Pléiades #11

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1001 Nuits #11

samedi 19 mai Les agneaux sont dans la bergerie Parc départemental de Saint-Pons 13420 Gémenos

14h Randonnée avec Ambition Réussite

16h Marche d’approche

17h30 Repas et concert

Coucher du soleil

20h59

Pléiades


1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 NUITS c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 NUITS est un projet proposé par le Bureau des guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #11 a été réalisée en coproduction avec le DFSPIP des Alpes de Haute Provence et des Hautes Alpes.

Illustrations © Laurent Eisler Graphisme © Lindsay & Bourgeix


P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.


« Ma sœur, dit alors Dinarzade, que les derniers événemens que vous venez de raconter, sont surprenans ! J’ai de la peine à croire que vous puissiez désormais nous en apprendre d’autres qui le soient davantage. » « Ma chère sœur, répondit la sultane, si le sultan mon maître me laisse vivre jusqu’à demain, je suis persuadée que vous trouverez la suite de l’histoire du pêcheur encore plus merveilleuse que le commencement, et incomparablement plus agréable. » Schahriar, curieux de voir si le reste de l’histoire du pêcheur étoit tel que la sultane le promettoit, différa encore l’exécution de la loi cruelle qu’il s’étoit faite. » Dix-huitième nuit, les Mille et une nuits

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(bouts de ficelle, selle de cheval, cheval de garde, garde du parc, Parc St Pons, ponce la roche, roche qui monte, monte à nous, nous sommes qui, qui raconte, raconte moi, moi c’est toi, toi t’es où, où je suis là…) Echange mail interne à l’équipe des 1001 NUITS

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Leissant la grando villo, Vène dins lou valoun Passa d’ouro tranquilo Emé lis auceloun… (Laissant la grande ville, viens dans le vallon, passer des heures tranquilles, avec les petits oiseaux ...) Dins lou valoun que sènt qu’enbaumo, Emré lou fres, plen d’estrambord, Escalo vers la Santo Baumo : De la Prouvenço es lou Tabor ! (Dans le vallon qui fleure comme baume, avec le frais, plein d’enthousiasme, monte vers la Sainte-Baume, de la Provence c’est le Tabor ! ) Au mounastèri de Sant Pons Que, morne, au tes destrussi sounjo, S’entènd, la nue, la voues di mounjo Que saumoudion li respons. (Au monastère de Saint Pons, on entend, la nuit, la voix des nonnes, qui psalmodient les réponses)

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VERSAILLES EN PROVENCE : Odes, tramway et poésie Gémenos et ses environs méritent bien, par leur charme et leur beauté, les appellations des sous titres. Quand le pratique et très confortable trolley-bus, partant d’Aubagne, se dirige sur Gémenos (5 kil. 200) le touriste est aussitôt séduit par le grandiose panorama de vallonnements rocheux qui se présente à l’Est constituant le puissant massif de la Saint- Baume. Le blanc et pointu clocher paroissial émerge, en toute saison, au dessus des arbres séculaires avec, en haut au fond, la silhouette du gigantesque pic de Bertagne. En quinze minutes, le trolley arrive à Gémenos. (...) Le visiteur verra que l’exaltation de Gémenos- Saint-Pons n’est pas exagérée, ayant constaté que, de sa palette sans pareille, le Créateur a jeté sur ces sites toute la gamme des verts, depuis celui tendre de la prairie, lustrée de lumière, qui semble naître à la couleur jusqu’au vert noirâtre tranchant sur les pentes des collines calcaires, par les éclaboussures sombres des pins semblant trouer le ciel d’azur et d’or. Et, comme nuances moyennes, le coloris des platanes, des peupliers, des charmes, des arbres de Judée ou des hêtres, humant l’humidité du Fauge, qui, par ses cascades, anime toute la superbe vallée, parure de la Provence.

D.Piazza Gemenos : Le Versailles de Marseille - Vallée de Saint Pons : Le Trianon Provencal, 1930

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Quelle délicieuse soirée ! disait-on sur presque tous les fauteuils. M. d’Albertas prit la parole. - Nous allons encore avoir un nouveau bonheur, dit- il : M. l’abbé Delille va nous réciter les vers qu’il a composés dans mon château de Gemenos, et qu’il destine à son poème de l’Homme des Champs. Des éclats de joie suivirent cette annonce; le poète se leva, prit une pose modeste, comme un homme habitué aux triomphes, et déclama la tirade connue qui commence ainsi : O riant Gémenos, ô vallon fortuné ! Tel j’ai vu ton coteau de pampres couronné, Que la figue chérit, que l’olive idolâtre, Etendre en verts gradins son riche amphithéâtre, Et la terre, par l’homme apportée à grand frais, D’un sol enfant de l’art étale les bienfaits. Lieu charmant ! Trop heureux qui dans ta belle plaine, Où l’hiver indulgent attiédit son haleine, Au sein d’un doux abri peut, sous ton ciel vermeil, Avec tes orangers partager ton soleil, Respirer leurs parfums, et comme leur verdure Même au sein des frimats défier la froidure. Alfred Saurel, Notice historique sur Saint Jean De Garguier, L’abbaye de St - Pons et Gémenos, 1863

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FONDATION VÉGÉTARIENNE Et maintenant je cède un instant la plume de Mr de Belzunce, qui nous raconte comment se fit la fondation de l’abbaye : “ Parmis les biens de l’évêque et du clergé, il y avait une maison et trois églises qui servaient à l’établissement et à la fondation d’un nouveau monastère de filles. La maison était celle de Saint-Pons, située dans un petit vallon, entre de hautes montagnes. A quelques pas de l’endroit où était la maison sort un ruisseau qui, après avoir passé à Gémenos, va se jeter dans l’Huveaune. Les trois églises étaient celles de Saint-Martin au pied de la montagne sur laquelle on voit les ruines de Gémenos; celle de Saint-Clair, sur une autre montagne escarpée, et celle de St-Jean, dans le quartier de Garguier, où était autrefois Gargarie, d’où il a tiré son nom. Une femme nommée Garcende, qui voulait se retirer dans la solitude et attirer des personnes de son sexe pour y travailler avec elles à son salut, selon l’esprit et la règle de Citeaux, laquelle était alors dans toute sa rigueur, demanda à Rainier et à ses chanoines la maison et les trois églises, s’obligeant à les dédommager, au moins en partie, des revenus qu’ils perdraient par cette cession. Le vallon de Saint-Pons lui avait paru admirable pour y placer un couvent de filles, éloignées de tout commerce avec le monde. On n’y allait que par un chemin étroit, pratiqué entre des montagnes, le long du ruisseau. et lorsqu’on y était arrivé, on n’y voyait de tous côtés que des montagnes et des rochers qui bordaient ce petit vallon. L’eau était assez abondante pour arroser un jardin et faire aller un moulin, et comme les religieux et les religieuses de Citeaux ne mangeaient jamais de viande dans ce temps-là, et rarement du poisson, les champs qu’on pouvait cultiver dans le vallon et les jardins du monastère pouvaient fournir presque tout ce qui était nécessaire pour la nourriture des religieuses. Le reste de leur entretien devait être tiré des revenus des trois églises, qui étaient dotées, suivant l’usage de ce temps-là, et où les fidèles faisaient beaucoup d’offrandes.“

Notice historique sur Saint-Jean-De-Garguier, L’abbaye de St-Pons et Gémenos, 1863

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La conquête romaine de la gaule commence en 125 av JC par la colonisation de la Provence. Après 49 av JC la pacification de cette Provence permet un essor économique certain et une rapide romanisation (progression de la culture latine chez les Celto-Ligures). Les oppida sont alors largement abandonnées au profit des sites de plaines. L’agriculture se développe autour des productions principales: le blé, l’huile et le vin.

A partir du 1er siècle le Christianisme fait son apparition en Provence, il se répand au III ème siècle. L’Eglise, naissante, commence à s’organiser: Marseille a un évêque dès 250.

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Au moment où s’installe en Provence vers 300 avant J-C les premiers agriculteurs l’eau du Fauge a sans doute pareillement constitué un attrait non négligeable favorable à l’installation en plaine ou en hauteur d’un petit groupe d’homme pour la mise en valeur des sols les plus riches et les plus facilement arroseables et pour l’élevage des moutons sur les terres plus hautes. (...) Les sites de hauteurs qui ne connaissent pas le phénomène de sédimentation (au contraire ils sont sujets à l’érosion) sont plus facilement identifiables. Ainsi l’oppidum des Trompines est connu de longue date pour avoir été l’emplacement d’un habitat protégé de l’âge du fer. Il était sans doute en lien avec un habitat de bas de pente ou de plaine, et nécessairement avec un territoire agricole.

Les Ligures possédaient une forêt sacrée connue grâce à un document romain du 1er siècle avant JC mais mal localisée. Elle a été identifiée par les chercheurs à la forêt de Gemenos ou à celle de la SainteBaume. Cependant une fois encore aucune trouvaille archéologique ne vient confirmer ces propositions. Le vallon de Saint Pons, étude documentaire sur le vallon de Saint Pons à Gemenos et ses monuments


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Ligne

de

crĂŞte 15


LA CHANSON D’AIMÉ - Et ?… - Viens Aimé on fait une chanson qui bouge…

- Et maintenant, je réfléchis à dix fois

- Ah oui d’accord, une chanson comme ils font tous

Car la liberté, ça n’a pas de prix

- C’est-à-dire ?

- Aimé, t’es sûr que tu veux pas qu’on fasse une chanson qui bouge ?

- Ben... Des chansons comme y’a en boite Ça fait… Combien de temps déjà…

- Pourquoi pas ?

Je me souviens plus la dernière fois que je suis allé

en boîte

On n’a pas le droit de faire pleurer nos femmes et

en 1991 ?

nos enfants Ni de leur faire du mal

- Ben d’accord Aimé, on fait une chanson qui bouge ?

Quand tu déconnes tu veux montrer que t’es fort Puis quand t’es devant le fait accompli

- Mais moi en fait

Tu peux plus reculer

je voudrais faire une chanson sur pourquoi on fait

T’es acculé

pleurer nos femmes et nos enfants

T’as déjà mis un doigt dedans

- Aimé, pourquoi on fait pleurer nos femmes et nos

Et tu dis rien

enfants ?

Et quand tu rentres à la maison Tout va encore bien

- Parce qu’on a rien dans la tête,

Tout n’est que sourire

qu’on est fiers comme des coqs

Tout n’est que confiance

avec la crête

Mais au fond de toi tu sais bien que se prépare le pire

- En fait ce qu’il faudrait, c’est qu’on abaisse un peu la crête

Et quand on vient te chercher C’est là que tu sais que tu as tout foiré

- ...Et si on écoutait un peu plus souvent nos

Et l’argent que tu crois avoir gagné

femmes on n’en serait pas là

Il est parti en fumée Et toi tu n’as plus que la haine

- Ta femme elle voudrait que tu sois comment ?

Parce que t’as fait pleurer ta femme et tes enfants

- Moins con

- Viens Aimé on fait une chanson qui bouge…

- Oui, mais ça veut dire quoi ? - Mais moi en fait - Quand on me demande quelque chose

je voudrais faire une chanson sur pourquoi on fait

je fonce

pleurer nos femmes et nos enfants.

je regarde pas le danger Ma femme, elle voudrait pas que j’avance sans regarder ce qui peut arriver

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SILENCE tu voulais te taire ? eh bien c’est maintenant mets là en veilleuse fais silence le silence c’est sacré et ça a la valeur d’une goutte de sueur j’ai lu tout un bouquin en silence je ne veux pas le résumer eh non ! il faut le lire en silence

La nuit je pleure en silence comme dans l’enfance sans honte de pleurer car ça commence dès la naissance c’est comme un sixième sens Le silence ça fait parler et jacqueter sans pouvoir s’arrêter ça fait couler du sang ça fait couler de l’essence le silence ça fait couler des larmes même du canon de l’arme qui a fait trop de bruits et de dégâts et qui espère en secret entendre dans le fort bruit le silence l’arbre qui dans le vent nous chante son expérience T’observes une minute de silence pour les héros que t’as croisé durant ton existence le moment où tu aurais dû parler le moment où tu aurais dû lui dire la question elle l’avait posé t’étais devant elle t’avais le temps, elle te l’a laissé ce verre que tu lui as demandé elle te l’a servi elle n’a rien dit et t’étais là avec ton verre et tu l’as bu en silence c’était à ce moment-là qu’il fallait parler et maintenant que ça ne sert plus à rien tu parles alors qu’ici c’est la forêt

Ça s’enracine dans le silence montre nous tes compétences au lieu de saouler avec ta science c’est une évidence plus tu joues les rassasiés plus t’as la dalle en fait tu t’habilles en fête pour assister à ta défaite le silence bat en retraite Avec patience Impatience Je t’attends mon silence Arrête de me sortir ta science Pourquoi tu broies le silence Tu gesticules tu fais de la poussière Ça sert à rien C’est le silence qui règne, qui décide Silence, ou tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous C’est un devoir de la mettre en veilleuse.

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Chut 18


Antonio entendit le bruit de la forêt. Ils avaient dépassé le quartier du silence et d’ici on entendait la nuit vivante de la forêt. Ca venait et ça touchait l’oreille comme un doigt froid. C’était un long souffle sourd, un bruit de gorge, un bruit profond, un long chant monotone dans une bouche ouverte. C’était dans le ciel et sur la terre comme la pluie, ça venait de tous les côtés à la fois et lentement ça se balançait comme une lourde vague en ronflant dans le corridor des vallons. Au fond du bruit, de petits crépitements de feuilles couraient avec des pieds de rats. Ca partait, ça fusait d’un côté, puis ça glissait dans les escaliers des branches et on entendait rebondir un petit bruit claquant et doux comme une goutte d’eau à travers un arbre. Des gémissements partaient de terre et montaient lourdement dans la sève des troncs jusqu’à l’écartement des grosses branches. Jean Giono, Le chant du Monde

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VOYAGE, EXPÉRIENCE, DANGER, PARCOURS Au fondement du voyage il y a souvent un désir de changement existentiel. Le voyage est l’expiation d’une faute, une initiation, une croissance culturelle, une expérience: “La racine indo-européenne du mot “expérience” est per, qu’on a interprété comme signifiant “ essayer”, “mettre à l’épreuve”, “risquer”, des connotations qui survivent dans le mot “péril”. Les plus anciennes connotations de per dans le sens d’essayer apparaissent dans les termes latins pour dire l’expérience : experior, experimentum. Cette conception de l’expérience comme épreuve, comme passage à travers une forme d’action qui mesure la vraie dimension et la nature de la personne ou de l’objet qui la fait, décrit aussi la plus ancienne conception des effets du voyage sur le voyageur. De nombreuses significations secondaire de per font explicitement référence au mouvement : “traverser un espace”, “atteindre un but”, “sortir”. Le risque présent impliqué par “péril” est évident dans les mots gothiques de la famille de per (dans lequel P devient F) : ferm (faire), fare (aller), fear (peur), ferry (traversier). Un des mots allemands pour expérience, Erfahrhung, vient du vieil allemand, irfaran : “voyager”, sortir, traverser, ou errer. L’idée profondément ancrée selon laquelle le voyage est une expérience qui met à l’épreuve et parfait le caractère du voyageur est claire dans l’adjectif allemand bewendert, qui signifie aujourd’hui “ sage”, “expert” ou “versé”, mais qui à l’origine (dans les textes du 16ème siècle) était simplement appliqué à quelqu’un qui avait “ beaucoup voyagé”.

Erich J. Leed The mind of the traveler

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Ces tracés en étoiles et ces lignes piquetées étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des

viae antiques à peine entretenues, parfois privées, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinait de ces artères. C’étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l’échappée, ils étaient oubliées, le silence y régnait, on n’y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage. Certains hommes espéraient entrer dans l’Histoire. Nous étions quelquesuns à préférer disparaître dans la géographie. Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs

Qin Ga, La Longue Marche L’artiste chinois Qin Ga s’est fait tatouer la carte de la Chine sur son dos. A chaque étape de la Longue Marche qu’il faisait, il se faisait tatouer la ville traversée.


LE CHEMIN DU BLÉ Le vignoble cugeois a fait école avec sa « copé » et, même si certains carrés de vignes ont disparu, il en reste encore pour témoigner de la vitalité des vignerons Cugeois. Bien-sûr, pour certains, évoquer les vendanges de Cuges, c’est faire remonter des souvenirs de jeunesse, pour d’autres, ce sera surtout le mal aux reins, résultat d’une position voûtée maintenue sur des rangées de ceps interminables... Les productions de safran aux XIVe et XVe siècles et surtout les câpres au XIXe sont méconnues. Essentiellement familiale au début, la culture des câpriers a fait l’objet d’une exploitation organisée avec une renommée internationale. Mais, après l’assèchement du lac (de 1472 à 1475) et des zones marécageuses de sa vaste plaine, Cuges a installé dans l’un des plus grand poljé d’Europe (5 km sur 1,5 km), une production de céréale adaptée à ces nouvelles terres, riches et planes. Cuges ne disposait pas de cours d’eau permanent, comme sa commune voisine Gémenos, et pas de cours d’eau, signifie pas d’énergie hydraulique pérenne, donc pas de moulin. Au XVIe siècle, la commune de Cuges racheta le moulin de Saint-Pons. Un circuit à travers les collines permit d’amener à dos de mulets, les sacs de blé jusqu’au moulin de la Vallée de Saint-Pons. Evidemment, les sacs de farine suivaient le même chemin en sens inverse... Du VIe au XIe siècle, avec le regroupement d’habitations et l’ébauche de ce qui allait devenir le coeur du village, la principale route correspondait à l’actuel « Chemin du blé », qui reliait Saint-Jean de Garguier à Signes. Pour rejoindre le Moulin depuis Cuges, il était possible d’emprunter plusieurs chemins ; depuis le « sentier du blé » actuel, jusqu’au « Pas des Cugiens » qui passe au pied du Pic de Bertagne, sans oublier le «sentier des Cabrelles». Mais le plus carrossable est celui correspondant au sentier du blé actuel, signalé dans le parc de Saint-Pons, près de la grande cascade.

Les balades de Gecko

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PERDRE LE CHEMIN Se perdre signifie qu’entre nous et l’espace il n’y a pas seulement un rapport de domination, de contrôle de la part du sujet, mais aussi de la possibilité que ce soit l’espace qui nous domine. Il y a des moments de la vie où nous apprenons à apprendre de l’espace qui nous entoure. (...) Nous ne sommes plus capables de donner une valeur, un sens à la possibilité de se perdre. Changer de lieu, se confronter à des mondes différents, être contraint de recréer continuellement des points de référence, est régénérant à un niveau psychique, mais aujourd’hui, plus personne ne conseille semblable expérience. Dans les cultures primitives, en revanche, si l’on ne se perdait pas, on ne pouvait pas grandir. Et ce parcours se déroule dans le désert, dans la forêt, des lieux qui sont une espèce de machine à travers laquelle on parvient à de nouveaux états de conscience.

Franco La Cecla Perdersi, l’uomo senza ambiente


Oolithe : Petit grain sphérique calcaire ou ferrugineux, composé d’un corps central entouré de fines couches concentriques superposées et ressemblant à un oeuf de poisson. Oolithes ferrugineuses. Souvent les infiltrations (...) amènent, autour de ces grains de sable, le dépôt d’enveloppes concentriques de carbonate de chaux, donnant naissance à des oolithes (Lapparent,Abr. géol.,1886, p.65)

Et l’algue se fit rouge... Dans le lit du Fauge, dont la source ne tarit jamais, prospère une algue rouge microscopique appelée « hildenbrandia rivularis », dont la présence ici relève du mystère. En effet, elle ne se développe ordinairement qu’en montagne, dans les torrents alpins, au contact d’une eau très pure. Aussi, du mystère à la légende, le pas a été allègrement franchi. On raconte qu’une nuit d’orage, une horde de chevaliers serait venue demander asile au cloître. Il s’ensuivit une nuit d’effroie. Seule Blanche de Simiane y échappera, fuyant les avances pressantes d’un soupirant. Arrivée au petit pont franchissant le Fauge, elle l’aurait enjambé pour se jeter « dans la gorge où le torrent s’élance en grondant ». Et l’algue rouge dans tout cela ? C’est, rapporte-t-on, la représentation du sang de la pure nonne que le temps ne saurait effacer. 24


LE FROID CONFIÉ AUX PIERRES Dans le massif de la Saint Baume, les glacières sont des constructions cylindriques, bâties pour servir de réservoir à la glace produite dans des bassins de rétention et de congélation. Dans ces bassins étaient canalisées les eaux de sources et de ruissellement qui gelaient pendant l’hiver. En dehors de ces constructions spécifiques, le terme de glacières désignait également les dépôts de glace situés en plein coeur des villes consommatrices comme l’attestent les nombreuses “Rue de la Glacière” à Aix, Marseille, Toulon. Quelques données physiques Pour comprendre le phénomène de la congélation de l’eau, rappelons nous que : l’eau est un liquide incolore qui se solidifie à 0°C sous une pression de 1 atmosphère”... Autrement dit : “que son point de congélation se situe à O°C à la pression de 760 millimètres de mercure” Température et pression apparaissent donc comme les deux paramètres essentiels du phénomène de formation de la glace. Nous retrouvons ces deux paramètres, exploités judicieusement, dans les lieux d’implantation des glacières ( exposition, altitude, pente,vents …) et également au travers des principes de fonctionnement de nos “ machines à froid” modernes. N’oublions pas non plus que : l’eau et la glace sont deux aspects d’un même corps. Ce corps est constitué de grains de matière : les molécules. Ces molécules d’eau sont formées par l’association d’atomes d’oxygène et d’hydrogène, leur symbole est H2O. À l’état liquide, dans un litre d’eau, ce sont des milliards de milliards de ces molécules qui glissent les unes sur les autres, donnant à l’eau sa fluidité. À l’état solide, elles se réunissent en édifices rigides, formant des cristaux.

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Les hommes-creux habitent la pierre et y circulent comme des cavernes voyageuses. Dans la glace ils se promènent comme des bulles en forme d’hommes. Mais dans l’air ils ne s’aventurent, car le vent les emporterait. Ils ont des maisons dans la pierre, dont les murs sont fait de trous, et des tentes dans la glace, où ils dansent à la pleine lune. Mais ils ne voient jamais le soleil, sinon ils éclateraient. Ils ne mange que du vide, il mangent la forme des cadavres, ils s’énivrent de mots vides, de toutes les paroles vides que nous prononçons. Certaines gens disent qu’ils furent toujours et seront toujours. D’autres disent qu’ils sont des morts. Et d’autres disent que chaque homme a dans la montagne son homme-creux, comme l’épée a son fourreau, comme le pied à son empreinte, et qu’à la mort ils se rejoignent. René Daumal, Le Mont analogue

Richard Long, A line

La simplicité et la nudité même de la vie de l’homme aux âges primitifs impliquent au moins cet avantage, qu’elles le laissaient n’être qu’un passant dans la nature. Une fois rétabli par la nourriture et le sommeil il contemplait de nouveau son voyage. Il demeurait, si l’on peut dire, sous la tente ici-bas et passait le temps à suivre les vallées, à traverser les plaines, ou à grimper au sommet des monts. Mais voici les hommes devenus les outils de leurs outils ! L’homme qui en toute indépendance cueillait les fruits lorsqu’il avait faim est devenu un fermier : et celui qui debout sous un arbre en faisait un abri, un maître de maison. Nous ne campons plus aujourd’hui pour une nuit, mais nous étant fixés sur la terre avons oublié le ciel. Henry David Thoreau, Je vivais seul dans le bois


FREEDOM Si la Sainte-Baume fut l’aboutissement de sa recherche d’un hâvre, cette bicoque fut celui de la voie que son inconscient traçait, de soirs nauséeux et incertains en matins lumineux et vivifiants : un ermitage. Cette thébaïde serait son ermitage. Plus marginal qu’ermite n’existe pas, plus heureux que lui en ce jour de choix définitif n’exista plus. Sur la table rase d’un passé qu’il n’assumait plus, il allait construire un homme nouveau, un homme qui ne concéderait plus une once de sa vie aux dérives grandissantes de la société que rien, à l’horizon, ne semblait pouvoir empêcher. “ C’est son destin, pas le mien”, se convainquit Victor. Comportement schizoïde doublé d’une tendance misonéiste, aurait doctement proclamé le psychiatre susnommé après une heure de divan. Drôle de jargon pour traduire : soif de liberté.

Yvon Collin Les inconnus de la Saint Baume

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En bas dans la vallée brume et vapeur, Trois jours de chaleur, après cinq jours de pluie La résine luit sur les pommes de pin. Des essaims de nouvelles mouches Traversent les prairies et les rochers. Je ne me souviens pas de ce que j’ai lu autrefois Quelques amis, qui sont dans les villes. Buvant de l’eau de neige froide d’une tasse en fer blanc, Je regarde vers le bas des kilomètres Dans l’air immobile des hauteurs. Gary Snyder

Lorsqu’on quitte un lieu de bivouac, prendre soin de laisser deux choses. Premièrement : rien. Deuxièmement : ses remerciements. Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie


WALKABOUT Chacun de ces anciens ( baignant alors dans la lumière du soleil) avança son pied gauche et nomma une chose. Il avança son pied droit et en nomma une autre. Il nomma le point d’eau, les roselières, les gommiers … donnant des noms de tous côtés, appelant à la vie toutes choses et tissant leurs noms dans des strophes. Les anciens s’ouvrirent un chemin dans le monde entier par leur chant. Ils chantèrent les rivières et les montagnes, les lacs salés et les dunes de sable. Ils chassèrent, mangèrent, firent l’amour, dansèrent, tuèrent : partout oû les portaient leurs pas, ils laissèrent un sillage de musique. Ils enveloppèrent le monde entier dans un réseau de chants ; et, enfin, lorsque la Terre fut chantée, la fatigue les envahit. De nouveau ils ressentirent l’immobilité glacée des temps. Certains s’enfoncèrent dans le sol là oû ils se trouvaient. D’autres glissèrent dans des cavernes. D’autres encore regagnèrent en rampant leur “demeure éternelle”, le point d’eau ancestral où ils étaient venus au jour. Et tous s’en retournèrent sous terre.

Bruce Chatwin Le chant des pistes, 1987

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1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.

www.gr2013.fr


PLÉiADES.

Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècle. Dérivé : une pléiade, une grande quantité.

« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléiade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel


Les agneaux sont dans la bergerie Où Stéphane Massy & la Troupe Secrète nous proposent, perdus dans la montagne, une rave tendre et un concert sauvage pour humains civilisés. Nous vous attendrons, au beau milieu de notre campement, au coeur du massif de la Sainte Baume solés depuis une semaine de tout contact avec la civilisation. Le jour glissera le long des signes de notre vie quotidienne : tentes, ustensiles de cuisine, douche solaire, les groupes électrogènes et les camions blindés de batteries un peu plus loin. Et peu à peu, alors que la montagne commencera à résonner de nos chants, la nuit nous rejoindra, effaçant les traces de notre présence. Resteront la lumière des projecteurs et les ombres de notre Troupe Secrète, inattendue et saisissante… En immersion une semaine dans les montagnes du Parc de St Pons avec les musiciens Philippe Boyer, Lionel Romieu, six détenus de la Maison d’arrêt de Digne et leurs accompagnateurs, Stéphane Massy orchestrera un singulier concert sous les rayons du soleil et de la lune. En construisant un répertoire inspiré de la vie du campement, l’ex-leader du groupe « Tante Hortense », co-fondateur des Disques Bien et aujourd’hui aux manettes du groupe de chanson électronique Massy Inc, nous propose

une histoire des lieux directement tirée de cette aventure humaine : composé à partir d’écrits produits in situ à partir de cette expérience de vie en commun, de documents d’archive et des rencontres avec ceux qui prennent soin de ces paysages, chacun deviendra aussi l’interprète ou le musicien d’une situation unique propice à faire avec ce qu’on est, pas avec ce qu’on croit savoir.

Prochaines NUITS 1001 Nuits #12 Coucher du soleil à 21h12 Nos voisins américains Où Hendrik Sturm explore et raconte les petits conflits de voisinage avec le camp de soldats américains installé sur le plateau de l’Arbois. [Marche-lecture] — Le samedi 2 juin, Place du 24 Avril 1915 (Cabriès)

1001 Nuits #13 Coucher du soleil à 21h20 Camper sous la bonne étoile Morandat Où Nicolas Mémain et le Collectif Etc. invitent à dessiner à plusieurs la constellation Morandat. [Installation - Ciné plein-air] — Le samedi 16 juin, Le Puits Yvon Morandat (Gardanne)

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