BWGH Le Magazine - Third Issue

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LE MAGAZINE

THIRD ISSUE



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ouvelle collection, nouveau voyage. Pour sa collection automne-hiver 2013, BWGH a tissé les fils de son imaginaire en Écosse, au royaume des tartans. Ce périple nous aura menés aux quatre coins du pays des Highlands, de routes sinueuses en chemins sauvages, entre mer et montagne, jusqu’à atteindre notre graal : Stonehaven. Pour ce nouveau numéro de BWGH Le Magazine, nous nous sommes évertués, une fois encore, à retranscrire l’esprit de la marque à travers les sujets traités et les personnalités rencontrées. L’admiration et le sens du bon goût avec Pierre Bergé. L’amitié et la créativité dans l’atelier de l’artiste Daniel Arsham. L’artisanat et la minutie dans l’établi du joailler Gabriel Urist. L’avant-gardisme et la jeunesse, enfin, avec les jeunes diplômés du département mode de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Cette saison est aussi l’occasion de célébrer les synergies et les collaborations. Pour la première fois, elles sont au nombre de cinq. Ronnie Fieg, Hypebeast, Club 75, Clot et Drifter sont autant de personnalités et de labels dont nous respectons le travail. Il était donc dans l’ordre des choses de nous y associer pour vous proposer quelques pièces rares. Des collaborations placées sous le signe de la confiance, du talent et de l’amitié. Comme vous le découvrirez, nous avons voulu ce numéro à l’image de l’évolution de BWGH, saison après saison. Stonehaven est une collection mature, avec pour la première fois une gamme de vestes et pantalons qui salue un certain sens du formalisme. Comme toujours, les matières naturelles sont à l’honneur, avec de la laine, du veau velours et du coton huilé, des apparats textiles indispensables pour triompher dans la lutte contre les éléments écossais, déclinés sous forme de vestes, parkas ou chemises doubles. IN MY DEFENS GOD ME DEFEND.

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ew collection, new journey. For the Fall/Winter 2013 collection, BWGH sewed the thread of its imagination in Scotland, the kingdom of tartans. This journey led us to the four corners of the Highlands, winding expeditions on untouched paths, between sea and mountains, reaching our grail : Stonehaven. In this issue of BWGH Magazine, we strived, once again, to transcribe the spirit of the brand through the themes we dealt with and the personalities we encountered. Admiration and the meaning of good taste with Pierre Bergé. Friendship and creativity in the studio of the artist Daniel Arsham. Craftsmanship and attention to detail on the workbench of the jeweler Gabriel Urist. Youth and the avant-garde with the young graduates of the fashion department at the Royal Academy of Fine Arts in Antwerp. This season is also an opportunity to celebrate synergy and collaboration. For the first time, there are five in number. Ronnie Fieg, Hypebeast, Club 75, CLOT, and Drifter are some of the personalities and labels whose work we respect. Therefore, it was in order to join forces and offer you a few special pieces. Collaborations under the banner of trust, talent, and friendship. As you will discover, we wanted this issue to match BWGH’s image of evolution, season after season. Stonehaven is a mature collection, our first time with a line of jackets and pants that welcomes a certain sense of formality. As always, natural materials are featured, wool, suede, and oiled cotton, the textile trappings that are necessary to triumph over the Scottish elements, in the form of jackets, parkas and collared shirts. IN MY DEFENS GOD ME DEFEND.


BY ALICE MOITIÉ

SPECTRUM

STYLING DAVID OBADIA









PASCAL MONFORT

E V E R I T H I N G W I L L B E F I N E

Professeur en sociologie de la mode, innovation manager chez Nike pendant dix ans, entrepreneur, membre de deux groupes de rock et même journaliste à ses heures perdues, Pascal Monfort est l’incarnation du « slasheur », ces hyperactifs qui cumulent les jobs. Non par besoin, mais par passion. Tout a commencé à la fin des années 1980 avec la découverte des magazines The Face et i-D. C’était l’époque bénie où Kate Moss, encore ado, s’affichait pour la première fois dans la presse. Depuis, Pascal Monfort s’est jeté corps et âme dans l’étude de la mode, dans tout ses aspects : du skate, qu’il découvre tout jeune minot, au punk, des costumes du XVIIIe siècle aux sneakers. Il se met à lire, beaucoup, pour affiner sa culture et sa capacité à analyser les tendances. L’homme est du genre à arpenter les bouquinistes et à craquer pour une encyclopédie de la mode ou pour une vieille édition illustrée des Fables de La Fontaine, son ouvrage clé, qui « dit tout des rapports humains ». Notamment, l’histoire du Loup et du Chien, « son » récit, celui de l’éloge de la liberté. La liberté, Pascal Monfort court après depuis tout gamin. Pour s’en approcher, il voyage beaucoup, de la Californie, berceau du skate, au Burundi, où il s’est produit avec son groupe, The Shoppings. Il publie ses propres magazines aussi : un premier fanzine en 2002, puis Yummy, réservé à l’univers de la junk food. C’est aussi cette envie d’être libre qui l’a poussé à quitter Nike à l’approche de la quarantaine. Il en a profité pour se remettre à porter des baskets et vient de lancer sa boîte de conseil pour apporter sa connaissance des tendances aux plus grandes marques et assouvir son « rêve de gosse » : devenir le seul maître à bord.

FROM TOP TO DOWN, LEFT TO RIGHT, ROW BY ROW Les Fables de La Fontaine, old book of magic spells bargained from a bookstall. • Illustrated Encyclopedia of Costume and Fashion • “Kate and Harry” Mug • The two mini Nike • Wooden figurine from Burundi • Collectible transparent vinyl, a collaboration between The Shoppings and the artist Thomas Lélu • Original copy of the fanzine Son Excellence • Blue Vinyl of Vanités, the new group of Pascal Monfort • Copy of Yummy magazine • In the Gutter, book on eighties punk • Photo of Kate Moss by Corinne Day • Comme des Garçons Perfume • Eagle Mask from the Berluti show • Skateboard • Passport • Ruler + pens + highlighters • An original Kaws • A pair of Church’s shoes • The suitcase to carry 45s • A Ceramic Sculpture

Professor of the sociology of fashion, innovation manager at Nike for ten years, entrepreneur, member of two rock bands, and even a journalist in his spare time, Pascal Monfort is the embodiment of the “slasheur”, the hyperactive person who accumulates jobs. Not out of necessity, but because of passion. It all began in the late 1980s with the discovery of the magazines The Face and i-D. It was their heyday when Kate Moss, still a teen, first appeared in the press. From then on Pascal Monfort threw his body and soul into the study of fashion, in all its dimensions: from skateboarding, where he discovered every young kid, to punk, costumes from the eighteenth century to sneakers. He began to read a lot, to refine his background and his ability to analyze trends. The man is the type to scrutinize bookstalls and lose it over a fashion encyclopedia or an old illustrated edition of the Fables of Jean de La Fontaine, his key work, that “says everything about human relations.” In particular, the story of the dog and the wolf, “his” tale, the one that praises freedom. Freedom, what Pascal Monfort chased since he was a kid. To get closer to it, he traveled extensively, California, the birthplace of skateboarding, to Burundi, where he performed with his band, The Shoppings. He also publishes his own magazines too: first a fanzine in 2002, then Yummy, dedicated to the world of junk food. The urge to be free was also what led him to leave Nike as he approached forty. He seized the opportunity to go back to wearing sneakers and launched his consulting company to share his knowledge of trends with the biggest brands and satisfy his “childhood dream”: becoming the only captain on board.


DAPHNÉ HEZARD

E V E R I T H I N G W FROM TOP TO DOWN, LEFT TO RIGHT, ROW BY ROW

Elle revient de Venise où elle a assisté à la présentation de la nouvelle collection de haute-joaillerie de Chanel. Sur place, elle en a profité pour faire un tour à la Biennale d’art contemporain, d’où elle a ramené un sac en toile sur lequel sont sérigraphiés les visages des artistes du moment. Elle a relu Venises de Paul Morand, aussi. Tiens, en parlant de lui, l’écrivain n’était-il pas l’un des compères de Jean Cocteau, qui fera prochainement l’objet d’un numéro spécial de L’Officiel, le magazine dont s’occupe notre héroïne ? Voilà donc Daphné Hézard, rédactrice en chef souriante et pimpante de l’une des feuilles mode les plus chic de Paris. Qu’elle soit en bord de Seine ou les pieds dans l’eau de la lagune vénitienne, la journaliste se balade toujours avec un kit de survie, « J’ai toujours beaucoup de choses avec moi. Je ne les sors pas forcément, mais on ne sait jamais », dit-elle. Un livre, de la musique, du blush pour un début de soirée, des ballerines pour une fin de soirée et, surtout des lunettes de soleil, pour cette jeune femme qui a du bleu roi dans ses yeux fragiles. Douce et glamour, cette journaliste talentueuse tranche dans une galerie fashion peuplée de balourdes pétaradantes. Surtout, Daphné Hézard donne du fond aux formes. Défricheuse de tendance, exploratrice du monde, la rédactrice cherche toujours à proposer des inspirations à ses lectrices ; elle traite de la mode comme on décortique une histoire et donne du grain à moudre sous la couture. C’est rare. De toute façon, quelqu’un qui aime Plein Soleil, avec Alain Delon, ne peut être qu’estimable.

Collection of pencils, Firmdale Hotels • Clutch Bag, Roger Vivier • Tote Bag for La Biennale di Venezia 2013 by Kilomètre Paris • Sunglasses, Dior by Raf Simmons • Blush, Chanel • L’Officiel Magazine • Foulard, Hermès • Luxe City Guides • Byredo PeWrfume • Lipstick, Chanel • Blush, Chanel • Ballet Slippers, Antik Batik • Lemonade, Frenchy in Paris • Hollywood Chewing Gum • Tape-Measure • Venises by Paul Morand • Indian Wicker Clutch Bag • Plein Soleil DVD • Stapler, Miss Bibi Paris • Talisco CD • Headset, Bose • Handmade Beanie, Les Chapeaux d’Aliocha

I She returned to Venice where she attended the presentation of Chanel’s new collection of Haute Joaillerie. Since she was there, she took the opportunity to check out the contemporary art Biennale, where she picked up a canvas bag screen printed with the faces of the artists of the moment. She re-read Venises by Paul Morand, too. Speaking of which, the writer was not one of Jean Cocteau’s buddies, soon to be the subject of a special issue of L’Officiel, the magazine our heroine oversees. Daphne Hézard, the radiant and elegant editor-in-chief of one the most chic Parisian fashion magazines. Whether she’s on the banks of the Seine or has her feet in the water of the Venetian lagoon, the journalist always brings a survival kit, “I always have many things with me. I don’t necessarily use them all, but you never know,” she said. A book of music, blush for the beginning of the night, ballet flats for the end of the night, and most importantly, sunglasses for her sensitive royal blue eyes. Glamorous and gentle, this talented journalist stands out from the fashion crowd full of awkward stutterers. Above all, Daphne Hézard delivers substance with style. A pioneer of trends, a world explorer, the editor always seeks to provide her readers with inspiration; she deals with fashion the way you dissect a story and get to the heart of it. It’s rare. Besides, anyone who loves Plein Soleil, with Alain Delon, must be estimable.

L L B E F I N E


HYPEBEAST X BWGH Index précis et annuaire sélectif, Hypebeast s’est imposée ces dernières saisons comme l’une des plateformes de référence de l’actualité menswear. Partageant le même esprit, les mêmes références et les mêmes envies, BWGH et Hypebeast s’associent aujourd’hui pour une collaboration inédite. Un projet pour lequel BWGH a convoqué l’œil et la plume de Yué Wu, artisan maestro de la typographie. PHOTO BY KARL HAB


HYPEBEAST X BWGH A precise index and selective directory, over the past seasons Hypebeast has established itself as one of the premier platforms of menswear news. Sharing the same spirit, the same references, and the same desires, BWGH and Hypebeast have come together for an original collaboration. For this project BWGH called upon the eye and pen of Yue Wu, the typography maestro.


BLEU BLANC CLOT CURATED BY LA MJC Il y a quelques temps, Michael Dupouy présentait à BWGH les fameux Edison Chen et Kevin Poon. Ces deux acolytes originaires de Hong Kong ont fondé, il y a une dizaine d’années, Clot, label pointu du streetwear premium. Après s’être trouvés une série d’affinités toutes spontanées, BWGH et Clot se retrouvent aujourd’hui autour du projet « Bleu Blanc Clot » qui associe la marque hongkongaise et une sélection restreinte de ses cousines françaises. BWGH FOR CLOT


BLEU BLANC CLOT CURATED BY LA MJC Some time ago, Michael Dupouy introduced BWGH to the renowned Edison Chen and Kevin Poon. These two friends from Hong Kong founded Clot, a sharp premium streetwear label, about ten years ago. Having spontaneously discovered a number of affinities, BWGH and Clot have joined forces on the project “Bleu Blanc Clot� which combines the Hong Kong brand with a special selection from their French cousins.


CLUB 75 X BWGH D’un côté, une trinité connectée sur tous les fronts, composée du leader du label Ed Banger Pedro Winter, de son cher directeur artistique So Me ainsi que du fondateur émérite de la MJC, Michael Dupouy. Trois compères pour une nouvelle étiquette : Club 75. D’un autre côté, BWGH. Deux parties donc, chacune fièrement ancrée au bitume parisien, bannerets de la Ville Lumière, de ses passions et de ses amours. Une association pour un duo de pièces et une déclaration : ici, c’est Paris. PHOTO BY JULIEN SOULIER


CLUB 75 X BWGH On the one side, a trinity connected on all fronts, consisting of the leader of the label Ed Banger, Pedro Winter, his beloved art director, So Me, and the distiguished founder of La MJC, Michael Dupouy. Three partners joined together for a new label: Club 75. On the other side, BWGH. Two parties, each proudly rooted in the Parisian streets, knights of the City of Light, with their passion and love. A partnership for a pair of pieces and a declaration: Ici c’est Paris. PHOTO BY SO ME


RONNIE FIEG X BWGH Parmi les mentors et les figures inspirantes de BWGH, voici Ronnie Fieg. Cette encyclopédie de la sneaker fait aujourd’hui partie des figures tutélaires de la culture urbaine newyorkaise avec ses boutiques Kith. BWGH et Ronnie Fieg se retrouvent aujourd’hui pour le lancement de « Just Us », une collaboration résumant leur proximité. Pour la force d’un crew soudé, l’esprit du nombre et la fraîcheur d’une équipe.


RONNIE FIEG X BWGH Among the mentors and inspirational figures of BWGH, lies Ronnie Fieg. This sneaker encyclopedia is now one of the figureheads of New York urban culture with his Kith shops. BWGH and Ronnie Fieg have come together for the launch of “Just Us� a collaboration representing their closeness. With the force of a united crew, the spirit of the masses and coolness of a team.


DRIFTER X BWGH Lorgnant amoureusement du côté des terres yankees, BWGH ne s’en réfère pas moins aux territoires nippons, y puisant avec respect des inspirations pleines d’émotions. Aussi, parmi les accointances de la marque au pays du soleil levant, on trouve Drifter, label tokyoïte reconnu. Les deux marques proposent aujourd’hui une collection de sacs à dos et de tote bags, pour une passerelle entre Paris et Tokyo. Bonus pour la boussole : les produits sont fabriqués aux États-Unis, convoquant, de fait, l’un des meilleurs savoir-faire pour le travail du cuir et de la toile.


DRIFTER X BWGH Lovingly eyeing the land of the yankee, BWGH also draws from Japan, holding it in high esteem with inspiration full of emotion. Among the brand’s connections in the country of the rising sun is Drifter, a recognized Tokyo label. Now both brands are offering a collection of backpacks and tote bags, to bridge the gap between Paris and Tokyo. And for the bonus: the products are made in the United States, summoning the best know-how to work the leather and canvas.


TYPOLOGY OF « Personne ne se méfie des gens en kilt », voilà l’argument des héros de La Part des anges, le dernier film du réalisateur britannique Ken Loach, pour revêtir la jupette à carreaux avant de dérober un précieux whisky. Et pour cause, le kilt, habit traditionnel des clans écossais depuis le XVIe siècle s’affiche d’abord comme un hommage aux traditions. Son port, interdit au XVIIIe siècle, est longtemps resté l’apanage d’une minorité. Pourtant, depuis près d’un siècle et le mouvement dit de la « Renaissance Celte », le vêtement a entamé un retour en grâce. Chez les Écossais, puis auprès des défricheurs de tendances. Aujourd’hui, les règles ont changées et plus grand-monde ne porte la jupette sans dessous. Le kilt a été détourné — on peut même trouver des string kilts — et chacun possède sa façon d’arborer la jupe écossaise. Des militaires aux grands pontes de la mode, des chanteurs de hard rock aux supporters de rugby, passage en revue des différentes manières de revêtir le kilt en toute classe. Ou pas.

HOW TO WEAR A KILT NOWADAYS

“Nobody is suspicious of people in kilts”, that’s the logic of the heroes in The Angels’ Share, the latest film by British director Ken Loach, donning the plaid skirts before stealing a precious whiskey. And because, the kilt, the traditional dress of Scottish clans since the sixteenth century comes across as reverence for tradition. Wearing one, which was prohibited during the eighteenth century, has long been confined to a minority. Yet, for nearly a century, due to the movement known as the “Celtic Renaissance,” the garment has started to make a comeback. First in Scotland, then with trendsetters. Today, the rules have changed and people are even wearing the skirt without underwear beneath. The kilt has been appropriated - you can even find G-string kilts - and everyone wears the Scottish skirt their own way. From military men to fashion big shots, hard rock singers to rugby fans, check out the different ways of wearing a kilt for any occasion. Or not.


LE RÉGLEMENTAIRE Sans aucun doute la manière la moins fun de porter le kilt. Peu importe, puisque les principaux concernés ne sont pas là pour rigoler. Eux, ce sont les militaires des régiments écossais de l’armée britannique et certains corps de police, notamment à Boston, aux ÉtatsUnis, berceau d’immigration irlandaise et écossaise au XIXe siècle. On les aperçoit souvent dans les polars américains type La nuit nous appartient, Les Infiltrés ou Mystic River, généralement cornemuse en bouche, à l’arrière d’un cortège funéraire. C’est également à cette catégorie qu’est affilié le duc d’Edimbourg, alias le prince Philip, toujours kilted lors des cérémonies officielles. Ici, pas question de plaisanter avec les us. Le kilt est porté taille haute, avec la ceinture en cuir, le sporan – la poche ventrale –, les ghillie brogues – les chaussures tradi – et de grandes chaussettes écrues. Le tartan, motif à carreau qui orne le kilt, change selon le régiment. Pattern sombre bleu et vert, le Black Watch, porté par le régiment écossais du Canada, est l’un des plus connus à travers le monde.

THE REGIMENTAL KILT Undoubtedly the least fun way to wear the kilt. No matter, since the primary concern is not to laugh. They are the Scottish military regiments of the British Army and certain police forces, particularly in Boston in the United States, the cradle of Irish and Scottish immigration during the nineteenth century. They are often seen in American crime thrillers such as We Own the Night, The Departed, and Mystic River, generally a bagpipe in mouth, at the back of a funeral procession. Also affiliated with this category is the Duke of Edinburgh, aka Prince Philip, who is always kilted at official ceremonies. This is not a matter of joking about customs. The kilt is worn high-waisted, with a leather belt, a sporran-the front pouch-, ghillie brogues - the traditional shoes-, and large off-white socks. The tartan, the plaid pattern that adorns the kilt, varies depending on the regiment. The dark blue and green pattern, Black Watch, worn by the Canadian Scottish Regiment, is one of the most well known in the world.


LE KILT DE SOIRÉE

THE EVENING KILT

Avec le temps, il est devenu classe de porter le kilt dans les soirées mondaines. La jupette, autrefois portée avec une chemise blanche et une veste, devient une alternative au pantalon de smoking. Évidemment, on voit rarement des étrangers porter la jupe. Elle reste largement l’apanage des personnalités d’origine écossaise. Si certains aspects de la tradition disparaissent – les chaussures et le sporan notamment –, l’essentiel est sauf : Ewan McGregor affirme être toujours nu sous son kilt. L’acteur écossais perpétue aussi la tradition en arborant un seul et unique tartan, celui du clan McGregor, une illustre famille des Highlands. Car, à l’origine chaque clan possédait un tartan distinctif. Autre adepte, James McAvoy, le professeur Xavier du dernier X-Men, sort régulièrement le kilt pour les grandes occasions, assorti d’un tee-shirt noir et de grosses chaussures de rando.

Over time, it has become classy to wear kilts in social gatherings. The skirt, worn with a white shirt and jacket, has become an alternative to tuxedo pants. Of course, you rarely see foreigners wearing the skirt. It remains largely confined to prominent Scottish figures. While some aspects of the tradition have disappeared – the shoes and the sporran in particular - the bottom line is: Ewan McGregor claims he is always naked under his kilt. The Scottish actor also continues the tradition by wearing one and only one tartan, the one of the Clan McGregor, an illustrious family of the Highlands. Since originally, each clan had their own distinctive tartan. Another fan, James McAvoy, Professor Xavier in the last X-men, regularly wears the kilt for special occasions, along with a black t-shirt and big hiking boots.

LA TENUE DE SCÈNE

STAGE ATTIRE

Des artistes, surtout dans le punk et le hard rock, se sont appropriés le kilt. Parfois pour marquer leurs origines celtes, parfois par goût du travestissement, en l’associant à la panoplie complète du bon hardeux. Alice Cooper fut, par exemple, l’un des premiers, pendant ses concerts dans les années 1980. Ici, la jupette à carreaux est maltraitée, associée aux clous, aux tatouages, aux boots et au maquillage à outrance. Sur ce créneau, le leader du groupe hardcore Korn s'affiche et s'impose comme le meilleur des ambassadeurs. Le bonhomme en a carrément une penderie pleine, pas toujours du meilleur goût. Du cuir, du motif camouflage, du traditionnel à carreaux et même le kilt Adidas associé à une veste de sport de la même marque dans le clip de « Freak on a leash ». Ajoutez à ça les cheveux longs, les piercings et la bonne paire de Stan Smith blanche, et vous obtenez LE look néo-metal des années 1990. Curieusement, la passion du kilt a même récemment infiltré la scène hip hop. Pendant la tournée de Watch the Throne, Kanye West sortait la jupe en cuir noir portée sur… un pantalon en cuir. Pourquoi pas.

Artists, especially in punk and hard rock, have appropriated the kilt. Sometimes to mark their Celtic origins, sometimes for a taste of cross-dressing, associating it with the panoply of a good rocker. Alice Cooper was one of the first, during his concerts in the 1980s. The plaid skirt abused in this instance, coupled with nails, tattoos, boots, and excessive makeup. The greatest ambassador of kilts, however, remains Jonathan Davis, the leader of hardcore band Korn. The guy’s closet is full of them, not always with good taste. Leather, camouflage, traditional plaid, and even an Adidas one with a matching sports jacket, seen in the video for “Freak on a leash.” Add to that the long hair, piercings, and a good pair of white Stan Smith’s, and you get THE new metal look of the 1990s. Curiously, the passion for the kilt has recently even infiltrated the hip hop scene. During the Watch the Throne tour, Kanye West adorned himself with the skirt in black leather worn over ... leather pants. Why not.


LE MODEUX

FASHONISTAS

Non, Marc Jacobs, n’est pas le premier à avoir remis le kilt au goût du jour. Déjà en 1966, le couturier français Jacques Esterel choquait les mœurs en présentant la jupe pour homme, inspirée du kilt, mais plus longue et cintrée. Un de ses élèves, Jean-Paul Gaultier, réintroduit l’idée dans les années 1980. Chez ce dernier, le kilt retrouve ses lettres de noblesse : court, à carreaux, avec une légère ceinture en cuir. Sur les podiums, ses mannequins l’arborent fièrement avec un tee-shirt flashy et un petit veston. Marc Jacobs, qui porte le kilt en toute circonstance, l’associe, lui, à une chemise blanche ouverte, des mocassins ou des sandales. Ici, les carreaux disparaissent, les matières changent, délaissant la laine pour la flanelle ou le cuir. Le kilt est plus cintré, moins plissé, pour un look beaucoup plus décontracté.

No, Marc Jacobs was not the first to bring the kilt up to date. In 1966, the French fashion designer Jacques Esterel broke conventions by presenting a skirt for men, inspired by the kilt, but long and tailored. One of his students, Jean-Paul Gaultier, reintroduced the idea in the 1980s. For the latter, the kilt reclaimed its former glory: short, plaid, with a small leather belt. On the catwalk, his models wore it nobly with flashy t-shirts and light jackets. Marc Jacobs, who wears a kilt on all occasions, considers it like an unbuttoned white shirt, loafers, or sandals. In this instance, the plaid disappears and the materials change, wool is replaced by leather or flannel. The kilt is more tailored, less pleated, for a more casual look.

LE SPORTWEAR

SPORTWEAR

Le kilt adapté au sport, c’est possible. Des marques comme Sportkilt en ont même fait leur business, preuve que la demande existe. Pour les Highland Games, ces jeux organisés entre Celtes, le port du kilt est par exemple obligatoire. On abandonne ici l’épaisse laine pour des microfibres absorbantes. On garde le tartan mais on délaisse, là encore, le sporan. Le kilt est alors porté avec tee-shirt et chaussures à crampons, histoire d’être plus à l’aise pour l’épreuve du retourné de tronc d’arbre – un homme doit parvenir à retourner un tronc d’arbre haut de six mètres – ou pour le tir à la corde. C’est aussi le style adopté par les supporters, principalement au rugby. Ils associent en général le kilt sportwear au maillot du XV du Chardon et à une paire de chaussures de randonnée, chaussettes roulées. Le look indispensable pour chanter et descendre les pintes de bières. Certains poussent même le vice plus loin avec un kilt à l’effigie de leur club. À Glasgow, des supporters sortent de temps en temps la jupette rayée blanche et verte aux couleurs du club de football du Celtic. Et l’on dit qu’il n’y a rien en dessous.

Kilts adapted for sports, it’s possible. Brands like Sportkilt have even made it their business, proof that there’s a demand. For the Highland Games, the games held between Celts, wearing the kilt is required. Here, thick wool is abandoned for absorbent microfiber. Tartan is kept, but the sporran is dropped once again. The kilt is worn with a t-shirt and cleats, just to be more comfortable for the tree trunk test - a man manage to bring back a tree trunk six meters high- or the tug of war. It’s also a style adopted by fans, mainly of rugby. They usually combine the sportswear kilt with the 15 jersey of Scotland Club XV and a pair of hiking boots, socks rolled up. The essential look for singing and downing pints of beer. Some even push the vice further with a kilt bearing the logo of their club. In Glasgow, fans occasionally wear the skirt in white and green stripes, the colors of Celtic Football Club. And they say that there’s nothing underneath.


BY PAUL ARNAUD & VINCENT DESAILLY

STONEHAVEN

STYLING DAVID OBADIA & YVANE JACOB
























SAINT PETER À 82 ans, Pierre Bergé est un homme multi facettes. Il porte en héritage tout un pan de la mode française. Rencontre avec un homme qui vit pourtant résolument dans le présent.

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ierre Bergé est une figure incontestable de la mode « Made in France », un phare au sein d’une industrie qu’il n’a par ailleurs cessé de scruter depuis plus de cinquante ans. Bergé a longtemps été associé à Yves Saint Laurent, amant d’une vie et raison de vivre professionnelle. Bergé l’aura aidé – financièrement et moralement – à lancer sa maison. Tout au long de sa carrière, il aura été aux côtés du célèbre créateur, à distiller ses précieux conseils, à tenir la maison en fait. Aujourd’hui, cet homme élégant de 82 ans reste plus que jamais le garant de sa mémoire. Mais le réduire à cela serait une erreur. Pierre Bergé est aussi un homme d’influence qui a souvent eu l’oreille des présidents de la France au cours des trente dernières années. Son acquisition du journal Le Monde en 2010, probablement le plus prestigieux en France, témoigne encore aujourd’hui de ce poids. Et que dire de la mode. En plus d’avoir présidé la Chambre syndicale des Couturiers et Créateurs de mode en France, Pierre Bergé restera aussi le créateur de l’Institut Français de la Mode. Mais cet entrepreneur et mécène ne voit pas la fashion comme un art. Pour lui, cette pratique se conçoit avant tout comme un dialogue entre les créateurs et la société, un medium qui doit sans cesse s’adapter à une époque qui va vite. Plus de cinquante ans après son éclosion, sa parole est toujours précieuse. Depuis la disparition d’Yves Saint Laurent en 2008, vous avez clairement pris vos distances avec le monde de la mode. Pourquoi ? Pour Saint Laurent, la mode était une chose très sérieuse. Il avait une doxa absolue : un vêtement doit être porté. Et une autre de ses

règles était que l’on devait vendre tout ce que l’on montrait et montrer tout ce que l’on vendait. Il n’y a jamais eu de vêtements qui ont été fait uniquement pour la presse et qu’on ne mettait pas en vente ; il n’y a jamais eu non plus de vêtements confectionnés pour des collections parallèles destinées à certaines clientes et que l’on ne montrait pas. Or, aujourd’hui, c’est comme cela que ça se passe. Toutes ces choses mises bout à bout font que ce métier s’est perverti. L’ambiance de la mode d’aujourd’hui n’est pas la mienne. Mais cela ne veut pas dire que je ne me reconnais plus dedans, cela ne veut pas dire que j’ai perdu pied. Ne croyez pas que je ne reconnaisse pas le Nord du Sud – je n’ai pas perdu le nord. Disons juste que ça ne m’intéresse plus. On a l’impression que, selon vous, la mode croule aujourd’hui sous un amas de fioritures… Oui, c’est ça. J’ai connu la mode comme un métier de rigueur et d’exigence. Aujourd’hui, ce sont beaucoup d’amateurs qui évoluent dans ce métier. De plus, si nous parlons de la haute couture stricto sensu, il s’agissait d’un métier qui voulait dire quelque chose, avec de vraies clientes qui subissaient plusieurs essayages, qui payaient fort cher et qui attendaient des semaines, voire des mois, pour avoir une robe. Tout ça n’existe plus… Aujourd’hui, il n’y a plus que du show et l’hystérie qui va avec. Le vêtement est devenu accessoire ; on ne parle plus de mode. C’est comme si l’on faisait plus attention au paquet cadeau qu’au cadeau lui-même. Mais je dois sûrement avoir ma part de responsabilité là-dedans. J’ai fait partie de ce show. Vous dites souvent que la mode est faite par des couturiers et non par des créateurs. Pourquoi ? Le mot « créateur » est ridicule, on en abuse ; tout le monde se dit créateur aujourd’hui.

At 82 years old, Pierre Bergé remains a multi-faceted man. His shoulders bear the memory of an essential fragment of French fashion. Meeting with a man very much anchored in the present.

P

ierre Bergé is an incontestable centerpiece of the “Made in France” fashion landscape, a lighthouse in an industry that he oversaw for more than fifty years. Bergé was for long associated to Yves Saint Laurent, both the lover of his lifetime and his professional raison d’être. Bergé helped him, both financially and morally, to open his fashion house. During his entire career, Bergé remained at the famous creator’s side, exuding precious advice and actually holding the house together. Today, this elegant 82-year-old remains, more than ever, the guardian of Yves Saint Laurent’s legacy. But it would be a mistake to reduce him to only that. Pierre Bergé is a man of incredible influence, who whispered advice in the ear of most French presidents during the last thirty years. His purchase of the newspaper Le Monde in 2010, probably the most prestigious in France, further demonstrates his weight in modern politics. And then, of course, there is fashion. After having presided over the Chambre syndicale de couturiers et créateurs de mode en France, Pierre Bergé created the French Institute of Fashion. But this entrepreneur and sponsor does not see fashion as an art. For him, it can first and foremost be conceived as a discussion between designers and society. It is a medium that must constantly adapt itself to a fast-paced era. Fifty years after French fashion started blossoming, Bergé’s words are more precious than ever. Since Yves Saint Laurent left us in 2008, you clearly distanced yourself from the world of fashion. Why? For Saint Laurent, fashion was

a very serious thing. He had an absolute doxa: clothing has to be worn. Another of his rules is that we had to sell everything that we showed and show everything that we sold. There never were any clothes made only for the press and that were not sold afterwards; nor were there any clothes conceived for parallel collections aimed for certain clients and that were not showcased. However today, this is how fashion operates. All these changes accumulate and perverted the field. The atmosphere of fashion today is not mine. It doesn’t mean that I don’t recognize myself in it, it does not mean that I lost track. Don’t think that I can’t distinguish North from South – I did not go mad. But let’s just say that fashion does not interest me anymore. It feels like, for you, fashion is collapsing under piles of flourish… Yes, that’s it. I knew fashion as a field of rigor and exigence. Today, many amateurs operate in this world. Moreover, if we’re speaking of haute couture stricto sensu, it used to be a field that meant something, with real clients who would endure several fittings, would pay a lot of money and would wait for weeks, sometimes months, to get a dress. This does not exist anymore… Today it is only a show with the hysteria that goes with it. Clothing has become a mere accessory; no one talks about fashion. It is exactly as if we paid more attention to the wrapping paper than to the gift itself. But I probably am responsible for that in some way. I was a part of that show. You often say that fashion is made by couturiers and not by designers. Why? The word “designer” is ridiculous, we abuse of it; everyone calls him/herself an inventor today.


Mais le couturier crée quelque chose et c’est en cela qu’il est créateur, non ? Mais il n’y a pas de couturiers non plus ! Ce mot-là s’applique à la haute couture. Le souci, c’est qu’il n’y a plus de haute couture... Enfin, il y a deux maisons qui font aujourd’hui semblant d’en faire : Chanel et Dior.

« LA HAUTE COUTURE STRICTO SENSU N’EXISTE PLUS. AUJOURD’HUI, IL N’Y A PLUS QUE DU SHOW ET L’HYSTÉRIE QUI VA AVEC »

Deux maisons qui ont également pénétré le terrain social, selon vous… Givenchy, Madame Grès, Dior, Balenciaga, qui vous voulez, voilà des couturiers qui ont fait des vêtements merveilleux mais qui ont en commun d’avoir campé sur leur panthéon esthétique. Seuls Chanel et YSL ont quitté cela pour pénétrer sur le territoire social, effectivement. Ces deux couturiers faisaient de la mode pour rassurer les femmes. Ils ont travaillé pour des femmes de leur temps, des femmes actives qui conduisent leur voiture, montent dans des trains et des avions, des femmes indépendantes. YSL a voulu accompagner son époque, le bouleversement de la condition des femmes en général, la conquête de ces dernières pour l’IVG, la parité en politique. YSL a déclaré un jour que si « la mode ne devait consister qu’à habiller des femmes riches, ce serait bien triste. » C’est une phrase capitale. Mais ces fameuses femmes riches n’étaient-elles pas le principal public d’Yves Saint Laurent, justement ? Il ne travaillait pas vraiment pour la femme de la rue... Je ne suis pas d’accord avec vous. Du tout. Il n’y a pas besoin de porter pour aimer, il n’y a pas besoin de porter pour revendiquer. Je pense que le passage – qui n’est pas androgyne – du masculin au féminin chez Saint Laurent est un passage qui a

été suivi par toutes les femmes jusqu’à aujourd’hui. Vous, vous pensez que les femmes de la rue ne portent pas de Saint Laurent parce qu’elles ne peuvent pas s’en offrir. Moi, je vous parle de changement social. YSL a adapté pour les femmes le pantalon, le caban, le trench-coat, le costume et même le smoking. La femme de la rue porte du Saint Laurent sans le savoir. Je croise les doigts pour que les couturiers de demain continuent de dialoguer avec la rue. Il faut à tout prix arrêter avec cette idée du créateur enfermé dans sa tour d’ivoire, qui vit avec ses fantasmes. Il faut faire de la mode pour les femmes d’aujourd’hui ! La mode se conjugue au présent ! Dans les années 1960, j’ai connu deux couturiers – Courrèges et Cardin – qui faisaient de la mode pour l’an 2000 et il y a un tas d’imbéciles qui trouvaient ça formidable. C’était une mode absurde ! Si vous voyez aujourd’hui des femmes habillées en Courrèges et Cardin, vous m’appellerez pour que je voie un peu à quoi ça ressemble. Plus aucune femme ne porte de petites bottes blanches en vinyle, de nos jours… Et c’est pareil pour ceux qui pensent au passé. Rappelez-vous ce pauvre John Galliano qui faisait des robes à tournures comme si on vivait encore au temps de Napoléon III : je me demande très sérieusement comment des journalistes de mode ont pu rendre compte de ça sans se demander à quoi ces vêtement pouvaientils bien servir. C’est peut-être beau mais ça sert à quoi ? Arrêtons ce bidon ! Je vous l’ai dit, il y a une doxa dans ce métier : il faut que le vêtement se porte ! Heureusement, aujourd’hui les gens ne veulent plus forcément être à la mode, ils ne suivent plus les délires des couturiers. Il n’y a plus que quelques femmes, russes généralement, blingbling et vulgaires souvent, qui se plient encore à ces diktats. À propos des femmes, ces dernières investissent aujourd’hui de plus en plus le terrain politique. Que pensez-vous des débats réguliers autour du style des femmes politiques ? Saint Laurent savait qu’il ne pouvait pas donner du goût aux gens. Pour lui, tout était affaire de style, d’allure. C’est pour cela qu’il créait des vêtements qui ne dépendaient ni de la géographie, ni de la saison,

But the couturier is creating something and in this he is an designer, no? But there aren’t couturiers anymore! This word applies only to haute couture. The problem, is that there is no more haute couture… Well, there are two houses that pretend they do it: Chanel and Dior. These two brands also penetrated the social world, according to you… Givenchy, Madame Grès, Dior, Balenciaga, whoever, here are designers that made marvelous clothes but that share the fact that they did not budge from their aesthetic pantheon. Only Chanel and YSL left it to penetrate the social environment effectively. These two designers made fashion to reassure women. They worked for women of their time, for active women who are driving their car, going in trains and planes, independent women. YSL wanted to accompany his era, the revolution in the condition of women in general, in their conquest for abortion, parity in politics. YSL declared one day that if “fashion only consisted in dressing rich women, it would be very sad.” That’s a crucial sentence.

“ HAUTE COUTURE STRICTO SENSU DOESN'T EXIST ANYMORE TODAY IT IS ONLY A SHOW WITH THE HYSTERIA THAT GOES WITH IT.”

But these famous rich women were precisely the principal public of Yves Saint Laurent? He didn’t exactly work for the woman in the street. I don’t agree with you. At all. There is no need to wear to love, there is no need to wear to demand. I think that the passage –which is not androgynous– of masculine to feminine for Saint Laurent is a passage that was followed by all women until today. You, you think that women in the streets do not wear any Saint Laurent because they can’t afford it.

I am speaking about social change. YSL adapted pants, the sailor’s jacket, trench-coats, suits and even the smoking jacket for women. The woman in the street wears Saint Laurent without knowing it. I am crossing my fingers that the designers of tomorrow continue their dialogue with the street. This idea of the creator stuck in his ivory tower living with his fantasies alone has to stop. We have to make fashion for people today! Fashion conjugates itself in the present! In the 1960s, I knew two designers – Courrèges and Cardin – who were making fashion for the year 2000 and many imbeciles thought it was fabulous. It was an absurd fashion! If you ever see today women dressed in Courrèges and Cardin, call me so that I can see what it looks like. No woman wears short white boots in vinyl anymore And it’s the same for those who think in the past. Remember how poor John Galliano made dresses as though we were still living at the time of Napoleon III: I wonder very seriously how all these fashionable journalists were able to report this without asking which usage these clothes could ever serve. It might be pretty but what use does it have? Let us stop this nonsense! I told you, there is a doxa in this field: clothing has to be wearable! Thankfully, today people do not necessarily want to be fashionable, they are not following the delirium of designers. Only a few women, Russian generally, bling bling and often vulgar, are still following these diktats. As for women, they are gaining more and more ground on the political scene. What do you think about the regular debates surrounding the style of women in politics? Saint Laurent knew he could not give people good taste. For him, everything was a question of style, of allure. This is why he created clothes that did not depend on geography or on season, but that could be useful on every occasion. The question is not to wear a dress or a jean, when you are minister or deputy, but how to wear this jean, what you associate it with. It is not necessary to put on a pant-suit, there has to be adequacy in your final outfit. I am a bit sad to see how people are


mais qui pouvait servir en toute occasion. La question n’est pas de porter une robe, ou un jean, quand on est ministre ou député(e), mais comment on porte ce jean, avec quoi on l’associe. Il ne suffit pas de mettre un tailleur-pantalon, il faut toute une adéquation dans la tenue finale. Je suis un peu triste de voir comment les gens sont habillés de nos jours. La notion de style n’est plus la plus importante, visiblement… Quand on met un vêtement, il faut se sentir en confiance dedans, se sentir rassuré et protégé par lui. Et se dire « ma tenue est adaptée à la situation ». D’où vient votre sensibilité pour la mode ? De ma rencontre avec Saint Laurent, pardi ! Avant cela, il n’y avait rien. La preuve : j’ai côtoyé Christian Dior avant de rencontrer Yves et, pourtant, je n’ai jamais vu une de ses collections. Pour moi, la mode était une affaire de gens riches qui s’achetaient des vêtements et les couturiers m’apparaissaient comme des types qui mélangeaient du bleu et du rouge avec plus ou moins de bonheur. Mais je n’étais pas le seul dans ce cas. Il y a cinquante ans, la mode n’avait pas l’importance qu’elle a aujourd’hui. A l’époque, on s’en foutait. Il a donc fallu ma rencontre et ma vie avec Yves pour que je comprenne que ça allait plus loin, que c’était autre chose. Comment avez-vous rencontré Saint Laurent ? Je suis tombé amoureux de lui, voilà tout. Vous savez, j’aurais pu mal tomber – on a le droit d’aimer n’importe qui. Nous nous sommes croisés – sans que nous nous soyons présentés – pour la première fois en 1957 à l’enterrement de Christian Dior dont il avait été l’assistant pendant deux ans. Puis nous nous sommes retrouvés au moment où il a présenté sa première collection pour Dior – collection à laquelle je n’ai rien compris, d’ailleurs. J’ai juste senti qu’il se passait quelque chose de particulier, comme un événement. Je suis donc allé le voir pour le féliciter comme j’aurais pu dire n’importe quoi à n’importe qui. Je dis toujours que, ce jour-là, Saint Laurent a rencontré et la gloire et Pierre Bergé. Je ne sais pas ce qui a été le plus difficile à porter pour lui. Quelques jours après, une journaliste du magazine new-yorkais Harper’s

Bazar organisait un petit dîner auquel elle avait convié cinq personnes dont Yves et moi...

« YSL A TRAVAILLÉ POUR DES FEMMES DE LEUR TEMPS, DES FEMMES ACTIVES QUI CONDUISENT LEUR VOITURE, MONTENT DANS DES TRAINS ET DES AVIONS, DES FEMMES INDÉPENDANTES »

Comment monte-t-on une maison de mode au début des années 1960 ? A cette époque-là, je vivais avec Saint Laurent. En 1960, il est embarqué au Val de Grâce après avoir refusé de faire son service militaire. Rappelons qu’à ce moment, le propriétaire de Christian Dior, Marcel Boussac, était également le patron du quotidien tendance Algérie française L’Aurore. Boussac a donc fait virer Saint Laurent illico. C’est moi qui ai été chargé de lui porter la nouvelle au Val de Grâce. Après lui avoir dit, Saint Laurent a marqué un temps d’arrêt, puis a lâché : « Tu sais, il ne nous reste pas grand-chose à faire. Montons une maison. » J’ai répondu : « Absolument ! » Tout simplement. J’ai donc passé toute l’année 1961 à essayer de trouver de l’argent. En fait, je connaissais tellement de personnes qui avaient réussi dans les affaires et qui ne m’impressionnaient pas du tout, que je me suis dis que cela ne devait pas être plus difficile qu’autre chose. Ce que je continue de penser aujourd’hui. Et comment gère-t-on une maison comme Saint Laurent ? Je suis un homme de gauche. Et contrairement à ce que beaucoup pensent, il existe une gestion de gauche et une gestion de droite. Je n’ai jamais eu de conflit social en quarante ans, pas une seule minute de grève, personne n’a jamais franchi la porte de mon bureau pour me demander une augmentation. Et puis j’ai renoncé au treizième mois. Il me semblait que cela accusait les disparités. Cela aurait fait gagner

dressed these days. The notion of style does not have the same importance, clearly… When you put on a piece of clothing, you have to feel confident in it, reassured and protected by it. And tell yourself: “my outfit is adapted to the situation.” Where does your sensitivity to fashion come from? From my meeting with Saint Laurent, of course! Before this there was nothing. The proof is that I frequented Christian Dior before meeting Saint Laurent and yet I had never seen one of his collections. For me fashion was an affair among rich people who bought clothes for themselves and designers seemed to me like people who mixed blue and read with more or less luck. But I was not the only one in that situation. Fifty years ago, fashion didn’t have the importance that it has today. At that time, we didn’t care. My meeting and my life with Saint Laurent was necessary for me to realize that fashion went beyond that, that it was something else. How did you meet Saint Laurent? I fell in love with Saint Laurent, that’s all. You know, I could have been unlucky – we have the right to love anyone. We ran into one another – without having been introduced – for the first time in 1957 at the funeral of Christian Dior of whom he was the assistant for two years. Then we found each other at the moment where he presented his first collection for Dior – collection to which I understood nothing, actually. I just felt that something particular happened in it, like an event. I went to see him to congratulate him, I could have said anything to anyone. I always say that, that day, Saint Laurent met glory and glory met Pierre Bergé. I don’t know what was hardest to bear for him. A few days after, a journalist of the New York magazine Harper’s Bazar organized a little diner to which she invited five persons including Yves and I… How did one set up a fashion house at the beginning of the 1960’s? At this time, I was living with Saint Laurent. In 1960, he was taken at the Val de Grâce after having refused to do his military service. Let us remember that at

this time, the owner of Christian Dior, Marcel Boussac, was also the head of the for French Algeria, L’Aurore. Boussac had Saint Laurent fired immediately. I decided to bring him the news at the Val de Grâce. After I had told him, Saint Laurent paused for a moment, then said “you know, there is not much we can do. Let’s set up a fashion house.” I answered “absolutely.” Very simply. I therefore spent all of 1961 trying to find money. I knew so many people who had succeeded in business and who didn’t impress me at all, that I told myself that finding money was probably not harder than anything else. Which I continue to think today. And how do you manage a house like Saint Laurent ? I am a leftist. And contrarily to what many think, there is management of the left and management of the right. I never had one social conflict in forty years, not one minute of strike, no one ever came to my office to ask for a raise. And then I renounced the thirteenth month. It seemed to me that it enhanced disparities. It would have raised the salaries of senior executives and I but would not have benefited workers. I decided to take the salary of the best paid worker and transform it into a bonus to be distributed to everyone working in the company, from Saint Laurent to the doorman. Most of the people who started working for us when we created the house stayed till the end.

“YSL WORKED FOR WOMEN OF THEIR TIME, FOR ACTIVE WOMEN WHO ARE DRIVING THEIR CAR, GOING IN TRAINS AND PLANES, INDEPENDENT WOMEN.”

Could you launch a fashion house alone? What is the viability of an independent brand today? It’s impossible to launch yourself independently these days.


beaucoup d’argent aux cadres et à moi et pas beaucoup aux ouvrières et aux ouvriers. J’ai donc décidé de prendre le salaire de l’ouvrière la mieux payée et de le transformer en prime pour la donner à tous les employés de la maison, de Saint Laurent au portier. Les gens qui sont rentrés chez nous à la création de la maison sont restés jusqu’au bout pour la plupart. Pourriez-vous remonter une maison tout seul ? Quelle est la viabilité d’une enseigne indépendante aujourd’hui ? C’est impossible de se lancer en indépendant de nos jours. Les investissements seraient trop lourds pour être assumés et les retours sur investissement tarderaient trop à venir. En clair, la mode stricto sensu, c’est-à-dire le vêtement, ne rapporte pas assez d’argent. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’ouvrir une maison, il faut autre chose en plus, il faut faire des parfums, des cravates. Et sur ce créneau, le seul moyen d’exister reste de faire partie de grands groupes. Normal alors que ces derniers aient mis la main sur le marché. Les dernières petites maisons existantes sont comme des bouchers de province : tôt ou tard, elles seront rattachées aux supermarchés, c’est-à-dire les grands groupes. Ces fameux grands groupes ont vampirisé la mode, en quelque sorte… Ils ont un monopole, c’est clair. Ce qui m’attriste, c’est que ces grosses holdings ont très souvent une démarche commerciale et se foutent de l’esprit des maisons. La mode va de plus en plus tendre vers un modèle façon Zara, avec des circuits de production courts au bout desquels les prix s’ajustent facilement. Tout ça est très industriel. Et le pire, c’est que la presse joue également ce jeu-là. Aujourd’hui, les médias sont aux ordres de ces grands groupes, ils rendent toujours compte de leurs collections mêmes si ces dernières ne le méritent pas. Il y a tellement de publicité et donc d’argent en jeu… Avant, les choses ne se passaient pas comme ça. Vogue France a par exemple consacré sa couverture à Saint Laurent dès sa troisième collection. À cette époque, nous n’avions pas une licence et nous n’avions jamais dépensé un sou pour la publicité. Jamais. Aujourd’hui, je

défie qui que ce soit de me dire qu’un inconnu qui n’a pas un franc puisse obtenir une telle exposition dès sa troisième saison. Je serais tellement heureux qu’on me fasse mentir, pour le coup. J’attends avec impatience la journaliste mode qui s’emballera pour un jeune couturier au point de lui consacrer quatre ou cinq pages dans sa publication. Enfin, quand on descend dans la rue, on observe bien des tendances qui dessinent un vestiaire masculin. Prenez par exemple ce qu’on appelle le streetwear, cette panoplie très relâchée dont le milieu hip hop est le porte-étendard… Mais on parle ici d’une poignée de gens. Des happy few… ou des unhappy few, comme vous voulez. Au final, la majorité des hommes se fringuent en costume-cravate, on en est toujours là. Pas vous aujourd’hui, mais si vous allez ailleurs, vous serez comme ça. Mais il y a quand même quelque chose au-delà du simple combo costume-cravate, non ? Il y a tout, il y a ce que l’on veut, mais ce n’est pas de la mode. Qu’est-ce que c’est, alors ? La liberté. Les gens font ce qu’ils veulent, c’est très bien, non ? Moi, je ne vois pas de tendances particulières – si vous, vous les voyez, c’est votre problème. Les garçons que j’observe, je les trouve plutôt détachés de la mode. Mais, de toute façon, j’ai compris depuis longtemps que l’habit ne faisait pas le moine, que tout ça ne voulait plus rien dire. Je m’en fous. Le meilleur exemple dans le genre, c’est Alber Elbaz : voilà un type qui fait de la mode mais qui est habillé façon « décrochez-moi ça ». Vous avez déjà vu Alber Elbaz ? C’est rien du tout. Enfin, il s’habille comme il veut et c’est très bien comme ça. Au final, je dirais que la mode masculine n’existe pas vraiment. Disons qu’il y a juste des consommateurs qui se retrouvent dans certains vêtements.

Investments would be too heavy to handle and the return on investment would take too much time to come. In clear, fashion stricto sensu, that is clothing itself, does not bring enough money. Today, you can’t simply open a house, you have to do more, you have to do perfumes, ties. And on this plane, the only way to exist is to belong to a big financial group. It’s normal that the latter put their hand on the market. The last small houses that exist are like country butchers: sooner or later, they will be attached to supermarkets, that is, to big groups. These big groups therefore sucked the blood out of fashion, in a way… They have a monopoly, it’s clear. What saddens me, is that these big holdings very often have a commercial approach and don’t give a damn about the spirit of different fashion houses. Fashion is tending towards the Zara model, with very short production cycles to which prices adjust themselves very easily. All this is very industrial. And the worse, is that the press is also playing that game. Today the media is directed by these big groups, they always give overviews of their collections even though they don’t deserve it. There is so much advertising and money at play… Before, things did not happen that way. Vogue France for instance dedicated its cover to Saint Laurent since its third collection. At this time, we didn’t have a license and we had not spent a dime for advertising. Never. Today, I dare anyone to tell me that a nobody without a single franc could obtain such an exposure after its third season. I would be so happy to be mistaken, for that matter. I am awaiting with impatience for a fashion journalist to get carried away with a young designer and actually dedicate four or five pages to him/her in a publication. Well, when you go in the street, you can still see trends that are tracing a masculine style. Take for instance what we call streetwear, these very loose outfits at the forefront of hip hop culture… But we’re speaking here of a handful of people. A happy few… or an unhappy few, as you

wish. In the end, the majority of men wear suits, we’re still at that stage. Not you today, but if you go somewhere else, you will be like this. But there still is something beyong the simple suit-tie combo, no ? There is everything, there is whatever you want, but it’s not fashion. What is it, then? Liberty. People do what they want, which is great, no? I don’t distinguish particular trends, personally if you see then, that’s your problem. I find the boys I observe very detached from fashion. But, in any case, I understood for a while now that clothes don’t make the man, that all this did not mean anything anymore. I don’t give a damn. The best example in this genre is Alber Elbaz: here is a guy who is making fashion but who is dressed in a very “take this down” way. Have you ever seen Alber Elbaz? It’s nothing at all. Anyway, he dresses however he wants and it's very good that way. In the end, I would say that a masculine fashion does not really exist. There are just consumers that find themselves in certain clothes…



PHOTOS BY ADRIEN LACHERÉ


ANTWERP FASHION ACADEMY : A LEGACY OF GOOD TASTE

À l’occasion des cinquante ans du département mode de l’Académie des beaux-arts d’Anvers, nous sommes allés faire un tour dans ce qui est devenu un incubateur reconnu des meilleurs talents de la mode mondiale.

LES SIX D'ANVERS

En l’espace d’une trentaine d’années, l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers et son département mode n nous avait donné une adresse se sont imposés comme une des tout au nord d’Anvers, dans la écoles les plus prestigieuses. Les zone du port. L’invitation mentioncandidats se pressent des cinq continait un entrepôt, le « Hangar 29 ». nents pour y rentrer. En réponse à Alors on avait traversé tout le centre une question sur la raison de son de cette ville paisible, on avait frayé choix académique, un élève eut une dans ses recoins mignons, et sans le réponse qui résume bien l’état d’esvoir arriver aussi, on s’était retrouprit général : « C’est simple, il n’y en a vés dans ses zones interlopes. Des que deux. C’était ça ou la Saint Martins filles à moitié nues, exposées un School à Londres. » Le poids du passé peu vulgairement dans des vitrines, n'y est pas pour rien. Au milieu des alpaguaient des types louches venus années 1980, six rejetons de l’acafaire leur marché. On avait encore démie, diplômés depuis quelques continué à marcher vers le nord penannées, ont l’idée de présenter leurs dant vingt minutes et enfin, on avait travaux ensemble. Dirk Bikkemtrouvé le fameux Hangar 29. Sur le bergs, Ann Demeulemeester, Dries quai éclairé par un soleil d’été qui Van Noten, Dirk Van Saene, Walter osait enfin dire son nom, on s’était Van Beirendonck et Marina Yee sont retrouvés plongés au milieu d’une encore des inconnus mais ils ne douce euphorie. Des jeunes filles doutent guère de leur talent. À une particulièrement bien apprêtées, et époque où Paris fait encore office des jeunes hommes qui ne l’étaient de centre européen d’une mode pas moins, riaient aux éclats. Ils tringlamour, élitiste et bourgeoise, les quaient avec d’immenses coupes baisix s’affranchissent de ce carcan. Ils gnées de Campari et d’eau gazeuse. proposent des vêtements contemAutour de cette jeunesse insouporains, teintés d’une vision radiciante, il y avait là aussi des gens qui calement distincte de ce qui se fait étaient venus faire leur marché. Mais alors. Afin d'imposer « leur vérité », attention, leur œil était nettement ils louent une camionnette qu’ils moins lubrique que les précédents. remplissent de leurs créations et Ils n’en voulaient aucunement à ces mettent le cap sur Londres ; on est jeunes gens légers. Employés par alors en 1988. Leurs pièces sont monles meilleures maisons de mode, ces trées à l’occasion du « British Design envoyés spéciaux s’étaient rendus Show ». Le succès est énorme. Les à Anvers pour dénicher les étoiles six comparses posent les bases d’une du design et de la mode de demain. nouvelle ère dans le design, priviléC’est qu’à l’intérieur du Hangar 29, giant des matériaux de qualité supéderrière un grand rideau, les élèves rieure tout en reniant les méthodes du département mode de l’École des de production de masse. La profesbeaux-arts d’Anvers organisaient sion salue la naissance de nouvelles les derniers préparatifs de leur étoiles. La presse, dithyrambique, grand défilé annuel. leur accole un surnom qui ne les quittera plus jamais : « Les six d’Anvers ». Fort de ce succès, les six compagnons se lancent dans des carrières solos. Ils ne tardent pas à investir les podiums parisiens, et tous défilent sous leur nom propre dans les années suivantes. Ce coup de poing à la vigueur horsnorme dans un milieu parfois sclérosé place Anvers sur la carte des places qui comptent. Cette brèche permet alors l’éclosion dans l’école d’autres monstres

O

For the fiftieth anniversary of the fashion department at the Royal Academy of Fine Arts in Antwerp, we explored the famed incubator of the fashion world’s top talent.

THE ANTWERP SIX

In span of thirty years, the fashion department of the Royal Academy of Fine Arts in Antwerp has become one of the most prestigious schools in the world. Candidates flock from five continents to gain admission. In response to a question about the reason behind his academic selection, a student replied with an answer that sums up the general mentality: “It’s simple, there are only two. It was here or Saint Martins School in London.” Understanding the hype that surrounds this school requires a little background. In the middle of the 1980s, six young offspring of the Academy, graduates of successive years, came up with the idea to join forces and present their work together. Dirk Bikkembergs, Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Walter Van Beirendonck and Marina Yee were still unknown, but they had few doubts about their talent. At a time when Paris still served as the European center of glamorous fashion, elitist and bourgeois, the six freed themselves from these constraints. They brought forth staunchly contemporary clothes, tinged with a radically different vision than what was being done at the time. Desperate to establish “their truth,” they rented a truck that they fill to the brim with their creations and set sail for London; it was 1988. They presented their pieces at the “British Design Show.” Their success was huge. The six associates set the stage for a new era in design, favoring high quality materials while rejecting the methods of mass production. The profession welcomed the birth of new stars. The laudatory press came up with a nickname that has not seemed to go away: “The Antwerp Six.” Following their success, the six companions embarked on solo careers. They were quick to besiege the Paris catwalk and they all marched under their own names in the following years. This unconventional upheaval in a sphere that can sometimes be rigid placed Antwerp on the map of places that count. It also brought a real breath of fresh air. The breach enabled the dawn of other brilliant giants from the same milieu, Veronique Branquinho, Ralf Simons, and Martin Margiela.

W

e were given an address in the north of Antwerp, in the port area. The invitation mentioned a warehouse, “Hangar 29.” So we crossed through the center of this quiet city, passed its cute nooks, and ended up in the city’s underworld. Half-naked girls, vulgarly displayed behind windows, collared by the sleazy men who came to check out the merchandise. We continued to walk north for twenty minutes before reaching the famous Hangar 29. On the dock lit by the summer sun that finally dared to emerge, we found ourselves in a state of mild euphoria. Exceptionally well-dressed young women, and young men who were no less, laughed gleefully. They clinked with huge cups full of Campari and soda. Surrounding these carefree youth were the people who had come to peruse their market. That being said, their looks were significantly less lustful than the previous. They didn’t desire these bright young people. Employed by the leading fashion houses, these special envoys had traveled to Antwerp to find the fashion and design stars of tomorrow. Inside Hangar 29, behind a large curtain, fashion students from the Royal Academy of Fine Arts were making their final preparations for the big annual show.

PHOTO BY ADRIEN LACHERÉ


sacrés du milieu, de Véronique Branquinho à Ralf Simons en passant par Martin Margiela. Un pan d’histoire de la mode s’était écrit. Anvers était devenue une ville qui compte. DE LA RIGUEUR Vingt-cinq ans après cette démonstration de force, l’engagement semble toujours le même. Dans un mélange de rigueur et de complicité, les professeurs de l’académie anversoise s’évertuent entre la première et la quatrième année à faire évoluer le talent de leurs jeunes pousses. Walter Van Beirendonck, l’un des six, devenu depuis directeur et professeur de l’école, le répète à longueur d’interview. « Nous mettons toute notre énergie à faire en sorte que les étudiants expriment leur personnalité, la spécificité de leur créativité, leur signature propre. De la première à la quatrième année, nous les guidons et les talonnons à la fois. Ils ont le devoir et la liberté de chercher, de travailler, de creuser leur propre talent, de se confronter à eux-mêmes. » Le son de cloche est le même chez Katarina Van Den Bossche, professeur au sein de l’académie depuis huit ans : « Il y a beaucoup de respect entre les professeurs et les élèves. Nous les stimulons énormément. On attend beaucoup d’eux. On leur demande d’être créatif, de travailler tous les jours, parce qu’on sait que ça paie à la fin. » Chez les élèves, on ne dit pas autre chose. L’émulation ne vient d’ailleurs pas que des professeurs uniquement. Pierre Renaux, un jeune Breton qui fait parmi des quatorze élèves de la promotion 2013 à être allé au bout des quatre ans, loue l’esprit d’excellence qui règne au sein de l’école : « Les professeurs nous aident beaucoup à évoluer, évidemment. Je suis dans la confrontation et ils ont vite compris qu’ils devaient me laisser de l’espace. En retour, j’ai su qu’il fallait faire des compromis avec eux. Mais j’ai vraiment beaucoup appris des élèves. Ils viennent de partout et t’apportent de nouvelles perspectives sur ce que tu fais. En voyant le niveau dès la première année, tu comprends que tu vas devoir mettre un coup de collier. C’est un effort constant si tu ne veux pas avoir l’air d’une blague. » PLUS QU’UNE ÉCOLE D’ailleurs, lorsque l’on va au bout des quatre années, on n’est déjà plus vraiment un simple élève. Il suffisait d’assister aux quatorze défilés sur le catwalk du Hangar 29 pour comprendre que ceux-là sont déjà quasiment professionnels. Bien trop humble pour l’avouer, Minju Kim, une jeune Sud-Coréenne de 27 ans, en est l’exemple parfait. Fin janvier, à l’issue d’une compétition acharnée avec plusieurs centaines d’étudiants

d’écoles de toute l’Europe, l’étudiante a remporté le « H&M Design Award » à l’occasion de la Fashion Week de Stockholm. Avec cinquante mille euros à la clé et une partie de sa collection qui sera vendue dans les boutiques de la chaîne suédoise d’ici quelques mois, elle n’est plus vraiment ce qu’on appelle une amatrice. Et pourtant, cette victoire digérée, Minju a dû se remettre au boulot pour designer en trois mois seulement les onze tenues de la collection « Be Cover » qu’elle a présentée sous les applaudissements nourris du Hangar 29, en guise de bouquet final. Et d’ailleurs, si l’on avait encore un doute sur l’importance de ce défilé de brillants étudiants, il suffisait ce soir-là de jeter un coup d’œil au parterre de personnalités présentes. Fait extrêmement rare, à l’occasion de l’anniversaire des cinquante ans du département Mode de l’Académie, les six d’Anvers étaient réunis. Et ce n’était pas tout. Diane Pernet et son chapeau pointu de fée sombre n’a pas manqué la moindre miette des quatre heures de défilés. Pas plus d’ailleurs que le réalisateur Loïc Prigent, l’éditrice Suzy Menkes ou la designeuse en chef d’H&M, AnnSofie Johansson. Il suffit de se rendre à Anvers pour constater qu’il s’y passe quelque chose. Et le constat ne sied pas qu’à la Flandre, Bruxelles ayant aussi son institution prestigieuse avec la Cambre. Et quand on y pense bien, ce qui se passe dans la mode outreQuiévrain est peut-être un signal fort envoyé à une société belge divisée par les antagonismes entre Wallons et Flamands. Faire des vêtements n’est pas qu’une question de qualité, de coutures, de coupes, d’entailles et de rabibochages à la va-vite. Il s’agit aussi de penser à la photo globale, à réfléchir à dans quel monde on veut s’inscrire, et dans une certaine mesure, comment veut-on le faire avancer. À leur échelle, les six d’Anvers avaient prouvé que c’était possible. Dans la chaleur et la moiteur du Hangar 29 ce soir-là, il est tout à fait probable qu’un ou plusieurs des néo-diplômés aient fait le premier pas dans ce sens.

Happy Birthday Dear Academie : rétrospective de 50 ans de mode à l’Académie. Du 8 sept. 2013 au 16 fév. 2014 au MoMu – Musée de la Mode de la province d’Anvers.

A chapter of fashion history was written. Antwerp became a city that counts. THE RIGOR Twenty-five years after this show of strength, the commitment still looks the same. With a mixture of rigor and collaboration, the teachers at the Antwerp academy strive to shape and develop the talent of their pupils over the course of four years. Walter Van Beirendonck, one of the six, has since become the director and a professor at the fashion department, went over it in an interview. “We put in all our energy to ensure that the students express their personality, the specificity of their creativity, their own signature. From the first to the fourth year, we guide them and hound them at the same time. They have the duty and the freedom to search, work, bring forth their own talent, to confront themselves.” The same rings true for Katarina Van Den Bossche, a professor at the academy for eight years: “There is a lot of respect between teachers and students. They stimulate us enormously. We expect a lot from them. We ask them to be creative, to work every day, because we know that it pays off in the end.” Among students, you won’t hear much different. The model doesn’t come from the professors only. Pierre Renaux, a young Breton who is one of fourteen graduating students in 2013, praised the spirit of excellence that fills the school: “The teachers help us to evolve a lot, obviously. I was conflicted and they quickly realized they had to give me space. In return, I knew one had to compromise with them. But I really learned a lot from the students. They come from all over and provide you with new perspectives on what you’re doing. Seeing the level of the first year, you know that you will need to put in a big effort. It’s a constant effort if you do not want to look like a joke.”

over Europe, she won the “H&M Design Award” during the Stockholm Fashion Week. With fifty thousand euros as reward and part of her collection sold in the shops of the Swedish chain in the coming months, she’s not really what you call amateur. Nevertheless, after taking in her victory, Minju had to get back to work for designing in just three months the eleven looks for the “Be Cover” collection, which she presented to the thunderous applause of Hangar 29, as a grand finale. Besides, if there was still any doubt about the importance of these talented students’ shows, it was sufficient to take a look at the prominent figures that filled the audience. Making an extremely rare appearance for the fashion department of the Royal Academy’s fiftieth anniversary, the Antwerp Six were reunited. And that wasn’t all. Diane Pernet and her dark, fairy-like pointed hat did not miss a minute of the four hours of shows. Nor did the director Loïc Prigent, editor Suzy Menkes, and Ann-Sofie Johansson, the Head of Design at H&M. Just being in Antwerp, you get the feeling that something is happening. And this assessment not only befits Flanders, Brussels also has its own prestigious institution, La Cambre. And when you think about it, what happens in fashion beyond Quiévrain may be a strong symbol of a Belgian society divided by the antagonism between the Flemings and the Walloons. Making clothes is not just a matter of quality, seams, cuts, nicks, and patching something together in a rush. It also has to do with thinking about the overall picture, reflecting on what kind of world we want to create for ourselves, and to some extent, how we want to move forward. On their own terms, the Antwerp Six proved it was possible. In the heat and humidity of Hangar 29 that evening, it was likely that one or more of the new graduates had already taken the first step in that direction.

MORE THAN A SCHOOL Anyway, when you complete four years, you aren’t just a mere student. Suffice it to say that attending fourteen shows on the Hangar 29 catwalk made it clear that these students were practically professionals. Even if she is too humble to admit, Minju Kim, a young South Korean twenty-seven-yearold, is the perfect example. In late January, after a fierce competition with hundreds of students from all

Happy Birthday Dear Academie: A retrospective of 50 years of fashion at the Academy. Sept. 8, 2013 to Feb. 16, 2014 at MoMu - Fashion Museum of the Province of Antwerp.



KATARINA VAN DEN BOSSCHE

P R O F E S S O R O F D E S I G N I N S E C O N D Y E A R

La rigueur est le leitmotiv de l’école. Ça se traduit comment ? La rigueur est une de nos caractéristiques. Elle manque souvent dans les autres écoles. Les étudiants qui viennent ici veulent des professeurs qui tirent le meilleur d’eux. Ce n’est pas qu’on soit sévères ou austères, mais on les guide et on les questionne constamment.

La mode aide beaucoup la Flandre à rayonner. C’est une fierté ? C’est un vrai boost pour Anvers. Je suis de la région mais je n’y prête pas plus d’importance que ça. Par contre, pour les élèves, c’est très important : ça les aide à trouver de bons emplois. Nous avons des élèves qui viennent du monde entier et nous voulons rayonner sur ce monde.

Rigor is the school’s motto. How does this translate? Rigor is one of our distinguishing features. It’s often lacking in other schools. The students who come here want teachers who make the most of them. It’s not that you are severe or harsh, but hat you guide them and are question them constantly.

Fashion really helps Flanders shine. Is it a source of pride? This is a real boost for Antwerp. I’m from the region, but I do not pay it more attention than that. On the other hand, for the students, it’s very important: it helps them find good jobs. We have students who come from all over the world and we want to shine all over.

Vous avez des exemples de success story après un défilé de fin d’études ? Il y en a plein. Beaucoup de nos élèves intègrent d’excellentes maisons comme Balenciaga, Chanel, etc.

Le fait que Minju Kim ait gagné le H&M Design Award est important pour l’école ? Oui ! C’est la preuve que sur tous les critères, à tous les niveaux de la mode, nos étudiants se distinguent par leur talent et leur créativité.

Do you have examples of success stories after the graduation shows? There are plenty. Many of our students join excellent houses like Balenciaga, Chanel, etc.

Is the fact that Minju Kim won the H & M Design Award important for school? Yes! This is proof that with all criteria, at all levels of fashion, our students distinguish themselves with their talent and creativity.


DEVON HALFNIGHT LEFLUFY

2 9 Y E A R S O L D – C A N A D I A N

Pourquoi avoir choisi Anvers ? J’avais obtenu un diplôme en mode à Montréal. Les aspects étaient très techniques, de la couture au côté commercial. Je voulais faire l’opposé. Or, Anvers est l’école la plus créative qui soit. Tu as proposé le défilé le plus street-wear. Oui, c’est mon truc. Bien sûr, je m’intéresse aussi aux autres types de tendances, homme et femme, mais ça reste ma base. J’essaie de faire des vêtements accessibles. Qu’ont pensé tes professeurs quand tu t’es embarqué dans cette voie ?

Les premiers mois, c’était vraiment bizarre. Puis j’ai dessiné quelques silhouettes et c’est devenu plus clair, même pour moi. Ils m’ont vraiment soutenu, c’était fantastique. Et la suite ? Je vais avoir un petit showroom à Paris, quelques petits boulots en freelance pour des amis mais je suis très ouvert. J’ai lancé ma marque mais c’est surtout du ressort de l’expérimentation. Je ne suis pas à plein temps dessus. J’adorerais pouvoir bosser avec Kim Jones ou simplement faire un truc auquel je n’ai pas pensé.

Why did you choose Antwerp? I obtained a degree in fashion in Montreal. The atmosphere was very technical, from couture to the commercial side. I wanted to do the opposite. Antwerp is the most creative there is. You put forth the most streetwear show. Yes, that’s my thing. Of course, I am also interested in other types of trends, for men and women, but it’s still my roots. I try to make accessible clothes. What did your professors think when you embarked on this path?

The first month, it was really weird. Then I drew some silhouettes and it became increasingly clear, even to me. They really supported me; it was fantastic. What’s next? I’m going to have a small showroom in Paris, some small freelance jobs for friends but I am very open. I started my brand, but it is mainly a matter of experimenting. I’m not on it full-time. I would love to be able to grind away with Kim Jones or just do something that I haven’t thought of.


PIERRE RENAUX

2 2 Y E A R S O L D – F R E N C H

Le discours officiel de l’école insiste beaucoup sur la rigueur. Ça se traduit comment ? Beaucoup de travail et de discipline. Les deadlines sont très strictes comme dans l’industrie. Il faut respecter une demande, apporter le nombre de pièces exigées. Et le fait qu’il y ait des créateurs comme Margiela ou Simons qui en soient sortis, ça joue dans quelle mesure ? Ça aide beaucoup le magnétisme de l’école. Après, je ne me retrouve absolument pas dans leur travail. Dans les créations, parfois. Mais la simplicité et l’esthétique des six d’Anvers – à part pour Walter,

parce qu’il est là – me manquent. C’est quelque chose que je trouve révolutionnaire de ce côté-là. On en a encore besoin et on ne le voit plus. Mais chacun son interprétation. Beaucoup de gens viennent parce qu’ils savent que Walter est le patron et qu’ils l’admirent.

The school’s official discourse greatly emphasizes rigor. How does this translate? A lot of work and discipline. The deadlines are very strict like in the industry. You must respect one demand; provide the number of pieces required.

for Walter, because he’s here I miss. It’s something that I find revolutionary in that way. We’re still in need and we don’t see more. But to each his own. Many people come because they know that Walter is the boss and they him admire.

Et tu ambitionnes quoi, désormais ? Faire un portfolio dessin avec tous mes matériaux, les compiler et essayer de tenter d’être sélectionné au Festival de Mode de Hyères. J’aimerais continuer à montrer ma collection pour la faire vivre un peu plus que trois jours.

And the fact that designers like Margiela or Simons have completed their studies here, how does that affect things? It helps allure of the school a lot. Though, I do not see myself completely in their shadow. In designs, sometimes. But the simplicity and aesthetics of the Antwerp Six - except

And what are your aims as of now? Making a drawing portfolio with all my materials, compiling them, and trying to be selected at Hyères Festival of Fashion. I would like to continue to show my collection to make it live a bit more than three days.


MINJU KIM

2 7 Y E A R S O L D – S O U T H K O R E A N

Quel bilan tires-tu de ces quatre années ? Anvers est une école très dure. On nous pousse constamment, on passe notre temps à devoir dessiner, redessiner. C’est loin du fantasme qu’on imagine. Les professeurs ont fait évoluer ton travail ? Oui. Les enseignants sont très différents, avec autant de perspectives. Walter m’a aidé à exploser, à comprendre ce que je pouvais vraiment faire et ce que j’aimais. Il m’a aussi beaucoup aidé à réussir à concrétiser mes dessins pour de vrai, et pas juste les laisser sur un cahier. Comment ça s’est passé pour H&M ?

J’ai vu le poster d’annonce à l’école. Je me suis dit « Ça pourrait être l’occasion de recueillir un avis extérieur à celui de l’école. » C’était très motivant. Et ça a changé quoi pour toi ? Plein de choses. Il n’y a pas que l’argent. J’ai pu participer aux défilés de Stockholm. H&M va vendre certaines de mes pièces en septembre dans les magasins. Je suis même allée en Chine pour visiter les usines qui manufacturent mon travail. Ce n’est pas juste un prix, ça m’a fait grandir. Et l’avenir ? Je ne sais pas encore, je veux continuer à être libre et créer tant que je suis jeune.

What’s your assessment of these past four years? Antwerp is a very hard school. We pushed ourselves constantly, we had to spend our time drawing and redrawing. It’s far from the fantasy you imagine. Did the teachers advance your work? Yes. The teachers are very different, with many perspectives. Walter helped me break through, to understand what I could really make and what I liked. He also helped me a lot to pull off realize my drawings for real, and not just leave them in a notebook. How did things happen with H&M?

I saw the advertisement poster at school. I though to myself, “It could be an opportunity to get an separate opinion than that of the school.” It was very motivating. Has it changed anything for you? Lots of things. It’s not because of the money. I was able to participate in the shows in Stockholm. H&M will sell some of my pieces in their stores in September. I even went to China to visit the factories that manufacture my work. It’s not just a prize; it helped me grow. And the future? I do not know yet, I want to continue to be independent and create while I’m young.


MASTER CRAFTSMAN GABRIEL URIST

À Brooklyn, un joaillier solitaire s’occupe de créer de minuscules bijoux en forme d’hommage à la culture hip hop, du rap au basket. Sans bling-bling et tout en méticulosité. De prime abord, on imaginerait facilement ce bonhomme – un peu rouleur de mécaniques –, charger des camions ou dunker sur des playgrounds. Sa carrure imposante, taillée dans le dur et la rudesse de son Michigan natal, ne laisse rien présager de son hyper minutie. Aussi massif soit-il, Gabriel Urist est avant tout une petite main, un type qui aime tailler, fignoler et polir. Il parle de « manière de faire » et de « précision ». De « méditation », aussi. Gabriel Urist est joaillier. Quand on l’a rencontré, il s’appliquait à créer des pendentifs figurant un motif inspiré des lyrics issus des plus fameuses chansons du rappeur Prodigy, moitié du vieux duo new-yorkais Mobb Deep ; « un ami », avouait-il alors. Ces objets s’inscrivent dans la lignée d’une série qui a fini par façonner le style d’Urist, créateur tendance hip hop avec ses mini copies de baskets, de casquettes et de ballons de basket.

In Brooklyn, a lone jeweler works creating miniscule jewelry as a tribute to hip hop culture, rap, and basketball. No bling-bling, just meticulousness. At first glance, it is easy to imagine this guy – a little tinkerer – loading trucks or dunker on the playground. His imposing build, cut from the hardest, and the harshness of his native Michigan belies his hyper detail. As massive as he is, Gabriel Urist above all else is a small hand, a guy who likes to cut and tweak and polish. He speaks of “the way of creation” and “precision.” Of “meditation”, too. Gabriel Urist is a jeweler. When we met him, he was working hard to create a set of pendants featuring a pattern inspired by lyrics from the most famous songs of the rapper Prodigy, half of the old New York duo Mobb Deep, “a friend,” he admitted. These objects fall in line with a series that ended up shaping Urist’s style, trendy hip hop leanings with his mini replicas of sneakers, hats, and basketball. ALLEGORY OF A CAVE

ALLÉGORIE D’UNE CAVERNE

Gabriel Urist travaille de chez lui, dans un petit appartement situé au rez-de-chaussée d’un brownstone rouillé de Fort Greene, en plein cœur de Brooklyn. C’est une tanière. Un refuge. L’artisan y passe le plus clair de son temps, comme s’il était en perpétuelle hibernation. L’homme vit ses journées recroquevillé sur son petit établi en bois, au milieu d’un drôle de fatras à l’air usé. Il y a là une vieille presse à emboutir pour déformer des matériaux – « c’est une antiquité, je l’ai récupérée dans un magasin de fournitures où je travaillais » – et une grosse scie à métaux dégottée dans le Diamond District de New York. C’est d’ailleurs le cas de tout un tas d’autres d’objets rangés et classés dans des tiroirs branlants fabriqués par Urist lui-même. On y trouve des lames, des racloirs, des grattoirs, des burins, des fraises, des couteaux ou encore des pointeaux pour graver. « Tout ça, c’est de la récupération. Ça ne m’a rien coûté, répète-t-il encore. En fait, je ne dépense rien pour mes machines. Le seul objet moderne que j’ai, c’est l’ordinateur qui me sert pour des dessins et des scans. » Il s’arrête un instant et balaye du

Gabriel Urist works from home, in a small apartment on the ground floor of a rusty brownstone in Fort Greene, in the heart of Brooklyn. This is a den. A refuge. The craftsman spends most of his time as if in perpetual hibernation. Man lives his days curled up on his little wooden bench in the middle of a strange jumble looking worn out. There is an old stamping press for modifying materials – “It’s an antique, I recovered from a supply store where I worked” – and a big metal saw dug up from the Diamond District of New York. This is also the case with a bunch of other stored and classified objects in rickety drawers made ​​by Urist himself. There are blades, scrapers, sratchers, chisels, cutters, knives and even needles for engraving. “All that, it’s found. It didn’t cost me anything,” he repeated again. “In fact, I spend anything for my machines. The only modern object I have is the computer that I use for drawings and scans.” He stops for a moment as his gaze scans the workshop. He smiled in silence, before continuing : “These tools, when I check them out, I think they are still all very cool. Honestly, my



regard son atelier. Il sourit en silence, avant de reprendre : « Ces outils, quand je les mate, je me dis qu’ils sont quand même tous très cools. Franchement, ma presse, elle est cool non ? Avant de doucher son propre enthousiasme : Enfin, il faut que je reste concentré aussi. » Ermite, un brin autiste, Gabriel Urist semble tout dédié à son artisanat. C’est un individu, qui, loin du monde et du bruit, « aime faire », comme il dit. Et qui déteste ceux qui affirment travailler avec leurs mains quand ils n’en font rien. « À Los Angeles, toutes les petites nanas qui n’ont pas de boulot disent qu’elles font des bijoux. Qu’est-ce que c’est que ce bullshit ? », tonne-t-il, les doigts boursouflés par la cale et striés pas les coupures. HAUT DU PANIER

C’est à l’adolescence qu’Urist se trouve un goût pour le travail du clinquant. Rejeton d’universitaires mais pas vraiment branché à l’idée de s’engager sur la voix d’un parcours académique, le jeune Gabe choisi de faire sa dernière année de lycée dans une école d’art. Il s’inscrit dans une medal class et commence à bidouiller des bouts de bijoux et des petits colliers, avec des médaillons dans lesquels il incruste des collages. « J’apprenais sur le tas, sans vraiment savoir où ça allait me mener. Je n’avais ni but, ni projet. » Dans la foulée, sautant sans état d’âme l’étape de la fac, Urist se trouve un petit boulot chez un joailler du coin et se rend vite compte qu’il a trouvé sa voie. Après un détour en Californie pour travailler dans un studio avec une dizaine d’autres apprentis, il s’installe finalement à New York, berceau de la culture urbaine qu’il chérit tant. Fana ultime de basket, Urist décide de produire dans son coin une gamme de bijoux représentant ses sneakers et le logo de ses groupes hip hop favoris. Un travail qui trouve rapidement un écho et ne tarde pas à attirer l’attention de certaines huiles du genre. Urist se retrouve à collaborer avec Adidas, Nike, mais aussi les rappeurs des Roots et du WuTang Clan, pour des collections inédites et limitées. Mais c’est avec la Ligue professionnelle de basket nord-américain que le joaillier va toucher le gros lot. Flairant le filon du produit dérivé, les businessmen de la NBA demanderont ainsi à Urist de réaliser une collection labélisée « NBA » vendue dans les salles et sur le site de certaines franchises. C’est le jackpot. Sur son établi, le joaillier s’applique alors à tailler du bijou pour les Los Angeles Lakers, les New York Knicks ou encore les Houston Rockets et les nouveaux Brooklyn Nets. Des panoplies dans lesquelles on retrouve des jerseys, des maillots, des logos et des casquettes, en or plaqué, laiton ou argent. Un succès qui finit d’installer le nom du créateur parmi les gens qui comptent dans la galerie du cool new-yorkais et ricain. Mais un succès qui a également sa rançon : « Je me retrouve à un point où j’ai un peu l’impression de travailler à la chaîne. J’ai fait près de cinq cents pièces pour la NBA. Seul. Il faudrait peut-être que je pense à sous-traiter. » Aujourd’hui, à plus de trente ans, Gabriel Urist aimerait faire un vrai distinguo entre son travail pour des marques, « le marchandising » et son « travail plus haut de gamme », dans lequel il range, par exemple, ses collaborations avec Prodigy et tous les autres rappeurs. « Je ne peux pas être uniquement associé à des fans qui achètent un collier des Brooklyn Nets en même temps que deux hot-dogs et une bière », souffle-t-il, en prenant une feuille froissée sur laquelle sont griffonnés ces quelques mots : « My crew got my back ». « C’est l’écriture de Prodigy, explique Urist. Il dit que se sont des “griffures de poulet” ». Une phrase dont les contours seront réajustés sur ordinateur, avant qu’Urist n’en fasse un moule dans lequel il coulera du laiton pour en sortir des motifs solides. Au final, le machin s’égrènera dans la rue et se retrouvera sur le cou de types qui portent sur le cœur et la poitrine l’esprit des textes du rappeur. Comme un hommage. Bien loin des wannabe joaillières manucurées de Beverly Hills.

press, it’s cool right?” Before showering his own enthusiasm : “Well, I have to stay focused too.” A hermit, a bit peculiar, Gabriel Urist is dedicated to his craft. This is an individual who, away from people and noise, “likes to create,” as he said. And he detests those who claim to work with their hands when they don’t do anything. “In Los Angeles, all the young girls who don’t have a job say they make jewelry. What is this bullshit ?” he grumbled, fingers blistered by slips and striated with cuts. THE UPPER CRUST

It was during his adolescence that Urist found a taste for the glitzy work. An offspring of academics but not keen on to the idea of following an academic path, the young Gabe chose to complete his last year of high school in an art school. He registered himself in a metal class and began to fiddle with pieces of jewelry and small necklaces with medallions in which he embedded collages. “I learned on the job, without really knowing where it would lead me. I had no purpose or project.” In the process, skipping without a second thought about college, Urist found a small job at a jeweler in the area and soon realized that he found his calling. After a detour to California to work in a studio with a dozen other apprentices, he finally moved to New York, the cradle of urban culture that he loved so much. The ultimate basketball fan, Urist decided to produce an assortment of jewelry representing his sneakers and logo of his favorite hiphop group. Work that quickly finds an echo and quickly caught the attention of some kind of oil. Urist found himself working with Adidas, Nike, but also rappers like The Roots and Wu-Tang Clan, for new and limited collections. But it was with the National Basketball Association that the jeweler hit the jackpot. Sensing the worth of these by-products, NBA businessmen asked Urist to make a collection labelled “NBA” to be sold in the rooms and on the site of certain franchises. It was the jackpot. On his bench, the jeweler tried his best to cut the gems for the Los Angeles Lakers, New York Knicks or even the Houston Rockets and the new Brooklyn Nets. Displays in which we find jerseys, shirts, logos and hats, plated in brass, gold, or silver. A success which established the creator among the people who matter in the galleries of cool New Yorkers and Nuyoricans. But success also has its cost, “I found myself at a point where I felt like I was working on a chain. I did about five hundred pieces for the NBA. Only. It was necessary to maybe consider outsourcing.” Today, more than thirty-years-old, Gabriel Urist would like to make a real distinction between his work for brands, the “merchandising” and “higher-end work,” in which he places, for example, his collaborations with Prodigy and other rappers. “I cannot only be associated with the fans who buy Brooklyn Nets necklaces, together with two hot dogs and a beer,” he whispered, taking a crumpled paper on which was scrawled the words : “My crew got my back.” “This is Prodigy’s writing,” says Urist. He called it “chicken scratches.” A sentence whose contours will be readjusted by computer, after Urist will make a mold wherein he will cast brass to get a solid pattern. In the end, the thing will be strung in the street and end up on the neck of guys who wear the spirit of the rapper’s text on their hearts and chests. Like a tribute. Far from wannabe, manicured jewelers of Beverly Hills.



DANIEL ARSHAM TIME CHAMAN with test tubes and gaseous solutions, Daniel Arsham, wields a hammer and brush, spattering plaster and glass. An exercise through which this thirtysomething originally from Miami distorts our perception of everyday life and presents a different view of reality. There are those plaster walls that contort, flowing and stretch, there are those objects built of melted slag, scratched and scraped. By redefining forms, Daniel Arsham explains that he wants to tackle the idea of ​​time. The darling of critics and buyers, for several years now the American has presented his work all over the world in the major shows – Art Basel in mind – and in the larger galleries. In Paris, the famous Emmanuel Perrotin, a champion of Maurizio Cattelan and Takashi Murakami, represents him. Far from art world chatter, it’s calm, behind an old concrete façade at the edge of Brooklyn, New York, Daniel Arsham decided to set up his studio. With its high ceiling where you can hear an echo, its white walls and heaps of objects and molds, the place seems like a timeless cocoon – everything appears as it would.

Mascotte de l’art contemporain, Daniel Arsham travaille sur la matière pour redéfinir notre vision du temps qui passe et notre perception de l’environnement. Touchés par cette sensibilité, les fondateurs de BWGH soutiennent activement l’artiste new-yorkais. Devenu un ami, Daniel Arsham fait aujourd’hui partie de la famille.

A

vec ses petites lunettes et sa blouse blanche, Daniel Arsham balade des airs de savant toqué. Du genre de ceux qui aiment expérimenter pour découvrir une réalité qui diffère de celle qui se plante sous les yeux de tout un chacun. Mais là où d’autres bidouillent à coups d’éprouvettes et de solutions gazeuses, Daniel Arsham, lui, manie le marteau et le pinceau, et fait gicler le plâtre et le verre. Un exercice via lequel ce trentenaire originaire de Miami distord notre perception du quotidien et nous présente effectivement une autre vision du réel. Il y a ces murs en plâtre qui se déforment, qui coulent et s’étirent, il y a ces objets refondus pleins de scories, éraflés et écorchés. En redéfinissant les formes, Daniel Arsham explique vouloir s’attaquer à l’idée du temps. Chéri de la critique et des acheteurs, l’Américain présente ses travaux, depuis plusieurs années maintenant, partout dans le monde, dans les meilleures foires – Art Basel, en tête – et dans les plus grosses galeries. À Paris, c’est le fameux Emmanuel Perrotin, acolyte des Maurizio Cattelan et autre Takashi Murakami, qui le représente. Aussi, loin des noms qui claquent, c’est au calme, derrière une vieille façade au béton qui pleure sur la tranche de Brooklyn, à New York, que Daniel Arsham a décidé d’installer son atelier. Avec sa hauteur sous plafond qui laisse de la place à l’écho, ses murs blancs et sa foultitude d’objets et de moules, l’endroit a des airs de cocon hors du temps. Tout se tiendrait, donc.

« REFAIRE DES OBJETS QUI EXISTENT TOUJOURS MAIS QUI ONT UNE RELATION AMBIGÜE AVEC LE PRÉSENT »

A mascot of contemporary art, Daniel Arsham creates subject matter that redefines our vision of passing time and our perception of the environment Touched by his sensitivity, the founders of BWGH support actively the New Yorker artist. Actually, Daniel Arsham is now a friend and part of the family.

W

ith his small glasses and a white smock, Daniel Arsham has the air of a eccentric savant. The kind who like to experiment to discover a reality that differs from that which we see before our very eyes. But where others fiddle around around

How do you articulate your current work ? I have different languages in my approach to art. Some of my work involves the manipulation and distortion of a certain architecture. It is a matter of working on distortion, of confronting the installation to an otherness. For example : we climb a wall and it seems to melt. In fact, we have the impression that the wall is pliant. The material takes on different appearances. On the other hand, I’m work on series of objects. The idea is to recuperate something broken and that, a priori, doesn’t really have any utility, to retransform it into an object that can stand as such. How do you retransform these objects ? You make mold of plaster. Once dry, you remove the mold in two parts, reassembling it to obtain a



Comment s’articule votre travail actuel ? J’ai différents langages dans ma manière d’aborder l’art. Certains de mes travaux impliquent la manipulation et la déformation d’une certaine architecture. Il s’agit de travailler sur la distorsion, de confronter l’installation à une altérité. Un exemple : nous montons un mur et lui donnons l’air de fondre. De fait, on a l’impression que le mur est souple. Le matériau doit prendre des allures différentes. D’un autre côté, je travaille sur des séries d’objets.

L’idée est de récupérer quelque chose de cassé et qui, a priori, n’a donc plus vraiment d’utilité, pour le retransformer en un objet qui peut se tenir en tant que tel. Comment retransformez-vous ces objets ? On fait un moulage avec du plâtre. Une fois sec, on enlève ledit moulage en deux parties, on le réassemble et l’on obtient une sorte de négatif que l’on va remplir d’un matériau particulier. Cela peut être du verre brisé, fait de minuscules particules, mais également de cendres volcaniques. Je veux refaire des objets qui existent toujours mais qui ont une relation assez ambigüe avec le présent. Ce sont des objets qui durent mais qui deviennent petit à petit obsolètes, comme des vieux projecteurs de films ou des caméras 35 millimètres. Il s’agit d’outils qui sont toujours là, qui nous entourent, mais que l’on n’utilise plus trop. De fait, on ne sait plus vraiment à quelle époque ils appartiennent ; ils sont dans une sorte d’entre-deux, pas forcément morts mais pas forcément d’actualité non plus. Et le fait de travailler avec des matériaux qui ont une vraie relation avec le temps est très intéressant.

sort of negative that will be filled with a particular material. This can be shattered glass, made ​​of tiny particles, but also of volcanic ash. It’s really a matter of remaking objects that still exist, but have a fairly ambiguous relationship with the present. These are objects that last, but little by little become obsolete, like old film projectors or 35 mm cameras. It’s these tools that are still here, around us, but that we longer use much. In fact, we do not really know what era they belong to; they are in a sort of in-between, not necessarily dead but not necessarily current either. And the act of working with materials that have a real relationship with time is very interesting. How do you recover the shattered glass and volcanic ash ? At first, we would break the glass ourselves, but it took too much time. Now, we buy it already done. We receive it in sacks. The volcanic ash, which is a fertilizer supplement, is ordered on the Internet – I did a lot of research before finding it. But I also use crystals and stones. With these materials, we work to erode the objects we get. I test with plaster, but the final pieces are always made with alternative materials.

You are also working on a series of paintings that represent these pieces ? These paintings will be part of an exhibition scheduled for the fall. Generally, we say that the pieces are completely independent of passing time; they give the impression that they can last forever. Their journey into people’s hands and pockets seems infinite. I superimpose them, rework them, and scratch them.

“REMAKING OBJECTS THAT STILL EXIST, BUT HAVE A FAIRLY AMBIGUOUS RELATIONSHIP WITH THE PRESENT”

How did you come to focus you on the idea of passing time ? What interests me is how history changes and turns. It’s


À ce titre, comment récupérezvous le verre brisé et les cendres volcaniques ? Au début, nous cassions le verre nous-même, mais ça nous prenait trop de temps. Aujourd’hui, nous l’achetons ainsi fait. Nous le recevons par sacs. Les cendres volcaniques, qui sont des compléments fertilisants, sont commandées sur Internet – j’ai fait beaucoup de recherches avant d’en trouver. Mais j’utilise également du cristal et de la pierre. Avec ces matériaux, nous travaillons sur l’érosion des objets que nous obtenons. Je fais des tests avec du plâtre, mais les pièces finales sont toujours faites avec des matériaux alternatifs. Vous travaillez également sur une série de peintures représentant des pièces ? Ces peintures feront partie d’une exposition prévue pour l’automne. De manière générale, on se dit que les pièces sont complètement indépendantes du temps qui passe, elles donnent l’impression qu’elles peuvent durer pour toujours. Leur parcours entre les mains et les poches des gens semble infini. Je les superpose, les retravaille et les égratigne. Comment en êtes-vous venu à vous focaliser sur la notion de temps qui passe ? Ce qui m’intéresse, c’est la manière dont l’histoire change et se transforme. Il s’agit à chaque fois de changer les habitudes et les attentes des gens. Quand je travaille sur un projet d’architecture, je change la perception que les gens ont des murs. Je crois que ce travail et cette obsession trouvent leur origine dans un voyage à Athènes, en Grèce. J’avais pris plein de photos des vieux bustes grecs et quand je suis rentré aux ÉtatsUnis, j’ai commencé à peindre des reproductions de ces bustes. J’avais placé des cubes dans les yeux de ces derniers. L’idée était de prendre quelque chose d’existant et de le transformer de telle manière que les gens puissent considérer cela comme plausible, comme une évolution possible. Tout ça est une affaire de process. Aimez-vous parler de ce que vous faîtes et expliquer la signification que vous voulez donner aux travaux où préférez-vous laisser le public travailler avec son imagination et se faire sa propre opinion ?

Si vous rentriez dans un endroit comme mon atelier, sans que je vous accueille, vous auriez saisi ce dont on vient de parler ?

« AUJOURD'HUI, IL Y A TELLEMENT D'ÉVÈNEMENTS QUE LES GENS NE PRENNENT PLUS LE TEMPS DE RIEN. ILS PASSENT D'UN ENDROIT À L’ AUTRE »

about always changing people’s habits and expectations. When I’m working on an architecture project, I change the perception that people have of walls. I think that this work and this obsession stem from a trip to Athens, Greece. I took lots of pictures of old Greek busts and when I returned to the United States, I started painting reproductions of these busts. I placed the cubes in the eyes of these reproductions. The idea was to take something existing and to transform it so that people could see it as plausible, as a conceivable evolution. It’s all a matter of process.

And what do you say when you learn that these pieces are made from volcanic ash ? You don’t think these objects take on a different dimension ? That they occupy a different space, that they carry a new meaning ? There would be that, yes. But back to you: So you grew up in Miami. What kind of cultural environment, specifically ? You know, from an artistic point of view, for a long time, Miami has not had a real cultural environment. There, everything is based on a culture of the outdoors, the outdoor life. When I

Pas complètement, j’imagine… Je me serais demandé si vous aviez fait ces caméras et projecteurs vous-mêmes. Ils ont l’air si réel ! Et qu’est-ce que vous vous dites quand vous apprenez que ces pièces sont faites à partir de cendres volcaniques ? Vous ne pensez pas que l’objet prend une toute autre dimension ? Qu’il occupe un autre espace, qu’il est porteur d’un nouveau sens ? Il y a de ça, oui. Revenons à vous : vous avez donc grandi à Miami. Dans quel genre d’environnement culturel, précisément ? Vous savez, d’un point de vue artistique, pendant longtemps, Miami n’a pas eu de véritable environnement culturel. Là-bas, tout repose sur une culture de l’outdoor, de la vie en extérieur. Plus jeune, je passais beaucoup de temps au bord de la mer. Dans les marécages aussi, où j’ai beaucoup peint. J’ai fait toute une série de toiles inspirées du décor des Everglades [célèbre parc national délimitant une zone de marais aux environs de Miami, ndlr]. J’ai également été beaucoup marqué par les tempêtes et les ouragans qui traversent la région. J’ai notamment monté une exposition dédiée aux conséquences de ce genre de catastrophes naturelles sur l’architecture. L’idée était de présenter et de détailler une architecture s’écroulant de manière très violente. Je crois que mon travail sur l’architecture mouvante vient de ma jeunesse passée en Floride. Ces aléas météorologiques m’ont donné envie de jouer avec des

Do you enjoy talking about what you do and explaining the meaning you want to give your work or do you prefer to let the public use their imagination and form their own opinion ? If you came upon a place like my studio, without my introduction, would you have grasped what we just discussed ? Not completely, I guess… I would have wondered if you owned these cameras and projectors yourself. They seem so real!

was younger, I spent a lot of time by the ocean. In the swamps too, where I painted a lot. I did a series of paintings inspired by the decor of the Everglades [famous national park demarcating a marsh area around Miami, ed]. I was also greatly influenced by the storms and hurricanes that cross the region. I did a particular exhibition devoted to the consequences of such natural disasters on architecture. The idea was to present and to detail architecture collapsing in a very



structures qui, de prime abord, sont permanentes. Pendant mon adolescence, je m’intéressais également beaucoup au Land Art [tendance de l’art contemporain qui s’est développée à la fin des années 1960 et consiste en un travail sur l’érosion de certains matériaux, comme le bois et le sable, ndlr]. Et puis je faisais beaucoup de photos. Je prenais des clichés de lieux, d’espaces. Je développais moi-même mes photos. D’ailleurs, l’appareil que j’ai fabriqué avec de la cendre volcanique a été obtenu avec le moulage de mon premier appareil, un Pentax K1000.

présentais mes travaux à Paris, avec dix-neuf autres artistes de Miami – tous des amis – pour une exposition intitulée « Miami Nice » [en 2004, ndlr]. C’est l’un des moments les plus important de ma carrière et c’est sûrement ce qui m’a permis de me faire connaître, comme une sorte de lucky break. De fait, je sais que je resterai toujours avec Emmanuel. C’est quelqu’un qui aime les challenges, qui cherche toujours à faire des paris sur l’avenir. Je pense que j’étais un bon pari. Cela dit, lui aussi était petit à l’époque. Enfin, il m’a bien plus aidé que je ne l’ai aidé.

violent manner. I think my work on moving architecture comes from my youth spent in Florida. These meteorological events inspired me to play with structures that, at first glance, are permanent. During my adolescence, I was also very interested in Land Art [a contemporary art trend that developed in the late 1960s and consists of work about the erosion of certain materials, such as wood and sand, ed]. And then I took a lot of photos. I took shots of sites and spaces. I developed my own photos. In fact, the device that I made with volcanic ash was obtained from

Que faisaient vos parents ? Ils travaillaient dans des domaines qui n’avaient absolument rien à voir avec l’art. Ma mère bossait dans le juridique et mon père en banque. Mais, quand je me suis décidé à m’engager sur la voie de l’art, ils m’ont soutenu. Enfin, au départ, ils pensaient que j’allais faire de la photographie et de l’architecture. Des activités assez pratiques, de leur point de vue. Mais de toute façon, comme ils n’ont payé aucun frais pour mes études à la Cooper Union de New York, ils ne pouvaient vraiment rien dire. Ils n’avaient pas beaucoup de moyen de pression pour, éventuellement, m’empêcher de devenir artiste. À l’école, je faisais de la peinture, de la sculpture, plein de choses. Je travaillais sur des projets liés d’une certaine manière à l’architecture. Je créais des modèles, des constructions fantasmées. Je voulais faire de l’art. Qu’avez-vous fait quand vous avez fini l’école ? J’ai quitté New York et je suis rentré à Miami. C’est une époque très intéressante, Art Basel [du nom de la célèbre exposition internationale d’art contemporain. Créée en 1970 à Bâle, en Suisse, elle a lancé deux déclinaisons, à Miami, en 2002, et à Hong Kong, cette année, ndlr] venait de faire sa première édition. Pour l’occasion, avec des amis, nous avions loué une maison ; nous avions enlevé le sol et refait tout en blanc. Cela nous a servi de galerie pour exposer nos travaux et ceux de nos proches. En très peu de temps, toute la ville avait entendu parlé de cet espace. Au moment d’Art Basel, plein de galeristes, de distributeurs et d’acheteurs étaient venus. C’est comme ça que j’ai rencontré Emmanuel Perrotin. Quelques mois plus tard, je

"AUJOURD'HUI, IL Y A TELLEMENT D'ÉVÈNEMENTS QUE LES GENS NE PRENNENT PLUS LE TEMPS DE RIEN. ILS PASSENT D'UN ENDROIT À L'AUTRE"

photography and architecture. Somewhat practical activities from their point of view. In any case, since they did not have to pay tuition for my studies at Cooper Union in New York, they couldn’t really say anything. They did not have much leverage to prevent me from becoming an artist. At school, I painted, did sculpture, lots of things. I worked on projects related in some way to architecture. I created models, some fantasy constructions. I wanted to make art.

Quelle était l’ambiance du Art Basel Miami, à ses tout débuts ? Bien différente de celle d’aujourd’hui. L’intérêt pour l’art et les artistes était sûrement plus aiguisé. Les gens passaient vraiment du temps dans les galeries et dans les studios de création. Ils voulaient vraiment découvrir ce qu’il se passait dans les communautés d’artistes. Aujourd’hui, il y a tellement d’évènements

the casting of my first camera, a Pentax K1000. What did your parents do ? They worked in areas that had absolutely nothing to do with art. My mother slogged away in law and my father in a bank. But when I decided to commit to a career path of art, they me supported. Well, at the beginning, they thought I was going to do

What did you do when you finish school ? I left New York and I went to Miami. It was a very interesting time, Art Basel [the name of the famous international contemporary art exhibition. Founded in 1970 in Basel, Switzerland, it has launched two extensions, in Miami in 2002, and Hong Kong this year, ed] had completed its first edition. For the occasion, with friends, we rented a house; we removed the soil and remade it all in white. This served as our gallery to showcase our work and the work of our friends. In a short amount of time, the whole city had heard of this space. During Art Basel, a bunch of gallery owners, dealers, and buyers came. That’s how I met Emmanuel Perrotin. A few months later, I presented my work in Paris, with nineteen other Miami artists – all friends – for an exhibition titled “Miami Nice” [2004, ed]. This was one of the most important moments of my career and it’s probably what allowed me make myself know, like a sort of lucky break. In fact, I know that I will always stay with Emmanuel. He is someone who loves challenges, which always seeks to make gambles on the future. I think I was a good bet.


que les gens ne prennent plus le temps de rien. Ils passent d’un endroit à l’autre. Tout ça est lié à la mode, je pense. Désormais, il s’agit de savoir où sera la prochaine fête. Il n’y a presque plus que ça qui compte.

J’ai également monté des décors pendant les performances de la compagnie. Ainsi, j’ai élaboré un mur noir dans lequel je faisais des trous transpercés par des jets de lumière pendant les chorégraphies.

That said, he was also small at the time. Ultimately, he has helped me more than I’ve helped him. What was the atmosphere of the Art Basel Miami, in its infancy ?

Parallèlement à vos travaux dans votre atelier, vous avez également développé plusieurs collaborations… Oui, j’ai par exemple travaillé avec Hedi Slimane, du temps où il était directeur artistique chez Dior. Nous nous étions rencontrés via la galerie Perrotin et j’avais développé une installation pour la boutique de Los Angeles. Surtout, j’ai longtemps travaillé avec le chorégraphe américain Merce Cunningham [disparu en 2009, ndlr]. Cette association est le fruit d’une totale coïncidence. Merce était à Miami et a vu certains de mes travaux. Je ne sais pas pourquoi, mais il s’est dit que je serais la personne idéale pour dessiner le décor de son prochain spectacle. Étrange, puisqu’à ce momentlà, il n’avait vu, de moi, que des peintures. Quand je lui ai dit que j’acceptais de travailler avec lui, il m’a répondu : « Parfait, rendezvous à la première, alors. » Et la fameuse première n’était prévue qu’un an et demi plus tard… Comment vous-êtes vous débrouillé sans lui et, surtout, sans plan ? En fait, chaque partie du spectacle devait être indépendante. Du coup, quand je me suis mis à bosser sur une idée de stage design, je ne savais pas du tout quelle était la musique ou la chorégraphie. Merce, le compositeur et moi-même bossions chacun dans notre coin. C’était ce que voulais Merce. Pour construire le décor, j’ai passé beaucoup de temps avec la compagnie, j’ai pris le temps de connaître les danseurs. Je savais que Merce utilisait beaucoup la technique du crossover : le danseur sort d’un côté de la scène et revient de l’autre. C’est une mise en scène très théâtrale. J’ai construit un décor en me basant sur cette idée, mais en la réadaptant de manière verticale. C'était une structure qui donnait l’apparence de couler dans le sol et, avec deuxième partie « immergée » donnant l’impression de sortir du plafond. Avec cette installation, je suis parti en tournée avec la troupe en Australie, à Paris…

Quels sont vos prochains projets ? Trois expositions à l’automne. Une avec Emmanuel Perrotin à Hong Kong, une à Londres et une à Amsterdam. Mais comme je ne vis que dans un monde à la fois, les trois expositions auront toutes un lien entre elles. D’une manière ou d’une autre, elles seront toutes basées sur l’idée d’érosion des technologies antiques, d’objets devenus obsolètes avec le temps.

Quite different from that of today. The interest in art and artists was certainly sharper. People really spent time in the galleries and studios. They really wanted to find out what was happening the artist community. Now, there are so many events that people no longer take the time to do anything. They move from one location to another. All this is related to fashion, I think. From now on, it’s known where the next party will be. That is all that matters. Along with the work in your studio, you have also done several collaborations… Yes, for example, I worked with Hedi Slimane, during the time when he was artistic director at Dior. We had met at Perrotin

gallery and I had made an installation for the store in Los Angeles. Above all, I have worked a long time with the American choreographer Merce Cunningham [who died in 2009, ed]. This connection was the result of a total coincidence. Merce was in Miami and saw some of my work. I do not know why, but he said I would be the ideal person to design the set for his next show. Strange, since at that time, he had not seen my paintings. When I told him that I would agree to work with him, he said: “Perfect, see you at the premier then.” And the first opening was not planned until a year and a half later... How did you sort things out without him and, more importantly, without a plan ? In fact, every part of the show should be independent. So that meant when I began to work on the idea for the stage design, I did not know the music and the choreography. Merce, the composer, and myself all worked in our own corners. It was what Merce wanted. To construct the set, I spent a lot of time with the company; I took the time to get to know the dancers. I knew that Merce used the technique of crossover: the dancer leaves one side of the stage and come back the other. It’s a very theatrical staging. I built a set based on this idea, but by readjusting vertically. I built a structure that gave the appearance of sinking into the ground and, with a second “submerged” part gives the impression of a receding ceiling. With this installation, I went on tour with the troupe in Australia to Paris… I also climbed the sets during the company’s performances. Thereby I devised a black wall in which I made holes pierced by flashes of light during the choreography. What are your next projects? Three exhibitions in the fall. One with Emmanuel Perrotin in Hong Kong, one in London and one in Amsterdam. But since I only live in one world, the three exhibitions will all link together. One way or another, they are all based on the idea of ​​the erosion of antique technologies, on objects that become obsolete over time.





Qui êtes-vous ? Christophe Victoor, un bon vivant de 22 ans qui parcourt le monde à la recherche des expériences toujours plus enrichissantes. Que faites-vous ? Je collectionne des vestes de fermiers japonais du XIXème siècle (noragis) Qui êtes-vous ? Edouard, manager, junior DA/A&R chez Savoir Faire/Bromance Records et, accessoirement, auteur de Complexités du posthumanisme : Trois essais dialectiques sur la sociologie de Bruno Latour, aux éditions L’Harmattan. Que faîtes-vous ? Là, tout de suite, je bois un Candy’up fraise en répondant à des emails que j’ai classés par couleur. Je suis un peu comme ça, oui. Que faisiez-vous le 21 déc. 2012 ? Je viens de sortir mon téléphone pour jeter un coup d’œil à mes photos. J’étais à San Diego ; une fin du monde annoncée sous 25°C. Que fait Julian Assange de ses journées ? Ça doit vraiment être relou d’être coincé avec des diplomates équatoriens dans une ambassade à Londres. À part se faire prendre en photo devant la fenêtre de sa chambre avec son pote Ricardo Patiño et se gratter les couilles en pensant à ce qu’aurait pu devenir WikiLeaks, je ne vois pas. Vous mangez les croutes de la pizza ? Et toi, tu manges le nouveau blé à poêler de Franprix ? Voler des malabars dans un supermarché pour les donner au clochard devant, est-ce malhonnête ? Ce qui est malhonnête, c’est d’avoir cru qu’un clodo en voudrait. Voler un petit rosé de table Pelure d’Oignon et lui filer, ça c’est honnête. Un historique internet, ça s’efface tous les combien ? Ça ne s’efface pas, c’est plus marrant de te prendre le chou avec ta nana après qu’elle ait vu un onglet « Anissa Kate double » sur xvideos.com. Qu’est-ce que tu as dans la poche ? 250 euros, une clef, une note de taxi, des Freedent white, et un fond de weed.

Who are you? Edward, manager, junior Artistic Director/A&R at Savoir Faire / Bromance Records and, incidentally, the author of Complexities of Posthumanism: Three Dialectical Essays on the Sociology of Bruno Latour, published by L’Harmattan. What do you do? Here, right now, I’m drinking a strawberry Candy’up responding to emails that I sorted by color. I’m a bit like that, yeah. What were you doing on the 21st of December 2012? I got out my phone to take a look at my photos. I was in San Diego; the end of the world was heralded as 25 °C. What does Julian Assange do during the day? It must really suck to be stuck with the Ecuadorian diplomats in the embassy in London. Aside from being photographed in the front his bedroom window with his buddy Ricardo Patiño and scratching his balls thinking about what became of WikiLeaks, I don’t know. Do you eat the crust of pizza? And you, do you eat the new deep-dish dough from Wal-Mart? Stealing chewing gums from the supermarket to give to a hobo, is it dishonest? It is dishonest, to believe that a bum would want those. Steal a small Pelure d’Oignon table rosé and hand it over to him, that’s honest. Internet history, is it all erased? It’s not erased; it’s more fun to clear things up with your girl after she sees the tab “Anissa Kate double” on xvideos.com. What do you have in your pocket? 250 euros, a key, a taxi receipt, some Freedent white, and a whiff of weed.

Si vous étiez serial killer… Patrick Bateman. Qui est le parrain ? Charaf Tajer, of course. Le père adoptif de beaucoup d’orphelins de la nuit, mais aussi l’entrepreneur parisien le plus remarquable de ces dernières années. Le pire moment de votre soirée ? Lorsque le jour se lève, que ma veste a une odeur de tabac nauséabonde, que tout ce dont j’ai envie est d’un gros plate de mac & cheese, et qu’il est l’heure de se mettre au travail. Que pensez d’un type qui serre la main de manière molle ? Ça me déplait fortement. Une poignée de main est la première chose qui peut caractériser un personnage. Elle se doit d’être, tant d’une fermeté amicale, que d’une douceur respectueuse. Un hashtag ? Deux, même : #BEEN #TRILL Promis, ce soir, je me couche tôt ? Si possible, oui. Si on y réfléchit bien, à dormir 12 heures par nuit chaque jour, on passe la moitié de sa vie dans ses rêves. En fin de compte, où se situe vraiment la réalité ? C’est vraiment crédible la cigarette électronique ? Ça a beau être controversé, je pense que c’est bien moins nocif que le marché boursier, que l’énergie nucléaire et qu’Internet. En revanche, mon gros problème est que l’on ne peut malheureusement pas fumer ces fameuses cigarettes électroniques dans l’avion.

Who are you? Christophe Victoor, a good lively twenty-two-year-old roaming the world in search of the most enriching experiences ever. What do you do? I collect the jackets of Japanese farmers from the nineteenth century (noragis). If you were a serial killer ... Patrick Bateman. Who is the Godfather? Charaf Tajer, of course. The adoptive father of many orphans of the night, but also the most remarkable Parisian entrepreneur in recent years. The worst moment of your night? When the sun rises, and my jacket has a foul smell of tobacco, and all that I want is a big plate of mac & cheese, and then it’s time to get to work. What about a guy who shakes hands softly? I dislike it greatly. A handshake is the first thing that can characterize a person. It has to have a friendly firmness, more than a respectful softness. A hashtag? Two, even: # BEEN # TRILL Promise, tonight I go to bed early? If possible, yes. If you think about it, sleeping 12 hours a night, you spend half your dreaming. In the end, which is really the reality? Is the electronic cigarette believable? It may be controversial, I think it’s far less harmful than the stock market, nuclear energy, and the Internet. However, my biggest problem is that unfortunately, you can’t smoke the famous electronic cigarettes on planes.


Qui êtes-vous ? Je suis une fille et je m’appelle Elsa Salmon.

Qui êtes-vous ? Un vagabond qui aime l’aventure et la nuit. Pendant mes temps libres, je travaille sur une petite marque française de couvre-chefs appelée Larose Paris.

Que faites-vous ? Je suis attachée de presse pour l’agence l’Écurie. Le reste du temps, je bois du rosé en terrasse. Vous culpabilisez quand vous imprimez un mail avec le message de protection de la nature à la fin ? La signature d’un mail plus longue que son contenu, j’ai toujours trouvé ça ridicule. Capital, numéro de siret de l’entreprise, messages de protection de la nature, même combat. La publicité planquée dans les clips, est-ce bien raisonnable ? Faut bien faire du biz pour faire du biz. Ça vous fait quoi qu’Ikea vous prenne pour un rat de labyrinthe qui finit inexorablement à la caisse ? Moi, j’ai le goût du risque : je suis les flèches, peu importe où elles me mènent. Pourquoi ne peut-on pas s’empêcher de lire tout ce qu’il y a sur la boîte de céréales ? Généralement, on mange des céréales en se réveillant le samedi matin à 15h, ce qui sous-entend une activité cérébrale réduite à néant et donc l’incapacité de lire autre chose que les aventures d’un singe qui cherche à atteindre le centre d’un labyrinthe rempli de bananes, ou le taux de glucides dans une portion de 30 grammes de céréales (sans le lait). Pourquoi les gens aiment-ils autant les stations d’essence sur l’autoroute ? C’est comme les eaux internationales, ou une sorte d’espace Schengen. Un endroit où tu as l’impression que le Redbull acquiert presque les vertus de l’eau, où tu achètes des croissants en plastique et tu trouves ça presque bon.

Que faites-vous ? Je bois du bubble tea sur une terrasse du Québec. Qui pour le calendrier Pirelli ? Ma copine Florence.

Who are you? I’m a girl and I’m Elsa Salmon. What do you do? I am the press officer for the agency l’Écurie. The rest of the time, I drink rosé on terraces. You feel guilty when you print an email with a message about conserving nature at the end? Having the signature of a message be longer than its content, I always found that ridiculous. Capital, the company license number, nature conservation, the same fight... Advertising is hidden in the videos, is that reasonable? That’s part of the biz. Do you get the sense that Ikea is a rat maze that ends inevitably ends at the checkout? I have the taste for risk: I follow the arrow, no matter where they lead me. Why can we not help but read everything there is on the cereal boxes? Generally, you eat cereal after waking up on Saturday morning at 3 pm, which implies your brain activity has been reduced to zero, unable to read anything other than the adventures of a monkey trying to reach the center a maze filled with bananas or the fact that carbohydrate content in a 30 gram serving of cereal (without milk). Why do people like the gas stations on the highway so much? It’s like international waters, or some sort of Schengen zone. A place where you get the impression that Redbull almost provides the same nourishment as water, where you buy croissants in plastic and you think it’s pretty good.

Comment stopper l’hémorragie ? Vous posez souvent ce genre de questions en France ? Demain, tout ira bien ? Et bien, il semblerait que oui... Quel est le problème avec Charles Baudelaire ? D’après sa photo sur Wikipedia : sa calvitie. La différence entre une baleine et un orque ? J’affronte rarement des baleines dans mes parties de Donjon Dragon. S’il ne devait rester qu’une moustache, quelle serait-elle ? À 28 ans, je suis toujours imberbe (ou presque) alors je dirais celle de Frida Kahlo. De ce point de vue, je peux enfin cesser d’être jaloux et envieux des autres. Une technique pour apprendre à nouer sa cravate ? En regardant un nœud coulant. Cela devrait vous donner envie de changer d’accessoire. Dimanche soir ou lundi matin ? Game of Thrones = dimanche soir Une équation favorite ? Espresso + lait = Latte

Who are you? A wanderer who loves adventures and night. During my free time, I work for a small French headwear brand called Larose Paris. What are you doing? I’m drinking bubble tea on a terrace in Quebec. Who for the Pirelli calendar? My girlfriend Florence. How do you stop bleeding? You ask these types of questions in France? Tomorrow, everything will be fine? Well, it seems so. What is the problem with Charles Baudelaire? According to his picture on Wikipedia: his baldness. The difference between a whale and a killer whale? I rarely confront whales in my games Dungeons & Dragons. If you were to have a mustache, what type would it be? At 28, I’m still hairless (or nearly so) so I would say one like Frida Kahlo’s. In this respect, I can finally stop being jealous and envious of others. A technique to learn to tie a tie? Watching a slipknot. This will make you want to change accessories. Sunday night or Monday morning? Game of Thrones = Sunday night A favorite equation? Espresso + milk = Latte


Qui êtes-vous ? Vincent Tokatlian, deuxième du nom. Que faites-vous ? Couteau suisse de BWGH et épicier le soir.

Jeu de mains, jeu de ? Jeu de main jeu de vilain. Jeu de pieds, jeu de pd. Quelle solution contre ces cohortes de jeunes gens qui écoutent Pitbull sur leur téléphone, version haut parleur, dans les transports ? Mettre du Dalida dans tous les transports en commun Vous relevez la cuvette ? Ça dépend du lieu. Quel est votre voisin ? Aucune idée, mais j’aimerais bien que ça soit une voisine physiquement intelligente. Vous roulez pour qui ? Pour l’Olympique de Marseille ! Mon cœur bat bleu et blanc !! Votre plus grosse casse ? Un frein à main en bagnole mal géré et quelque peu alcoolisé, j’ai arraché tout le côté droit de ma voiture.

Who are you? A big cat.

Que faites-vous ? « J’emmène deux ou trois putains sur deux ou trois îles ». En gros.

What are you doing? “I take my bitch, she won’t complain about shit”. Something like that.

Quelle est la vraie raison d’être des bulles dans les sneakers ? Je sais pas, je suis en espadrilles là.

Qu’est-ce qu’un attaché de presse ? Un renard qui sait actionner les bons contacts et qui harcèle les gens non stop. C’est aussi un bon pote qui te fais rentrer dans toutes les soirées pour picoler et manger à l’œil ! Votre blog ? C’est le tout premier concept Supérette en France : www.la-superette.fr

Qui êtes-vous ? Un gros chat.

De qui vous méfiez-vous ? De moi même… Non, je déconne.

Who are you? Vincent Tokatlian, the second. What are you doing? Swiss arny knife at BWGH and grocer at night.

Où serez-vous après demain soir, à 00h01 ? Alors sur une île en Croatie pour le FOR Festival, sûrement saoul, probablement torse nue. Quel châtiment pour celui qui déjeune, sans vergogne, d’un kebab dans l’open space ? Le mépris.

What’s the reason to be of the air bubbles of sneakers? I have no clue, I’m currently wearing espadrilles. What do you distrust? Myself. No I’m kidding. Were will you be in two days at 0:01 am. On an island, in Croatia, for the FOR Festival. Probably drunk. Probably topless. What punishment for the shameless people who eat kebabs in the open space? Contempt.

What’s a press attaché? A fox who knows who are the right people to harass. Also a good friend that makes you enter in all the places to be, those where you can eat and drink for free.

À qui doit-on tenir la barbichette ? À moomine.

Your blog ? The first concept of grocery (superette) in France: www.la-superette.fr

Une autre vie est-elle possible ? Évidemment

Why do we have to pay tribute to Barry White? Because he helped so many guys to make out with girls.

Mais hipster, ça veut dire quoi ? Qui se déhanche non ?

Is another life possible? Obviously.

Que faire en apesanteur ? Demande à Calogero

But what the hell means hipster? Someone who hips. No?

All this fooling around? Is going to end in tears! What should we do against those people who listens bad hip hop very loud on their phone in the subway? Oblige old and bad pop music in the subway. Do you lift up the toilet bowl? Well, it depends of the place you are. Who’s your neighbor? No idea, but I’d like her to be a very physically intelligent girl. Who do you support? The French Olympique de Marseille, soccer team. My heart is definitively white and blue. Your bigger crash? A bit too much of alcohol, a handbrake not very well handled… I wreck the right wing of my car.

Pourquoi doit-on rendre hommage à Barry White ? Il a permis a plein de mecs de pécho.

Who must we hold by the little goatee? A moomin.

What should we do in weightlessness? Ask French singer Calogero.


Qui êtes-vous ? Piu Piu, that’s my nickname.

Who are you? Più Più, that’s my nickname.

Que faîtes-vous ? Je suis dj, auteure, chanteuse. Je fais également du guacamole et la fête.

What do you do for a living I’m a dj, a songwriter and a writer. Also, I do know how to cook guacamole and I love partying.

La dernière fois que vous avez improvisé un contrat sur une feuille blanche ? C’était un contrat de mariage, à la récréation. Il s’appelait Francois. Depuis, on a divorcé. Qui sont ces gens qui se shootent avec des bombes à air comprimé pour nettoyer les ordinateurs ?

Qui êtes-vous ? Yangzom Tsering, enchantée.

Who are you? Yangzom Tsering, nice to meet you.

Que faîtes-vous ? Couteau suisse pour différents magazines.

What are you doing for a living? I’m working for several magazines. I’m like a Swiss Army knife.

Quel est votre entourage ? Kaaris, Booba, Jeremy Menez. Notamment.

Who’s part of your entourage? They’re so many. Let’s say French rappers Booba and Kaaris and PSG player Jeremy Menez belong to it.

Qu’est ce qui vous anime ? Le vol à la tire d’huitres. Ma passion ostréicole peut devenir très ghetto. Pourquoi devriez-vous vous réfugier à Cuba ? On me recherche pour vol à la tire d’huitres.

What does motivate you? Oysters shoplifting. You know, my passion for oysters can get so ghetto. Why would you flee to Cuba? Cuz’ I’m the biggest oysters shoplifter on Earth.

Votre dernier faux départ ? Mercredi, j’ai raté mon avion pour Florence.

Your last falste start? Last week, I missed my flight for Florence, Italy.

Qu’est ce qui point ? Salut, ça va ?

What do you see? Het, what’s up?

Dans quelle mesure est-il possible de stopper l’hégémonie espagnole sur le terrain du sport ? Se doper.

How can we hinder the Spanish being the winners in sports? Take steroids.

Une punition pour ceux qui utilise le terme « Yolo » ? Les gens qui font ça sont énervants. Moi, je fais plutôt partie de la team « trait sous la signature ». Tu vois le genre ?

What punishment for those who say “YOLO”? I’m so mad at those people. Personally, I’m belong to the Underliner Crew. The ones who underlines their signatures. You dig me?

Ceux qui ne savent pas trouver de numéro de dealer même avec un ordinateur. Ibuprofen ou paracétamol ? Paracétamol. 1000. Le djembé est-il condamné à être assimilé à un instrument pour babos ? Oui ! D’ailleurs, c’est un instrument interdit dans la plupart des villes européennes, sauf dans certaines rues de Barcelone. Vous avez déjà enterré un truc dans votre jardin ? Ma tortue, Mary Poppins. Elle est morte à cause d’une écharde. Les gens qui utilisent des surligneurs fluos sont-ils des mono-maniaques ? Est ce que ces gens vivent en 1997 ? C’est quoi le petit nom de votre dealer dans votre répertoire ? Sushishop. Faites-vous partie des 38% de gens qui aiment secrètement qu’on les palpe à l’aéroport ? Je préfère qu’on me palpe dans mon lit.

When did you sign a contract for the last time? It was some sort of a prenuptial agreement, back in the Kindergarten days. His name was Francois. But we got divorced. Who are those people who love getting high with a computer cleaning spray? I guess they’re people who don’t know how to get in touch with a dope dealer, even on the Internet. Ibuprofen ou paracéetamol? Paracetamol. 1000. Is the djembe definitely a hippie instrument? For sure! Talking about that, this is an instrument that is forbidden in most of the european cities. Besides Barcelona. Have you ever buried something in your backyard? Mary Poppins, my turtle! She died after getting hit by some kind of a splinter. Are those who use highlighters monomaniacs? Are those people living like in we were in 1997? What is your dealer nickname? Sushishop. Are you like these people who love getting palpated at the airports ? I’d rather get palpated in my bed.


UB LISHER PUBLISHER Davi d adia David Obadia Nelso Hssa n Nelson Hassan EDIT OR EDITOR Vin cent Desailly e sailly Vincent ART C TION ARTDI DIRECTION Davidb a dia David Obadia DESIGN G RA PHI GRAPHIC DESIGN vin Moriss eLelarge Macl Alexandre arvin Moriss e Maclean Maclean Marvin Morisse wURiiA LIS TS JOURNALISTS Raphael kin RaphaelMl Malkin Loïc LoïcH. H. R Rechih Kahina uill Kahina de N Neuilly Julien b cci PierreRe Labrunie ien R Julie n Reb cci Marc Antoine Simoni PHOTOGRAPHERS ud Paul Arnaud Cléme sal Alice Moitié Cl ent scal Vincent Desailly Adrien Lacheré Antoine Debens CONTRIBUTORS Yvane Jacob Vincent Tokatlian HOTOG HE R TRANSLATORS Paul Ar Grumbach n a ud Matthew Clément scal Printed in France Alexis Rai Léonce Duprez bault Imprimerie Printed i n Frphotos ance Texts, illustrations and Imprimerie Léo e eepr copyright Snatch Editions BWGH Magazine is publish Texts, illust Editions ration os by Snatch copyright at ch75006 E ditio 65 rue deSn Rennes Paris BWGH Maga zin lish SARL au capital deis1 pub 000 euros by Sna: En t cours. itions ISSN 65 rue de Re : À parution n0 06 P Dépôt Légal ARL au cpreserved. italuros All right ISSN :En c in whole ours. Reproduction Dépôt é gwithout i n who or in part written permission is strictly prohibited.


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