Pléiades #14

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1001 Nuits #14 Coucher du soleil

samedi 30 juin Une visite de circonstances Centre du village 13119 Saint-Savournin

14h30 Randonnée avec le Club Le Pilon du Roi

18h Départ de la promenade avec Mathias Poisson et l’Estampette de Fotokino

21h22

Pléiades


1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 NUITS c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 NUITS est un projet proposé par le Bureau des guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #14 a été réalisée en coproduction avec l’association -able.

Illustrations © Laurent Eisler Graphisme © Lindsay & Bourgeix


P L É i A D E S . Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècles. Dérivé : une pléïade, une grande quantité.


Scheherazade s’arrêta en cet endroit, parce qu’elle remarqua qu’il étoit jour. Le sultan se leva pour aller remplir ses devoirs, se promettant bien d’entendre la suite de ce conte le lendemain ; car il avoit grande envie d’apprendre pourquoi les Calenders étoient borgnes, et tous trois du même œil. Trente-deuxième nuit, les Mille et une nuits

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Le massif Il y a la Petite et la Grande Etoile, leur crête est haute, les antennes sont nombreuses, qui guident les avions vers Marignane ou les communications vers leurs satellites. Le col Sainte-Anne bascule vers Mimet, vers l’autre ville, dos à la mer. Notre-Dame des Anges, Notre-Dame du Rot, Notre-Dame du mont Carmel, Notre-Dame de la Galline, ces ermitages devenus lieux de pèlerinage descendent en cascade des sommets de l’Étoile. Ils ont un peu de l’histoire de la ville perchée accrochée à leurs pentes, sur lesquelles vivaient des ascètes nommés Elie ou Jean Baptiste. Christine Breton, Sous l’Étoile, Récit d’hospitalité d’Hôtel du Nord n°4

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Cain, Abel et l’architecture De la séparation primitive de l’humanité entre nomades et sédentaires dérivent deux manières différentes d’habiter le monde et de concevoir l’espace. C’est une conviction répandue que, tandis que les sédentaires - en tant qu’habitants des villes - doivent etre considérés comme les « architectes » du monde, les nomades en tant qu’habitants des déserts et des espaces vides - devraient être considérés comme des « anarchitectes », des expérimentateurs aventuriers, et donc opposés de fait à l’architecture et plus généralement, à la transformation du paysage.

Francesco Careri Walkscapes, 2013

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Le jour J : celui où, vers l’étoile massive j’ai pris la tangente. Mardi 1er mai 2018 Terrible jour férié. Heureusement un attroupement un cortège de colère détendue me porte et me promène un moment. Je cherche de l’horizon rue de St Savournin une idée de balade. Besoin de quitter Marseille. Là depuis trop longtemps. Au bout de la rue je vois la montagne qui me regarde qui me dirige. Je passe sous les rails lumières au bout du tunnel qui parlent dans des langues gutturales debout sans sac ni sans veste. Du fond de Marseille aux fidèles collines je gagne du terrain dans les dédales défoncés. Je demande à l’homme trempé allongé sur ses cartons de banane le chemin pour rejoindre le massif une caverne pour dormir bon voyage c’est beau là-haut. Mai 2018 Mathias Poisson

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Creux de l’Étoile, Mathias Poisson

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Armoiries de Saint Savournin D’or au chêne de sinople Accosté de 2 S de sable Elles sont surmontées des couleurs de Provence : d’or au quartier pals de gueules et entourées de signes du zodiaque (poissons, verseau et capricorne). À la base, la planète Saturne. Saint Savournin à l’époque romaine était dédié à Saturne, Dieu du temps. Les signes planétaires du zodiaque constituent dans leur révolution l’une des divisions du temps, en mois, en ères. (En termes héraldiques : gueules = rouge, sinople = vert et sable = noir)

Par rapport au Méridien International, en mesurant les coordonnées de la commune sur la carte IGN, on obtient les valeurs suivantes : Longitude Est : 5°30’18’’ à 5°33’38’’ Latitude : 43°23’22’’ à 43°25’02’’ Les dimensions approximatives de la commune sont les suivantes : d’Ouest en Est= 3750m Plus grande diagonale du N.E au S.W.= 4600m Périmètre= 12,4km. Supercifie= 576 hectares. Point culminant : La Tête du Grand Puech à 778m Point le plus bas : 307m vers le Puits Léonie. Yves Besson, Monographie de Saint Savournin 10



Imagine un désert ! Traverser la mer, le sol et le temps ; passer le fond du ravin et les hauteurs de la ville, dessiner l’orientation, le point lointain et invisible vers lequel les lignes de fondation urbaines convergent : sa perspective historique ; s’adresser aux personnages de la tradition orale : Marie Madeleine, Lazare, Marthe, Cassien, les Carmes. Situés dans un temps long, entre le 1er et le 12ème siècle, toutes et tous partagent un lieu commun : la Palestine. Partis de l’autre côté de la mer, ils sont venus accoster à Marseille. Toutes et tous viennent de là-bas pour fonder ici - ils sont des xénos, des étrangers. Ils ont quitté leurs communauté dans des conditions dramatiques, dit la tradition ; les chercher c’est partir au Désert de la ville. Mots du désert : Ermite (érémitisme) Anachorète (anachorèse) Cénobite (cénobitisme) Ascète (ascèse) L’ascète, dont l’éthymologie renvoie à « athlète », désigne celui qui pratique une vie sobre et sans superflu. L’anachorète ou l’ermite fait le choix de vivre dans la solitude, entre prière méditation et travail. La pratique du Koinos (la mise en commun) fait le cénobite.

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Eremos, le Désert, c’est donc cela, une étendue d’inspiration jusqu’à l’expiration.

Quelques mots avaient suffit : - Ce que l’on cherche n’est pas le lieu - TOPOS, avait-il traduit - mais la façon dont on dirige sa vie - TROPOS, soulignait-il.

Extraits des Récits d’hospitalité d’Hôtel du Nord, Christine Breton

LAURE, monachisme Mot qui, en grec classique, signifie rue ou quartier et qui fut employé à partir du IVème siècle, spécialement en Palestine, pour désigner un village de moines. Les ermites vivaient isolés et les cénobites étaient groupés dans des communautés étroitement liées et fortement structurées. Les moines des laures habitaient dans des cellules autonomes, à distance variable les unes des autres, mais toutes situées à l’intérieur d’une vaste enceinte où se trouvait une église, desservie par des moines prêtres. Avec ses falaises calcaires percées de grottes innombrables, son climat chaud et sec, les habitudes frugales de ses habitants, la Palestine se prêtait à ce genre d’organisation. Paysage de laure 13


Grotesques Nature : s. f. pl. Prononciation : gro-tè-sk’ Etymologie : Ital. grottesca, de grotta, grotte, à cause des peintures trouvées dans des cryptes ou grottes anciennes, particulièrement lors de l’exhumation des thermes de Titus à Rome. - Terme de beaux-arts. Se dit des arabesques à l’imitation de celles qui ont été trouvées dans les édifices anciens ensevelis sous terre (ce qui est le sens primitif). Le sujet ni le dessin des grotesques n’ont rien de bouffon. - Par extension de l’idée de fantasque, irrégulier, qui est dans l’acception précédente. Figures qui font rire en outrant la nature. Peintre de grotesques. - Il se prend adjectivement. Qui outre et contrefait la nature d’une manière bizarre. Des figures, des peintures grotesques. - Fig. Ridicule, bizarre, extravagant. - S. m. Ce qui est dans le genre grotesque. Il ne faut pas mêler le sublime au grotesque. - Danseur, bouffon, et, par extension, figure risible.

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très haut, très aéré, et très illustre A mesure qu’il parlait, je me doutais bien que c’était là le lieu où je m’étais endormi la veille ; mais je ne jugeai pas à propos de lui confesser un trait de folie par trop original. - Et cette grotte est-elle bien profonde ? lui dis-je. - Oh ! Monsieur, le fond n’en a pas encore été trouvé ; Ce sont les chevaliers de l’Étoile qui, les premiers, ont rendu toute sa réputation à cette grotte. Il s’interrompit tout d’un coup et, rayonnant de joie, il s’écria par 5 fois : Vive l’Étoile ! et il agitait sa hallebarde en l’air. Le cri de Vive l’Etoile ! fut à l’instant répété par tous les échos. Les chevaliers étaient au pied de la dernière montée.

Annales de l’ordre très haut, très aéré, et très illustre de l’Étoile (1803-1826) Extrait du Livre vert

Un Chevalier de l’Étoile Dessin du chevalier Dodaney, 1821

Au mois d’août 1803, un homme que tous estimaient pour ses vertus domestiques et pour ses talents d’artiste, un musicien des plus habiles, le premier qui organisa à Marseille les solennités musicales et religieuses, M. Albrand père, partie un matin de Saint Joseph, suivi de quelques amis, pour aller assister au lever du soleil sur la montagne de l’Etoile. La gaité franche qui anima la promenade, la majesté du spectacle qui se déroulait aux yeux, le piquant de la nouveauté, le plaisir de se retrouver réunis dans un lieu désert et pittoresque, tout remplis nos promeneurs d’enthousiasme. On comprit tout le charme qu’il y aurait à renouveler chaque année cette ascension, et le chef de la troupe, inspiré par quelque bon génie de la montagne, invita à se constituer société. La société pris le nom de Chevalerie très haute, très aérée et très illustre de l’Etoile, et c’est ainsi que, sous l’inspiration de l’homme le plus grave de Marseille, fut constitué l’ordre le plus joyeux qu’il n’y eu jamais. Marius Chaumelin, Promenades artistiques autour de Marseille, 1854.


L’appel de la grotte « Ils sont entrés. Quelques-uns seulement sont restés au-dehors pour monter la garde et ils ne franchissent pas le péristyle. Cette avenue de la grotte n’a guère que 4 pieds de largeur ; elle est d’abord assez haute pour qu’on puisse faire quelques pas sans baisser autre chose que la tête ; mais le sol et surtout le plancher prennent subitement la pente et force est bientôt au plus orgueilleux de réduire en taille de moitié. Il n’a ensuite qu’à bien se tenir, car l’inclinaison du pavé devient tout à coup si rapide qu’il n’y a plus moyen de mettre le pied en avant. Il faut aller au risque de salir ses habits et de s’endolorir l’épine dorsale ; façon de marcher assez incommode, mais qu’on a souvent l’occasion de mettre en pratique quand on s’aventure dans ces sombres profondeurs. […] Quel étonnant spectacle vient alors s’offrir à nos regards ! C’est ici surtout que règne la variété dans toute l’ingénieuse multiplicité de ses formes. Elle est partout, sous nos pieds, sur nos têtes, autour de nous. Voyez ces monuments d’une architecture inconnue aux mortels, ces mille colonnes, ces chapiteaux suspendus, ces festons qui s’enlacent, ces cailloux d’albâtre dont le sol est couvert, ces boules jointes ensemble, qui se détachent des voûtes comme une chaîne de marbre… Quelle prodigieuse diversité de formes, de dimensions et de dessins ! Comme cette blancheur jaunâtre et cette teinte brune qu’engendre l’humidité s’allient et se fondent artistement ! L’esprit demeure confondu quand on songe que c’est l’eau qui a produit de si merveilleux ouvrages et qu’elle les a formés goutte à goutte ! La nature est ici toujours en travail. »

JF Barbe, Chevalier de l’étoile Découverte de la grotte Loubière, 1825

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GÊomètre de mine Dessin de Francis Pellisier

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contraditions La Société des Excursionnistes Marseillais est créée officiellement en 1897 lors d’une sortie à la source de la Glacière, dans le massif de la Sainte-Baume, pour répondre à une double demande collective : il s’agit d’obtenir des tarifs réduits auprès de la compagnie PLM, et d’organiser « chaque quinzaine, au moins, une excursion utile et agréable dirigée par des guides sûrs. » La Provence est présentée dans les Bulletins annuels comme un site idéal d’excursion pour des Marseillais qui souhaitent allier oxygénation, sérénité, développement du corps et de l’esprit, proximité. Une sortie ne fait pas l’excursion, c’est la répétition qui ritualise, suscite la curiosité et la découverte, et fournit un prolongement bénéfique toute la semaine.[…] Le regard insolite que la Société des excursionnistes marseillais porte à la fin du XIXe siècle sur la Provence s’inscrit dans une quête de racines, de connaissances scientifiques et culturelles, associée au développement des sociétés sportives. L’excursion apparaît comme un voyage, si petit soit-il, comme une occasion de rencontres, de découvertes.[…] Les excurs entretiennent avec l’espace des rapports contradictoires : ils recherchent un milieu naturel et sauvage, et sont pourtant émerveillés par l’emprise de l’homme qu’ils photographient abondamment. Leur fascination pour les évolutions technologiques, économiques ou culturelles traduit la curiosité intellectuelle de cette classe moyenne, avide de connaissances et de progrès. Pleine de contradictions, cette société est passionnée par les nouveautés tout en étant terriblement attachée au passé, aux traditions, à la nature sauvage. Poussés par le besoin de fixer sur la pellicule des marques de modernité, les excurs veulent inscrire l’« arrachement au passé » qu’elle provoque à leurs yeux.

Provence Historique Juillet-août-septembre 2002

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Sous savournin D’après les documents faisant état de l’exploitation du charbon, dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le Bassin Minier de Provence, cela remonte au 30 mars 1584 puisqu’il s’agit d’un acte établi par un notaire aixois, Gravisi, par lequel Louis Bremond, maître charretier à Marseille, cède et transporte à Pierre Rouquier, tondeur de draps à Toulon, tous les droits qu’il a sur les fours à chaux et les mines de charbon de pierres et de pierres à chaux qui se trouvent à Saint-Zacharie (Var), quartier de la Canorgue. Il y a aussi la plus ancienne mention d’activité d’extraction de lignite dans les Bouches-du-Rhône et qui remonte en octobre 1443, quand le prieur et seigneur de Saint-Savournin (d’Agoult) autorise deux aixois à rechercher des mines de charbon de pierres dans cette localité. « Il est 1h30 ou 2h du matin : maintenant il faut retourner au puits... à pieds. Remonter les chantiers il n’y a plus de bruit, la mine est silencieuse, seuls quelques craquements de bois nous rappellent que nous sommes à -500 ou -600 sous terre. Après la remontée de la grande descenderie il faut faire 2,2 km dans cette galerie de roulage et ce n’est pas un boulevard marcher entre les rails de la voie ferrée sur les traverses irrégulières, il y a de la boue noirâtre, beaucoup d’air frais qui nous frappe le visage, enfin on arrive au puits. Parfois l’encageur (le liftier) refuse de nous faire monter parce qu’il y a beaucoup de bois et d’autres matériels à descendre en priorité, en effet c’est pendant le 3ème poste, quand il n’y a plus d’extraction de charbon que l’on descend le matériel nécessaire, et les grosses fournitures indispensables à l’exploitation (bois, rails, ferrailles diverses, tuyaux, pompes, rouleau de bandes transporteuses etc.). Parfois nous restons contraints et forcés d’attendre 1heure ou 2 avant d’avoir la cage remonter au jour ! L’encageur avait des ordres et il devait assurer son travail. »

Francis Pellissier Témoin de l’obscurité

Puits Léonie - Saint-Savournin (13) Puits d’exhaure, d’extraction et d’aérage de la Grande-Concession (C3). Fonçage en 1853 par le Comte de Castellane (42 m ; seconde 12 m2). Raval en 1860 (150 m) et en 1865 (201 m). Puits d’exhaure et d’extraction avant 1891, et d’aérage entre 1891 et 2003. Le puits en cours de ravalement est mentionné « en fonçage » sur un plan du 30 avril 1860. Le puits est équipé en 1860 d’une puissante machine d’épuisement de type Cornouailles. A partir de 1891, l’extraction est réalisée par la Galerie Saint-Pierre ; le puits est alors utilisé pour l’aérage. Quatre recettes ont été aménagées, à +257 vers la galerie d’écoulement de Castellane, à +121 vers le roulage de l’étage Béthune, à +167 vers le roulage de l’étage Castellane et à +122 au dessus de la couche Grande Mine, vers le roulage de l’étage Léonie. Le puits constitue encore en 2002 l’exutoire pour le reliquat de circulation d’air de l’exploitation. Du carreau désaffecté avant 1980 (chevalement, chemin de fer, bureaux, stockages, ateliers) ne subsistent que des bâtiments à usage d’habitation.

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fztt…fztt…fztt… …bien avant le jour, il (le chasseur) est sur pied, la lanterne à la main, ses cages sur le dos, il va au poste ; sans bruit il accroche ses cages aux troncs des arbres ou sur les poteaux, en ayant soin de les mettre chacune toujours à la même place, la mangeoire tournée du côté de l’arrivée. Puis, il s’enferme dans sa cabane, et là, tranquille et immobile, il fouille la profondeur de la nuit, cherchant à percevoir un bruit, un cri, un bruissement d’ailes qui lui annonce une victime. Le chasseur ne s’assoit pas, il ne bouge pas, il regarde tout le temps, à terre, sur les arbres, aux cimeaux, selon l’heure et le temps. Il sait que lorsque la grive est posée, elle ne remue plus, si ce n’est pour partir. Il doit donc la deviner avant qu’elle n’arrive, en l’entendant chanter dans le lointain ; Mais chut ! Ça a chiqué, fztt…fztt-fztt…fztt…fztt…fztt…frrr… La voilà, droite raide, le cou tendu, sur la partègue, immobile comme quelqu’un que la peur transit. Alors lentement, bien lentement, le chasseur allonge le bras, fouillant le vide du bout des doigts, il atteint son fusil ; il l’attire, doucement, le met en joue avec mille précautions. Tout cela sans le moindre bruit, ou sinon gare ! Frrrt… un coup d’aile, un cri d’effroi, et la voilà partie.

J-B. Samat Chasses de Provence, réimpression de 1896

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Dans un autre livre, Muir raconte avec ravissement comment, au cours d’une tempête, dans la sierra il a grimpé délibérément

dans les plus hautes branches d’un sapin de Douglas. Jamais auparavant je n’avais ressenti une si noble griserie de mouvement. Le mince sommet de l’arbre s’agitait et bruissait dans l’air déchaîné, il s’inclinait et se balançait d’arrière en avant, tournant encore et encore, traçant d’indescriptibles combinaisons de courbes verticales et horizontales, et pendant ce temps, je m’agrippais fermement à lui comme un petit oiseau à un roseau. Fransesco Careri, Walkscapes



Où sommes-nous ? Ici, la nature était une chose sauvage, effroyable et pourtant belle. Je regardais avec une crainte ailée d’admiration le sol sur lequel je marchais pour observer la forme, le matériau et le travail des Puissances. C’était là cette terre dont on nous a parlé, faite de chaos et de ténèbres. Ici, nul jardin pour l’homme, mais le globe intact. Ni pelouse, ni pâture, ni prairie, ni bois, ni pré, ni terre labourée, ni friche, c’était la surface fraîche et naturelle de la planète terre, telle qu’elle fut faite pour l’éternité des temps afin d’être, croyons-nous, la demeure de l’homme. Ainsi la Nature l’a conçue et ainsi l’homme en use, s’il le peut. Mais il n’a pas été créé pour lui être associé. C’était une matière vaste et terrifiante - non la Terre mère -, elle n’était pas faite pour qu’on y marche et pour qu’on y soit enterré. Non, ce sera encore se montrer trop familier que de laisser ses os y reposer. Si c’était une demeure, c’était celle de la nécessité et du destin. On pouvait clairement sentir à cet endroit la présence d’une force qui n’était pas tenue de se montrer bienveillante envers l’homme. C’était un lieu de paganisme et de rites superstitieux destiné à des êtres plus proches des rochers et des bêtes sauvages que nous ne le sommes…Que sont les myriades d’objets singuliers d’un musée auprès de la surface d’une d’étoile, auprès de quelque objet dur dans sa gangue ? Je suis là et je regarde avec respect mon corps ; cette matière à laquelle je suis lié me semble maintenant tellement étrange. Je ne crains pas les esprits, les fantômes - j’en suis un -, comme pourrait le faire mon corps, je crains les corps, je tremble d’en rencontrer. Qu’est-ce que ce Titan qui me possède ? Parlons des mystères ! Pensons à notre vie dans la nature, dont nous voyons la matière et avec laquelle nous sommes en contact chaque jour - rocs. Arbres, souffle du vent sur nos joues ! La terre solide ! Le monde réel ! Le sens commun ! En contact, en contact ! Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ?

Henry David Thoreau Ktaadn

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Terrain vague Le terrain vague selon la définition courante est un lieu vide de cultures et de constructions dans une ville ou un faubourg, un espace indéterminé, sans limite précise. C’est aussi un lieu apparemment oublié où paraît prédominer la mémoire du passé sur le présent, un lieu obsolète où certaines valeurs résiduelles se maintiennent malgré une désaffectation complète du reste de l’activité urbaine, un lieu qui est en définitive exogène et étrange, en retrait du circuit des structures productives de la cité, une île intérieure inhabitée, improductive et souvent dangereuse, à la fois en marge du système urbain et partie constituante à part entière. (…) La relation entre l’absence d’utilisation et le sentiment de liberté est fondamentale pour saisir toute la puissance évocatrice et paradoxale du terrain vague dans la perception de la ville contemporaine. Le vide c’est l’absence, mais aussi l’espérance, l’espace du possible. L’indéfini, l’incertain.

Ignasi De Solà Morales Urbanité interstitielle, 1995

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Asile d’appoint T2 avec vue sur Marseille cheminée, goutte à goutte clim naturelle très calme. Je dresse le plan des collines à la plume de bécasse. Vie de peu. Sms d’alerte de ma banque citoyenne votre découvert atteint des sommets devenez propriétaire grâce à nos taux zéro. De la distance. Voir par-dessus la brume. Le rythme des jours me revient sans bruit. Je décide de rester là jusqu’à ce que.

Mai 2018 Mathias Poisson

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Saint-Savournin dans la brume. Mathias Poisson

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1001 nuits Qu’est ce que le projet 1001 nuits ? 1001 Nuits c’est une collecte de récits et une série de rendez-vous artistiques pour passer ensemble du jour à la nuit. Le principe est d’inviter habitants de proximité et voisins métropolitains à découvrir ensemble un endroit du territoire de manière originale, au travers de rencontres et d’histoires qui entrent en résonnance avec les paysages.

Quand ? Du 17 février au 2 septembre 2018.

Où ? Dans des lieux insolites autour du sentier GR2013.

Qui ? 1001 Nuits est un projet proposé par le Bureau des Guides du GR2013, coproduit par MP2018 avec le soutien de la Banque Populaire Méditerranée, en partenariat avec Bouches-duRhône Tourisme et le Comité Départemental de Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône. 1001 NUITS #1 a été réalisée En coproduction avec la Friche la Belle de Mai.

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PLÉiADES.

Groupe de sept étoiles qui constitue un petit amas très groupé dans la constellation du Taureau et bien visible les nuits d’hiver. Par glissement, groupe de sept poètes français du 16ème siècle. Dérivé : une pléiade, une grande quantité.

« Si vous voulez bien vous approcher un peu plus. La voix porte mal avec le vent. Mais cela fait longtemps qu’il parle aux hommes… nous ferons avec lui ce soir. » Chacun y va d’un petit pas. Nous voilà bien serrés les uns contre les autres, pléiade de curieux du ciel que le ciel attire. — Ballades sous les étoiles, François Barruel


Une visite de circonstances Où Mathias Poisson se glisse silencieusement dans le paysage pour souligner le visible et l’invisible à coups de pinceaux tremblants. Une visite de circonstance se fait toujours en groupe. Elle combine savamment plusieurs objectifs simultanés comme saluer le paysage droit dans les yeux et profiter de l’occasion pour lui poser quelques interrogations délicates. Ou bien voir ce qui est gros comme une maison et sentir en même temps l’infinitésimal influencer la courbure des trajectoires. Ou encore s’entraîner à vadrouiller en suivant méticuleusement l’art de la promenade tout-terrain détaillé sur le mode d’emploi fourni par nos soins. Pour cela, nous partirons du centre, aussi appelé milieu et dériverons progressivement vers l’extérieur instable et gribouillant. Nous suivrons des schémas et des tablettes en nous tenant fermement à quelques cordages et autres supports résistants. Ensemble, nous ferons des circonvolutions maitrisées jusqu’à ce qu’une excursion saint-savournicaine soit envisageable. Et là, advienne que pourra…

En écho à cette proposition découvrez l’exploration dessinée de La Face nord du massif de l’Étoile par Mathias Poisson à la Vitrine du 152 Canebière jusqu’au 2 septembre.

Prochaines NUITS 1001 Nuits #15 Coucher du soleil à 21h21 Ici, maintenant ? Sur le cercle Où l’Agence de Géographie Affective nous explique pourquoi les carrés ont toujours voulu rentrer dans les cercles. [ Performance sonore ] — Le jeudi 5 juillet, Cercle Beaudinard (Aubagne)

1001 Nuits #16 Coucher du soleil à 21h17 Carnets de l’Huveaune Où Clément Baloup nous dessine quelques histoires de voisinage pendant que Nicolas Mémain entre-ouvre les portes cachées de la Penne [ Concert déssiné ] — Le samedi 14 juillet, Parc Jean-Claude Alexis (La Penne sur Huveaune)

Mathias Poisson est artiste promeneur. Auteur de plusieurs guides touristiques expérimentaux, dessinateur de cartes sensibles, guide de visites artistiques et aventureuses, il questionne les modes de représentation de la promenade autant par l’écriture, le dessin et la performance.

www.gr2013.fr


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