu à l’ancienne, entre correspondance et carnet de voyage.

Les explorations botaniques sont des balades qui invitent à faire ensemble l’inventaire de la flore de Foresta. Guidées par les artistes-cueilleurs du collectif SAFI et les botanistes de l’association Espigaou, par ailleurs habitants de cette partie du territoire, elles permettent d’observer pour se constituer peu à peu une connaissance commune et partager ce que nous raconte le monde végétal des lieux où nous vivons. Les explorations botaniques sont une proposition du collectif SAFI et d’Espigaou dans le cadre de Foresta, un projet porté par Yes We Camp en collaboration avec Hôtel du Nord.

Les conversations marchées

Les conversations marchées sont des invitations lancées par le collectif SAFI et le Bureau des guides du GR2013 à des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… pour marcher ensemble et éclairer notre regard sur Foresta. Ils nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème. Les conversations marchées font partie du programme européen Nature 4 Citylife.


LES RÉCITS DE FORESTA Par de multiples marches d’exploration, nous prenons le temps de collectivement observer Foresta. Au travers ses sols, ses arbres, ses paysages, ce site a beaucoup à nous apprendre sur la biodiversité en ville mais aussi sur l’histoire industrielle et sociale de Marseille. En collectant et racontant ses multiples histoires nous espérons contribuer à prendre soin de ces lieux et à les vivre en commun.

www.hoteldunord.coop www.gr2013.fr parcforesta.org


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