BWGH Le Magazine - Fourth issue

Page 1

SPRING / SUMMER 2014

SPRING / SUMMER 2014

LE MAGAZINE

FOURTH ISSUE


L

L

Dès lors, la patte Grannis a déferlé sur le monde aussi puissamment que les vagues d’Hermosa Beach avalaient et recrachaient des contingents de jolis jeunes gens venus avec leur long board pour défier les lois des gravités aquatique et picturale.

From that moment on, the Grannis touch swept the world, with the energy of the waves of the Pacific curling into elegant pipelines at Hermosa Beach, the playground of whole contingents of buff, bleached blond surfing enthusiasts, defying the aquatic and pictorial laws of gravity.

eRoy. Un prénom taillé pour ce qu’il allait devenir : un roi. Et comme il n’y a pas de hasard dans la vie, c’est justement ce que LeRoy Grannis était devenu ; un souverain qui a régné sans partage sur un pan de la photographie, une éminence qui a su inventer une esthétique : celle du surf californien des années 1970 et 1980.

Pour cette saison Printemps/Été 2014, la collection « Hermosa » de BWGH et la nouvelle mouture de son magazine ont puisé dans ce mélange d’insouciance et d’instinct qui fait l’essence du surfeur, tout en lui adjoignant le sens du détail et le regard qui ont fait le succès du king LeRoy. « Hermosa », c’est une collection qui se veut pleine d’allégresse et de couleurs, la synthèse de tissus estivaux et de mailles légères venus du Japon, d’Écosse ou d’Italie, de couleurs pures comme l’horizon à l’heure du coucher de soleil, de tons qui vous emplissent des mêmes sentiments vivifiants que respirer les embruns de cette plage californienne exceptionnelle au petit matin.

eRoy means “the king.” A first name like a prophecy, and he fulfilled it. Nothing in life is accidental: LeRoy Grannis did become an absolute monarch of a genre of photography. His reign was undisputed, his authority unassailable. His vision was so powerful and inspiring, he invented an esthetic, Californian surf style in the 1970s and 1980s.

For the Spring/Summer 2014 season, BWGH’s “Hermosa” collection and the new version of the BWGH magazine draw upon this mixture of insouciance and instinct that are the essence of the surfer, supplementing it with the sense of detail and insight that made King LeRoy a success. “Hermosa” is a collection that sets its sights on cheerfulness and colors, the synthesis of summer fabrics and light knits from Japan, Scotland, or Italy; colors as pure as the horizon at sunset; tones that fill you with the same invigorating feelings as being out on this awesome Californian beach early in the morning, enjoying the spray from the waves of the Pacific.

Cette nouvelle collection de BWGH – à travers ses pantalons en lin, ses shorts à pinces, ses chemises en coton, ses coloris rares, ses imprimés délicats – n’est pas qu’un voyage aux confins de deux décennies immortalisées en photo, c’est aussi une invitation à réinventer vous-mêmes une époque, la nôtre.

This new BWGH collection, featuring linen slacks, shorts with pleats, cotton shirts, refined colors, and delicate prints, is more than a journey through time, to the golden era of the two decades Grannis immortalized. It is also an invitation to reinvent yourself now.

Hermosa, c’est le concept-même de « beauté » en espagnol ; cela tombe bien, c’est de cela dont il s’agit. Les codes et les armes sont entre vos mains, à vous de partir à l’assaut des vagues du bon goût et de l’élégance.

Hermosa is the concept of beauty itself, in Spanish. How appropriate. Beauty is definitely the question. The codes and weapons are in your hands. Now it’s up to you to go surfing the waves of good taste and elegance.


BY

A L I C E

M O I T I É

K L Ô R OS

ST Y L I N G DAV I D O B A D I A ASS I STA N T R O M A I N TA R DY





EV ERYTH I N G

W I L L

B E

F I N E

EV E RY T H IN G

WILL

B E

FINE

E

C

S

H

T

R

E

I

V

S

A N

S T

O

A

R

M

I

P

O L

CHRIS STAMP A LE MÊME NOM QUE LE TYPE QUI A DÉCOUVERT ET RENDU LES WHO CÉLÈBRES. MAIS LUI A PLUTÔT BÂTI SON SUCCÈS EN DESIGNANT, VÊTEMENTS ET OBJETS COLLECTORS EN TOUT GENRE. LE CRÉATEUR DE LA CÉLÈBRE MARQUE STAMPD, FAN INCONDITIONNEL DE SURF, NOUS A RACONTÉ L’HISTOIRE D’UNE DE SES CRÉATIONS FÉTICHES : LA STAMPD BLACK SUMMIT.

« Je vis en Californie du sud depuis que j’ai cinq ans. J’ai toujours vécu près de l’océan. J’ai commencé à surfer quand j’avais neuf ans. Disons que le surf a toujours fait partie de ma vie. Cette discipline est synonyme de sérénité à mes yeux. Être au milieu des vagues, être en phase avec l’océan permet de faire le vide dans sa tête. Aller dans l’eau est agréable, c’est une vraie manière de s’échapper de son quotidien. Et puis il y a un lifestyle qui va avec : le surf, c’est une affaire d’amitié et de bonnes vibes, il s’agit de prendre du bon temps avant tout.

Cette planche s’appelle la Stampd Black Summit. Elle a été imaginée et conçue à Venice, à Los Angeles. J’ai toujours fait faire mes propres planches et lorsque j’ai lancé ma marque, j’ai continué. C’est une manière esthétique d’affirmer une certaine vision. J’ai parlé à un très bon ami qui fabriquait des planches, Max Vanville, et il a accepté de dessiner la Black Summit à partir d’une silhouette que nous avons imaginée tous les deux. La Summit est la deuxième planche produite par Stampd. La forme a été inspirée par les planches du surfeur Gerry Lopez, avec ses fameux ailerons. Mais, nous avons également cherché à singulariser le modèle en lui donnant un bout arrondi, comme un œuf. La surface est assez dure vers l’arrière, et plus souple à l’avant. C’est un peu une planche à l’ancienne, mais ça ne l’empêche pas d’être bien nerveuse. L’arrière propulse la planche sur la vague. La forme à l’avant correspond parfaitement aux vagues de Californie du sud. »

ONCE UPON A TIME, A MAN NAMED CHRIS STAMP DISCOVERED THE WHO, AND THE BAND LAUNCHED HIS CAREER AS A MUSIC ENTREPRENEUR. BUT THAT WAS LONG BEFORE THE BIRTH OF OUR CHRIS STAMP, A SURFER-TURNED-ENTREPRENEUR/DESIGNER-OF SNEAKERS-AND-AWESOMEACCESSORIES-AND-COLLECTIBLES. THE BRAINS BEHIND THE FAMOUS BRAND STAMPD ENTHRALLED US WITH THE STORY OF ONE OF HIS LOVE OBJECTS, THE STAMPD BLACK SUMMIT.

« I’ve lived in Southern California since I was five years old, so I’d always lived close to the ocean. I started surfing when I was about nine, and in some form or another, it has been part of my life ever since. For me, surfing is as sense of serenity. Being in the water gives me time to clear my head and be present with the ocean. It’s nice to step into the water for a few hours and escape the day. The lifestyle is about good friends, good vibes, and just having fun.

This board is the Stampd Black Summit. It was designed, shaped, and glassed in Venice, California. I have always had customed boards made growing up and once I had my own brand, I really wanted to make something that represented aesthetically my vision. After talking with a close friend of mine, Max Vanville, he ended up shaping the first board based on a silhouette both of us were interested in. The Summit was the second board we produced. The Gerry Lopez single fin movement inspired the shape, but I wanted to make it our own by incorporating a classic egg and rounded pintail silhouette. The board features a modern hard rail through the tail, while the rails leading up to the nose are soft. I wanted the board to have a retro feel, while still being able to quickly engage the tail for speed and trim. The shape in the nose and tail cater well to the water movement seen in most Southern California waves. »

ON PEUT CONSIDÉRER ESTEVAN ORIOL COMME L’HOMME QUI A SHOOTÉ LA FACE LA PLUS « GHETTO » DE LOS ANGELES : LATINOS TATOUÉS, GANGSTERS ÉNERVÉS OU ENCORE FEMMES DÉSINHIBÉES. LE PHOTOGRAPHE RETRACE POUR NOUS LES PLUS GRANDS MOMENTS DERRIÈRE SON CANON AE1.

Mon père m’a donné un appareil photo au début des années 1990. C’est quand j’ai commencé à gagner un peu d’argent que j’ai acheté mon propre Canon AE1, en 1994. Je n’étais même pas un fan, pas du genre à me dire « il me faut un AE1, il me faut un Canon !». D’ailleurs, je ne sais même plus où je l’ai acheté. En tout cas je m’y suis habitué et je n’arrête pas de l’utiliser. J’en achète un nouveau à chaque fois qu’il se casse : je dois en avoir dix, seulement deux d’entre eux fonctionnent. Comme ça coûte entre 75 et 100 dollars

de le réparer, je préfère m’en acheter un neuf sur eBay pour seulement 50 dollars. Avec l’AE1, un de mes plus grands souvenirs reste le shooting dans une prison au Panama pour faire un documentaire. Un ami qui se trouvait dans cette prison m’a dit « va dans mon quartier, shoot mes amis et reviens me voir pour que je te montre la prison. » Puis j’y suis retourné et on m’a ouvert les portes. Les gardes m’ont dit « Reviens à 4h. On te laissera sortir. » Je me suis retrouvé dans la prison sans aucun garde, seulement les prisonniers. J’avais cinq heures devant moi pour prendre des photos. Et puis mon shooting en Afghanistan… Un ami artiste, David Choe, voulait aller en Turquie, à Dubaï et en Afghanistan pour son anniversaire. Il m’a emmené avec lui. À Kaboul, j’ai décidé d’aller prendre des photos dans une prison où ils enferment des Talibans. Ça c’était quelque chose !

ESTEVAN ORIOL CAN BE CONSIDERED AS ONE A OF THE GUY WHO CAPTURED THE DARKEST SIDE OF LOS ANGELES : TATTOOED LATINOS, BAD ASS GANGSTERS AND UNINHIBITED WOMEN. THE PHOTOGRAPHER SHARES WITH US HIS BEST MEMORIES BEHIND HIS CANON AE1.

My dad gaveme a camera in the early 1990s. When I got extra money I bought my own Canon AE1, in 1994. I wasn’t a brand fan, I wasn’t like “oh I need an AE1 camera, I need a canon”. I don’t even remember where I bought it. Then It became familiar with it and I’ve been using it over and over. I’m buying a new one every time it would break down: I have like ten of them, but maybe two of them work. Because it costs maybe 75 to 100 dollars to fix, I prefer buying a brand new one on eBay for 50 dollars. With the AE1, one of my best memories was when

I went to a prison in Panama to do a documentary there. A friend of mine who was in the prison told me : “ go to my neighborhood and shoot my friends and then come in the prison I can show you around . ” So I went back and the men just opened the door. They told me “come back at 4 o’clock. We’ll let you out”. So I’ve been there with no security, just the prisoners. I was in the prison for 5 hours and I took pictures. Then there was my shooting in Afghanistan… My friend, David Choe, an artist, wanted to go to Turkey, Dubaï and Afghanistan for his birthday. He took me with him. In Kaboul, I went to take pictures in a prison where they have all the Talibans. That was something !


BY

V I N C E N T

BWG H

L

D E S A I L LY

FOR

e 7 décembre 2013, BWGH présentait sa première paire de chaussures en collaboration : la R698 de Puma revisitée. À cette occasion, BWGH a puisé son inspiration dans le travail du maître américain Mark Rothko, expressionniste abstrait ultime et précurseur du « Colorfield Painting ». Après le succès du projet initial Blueflied, BWGH et Puma n’allaient pas en rester là. Pour l’hiver 2014, le géant du sportswear et BWGH créent l’événement et proposent un vestiaire complet. Blousons, pulls en maille, teeshirts et pantalons, chemises et polos, accompagnés d’une dizaine de paires de chaussures : voilà trois gammes de couleur fortes qui se répondent, en hommage à ce que Puma inspire : la joie et le dynamisme.

P UM A

O

n December 7, 2013, BWGH presented Bluefield, its first pair of artist-collaboration shoes: an upgrade of Puma’s R698. For the footwear, BWGH drew its inspiration from the canvases of Mark Rothko, ultimate maestro of American abstract expressionist painting and pioneer of the Color Field school. Sportswear giant Puma and BWGH were so pleased with Bluefield’s success, they didn’t want to stop there. The Winter 2014 project is about to be launched. A complete wardrobe will hit the racks, with coordinated jackets, knit sweaters, T-shirts, and slacks, button-downs and polo shirts, accompanied by a dozen shoe choices. Three intense color ranges bouncing off each other, as a tribute to what Puma inspires: joy and dynamism.

ST Y L I N G DAV I D O B A D I A ASS I STA N T R O M A I N TA R DY













F O R

T H E

S U R F ’ S

MO RGA N

M AASS EN

S A K E


DE SON TEMPS, LES PIEDS PLANTÉS DANS LE SABLE OU PLONGÉS DANS L’EAU, LEROY GRANNIS SU CAPTER EN TECHNICOLOR L’ÉMERGENCE D’UNE CULTURE SURF, ÉPRISE DE FUN ET DE LIBERTÉ. UNE SORTE DE MYTHOLOGIE FAÇON CARTE POSTALE QUI, DEPUIS, A TRAVERSÉ LES ÉPOQUES GRÂCE À UNE RIBAMBELLE DE JEUNES GENS BRONZÉS, PLANCHE ET APPAREIL PHOTO SOUS LE COUDE, TOUS ENFANTÉS PLUS OU MOINS PAR LE VIEUX GRANNIS. PARMI LES DERNIERS DU GENRE, VOILÀ AUJOURD’HUI MORGAN MAASSEN, CALIFORNIEN BON TEINT D’À PEINE VINGT ANS. CE PHOTOGRAPHE S’EST IMPOSÉ CES DERNIÈRES ANNÉES COMME L’UN DES OBJECTIFS QUI COMPTENT SUR ET SOUS LES VAGUES. IL RACONTE ICI SA VIE.

J

e m’appelle Morgan Maassen, j’ai 23 ans et je vis à Los Angeles, Californie. Je suis né et j’ai grandi à Santa Barbara, une ville située entourée par la nature. Un endroit idéal pour vivre dehors. Ma mère a longtemps travaillé dans le marketing tout en étant une artiste pleine d’entrain, tandis que mon père était consultant pour le gouvernement. Surtout, il a toujours été un très bon pêcheur d’oursins. Aussi, ce qui nous a toujours réuni, ma famille et moi, c’est notre amour commun pour le voyage et la mer. À Santa Barbara, nous vivions à deux pas de l›océan. Gamin, je passais presque chaque journée sur la plage. Pour mes 7 ans, mon père m’a embarqué pour la première fois sur une planche, à la rencontre des vagues. Un déclic: à partir de ce moment-là, je ne pouvais plus décrocher. Dès que je le pouvais, je surfais. Avant et après l’école, sous la pluie. Tout le temps. Et je passais une bonne partie de mon temps dans la foulée de surfeurs plus âgés sur les traces de spots secrets. Je séchais allègrement les cours pour être dans les vagues. J'aimais le

IN HIS TIME, LEROY GRANNIS, 35MM CAMERA IN HAND, CAPTURED AN EMERGING SURF CULTURE THAT ADORED FUN AND FREEDOM. HE WAS ONE OF THE CREATORS OF THE LEGEND OF ENDLESS BLUE PACIFIC BLISS, HANDED DOWN THROUGH THE DECADES THANKS TO THE HARMONIES OF THE BEACH BOYS AND THE HORDES OF SURF HOTTIES, ALL SIRED MORE OR LESS BY OLD DADDY GRANNIS. ONE OF THE LATEST TO EMERGE IS MORGAN MAASSEN, A DYEDIN-THE-COTTON CALIFORNIAN BARELY TWENTY YEARS OLD. DESPITE HIS YOUTH, HE HAS COME TO THE FOREFRONT RECENTLY AS ONE OF THE LENSES THAT COUNTS THE MOST, BOTH ON AND UNDER THE WAVES. HERE, HE TELLS HIS LIFE STORY.

M

y name is Morgan Maassen, I’m 23 years old and I live in Los Angeles, California. I was born and raised in Santa Barbara, which is surrounded by nature in almost every direction, it was the perfect place to be raised outdoors. My parents worked in very different backgrounds; my mother worked in marketing and is an avid artist, while my father was a sea urchin diver and a science consultant to the government. But the two strongest bonds in our family were over our love of traveling and the sea. Growing up in Santa Barbara, we lived just steps from the ocean. While I grew up spending almost every day at the beach, it was my seventh birthday that my father first pushed me into a wave. From that moment on, I was hooked. I surfed every moment I could : before and after school, in the rain, hitching rides with older locals to secret spots, ditching class to get more time to surf, etc... I loved it. While my passions included art, music, computers and the outdoors growing up, none surpassed surfing. It was the apple of my eye.

surf. J'adorais l'art, la musique, l›ordinateur, mais rien ne pouvait dépasser le surf. C'était ma passion ultime. À 12 ans, alors que je surfais à l’un de mes endroits favoris, j’ai pris ma planche en plein visage. Il a fallu me recoudre à plusieurs endroits. J’ai du rester à l’écart de la plage et de l’eau pendant près d’un mois. Pendant ma convalescence, je me suis mis à regarder des films de surf. Tous les soirs, je me calais devant The 5th Symphony Document de Chad Campbell. Les gens et les endroits présentés dans le film me paraissaient si exotiques, si intenses ! J’étais tellement pris par ce film que cela m’empêchait de dormir, je voulais devenir réalisateur de films de surf. Je rêvais de cette vie. Quelques mois plus tard, j’ai réalisé un premier court-métrage intitulé The Stoke of Surfing sur la vie que je menais avec mes amis à Santa Barbara, sur nos virées. Il n’y avait plus que ça qui comptait : faire des films.

Lorsque j’ai eu 13 ans, ma famille a décidé de déménager en NouvelleZélande, en faisant des étapes à Hawaii et en Australie. En tout, nous avons voyagé pendant deux ans. Deux ans passés à surfer et à filmer certaines des plus belles vagues auxquelles j’ai pu me confronter. J’ai réalisé un nouveau petit film, Green Pastures. J’ai du y mettre ton mon cœur pour en venir à bout. J’ai commencé à prendre la réalisation sérieusement à 14 ans. À cette époque, j’ai pris conscience que si je ne devenais pas le surfer professionnel que j’avais toujours rêvé d’être, je pourrais peut-être devenir l’un des maîtres du film de surf. De retour aux Etats-Unis, au lycée, je passais tout mon temps libre à surfer et à filmer les vagues. Avec mes deux meilleurs amis, deux très bons surfeurs, nous crapahutions partout à la recherche de

When I was 12, on a rather large day at my local spot, my board speared me in the face, requiring multiple stitches and keeping me out of the water for a month. At the same time, school had a mentor program where we had to complete a project taught by a professional in their respective field. Naturally, I picked making a surf movie, because they occupied so much of my time when I wasn’t surfing. At that age, I was watching Chad Campbell’s movie The 5th Symphony Document every night, for the people and places in his film were so exotic and wild to me, it kept me awake at night thinking of how I could live that life. Within several months, I completed my short film, titled The Stoke of Surfing which documented my friends and I surfing in Santa Barbara and goofing around. I was hooked to making films.

When I was 13, my family decided to move across the world to New Zealand, with stops in Australia and Hawaii along the way. We spent two years traveling, and along the way I surfed and filmed some of the best waves of my life. I made a short film called Green Pastures, which I poured my heart and soul into filming and editing. I took it as seriously as a 14 year-old could, and found that, while I wasn’t shaping up to be the professional surfer I had always dreamt of, I might have a crack at making surf films. Back at high school in California, I spent my free time surfing and filming. I would go everywhere



vagues idéales. Les jours de beaux temps, nous nous filmions. Quand il faisait moche, nous surfions, simplement. Comme j’étais très intéressé par le design graphique, j’ai pris un petit boulot aux côtés de Shawn Stussy qui est un vieil ami de ma famille. Shawn m’en a appris bien plus que je n’aurais pu imaginer sur le design et les vêtements, tout en me faisant partager son amour pour le surf et sa culture. Après avoir obtenu mon baccalauréat à 17 ans, j’ai fini mon film Burnside. À cette époque, je travaillais à temps plein chez Stussy. Je vivais plutôt bien, je surfais et filmais beaucoup et passais du bon temps à voyager dans la région. Cela dit, quelque chose me manquait : découvrir le monde.

À 18 ans, j'ai réalisé que je devais quitter Santa Barbara. J'ai quitté mon job, fait mes valises, embarqué mes caméras et mes planches. Je voulais surfer et faire des films à travers le monde. Juste avant que je parte, mon père m’a offert un vieil appareil photo. Je m’en suis servi comme jamais pour capturer des moments incroyables, bien plus qu’avec ma caméra. À l’époque, entre deux voyages, j’en ai profité pour m’équiper un peu plus ; j’ai rapidement récupéré un appareil photo digital. Un an plus tard, à 19 ans, je me suis mis à prendre des photos plus sérieusement. Je suis allé en Australie, aux îles Fidji, au Brésil, shootant tout et n'importe quoi, des paysages, mes randonnés, des filles que je rencontrais. Je prenais des photos tous les jours. Une fois de retour en Californie, j’ai commencé à photographier mes amis, notre vie et les endroits qui m’étaient chers. Chaque jour était comme une nouvelle aventure au cours de laquelle, je surfais et je shootais, documentant comme je pouvais la

with my two best friends, both amateur competitive surfers, and would surf on the bad days, and film on the good days. I was really interested in graphic design, so I took a part time job working with Shawn Stussy, a close family friend. He taught me more than I ever could have imagined about design and clothing, all the while schooling me on surfing and it’s culture. When I was 17, I had graduated high school early, finished my feature film Burnside, and was working full time for Stussy. I was making good money, surfing and filming a lot, and having a blast exploring the wild Central California. But one thing was missing, and that was traveling the world.

At age 18, I realized I needed to leave Santa Barbara. I quit my job, packed up my cameras and boards, and prepared to surf and film my way around the world. But just before I left, my dad gifted me with his old film camera to play around with. I took it along my journeys, and slowly found myself using it to capture moments more than my video camera. Between travels, I upgraded my equipment to digital still cameras, and at 19, I decided to actually try shooting photos seriously. I went to Australia, Brazil, and Fiji, shooting surfing, lifestyle, travel, landscapes, and some women along the way. I took photos every day, and fell madly in love with photography. And once back in California, I focused my energy on shooting my friends, lifestyle and the place I called home. Everyday, I would go on adventures to surf and shoot, documenting the beauty I saw in California, my friends and girlfriend. All this time, I updated my

beauté qui m’entourait. J’ai développé un site, publié mon travail en ligne. Cela a attiré l’attention et avant mes 20 ans, j’ai reçu mes premières commandes de photos pour des magazines ainsi que des marques. J’ai fait mon premier shooting pour Billabong. Tandis que la plupart de mon boulot était plus focalisé sur une sorte de lifestyle, j’avais également compilé de bonnes séries sur le surf. Je me suis inscrit à un concours de photos de surfs, « Follow the light ». J’ai gagné. Tout d’un coup, j’ai alors été considéré comme un photographe de surf à succès alors que je ne m’étais jamais vraiment imaginé être un photographe de surf tout court. J’ai commencé à bosser régulièrement pour Billabong et Patagonia, puis pour Surfer Magazine. Grâce à ces collaborations, j’ai pu voyager un peu partout dans le monde : Tahiti, Maroc, Espagne, La Réunion…

À l’occasion de ces voyages, j›en ai profité pour photographier un peu ce que je voulais et rencontrer des gens. J’ai passé également deux mois en Australie, à traîner avec des surfeurs de tous les genres, de tous les milieux. Je réalisais à quel point j’aimais le monde du surf, à quel point les gens et les lieux qui constituaient ce dernier étaient incroyables. J’ai passé cinq ans à bourlinguer et à faire de la photo de surf. Après quoi, je me suis installé à Los Angeles où j›ai commencé à faire des photos de mode, tout en continuant à shooter des surfeurs. Depuis, je continue à voyager pour des marques et des magazines et je développe également mes propres projets. Je dois tout au surf. C’est le surf qui m’a aidé à découvrir le monde, cela m’a permis d’apprendre une forme d’art, la photo, et de trouver une manière de documenter ma passion.

website, blog, and social media with my photos and videos from the road. People started to take notice, and right before my 20th birthday, I got requests to send photos to magazines and companies, and do my first ever photoshoot for Billabong. While most of the work was more based around my lifestyle, I had a decent body of surf photos building, so I entered it into the surf photography contest called “Follow The Light”. Several days before my birthday, I won the contest, which all of a sudden showed the surf world the work I was making, without me ever really thinking I would be a surf photographer. I began working full-time with Billabong and Patagonia, and shortly after Surfer Magazine. By working with these companies, I was able to travel to all sorts of fantastic places I had only ever dreamt of: Tahiti, Morocco, Spain, La Reunion…

I made it my goal to shoot the photos I wanted to shoot, and meet the people I wanted to meet. I spent two months in Australia traveling around and staying with different surfers of all shapes and sizes, backgrounds and careers, and after finishing that, I realized how much I truly loved the surf world and how much amazing people and places there are to appreciate in it. After five years of shooting photos, I live in Los Angeles where I shoot fashion, lifestyle, commercial and surf photography. I am constantly traveling and working for brands and magazines as a career, and shooting my own projects for the love of my passions. I owe surfing everything, as it has shown me the world, and given me both an art form to learn and a way to document how I perceive my favourite sport.


H E R M O S A BY

V I N C E N T

ST Y L I N G ASS I STA N T

D E S A I L LY

DAV I D

O BA D I A

R O M A I N

TA R DY














L A N D

P

O

U

N

N K

LANDON METZ EST CE GENRE D’ARTISTE INDÉFINISSABLE, SORTE DE SAVANT MÉLANGE DE DUCHAMP, DE MATISSE ET DE WARHOL. L’ART EST UNE FAÇON POUR LUI DE S’AMUSER, MAIS SURTOUT DE RÉFLÉCHIR EN PERMANENCE À LA FAÇON DE CRÉER QUELQUE CHOSE D’INÉDIT QUI SAURA TRADUIRE EXACTEMENT CE QUI SE PASSE DANS SA TÊTE.

P H O T O S

P A I N

C L É M E N T

LANDON METZ IS THAT KIND OF INDEFINABLE ARTIST, SORT OF A SMART MIX OF DUCHAMP, MATISSE AND WARHOL. ART IS A WAY TO HAVE FUN, BUT MOSTLY TO THINK PERMANENTLY OF HOW TO CREATE SOMETHING ABSOLUTELY NEW WHICH WILL TRANSLATE PERFECTLY WHAT HE’S GOT IN MIND.

P A S C A L

T E R

M E T Z


■ Quand avez-vous commencé à dessiner, à peindre ? Quel est le point de départ de tout cela ? C’est assez difficile de définir le point de départ précis je pense. Quand j’étais gamin, j’ai grandi en Arizona, dans le désert. Et il n’y avait pas grand-chose à faire. Je me suis très rapidement intéressé à la musique, autour de 9 ou 10 ans. J’en ai jouée très longtemps, ça a été mon point d’entrée dans une certaine culture. J’ai un peu compris ce qui se passait en dehors de ma ville en allant voir mes groupes préférés jouer à Los Angeles ou New York. À cette époque, j’avais l’habitude de dessiner tout le temps mais je pense que le point de départ se situe au moment où j’ai commencé à prendre du temps pour créer, pour pratiquer, et surtout, pour comprendre ce que cela impliquait d’être ce genre de personne. De plein de manières différentes, je pense que l’origine de tout cela a été le fait d’être un membre de la communauté punk étant enfant. À ce stade, je commençais à dessiner, juste pour faire des flyers pour les concerts de mes amis, tout ce genre de choses.

« I’M TRYING TO GIVE TO THE VIEWER ACCESS AND ENTRY POINTS. I WANT THEM TO KNOW THAT THEY’RE CONSIDERED... »

How did you start to draw, to paint? What is the beginning point of all that ? It’s kind of hard to find an exact beginning point I think. When I was a kid, I grew up in Arizona, in the desert. There wasn’t a lot to do. I got super quickly interested in music when I was very young, like when I was 9 or 10. I played music for a very long time and it was my entry point into some culture, like an understanding of what’s going on outside of my town, because

Votre intérêt pour la musique reste quelque chose de primordial pour vous, vous jouez encore dans un groupe de punk, non ? Ouais. Je fais de la musique via des projets plus pour le fun qu’autre chose, mais oui, je joue encore et j’adore ça. J’ai quelques amis à New York avec qui j’ai grandi en Arizona, et on joue ensemble depuis qu’on est enfants. On se rencontre, et on enregistre deux trois trucs pour s’amuser. La musique, c’est juste un hobby marrant pour moi. Un hobby marrant mais qui a un impact sur votre peinture ? De bien des façons, tout influe étrangement sur le reste. J’ai d’abord appris à réfléchir sur la musique avant d’apprendre à réfléchir sur les arts visuels. La façon dont j’appréhende la création d’une peinture est très similaire à celle d’une chanson. J’ai appris à arranger les éléments à peu près avec la même approche. Je dirais que peindre n’est pas si éloigné d’écrire une chanson. Il y a définitivement

un pont entre les deux, que les gens qui s’intéressent aux deux peuvent trouver beaucoup de relations entre ces arts dans la manière de pratiquer, d’utiliser les outils, les instruments. C’est un processus très similaire pour moi, c’est certain.

I’ve seen how the bands played in LA, in New York. I used to draw all the time but I think that it was the beginning point of when I started learning about having some time to create and practice, and what it meant to be that kind of person I guess. In a lot of ways, I think that the origin of all that was being in a punk community when I was a kid. At that point, I started drawing, just making fliers for my friends’ shows, all that kind of stuff.

Your interest in music is still central for you, you’re playing in a punk group, right ? Yeah. I make music as a project for fun but yeah, I do, I really enjoy it. I have some friends in New York that I grew up with in Arizona, and we play music together since we are kids. And we get together, and we record few stuff, for fun. Music for me is just a fun hobby now you know. A fun hobby, which has an impact on your art, in your way to paint ? In a lot of ways, everything is strangely influent as everything else. I learnt how to think about music before learning how to think about visual work. So in a lot of ways, the way I think about making a painting is very similar to the way I learnt to make a song. I think I learnt to arrange elements in kind of similar way. I wouldn’t say that painting is actually so far away from writing a song. There is definitely a crossover, that people who are interested in both, can find a lot of relationships between the two in a way you go about exercising, using materials, instruments. It’s a very similar process for me, for sure. When you talk about contemporary art, you precise abstract art. What does this concept of abstract painting mean for you? How do you interact with it in your work ? There is a lot to say there. I think on the basic level, the thing that I’m the most interested in is the sort of relationship between the contents and the forms, to think about the contents existing within the forms. So it’s about the relationship, the interactivity, the interconnectivity and the way that one affects the other. In painting, the materials I am using are actually used to, not only for their qualities but actively for the ideas that are behind themselves. In a basic level, for example, I used the dyes opposed to the paint because the canvas’ ground itself is meant to dictate the picture. The object is meant to have relationship with the picture on the surface so instead of having two textures of feel, with the canvas and

Quand vous parlez de l’art contemporain, vous précisez art « abstrait ». Que signifie pour vous ce concept-là ? Comment l’abordez-vous dans votre travail ? Il y a tant à dire. Disons que d’un point de vue très basique, ce qui m’intéresse le plus est la relation entre le contenu et la forme, de réfléchir au contenu existant à l’intérieur de la forme. Tout tourne autour de cette relation, de cette interactivité, de cette interconnectivité, de la manière dont l’un influence l’autre. En ce qui concerne la peinture, les matériaux que j’utilise sont choisis pour leurs qualités mais surtout pour les idées qu’ils véhiculent. Par exemple, j’utilise des colorants plutôt que de la peinture, parce que la surface de la toile est faite pour dicter l’image. L’objet est censé avoir une relation avec l’image en surface pour qu’au lieu d’avoir deux textures de ressenti, avec la toile d’un côté et la peinture de l’autre, il n’y en ait qu’une et que ce soit la toile qui reste la plus présente, et dicte en quelque sorte la façon dont le colorant opère, sèche et génère l’image. Donc cette matérialité et l’objet de la peinture en soi représentent 50% de la voix d’une œuvre pour moi, créant au final l’image. Ce n’est qu’une manière parmi tant d’autres de faire interagir le contenu et la forme émergeant ensemble et se répondant. Vous dites mieux pouvoir communiquer vos idées de la sorte, n’avez-vous jamais envisagé d’utiliser la peinture figurative ? Pensez-vous vous y approcher un jour ? Je ne sais pas. Peut-être plus tard si je sens que je peux transmettre ces mêmes idées plus efficacement à travers un style de pratique différent, j’y suis définitivement ouvert. Mais je ne me sens pas peintre, dans le sens « peintre qui fait des tableaux », et c’est d’ailleurs une possible erreur de lecture de mes œuvres. On peut y voir un peu plus de nostalgie ou de romantisme qu’il n’y a véritablement. Je n’utilise la peinture que comme un outil pour exprimer mes idées. Donc je ne sais pas s’il s’agit du dernier outil que je vais utiliser dans ce sens. Mon travail se construit d’abord autour de l’idée, pas d’un support en

particulier. L’art abstrait est juste celui qui est le plus fort pour moi à ce stade là de ma vie. Mais qui sait ? Qui sait où je serai dans trente ans ? Mon travail sera définitivement différent et cela peut être plein de choses différentes. Cela sera peut-être de la photographie, de la peinture figurative, de la sculpture, des performances. C’est assez difficile à dire pour moi, étant donné que je m’intéresse moins au format qu’à ce qui s’y cache derrière.

Quelle est la différence entre la peinture à l’huile et la peinture laquée ? Pourquoi avoir préféré l’une à l’autre ? L’usage initial de la peinture à l’huile trouve sa source dans cette même idée d’image et d’objet. J’utilisais la 3D en fait, cela sortait de la surface de la toile et en faisait des peintures super épaisses. C’était la même chose. C’était très similaire à ce que je disais sur le concept d’images et d’objets et sur la façon de créer une interaction entre les deux. Et avancer, c’est juste faire en sorte que la

the paint, there is only one texture and it’s the canvas that remains present in the all piece and actually sort of dictate the way that the dyes operate, dry and generate the image. So the materiality and the object of the painting itself is actually 50% of its voice, and generating the picture and the image. That is just one of the many ways that I certainly go about making contents and forms emerging and coming together and responding to one to the other.

You say that you feel you can communicate in a better way with this vision of the artwork, but have you ever thought about using presentational painting? Will you one day ? I don’t know. Maybe later if I feel I can more effectively communicate the same ideas to a different type to practice, I’m definitely open to it. I actually don’t really feel that I’m a painter, I mean not a “paintings painter” for sure, and that could be a possible misunderstanding of my work. It may seem a little bit

more nostalgic or romantic about painting that it actually is. I think it’s sort of using painting to communicate those ideas as a tool. So I don’t necessarily know if it would be the final and only way I will use to communicate. My work is about the idea first, it’s not about any particular medium. Abstract art is just that it’s the one that has the strongest form for me at this point. But who knows? Who knows where I will be in thirty years? My work will definitely be different and it can be many things. It may be photography, representational painting, sculpture, and performances. It’s difficult for me to say considering that I’m less interested on medium than on what are hiding behind. Technically speaking, what’s actually the difference between your work on oil painting and on enamel ? The initial using of oils was the same general idea of picture and object. I was using 3 dimensional, pulling off the surface of the canvas and do super thick paintings. It was the same thing. It was the similar thing when talking about pictures and objects and how they can have a relationship. And the move towards is just trying to find a way for the painting to have a voice. All this making decision is driven by the same concept which is the idea of pull things in one another, so interconnectivity in the way that objects and situations can respond to one another and depend upon one another and how we sort of only understand because of its context. And so sometimes opposite help us understand something, we understand why the color is black because of white. Sometimes in order for us to see something we have to see its opposition. And for underlining and driving force and idea behind all decision that I make, the decision to use unprimed canvas, to use dyes, to use enamel and whatever I do after that. It’s always been the same. And even though the work looks kind of different, the idea that is present is always the same.


peinture ait un autre moyen de s’exprimer. Cette prise de décision est conduite par le même concept, c’est-à-dire par l’idée de tirer une chose vers une autre, l’interconnectivité, de manière à ce que les objets et les situations puissent se répondre, dépendre l’un de l’autre, et que l’on ne puisse comprendre l’un qu’avec l’autre. Parfois, l’opposition nous permet de mieux comprendre les choses, on comprend ce qu’est le noir que grâce au blanc. Parfois, pour que nous voyions les choses, nous devons les opposer. C’est ce genre de choses qui ont conduit toutes les décisions que j’ai prises, de prendre des toiles sans apprêts, d’utiliser des colorants, de la peinture laquée, etc. C’est toujours la même chose. Et même quand le travail semble différent, l’idée présente est toujours la même. Vous avez passé votre enfance en Arizona, puis avez déménagé au Canada avant d’aller étudier à Los Angeles. Finalement, vous vous retrouvez à New York, pourquoi ? Que cherchiez-vous et l’avez-vous trouvé ? J’ai déménagé à New York parce que cette ville est incroyable. Il n’y a pas de vraie réponse en fait ! Je veux dire, c’est la seule raison en soi de mon départ. Quand j’étais à Los Angeles, j’essayais de trouver comment j’allais m’en sortir. Je ne faisais que des choses dont j’avais besoin pour survivre. Je ne ressentais aucun progrès, je ne ressentais aucune vraie communauté de pairs que je respectais suffisamment pour me pousser à avancer. Puis j’ai déménagé à New York et j’ai trouvé un groupe ! J’ai trouvé un groupe dans lequel je crois, que je trouve profondément intéressant, et avec lequel je peux devenir plus fort et plus intelligent, du fait d’être ensemble. Ensemble, on pourrait trouver quelque chose et ensuite, ce qui me surprend toujours d’ailleurs, à la fin de la journée, tout le monde travaille, de manière très individuelle. Mais j’ai beaucoup appris de cette ville et je ne pense pas que j’aurais pu faire ce que je fais sans cette dernière. New York est une ville vraiment unique. Et pour être un artiste, je pense

que c’est la ville dans le monde qui fait sens pour moi. Pour le type d’idées que j’ai, le type de travail que je veux faire, et le type de carrière que je veux entreprendre. Cette ville est faite pour moi, je me suis vraiment trouvé ici, j’ai beaucoup appris sur ce que je voulais devenir, ou sur l’art de manière globale. Je pense que je ne savais pas grand-chose sur l’art avant de venir ici. Vivre à New York est une éducation à part entière. Cela ne serait pas possible ailleurs ? Pas forcément. Je pense que cela dépend de la personne. Les gens peuvent vivre n’importe où, je ne pense pas que cela ait une importance. Un bon artiste est un bon artiste, il suffit d’être suffisamment intelligent pour le comprendre et de partir vivre où il veut vraiment. En ce qui me concerne, New York m’a donné quelque chose dont j’avais besoin. J’ai énormément appris ici et je ne sais pas ce que j’aurais eu ailleurs mais cela aurait nécessairement été moins fort. En termes d’inspiration, d’images, de références, pensez-vous que votre enfance en Arizona a un impact sur votre travail ? Sans aucun doute. Je dirais que les deux plus grandes influences sur ma façon d’aborder l’art sont, premièrement, d’avoir grandi en Arizona, d’apprendre sur la vie à travers le désert, puis dans un second temps, de déménager à New York. Vancouver et Los Angeles ont été d’excellentes expériences mais elles ne m’ont pas autant affecté que l’Arizona et New York. Mon esthétique est très classiquement proche de celle du désert. Si on creuse un peu, je pense que j’ai beaucoup appris sur comment faire beaucoup avec peu. C’est un peu la psychologie derrière le désert. C’est un environnement très sévère, où l’on doit apprendre à survivre avec aussi peu de ressources que possible. C’est ce qui a construit mon intérêt pour le minimalisme je pense.

To come back to your life, so you spent your childhood in Arizona, then you moved to Canada, before studying in Los Angeles and then you decided to go to New York, why? Were you looking for something, and did you find it ? I moved to New York because New York is just amazing. There’s not a real answer for New York! I mean, it is the reason why I came here. When I was in Los Angeles, I was sort of trying to figure out how I was going to make this happen. I was doing things that I needed to do to survive. I didn’t feel like progress was being made, I didn’t feel I had a community of peers that I respected in the way that excited me to be pushing ideas forward. And I came to New York and I found a group! I found a group that I believed in, that I found interesting and which in I could become stronger and smarter, together you know! Together we could find something and it still surprises me at the end of the day, everyone practices, very personal, very much about individual. But I think that I’ve learned a lot from this city and I actually don’t believe I would have been here to do what I’ve done without it. I think that New York is a very unique city. And for being an artist, I think it’s the only place in the world that really makes sense for me, personally. For the types of ideas that I have, and the types of work that I want to make and the type of career that I want to have. This is the city for me, I really found myself here, I really learned a lot about what I wanted and I learned about the artwork here. I don’t think I knew about the artwork before I came here. I think that being in New York is an education itself. And so you think it wouldn’t be possible anywhere else ? No, I don’t think that. I think it depends on the person, you know. I think people can live anywhere. I don’t think that really matters. A good artist is a good artist; he just needs to be smart enough to figure it out, and to live wherever he wants. I just think that for me, the city gave me something that I really needed. I learned a lot here and I don’t know what I’d have got anywhere else but it would be necessarily less.

In terms of inspiration, images, references, do you think that Arizona had an impact on your work ? Definitely. I would say that the two biggest influences on my decision-making have been growing up in Arizona, learning about life through the desert, and then moving to New York. I think that Vancouver and Los Angeles were good experiences but they affected my output a lot less than Arizona and New York have. I think that my aesthetic, in a very simple level, is very close and related to the aesthetic of the desert. Even on a deeper level I think I learned a lot about how to do a lot of a little. I think there is a psychology behind the desert. It’s a very harsh environment so all the life in the desert has to learn how to survive with as little as possible. And I think that’s what sort of guided my interest in minimalism. Do you work with instinct or there is a lot of preparation behind every artwork ? Kind of both. Right now, I’m working with sketches, because I started working in multiples, so with series and groups. I will do the same painting a multiple time. So as a result of that process, I started working from sketches, so there’s a confusion about which pieces were created first, etc. The lines are blurred, you can’t really tell. Those works are based on the same sketch. Even so, part of the purpose and the reason for doing these multiples, is explained by the intuition, which is very important for my work. Instead of covering up my mistakes, I’m trying to learn how to work with them. One thing about the dyes I perform with, is that it’s really a one shot painting. I can’t hide anything. Once it’s done, it’s down done and I can’t do a second coat because you can always see through it. So if I fuck it up, it’s fucked up. Part of the things with the multiples, it’s that by doing the same over and over again, it actually ends by highlighting and pointing it into the viewer eyes so he can find the inconsistences of the painting. Those are the settle moment that I think make the


Travaillez-vous avec instinct ou préparez-vous beaucoup chacune de vos œuvres ? Les deux. Cela dépend en réalité de ce que je suis en train de réaliser. Actuellement, je travaille avec des brouillons car j’ai commencé à travailler sur la multiplicité, avec des séries ou des groupes. Je fais la même peinture plusieurs fois. Pour le permettre, je suis obligé de passer par des brouillons, afin de créer une confusion autour de chacune des pièces, laquelle est la première, etc. Les lignes sont floues, on ne peut pas vraiment le dire. Ces travaux sont basés sur le même brouillon. Mais même au sein de cette série, dans le propos et la raison pour laquelle je réalise ce groupe d’œuvres, il y a une part d’intuition, qui est très importante dans mon travail. Plutôt que de couvrir mes erreurs, j’essaye d’apprendre à travailler. Parce qu’avec les colorants avec lesquels je travaille, c’est une peinture qu’on fait en un seul jet. Je ne peux rien cacher. Une fois que c’est posé, c’est posé et je ne peux pas faire de deuxième couche parce qu’on voit toujours à travers. Donc si je foire, c’est foiré. Autre chose avec les multiples : en faisant la même chose encore et encore, cela finit par mettre en exergue dans les yeux des visiteurs les défauts de chaque peinture. Ce sont ces moments décisifs qui rendent le travail intéressant. C’est assez difficile à faire. Mais même sur l’œuvre, cela montre que c’est une peinture en un coup, et donc la difficulté à la réaliser. Ce qui est intéressant au final, c’est la manière dont recréer la même image pointe en réalité le processus. Quel était le nom de ce projet ? Actuellement, tous ces travaux sont sans nom. La dernière exposition que j’ai faite, en Italie, portait un titre assez long : « Parfois, je marche dans la rue et j’additionne les numéros pour voir s’ils sont divisibles par trois », ce qui souligne cette idée de multiplicité. Comment vous qualifieriez-vous en tant qu’artiste ? Je ne sais pas. Je pense que je suis un artiste responsable. J'essaye de faire des travaux qui sont honnêtes avec moimême. Mes artistes préférés de mon groupe sont ceux dont je peux dire que leur travail

est un produit du fait d’être eux-mêmes. Ils n’essayent pas d’être quelqu’un d’autre. Ils n’essayent pas de rentrer dans le moule du marché ou d’une certaine mode comme d’autres jeunes artistes. Je pense qu’il n’ y a qu’un petit groupe d’artistes dans le monde qui réalise des travaux qui leur semble inévitable. Peut-être qu’ «inévitable» est le mot que j’utiliserais d'ailleurs. Quand tu regardes le travail d’une personne, surtout quand tu connais l’artiste ou que tu connais quelque chose à propos de l’artiste, cela renforce ce que tu crois ou que tu as compris dans l’œuvre. Ceci, pour moi, est le plus important. Ce contexte est primordial. Plus tu en sais sur quelqu’un à propos de sa vie, de ses idées, et de la manière dont elles se sont formées, plus tu es capable de comprendre son travail et sa personne. Le plus intéressant selon moi est de rechercher justement la voix propre de ces gens. J’ai regardé comment les gens de mon plus jeune groupe de punk ont évolué, et comment leurs styles se sont développés. Je pense que la meilleure chose à faire quand on trouve un artiste qui a une voix si singulière et si forte, est d’essayer de comprendre pourquoi cette personne s’est concentrée autour de telle idée, de tel concept et pourquoi elle commence à dire telle chose et essayer d’analyser pourquoi il a dessiné une telle chose… Vous considérez-vous comme une voix personnelle ? Oui, certainement. Je pense qu’à ce stade, mon travail s’est clairement différencié de ceux de mon groupe. Tu peux voir une de mes peintures n’importe où dans le monde et savoir qu’elle est de moi.

work interesting. You realise there is a difficulty factor in making this painting. But also, about the medium itself. It shows that it is a one shot painting, it shows that there is a difficult part of producing them. So I think it’s interesting the way recreating the same pictures can actually point in a direction more about process. What is the name of that project ? Right now, all those works are untitled. The last show I did in Italy had a very long title. It was “Sometimes I’ll Walk Down The Street And Add Up Numbers To See If They’re Divisible By Three” which shows that multiplicity. How do you qualify yourself as an artist ? I don’t know… I think I’m an accountable artist. I’m interested in making work that is honest to myself. I think that my favorite artists in my peer group are the ones that I can tell their work is just a product of them being themselves. They’re not people that are trying to be something… They’re not trying to make work that feets into a particular market niche or a particular trend within other young artists. I think there are small groups of people in the world that make work that seems inevitable for that to have made. Maybe “inevitable” would be the word I would use. When you look at a person’s work, especially when you know the artist or you know something about the artist, it reinforces what you believe or found in their work. That, for me, is the most important thing. The context has a huge importance. The more you learn about somebody in his life, ideas and how those ideas are formed, the more you are able to understand his work and his human being. The most interesting thing to me is to find peoples’ voices. I had been watching how the people from my younger punk group have evolved and see how their styles grow… I think the most amazing thing to do when you find an artist who has a strong singular personal voice, is to try to figure out how people decide which ideas, which concepts and why people started saying certain things and analyzing what draw them saying certain things…

And do you consider yourself as a personal voice ? Definitely. I think at this point my work has pretty set apart from my peers. I think you can see one of my paintings anywhere in the world and know it is mine. There’s an interview with you saying, “I don’t have the choice to make arts”...

Yeah, exactly. And I think that some people are born with certain drives to do certain things. I don’t think it’s a heroic thing… I think it takes a lot for a person to be honest and to know what they want and to know where their talent really is, and not to be afraid to be those things and to do those things. I mean, even within arts, it requires a lot of strength and courage to still be yourself. The decision to be an artist is difficult enough, but the decision to make the work that you want to make, that’s a whole other thing! That’s a whole set of challenges. I feel that I don’t have the choice. I feel that the work that I do is the work that comes natural to me and I’m not trying to force myself to be doing something else. In the long run, over my career gets longer, it will become more and more clear that this work was just inevitable for me and I never really had the choice… Your work is based mainly on what you feel at this exact moment ? Yeah, I mean my work’s very intuitive. I don’t really know what I’ll be doing in five years or in one year from now. Every single painting, every single thing that I do is informing the one that comes afterwards. My work has become less and less individual pieces and is more about the body of my work as a whole. You understand it in relation to everything else I have done.



On peut lire dans une interview que vous n’aviez « pas d’autre choix que de pratiquer un art »…

Oui exactement. Et je pense que certaines personnes sont nées avec un certain instinct pour faire diverses choses. Je ne pense que cela soit de quelque manière quelque chose d’héroïque. C’est difficile pour quelqu’un d’être honnête et de réaliser ce qu’il veut, de savoir où son talent se trouve réellement, de ne pas s’effrayer de tout cela et de créer ces choses. Je veux dire, au sein du monde artistique, cela requiert beaucoup de force et de courage d’être soi-même. La décision d’être un artiste en soi est suffisamment difficile, mais celle de faire le travail que tu veux vraiment, c’est quelque chose de totalement différent. Cela rajoute beaucoup de défis. Je sens que je n’ai pas d’autre choix. Je sens que les travaux que je réalise viennent naturellement à moi, et que je ne me force pas à faire autre chose. Sur le long terme, au fil de ma carrière, cela va devenir de plus en plus évident que ces travaux sont inévitables pour moi et que je n’ai jamais eu vraiment le choix.

partie intégrante de l’interconnexion. Quand je parle de contenu et de forme, je souhaite en réalité que mon travail soit plus accessible et plus compréhensible à une plus large palette de personnes. Ce que je veux dire par là, c’est que je ne prends pas de décisions pour eux. J’essaye de leur donner un point d’entrée, j’essaye de les engager dedans, je veux qu’ils se sentent pris en considération… Ce n’est pas nécessaire mais une œuvre n’est pas que ma vision de la chose pour moi, comme pour Duchamp.

■ « A GOOD ARTIST IS A GOOD ARTIST ; HE JUST NEEDS TO BE SMART ENOUGH TO FIGURE IT OUT »

Votre travail retranscrit-il ce que vous ressentez à un moment précis ? Oui, mon travail est très intuitif ! Je ne sais pas ce que je ferai dans un an comme dans cinq ans. Chaque peinture, chaque petit élément que je fais devient une piste pour l’élément suivant. Mon travail consiste de moins en moins en des pièces individuelles et davantage comme un tout. On peut le saisir si on regarde la relation entre tout ce que j’ai déjà fait. Vous lisez actuellement Duchamp, est-ce une influence pour vous ? Je parlais précédemment de la relation entre le contenu et la forme et la manière dont l’un peut influencer l’autre. Duchamp a cette approche selon laquelle le visiteur extérieur complète le travail. Pour lui, une œuvre n’est qu’à moitié finie quand un artiste arrête de travailler dessus. À ce moment-là, elle a une seconde vie via le regard des spectateurs du monde entier, et cette relation est quelque chose de très important pour moi. Cela fait

D’autres gens ont-ils une certaine influence sur votre travail ? Oh oui, beaucoup de gens. Récemment, j’ai beaucoup lu les travaux de Susan Sontag [une théoricienne de l’esthétisme, ndlr], notamment sur l’interprétation. C’est probablement l’œuvre écrite qui m’a le plus affecté dans ma façon de réfléchir, et qui m’a le plus fait avancer. Et si je devais encore changer de format, ce serait en partie à cause de cet essai. En ce qui concerne les idées, j’aime beaucoup David Lieske, un autre

écrivain. Puis il y a les choses plus superficielles, comme Matisse. J’ai une très grande relation avec Matisse et je pense que cela ressort dans mon travail. Sinon, plein d’autres personnes, jusqu’à Warhol. Cela représente exactement ce que je disais sur le contexte de la personne derrière le travail, le fait de créer une relation personnelle avec le visiteur, et je pense que Warhol était le champion là-dessus, c’est le maître du contact personnel.

You are currently reading Duchamp’s work. Does he influence you ? I was saying before about the relationship of content and form and how they can influence one on the other. Duchamp has this thing about the viewer completing the work and how a piece of work is only half finished when an artist stops working on it. The piece has a second life through the viewers in the world. That sort of relationship is something really important to me. It’s part of the interconnection. When I say content and form, I want the work to actually be somehow approachable or penetrable to more average people. And what I mean by that is that I’m not actively making decisions for them. I’m trying to give them access and entry points. I’m trying to engage them; I want them to know that they’re considered… It’s not necessary but an artwork is not just my vision for me, as for Duchamp. Is there anyone else who has an influence on your work ? Oh yeah, all kinds of people! Recently, I’ve been reading Susan Sontag a lot [a theoretician of aesthetic, ed.], against the interpretation. It’s probably the most crucial pieces of writing that has affected the way I was thinking, and made moving forward in my work. And probably if I were able to make a medium change, it would be because of this essay. So I think as far as ideas, I really like David Lieske, he is also another writer. And there are also more superficial things, like Matisse. I have a huge relationship with Matisse and I think that kind of shows a little bit of my work… Yeah I think all kinds of people, even Warhol. It’s so much what I have been talking about: the context of the person behind the work creates a relationship with the viewer, and I think that Warhol is the champion of that, he was the master of personal contact!


B O

R

N

T O

R

O

EN QUELQUES ANNÉES, LE DESIGNER NEW-YORKAIS RONNIE FIEG EST DEVENU ABSOLUMENT INCONTOURNABLE DANS L’UNIVERS DE LA SNEAKER. COLLABORATION APRÈS COLLABORATION, SUCCÈS APRÈS SUCCÈS, UNE CHOSE S’AFFIRME : VOILÀ UN CRÉATEUR QUI A DÉCIDÉ DE CONQUÉRIR BIEN PLUS QUE LE MARCHÉ DE LA CHAUSSURE.

N

D P H O T O S L U D O V I C Z U I L I

ans le panorama mondial de la sneaker, Ronnie Fieg fait office de pape depuis sacrément longtemps déjà. Élevé dans le Queens, Ronnie a logiquement toujours traîné ses guêtres sous les gratte-ciels de New York, épicentre de l’univers de la footwear s’il s’en faut. Dans ce qui ressemble à un parcours sans fausse note, il n’a pas tardé à faire ses armes dans l’une des paroisses les plus respectables en matière de pompes : la fameuse chaîne de magasins David Z., là où New-Yorkais et touristes se ruent depuis vingt-cinq ans pour acquérir modèles classiques comme rarissimes. Aussi, celui qui avait commencé au sous-sol, comme magasinier, n’a pas tardé à monter dans les étages et la hiérarchie de la chaîne, jusqu’à finir sur le toit pour déployer ses ailes et prendre son propre envol. Aujourd’hui, Ronnie Fieg est ultra respecté, un peu parce qu’il se raconte qu’il possède une des collections de baskets les plus fournies de toute la côte est des États-Unis, et surtout en raison des collaborations mythiques qu’il a signées avec des marques prestigieuses comme Asics, Clarks, Converse, New Balance, Puma, Red Wings ou Sebago. Passé maître des collabs, Fieg est également à la tête de Kith, un concept store établi depuis novembre 2011 à New York qui n’a pas manqué de le catapulter dans la caste des entrepreneurs / curateurs à succès. Bref, tout roule pour lui, mais comme il aime le marteler, tout cela ne vient pas sans beaucoup de travail, de minutie, et de patience. Entretien.

C’était comment d’être magasinier dans les entrepôts de David Z [célèbre chaîne de magasins de chaussures et baskets à New York depuis 25 ans, ndlr] ?

IN A FEW YEARS, NEW YORK BASED DESIGNER RONNIE FIEG HAS BECOME A STAR IN THE SNEAKER’S WORLD. COLLABORATIONS AFTER COLLABORATIONS, SUCCESS AFTER SUCCESS, SOMETHING SEEMS VERY CLEAR: HERE IS A CREATOR THAT HAS DECIDED TO CONQUER SOMETHING WAY BIGGER THAN JUST THE FOOTWEAR INDUSTRY.

O

n a worldwide scale, Ronnie Fieg has an illustrious history as a sneaker design wizard. Raised in Queens, Ronnie was naturally destined to tread the asphalt of New York City, the epicenter, if ever there was one, of the fashion footwear universe. As a rising star, Fieg seems to have followed a trajectory that led him straight to the top. He first became familiar with a variety of shoes at fifteen, as a stock boy in the basement of the famous chain David Z. With an inventory that ranges from bargains to rare pearls, David Z has been packing in customers for twenty-five years. Fieg quickly worked his way upstairs, through the ranks of management, and finally, through the roof, taking wing in the firmament. Today, the Fieg name commands great respect, but only in part because Ronnie claims to own one of the most complete sneaker collections on the East Coast. In the course of legendary collaborations with brands like Asics, Clarks, Converse, New Balance, Puma, Red Wings, and Sebago, Fieg can also be proud of designing many an ideal shoe. These endeavors were so rewarding that in November 2011, Fieg launched Kith, a store/ museum that sells shoes and carefully curated accessories, with branches in lower Manhattan and Brooklyn, occasional pop-ups in other cities, like Miami, and a calling: to serve as a showroom for highly prized limited-edition Fiegs. Catapulted into the caste of successful entrepreneur-curators, Fieg seems to have the magic touch. But he denies it. He continually repeats that it all took a lot of work, patience, and attention to detail.

J’ai commencé à l’âge de 13 ans et c’était une super expérience. J’ai pu voir la façon dont la marchandise arrive, le fonctionnement de la logistique, la réception des produits, la gestion des stocks. C’était le tout début. Je devais vérifier toutes les baskets qui arrivaient. C’était toujours très excitant. À quel moment est-ce devenu une passion ? J’adorais déjà les baskets à 9 ou 10 ans. J’ai commencé à aimer ça grâce à un ami, Joey. Nous allions dans les boutiques de baskets. Mais lui portait déjà des AF1 mid Black, et ça m’a complètement entraîné dans le truc. Vous rappelez-vous de votre première paire de baskets ? Je crois que c’était une paire de Nike de football américain aux couleurs des Dallas Cowboys. Ils venaient de gagner le Superbowl à l’époque. Je ne me rappelle pas du nom du modèle. Mais en tout cas, les AF1 mid restent les premières baskets que j’ai chéries comme un vrai sneakerhead [un accro, ndlr]. Je devais avoir 10 ans. Lorsque vous travailliez chez David Z, quelles étaient les bestsellers à l’époque ? Lorsque j’ai commencé à travailler chez David Z, les sneakers n’étaient pas encore à la mode. Le truc, c’était surtout des boots et des chaussures de marche ou de randonnée. Les marques qui cartonnaient, c’était Dolomite, Asolo, Clarks, Trezeta. C’est ça qui m’a donné envie de commencer à travailler sur les boots.

How is it to be a stockman for David Z [a very famous

sneakers retailer in New York for 25 years, ed.] ?

I started when I was 13 years old and it was a very good experience. I got to see how things come in, how the logistics in the back works, how things are received, how things are straightening out on a stock level. It was the very beginning so I got to look at what shoes are coming in and it was always exciting to see what was coming next. It is what has built my passion for footwear. When did this passion came to you ? I liked sneakers very much since fourth grade – that was the beginning of my love for sneakers. I had a friend. His name was Joey. Him and I were going to the sneakers stores but he was the one who used to wear AF1 mid back then, and that’s what really got me into it. Do you remember your first pair of sneakers? Actually I think it was a pair of Nike football sneakers, back when the Dallas Cowboys were winning the Superbowl. It was Dallas Cowboys colours. I cannot remember the name of it. But AF1 mid I would say were really the first that I really cherished as a sneakerhead around ten years old. When you worked at David Z, what were the best shoes at the moment ? When I started working at David Z, it was not really about sneakers, it was about boots, hiking boots, so it was about Dolomite, and Asolo and Clarks and Trezeta Boots, things like that. That really inspired me to start working on boots.


Est-ce que c’était l’époque où l’on voyait partout des boots dans le hip hop ? Les boots c’était LE truc à la mode à l’époque. Elles ont eu un impact énorme dans la communauté hip hop. À l’âge de 15 ans, j’étais passé vendeur et je conseillais des artistes comme Diddy, Jay Z, Nas, Ma$e, Busta Rhymes, Timbaland… Tous ces mecs venaient dans la boutique et m’achetaient des chaussures. C’étaient mes chanteurs de hip hop préférés, ce qui rendait la chose plutôt cool. Les choses ont changé lorsque vous êtes devenu acheteur ? Quand j’ai commencé à travailler avec les marques, il a fallu construire une relation. Et celles-ci ont remarqué à quel point j’étais passionné par les chaussures, ce qui a contribué à établir une relation très forte. Cela m’a donné l’opportunité de commencer à travailler avec elles et dans une autre optique que seulement celle d’acheter ou vendre leurs produits en boutique. On a commencé à travailler sur différentes choses, à avoir des idées, et à faire en sorte que les marques et le distributeur travaillent mieux ensemble. Revenons sur votre première collaboration… Plein de gens pensent que c’était avec Asics, mais en fait, la première a été une collaboration pour des chaussures Timberland que j’avais faites pour David Z. à l’époque. Elles étaient en cuir rouge un peu abîmé. Environ cinquante paires avaient été réalisées pour David Z. Comment menez-vous un processus de collaboration ? En général, cela commence par une réflexion sur la manière de faire un projet qui soit bénéfique tant pour la marque que pour moi. Cela part d’une réflexion, une idée, puis je travaille avec l’équipe produit. Le choix des matériaux est une étape essentielle. Il faut rester dans l’ADN de la marque en question et s’assurer que l’on représente toujours la marque tout en respectant son héritage. On travaille sur quelques échantillons et avec un peu de chance, on reçoit le modèle cinq ou six semaines après. Désormais, j’ai pas mal d’expérience en la matière et c’est plus

That is the time when hiking boots were everywhere in the hip hop ? Boots were the biggest thing back then and had a huge impact on the hip hop community. You know I used to help, when I started becoming a salesman on the floor, around almost fifteen years old, I was helping artists like Diddy, Jay Z, Nas, Ma$e, Busta Rhymes, Timbaland, all those guys were coming in to the shop and buying boots from me, at the young age, and it was all my favourite hip hop artists so it was pretty cool. Did things changed when you became a buyer ? That was the beginning of working with the brands. At first hand with the brand building a relationship and the minute that those brands saw how passionate I was about footwear, the relationship became very strong. It gave me the opportunity to start working with them and in other ways than just buying shoes and selling them in the store. We started working on things together, and ideas, and things that we could do to make the brand and the retailer better together.

facile pour moi de visualiser ce qu’un modèle va donner avant même de le recevoir. Une fois reçu, il faut souvent apporter quelques petites retouches et on repart sur trois ou quatre mois. À ce stade, on peut enfin valider la commande et on attend généralement encore six mois. Si on fait le calcul, il faut compter à peu près un an avant de voir le résultat final. Vous avez collaboré avec beaucoup de marques, mais jamais avec Nike ni Adidas. Pourquoi ? Pour tout vous dire, j’ai un projet en cours avec Adidas. Les gens pourront découvrir ça bientôt. Ce n’est pas encore pour tout de suite, mais je travaille sur quelque chose. Tout est une question de timing.

Let’s talk about your first collaboration ? Actually a lot of people think it was the Asics’ collaboration, but it wasn’t, it was a Timberland boot I did for David Z back in the day. I had a red leather tattered colour, around fifty pairs were made for David Z back then.

Que pensez-vous de la multiplication des collabs ? On est arrivé au point de saturation : il y en a trop. Les gens oublient ce que sont vraiment des collaborations. Elles ne sont utiles que lorsque chacune des parties apporte dans la balance quelque chose que l’autre partie ne pourrait pas faire par elle-même. Ce n’est que lorsque chacun amène une valeur ajoutée à un projet ou à une collaboration que l’on obtient les meilleurs résultats. À mon avis, les gens n’en feront plus parce que les collaborations auront perdu leur saveur spéciale. Mais je pense que tout ce que l’on fait ici à Kith reste très original. Voilà, comme toujours, seuls les meilleurs survivront.

What is your way to drive the process of collaboration ? Usually the process begins with an idea on how I’m going to work on a project with the brand that would make the brand and myself both better. So it starts with an idea, then I work with the product team. Selecting the materials is usually the most important part but you try to stay within the brand DNA to make sure that you always represent the brand and what the brand is about. So the idea has to be surrounding the brand’s heritage. You work on a few samples and hopefully you see sample within five to six weeks. Now I have a lot of experience with it, it is easy for me to envision what it’s going to look

Pouvez-vous nous parler davantage de vos inspirations ? Honnêtement, ça devient chaque jour plus compliqué. Il y a tellement de facteurs à gérer dans un business que c’est dur de trouver du temps pour être créatif. C’est hyper important d’avoir une bonne équipe qui s’occupe du business et sur qui compter, de manière à pouvoir se consacrer vraiment à la création et trouver des idées. C’est ce que j’ai réussi à faire ces dernières années, depuis que l’on a ouvert Kith il y a deux ans et demi. J’ai vraiment déployé beaucoup d’énergie pour construire la super équipe sur laquelle je m’appuie aujourd’hui. Si je peux me permettre de faire plein d’autres choses et de rester créatif, c’est

like before I receive it. You get it in and you make some tweaks and then you wait for a second round and the process can take of three of four months. And then some there you place the order and it takes six months from there. So we are talking about one year until you will be ready to see the result. You made a lot of collaborations with many brands, but you never worked with Nike or Adidas. Why ? Actually, I have a project in the works with Adidas, so people will see that soon. Not very soon, but I’m working on something. And you know the timing has to be right. That’s it. What do you think about proliferation of collabs ? I think that it’s oversaturated. There are too many collaborations. But that’s because people forget what collaborations are all about. Collaborations are only necessary when both parts are bringing something at the table that the brand and the collaborator cannot do by themselves. So when both parts are bringing something valuable to a project or to a collaboration, that’s when you usually get the best results. So I believe that people will stop because too many collaborations become less and less special. But I believe that what we do over here at Kith, everything we work on is very special so you know, the bottom will fall out, and the strong will survive. Can you tell us more about your inspirations ? Everyday, honestly, it becomes harder and harder because there are so many things on the business and that very hard to save time to be creative. That is very important to have a good team, so you can have your team taking care of the business hand and really focus on being creative and find ideas. That’s what I’ve been able to do the last couple of years since we opened Kith two and a half years ago. I really concentrate on building a great team and that’s what we have here now. So the only reason I’m able to do any other things and stay creative is because I have the people that are good to support the rest of the business.


grâce aux personnes qui s’occupent du reste du business. Vous avez des mentors ? J’ai un associé, Sam [Sam BenAvraham, le propriétaire de la boutique Atrium dans laquelle se trouve un comptoir Kith, ndlr]. Il a véritablement été l’un de mes mentors. Il m’a bien évidemment aidé au début et il est toujours là dès que j’ai besoin de lui pour quoi que ce soit. Il a été un très grand atout pour l’entreprise et il est désormais mon associé. Quel genre d’aide vous a-t-il apporté ? Il a misé sur moi… C’est très important d’avoir un support financier quand on lance son entreprise. Il a toujours cru en moi depuis le début, et m’a toujours aidé. Comment avez-vous eu l’idée de Kith ? Kith vient de l’expression « Kith and kin », qui signifie «amis et famille». « Kith », c’est la partie « amis ». Je me suis débarrassé du « kin » parce que je considère mes amis comme ma famille. Le concept résidait dans l’objectif de devenir le plus grand vendeur de baskets pour homme dans le monde. Maintenant que nous sommes unisexe, on commence à être leader à la fois pour les hommes et les femmes. Et désormais, on fait aussi du vêtement, on devient donc une marque dite de « lifestyle ». Avec le vêtement, on essaye de développer un nouveau créneau sur notre propre marché. Vous avez eu beaucoup de succès dans tous vos projets… Avezvous connu quelques échecs ? Je ne sais pas. Je suis très méticuleux et extrêmement exigeant dans tout ce que j’entreprends. Et ce n’est pas parce que j’ai plus de succès dans les baskets que je ne fais pas attention à chacun de mes projets et que je n’y passe pas beaucoup de temps. Je travaille dur pour ne pas faire d’erreurs, et je pense que tout le savoirfaire accumulé depuis mes 17 ans dans cette industrie m’y a aidé. Localement, je ne pense pas avoir fait de grosses erreurs parce que je suis très prudent dans tout ce que je fais. Mais tout le monde fait des erreurs. Je sais qu’à chaque fois que je

■ « EVERY DAY, EVERY PROJECT, EVERY SUCCESSFUL PROJECT IS THE SAME FEELING FOR ME : IT IS ONLY THE BEGINNING ! »

■ réalise quelque chose, je ne vais pas en vendre forcément un millier – que ce soit des chaussures, des vêtements, etc. – mais peu importe, jusqu’à maintenant ça a été super parce que j’ai toujours fait tout ce qui était en mon pouvoir pour faire passer le message qui se trouvait derrière mes projets par le biais des réseaux sociaux. Je veux être sûr que les gens comprennent le message derrière chacun de mes projets. Il peut arriver que la production, par exemple, ne suive pas exactement ce que je souhaite, mais il faut faire avec, je ne peux pas contrôler ce genre de choses. Donc oui, il y a eu certaines choses décevantes. Parfois, les modèles n’ont pas le cuir que l’on a choisi parmi les échantillons parce que le fournisseur de cuir donne une marchandise différente à l’usine parce qu’elle est moins chère que celle initialement choisie ou alors le cuir arrive trop fin… Ce sont des choses qui arrivent, et quand c’est le cas, il convient alors simplement de trouver la meilleure solution à l’instant T. J’ai dû faire face à quelques déceptions, mais la plupart du temps ça s’est très bien passé. On fait attention à chacune des étapes et tous les détails sont minutieusement vérifiés.

Do you have any mentors ? I have a partner named Sam [Sam Ben-Avraham, the owner of Atrium store, who hosts Kith corner, ed.] He has been one of my mentors towards my life. He helped me obviously begin and he is always here for me when I need help with anything. He has been an important asset to the company and he is my partner. What kind of help did he bring to you ? He invested in me ... It’s very important to have financial backing when you start a company. He was there to believe in me from the beginning, so he gave me all the help I needed at the very beginning. How did the idea of Kith come to you ? Kith is part of a phrase called “Kith and kin”, which means “friends and family”. “Kith” is the “friends” portion, and I got rid of the “kin” portion, because I believe that my friends are my family. The concept was to be best men’s footwear retailer in the world. Now we are unisex, so we’re starting to be the best in men and women’s and now we also sell apparel, so it’s become a lifestyle brand. We are trying to really develop our own lane in our own market with the apparel. You’ve succeeded in so many projects, but did you ever fail in some of them ? I don’t know. I’m very meticulous and very particular with everything I do. Just because I have more releases in footwear than most doesn’t mean that each project doesn’t get a lot of attention and a lot of time put into it. So I work very hard not to make mistakes, and I think that all the knowledge that I’ve gained from my seventeen years of industry helped not make these mistakes. Locally I don’t think I have made any real big mistake, because I’m very cautious with what I do, but everybody makes mistakes. And I know that I’m not going to be selling a thousand every time I release something, whether it’s footwear or apparel or whatever, but so far it’s

been really great because I do everything I can in my power to make hear the message about the idea that was behind the project on social media. I want to make sure the people understand what is behind everything I do. There are some times, when maybe production didn’t went the way I wanted, but you have to deal with it, because I can’t control things like that. So there are a couple of disappointing things that happened. Sometimes they come back not the same leather that you picked, because very often you pick one leather on a sample and then the leather supplier tries to give the factory a different order because it’s cheaper, or sometimes the leather simply comes back thinner... There are always times where it happens, but you have to really work trough it and figure out the best scenario for each project. There were disappointing factors in different releases that I had but to the most part it has been rather good. We make sure that we follow up on everything and all the details are very looked at all the times. Can you choose one or two ultimate classic pairs of shoes ? I cannot do that, there are too many, really! Like I love Clarks Wallabees, I love Timberland construction boots, I love Jordan III retro, I love the Air Force One white on white, I love Air Max 85, I love Puma Suede, I love Puma R698, I love the Puma Blaze, I love the Puma Disc, I love the Asics Gel Lyte III, those are all shoes that I love, I don’t love one more than the other, I love all of them. And that’s the same about my collaborations; I love them all the same.

Pourriez-vous nommer une paire de chaussures ou deux qui sont des classiques ultimes à vos yeux ? C’est impossible, il y en a trop, vraiment ! Bon, j’adore les Wallabees de Clarks, les construction boots de Timberland, les Jordan III rétro, les Air Force One blanc sur blanc, les Air Max 85, les Puma Suede, les Puma R698, les Puma Blaze, les Puma Disc, les Asics Gel Lyte III… Ce sont toutes des paires de baskets que j’adore, je n’en aime pas une plus que l’autre, je les aime toutes. Et c’est pareil pour mes collaborations, je les aime toutes autant. Quelle a été la collaboration la plus compliquée ? Je crois que les chaussures qui sont sorties à Paris [les Sebago Iroquois, ndlr] ont été les plus difficiles à concevoir. Cela a pris huit mois pour que les chaussures ressemblent à ce que j’imaginais. Le moucheté que l’on voit sur la chaussure est unique, c’est un moucheté noir sur noir, très difficile à obtenir. Et le cuir noir sur la chaussure est très haute gamme, c’est un cuir poli. Le bout de la chaussure est renforcé pour ne pas perdre la forme. Nous avons conçu des chaussures très strictes. Au bout du compte, la forme de la chaussure est exactement comme je la voulais. Comment vous définiriez-vous aujourd’hui ? [Il hésite]. Ce n’est que le début. Chaque jour, pour chaque projet, à chaque succès, j’ai ce même sentiment : ce n’est que le début ! Je ne peux pas me laisser aveugler par le succès, et j’essaye de ne pas regarder en arrière. J’essaye de faire toujours mieux et toujours plus. Parce qu’à la fin de chaque journée, ma plus grande passion c’est de ressentir l’impact que j’ai : une nouvelle philosophie de marché et un nouveau business de marché qui me permettent d’influencer la façon dont les gens s’habillent, la façon dont ils considèrent le produit. L’idée étant de toujours toucher plus de personnes plutôt que de gagner plus. À présent, j’ai l’impression que je commence à y arriver, et l’objectif est de continuer.

What was the hardest collaboration pair to built ? I think the shoes that came out in Paris [the Sebago Iroquois, ed.] were the hardest ones to achieve. It took eight months to get the shoes to what I wanted them to look like. The speckle on the shoe is a very unique speckle, it is a black on black textured speckle, which is very hard to achieve. And the black leather on the shoes is very premium, it’s black tumbled boot leather and then the toe on the shoe is reinforced so it doesn’t lose its shape. We built the shoes to be very strict. At the end, the shape of the shoes is exactly what I wanted to be. How would you define yourself today ? [Hesitating]. It’s only the beginning. Every day, every project, every successful project is the same feeling for me: it is only the beginning! I can’t get blinded by success and I try not to look at anything that I have achieved I’m looking to always do better and always do more. Because at the end of the day, my biggest passion is to have an effect and have a market-changing philosophy and a market-changing business where I’m able to affect people the way they dress, the way they think about product. The idea is to always get people more than what they pay for and right now I feel like I’m beginning to achieve that and the goal is to keep going.


B

R

I

RIGOLARDS, ACERBES, GENTIMENT CRAMÉS, PARFOIS COMPLÈTEMENT DINGOS, LES RAPPEURS CALIFORNIENS D’ODD FUTURE ONT LA RÉPUTATION D’ÊTRE DIFFICILES À GÉRER. UN CHALLENGE RELEVÉ COMME IL LE PEUT PAR BRICK STOWELL, TOUR MANAGER ATTITRÉ DU CREW ET PREMIER TÉMOIN DE LEUR DOUCE FOLIE.

C

K

B

U

I

L

D

E

R

THE CALIFORNIAN HIP-HOP COLLECTIVE ODD FUTURE IS A RAMBUNCTIOUS CREW OF OUTSIDER GOOFBALLS WITH A REPUTATION FOR MAJOR FOOLING AROUND. KEEPING THE MADNESS UNDER CONTROL IS THE CHALLENGE FACED BY BRICK STOWELL, THE CREW’S OFFICIAL TOUR MANAGER AND PRIMARY WITNESS TO THEIR GENTLE FOLLY.

U

n après-midi ensoleillé le long de Fairfax Avenue, à Los Angeles. À l’angle d’Oakwood Avenue, sur le seuil de la boutique tenue par le crew hip hop Odd Future, il y a foule. Une bande de gamins, à peine vingt ans, et sapés comme jamais sous leur casquette, jappent et s’excitent joyeusement. Les épaulent balancent et les mains se topent. Ils sont les dignes rejetons de leurs icônes. Même âge, même style, mêmes manières que les artistes doux-dingues d’«O.F.», les Tyler, The Creator, Earl, Domo Genesis et autre Mellowhype, ces créatures à la folie rafraîchissante et contagieuse qui ébranlent le Landerneau du rap mondial depuis maintenant deux ou trois ans. À l’intérieur du store, sous des volutes de fumée, parmi la jeunesse métissée et à peine formée qui fourmille ça et là, à poser, freestyler, ou seulement traîner, se tient un type un peu plus carré et un peu plus âgé. Il serre des mains, souffle quelques mots, surveille son monde du fond de la salle ; il veille sur l’explosive galaxie siglée « Odd Future ». Un boulot de tous les jours : quand il n’est pas à la boutique, Brick Stowell est sur la route en compagnie des rappeurs du collectif. À 27 ans, le jeune homme est le tour manager d’Odd Future, celui qui s’occupe en coulisses des petites affaires des artistes, de leurs besoins et de leurs soucis. Aux côtés d’une bande de minots un peu furieux qui prend ses aises sous les projecteurs, Stowell, lui, s’occupe de huiler la machine. Dans l’ombre. D E

GRA N DS

E N FA N TS

Au calme, à l’arrière de la boutique, le portable à portée de main, Brick Stowell résume posément sa mission de tour manager : « Il s’agit de faire le checkin à l’hôtel, d’emmener les artistes manger une pizza, de les réveiller pour qu’ils ne ratent pas leur avion. » Depuis maintenant trois ans qu’il colle aux basques des bébés lyricistes devenus grands, Stowell sait parfaitement « ce que les mecs veulent ». Pour chacune des villes dans lesquelles ils débarquent au gré des tournées, sur le continent américain, en Europe ou en Asie, il sait qui emmener faire la visite de tel ou tel monument et à qui faire goûter la cuisine locale. « Left Brain et Hodgy Beats [qui forment le duo Mellowhype, ndlr] aiment ce qui est bon, ils veulent toujours essayer de bons restaurants. D’un autre côté, Tyler, lui, n’aime que le bacon et les gaufres. Une fois, il a même fallu que je ramène ses céréales préférées depuis les États-Unis. » Cela dit, malgré leurs différences, les rappeurs d’Odd Future se rejoignent sur un point à l’heure de partir loin : où qu’ils soient, il leur faut de quoi fumer. « C’est la première chose qu’ils veulent quand ils arrivent dans une ville, explique Brick Stowell. Du coup, je me débrouille, on a des homies un peu partout dans le monde maintenant ! » De la bouffe, de l’herbe, jusque-là, le champ de responsabilité de Brick Stowell correspond en tout point à celui d’un tour manager classique, celui d’un type qui se doit d’être aux petits oignons avec son ou ses artistes. Basique. Jusque-là. Car avec Odd Future, les tournées n’ont pas vraiment d’équivalent. Concrètement, il n’y a rien qui puisse vraiment ressembler à la vie que mènent les membres du

I

t’s a sunny afternoon on North Fairfax, in West Hollywood. At the corner of Oakwood, a crowd has gathered on the front steps of the store that belongs to the hip-hop crew Odd Future. In this gang, hardly anybody is over twenty. They’re decked out in their finest street duds and caps, yapping and yoing joyously. Shoulders sway, hi-fives are swapped. These teenagers are the perfect twins of their idols. They’re the same age, they dress in the same style, and they behave the same way as the mild madmen from “O.F.”: Tyler, The Creator; Earl Sweatshirt; Domo Genesis; and other Mellowhype, the refreshingly crazy fools with the charismatic mood, who have been shaking up the rap world for two or three years now. Inside the store, amid the clouds of reefer smoke, surrounded by a swarm of pubescent fans posing, freestyling, or just hanging out, stands a somewhat older and more muscular guy. He shakes hands, murmurs a few words, and keeps an eye on the crowd from the back of the room, watching over the explosive galaxy with the “Odd Future” trademark. It’s a full-time job: when Brick Stowell isn’t at the store, he’s on the road with the Odd Future crew. At 27, he is the collective’s official tour manager – babysitting the artists from backstage, taking care of their needs, relieving them of responsibility. As the shepherd of a flock that is famous for being unruly, on stage and in the spotlight, Stowell, in the shadows, makes sure everything stays more or less in line. J UST

B I G

K I DS

In a quiet place at the back of the store, his cell phone within easy reach, Brick Stowell serenely sums up his duties as tour manager: “Checking them in at the hotels, taking them to fucking Domino’s, waking them up in the morning to make sure they don’t miss their flights.” Now that he has spent three years following the raucous rhymers, watching them grow bigger and sassier in every way, Stowell knows exactly “what the guys want.” When O.F. is on tour and lands in a city, whether it’s in America, Europe, or Asia, Stowell knows who will want to go sightseeing and who will want to chow down on the local delicacies. “Left Brain and Hodgy Beats [who make up the MellowHype duo] they like really nice food, they like to go to good quality restaurants. Tyler, on the other hand, will just wanna eat waffles and bacon. Last year, I brought his favorite American cereals over.” That said, when it’s time to go on the road and rap, the hip-hoppers from Odd Future all agree on one point, despite their differences: no matter where they are, they’ll need some smoke. “The first thing they want me to do is find them weed. First thing. I deal with it, we got homies all over the world now,” Stowell explains. Cannabis and calamari, or cannabis and corndogs: up to that point, Brick Stowell’s checklist as tour manager is fairly conventional, the routine business of pampering a star: the basics. But only up to that point. Because a tour with Odd Future cannot really be compared to a tour with any other group. Truly, there is no equivalent, no precedent for the lives the crew members lead as they bounce from one concert to the next. Seen from the inside, an Odd Future tour is a kaleidoscope of unique sensations, hilarious, hallucinatory, and hysterically over the top. “They are


crew d’un concert à l’autre. Vu de l’intérieur, une tournée version Odd Future se vit comme une expérience unique, acidulée, hallucinée, sans sens de la mesure. « Les mecs sont de vrais punks, ils sont fous, tout est toujours dingue », résume en souriant Brick Stowell dont le travail consiste, en réalité, à gérer cette folie et les conséquences afférentes. Il y a par exemple cette fois où Tyler, the Creator a encouragé les quelques trois mille personnes d’une salle à bondir sur scène, lors de la première partie d’un concert de Kid Cudi: « Moi, dans l’oreillette, j’avais la manager de Kid Cudi qui devenait folle, qui nous traitait de “ fous ”. Je la calmais, lui disais que j’allais intervenir et, dans le même temps, je disais à Tyler de continuer, que c’était génial », se souvient notre gaillard. Ou encore cette fois, où le même Tyler a fait exploser une grenade pleine de peinture dans l’ascenseur d’un hôtel étoilé londonien. Brick Stowell : « Là, j’ai dû gérer avec la direction tout en me grouillant pour prendre des tickets d’Eurostar pour exfiltrer les artistes à Paris. » « Je suis celui qui dois gérer les pots cassés, j’encaisse pour les autres, je les protège, je suis toujours là », résume et conclue le tour manager. Et même quand il ne peut plus faire le tampon pour ses artistes, quand certains d’entre eux se retrouvent en garde à vue, après s’être battus avec des gardes de sécurité comme en Finlande, ou avec des fans un peu trop fans, comme en France, Brick est toujours là pour signer la paperasse réglementaire et ramener tout le monde sain et sauf à l’hôtel. Le manager du groupe, Chris Clancy, le plaint, se moque régulièrement de lui en lui disant qu’il a le pire boulot au monde. Lui, sourit et philosophe : « Je ne m’énerve jamais, j’ai appris à ne plus stresser à propos de tout ça. Je me dis juste que cela fait partie de mon boulot. » SPRING BREAK INFINI Pour rien au monde, il ne lâcherait son job et reviendrait à sa vie d’avant, quand il s’occupait d’obscurs groupes indé californiens et s’ennuyait derrière la caisse de boutiques branchées de West Hollywood. Il parle de la relation fraternelle qui le lie aux rappeurs du crew, de son rôle de « vieil oncle » qu’il semble aimer passionnément. Et dire que tout ça ne tient à pas grand-chose. Il y a trois ans, alors que les différents membres d’Odd Future commençaient à faire parler d’eux à Los Angeles, Brick Stowell s’était un jour présenté à Tyler, the Creator devant la boutique Supreme pour lui signifier qu’il appréciait ce qu’il faisait avec sa bande. Comme ça. « Quelque jours, plus tard, à l’un de ses premiers concerts, Tyler est venu me voir ; il voulait m’acheter mon tee-shirt ! Je lui ai dit que je lui filerais volontiers s’il me laissait prendre des photos de tout son crew. Il a accepté. Et on ne s’est plus jamais quittés. Je les suivais partout. Je suis devenu leur tour manager de manière très naturelle. » Depuis, Brick Stowell continue de prendre régulièrement des photos de la bande. Des clichés en noir et blanc qui documentent les moments de vie partagés par les rappeurs. « Les gens doivent penser que mes photos sont nulles techniquement. Elles le sont sûrement, confie Brick Stowell. Mais mon but, ce n’est pas de faire quelque chose de beau. Je traîne avec les mecs et je prends des photos. Je veux juste immortaliser ce que l’on vit. » Une vie d’hurluberlu, sans nulle autre pareille, « une sorte de spring break infini entre potes », dixit Brick Stowell. Un truc unique dont les rappeurs et leur tour manager aimeront sûrement se souvenir un jour.

real punks. They’re crazy, it’s always hectic.” Brick Stowell grins, shaking his head. Actually, his job consists of managing the madness and its consequences. For instance, the time Tyler, The Creator shouted out to the three-thousand-some people in the audience to jump on stage, when Odd Future was opening for Kid Cudi: “On the radio, Kid Cudi’s manager was yelling at me, ‘Who the fuck are you guys?’ I was, like, ‘Look, I’ll tell them to stop.’ But in the meantime, I was telling them, ‘Keep going, do your thing, this is hella good,’” Stowell recalls. Or what about the time the same Tyler pulled the pin on a paint grenade, in the elevator of a fancy London hotel? “I had to deal with the management and go on Internet to get Eurostar tickets, to go to Paris as soon as possible.” Stowell’s the fixer: “The person that has to deal with the bullshit is me. I’m here for them. They make a mess, I gotta clean it up. I got their back.” The tour manager concludes the job description with a sigh. And even when he can’t shield his artists from the wrath of the police, and some of them end up behind bars – like the time they got into a fight with security guards, in Finland, or with fans who were a little too invasive, like in France – Brick is always there to post bail, sign off on the paperwork, and bring everybody back to the hotel safe and sound. O.F.’s manager, Chris Clancy, feels sorry for Brick. He taunts him, telling everybody Brick has the world’s worst job. But Brick smiles philosophically: “I’ve learned not to stress about this. It’s just part of my job, that’s it.” ENDLESS SPRING BREAK Nothing in the world could persuade him to quit this life and go back to the old days when he was managing obscure California indie bands and yawning through a day job as a cashier at hipster shops in West Hollywood. He speaks of the brotherly relationship he has with the rappers in the crew, and seems to love the avuncular role he was hired to play. Oddly enough, it all just came together casually. Three years ago, when various members of Odd Future were starting to cause some buzz in Los Angeles, Brick showed up one day in front of Supreme. He introduced himself to Tyler, the Creator, and told him he appreciated what Odd Future was doing. Just like that. “A couple of weeks later, after I first met him, at the first Odd Future show, Tyler asked to buy the jersey I was wearing off of me. I told him, ‘I’ll give you this jersey off my back, but I need a photo shoot with Odd Future.’ And Tyler was like, ‘Done.’ After that, I started hanging out with the boys and then I became their tour manager, just like that.” Ever since, Brick has regularly been shooting pictures of the band. These black-andwhite snapshots document moments in the everyday life the rappers share. “A lot of people probably think my photos technically suck, and they probably suck, yes. But I don’t care,” Stowell explains. “I just hang around taking pictures. I just want to capture the moments we live.” And those moments are like none other, a boisterous romp through life. “It’s like an endless spring break with your best friends,” to quote Brick: an “odd future,” a unique moment the rappers and their tour manager will certainly want to remember someday.


E UN BEAU JOUR, ALORS QU'IL TRAÎNAIT SUR SON SKATE, LEO FITZPATRICK A TAPÉ DANS L‘OEIL D‘UN RÉALISATEUR. LE POINT DE DÉPART D'UNE CARRIÈRE ARTISTIQUE QUI, AUJOURD'HUI, PART UN PEU DANS TOUS LES SENS, AVEC L'INSTINCT ET UNE PLANCHE À ROULETTES POUR SEULES BOUSSOLES. DÉCOUVERTE.

U

n baiser goulu où les bouches s'aimantent dans un mouvement baveux. Une énergie sincère et engagée qui fait la nique à un quelconque académisme du genre. Ici, ça se chope. Voilà comment le cinéma a découvert Leo Fitzpatrick. Cétait il y près de quinze ans, sur un lit aux draps froissés, le caleçon mouillé et la bouche dans celle d’une blonde pré-pubère. C'était Kids, de Larry Clark. Un shoot générationnel suivant la trace d'une bande de gandins new-yorkais énervés et libérés, et dans lequel Leo Fitzpatrick s'était retrouvé à jouer, par hasard, Telly, un skateur acnéique sans Durex sous l’oreiller. Près de dix ans plus tard, dans un autre siècle, on retrouvait Fitzaptrick dans le rôle du décharné et déphasé Johnny, camé candide des bas-fonds de Baltimore pour l’immense série The Wire. Grâce à ces deux rôles, le comédien a réussi à se faire une place sous le soleil du panthéon indé et à gagner son auréole de cool. Dans le grand livre de la pop-culture, Leo Fitzpatrick sera pour toujours Telly, ou Johnny, ou les deux. Un duo de personnages vampirisant qui tend à faire de l’ombre aux autres jalons de la vie du comédien. Mais oui, à part Telly et Johnny, qui est Leo ? Un peu de tout, en réalité. Fitzpatrick est une sorte de caméléon. Le garçon est au four et au moulin, à la fois icône du skate, socialite souriant ou encore artiste bien calé. D'ailleurs, c’est dans la petite galerie qu’il possède dans le Lower East Side, à New York, que le bonhomme nous a donné rendez-vous pour disséquer sa vie. Ce jour-là, Fitzpatrick a près d’une heure de retard. Pour s’en excuser, il se pointera avec, sous le coude, un pack de cannettes de bière fraîche dont il descendra la moitié.

T E R N A L

K I D

ONE FINE DAY, LEO FITZPATRICK WAS CRUISING AROUND ON HIS SKATEBOARD, WHEN HE CAUGHT A FILMMAKER’S EYE. THAT WAS THE START OF HIS CAREER AS AN ACTOR. TODAY, THAT CAREER IS CAREENING ALL OVER THE PLACE, GUIDED ONLY BY INSTINCT AND A PIECE OF BEVELED PLYWOOD ON WHEELS.

A

passionate kiss, the mouths glued together like slurpy magnets. Genuine drive, an up-and-at‘em attitude that mocks any kind of genre academicism. Caught on the fly. The movies discovered Leo Fitzpatrick almost fifteen years ago, on a bed with rumpled sheets, his underwear damp and his mouth devouring that of a prepubescent blond. That was in Larry Clark’s Kids, a documentary-like “day in the life” of a gang of liberated, enervated, screwed-up Manhattan teenagers, the 1990s-style gilded youth set. Leo Fitzpatrick just happened to be cast as Telly, a pimply skater boy who doesn’t keep Trojans under his pillow. Nearly ten years later, in another century, we got another vision of Fitzpatrick, in David Simon’s fantastic series The Wire, playing emaciated, outof-phase Johnny, a jejune junky from the slums of Baltimore. These two parts earned the actor a coveted spot in the indie pantheon, where he is now irreversibly haloed with coolness. In the great pop-culture bible, Leo Fitzpatrick will always be Telly, or Johnny, or both. These characters are so powerful, they tend to suck the juice out of any other roles Fitzpatrick might play. Hey, come to think of it, who is Leo – besides Telly and Johnny ? He’s a bit of everything, actually. A chameleon. A multi-tasker, a juggler, effortlessly gliding from image to image : outlaw skater icon, genteel socialite, or weel-heeled hipster artist. In fact, when we asked to interview him, he arranged to meet and dissect his life for us in the art gallery he owns on the Lower East Side. That day, Fitzpatrick was almost an hour late for our date. In guise of apology, he showed up with a twelve-pack of ice-cold beer – but drank six bottles himself.

L’idée de cette interview est de cerner votre personnage. Il s’agit de faire le lien entre vos différentes facettes, du skate à la comédie en passant par l’art. Alors, qui êtes-vous Leo Fitzpatrick ? Les gens pensent que je suis affilié à différents univers. Cela dit, la manière dont j’ai grandi, notamment en faisant du skateboard, fait que, justement, tous ces univers n’en font qu’un. Le skate m’a poussé à m’intéresser à l’art, à la musique et au graffiti. Quand j’ai commencé à pratiquer le skate, les types qui en faisaient étaient considérés, grosso modo, comme des losers. À l’époque, le skate n’avait rien de cool. En Amérique, les jeunes étaient plus intéressés par le football et le baseball. Mais les gamins un peu losers, un peu paumés, les drogués aussi, tous ceux-là, ne voulaient pas faire partie d’une équipe. Ils avaient envie de faire leur truc en solo. Si on veut analyser et décrypter le milieu du skate à ses débuts, disons que c’est un ensemble de gars marginaux qui se sont mis ensemble pour lancer une contre-culture. Quand on était skaters, il y avait une attitude particulière. On voulait emmerder l’establishment. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, il y avait cette espèce de je-m’en-foutisme ambiant : on se foutait de ce que les gens pouvaient penser, on se foutait de la manière dont nous traitait le police. On était les rebus d’une société qu’on emmerdait. Sur l’asphalte, on était comme une troupe de combattants qui se forgeaient leurs propres valeurs, loin de celles de leurs parents. En fin de compte, ce n’est pas une surprise si il y a tant de skaters - dont moi - qui, aujourd’hui, appartiennent au milieu artistique. Il y a un vrai rapport entre ces deux mondes.

The idea is to simply get to know you. Simply make a link between all your worlds, from skateboarding to acting passing by art.. Who are you Leo Fitzpatrick ? People think all these worlds are different worlds. The way Pourquoi être monté I grew up, and this is because sur une planche ? of skateboarding, it was all one C’était d’abord pour échapworld. Because through skateI’ve been to New York – from per à mon entourage. C’était boarding, I got introduced into New Jersey. It’s like the first un moyen d’échapper aux art, music, and graffiti. When time you ride the subway by problèmes du quotidien. Je I was going to skateboarding, yourself. You’re like “Holy shit, me sentais libre. Quand j’ai skateboarders were like losers. I can go wherever I want”. It asks commencé, vers douze ans, Because skateboarding wasn’t a certain kind of character on je restais surtout dans mon considered cool at the time. the second way because you quartier. Puis j’ai commencé à In America, it was very much beat the shit out of yourself all comprendre que je pouvais me about playing football, and day long just to land one trick. déplacer avec ma planche, que baseball. And all the weirdos, And getting hurt is part of it. c’était un moyen de transport, the loners, the drug addicts, It gives a weird determination ce qui m’a permis d’aller à New the people who didn’t fit... and abnegation. York j e viens du New Jersey. They didn’t want to be part of a Monter sur un skate, c’est un team. They wanted to be indiWhat about the journey peu comme la première fois vidual. If you try to take a look you spent in New York ? que tu prends le métro tout at it, you’ll see that skateboardNew York was so fucked up. seul. Tu te dis : « Putain, je peux ing is made of all those individThis is maybe like 1989-1993, so aller où je veux ». Le skate forge uals that came together to form we’re talking to the time when le caractère parce que tu passes a counter culture. There’s just the city was still pretty rough. ta journée à tomber et à remonan attitude that’s used to exist You skate down the street ter sur une planche juste pour when I was skateboarding. Just and people throw bottles at passer un putain de trick. Se like fucking everything. At the you through the windows for faire mal fait partie du truc. Du late eighties, early nineties, making noise. coup, tu gagnes en déterminayou kind of… You didn’t give a tion et en abnégation. fuck: you didn’t care what othWhere were you skating ? er’s opinion were, how the cops In Brooklyn, at the Washington Quid de vos sorties treated you. We were the rejecSquare Park, in midtown, a skate à New York ? tion of the society we didn’t bit of everywhere. We were New York était tellement barge. give a damn shit. On the road, only skating around, I’ve Je te parle du début des années we were like warriors with our never taken the subway. We 1990 là, d’un temps où la ville own values, away from those of were riding from the bottom était encore assez sauvage. Tu our families. At the end, that’s to pretty far up town, and we pouvais skater dans la rue et not a surprise how many arthit everything. That’s how I recevoir des bouteilles en verre ist come out of skateboarding. discovered the real New York, parce que les gens trouvaient There’s a relationship between the traffic, the architecture, que tu faisais trop de bruit. those two worlds. and I think it introduced me into art. Because when you’re Et vous skatiez où ? What makes you skateboarding, you don’t see À Brooklyn, à Washington want to go on a board ? a bench as a bench, or a stairs Square Park, en centre ville, un The first reason was to escape as something you walked up peu partout. Je ne me baladais my surrounding. Just a way to or walked down. You’re trying qu’en skate, je ne prenais jaget away from the fucked up to manipulate it on your brain mais le métro. On ridait la ville things I was surrounded by. like “ How can I use this to de haut en bas, on la sillonnait. There’s a kind of freedom. By skateboard, to do some tricks?” C’est comme ça que j’ai découthe time, I was 12 years old. I Most people are going to point vert New York, son trafic, son was skateboarding on the same A to point B without giving a architecture et c’est ça qui m’a block. Then I realised I could shit of this. Skateboarding, it’s amené à l’art, je crois. Quand tu go anywhere else, that it’s a going to a point A to a point B skates, tu ne vois pas un banc real transportation. That’s how in the most creatively way. comme un banc, ou un escalier comme un moyen de monter That’s how you got et descendre. Tu te demandes picked up by Larry Clark ? plutôt : « Comment je peux utiI met Larry when I was 14, in liser ça pour skater, pour faire des 1992. He already been surfigures ? ». La plupart des gens rounded himself in skatevont d’un point A à un point B boarding for about 2 years. sans prêter attention à ce qu’il y When we first saw him, not a a sur leur chemin. Skater, c’est lot of person understood who aller d’un point A à un point B he was and what he was doing. de manière plus artistique. Because he was so much older, and taking photographs of us…


C’est comme ça que vous vous êtes fait remarquer par Larry Clark ? J’ai rencontré Larry quand j’avais quatorze ans, en 1992. Ca faisait déjà deux ans qu’il s’était immergé dans le milieu du skate. Quand on l’a croisé pour la première fois, peu de personnes ont compris qui il était et ce qu’il faisait. Il était beaucoup plus vieux que nous et il prenait des photos. Et que vous disiez-vous ? On a tous pensé que c’était un mec bizarre. Mais il était assez intelligent pour savoir qu’il ne pouvait pas vraiment pénétrer notre communauté en restant à l’extérieur. Aussi, un de ses amis photographes qui skatait avec nous a fini par l’intégrer. Quand j’y repense, ça fait un peu mafieux comme système d’attendre qu’un gars nous dise « C’est OK, il est cool » et qu’on lui réponde « OK, il est OK ». On était qui pour dire ça ? Enfin, une chose est sûre, Larry n’aurait jamais pu tourner son film s’il n’avait pas connu notre mode de vie. Et la chose la plus importante qu’il ait faite, c’est de montrer du respect à des gamins qui n’avaient jamais reçu une telle attention de la part d’un adulte. La plupart des kids du coin avaient l’habitude de se faire engueuler par les flics quand ce n’était pas par leurs parents. Alors que Larry Clark, lui, il est arrivé et nous a juste dit : « Ce que vous faites est vraiment cool. » Que vous a-t-il demandé de faire ? Larry a du faire une audition avec cinq ou six nouveaux gamins, dont moi. (…) Il nous a demandé de parler de cul entre nous. Le problème, c’est qu’à l’époque, je ne connaissais rien au sexe. Du coup, qu’est ce que j’ai fait ? Et bah comme tous les autres, j’ai raconté n’importe quoi, j’ai roulé des mécaniques. Si, dans la vraie vie, j’étais hyper timide, quand je me suis mis à jouer la comédie, tout a changé. Et c’est pareil aujourd’hui. À chaque fois, je me dis que c’est bizarre, que personne ne me donnera jamais un job et donc, que je n’ai rien à perdre. En fait, je ne sais pas jouer la comédie. Je joue, c’est tout. C’est comme quand tu ne sais pas conduire, mais que tu te retrouves à conduire. Tant que tu arrives à te convaincre

que tu peux le faire, alors tu sais le faire. Bref, ces auditions ont duré longtemps, presque deux mois. Larry voulait savoir qui étaient ces gamins et où était leur place dans le film. Presque tous étaient des skaters qui fumaient de la marijuana. Larry Clark aimait les hors-la-loi. Une dernière chose à propos de Kids : j’ai lu que, après la sortie, vous aviez été quasiment harcelé. Certains rumeurs tournaient à votre sujet, on disait que vous aviez le Sida (dans le film, on soupçonne le personnage de Telly d’avoir refilé le virus à Jennie, jouée par Chloé Sevigny)...

On racontait surtout que j’étais un petit connard ! À la boutique de skate où je bossais, des gens appelaient pour m’insulter. Ils me disaient : « Je vais te trouver et te défoncer », à cause de mon rôle dans le film. Ils ne faisaient pas la différence. Mais, moi, je ne me suis jamais caché. Ce n’est pas que j’étais prêt à me battre, juste, je m’en foutais. Enfin, il y aura toujours des gens pour emmerder le monde. ( …) Lorsque Kids est sorti, tout le monde m’a présenté comme un gamin de New York et, moi, ça m’énervait. Je criais : « Je suis un gamin de Jersey, putain ! » Je tenais à le préciser parce que je ne voulais pas avoir l’air faux. Après la sortie donc, je bossais dans cette boutique de skate et j’avais plein de sollicitations. J’avais 17 ans et je ne savais pas quoi faire. J’avais peu d’argent et je commençais à devenir célèbre, au moins à New York, parce que pas mal de monde avait vu le film. Et le seul truc

What did you say to yourself ? Everybody thought he was just a kind of weird guy. But he was smart enough to understand that he couldn’t introduce our community by staying outside. He knew a photographer who was also a skateboarder, and that’s how he finally get in. It’s seriously bullshit, all that mafias stuff, when it took one guy to say “it’s ok he’s cool”, for all of us to say “ok, he’s ok”. I mean, who the fuck are we to say if someone is ok? There’s no way he could have shot this movie if he didn’t try to live our lifestyle. The biggest thing he did, is that he gave to all these kids respect, that they’d never

seen from adults. Most of these kids were used to be yelled at by the cops, or their parents. But Larry Clark, it was more like “What you’re doing, it’s really cool”. What did he ask to do ? Larry has made this audition, just bringing up five or six new kids, and I was part of this. (…) He asked us to talk each other about sex. The thing is, I didn’t know anything. So what did I do? Well, like the others, saying bullshits, you make your brain works actually. I was also very shy, but when I was acting, I didn’t give a shit. It’s the same now. Every time, I’m like “it’s so ridiculous, who’s going to give me a job? I got nothing to lose then”. Actually, I don’t even know how to act like an actor. I act, that’s it. It’s like when you don’t know how to drive a car, and you have to pretend you know how to drive. As long as you can convince yourself you

can do it, you’re doing it. The auditions lasted two months, just because Larry wanted to get who these kids were and where they fit on the film. There were almost all smoker’s skateboarder, because Larry liked the outlaws. One last thing about Kids, I read that after the release, you got harassed. There were rumours, some people thought you had the HIV (in the movie, we suspect Telly’s character to give it to Jennie, played by Chloé Sevigny)… People said that I was an asshole. When I was working at the skateboard shop, fucked up people called to insult me. There were saying “I’m going to find you and to beat you up”, because of my role. There was no difference in their head. But I’ve never hidden myself. I mean, it’s not like I was ready to fight them, I just didn’t give a shit. There will always be that kind of things, that kind of people. (…) When Kids came out, everybody thought of me as a New York kid, which pissed me off. I was saying: “No, I’m a fucking New Jersey kid!” I didn’t want to fake it. After the film came out, I was working at this skate-shop and I was kind of harassed. I was 17, I didn’t know what to do. I didn’t have any money but I was sort of weirdly famous, at New York at least, where a lot of people saw the movie. And the only thing I did, was to move to London for a year with the money I got from the skateboard shop. What did you do there ? Skateboard. I just wanted to be a skateboarder. I just wanted to be left, I wanted to be a weirdo, left alone. Then, at 18, from London, I came back to New York before I moved to Los Angeles for two years. I moved back to New York when I was 21, and I started to act. I had opportunities that a lot of people wished to have, but I wasn’t okay with the idea to be an actor. I was conflicted with myself. And, you know, the older you get, the less you can skateboard, and at a moment, I started to think realistically about my future: “ What are you going to do for living now?” I was never going to have a day job, so I just say, “I’ll try to be an actor”. And I do try.

que j’ai trouvé à faire, c’est de me barrer à Londres pour un an avec l’argent que j’avais gagné à la boutique. Et qu’avez-vous fait là-bas ? Du skate. C’est tout ce que je voulais faire. Je voulais être tranquille et être un mec bizarre, à part. Et puis à 18 ans, j’ai quitté Londres pour retourner à New York et j’ai vécu deux ans à Los Angeles. Je suis revenu à New York à 21 ans et, là, j’ai recommencé à jouer. J’avais des opportunités que beaucoup auraient aimées avoir, mais je ne voulais pas être acteur. J’étais en conflit avec moi-même. Mais le truc, c’est que, plus tu vieillis, moins tu peux skater et, moi, à un moment, j’en suis arrivé à me demander : « Tu vas faire quoi maintenant pour vivre ? ». Je n’étais pas fait pour le travail quotidien, je me suis donc dis : « Pourquoi ne pas être acteur ? ». Et j’ai essayé. Être acteur, ça peut être un moyen de payer vos factures ? C’est aussi votre vision du job ? De temps en temps, oui. Mais je connais des acteurs qui ne font leur métier que dans cet objectif. Dans ce cas-là, je trouve que ça retire tout le plaisir du travail. Moi, ça m’a pris quinze ans pour trouver une manière de jouer la comédie qui me donne vraiment du plaisir. Et aujourd’hui, la seule façon que j’ai trouvée pour prendre encore du plaisir là-dedans, c’est de faire autre chose à côté. Je ne pense pas sans arrêt à la comédie, à ma carrière d’acteur. Tous les gens qui sont très concentrés sur une chose deviennent, en général, ennuyeux. Mais quand tu t’ouvres à d’autres choses... C’est comme moi avec cette galerie d’art. On n’y vend rien, on accueille le travail d’autres artistes, on ne gagne pas d’argent avec, mais ça nous enrichit personnellement. (…) Quand tu tiens une galerie, tu n’as plus le temps d’être toimême un artiste ! Et mes deux associés, eux, sont artistes à plein temps. Donc, de fait, c’est moi qui m’occupe de tout le reste.

Vous vous considérez comme un artiste ? Je fais de l’art parce que, d’une certaine manière, j’ai toujours fait de l’art. Dans trente-cinq ans, ce que je fais maintenant sera peut-être cool, mais, pour l’instant, c’est juste un truc que je fais. Quelle est votre dernière création ? J’ai exposé à Los Angeles, il y a deux mois. Là-bas, j’ai présenté un petit livre fait de textes et de peintures inspirées de ces textes. J’ai un rapport particulier au texte : j’aime écrire et j’adore les jeux de mots. La plupart de mes créations artistiques ont trait aux mots. Aujourd'hui, comment vous présentez-vous ? En tant qu'artiste ou acteur ? Je n’ai pas vraiment besoin de me présenter. Parfois, je dis que je suis étudiant. Enfin, ça n’est pas très crédible vu que j’ai 36 ans. En fait, je n’ai jamais su dire ce que je faisais et je suis à l’aise avec tout ce que je fais. De toute façon, être un artiste ou être un acteur, c’est, grosso modo, la même chose. Je crois qu’à cause de la façon dont j’ai été élevé, je bosserais dur sur n’importe quoi, tant que ça représente un challenge. Je ne suis pas très bon au tir au pistolet, mais si quelqu’un me met au défi de devenir un bon tireur, je peux devenir bon. Il faut se rappeler que j’ai commencé à être acteur sans avoir aucune formation et j’ai commencé à faire de l’art de mon côté de la même manière. Il n’y a aucune raison pour que je sois un artiste, aucune pour que je tienne une galerie, mais je n’ai pas eu peur d’essayer. Beaucoup de gens se disent qu’il faut aller à l’école pendant de longues années pour faire quelque chose de précis. Moi, je pense seulement à faire ce que j’ai envie de faire. Il faut suivre son instinct. Si tu crois en ce que tu fais, fais le. Simplement. Plein de gens bourrés de talent ne rentrent pas dans le système, d’autres, avec moins de talent, y arrivent. C’est injuste, mais c’est comme ça que ça marche. Le seul truc que je me dis, c’est que je n’attends rien. Je ne veux pas avoir une galerie connue, je ne veux pas avoir une carrière d’acteur géniale. Tout ce que je veux, c’est éviter d’avoir un travail routinier.

■ « THE BIGGEST THING LARRY CLARK DID, IS THAT HE GAVE TO ALL THESE KIDS RESPECT, THAT THEY’D NEVER SEEN FROM ADULTS »

■ You do acting to pay your bills ? Is it how you see your job ? Sometimes, yes. But you know, I know some actors who do it just on that way. But it takes all the fun out to be an actor. I took me fucking fifteen years to figure out a way I can do it and still enjoying it. Today, the only way I can be an actor and still enjoying it, is to distract myself with others interests. So I’m not only thinking about being an actor, about my career. It’s like all those who are so focused on one thing, they become very boring. But if you’re interested in others things… For me, it’s this gallery. We don’t sell any art, we just share space for some artists, we don’t earn money, but we earn personally, intellectually. (…) When you start running a gallery, you don’t have the time to be an artist anymore. And my others two partners, are full time artists. So I’m the guy who takes care to all the rest.

Do you consider yourself as an artist ? I make art because I’ve always made art. What I do, maybe thirty-five years from now, may be considered cool but for today, it’s just what I do. What is your last piece ? I did an art show in Los Angeles, two months ago. There, I just presented a book of writing, and painting based on these writings. I have a special relationship with writing: I love writing and I love word play. A lot of my work has to do with word. Nowadays, how do you introduce yourself? As an artist or as an actor ? I don’t really need to introduce myself. Sometimes I just say I’m a student. But I’m 36, I don’t look like a student anymore. Actually, I never know what to say about what I do, because I’m confortable with all of it. Anyway, for me, the idea of being an actor is the same as being an artist. Because of the way I was raised or something, I will work really hard, if it’s a challenge. I am probably not really good at shooting gun, but if somebody asks me to pretend to, as a challenge, I can become kind of credible. You have to remember that I got no introduction into acting, and that I started art on my side, kind of on the same way. There is no reason I shouldn't be an artist, no reason I should have an art galley, but I’m not scared to try. A lot of people think that you need to go to school for many years to do this very specific thing. My whole thing is fucking do whatever you want to do. Your instinct is right most of the time. If you believe in what you’re doing, well do it. A lot of people that have talent can’t fit on this system, and a lot of people who have less talent, succeed. That’s not fair but that’s the way it is. The only thing that I think I have for me, is that I expect nothing. I don’t want to have a big gallery, I don’t want to have a big acting career. All I want to do, is avoid to have a day job.


PUBLISHER UB LISHER David Obadia Davi d adia Nelson Hassan Nelso Hssa n EEDITOR DIT OR VVincent in cent Desailly e sailly ART DI DIRECTION ART C TION David Obadia Davidb a dia GRAPHIC DESIGN G DESIGN RA PHI Marvin Morisse arvin Moriss e Maclean Maclean JOURNALISTS wURiiA LIS TS Raphael Malkin Ml kin Loïc H. Loïc H. Rechi R h Kahina Kahina de deNeuilly N uill Arthur ArthurCios Cios Hélène Terzian Hélène Terzian Gino GinoDelmas Delmas PHOTOGRAPHERS Alice Moitié Cléme sal CVincent l ent Desailly scal Ludovic Zuili Ludovic Zuili Clément ClémentPascal Pascal CONTRIBUTORS Yvane Jacob Romain RomainTardy Tardy Maxime MaximeGillet-Tebault Gillet-Tebault TRANSLATORS HOTOG HE R Anita AnitaConrade Conrade Printed in France Clément scal Imprimerie Alexis Rai Léonce Duprez bault Texts, illustrations and Printed i n Frphotos ance copyright Snatch Editions Imprimerie Léo e eepr BWGH Magazine is publish by Snatch Texts, illustEditions ration os 65 rue deSn Rennes Paris copyright at ch75006 E ditio SARL Maga au capital 000 euros BWGH zindeis1 pub lish ISSN by Sna: En t cours. itions Dépôt Légal : À parution 65 rue de Re n0 06 P All right ARL au cpreserved. italuros Reproduction ISSN :En c in whole ours. or in part without Dépôt é g i n who written permission is strictly prohibited.

H E R M O S A










HERMOSA


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.