1001 Nuits #10
samedi 12 mai Le chant du signe Plage de la Romaniquette 13800 Istres
15h30 Randonnée avec le club la Pierre Trouvée
20h00 Vernissage d’Alias IPIN
21h30 Dj set The ED [Tropicold / Radio Grenouille]
Coucher du soleil
20h52
Pléiades
1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 NUITS c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.
Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.
Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.
Qui ? 1001 NUITS est un projet proposé par le Bureau des guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #10 a été réalisée avec la participation de la ville d’Istres et l’aide de Tollens.
Illustrations © Laurent Eisler Graphisme © Lindsay & Bourgeix
P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.
« Ah, ma chère sœur, dit alors Dinarzade, que je suis fâchée que vous n’ayez pas le temps d’achever cette histoire ! Je serois inconsolable si vous perdiez la vie aujourd’hui. Ma sœur, répondit la sultane, il en sera ce qu’il plaira au sultan ; mais il faut espérer qu’il aura la bonté de suspendre ma mort jusqu’à demain. » Seizième nuit, les Mille et une nuits
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L’Etang est-il une maison, un abri, crée-t-il une intimité où l’on se retrouve entre soir, les pieds dans l’eau, la tête dans le ciel ?
Doit-on parler des seules villes propriétaires en titre ?
Peut-on dire que les usines habitent les rives de l’Etang ? A l’échelle du grand territoire ce sontelles qui marquent les limitent, avec leurs bacs bien calés au pied des collines, leurs torchères, leurs quais qui créent le lien vital, relation contraignante entre pompes et rejets, une histoire aux risques partagés qui se reconstruit tous les jours.
Que penser de l’appellation « villes nouvelles de l’Etang de Berre » qui regroupe Istres, Vitrolles et Miramas ? L’urbanisation planifiée des villes s’est faites sans créer de liens particuliers ni d’usages nouveaux avec le littoral. Entre l’occupation traditionnelle de la bordure et les quartiers modernes d’immeubles ou de lotissements, il y a un vide ont on ne sait pas à quelle indifférence il est du. 6
L’Etang est un Espèce d’Espace, une bulle d’eau déformée, aux contours aléatoires grignotés par une mer trop sage en apparence, remblayés par l’homme ou occupés par des marais plus ou moins salants.
Qui habite l’Etang et comment ? Doit-on parler des cabanons de l’Etang, héritage d’histoires sulfureuses, de pratique de propriétaires de l’âme des rives, de lotissements non lotis, de maison de chantier en dur qui se frottent à l’eau jusqu’à l’annexer comme un jardin flottant ?
Sophie Bertran de Balanda 7
PARTIR “Appelez-moi Ismaël. Voici quelques années – peu importe combien – le porte-monnaie vide ou presque, rien ne me retenant à terre, je songeai à naviguer un peu et à voir l’étendue liquide du globe. C’est une méthode à moi pour secouer la mélancolie et rajeunir le sang. Quand je sens s’abaisser le coin de mes lèvres, quand s’installe en mon âme le crachin d’un humide novembre, quand je me surprends à faire halte devant l’échoppe du fabricant de cercueils et à emboîter le pas à tout enterrement que je croise, et, plus particulièrement, lorsque mon hypocondrie me tient si fortement que je dois faire appel à tout mon sens moral pour me retenir de me ruer délibérément dans la rue, afin d’arracher systématiquement à tout un chacun son chapeau… alors, j’estime qu’il est grand temps pour moi de prendre la mer. Cela me tient lieu de balle et de pistolet. Caton se lance contre son épée avec un panache philosophique, moi, je m’embarque tranquillement. Il n’y a là rien de surprenant. S’ils en étaient conscients, presque tous les hommes ont, une fois ou l’autre, nourri, à leur manière, envers l’Océan, des sentiments pareils aux miens.“
Herman Melville Moby Dick, 1851
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L’homme lié, Franck Pourcel
« On est au port de Lavéra en 2000 ou 2001. Sur la droite, un cargo de pétrole. Une personne qui est très loin et haut jette la corde qui va servir à tirer l’amarre. Ce jet ne dure même pas une seconde. Je l’ai photographié complètement par hasard. Je n’ai rien vu avant le développement. Dans le ciel, formé par le mouvement de la corde, apparaît un personnage que l’on dirait poings et pieds liés. Comme si on le jetait à la mer.
Pour moi, l’homme lié c’est le lien que l’on peut avoir sur un territoire, le lien que l’on peut avoir avec les gens. L’homme est lié à quelque chose, il n’est pas seul. C’est justement ça la condition humaine. L’homme est homme car il est sociable. Et là, il est jeté à la mer comme si l’on n’en voulait plus. Il se retrouve abandonné, oublié et vide. Ce n’est plus qu’une représentation, un tracé dans le ciel. Pour moi c’est ça l’oubli absolu. » Série “La petite mer des oubliés. Etang-de-Berre, paradoxe méditerranéen” de Franck Pourcel
Le Tour de l’Étang de Berre Renseignements pratiques. L’excursion autour de l’Étang de Berre est la plus intéressante que l’on puisse faire aux environs immédiats de Marseille, tant du point de vue historique et pittoresque que pour l’étude de la géologie et de la région des étangs. Afin de la faire avec fruit, on devra employer deux jours pour cette excursion, ou mieux, faire deux excursions séparées. Visiter en une journée la partie nord : St-Chamas, Miramas et Istres ; voir ensuite, en une autre journée, la partie sud : Martigues, Port-de-Bouc et Fos. Il est toutefois possible de faire le tour de l’étang en une seule journée, mais seulement les dimanches et jours de fête, et pendant le service d’été des chemins de fer (de juin à novembre), où il existe à Martigues un train à 9 h du soir qui permet de rentrer à Marseille vers 11 h. Istres est une coquette et jolie petite ville, chef-lieu de canton, qui a une population de 3 405 hab. On pense que la ville d’Istres a été formée par les habitants de l’antique Maritima Avaticorum, lorsque celle-ci fut saccagée par les premières invasions des Sarrasins. La ville d’Istres a eu une certaine importance au moyen âge ; elle jouissait alors d’une organisation municipale spéciale, que l’on n’a retrouvée dans aucune autre ville provençale. Les familles nobles y étaient nombreuses. Il y avait aussi un aba ou chef de la jeunesse chargé de maintenir la tradition des anciens jeux, parmi lesquels une danse mauresque divisée en quatre parties : les Bergères, les Turques, les Moresques et les Épées. Istres est situé sur une colline qui domine la rive sud de l’étang de l’Olivier. Cet étang communique avec celui de Berre par un canal construit en 1660 ; ce canal souterrain a pour but de maintenir le niveau normal de l’étang de l’Olivier, et de garantir la ville d’Istres des inondations causées par les pluies et le déversement des canaux dérivés de la Durance. Tout autour de l’étang de l’Olivier on remarque de nombreux bancs d’huîtres pétrifiées. Avant qu’il ne fût envahi par les eaux d’infiltration, on y récoltait une qualité spéciale de moules qui, sous le nom de musclé de sépo, se vendaient à un haut prix sur les marchés d’Arles, d’Aix et de Marseille. On fera sa première visite à l’église Notre-Dame de Beauvoir, dans une partie de l’ancien château-fort, sur l’emplacement d’une église plus ancienne, qui s’écroula en 1711. De la terrasse de l’Église, vue sur les environs. De l’église, on descendra vers le Nord, dans la direction de l’étang de l’Olivier et l’on viendra, par la promenade de l’Ouest, se reposer à l’un des cafés de la place de la mairie. Là, auprès de la jolie fontaine, c’est un va-et-vient incessant. La population se déplace elle-même pour s’offrir aux regards : un kaléidoscope vivant. Les jeunes filles surtout, avec leur air sage, leur fin profil que rehausse encore le costume arlésien, viennent à la provision de la fraîche, en jetant un coup d’oeil sur les bicyclistes et excursionnistes arrivés dans la matinée. On pourra encore les voir bras dessus bras
dessous, sous les arbres de la promenade, paraissant être à la recherche du Monsieur de la ville qui les fera vivre Dames. Mariez-vous plutôt avec un beau gars de chez vous, gentilles chates, continuez les traditions de vos mères et grand-mères, et n’allez pas dans une grande ville grossir le nombre des miséreux ignorés, ou des ventres vides sous les toilettes tapageuses ! Dans les environs d’Istres on peut visiter la grotte de l’abbé de Régis ; le vallon où l’on voit un rocher taillé en forme de vaisseau, à la mémoire du Bailli de Suffren ; les usines de produits chimiques de Rassüen; les salines de Cilis, etc.
Paul Ruat Excursions en Provence, 3e série (1894), avec l’aimable autorisation de MM. Tacussel
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Vie et mort d’un cabanon, épisode 1 Le Ranquet vit caché sous les pins, à l’entrée immédiate d’Istres, sur la route de Martigues. Au dernier rond-point avant le panneau de la ville, il faut tourner à droite en prenant pour repère un des abris-bus colorés que la municipalité fait régulièrement repeindre par des artistes. Sur ce plateau dit des Pins commence le Ranquet. Rien ne signale que ce quartier de bord d’étang a été longtemps l’un des coins mal-famés de la ville. Et encore moins qu’il est concentre à lui seule une bonne part de l’histoire locale de l’étang de Berre. (…) La réputation sulfureuse s’est évaporée en même temps que l’esprit cabanonnier. Il est loin ce jour de l’automne 83 où Gaëtan Zampa, le parrain marseillais en cavale, s’y faisait cueillir dans une modeste villa qui lui servait de planque. Plus de trace non plus des prostituées qui jalonnaient les abord de la départementale et qui achevaient de donner une réputation ambivalente au quartier de cabanons. À l’époque, les habitants permanents ne sont qu’une poignée. En 1981, par exemple, ils ne sont que 74 à vivre dans un des 470 cabanons encore occupés. Idéal donc, pour venir y passer quelques mois au vert alors que les bandes rivales multipliaient les règlements de comptes à Marseille. (…) L’anse figure sur les cartes comme un port de pêche depuis plusieurs siècles. Il est aussi un port d’embarquement pour l’activité des salins des étangs de Lavalduc et Rassuen. Et les premiers cabanons étaient liés à ces activités. Les années 60 sont les plus intenses en terme de construction. À l’époque, deux notaires marseillais -Dor et Caire- sont propriétaires de l’essentiel de la colline. Et ils louent sous seing privé des parcelles de terre sur lesquelles les locataires sont libres de construire comme bon leur semble leur résidence secondaire. En bois, en parpaings, avec ou sans toilettes, elles sont bientôt 600 à jalonner les chemins de terre de la colline et des plateaux. L’été, près de 2000 personnes s’y retrouvent.
Extrait de « Le paradis perdu du Ranquet », Marsactu
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ETANG « Ces eaux que l’on dit mortes ». Il s’agit d’un plan d’eau, continental, d’origine naturelle ou anthropique, dont les dimensions et les usages (vidange et assec) ne permettent pas toujours d’établir la zonation ni l’étagement des différents processus stagnustres de façon durable. L’étang est plus petit qu’un lac, mais plus grand qu’une mare, laquelle est définie comme une étendue d’eau à renouvellement généralement limité, de taille variable (5 000 m2 au maximum). Certaines définitions considèrent que l’eau d’un étang doit être stagnante. D’autres que seules les berges, et les zones ayant une profondeur inférieure à 2,50 m sont à considérer comme zone humide. Le mot est attesté en ancien français sous la forme estanc au sens d’une « étendue d’eau dont les bords arrêtent l’écoulement » dans la première moitié du XII e siècle, c’està-dire antérieurement au mot mare en 1175, « petite nappe d’eau peu profonde qui stagne ». Albert Dauzat a proposé l’étymon latin stagnum comme source du mot étang avec pour justifier de la forme estanc de l’ancien français, une influence du terme étancher. Il semble qu’il s’agisse en fait de l’inverse, étang serait issu de l’ancien français estanchier ayant accessoirement le sens d’« arrêter l’écoulement d’un liquide » (d’où en français étancher et étanche) et le -g final serait une graphie fallacieuse inspirée par le latin stagnum. Se référer à l’espagnol estanque « mare, étang », parallèle à l’ancien français estanc et qui ne peut pas, pour des raisons phonétiques, procéder de stagnum, mais bien d’estancar « stagner ».
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Le chenal de Caront, carte ĂŠtablie par J-N.Bellin en 1764
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MAR DE BERRO Surface totale : 155 km2 Largeur maximale : 16,5 km Longueur : 20 km Profondeur maximale : 9,5 m Profondeur moyenne : 6 m Volume d’eau : 980 millions de m3 Bassin versant naturel : 1 700 km2 Bassin versant de la Durance : 12 000 km2 Pluviométrie annuelle : 500-600 mm d’eau Vents : mistral 1j/3 avec une moyenne de 23 km/h et des pointes atteignant 100 km/h Salinité : 15g/l à 30g/l L’étang de Berre représente : 3 % de la surface totale des Bouches-du-Rhône, 21 % de son linéaire côtier maritime, 75 km de côte dont 70 % conserve un caractère naturel. L’étang de Berre (en provençal estang de Berro ou mar de Berro, estanh de Bèrra ou mar de Bèrra selon la norme classique de l’occitan) est une étendue d’eau voisine de la mer Méditerranée à l’ouest de Marseille, dans le département des Bouches-du-Rhône, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est le second plus grand étang salé d’Europe après le Mar Menor, en Espagne. Créée par la remontée des eaux lors des dernières glaciations, cette petite mer intérieure se compose actuellement de deux sous-ensembles : l’étang principal et l’étang de Vaïne à l’est. On peut noter également la présence de l’étang de Bolmon, au sud-est, qui est séparé de l’étang de Berre par le cordon dunaire du Jaï. C’est un vaste plan d’eau saumâtre de 20 kilomètres de long, 16,5 kilomètres de large et 9,5 mètres de profondeur maximale, soit 15 500 hectares et 980 millions de mètres cubes d’eau. Il est le réceptacle naturel en eau douce de l’Arc, la Touloubre, la Cadière, la Durançole. Son bassin versant naturel est de 1 700 km2. L’étang de Berre communique avec la mer Méditerranée par le canal de Caronte, à l’ouest. Le canal de Marseille au Rhône, qui le relie à l’Estaque, au sud-est, est obstrué depuis 1963 par un éboulement dans le tunnel du Rove. Les Romains colonisèrent l’étang de Berre à l’Antiquité, profitant d’une terre fertile et de l’eau douce des rivières, ils y développèrent de petits villages orientés vers le travail de la terre (vigne, olivier, exploitation des salines). Son nom était alors Stagnum Mastromela.
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MARITIMA AVATICORUM « En 1998 on a découvert les premières traces de ce site, mais on en ignorait encore l’importance. En 2011 on a fait un diagnostic, on supposait la présence d’une agglomération. Mais c’est en 2014, lorsque la restructuration du lycée Langevin a démarré, qu’une campagne de fouilles préventives nous a permis de comprendre qu’une ville entière se trouvait sous nos pieds. » Jean Chausserie-Laprée, chef du service Archéologie de Martigues Depuis 1998, les recherches menées par les archéologues de la ville de Martigues à Tholon ont exploré ou mis au jour de nombreux vestiges et bâtiments enfouis dans le sol ou immergés dans l’étang de Berre. Ces travaux permettent désormais de reconstituer les principales étapes de l’occupation d’un des sites majeurs de l’histoire et du patrimoine de l’Étang-de-Berre. Le visiteur peut y découvrir les restes d’une vaste agglomération gallo-romaine ; les ruines très arasées d’une chapelle du XIIIe siècle, dite Sainte-Trinité de Tholon, qui a donné son nom au site actuel ; plusieurs constructions et aménagements, bâtis entre le XVe et le XXe siècle, liés au captage et à l’usage public de l’eau douce. A la fin du IIe s. av. J.-C., la conquête romaine anéantit les habitats protohistoriques de Saint-Blaise et du quartier de l’île, mettant un terme à la civilisation des Gaulois du Midi. Les habitants de Martigues deviennent alors des Gallo-romains qui investissent et exploitent tous les espaces du territoire. Villages, grands domaines agricoles, carrières et sites portuaires témoignent de la vitalité de l’occupation humaine de cette époque. C’est à Tholon, sur le rivage de l’étang de Berre, que s’installe la principale agglomération de la région, Maritima Avaticorum. Occupée entre le début du Ier siècle av. J.-C. et le IVe siècle ap. J.-C., Maritima est structurée en îlots d’habitations linéaires. Ils sont desservis par un réseau régulier de voies, qui se coupent à angles droits. Les fouilles ont ainsi permis de mettre au jour une allée pavée d’environ 5 000 coquilles de pétoncles disposées en mosaïque naturelle. La ville est bordée à l’ouest par la route reliant dans l’Antiquité Martigues et Salon, découverte sous le parking du lycée Langevin. L’agglomération possède aussi quelques bâtiments et installations à caractère public, en particulier un vaste complexe de citernes où était captée et conservée l’eau douce nécessaire à la vie d’une population importante. Les recherches effectuées par les archéologues sous-marins ont montré enfin qu’une partie des structures de la ville antique se trouvait actuellement sous le plan d’eau de l’étang. Bassins, enrochements et alignements de pieux en bois permettent de restituer l’importance des activités portuaires et maritimes de cette agglomération.
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SHELL Depuis 1966, l’étang reçoit les eaux douces de la Durance par le canal EDF. Ce canal usinier EDF alimente la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas. Cet apport considérable d’eau douce et de limons a des conséquences hydrologiques. L’eau douce représente en moyenne un apport de 3,3 milliards de mètres cubes par an (mesuré sur la période 1966-93) soit environ 3,7 fois le volume de l’étang. Dans le même temps, les apports moyens en sédiment sont de 520 000 t/an. Les limons s’accumulent dans certaines zones, au nord de l’étang. De ce fait, la salinité chute rapidement et se produit la stratification des eaux liée à la différence de densité entre l’eau douce déversée et l’eau de mer entrant en profondeur. Avec les apports accrus en nutriments, il s’ensuit une eutrophisation du milieu. On a constaté une dégradation des peuplements à affinité marine, l’apparition d’une macrofaune euryhaline et la quasi-disparition des herbiers. Enfin, en raison de la stratification haline et de l’eutrophisation, des conditions d’anoxie prévalent dans les eaux profondes. La vie benthique y a disparu. On remarquera plusieurs laisses sur les bords de l’étang, toutes à majorité de coquillages blancs. Les coquillages sont en l’occurrence essentiellement des mies et des coques, bivalves vivant dans le sable. De tels échouages massifs sont à la base de plusieurs plages de l’étang (Figuerolles à Martigues ou Monteau à Istres en sont de bons exemples). Mye (Mya arenaria), Coque glauque ou coque d’étang (Cerastoderma glaucum), Palourde ou Clovisse (Ruditapes philippinarum), Moules chinoises (Musculista senhousia), Moule de méditerranée (Mytilus galloprovincialis), Huître plate (Ostrea edulis), Pétoncle ou Vanneau (Aequipecten opercularis), Nasse variable (Nassarius mutabilis), Cyclonasse (Cyclope neritea), Cerithe goumier (Cerithium vulgatum), Nasse épaisse (Nassarius incrassatus), Cormaillot (Ocenebra erinaceus), Le ramassage des coquillages de l’étang de Berre pour la vente est officiellement interdit. Il est supposé que les sédiments sont trop chargés en polluants (métaux lourds, POP, …) que ces organismes filtreurs auraient tendance à concentrer (en les stockant parfois dans leur coquille, voir pour la mye). La charge en métaux lourds des sédiments baisse au fil des ans, surtout en surface, entre autres par apport de nouveaux sédiments non chargés.
L’Étang Nouveau Pascal Bazile 18
Mur sur la route de « l’au delà » à Istres. Sédimentation de coquilles d’huîtres datant du quaternaire.
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J’ai commencé à travailler très jeune dans l’étang. C’était en 1952 et ce, jusqu’en 1959. Après, je suis parti en Algérie. Quand je suis revenu, tout avait bien changé : on avait perdu l’étang. Mon père avait commencé à y travailler un peu avant 52. C’était un étang très prospère en coquillages et en poissons. Il y avait beaucoup de monde qui vivaient du coquillage. C’est une richesse qu’on a anéantie, un vrai massacre. Cet étang a été condamné. Je suis revenu le jour de l’indépendance de l’Algérie, sans plus de travail. Je suis allé travailler sur un chalutier au large. On avait tant de facilités sur l’étang que je ne comprenais pas pourquoi je devais aller me calciner en pleine mer. Dans l’étang, il suffisait de se baisser pour prendre du produit et on ne se cassait pas la tête à faire des heures et des heures ! C’était facile. Il y avait de tout : des palourdes, des moules, des clovisses, des oursins, des huîtres bien sûr et en quantités incroyables. On vendait les oursins à Marseille devant la porte de l’ancienne Criée, là où maintenant, il y a le théâtre de la Criée. Les gens se jetaient dessus. On allait de temps en temps à Aix car on y était sollicité. Il ne faut pas croire qu’on s’enrichissait, on gagnait bien notre vie. (...) Avec mon père, on est allé à Alger rencontrer des clients potentiels et on est revenu plein d’espérance car il y avait déjà du produit de l’étang de Berre qui transitait par l’Algérie. On faisait 60 tonnes de moules par semaine. Quand mon père s’est rétabli, on allait devant la Touloubre et on chargeait à bloc les bateaux de moules, environ 2 à 3 tonnes ! On était une véritable entreprise, 25 femmes travaillaient pour nous, pour trier les moules. A cette époque, il n’y avait pas de machines. Je partais le matin de Carteau à 8 heures, parce qu’il y avait tellement de marchandises qu’en deux ou trois heures, on chargeait le bateau. Ma mère me faisait mon panier et je partais travailler. Dessous les moules, il y avait des grosses palourdes et dans la journée, je remplissais un panier en osier, 70 kilos en m’amusant, entre deux cales. (...) Quand on a eu un petit moment de creux avec les moules, mon père m’a proposé de faire de la palourde. A chaque fois qu’il y avait un gros coup de mistral, le long de l’étang, sur la plage du Jaï ou de Cadéraou à Martigues en passant par Figuerolles, la mer ramenait des centaines de tonnes de moules et dedans et en dessous, des palourdes. On remplissait des camionnettes de palourdes. Il fallait faire vite et les trier car certaines étaient en souffrance. On ne peut pas imaginer la richesse de l’étang et c’était pareil pour les poissons. Il y avait des quantités de loups. On passait au milieu de bancs de loups qu’on ne pêchait pas car on ne pouvait pas tout faire. Il aurait fallu des journées de 48 heures tellement il y avait du produit. Avec les moules, on ramassait parfois quelques huîtres, mais ce n’était pas tellement riche. Jusqu’au jour où, aux trois frères à la Mède, on est tombé sur un plateau d’huîtres. Il y en avait tellement qu’on ne pouvait pas remonter la drague. Pour mon père, c’était une mine d’or ! Je me souviens de ces yeux, c’était comme s’il avait vu la caverne d’Ali Baba. En une heure, on a remonté une tonne. (...) Sur l’étang, il y a eu la ruée vers l’or, l’or vert, c’est-à-dire l’anguille. Il y avait toujours des petits vieux à la retraite qui calaient des filets au bord de l’étang et du jour au lendemain, ils ont commencé à ramener des anguilles comme jamais ils ne l’avaient fait. Les jeunes, à force de les voir, ont voulu les imiter en faisant de la trabaque. Avant l’ouverture de la centrale électrique EDF, les anguilles existaient déjà dans l’étang, mais elles
vivaient dans les fonds, elles ne nageaient pas. Quand les rejets de la centrale ont commencé, cela a fait fermenter le fond et les anguilles ont manqué d’oxygène et c’est là qu’elles ont commencé à nager et où les pêcheurs les ont pris dans les filets. (...) __ Yves Rosaire, pêcheur de Berre, http://www.etangdeberre.org/temoignage-d-un-pecheur-de-berre,21-35 (source: GIPREB)
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Les pronomades, par Helmo.
Les sentinelles Eastern States Standard Oil (Esso) Exxon Mobil Total Royal Dutch Petroleum (Shell) Petrolneos Lyondellbasell Pritish Petroleum Chevron Chemical cie Ugine Kuhlman Vieille Montagne Naphtachimie (‌)
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SEVEN SISTERS 1. Les Pléiades, ou amas M45, sont un amas ouvert d’étoiles qui s’observe depuis les deux hémisphères, dans la constellation du Taureau. L’origine du nom « Pléiades » provient de la mythologie grecque : les Pléiades sont sept sœurs, filles du Titan Atlas et de l’océanide Pléioné : Astérope, Mérope (ou Dryope, ou Aéro), Électre, Maïa, Taygète, Célaéno (ou Sélène) et Alcyone. 2. «Seven Sisters» était le terme commun pour désigner les sept sociétés pétrolières multinationales de l’oligopole ou du cartel «Consortium for Iran», qui dominait l’industrie pétrolière mondiale du milieu des années 1940 au milieu des années 1970. Faisant allusion aux sept sœurs mythologiques des Pléiades, son utilisation commerciale fut popularisée dans les années 1950 par l’homme d’affaires Enrico Mattei, alors chef de la compagnie pétrolière nationale italienne Eni. Le cartel comprenait: la Compagnie pétrolière anglo-iranienne (actuelle British Petroleum) la Gulf Oil (devenue plus tard Chevron) la Royal Dutch Shell la Standard Oil Company de Californie (SoCal, maintenant Chevron) la Standard Oil Company du New Jersey (Esso, plus tard Exxon puis ExxonMobil) la Standard Oil Company de New York (Socony, plus tard Mobil, également membre d’ExxonMobil) Texaco (plus tard fusionné avec Chevron) Avant la crise pétrolière de 1973, les Seven Sisters contrôlaient environ 85% des réserves mondiales de pétrole.
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Littoral “Le Conservatoire du Littoral est un établissement public qui a pour objectif l’achat de portions de rivages marins ou lacustres pour les protéger contre les dégradations, dues par exemple à la spéculation foncière.” (Dictionnaire de l’environnement) La loi littoral détermine les conditions d’utilisation et de mise en valeur des espaces terrestres, maritimes et lacustres. Elle s’applique aux communes riveraines des océans, mers, étangs salés et plans d’eau naturel ou artificiel de plus de 1000 hectares. Cette loi est une loi d’aménagement et d’urbanisme qui a pour but : - la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites, des paysages et du patrimoine culturel et naturel du littoral. - la préservation et le développement des activités économiques liées à la proximité de l’eau. - la mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral. Différents dispositifs de la loi participent à la protection du patrimoine et des paysages : - la maîtrise de l’urbanisme : extension en continuité ou en hameau nouveau intégré à l’environnement, mais limitée par la création de coupures d’urbanisation et dans les espaces proches du rivage ; non constructibilité dans la bande littorale des 100 mètres (calculé à compter de la limite haute du rivage). - la protection stricte des espaces et des milieux naturels les plus caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral. - l’élaboration de schémas de mise en valeur de la mer (SMVM). - la création en 1975, par l’Etat, du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, pour mener une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral. Après acquisition, le conservatoire sous-traite (aux communes ou à d’autres structures) la gestion de l’espace. Le Conservatoire protège aujourd’hui 7 sites répartis autour de l’Etang : l’Etang de Bolmon au sud, le plateau de Vitrolles, les marais de la Tête Noire à Rognac, la Petite Camargue et la poudrerie de Saint Chamas au nord-ouest, les sites de Citis Pourra et des Collines de Cadéraou-Figuerolles au sud. (...) Les salins de Berre, encore aujourd’hui exploités occasionnellement, sont un lieu privilégié pour l’avifaune et pourraient constituer dans l’avenir un site à part entière du Conservatoire du littoral. Enfin, plusieurs secteurs du nord de l’Etang de Berre ont été identifiés et classés en zone de vigilance, dans des secteurs encore préservés et où le Conservatoire du littoral est aujourd’hui peu présent.
Stratégie d’intervention Étang de Berre, Conservatoire du Littoral, 2015-2050.
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Vie et mort d’un cabanon, épisode 2 Ce temps béni des cabanons ne dure pas. L’État a d’autres projets pour l’étang de Berre. Comme dans la ceinture parisienne, il a la volonté de créer des villes nouvelles dans l’aire métropolitaine marseillaise. Certains projettent 1 million d’habitants sur la rive nord de l’étang. Pour cela un établissement public, l’Epareb (établissement public d’aménagement des rives de l’étang de Berre) est créé en 1973. Les convictions au sein de l’Epareb sont divergentes : certains plaident pour une mise en lotissement, comme un quartier de ville, d’autres souhaitent que la colline soit rendue à la nature, tandis qu’un troisième camp défend une position intermédiaire. (...) L’idée était de libérer la bande littorale pour y réaliser un sentier. (...) Au sein de l’État, d’autres sont plus radicaux. Le directeur de la direction départementale de l’équipement (DDE) comme le sous-préfet d’Aix sont favorables à la démolition. De la fin des années 1970 au début des années 1980, la tension est grande autour du quartier. La direction départementale des affaires sanitaires (DDASS) vient vérifier la salubrité des lieux sans eau courante, électricité ou raccordement au tout-à-l’égout. Le risque de feux est également très présent et un incendie a déjà ravagé la pinède dans les années 1960. Pire, avec ses longues suites judiciaires, l’expropriation a coûté très cher – plus de 4 millions de francs – et les loyers sont toujours perçus par les anciens propriétaires qui ont conservé l’usufruit des terrains. Rien n’est donc réglé pour les cabanonniers qui craignent pour leurs biens. En 1980, l’État réfléchit à la création d’un « parc résidentiel de loisirs » qui reprendrait tout ou partie des cabanons. Le président de l’association des butineurs écrit au directeur de l’Epareb pour savoir ce qu’il adviendra des propriétaires occupants de manière permanente et de ceux qui y veulent y passer leurs vieux jours. « Sera-t-il possible de devenir propriétaire du terrain sur lequel nous avons construit nos cabanons ? » interroge le président (au nom illisible sur le courrier conservé). « Pourra-t-on rester locataire ? Devenir propriétaire par bail de location vente ? » Au final, la solution du statu quo est privilégié. Les Archives départementales gardent trace du brouillon d’une lettre manuscrite écrite en 1982 par le directeur de l’Epareb au président qui a succédé à Defferre, Michel Pezet. Son contenu est explicite : « l’établissement public ne peut être gestionnaire qu’à titre transitoire ». Il ne fera pas obstacle à la vente à un organisme public ou privé qui « devra lui succéder rapidement ». Le coût de la mise en conformité du lieu est sans commune mesure avec la qualité du bâti présent. « Ce qui est autorisé, c’est le maintien de l’encombrement ». L’Epareb fixe donc à 1000 francs l’indemnité annuelle que doit lui verser chaque occupant à ce titre. De son côté, la Ville d’Istres s’engage à réaliser les aménagements minimaux pour assurer la salubrité des lieux, la sécurité incendie et à diligenter une personne pour gérer le lieu au quotidien. Les cabanons sont sauvés… au moins pour l’heure.
Extrait de « Le paradis perdu du Ranquet », Marsactu
carte postale
Le monde de l’Étang est un théâtre dans lequel se jouent des tragédies silencieuses, mais aussi des comédies urbaines aux scénarios quelquefois discordants. C’est une pièce de 15 500 hectares dont le principal acteur est l’Eau, une histoire d’eaux mêlées, d’eau à la couleur indéfinissable, au trouble inquiétant, au fond insondable, à la vie invisible, pourtant les herbiers et les moules habitent eux aussi l’Étang, cachés, ils ne demandent qu’un peu de transparence pour se régénérer. L’eau rejette d’épuisement sur les rives des algues irrespirables pour que l’on s’occupe d’elle. Quand l’Étang est malade c’est tout le territoire qui souffre. La pièce d’eau est habitée par les bateaux depuis la nuit des temps. Vous les voyez, vous les bateaux ? On voit les bateaux rangés dans les ports de plaisance. Quelquefois des voiliers blancs s’agitent les jours de compétition pour donner l’illusion d’une mer comme les autres (comme l’autre, la Méditerranée). Les tankers s’enfilent au comptegoutte à travers le chenal de Martigues, pour rejoindre, sous la garde des bras du pont levant, leur poste avancé à Berre, ou à la Mède. Au milieu de l’eau il n’y a personne. Les pêcheurs se sont tus, les chasseurs de pont de Berre, cachés dans leur hutte camouflée, au milieu des cygnes de des paisibles flamands roses appâtent avec des canetons noirs en escadrille les macreuses et les oiseaux migrateurs, dont on ne sait plus par les temps qui courent s’ils ont de bon ou de mauvais augure.
LA TERRE DE LA PETITE MER APPARTIENT À TOUS ET À PERSONNE.
Sophie Bertran de Balanda
Vie et mort d’un cabanon, épisode 3 En 2000, une inspectrice générale de l’équipement, Catherine Bersani remet un rapport à son ministère de tutelle sur les conditions d’application de la loi « littoral ». Elle est particulièrement sévère sur la gestion du Ranquet par l’établissement public qui a la charge de la ZAC. Extraits : Le plan d’aménagement de la zone, modifié en 1990, prévoit des travaux d’assainissement qui s’avèrent très difficiles à réaliser en raison de la nature instable du terrain, ainsi qu’un calendrier de cession des parcelles viabilisées aux occupants soigneusement recensés. Ce plan comporte également des zones où des parcelles nues à équiper et à céder à de nouveaux occupants figurent avec la mention constructible à R+1 ! Depuis plusieurs années, le nombre des occupants s’étant accru, les branchements d’eau s’effectuent toujours sur la prise d’incendie et l’assainissement réalisé est totalement insuffisant. Des glissements de terrain et des débordements des fosses rendent le séjour au Ranquet dangereux à plusieurs titres : ni l’hygiène, ni la sécurité ne sont assurés… Le passage de véhicules de pompiers est impossible dans une zone qui regroupe plusieurs centaines de maisons ! Elle chiffre à 20 millions de francs les coûts de relogement des occupants « dont la plupart croient de bonne foi avoir acheté un logement normal ». À considérer, ajoute-t-elle « avec les 4 millions de francs environ de l’acquisition initiale ». Pour sa part, Jean Écochard reconnaît avoir perdu : « Au final, notre volonté de ne pas « durcir » cette côte au sens urbanistique du terme à échouer. Le Ranquet est devenu un lotissement comme les autres ». Là où il y avait 10% d’occupants permanents au début des années 80, ils sont 85% aujourd’hui. Avec très peu de résidences secondaires… « Mais il a tout de même fallu attendre 2002 et la dissolution de l’Epareb pour que la Ville aménage le quartier et réalise les travaux d’adduction d’eau, l’éclairage public et le raccordement au tout-àl’égout ».
Extrait de « Le paradis perdu du Ranquet », publié in Marsactu
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CABANONS “Un nouveau paradoxe s’est imposé à moi au fur et à mesure que je continuais mes réflexions sur les cabanes : bien que solitaires, les cabanes ouvrent en même temps sur l’idée de communauté. Si j’ai nié qu’il existe des communautés de cabanes, au sens où je l’entends ici, je n’en reste pas moins de plus en plus convaincu que la cabane à quelque chose à voir avec la communauté, car, abandonnée provisoirement ou définitivement, elle reste à l’horizon de celui qui s’y est ainsi retiré, comme une totalité perdue à laquelle il ne renonce jamais vraiment ou comme un idéal à venir qui motive son retrait, volontaire ou non. Rien n’aura plus manqué au Robinson de Defoe que la société des hommes dont il recherche les signes en récupérant des fragments d’épaves et en ritualisant certains gestes qui lui rappellent le monde d’où il vient avant même la découverte de Vendredi. Mais que l’on désire s’en rapprocher, ou que l’on souhaite la fuir, plus que tout, la communauté hante les rêves de ceux qui construisent des cabanes si solitaires soient-ils.“
Gilles A. TIBERGHIEN Notes sur la nature, la cabane et quelques autres choses, ed. Le Félin, 2005
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A celle et ceux qui luttent, Franck Pourcel
« C’est un garçon que j’ai rencontré à Berre-l’Étang en 2005. Des jeunes formaient un petit groupe et lui s’amusait à faire des sauts périlleux. Je lui ai demandé si je pouvais le photographier, il a dit bien sûr puis je l’ai pris un peu dans toutes les situations. Cette image est la plus marquante de la série. Il est en l’air, la face vers le ciel et tout son corps est relâché sauf la tension dans son bras droit. Comme s’il voulait résister à quelque chose. Il ne lâche pas. Il est en train de tomber mais il a encore un sursaut de lutte. Ce moment-là, tout le monde doit l’avoir. Quelque part, c’est la survie et ce qui fait que l’on tient encore à la vie et qu’on ne lâche pas. On tombe tous, il ne reste plus grand chose à faire mais on s’accroche encore un peu. Même si on pense que ça ne sert à rien, non, ça ne sert pas à rien. Que ce soit pour soi ou pour les autres, il peut y avoir de la solidarité quand chacun continue à résister. » Série “La petite mer des oubliés. Etang-de-Berre, paradoxe méditerranéen” de Franck Pourcel
PAMPARIGOUSTE Pamparigouste (en occitan Pampaligosta, Pampaligòssa), est un pays imaginaire, lointain ou inconnu dans la culture populaire occitane. On en parle notamment aux enfants en le décrivant comme un pays imaginaire. Il connaît des adaptations et des développements divers selon les régions d’Occitanie. (...) On le décrit comme une île et un royaume imaginaire, au large de l’étang de Berre, peuplé de fées et inaccessible aux hommes. Cette île occupe une place majeure dans l’imaginaire provençal. La légende raconte que ce royaume a été créé de toutes pièces par des fées exilées qui lui donnèrent d’immenses richesses et une grande fertilité. Afin que personne ne voie ce royaume, les fées l’entourèrent d’une barrière invisible, qu’aucun homme ne pouvait traverser. Pamparigouste est aussi une expression utilisée dans plusieurs régions d’Occitanie, notamment en Provence et en Languedoc, pour désigner n’importe quel lieu très lointain, inaccessible, ou bien pour envoyer promener les importuns : « Il est parti à Pamparigouste » , « Je vais t’envoyer à Pamparigouste. » On pourra également utiliser, dans le même but, en français standard, Tataouine, Pétaouchnok, Perpète-lesOlivettes et Trifouillis-les-Oies. « Il y avait une fois, dans une île située au large de la Camargue, un petit royaume nommé Pamparigouste, aujourd’hui disparu. Là, régnait une dynastie de rois plus anciens que les pharaons. Ils vivaient dans ‘un luxe inouï et une paix perpétuelle. Le peuple y était heureux, beau de corps et sain d’esprit, adonné aux arts et soucieux seulement d’assurer à ses enfants l’héritage de ce paradis insulaire. En réalité, les habitants de Pamparigouste n’avaient que très peu de contacts avec les populations du littoral, et l’on ne connaissait d’eux que des légendes ou des récits, fabuleux. Il était même quasiment impossible de les rencontrer, encore moins de visiter leur domaine. Les marins de toute la Méditerranée, qui venaient de temps en temps chercher refuge auprès de cette terre d’élection, avaient remarqué qu’au plus fort des tempêtes la baie de Pamparigouste jouissait toujours d’un calme parfait. Malheureusement, tous leurs efforts pour pénétrer dans ce havre privilégié, pour toucher ce port béni des dieux, se révélaient tout à fait vains : il semblait qu’un charme surnaturel empêchât leurs navires d’approcher, comme si une « barre» invisible en délimitait les eaux territoriales. Malgré de grands coups de rame, les barques refusaient d’avancer. Revenus dans leurs foyers, quand ils réussissaient à échapper à la tempête, ces matelots faisaIent des récits émerveillés sur l’île mystérieuse, sur ce paysage édénique où ne poussaIent que des espèces rares et perpétuellement en fleurs. Ces comptes rendus restaient en fait bien en dessous de la vérité. »
Alphonse Allais Le fabuleux voyage de Pamparigouste, in Contes et légendes de Provence
Atlas Routier Michelin, ed. 2015, Disparition de l’Etang-de-Berre & lapsus cartographique. En 2019 un navire partit à la recherche de cette mer oubliée, portant à son bord une expédition d’auteurs.
J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources : Mon pays natal, le berceau de ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’aurai vu grandir (que mon père aurait planté le jour de ma naissance), le grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts... De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête. Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettre de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière : « Ici, on consulte le Bottin » et « Casse-croûte à toute heure ». L’espace fond comme le sable coule entre les doigts. Le temps l’emporte et ne m’en laisse que des lambeaux informes. Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. Espèce d’Espace, Georges Perec, 1974
1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.
Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.
Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.
Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.
www.gr2013.fr
PLÉiADES.
Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècle. Dérivé : une pléiade, une grande quantité.
« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléiade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel
Le chant du signe
Prochaines NUITS
Où les tracés d’Alias IPIN naviguent de ruines en ruines en quête d’harmonie.
1001 Nuits #11
« Ma toute première rencontre à la Romaniquette fut un couple de cygnes qui niche ici. Harmonie. Nicher… C’est bien de cela dont on parle ici, de personnes qui, un temps, en quête d’harmonie, se sont autoconstruit un nid. Puis le nid s’est délabré, vandalisations successives, loi littoral, sentier des douaniers, tempêtes… Le nid, n’est plus aujourd’hui, que débris. Je propose ici un chant du cygne. Non pas le mien, mais celui de ces maisons à l’avenir incertain. Les bulldozers ne sont pas loin. Je propose un champ de signes. Signes maritimes, car l’étang de Berre est la mer, qui, le long de ce fil rouge de l’ARMONI, nous racontent un poème abstrait. » A la frontière entre Art Urbain et Art Contemporain, Germain Prevost Alias Ipin axe ses recherches autour de l’idée des “dystopies graphiques” dans son travail de rue et d’atelier. À travers cette installation in situ dans le quartier abandonné situé derrière la plage de la Romaniquette, le vocabulaire abstrait qu’il développe parle bel et bien de l’Homme et de sa place dans la société et dans un territoire.
Coucher du soleil à 20h59 Les agneaux sont dans la bergerie Où Stéphane Massy & la Troupe Secrète nous proposent, perdus dans la montagne, une rave tendre et un concert sauvage pour humains civilisés. [Veillée musicale] — Le samedi 19 mai, Parc départemental de Saint-Pons (Gémenos)
1001 Nuits #12 Coucher du soleil à 21h12 Nos voisins américains Où Hendrik Sturm explore et raconte les petits conflits de voisinage avec le camp de soldats américains installé sur le plateau de l’Arbois. [Marche-lecture] — Le samedi 2 juin, Place du 24 Avril 1915 (Cabriès)
www.gr2013.fr