巴黎国立高等装饰艺术学院历史一(1966-1941)

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Histoire de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (1766-1941)


• Histoire de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (1766-1941)



Éditorial

Avec l’inauguration en novembre 2004 des nos locaux, reconstruits par l’équipe Luc Arsène-Henry - Philippe Starck et Pascal Cribier, s’achève la modernisation du site de la rue d’Ulm. S’ouvre ainsi un nouvel épisode d’une aventure entamée en 1766… Fondée sous le nom d’École royale gratuite de dessin, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) a depuis largement contribué à la création artistique dans de nombreuses disciplines : les noms familiers et prestigieux d’anciens élèves et enseignants, d’Eugène Viollet-le-Duc à Jean-Paul Goude et Annette Messager, en passant par Auguste Rodin, Hector Guimard ou Jean Widmer, émaillent l’histoire de notre école. Il manquait jusqu’alors le texte de référence qui mettrait en lumière la continuité de la vocation pluridisciplinaire de l’Ensad. L’édition spéciale de ce numéro du Journal de l’Ensad concrétise ainsi notre souhait de la faire connaître au plus grand nombre. Quatre essais, chacun couvrant une période chronologique précise, en dressent le portrait, depuis sa fondation jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale : ils traitent autant de l’histoire de l’enseignement et de la création artistique que de celle des institutions ou du goût. Ces études ont pour origine une recherche initiée par Elisabeth Fleury, alors directeur adjoint de l’École, dans le cadre d’un contrat passé avec le ministère de la Culture et de la Communication. Une iconographie souvent inédite – archives de l’Ensad, collections privées, etc.- permet de découvrir les locaux et la vie de l’École sur deux siècles mais aussi de voir des œuvres de créateurs, formés dans notre École et devenus célèbres en France et en Europe. Pour la seconde partie de cet opus, dans la perspective du 240e anniversaire de sa fondation en 2006, l’Ensad va lancer une recherche collective sur l’impact de l’École dans la création contemporaine, depuis 1945 jusqu’à nos jours, époque de tous les changements. Une approche vivante d’une histoire récente constituant le socle de la reflexion qui conduit à l’actuelle rénovation du cursus. Toute l’équipe de l’Ensad, professeurs, élèves, administratifs et techniciens est fière de pouvoir mettre ainsi son travail en perspective. Patrick Raynaud Directeur de l’Ensad

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Sommaire 6 La fondation de l’École royale gratuite de dessin de Paris (1767-1815) par Ulrich Leben

64 De l’École royale gratuite de dessin à l’École nationale des arts décoratifs (1806-1877) par Renaud d’Enfert

9 Un portrait : Jean-Jacques Bachelier vu par Ulrich Wertmüller (1784)

67 1. Une triple ambition 68 L’École gratuite de dessin pour les jeunes personnes 71 Charles Percier (1764-1838)

15 1. L’enseignement du dessin à Paris avant la fondation de l’École de Jean-Jacques Bachelier 21 Jean-Jacques Bachelier (1724-1806)

73 2. Vers une diversification de l’enseignement 73 De Perrin… 74 Le problème des locaux 76 … à Belloc 77 Jean-Hilaire Belloc (1786-1866) 78 L’enseignement de la gravure sur bois

22 2. La fondation de l’École royale gratuite de dessin par Jean-Jacques Bachelier 25 3. L’aboutissement d’une voie semée d’embûches : la polémique avec l’Académie royale de peinture 28 Le projet d’une succursale au faubourg Saint-Antoine

81 3. La figure humaine, fondement de l’enseignement du dessin 81 Vers le modèle des Beaux-Arts ? 84 Le dessin de mémoire selon Lecoq de Boisbaudran 85 Une orientation contestée

29 4. Financement et ressources de l’École 34 Les sources artistiques de l’enseignement

87 4. Une formation ornementale renouvelée 90 Pierre Louis Rouillard (1820-1881)

39 5. Concours et récompenses

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5. Mathématiques et architecture Les mathématiques : des finalités multiples L’enseignement des mathématiques L’architecture : de la construction… Jean-Paul Douliot et le cours de construction 97 … à l‘architecture décorative 99 Eugène Train (1832-1903), professeur d’architecture

41 6. Les locaux 45 Les modèles utilisés à l’École 47 7. Les matières enseignées 53 8. Le projet d’une école de dessin pour jeunes filles 56 9. Les élèves 59 Des artistes issus de l’École 61 L’influence de l’École gratuite de dessin en France et en Europe

101 6. Des débouchés variés 105 7. Une institution exemplaire

62 Conclusion

I.

page 2 : Élèves d’un cours durant les années 1940 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

II.


108 L’École à la recherche d’une identité entre art et industrie (1877-1914) par Rossella Froissart-Pezone

148 Une école supérieure à l’apogée (1914-1941) par Sylvie Martin 151 151 154 155

115 1. La réorganisation des études : la «Petite École» devient une vraie École

1. Le contexte de l’entre-deux- guerres Le renouveau des arts décoratifs et l’Art déco Paul Dugas, dit Steck (1866-1924) L’action officielle en faveur de l’enseignement artistique 156 L’École pendant la Première Guerre mondiale

115 L’admission sous condition 118 L’enquête sur les industries d’art de 1 881 119 Eugène Guillaume et la réforme de l’enseignement du dessin 120 L’« enseignement simultané obligatoire »

157 2. La constitution d’un établissement d’enseignement supérieur 157 Des modifications significatives du statut de l’école nationale des arts décoratifs (Enad) 162 Une école nationale face au réseau des écoles d’arts décoratifs

123 2. L’unité par la centralisation 123 Le rattachement des écoles de Limoges et d’Aubusson 128 La question de la reconstruction de l’école 130 La création de la section de jeunes filles 134 Paul Renouard et le cours de « croquis rapide » 135 Art utile, industriel, appliqué ou décoratif ?

164 3. De nouvelles conditions matérielles 164 L’autonomie financière et la dotation budgétaire 166 Eugène Morand (1853-1930) 167 Le batiment de la rue d’Ulm par Roger Henri Expert 170 De nouveau supports pédagogiques 172 La Grande Masse

112 Gaston Louvrier de Lajolais (1829-1908) 113 Un interlocuteur privilégié : l’Union centrale des arts décoratifs

137 3. Une ouverture difficile vers l’industrie 137 La création controversée des ateliers d‘application décorative 139 L’École des beaux-arts réformée et l’École des arts décoratifs 140 À la recherche de l’unité de style : l’enseignement de l’architecture 144 L’Art nouveau et l’École des arts décoratifs 146 Un ancien élève type : Tony Selmersheim (1871-1971) 147 Un artiste industriel à l’École : Félix Aubert (1866-1940)

175 4. Le perfectionnement de l’enseignement supérieur 175 Le perfectionnement des savoirs et la généralisation de l’enseignement d’atelier 178 La section d’architecture au centre de l’École 181 Le diplôme d’architecture 182 5. Des choix difficiles 182 Les projets de réformes du Front populaire 183 La légitimité contestée de la section d’architecture 185 Georges Huisman (1889-1957) 186 Une orientation décorative opposée au faubourg Saint-Antoine 188 La Société des artistes décorateurs (SAD) et l’École 190 L’ouverture aux «modernes» à travers l’architecture 191 L’atelier Trouvelot : sujets de concours (1930-1939) 192 192 196 198 199 202 203

III.

6. Une école à l’apogée Un encadrement réputé L’impact sur l’industrie Les ateliers des grands magasins L’École et les grands chantiers La Reconstruction La participation aux concours et expositions 206 L’École à l’Exposition de 1937 207 Le rayonnement à l’étranger 209 Annexes : chronologie, bibliographie, liste des professeurs, index général

IV.

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I.


La fondation de l’École royale gratuite de dessin de Paris (1767-1815) par Ulrich Leben


Jean-Jacques Bachelier, huile sur toile, par Ulrich Wertmüller, 1784 (Paris, Centre culturel suédois, collection de l’Institut Tessin).

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• Un portrait : Jean-Jacques Bachelier vu par Ulrich Wertmüller, 1784

Notes : 1. Institut culturel suèdois à Paris, inv. P 668

Le portrait de Jean-Jacques Bachelier par le peintre suédois Ulrich Wertmüller représente le directeur de l’École royale gratuite de dessin en 1784 au sommet de sa gloire. Il s’agit d’un document d’autant plus précieux que le buste anonyme de Bachelier a disparu de l’École durant les événements de mai 1968 et qu’on ne le connaît que par une photo. D’autres portraits de Bachelier sont connus sous forme de dessins ou de pastels, mais le portrait de Wertmüller constitue de loin le témoignage le plus complet de notre artiste : Bachelier est figuré avec les attributs essentiels de sa profession, assis dans un fauteuil dont la stricte élégance des formes incarne bien le néoclassicisme tel qu’il s’est développé à la veille de la Révolution, dans le goût des meubles sortis de l’atelier de Georges Jacob. Bachelier tient à la main le dessin qui va servir de modèle à une gravure animalière, représentant un cheval au galop (planche gravée n° 104). Au premier plan, au pied du fauteuil, un portfolio laisse deviner d’autres dessins qui ont servi à graver des planches pour l’École. Au fond, on aperçoit également une des versions de La Charité romaine, pièce de réception présentée en 1764 par Bachelier et qui lui valut d’être reçu comme peintre d’histoire à l’Académie. Le portrait par Wertmüller fut lui-même la pièce de réception de l’artiste à l’Académie royale de peinture et exposé au Salon de 1784. Il est actuellement conservé dans la collection Tessin à l’Institut culturel suèdois1.

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« Nous avons déjà d’excellents artistes à un établissement fait, il y a une quinzaine d’années […]. C’est une école gratuite de dessin, où nombre de jeunes gens sont instruits par de bons maîtres et d’après les meilleurs modèles2. » La fondation de l’École royale gratuite de dessin fut l’un des aboutissements majeurs de la carrière du peintre Jean-Jacques Bachelier. L’histoire de l’École de dessin reste peu connue : en effet, c’est seulement il y a quelques années que la découverte des archives de l’École aux Archives nationales a permis de mettre en valeur son rôle de précurseur en matière d’enseignement artistique, puisque pour la première fois une école laïque s’adressait à tous, véritable révolution dans l’univers de l’instruction publique. Fruit de l’idéalisme de l’âge des Lumières, l’École est une de ses plus belles réalisations dans le domaine des beaux-arts. Sa longévité témoigne de l’excellence des idées qui présidèrent à sa conception et de la ténacité de ceux qui élaborèrent son organisation et sa pédagogie, en dépit des nombreuses résistances sociales. La création de l’École associa le roi, la noblesse, de brillants esprits de l’époque, tels que Voltaire ou Mme Geoffrin, mais aussi la jeune génération des artisans auxquels elle s’adressait3. On tentera ici d’éclairer une partie du rôle de Bachelier et d’écrire l’histoire de la création et des débuts de l’École gratuite de dessin, ancêtre de l’actuelle École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) de la rue d’Ulm.

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À l’École royale gratuite de dessin, cent vingt-cinq élèves par classe étudient, à partir de gravures, les bases du dessin au trait : la perspective, le dessin d’architecture, la figure humaine, les animaux, les plantes ou l’ornement. Grâce à une organisation rationnelle de l’emploi du temps, l’école accueille chaque jour cinq cents élèves, et jusqu’à mille cinq cents par semaine. Chaque élève choisit sa spécialité – ornement, figure humaine, architecture –, mais tous sont astreints à suivre des cours de base en géométrie et en architecture. Permettre à un si grand nombre d’élèves d’accéder à une éducation artistique est alors radicalement nouveau, car s’il est un trait marquant dans l’entreprise de Bachelier, c’est son ambition de toucher un grand nombre d’élèves à une époque où l’instruction publique est pratiquement inexistante. C’est donc à l’initiative de Bachelier que l’École est fondée. Il en est le directeur de 1766 à 1806. Bachelier incarne une de ces personnalités de la fin de l’Ancien Régime qui, issues d’un milieu modeste, connaissent une belle ascension sociale. Grâce à sa grande diplomatie, il parvient à rassembler en 1766 les concours nécessaires à la réalisation de son projet. Il obtient des lettres patentes du roi Louis XV en 1767, renouvelées par Louis XVI à la suite des réformes de Turgot en 1776. En 1791, il réussit à convaincre l’Assemblée nationale de la nécessité de conserver son institution. Après l’abolition de la monarchie le 10 août 1792, c’est devant la Convention qu’il plaide avec succès le maintien par la République de l’École de dessin, argumentant sur le fait qu’il s’agit d’un établissement d’utilité publique. Il obtient ainsi, en pleine Révolution, de sauver l’institution qu’il avait créée, lui épargnant le sort bientôt réservé à la plupart des autres institutions royales. Mais comment et pourquoi eut-il l’idée de fonder l’École ? L’une des hypothèses avancées est son origine sociale modeste : son père exerce un petit métier et c’est Bachelier qui installera un peu plus tard sa mère dans un petit commerce de faïences. Or, c’est grâce au patronage des peintres Charles Antoine Coypel et Jean-Baptiste Oudry qu’il peut accéder à une éducation supérieure, réservée alors à ceux qui bénéficient d’un protecteur. Il est donc possible que le souvenir de la générosité dont il avait lui-même bénéficié l’ait amené à entreprendre des actions philanthropiques pour de moins chanceux que lui, jeunes artisans ou ouvriers. Notes : 2. Extrait du Journal du marquis Marc de Bombelles (1784-1789), le 26 décembre 1785, p. 98, Genève-Paris, 1992. 3. Les archives de l’École versées par l’Ensad couvrent la période de 1767 à 1950. Elles se trouvent conservées sous la cote AJ 53/1-167 et sont disponibles depuis les années 1970. Louis Courajod décrit l’école de Bachelier dans son Histoire de l’enseignement des arts du dessin au xvIIIe siècle, L’École gratuite de dessin fondée par Bachelier, Paris, 1874. Paul Vitry donne une description de l’histoire du bâtiment de l’École, rue de l’École-de-Médecine, « L’Amphithéâtre des chirurgiens, L’École des arts décoratifs », Gazette des beauxarts, mars-avril 1920, p. 197-210 ; Arthur BIREMBAUT regrettait en 1964 la perte des archives de l’École et poursuivit sa recherche à partir des documents imprimés, « Les écoles gratuites de dessin », chap. Iv, dans Enseignement et diffusion des sciences au xvIIIe siècle, éd. R. TATON, Paris, 1964, p. 441-476 ; même Vincent BOUVIER D’YVOIRE semble ne pas avoir eu connaissance de l’existence des archives, « Les écoles gratuites de dessin au xvIIIe siècle : enseignement populaire et beaux-arts », Sources, revue de l’association Histoire au présent, n° 26, 1991, Paris, 1992, p. 3-11.

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Frontispice d’un traité de dessin publié en Grande-Bretagne dans lequel on reconnaît les modèles tirés de l’Hercule Farnèse, du Laocoon, de la Vénus Médicis, du Torse du Vatican ou de l’Apollon du Belvédère.

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4. Svend ERIKSEN, Early Neo-Classicism in France, Londres, 1974, appendices I-IX. 5. The Gentleman’s Magazine, 1748, t. XVIII, p. 355, 18 août 1748, « Account of the Dublin society and list of praemiums promised for the improvement in manufacture & agriculture etc. […] To such boys who shall produce the best drawings made by them, and shew their skill in drawing before the society, in such proportion as they shall deserve […] for the best patterns made by boys or girls for damask or painted linen […]. ». 6. The Gentleman’s Magazine, 1749, t. XIX, p. 317, « From the Westminster Jour, July 8, On an Academy for drawing ». 7. Lettres de l’abbé LE BLANC, Historiographe des Bâtiments du roi, 3 tomes, nouvelle édition de celles qui ont paru sous le titre de Lettres d’un Français, Amsterdam, 1751. 8. « Projet pour l’établissement d’écoles gratuites de dessin », Mercure de France, mars 1746, p. 67-74 ; ROZOY, Essai philosophique sur l’établissement des écoles gratuites de dessin pour les arts mécaniques, Paris, 1769.

D’autre part, la fondation d’écoles de dessin reflète certaines préoccupations de l’époque. En France, bon nombre d’entre elles sont instituées en province avant même l’école parisienne, qui n’exercera que plus tard, par décret royal, le rôle d’école modèle – on parlera d’« école mère » – sur laquelle toutes les écoles de province devront alors se régler. Les motivations de Bachelier peuvent également être analysées sous d’autres angles. Elles participent probablement des attaques virulentes lancées par les artistes de son époque contre les formes contournées du style rocaille au profit des lignes droites du goût néoclassique, tel que le définissent notamment dans leurs écrits Charles Nicolas Cochin et l’abbé Le Blanc4. Ensuite, au-delà de cette querelle intellectuelle et artistique, il ne faut pas exclure l’hypothèse selon laquelle Bachelier aurait eu connaissance de certains articles publiés dans un journal londonien, The Gentleman’s Magazine. En effet, depuis 1748, profusion d’articles font référence à des écoles ou à des cours privés fondés dans différentes villes de GrandeBretagne et d’Irlande, destinés à former les artisans capables d’assurer une production qui satisfasse aux exigences du commerce tant national qu’international. Par ailleurs, les cours dispensés en Irlande ne s’adressent pas exclusivement aux jeunes de six à dix-huit ans, mais également à d’anciens soldats ou matelots devenus chômeurs et livrés à eux-mêmes5. En 1749, ce même journal fait reparaître un article à l’origine publié dans le Westminster Jour sur une académie de dessin, dans lequel l’auteur insiste sur l’avantage et le rôle important que « la maîtrise du dessin peut avoir pour la réussite économique d’un état vivant du commerce maritime en particulier ». Le principe de compétition par concours et d’une récompense accordée à l’auteur du meilleur dessin revient à propos de la Dublin Society, élément novateur repris ensuite par les fondateurs de l’école parisienne, qui y verront un moyen d’éveiller esprit de compétition et émulation chez les étudiants6. Enfin, un nombre considérable d’écrits et de discours paraissent alors, où leurs auteurs évoquent la question du dessin et son rôle dans les arts en général, telles les Lettres de l’abbé Le Blanc7. En 1746, par exemple, le peintre Antoine Ferrand de Monthelon rédige un article intitulé « L’utilité des arts du dessin pour les métiers mécaniques », repris ensuite dans le Mercure de France8.

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1. L’enseignement

du dessin à Paris avant la fondation de l’École de Jean-Jacques Bachelier

L’enseignement du dessin au XVIIIe siècle poursuit d’autres objectifs que ceux visés par les académies de dessin créées dès la Renaissance, en Italie et ailleurs, afin de former les artisans. Alors que ces dernières ne s’adressaient qu’à quelques-uns qui, au service des cours princières, telle celle des Médicis à Florence, produisaient des objets extrêmement luxueux, les écoles de dessin au XVIIIe siècle ont partie liée avec les préoccupations commerciales contemporaines. Comme l’Angleterre, la France envisage l’enseignement du dessin comme un moyen d’améliorer la qualité des productions du secteur des métiers d’art et de contribuer ainsi à la croissance économique du pays. Les classes dirigeantes et certains membres de la bourgeoisie éclairée ont compris que les produits se vendent mieux quand ils sont beaux et que le développement de l’industrie nationale passe par la formation d’artisans et d’ouvriers capables de satisfaire aux exigences d’une clientèle versatile en matière de goûts et de plus en plus raffinée. Vue sous cet angle, la fondation des écoles de dessin devient un atout dans la compétition pour gagner les faveurs d’une clientèle désormais de plus en plus internationale. Ce souci d’une production de qualité, capable de rivaliser sur le plan international avec celle des pays voisins, perdurera tout au long de l’histoire de l’École : il reviendra dans tous les débats de fond sur les principes d’éducation et les matières à enseigner.

Le Modèle, d’après Nicolas Cochin (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs, collection Maciet).

Au milieu du XVIIIe siècle, l’Angleterre est au seuil de la révolution industrielle, caractérisée par le recours à la mécanisation et à la production de masse. L’importation massive de produits manufacturés anglais à prix très modéré suscite rapidement le mécontentement des entrepreneurs français. Car en France, les corporations d’origine médiévale règnent encore en maître, avec des règlements contraignants qui empêchent la libre concurrence et favorisent davantage une industrie de luxe réservée à une clientèle triée sur le volet, qu’une production destinée à un vaste marché. Il est d’ailleurs possible que Bachelier se soit intéressé à la formation des jeunes artisans dans la mesure où lui-même avait été contraint de rechercher des ouvriers capables de réaliser ses ambitieux projets pour la Manufacture de porcelaine de Vincennes, manufacture qui devait s’installer par la suite à Sèvres.

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Dans des lettres conservées aux archives de la Manufacture nationale de Sèvres, l’un des administrateurs, Enrik Van Hulst, se plaint ouvertement des peintres sur porcelaine qui ne savent ni peindre sur porcelaine ni se faire les interprètes fidèles des artistes qui conçoivent les projets destinés à la manufacture, à tel point que celle-ci est contrainte d’engager des peintres de miniatures et d’éventails, faute d’artisans capables dans ses murs. Et c’est seulement en 1754, grâce à l’initiative de Bachelier, qu’est fondée, au sein même de la manufacture, une école où il enseigne le dessin à une poignée d’enfants et d’ouvriers. À Paris, un enseignement de dessin était proposé aux artisans depuis que Colbert et Le Brun avaient fondé en 1667 une école au sein de la Manufacture royale des Gobelins : là, une vingtaine d’enfants soigneusement sélectionnés étudiaient les diverses techniques du dessin9. Malheureusement, cette école avait périclité après la mort de ses fondateurs. Par ailleurs, à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes en 1687, bon nombre d’artisans de confession réformée avaient dû fuir le pays, emportant avec eux une remarquable culture artisanale et artistique, ce qui explique l’excellent accueil qui leur avait été réservé dans les pays où ils s’étaient réfugiés, tant en Europe que dans le Nouveau Monde. Si l’Angleterre s’était surtout félicitée de voir arriver des artisans capables d’améliorer la qualité des produits exportés vers ses colonies, diverses régions d’Allemagne et de Prusse, encore traumatisées par les dévastations de la guerre de Trente Ans, avaient accueilli à bras ouverts cette main-d’œuvre huguenote qualifiée. En France, il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour que, après les trente années austères de la fin du règne de Louis XIV, l’avènement aux commandes d’une jeune génération sous le règne de Louis XV, le regain d’intérêt porté au progrès social, tel que devaient l’appeler de leurs vœux les Lumières, et une conception renouvelée des enjeux commerciaux en lien avec la volonté d’un renouveau artistique, soient à l’origine d’une nouvelle vague de fondations d’écoles de dessin. Certes, cette évolution marque un certain retard par rapport à l’Angleterre, mais elle doit être resituée dans le contexte politique de la France exsangue après les guerres successives de la fin du règne de Louis XIV.

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Un atelier idéal dans une école de dessin au milieu du XVIIIe siècle, gravure extraite de L’Encyclopédie montrant la copie d’après la gravure, la ronde-bosse et le modèle vivant.

Jusqu’alors, en règle générale les enfants apprentis et les futurs artisans reçoivent un enseignement de dessin au sein de l’atelier de leur maître et restent donc tributaires de son niveau de qualification et de culture. Il semble également que les modes se succèdent à un rythme de plus en plus rapide, et que les maîtres consacrent de plus en plus de leur temps à l’administration de leurs affaires, au détriment de l’enseignement. Hors du contexte des académies, cénacles jalousement gardés et réservés à une élite triée sur le volet, il est donc impossible pour un simple artisan d’accéder à une formation artistique de haut niveau.

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À compter du milieu du XVIIIe siècle, lorsque le retour au classicisme commence de s’imposer, nombre de voix s’élèvent contre l’incompétence des artisans et leur incapacité à réaliser fidèlement les projets complexes élaborés par architectes et sculpteurs. À cette époque, des cours de dessin publics et gratuits sont dispensés une fois par semaine à l’académie de Saint-Luc, ou même à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Mais ils n’accueillent jamais plus de vingt à trente élèves, ce qui est notoirement insuffisant pour une ville comme Paris où la demande de formation ne cesse de croître. Le rôle grandissant, voire déterminant, joué par les arts et l’industrie dans l’économie nationale se manifeste dans la fondation en 1730, à Paris, d’une Société des arts qui renoue avec une tradition remontant au règne de Louis XIV, quand la capitale française était le centre de la production de luxe et que les artisans donnaient le ton à tous les pays d’Europe en matière de création artistique. Tous ces éléments ne pouvaient qu’inciter les encyclopédistes à élaborer une pédagogie qui allie la théorie à la pratique. Dans le Mercure de France, de nombreux articles traitent des questions d’enseignement, et plus particulièrement de celui du dessin pour les « enfants du tiers état10 », l’idée étant de leur inculquer la technique du dessin et les règles de la géométrie afin qu’ils deviennent d’habiles praticiens. C’est pourtant en province, et non à Paris, que les premières écoles de dessin sont fondées au XVIIIe siècle. L’une des premières est ouverte à Toulouse en 1726, puis d’autres suivent à Rouen en 1747, à Reims en 1752, à Marseille en 1753, à Lyon en 1756, à Tours en 1760, à Dijon en 1767, à Troyes en 1773, à Mâcon en 1783, à Toulon et à Orléans en 1786. Initialement prévues pour former des artisans, ces écoles de dessin évoluent et se reconvertissent bientôt en académies de peinture, de sculpture et de dessin. Pour opérer cette mutation, le seul aval de l’Académie royale de peinture, institution qui chapeaute toutes les académies et reste l’autorité suprême dès qu’il s’agit de fonder une « filiale » en province, suffit. Celle-ci conserve ainsi jalousement le monopole de l’éducation artistique, privilège auquel accède seulement une toute petite élite11. De la même façon, en 1750, c’est muni d’une autorisation de l’Académie que le peintre Jean-Baptiste Oudry ouvre lui aussi une école gratuite de dessin à la Manufacture royale de tapisseries de Beauvais, dont il est le mécène et directeur artistique, et dont pourront bénéficier une vingtaine d’élèves12. Notes : 9. Paul MANTZ, « L’enseignement des arts industriels avant la Révolution », Gazette des beaux-arts, 3, 1865, Paris, p. 229-247. 10. « Copie d’une lettre du révérend père R.P.C. J. [sic] au sujet du projet d’établissement d’écoles gratuites de dessin », Mercure de France, mars 1746, p. 74-78 ; M. AILHAUD fils, « Discours sur l’éducation », Mercure de France, août 1746, p. 50-55 ; J.-B. DESCHAMPS, « Sur l’utilité des établissements des écoles gratuites de dessin en faveur des métiers. Discours qui a remporté le prix au jugement de l’Académie française, en 1767 », Paris, 1789, plusieurs éditions de ce discours ayant été imprimées. 11. Par exemple, les écoles de Lyon et de Dijon, qui furent transformées en académies. Pour l’école de dessin de Lyon, voir Marie-Félice PÉREZ, « Soufflot et la création de l’école de dessin de Lyon, 1751-1780 », Soufflot et l’architecture des Lumières, p. 109-113, École des beaux-arts, Paris, 1986. – La tendance à contrer toute initiative risquant d’entamer le privilège d’enseigner réservé aux académies apparaît également dans le cas de la fondation de l’école

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Fleurs au naturel dessinées au carreau à la mine de plomb, d’après un modèle figurant dans les collections de l’École (Paris, collection privée).

des Arts, école d’architecture privée fondée par l’architecte Jacques-François Blondel, payante à l’exception de douze places attribuées gratuitement. Après avoir contesté sa création, l’Académie royale d’architecture finit par donner son accord en 1743 ; voir Wolfgang SCHÖLLER, « Die Académie royale d’architecture, 16711793, Anatomie einer Institution », Cologne, Böhlau Verlag, 1993. – De nombreuses tentatives pour fonder une école privée et gratuite sont tout simplement rejetées par l’intendant général des Bâtiments du roi, le marquis de Marigny. C’est ainsi qu’en 1765 est repoussée la demande des sieurs Lucotte fils et Poiratou, peintres élèves de l’Académie d’architecture et de peinture, de fonder une école d’architecture, de dessin et de mathématiques (AN, O/1/1911, 23 novembre 1765). 12. Mercure de France, avril 1750, p. 168-171.

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1. L’Amérique, désignée par le roi des Courroumoux, le katakoi, l’ara, le courly, la poule sultane et le coq de roche, huile sur toile, par Jean-Jacques Bachelier, vers 1760 (Paris, Museum d’histoire naturelle). 2. Paire de cassolettes Bachelier, porcelaine tendre, 1766 (Paris, musée du Louvre).

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2.

2.

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Notes : 13. Pour une biographie complète de l’artiste, voir Hélène MOURADIAN, « Jean-Jacques Bachelier, peintre du roi et de Mme de Pompadour », catalogue de l’exposition Jean-Jacques Bachelier, Versailles, musée Lambinet, Somogy, 1999-2000, p. 204.

• Jean-Jacques Bachelier (1724-1806) Le peintre Jean-Jacques Bachelier naît à Paris le 6 mai 1724. Il est le fils de parents modestes, Jean Bachelier, qui exerce un petit métier, et d’Edmée Gaulier13. Il poursuit des études à l’Académie royale de peinture où il est mentionné pour la première fois en 1747 comme « dessinateur des ouvrages de la Couronne ». En 1750, Jean-Baptiste Oudry présente Bachelier à l’Académie royale de peinture et de sculpture au titre d’« aspirant peintre dans le genre des Fleurs ». Le 29 août de la même année, Bachelier est agréé à l’Académie. À partir de 1751, il travaille à la Manufacture de porcelaine de Vincennes-Sèvres où il prend la charge de directeur artistique. En 1752, il est reçu à l’Académie sur présentation d’un Médaillon du roi Louis XV, orné d’une guirlande de fleurs et d’autres attributs relatifs aux arts. À compter de 1753, il expose au Salon de nombreux tableaux et, dès 1754, protégé par le roi, il est logé au Louvre. Deux ans plus tard, il reçoit commande d’un plafond à décors d’oiseaux, de fleurs et d’enfants pour le château royal de chasse de Saint-Hubert, près de Chartres. Il bénéficie également de commandes royales portant sur des portraits de têtes de daim et des trophées de chasse alors très prisés. D’un plus grand intérêt sont les dessus-de-porte qu’il exécute pour le petit château de Choisy aménagé par Louis XV à l’intention de Mme de Pompadour. Dans la salle à manger, on installe par ailleurs deux grands tableaux de chasse : un Lion d’Afrique combattu par des dogues et L’Ours de Pologne arrêté par des chiens de fortes races. Si les tableaux de chasse, aujourd’hui déposés au Louvre, ont survécu dans les collections nationales, on a perdu la trace des dessusde-porte. Bachelier est également chargé de développer un programme décoratif pour le nouveau ministère des Affaires étrangères à Versailles en 1762. Le 10 septembre 1766, il ouvre à Paris l’École gratuite de dessin. En 1770, il est nommé professeur à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Entre 1765 et 1771, il livre nombre de modèles de vases et de sculptures pour la manufacture de porcelaine de Sèvres. En 1776, il épouse Charlotte Midy de Bauzillier dont il aura deux fils ; seul Constantin dépassera l’enfance. Après avoir sauvé son école pendant la Révolution, il meurt en 1806 à Paris à l’âge de quatre-vingt-un ans.

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2. La fondation

de l’École royale gratuite de dessin par Jean-Jacques Bachelier Entre 1748 et 1751, Jean-Jacques Bachelier, reçu en qualité de « peintre de fleurs » à l’Académie en 1750, se voit attribuer la charge de conseiller artistique auprès de la Manufacture de porcelaine de Vincennes qui, après son déménagement et sa réorganisation, devient la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres. En 1751, il est nommé directeur artistique de la Manufacture où il dispense également des cours de dessin, promotion qu’il doit peut-être à Mme de Pompadour, celle-ci ayant à la fois ardemment soutenu la Manufacture et passé plusieurs commandes au peintre. Certains auteurs avancent même l’idée d’une intervention directe de la favorite dans la fondation de l’École, ce qu’aucun document n’est venu jusqu’ici étayer14. Lorsqu’il prend sa charge à la Manufacture de Vincennes, Bachelier est décidé à rénover le style des décors peints sur la porcelaine jusqu’alors dominés par des motifs de chinoiseries puisés dans un répertoire de gravures, et qui sont désormais passés de mode, surtout face à la production de la manufacture de Meissen, laquelle réalise un chiffre d’affaires très important au profit du roi de Saxe en exportant ses pièces dans toute l’Europe. Comme directeur artistique, Bachelier exécute un grand nombre de dessins destinés à servir de modèles à la décoration des porcelaines, représentant surtout des animaux, des fleurs, ainsi que d’autres motifs végétaux imités de ceux qui avaient fait le succès de Meissen15. Or, comme on l’a dit, Bachelier, tout comme les autres directeurs de la manufacture, est sans cesse confronté à l’incapacité des peintres d’exécuter ses projets.

Notes : 14. Charles BLANC, Histoire des peintres de toutes les écoles…, t. II, 1864, notice J.-J. Bachelier ; Tamara PRÉAUD, « La manufacture de Sèvres au xvIIIe siècle », Monuments historiques, « Colbert et les manufactures », 128, août-septembre 1983, p. 46-51 ; J.-J. BACHELIER, « Mémoire historique… », Paris, s. d. 15. Entre 1751 et 1766, Bachelier réalise 460 tableaux et dessins, et 48 gravures pour la manufacture. Hélène Mouradian, « Jean-Jacques Bachelier », mémoire de DEA, université Paris-IV ; lettre de Hulst à l’attention de Boileau, 26 octobre 1751 : « Cela va à merveilles, Monsieur. Peu à peu vous vous faits un fonds de forts jolies choses, et que l’on trouvera toujours. Il faudra tacher de tirer cet avantage de la saison ou nous allons entrer, qui permet si peu de peindre, de tirer de notre homme le plus qu’on pourra de ces petits desseins. Il a bien du goût de la chose […] Je suis fort aise que Monsieur Bachelier veuille bien agréer sur un peu à notre sentiment sur la nécessité de finir assez ses dessins pour que vos peintres y puissent trouver leur

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« J’ai toujours bien pensé, Monsieur, écrit Van Hulst, que Monsieur Bachelier se rebuterait à la longue de cette fourniture si drüe de petits dessins, s’il n’y entrevoyerait pas quelque avantage particulier […]. Voyez combien ont coûté toutes ces petites peintrailleries, faites par des gens qui n’ont que la main ou une simple routine […]. Nos petits dessins sont d’un goût juste pour la chose […] avec le mérite qu’ils ont de l’originalité et d’une certaine nouveauté agréable, ils ne seront jamais si cher que des petits bouquets tels quels que peints à l’huile. » Grâce à son ingéniosité, Bachelier trouve une solution en recrutant à Paris des peintres d’éventails et de miniatures qui, eux, ont toutes les qualités requises pour effectuer ce délicat travail sur ce matériau alors peu répandu qu’est la porcelaine. De cette époque date également le recours à des femmes peintres. On comprend donc aisément que Bachelier, en sa qualité de directeur artistique, ait voulu fonder une école de dessin au sein même de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, seul moyen d’obtenir enfin une exécution fidèle de ses projets16. Les résultats ne tardent pas, si l’on en croit l’augmentation des productions et des ventes de porcelaines décorées qui sortent de la Manufacture royale de porcelaine dans les années 1750. Et même si les raisons précises qui le poussèrent dans cette entreprise demeurent pour une part énigmatique, il semble évident qu’il comprit très vite que la formation d’artisans encore jeunes était décisive pour l’avenir de la manufacture. Entre 1756 et 1763, la guerre de Sept Ans, qui oppose la France, l’Autriche et la Prusse, saigne l’Europe et retarde probablement la création d’une grande école de dessin. Et comme si cela ne suffisait pas, la mort subite de la marquise de Pompadour en 1764 fait perdre à Bachelier sa protectrice la plus influente – pour preuve plusieurs toiles du peintre qui figurent dans la succession de la marquise, à qui il aurait même enseigné le dessin17. compte. Et n’y trouverait-il pas aussi le sien ? Ce petit son [sic] de plus ne le dispensera-t-il pas de les faire deux fois, ou de les livrer à un Copiste qui pour les mettre au net leur ôtera toute l’âme ? », quatre lettres adressées par Eric Van Hulst à Jacques René Boileau de Picardie, inspecteur général de la manufacture entre le 21 septembre 1751 et le 2 décembre 1751, archives de la Manufacture nationale de Sèvres. 16. Voir aussi Rosalind SAVELL, The Wallace Collection Sèvres Porcelain, t. II, Londres, Wallace Collection, 1988. 17. Émile CAMPARDON, Mme de Pompadour et la cour de Louis XV, Paris, 1867, avec, en annexe, le catalogue des tableaux originaux, des dessins et miniatures vendus après la mort de Mme de Pompadour ; Mme de Pompadour et la floraison des arts, catalogue de l’exposition du musée David M. Stewart, Montréal, 1988 ; Xavier SALMON, « Mme de Pompadour et la peinture », Mme de Pompadour et les arts, exposition au Musée national du château de Versailles, Paris, Réunion des musées nationaux, 2002, p. 136.

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« Le roi est le protecteur de cette école » : buste de Louis XV installé dans l’ancien amphithéâtre de chirurgie Saint-Côme avec plaque commémorative de la reconnaissance royale.

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3. L’aboutissement d’une voie

semée d’embûches : la polémique avec l’Académie royale de peinture

Selon plusieurs sources, Bachelier prépare la fondation d’une école gratuite de dessin à Paris dès 1764-1765. Mais pour mener à bien son entreprise, il lui faut d’abord convaincre l’Académie royale de peinture et de sculpture qui fait autorité en matière d’éducation artistique. Il adresse donc en 1766 à son directeur, le comte d’Angiviller, un mémoire portant sur une école « tendant à perfectionner les Métiers et d’instruire le plus grand nombre d’apprentis avec toute économie possible », qui le transmet au marquis de Marigny, administrateur général des Bâtiments de la Couronne. Sans opposer un refus définitif à sa proposition, la réponse faite à Bachelier est négative. Elle révèle tout à la fois les craintes de l’Académie royale de voir menacer si peu que ce soit ses prérogatives exclusives en matière d’enseignement artistique et l’hypocrisie de l’administration royale : « Un pareil sujet est tout à fait digne d’occuper les bons citoyens, et je ne puis qu’applaudir aux vues qui vous ont suggéré vos réflexions. Je vous verrais néanmoins avec plus de plaisir courir cette nouvelle carrière, si je ne craignais que cela ne nuisît à votre marche dans celle où vous avez déjà fait vos preuves18. » D’ailleurs, l’administration royale s’oppose à beaucoup d’autres initiatives privées présentées au cours de ces années, et c’est dans d’autres milieux que Bachelier devra finalement, dans un premier temps du moins, chercher ses appuis. Toutefois, dans la mesure où certains membres de l’Académie interviendront plus tard dans l’organisation de l’école, tel Nicolas Cochin après son fameux voyage en Italie en 1749 où il avait accompagné le marquis de Marigny, frère cadet de la marquise de Pompadour, on peut légitimement douter que l’Académie ait unanimement refusé son projet. Le soutien qu’il ne trouve pas auprès de l’administration royale, Bachelier se le procure auprès de la Ville de Paris. Ainsi le premier règlement concernant l’École gratuite de dessin et qui date du 20 juillet 1766 est édicté par M. de Sartine, lieutenant général de police de la Ville de Paris. Le 8 septembre, le journal L’Avant-Coureur annonce l’ouverture de l’École de dessin et le commencement des cours pour le 10 septembre de la même année19. À l’occasion de cérémonies officielles très solennelles qui ponctuent l’année scolaire, telle la distribution des prix, Bachelier met au point une stratégie de « relations publiques » avant la lettre. Il réussit si bien à attirer l’attention du public sur l’existence de son école que celle-ci tient très vite une place notoire dans la vie sociale parisienne. Dès l’ouverture de l’École en 1766, Bachelier tient un Discours sur l’utilité des écoles élémentaires en faveur des arts mécaniques, qui sera réimprimé à plusieurs reprises. Le 25 octobre de cette

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même année, il propose également à l’Académie royale de peinture, avec le soutien du lieutenant général de police, un plan pour l’établissement d’une « École élémentaire de dessin en faveur des métiers relatifs aux arts [où] l’on se propose d’enseigner les éléments de géométrie, d’architecture et de figure, les animaux, l’ornement et les fleurs ». La lecture des archives laisse à penser que Sartine ne ménage pas son soutien, puisqu’il remet à Bachelier cent jetons d’argent, à charge pour lui de les remettre à l’Académie comme pot-de-vin lorsqu’il leur soumettra le projet. L’Académie se déclare alors « extrêmement sensible à cette marque si flatteuse de l’estime que ce magistrat lui accorde ; elle n’a pas moins ressenti le témoignage d’affection qu’elle a bien voulu lui donner en prenant dans son Corps l’artiste à qui elle a confié la direction de cette École ; en quoi il a été dignement secondé par l’attention qu’a eu M. Bachelier de choisir, dans les Élèves de l’Académie, les aides nécessaires à remplir ces vues ». Délibération est rendue le jour même. Cette fois, il semble bien que Bachelier ait trouvé l’appui efficace20. Répondant au compte rendu que Bachelier lui avait probablement fait de la réunion du 25 octobre à l’Académie, Sartine se propose de recevoir le 29 octobre une délégation de l’Académie accompagnée de Bachelier21, comme en témoigne une lettre conservée aux archives de l’École. Mais ce consentement apparent de l’Académie tient probablement plus au respect dû à l’autorité du lieutenant de police de la Ville de Paris qu’à une conviction sincère de ses membres qui semblent en réalité rester très attachés à leur monopole en matière d’enseignement artistique. Pour preuve, un certain Mémoire sur les Écoles gratuites de dessin conservé aux archives de l’Académie royale de peinture, et qui ne laisse planer aucune ambiguïté sur les convictions de ses membres : « déjà et depuis le temps que les Écoles gratuites ont été établies, les ateliers des artistes regorgent de jeunes gens pour la plupart de basse naissance. En effet, et c’est encore ici une observation à faire, la plus grande partie des enfants qui composent ces Écoles gratuites sont de la plus basse classe de la Société. Ce ne sont pas de bons artisans ou des citoyens seulement malaisés qui y envoient leurs enfants, mais des gens privés de toutes ressources et de toutes espèces de facultés pour procurer un état aux leurs22. » Notes : 18. AN, O/1/1911. 19. L’Avant-Coureur servit à plusieurs reprises d’organe à Bachelier, pour faire connaître son projet au public. Dans le numéro 27 en date du 7 juillet 1766, p. 423, étaient publiés sur plusieurs pages l’organisation de l’école, ses objectifs, ainsi que les conditions d’inscription. 20. AN, O/1/1926/8 ; A. de MONTAIGLON, « Procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et de sculpture (1648-1793) », publiés par la Société de l’histoire de l’art français d’après les registres originaux conservés à l’école des BeauxArts, Paris, 10 vol., 1875-1892, t. VII, délibération du 25 octobre 1766, Paris, 1886. 21. AN, AJ 53/102, lettre datée du 28 octobre 1766 : « J’ai reçu, Monsieur, l’extrait du registre de délibérations de l’Académie, que vous avez bien voulu m’envoyer et je suis très sensible à votre attention et à celle de l’Académie. Je recevrai avec plaisir la Députation de l’Académie, que je vous prie d’accompagner, demain à 4 heures après midi. Je suis parfaitement […]. De Sartine. » 22. AN, O/1/1927/Do.10, 16 pages manuscrites. Le « Mémoire » porte la date du 20 octobre 1767, mais la lecture du texte révèle qu’il a dû être écrit entre 1773 et 1775. Après une introduction sur le rôle des écoles de dessin, le mémoire traite, dans un premier article, de « L’inutilité de l’établissement », et, dans un second article, des « Dangers de l’établissement des écoles gratuites ». Il dénonce

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En revanche, il est probable que le lieutenant de police Sartine ait été non seulement intéressé par l’idée d’instruire des enfants issus de couches sociales dans l’incapacité de payer des cours privés, mais aussi, en homme averti des conditions de vie difficiles dans la capitale, il fut sûrement sensible à la tentative d’insérer dans la vie professionnelle des jeunes livrés à eux-mêmes. Bachelier revient souvent dans ses Discours sur le rôle socialisant de l’école : il faut, selon lui, sortir nombre d’enfants de l’« oisiveté » et des « désordres » qui, dans une grande ville, mènent souvent au crime, et cela sans tenir compte de leurs convictions religieuses ni de leur origine sociale23. Les premiers comptes et quittances dressés par Bachelier « par ordre de M. Sartine » remontent au 27 mars 1766, et de nombreuses factures attestent le commencement des travaux de l’École dans la chapelle de l’ancienne rue Saint-André-des-Arts au printemps de 1766. Une facture pour la fourniture « de draps, serviettes, façon de rideaux et marquage du linge », en date du 22 octobre 1766, semble correspondre à l’achèvement de son installation. En septembre 1766, l’imprimeur-libraire Cellot reçoit des sommes d’argent pour l’impression d’affiches, de règlements et de prospectus24. Mais Bachelier connaît bien le fonctionnement des institutions de son temps. Il sait que pour être complètement à l’abri du ressentiment des Académies royales qui, depuis leur création, exercent une tutelle sur toutes les institutions artistiques, il lui faut franchir une étape supplémentaire : obtenir l’aval direct du roi. Après seulement une année d’exercice, les lettres patentes accordées par Louis XV le 20 décembre 1767 consacrent le succès de son école de dessin. Dorénavant, le premier article du règlement commence par ces mots qui scellent la réussite de Jean-Jacques Bachelier : « Le roi est le protecteur de cette école25. » À l’occasion du discours qu’il prononce lors de la distribution des prix en 1767, il laisse éclater sa joie : « [ces lettres patentes donnent à l’École] l’existence légale dont elle avait besoin […] et la reconnaissance [de] […] la protection singulière que Sa Majesté veut bien accorder à cet établissement qu’elle décore du titre d’École royale et à la dotation duquel elle pourvoit si complètement26. » Contre vents et marées, Bachelier avait ainsi réussi à mettre sur pied une institution approuvée par le pouvoir absolu, sans qu’elle fût placée sous la tutelle ou le patronage de l’Académie27.

Lettres patentes du roi et arrêt du Conseil d’Etat (1767) portant sur l’établissement de l’Ecole royale gratuite de dessin (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

également « l’ambition d’un artiste, qui cherchait à se former une place avantageuse… » et qui « ait pu séduire comme il a fait… », p. 1 et 2. Il est intéressant de noter que même le journaliste et écrivain connu, Sébastien Mercier, adopte une position conservatrice dans le débat engagé autour des écoles de dessin quand il remarque : « Elle m’attriste, car elle ne fait que multiplier des inutiles artisans d’un luxe ruineux […] C’est un grand malheur public, que cette protection éclatante accordée à des talents frivoles ou dangereux : ces enfants robustes, on en fait des dessinateurs », voir Sébastien MERCIER, Le Tableau de Paris, Amsterdam, 1788, p. 99-103. 23. Dans l’Encyclopédie, on trouve, entre autres, sous la définition de l’oisiveté : « c’est la source de bien de maladies […]. L’amour du travail des mains et de sa continuité donne aux gens de la campagne cette vigueur qui ne se trouve point dans les villes […] », Denis DIDEROT, Encyclopédie, Paris, 1754, p. 446. Le point de vue social se révèle bien dans un article de M. de La Harpe, paru dans le Mercure de France, juin 1772, p. 176, où il est dit que « les esprits sages qui s’occupent des moyens de perfectionner la police d’une grande ville doivent applaudir au zèle & aux lumières du magistrat respectable qui arrache à l’oisiveté & aux désordres qu’elle entraîne une foule si nombreuse de jeunes enfants qui peut-être auraient été pour la société une charge

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honteuse & nuisible, & qui seront des citoyens utiles & des artistes considérés […]. » La problématique de l’intégration sociale de la jeunesse souvent laissée à s’occuper sans être guidée dans certains milieux sociaux existait déjà à l’époque et la prévention de la déroute et de la délinquance de cette jeunesse à Paris fut un aspect important pour la ville de Paris dans l’opinion favorable qu’elle montrait à l’établissement de l’école. 24. AN, AJ 53/110, comptes de l’École royale gratuite de dessin de 1766 à 1773, la comptabilité des années 1773-1795 étant conservée sous les cotes AN, AJ 53/111-119. 25. AN, AJ 53/98, Organisation et règlements, lettres patentes de l’École ; pour comprendre les divers règlements des académies royales depuis le xIIve siècle, voir aussi Wolfgang SCHÖLLER. 26. Discours de M. Bachelier à la distribution des prix, le 28 décembre 1767. 27. Pour comprendre l’importance de l’aboutissement de Bachelier, il vaut rapprocher la création de l’École gratuite de dessin avec la suppression de l’académie de Saint-Luc en 1775-1776. Héritière de la corporation médiévale des artistes peintres, cette Académie disparaît à la suite des réformes de Turgot en 1776. Mais plusieurs litiges et malentendus avec l’Académie royale de peinture avaient déjà auparavant laisser apparaître le désir de l’Académie de s’en débarrasser, celle-ci veillant scrupuleusement et exclusivement sur ses privilèges (AN, O/1/1927/2). 28. AN, AJ 53/98, arrêt du Conseil, 7 mai 1785.

• Le projet d’une succursale au faubourg Saint-Antoine Avec le succès de son projet, Jean-Jacques Bachelier envisage de faire construire une succursale de l’École au faubourg Saint-Antoine où étaient installés de nombreux artisans des métiers les plus divers, beaucoup venant de l’étranger. Protégés par des privilèges centenaires accordés par le roi au couvent des sœurs du Faubourg-Saint-Antoine, ils étaient autorisés à travailler sans être membres d’une corporation. Bachelier élabore son projet « pour parvenir à former une succursale dans le faubourg SaintAntoine tellement éloigné du chef-lieu, que les enfants des ouvriers de ce faubourg ne peuvent profiter d’un établissement aussi avantageux pour les arts mécaniques28 ». Lors de la séance du Conseil d’État du 7 mai 1785, la question est mise en délibéré. Des locaux de l’hôtel d’Aligre sont loués et l’organisation requise mise en œuvre. Malheureusement, comme pour l’École de dessin pour jeunes filles, l’enseignement ne voit pas le jour, car les caisses de l’État sont vides. La Révolution y mettra un terme définitif.

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4. Financement

et ressources de l’École

À en croire son propre témoignage maintes fois réitéré, Bachelier finance l’École de ses propres deniers. Pourtant, même s’il jouit d’une certaine notoriété comme peintre, il est peu probable que ses revenus aient pu suffire à couvrir les frais d’un tel projet. On note à cet égard que son contrat de mariage, rédigé en 1776, porte la mention d’un prêt considérable qui lui a été consenti : « pour frayer aux dépenses de l’Établissement de l’école Royale Gratuite de dessin et faire l’avance nécessaire à cet effet, il a emprunté de la dame épouse séparée quant aux Biens du S. Robineau Me Graveur à Paris la somme de quarante mille livres pour raison de laquelle […] il lui a créé et constitué quatre mille livres de rentes viagères29. » Officiellement reconnue, l’École prend le nom d’École royale gratuite de dessin et Bachelier est remboursé par la Caisse royale pour les dépenses qu’il a personnellement engagées. Grâce au patronage royal, l’École dispose désormais d’un budget annuel. Mais ce n’est pas tout, car « le Roy autorise les six Corps de marchands, les autres Corps, Communautés et particuliers de Paris et des autres villes du Royaume », à financer l’École en versant des cotisations annuelles30. Mais la vulnérabilité du système de financement de l’École, fondé sur la stabilité de l’ordre social établi, devient néanmoins apparente dès l’année 1776. En abolissant les corporations, les réformes de Turgot privent aussi l’École d’une partie de ses revenus31. C’est alors que Louis XVI accorde de nouvelles lettres patentes qui assurent ainsi, par un autre système de financement, la continuité des revenus de l’École. Ses ressources ne s’arrêtent pas là. Car le roi permet de surcroît à l’École de jouir d’un système d’autofinancement, faisant d’elle l’une des institutions pédagogiques disposant des revenus les plus importants du royaume, ce qui ne peut qu’attiser la jalousie des académies32. Les lettres patentes de 1767 mettent en effet en place un système de patronage destiné aux particuliers désireux de soutenir financièrement l’École en devenant des « fondateurs ». Un système de bourses allouées aux élèves permet à des particuliers de signer un contrat devant notaire par lequel ils s’engagent à financer les études de un ou de plusieurs élèves, soit en versant un capital dont les intérêts paient les frais annuels, soit en versant une somme couvrant ces mêmes frais. Une « fondation perpétuelle » vaut 750 livres.

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Quittance destinée à la communauté des brasseurs en reconnaissance du versement de la somme de 450 livres en 1783 (Paris, Archives nationales).

Notes : 29. ANMC, XXXIII/621, 7 juin 1776. Les liens entre Madeleine-Charlotte Régnier, l’épouse du peintre graveur Charles Jean Robineau, et J.-J. Bachelier, ont probablement été plus intimes, comme en témoignent les archives du Châtelet qui rapportent en 1752 une rixe entre Bachelier et Robineau ; Jules GUIFFREY, Nouvelles archives de l’art français, « Archives des commissaires au Châtelet », t. VI, p. 111. Voir aussi Hélène MOURADIAN, Jean-Jacques Bachelier, catalogue de l’exposition Jean-Jacques Bachelier, Versailles, musée Lambinet, Somogy, 1999-2000. 30. Lettres patentes (AN, O/1/1927, Do.10). Les six corps de marchands parmi lesquels comptaient les corps des marchands merciers, des marchands orfèvres et des marchands de vin, ainsi que les fermiers généraux, paient à l’École au cours de l’année des sommes fixes. La participation des petites corporations se fait au prorata du nombre de réceptions de maîtres et de brevets d’apprentissage (AN, AJ 53/21).

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Une « fondation viagère » de 375 livres permet de financer chaque année et à perpétuité un élève à raison de 30 livres par an. Ainsi, grâce à ces divers systèmes de financement relevant du mécénat privé, l’école de Bachelier bénéficie de revenus annuels considérables. Rattachée directement à l’administration royale, elle est de fait indépendante de toute autre autorité intermédiaire. Si l’exemple royal fut sans conteste déterminant pour la vie de l’École, force est de reconnaître que la part active jouée par les différents acteurs de la société parisienne sous forme de dons, souscriptions ou diverses collaborations, témoigne d’un intérêt sincère et d’une prise de conscience nouvelle de la part d’une frange importante de la société quant à sa responsabilité à l’égard d’une telle institution. Bachelier fut vraisemblablement un homme de relations publiques habile. En témoigne la mention de sommes non négligeables dans la comptabilité annuelle pour « fiacres et voitures [qui] ont été employés par le directeur pour [la] sollicitation auprès des princes, seigneurs et particuliers […] ». L’homme va jusqu’à adresser l’un de ses discours à Voltaire qui, en 1769, lui répond de son exil à Ferney : « le livre que vous avez bien voulu m’envoyer, Monsieur, est aussi éloquent que votre entreprise est noble. Rien n’est plus digne de vos talents que d’encourager ceux des autres, et de faire fleurir les arts qui sont l’ornement de la capitale […]. » D’autres lettres, nombreuses, conservées dans les archives de l’École, attestent le vif intérêt des fondateurs pour celle-ci33. En outre, des bénévoles participent activement à la vie de l’École : musiciens et chanteurs se produisent gratuitement lors de la grande distribution des prix de fin de l’année, dans des concerts de musique de vaudeville également appelés vauxhalls (de septembre à mars dans les années 1770) ou lors des concerts spirituels de Noël ou de carême donnés au bénéfice de l’École. Les meilleurs tapissiers et marchands merciers livrent gracieusement l’ameublement du bureau de la direction. Et même si une abondante paperasse administrative conservée dans les archives témoigne des délicates tractations avec certains mécènes manifestant quelque réticence à payer leur écot, tous ces témoignages reflètent néanmoins un profond changement des mentalités à la veille de la Révolution.

31. Au sujet des réformes de Turgot et de la réaction des différentes corporations, voir S. L. KAPLAN, « Social Classification and Representation in the Corporate World of 18 th Century France : Turgot’s Carnival », dans Work in France, édité par Steven Laurence KAPLAN et Cythia J. KOEPP, Cornell University Press, 1986, chap. vI, p. 176. 32. AN, O/1/1927/Do.10, « Mémoire sur les écoles gratuites », p. 7. 33. Lettre de Voltaire à Bachelier (BNF, ms. Nafr 11 776 P202), Ferney, le 9 mai 1769 ; pour d’autres lettres, AN, AJ 53/135, carton où sont conservées des lettres des fondateurs de 1767 à 1793. Avant août 1792 est imprimée à l’Imprimerie royale une Pétition des souscripteurs de l’École gratuite de dessin, par un auteur anonyme (J.-J. Bachelier ?), mais qui témoigne de l’ardent combat des défenseurs de l’École en faveur de sa survie.

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Par ailleurs, dans le but de populariser davantage encore les mérites de l’École et de faire connaître les élèves ayant remporté des concours, le baron de Breteuil, ministre de la Maison du roi, propose, lors d’une visite officielle de l’École, de faire éditer un almanach. Le premier est publié en 1783 par l’Imprimerie royale sous le nom de Calendrier à l’usage des Élèves qui fréquentent l’École Royale Gratuite de Dessin, avec plan et élévation de ladite École34. En plus des fondations, d’autres dons sont également accordés à l’École, sans que les noms de ces personnes figurent sur les registres des fondateurs. Et c’est seulement dans les comptes des années correspondantes et les livres de comptes conservés aux archives de l’École qu’ils sont consignés. Par exemple, Mme Marie-Thérèse Rodet Geoffrin, renommée pour son salon littéraire et artistique où défile le tout-Paris littéraire, scientifique et artistique, effectue à plusieurs reprises des dons en faveur de l’École35. Son cas reste néanmoins assez rare, car la plupart des fondateurs semblent avoir tiré fierté de leur participation à cette bonne œuvre et de la publicité qui en était faite. Parmi les fondateurs identifiés figurent quelques personnages parmi les plus illustres de l’époque. Outre la famille royale, on trouve beaucoup de Parisiens résidant au faubourg Saint-Germain, comme le marquis de La Fayette, le baron de Breteuil, le duc d’Harcourt, le duc de Choiseul-Stainville, le comte d’Orsay, la comtesse du Barry ou le directeur du Garde-Meuble de la Couronne, Thierry de Ville-d’Avray. S’y ajoutent des personnages du bas et du haut clergé, des membres de la communauté juive d’Avignon ou de 34. AN, AJ 53/1, délibérations et décisions pour l’impression du calendrier ; des exemplaires pour les années 1783, 1788, 1789 et 1790 de l’almanach sont connus, AN, AD 8/1B4. 35. AN, AJ 53/21, Mercure de France, fondateur et défenseur de l’École à plusieurs reprises, fait part de dons anonymes à l’École de dessin. Dans le numéro du mois de février 1771, à la page 180, on trouve sous la rubrique « École gratuite de dessin » la mention suivante : « une dame de considération qui avait assisté à la distribution, en avait été si touchée qu’elle avait envoyé le lendemain 25 louis pour le soutien de cet établissement […]. » Et dans le numéro d’avril 1771, p. 165 : « une dame a envoyé, pour la seconde fois, une somme de 600 livres à la caisse de l’École gratuite de dessin […]. » 36. Dans les archives de l’École, on trouve un grand nombre de contrats de fondateurs dans les comptes de ceux-ci (AN, AJ 53/108, 109). Au minutier central, un grand nombre

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Bordeaux, tels que Salomon Ravel, Abraham Vidal et Israël Salon, ainsi que le chimiste Lavoisier, des hommes de lettres tels Moutard, l’éditeur de la Description des arts et métiers, ou l’éditeur Charles Joseph Panckoucke, des philanthropes comme Nicolas Beaujon, banquier de la Couronne, ou la célèbre actrice et maîtresse du duc d’Orléans, Madeleine Sophie Arnoult36. Avant même la Révolution, l’École est donc déjà une institution exemplaire citée dans les guides touristiques de Paris, tel le fameux Almanach de Paris de Luc Vincent Thierry, qui connaît plusieurs éditions avant 1789. Les étrangers en visite à Paris se rendent à l’École qui servira de modèle pour de nombreuses écoles de dessin dans différents pays d’Europe. Un seul exemple de cette notoriété : la correspondance échangée entre Benjamin Franklin et Bachelier, après que ce dernier lui eut envoyé son Cours d’arts et métiers. Sur la copie manuscrite, Franklin a noté : « The Author if he could have as good Encouragment in America as in France would undertake to instruct etc. during six years37. » Dès la prise de la Bastille et l’émigration des premières familles, Bachelier, qui avait subi l’épreuve des réformes de Turgot treize ans auparavant, devait se douter du tour que prendraient les événements et des conséquences qu’ils auraient sur la vie de l’École. En 1791, l’émigration et l’abolition des corporations et des fermiers généraux placent l’École dans une situation financière délicate. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’initiative de Bachelier, en 1790, auprès de l’Assemblée nationale pour obtenir une subvention annuelle considérable, d’un montant de 15 600 livres, afin que l’École puisse continuer de fonctionner38. d’actes de souscription sont conservés à l’étude de Maître Poultier (ANMC, EtXXXIII). Les fondateurs de l’École sont connus par des listes qui furent imprimées à plusieurs reprises, soit dans les almanachs de l’École, soit dans des feuillets reliés où figurent seulement ces listes de fondateurs. 37. Lettre de J.-J. Bachelier en date du 9 juin 1777, publiée et annotée dans The Papers of Benjamin Franklin, The American Philosophical Society, t. XXIV, 1er mai-30 septembre 1777, p. 143, Yale University Press, 1984. Une autre lettre de Bachelier à Franklin est mentionnée dans les comptes de l’École en date du 31 juillet 1771, « Payé pour une lettre à la petite poste adressée à M. Franklin » (AN, AJ 53/33). 38. « Extrait du procès-verbal de l’Assemblée nationale du 4 septembre 1790 » (AN, F/17/1354).

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Eléments antiques, servant de modèles ou de sources d’inspirations pour les élèves, gravure, par Saint-Nom, 1763 (Paris, collection privée).

• Les sources artistiques de l’enseignement Bachelier reconnaît la nécessité de donner aux enfants une bonne formation afin qu’ils deviennent plus tard des ouvriers capables de s’adapter à l’évolution du goût. Dans ses discours, il se présente comme un ardent défenseur du néoclassicisme : « Longtemps j’ai vu préférer les formes irrégulières et tourmentées à la noble symétrie, à cette heureuse simplicité consacrée par les plus beaux siècles et les plus beaux monuments de l’antiquité. Évitez donc les dentelles, les rosettes en filigrane. Occupez-vous à ramener ces formes sévères, en prescrivant tous ces contrastes nés de l’impuissance de bien faire. » Et il poursuit dans le même esprit : « Consultez l’architecture ; voyez comme à la magnificence des bases et des chapiteaux, elle oppose le repos et l’uni des colonnes […]. Corrigez les angles saillants de nos meubles et de nos bronzes, ces vases qui vomissent des flammes aussi dangereuses que ridiculement découpées ; ces rocailles, ces figures, ces animaux si déplacés ; substituez des plans arrondis à ces ornements tranchants qui toujours offensent les yeux, et présentent des dangers39. » C’est dans le même esprit que Cochin, en 1754, avait critiqué les proportions erronées entre un artichaut et un céleri présentés sur un pot à oille en argent40, et que Joubert de L’Hiberderie, prônant naturalisme et exactitude dans les dessins des fleurs et des plantes pour des tissus, écrivait en 1764 à propos des dessinateurs que « la plupart des étudiants dans le dessin n’ont pas toujours bien présents le souvenir et l’image de toutes les fleurs qu’ils ont copiées ». Et il continue : « À cause de ce manque d’étude […] je sais qu’il y a des licences pittoresques qui admettent l’assemblage de différentes fleurs, fruits, feuilles ou tiges dans le même bouquet, et dont il peut résulter un bel effet ; mais qu’il n’est pas permis de donner à la rose le contour d’une renoncule, à une anémone celui de l’œillet […]. Un dessin choquera toujours les yeux d’un connaisseur délicat, si le dessinateur n’observe que chaque fleur soit portée par sa tige […] enfin qu’il caractérise chaque objet par les contours et les effets qui leur sont propres41. »

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Feuille d’acanthe, étude à la mine de plomb avec rehaut de charbon de bois et de craie blanche, anonyme, dernier quart du XVIIIe siècle (Paris, collection privée).

Cette nouvelle tendance au classicisme et au naturalisme influence rapidement tous les arts dits mineurs. Dans ses Discours, Bachelier se présente à plusieurs reprises comme un ardent défenseur de ce renouveau artistique contre le « pittoresque » du rocaille, accusant « les appartements encore chargés de ces décorations informes, enfantées à l’insu du génie, la commodité des formes irrégulières [dans lesquelles on a] banni le carré, le rond et l’ovale42 ». Le but de l’enseignement du dessin étant de mettre les futurs artisans en mesure d’exécuter les projets des ornemanistes et des architectes, la fondation de l’École apparaît comme une entreprise pragmatique au service des principes néoclassiques qui s’attachent, dans l’architecture, à rendre les lignes droites, à instaurer un équilibre et de justes proportions tout en faisant la part belle au naturalisme dans le rendu des éléments de la nature. En matière architecturale et décorative, l’imitation de l’Antiquité, telle qu’elle avait été mise au jour dans le midi de la France ou lors des fouilles récentes d’Herculanum et de Pompéi, était un élément majeur de ce classicisme fondé sur un retour à la ligne droite, celle qui avait prévalu dans les bâtiments de la Renaissance italienne et du Grand Siècle français. De même, les cartons du fonds des ateliers des Gobelins, qui dataient du début du XVIIIe siècle ou même du classicisme de l’époque de Louis XIV, et auxquels Bachelier avait accès, servaient également d’inspiration à nombre de planches de fleurs et d’ornements. Notes : 39. J.-J. BACHELIER, discours lors de la distribution des prix de 1787. 40. Nicolas COCHIN, dans Svend ERIKSON, Early Neoclassicism, appendice IX, p. 269, Londres, 1972. 41. Antoine Nicolas Joubert L’HIBERDERIE, Le Dessinateur pour les fabriques d’étoffes d’or, d’argent et de soie, Préface, Paris, 1764. 42. J.-J. BACHELIER, « Discours sur l’utilité des écoles élémentaires en faveur des arts mécaniques, prononcé par M. B***, à l’ouverture de l’École Royale gratuite de Dessin, le 10 septembre 1766 », p. 7-8 ; voir également « Discours à la distribution de 1779 », dans J.-J. BACHELIER, Collection des discours de M. Bachelier, Paris, 1790, p. 42 ; voir aussi Nicolaus PEVSNER, « Classic Revival, Mercantilism and Academies of Art », Academies of Art, Past and Present, Cambridge University Press, 1940 ; Pevsner lie le développement des écoles de dessin à l’avènement du goût néoclassique dans les arts appliqués.

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Billet d’invitation pour la remise des prix se tenant aux Tuileries en décembre 1778 (Paris, Archives nationales).

Frise décorative autour du thème de la fleur de lys, 2e prix de l’année 1778, crayon et lavis (Paris, collection privée).


5. Concours

et récompenses

Plusieurs concours organisés pendant toute l’année scolaire relancent l’émulation entre les élèves et les mettent tous sur un pied d’égalité, rompant ainsi volontairement avec le système du « patronage » qui domine encore dans cette société d’Ancien Régime43. Tous les trois mois, les élèves passent d’abord des « concours de quartier ». Ceux qui remportent avec succès cette première épreuve ont le droit de participer au « Grand concours annuel » de fin d’année. La distribution des prix est organisée comme une vraie cérémonie : mise en scène par l’intendant des Menus-Plaisirs dans la galerie de la Reine au château des Tuileries, elle se déroule en présence du ministre de la Maison du roi, du lieutenant de police et des fondateurs, comme en témoignent quelques-uns des cartons d’invitation conservés dans les archives de l’École. Les meilleurs élèves sont récompensés en se faisant rembourser, sur le budget de l’École, de leurs frais d’apprentissage ou de maîtrise. Par ailleurs, des livres sur l’architecture et les métiers ainsi que des séries de gravures leur sont distribués. Dans les divers Discours annuels de Bachelier qu’il semble avoir fait systématiquement publier dans la presse, celui-ci n’oublie jamais de rendre hommage aux bienfaiteurs, conscient de l’importance de leurs dons dans les budgets annuels de l’École44. Ces fêtes de distribution des prix ont été relatées par de nombreux participants, tels Louis Petit de Bachaumont ou le marquis de Bombelles, ainsi que dans plusieurs journaux, notamment le Mercure de France ou le Journal de Paris45. Notes : 43. Laurent PELPEL, Claude COHEN, Marie-Pierre PERDRIZET, La Formation architecturale au xvIIIe siècle en France, p. 63, rapport de recherche, Paris, CNRS, 1980. 44. On remarque que la liste des ouvrages et gravures distribués comporte les noms des plus grands auteurs contemporains. Voir Collection des discours de M. Bachelier (17661789), Paris, 1790, 64 p., Bibliothèque nationale de France, collection Deloynes, microfilms. 45. Louis PETIT DE BACHAUMONT, Mémoires secrets, Londres, 1788, 8 janvier 1768, t. III, p. 308-309 ; 6 février 1769, p. 219 ; 17 février 1769, p. 277 ; 31 décembre 1788 p. 164 ; BOMBELLES, Journal, année 1785, Genève-Paris, 1984, p. 98, voir ann. 1. Luc Vincent THIERRY, Paris tel qu’il était avant la Révolution, Paris, s. d., p. 349-352. Mercure de France, janvier 1769, p. 153 ; janvier 1770, p. 158 ; février 1771, p. 180 ; juin 1772, p. 176 ; janvier 1773, p. 177 ; janvier 1777, p. 175 ; avril 1774, p. 128-133 ; février 1775, p. 164 ; avril 1775, p. 199 ; décembre 1775, p. 193 ; 1776, p. 179 ; 1777, p. 175 ; janvier 1780, p. 85 ; juillet 1780, p. 39 ; 1781, p. 40 ; 1783, p. 80, etc. Journal de Paris, 28 décembre 1771, etc. Affiches, annonces, avis divers, 7 janvier 1787, p. 62, etc. Concernant des visites d’étrangers, voir une annonce pour la visite d’Ibrahim Ben Mustapha Pacha, fils d’un ancien dey d’Alger, dans une lettre adressée à la direction de l’École en 1832 (AN, AJ 53/104). L’Américaine Harriet Beecher STOWE, auteur du fameux livre La Case de l’oncle Tom, visitant l’École de dessin, en parle dans ses Souvenirs heureux : voyage en France et en Suisse, trad. E. Fourcade, Paris, 1857, vol. IV, p. 311-314.

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1. Plan au sol de l’ancien amphithéâtre Saint-Côme transformé en salle dessin à compter de 1776 (Paris, bibliothèque de L’Ensad). 2. La grande salle de l’Ecole royale gratuite de dessin, mine de plomb, anonyme, vers 1780 (Paris, musée Carnavalet). 3. Élévation de l’ancien amphithéâtre Saint-Côme transformé en salle dessin à compter de 1776, (Paris, bibliothèque de L’Ensad). 1.

2.


6. Les locaux

3.

Pendant les dix premières années de son existence, l’École de dessin est logée dans l’ancienne chapelle du collège d’Autun, rue Saint-André-desArts. Comme directeur, Bachelier dispose d’un bureau au château des Tuileries. C’est seulement en 1775, lorsque la construction de la nouvelle École de médecine est achevée, que le jeune roi Louis XVI attribue à l’École royale gratuite de dessin l’ancien théâtre d’anatomie de Saint-Cosme, sur le terrain du couvent des Cordeliers, actuellement rue de l’École-deMédecine, en même temps qu’il renouvelle les lettres patentes à l’École46. L’instruction est gratuite ; mais les élèves pris en charge ou « fondés », pour reprendre le langage de l’époque, reçoivent gratuitement papier, crayons et gravures servant de modèle à la copie, alors que les élèves non pris en charge, appelés « ordinaires », doivent acquitter une somme modeste pour l’achat de ces fournitures.

Notes : 46. Les bâtiments de l’ancien amphithéâtre d’anatomie furent construits entre 1691 et 1694 par les architectes Charles Joubert et son fils Louis, sur un terrain appartenant au couvent des Cordeliers ; voir Paul VITRY, « L’amphithéâtre des chirurgiens et l’École des arts décoratifs », Gazette des beaux-arts, 1920, t. 1, p. 197-210 ; « Arrest du Conseil du Roi, concernant l’École Royale gratuite de Dessin du 13 avril 1776 » (AN, AJ 53/98).

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Façade et entrée côté rue de l’École-de-Médecine, et intérieur de l’amphithéâtre aujourd’hui.

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1. Étude de main, dessinée par Michel Ange Slodtz d’après un dessin d’Edme Bouchardon, gravée par Nicolas Cochin (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs, collection Maciet). 2. Loup renversé, d’après Jean-Baptiste Oudry, aquatinte rouge, vers 1775 (Paris, collection privée). 3. Etude de pieds, détail d’un tableau de Guido Reni, dessinée par Edme Bouchardon, aquatinte rouge, gravée par J.-B. Leuven (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs, collection Maciet). 4. Tête de chien, d’après Jean-Baptiste Oudry, vers 1775 (Paris, collection privée).

1.

2.

3.

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4. Notes : 47. Les inventaires écrits datent d’avant la Révolution et sont en partie conservés aux Archives nationales, AJ 53/98. Au total, on comptabilise 842 planches pour l’architecture, 632 pour la figure humaine, 340 pour les animaux et 486 pour l’ornement ; voir aussi Bibliothèque Doucet, 4 vol., Vm 2, Figures, ornements, plantes, animaux. 48. L’Atelier de Desportes, Dessins et esquisses conservés par la Manufacture nationale de Sèvres, catalogue de l’exposition du musée du Louvre, Cabinet des dessins, 1982-1983 ; voir aussi Pieter BOEL, Peintre des animaux de Louis XIV, 77e exposition du Cabinet des dessins du musée du Louvre, qui donne des informations sur le rôle de Boel, 2001.

• Les modèles utilisés à l’École Trois recueils de gravures conservés à la bibliothèque Jacques-Doucet contiennent sept cent cinquante cinq gravures qui ont permis de reconstituer le système de numérotation sur les gravures, facilitant leur identification tant dans d’autres fonds publics que dans des collections privées47. La connaissance de ces gravures est précieuse, car elle permet de visualiser les modèles utilisés pendant les cours. Les motifs, fleurs ou ornements, s’inspirent des sources les plus diverses de l’art français ou italien de différentes époques. Dans les inventaires, les architectes Jacques Germain Soufflot, Jacques François Blondel et Nicolas Claude Girardin, l’architecte de l’hôpital Beaujon, sont mentionnés. On trouve des gravures d’après des grands artistes des XVIe et XVIIe siècles tels que Raphaël, Nicolas Poussin, Pierre Subleyras et Charles Le Brun. Le XVIIIe siècle français est représenté par Juste Nathan Boucher, le fils du peintre François Boucher, Carle Van Loo, Simon Louis Boizot ou Edme Bouchardon. Parmi les gravures d’animaux, on trouve un grand nombre de modèles d’après Pieter Boel, Jean-Baptiste Oudry, Alexandre François Desportes, Michel Ange Slodtz et Frans Snyders. Le fond de l’atelier de Desportes est acquis pour servir de modèle à la manufacture de Sèvres. Bachelier étant intervenu après la mort de l’artiste en 1784 pour négocier l’achat du fonds devant servir de modèle à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres48. Les modèles d’ornements sont souvent empruntés aux plus célèbres des ornemanistes : Jean-François Forty, Charles Cauvet, Gilles Marie Oppenord, Joseph Siffren-Duplessis, Charles Le Brun, Jacques La Roettière, l’abbé de Saint-Non et Louis Félix de La Rue. Stylistiquement, la tendance est nettement au classicisme, et, pour la figure humaine, ce sont les grands peintres de la Renaissance et du Grand Siècle qui dominent.

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Gallinacée, aquatinte, seconde moitié du XVIIIe siècle (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

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7. Les matières enseignées

Le règlement de l’École exige que l’élève suive une scolarité de six ans dans un ou plusieurs des enseignements de dessin, le choix s’effectuant selon l’orientation professionnelle de l’enfant, ses capacités ou la décision du fondateur qui le prend en charge. Les plus jeunes élèves doivent avoir au moins huit ans ; de fait, la plupart des élèves ont entre dix et dix-huit ans, et les plus âgés ont une vingtaine d’années. L’instruction est dispensée par des professeurs engagés spécialement par l’École ou par des étudiants avancés des Académies royales de peinture et de sculpture ou d’architecture, qui trouvent là une source de revenus. Parmi ces jeunes « adjoints », car c’est ainsi qu’on les appelle, se trouvent des artistes connus comme les sculpteurs Simon Louis Boizot et Guillaume Moitte, ou les peintres Benoît Suvée, François André Vincent ou Jean-François Godefroy, ce dernier étant issu d’un famille dont plusieurs membres étaient connus comme peintres ou restaurateurs de tableaux appartenant aux collections royales. Dans les cinq disciplines enseignées – figure humaine, animaux, fleurs, ornement et architecture –, chaque élève apprend à copier au trait des gravures. En matière d’architecture, les élèves reçoivent un enseignement de mathématiques, de géométrie et de perspective, ces deux derniers étant obligatoires pour les débutants. En fait, c’est grâce aux témoignages conservés sur les réformes entreprises entre 1816 et 1830 que l’on peut dégager, en filigrane, le programme d’enseignement tel qu’il fut conçu par Bachelier au moment de la fondation de l’École. Certaines matières semblent plus difficiles à maîtriser, telles les mathématiques : elles comprennent « l’arithmétique, les éléments du calcul algébrique, la géométrie élémentaire et la trigonométrie rectiligne, des applications variées de ces diverses théories et des examens au tableau ont lieu à la fin de chaque cours […]. Pour la partie graphique les élèves sont exercés […] à résoudre au moyen de la règle et du compas les problèmes les plus usuels de la géométrie élémentaire, à déterminer les intersections des cylindres et des cônes, par des plans diversement situés, à obtenir les développements de ces surfaces, à décrire leurs diverses sections par les procédés les plus simples et les plus exacts, à leur mener des tangentes et des normales suivant des conditions données49. » Selon un extrait des délibérations des années 1810-1816, « le professeur chargé de la Géométrie et de l’Architecture démontre sur les tableaux exposés en évidence les opérations et les proportions relatives à ce genre, qui sont susceptibles de démonstrations et applicables aux dessins que les élèves doivent exécuter50 ».

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1.

Il est intéressant de noter que pour mettre son projet d’École de dessin à l’abri des susceptibilités des corps académiques, Bachelier, tout comme d’autres commentateurs, insiste à plusieurs reprises sur le fait que les élèves apprennent le dessin uniquement d’après des gravures et jamais d’après des rondes-bosses : il ne s’agit donc pas d’instruire des artistes mais des artisans ou des ouvriers capables de réaliser les projets conçus par des artistes ou des architectes51. Ainsi, en apparence du moins, les défenseurs de l’École réaffirment leur volonté de respecter les prérogatives, réservées jalousement aux élèves de l’Académie royale de peinture, d’apprendre à dessiner d’après des modèles en ronde bosse52. Jombert, qui fut toute sa vie professeur adjoint à l’École de dessin, écrit encore en 1818 : « l’enseignement que nous donnons à nos élèves ne devait point avoir pour but d’en faire ce qu’on appelle des Artistes. Le but spécial des cours est de faire connaître aux enfants qui les suivent l’ensemble et les proportions d’une aussi belle machine que celle de l’homme ainsi que les rapports de ces proportions avec les différents arts mécaniques auxquels ils sont destinés53. » En dépit de ces affirmations, il semble évident que certains élèves, ou tout au moins ceux qui fréquentaient les classes spéciales, pratiquaient le dessin d’après la ronde-bosse54. Et en réalité, l’École sert bien de lieu de formation à des jeunes se destinant à une carrière artistique. Bombelles confirme cette aspiration à l’occasion de la distribution des prix de 1785, quand il déclare que « parmi ces jeunes gens il y en a qui vont au grand dans la peinture, la sculpture, l’orfèvrerie et d’autres arts. Ceux doués de moins de dispositions apprennent encore à porter dans les divers métiers un goût qui y était inconnu il y a dix ans55. » Chaque jour de la semaine est réservé à deux disciplines : tel jour, c’est l’architecture et les fleurs qui sont enseignés, tel autre l’ornement et la figure humaine, tel autre encore les animaux et l’architecture, etc. Les professeurs, spécialistes de ces matières, passent ainsi leur journée à l’École. Outre ces deux matières, l’ensemble des élèves pouvait recevoir des cours de base en mathématiques, perspective et géométrie. Pour assurer le bon déroulement de l’arrivée et du départ des élèves, qui doit s’effectuer en quinze minutes par deux portes différentes, le règlement insiste sur la discipline stricte qui doit être respectée. En tant qu’institution sous protection royale, l’École peut bénéficier de la présence d’un garde suisse faisant office de surveillant. L’école ouvrant à 7 heures du matin, la première classe de cinq fois vingt-cinq élèves dessine jusqu’à 9 h 30.

Notes : 49. AN, AJ 53/104. REBORD, Note sur l’enseignement des mathématiques à l’École nationale de dessin et de mathématiques, daté de 1829. 50. The J. Paul Getty Center for Research, Getty Ressources Collection, 850678 F.2. 51. L’utilisation et la définition des mots « ouvrier » et « artisan » n’avaient pas la même signification qu’aujourd’hui ; ces deux termes pouvaient être utilisés pour désigner une personne pratiquant un métier artisanal et manuel. Concernant le niveau assez bas de l’enseignement afin que les élèves ne s’intéressent pas à des sujets réputés trop élevés et qui ne correspondraient pas à leur état, voir aussi Harvey CHISICK, The Limits of Reform of the Enlightement, Attitudes toward the Education of the Lower Class in 18. Century France, Princeton, Princeton University Press, 1981. 52. Voir le manuscrit « Mémoire sur les écoles de dessin », dans lequel les académiciens accusent expressément Bachelier d’empiéter sur le terrain privilégié de l’Académie royale de peinture lorsqu’il enseigne le dessin de la figure humaine (AN, O/1/1927/Do.10, p. 7). 53. AN, AJ 53/100, Correspondances des professeurs à l’École, lettre adressée par l’ancien professeur Jombert à la direction de l’école, 3 mai 1818.

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1.Tête de cheval, aquatinte rouge, vers 1775 (Paris, collection privée). 2. Figure d’homme couché, gravure d’après un dessin de Joseph Benoit Suvé, professeur à l’École en 1768, dernier quart du XVIIIe siècle (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

2.

Les élèves reprennent le travail de 9 h 45 à 11 heures. Après une récréation entre 11 heures et midi, le premier cours de l’après-midi se déroule entre 12 heures et 14 heures, et le dernier de 15 heures à 17 h 30. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’on organisera des cours du soir souvent réclamés par des compagnons qui travaillent toute la journée. Dans la classe s’alignent des rangées de pupitres et des banquettes en bois qui offrent cent vingt-cinq places. Sur chaque pupitre, un cadre avec une plaque de verre munie d’une serrure permet de garder en sûreté la gravure originale que l’élève a choisi de copier. Un règlement strict assure la discipline et le bon déroulement des cours. Les professeurs et des surveillants appelés « adjoints », recrutés souvent, comme on l’a vu, parmi les étudiants de l’Académie de peinture, accueillent à l’entrée des classes les élèves qui regagnent leur pupitre numéroté. Ils vérifient « ensuite si le dessin placé immédiatement sous le verre du porte dessin est celui qui convient à l’élève suivant son degré d’avancement, et dans le cas contraire […] y substitue [nt] celui qu’il [s] juge [nt] nécessaire de lui donner à copier ». Ils indiquent « à mi-voix, et particulièrement à chaque élève, la manière dont il doit s’y prendre pour exécuter le dessin qu’il a sous les yeux, et [lui conduisent] la main s’il est nécessaire, et [lui montrent] l’usage des instruments dont il doit se servir, et [voient] s’il entend et met en pratique ce qu’il lui a démontré56. »

54. Le maître orfèvre Antoine Boullier réclame encore en 1819 « le bas relief en plâtre qui [lui] avait fait obtenir le grand prix d’ornement » en 1774 (!) et dont il avait appris qu’il était toujours à l’école (AN, AJ 53/1, 2). Concours du 11 novembre 1787, pour lequel l’élève Delaporte, compagnon serrurier et aspirant à la maîtrise, faisait au « concours une planche de bois couverte de glaise unie et sans travaux… » pour en faire un modèle de serrure (AN, AJ 53/147). Dans les documents sont également mentionnées des « fleurs de porcelaine », à l’origine « destinées pour la terrasse de Bellevue, obtenues par le Sieur Bachelier au profit de l’École et de la Manufacture : elles sont montées avec tant d’art qu’elles font illusion » ; elles servaient probablement aussi de modèles aux élèves (AN, O/1/1927/Do.10 & AJ 53/1). En 1818, l’ancien professeur Jombert se réfère encore à cette pratique du xvIIIe siècle (AN, AJ 53/100). 55. BOMBELLES, Journal, année 1785, Genève-Paris, 1984, p. 98. 56. The J. Paul Getty Center for Research, Getty Ressources Collection, 850 678 F2.57. Manuscrit Charles Percier, Archives Ensad, Paris. 57. Manuscrit Charles Percier, Archives Ensad, Paris.

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1. et 2. Modèle de chapiteau ionique composite, dessin à la mine de plomb par un élève (Paris, collection privée). et gravure originale, aquatinte (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs, collection Maciet) 3. et 4. Grotesque, figure dessinée par un élève (Paris, collection privée) en s’inspirant de la gravure représentant une tête de faune (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

1.

Les élèves copient au crayon, à la mine de plomb, au charbon de bois, au fusain ou à la sanguine d’après des gravures rouges également appelées « originaux à la manière du crayon ». Au départ, ces planches sont gravées par Bachelier lui-même d’après le procédé d’un graveur de renom, Gilles Desmarteau. Plus tard, Bachelier fait appel à des assistants et à des élèves avancés. Si, à notre connaissance, aucune collection complète des gravures qui ont servi à l’instruction des élèves n’a été retrouvée, il est cependant possible d’en connaître les titres grâce aux inventaires manuscrits en partie conservés dans les archives de l’École et aux inventaires imprimés consignés dans les almanachs de l’École qui paraissent entre 1784 et 1789. Le 15 août 1767, l’École de dessin paie 36 livres au sieur Hudry « le privilège du Roi obtenu pour la gravure des estampes ». Elle acquiert aussi le droit de faire imprimer les gravures dans une imprimerie spécialement installée dans les locaux de l’École et tenue par le sieur Paillette. Dans les comptes de l’École revient à plusieurs reprises le nom de la veuve Croisey, femme graveur qui reçoit des sommes d’argent pour coter les planches et y inscrire les légendes ; sa graphie très personnalisée permet de les identifier facilement.

50


2.

3.

4.

L’analyse de ces gravures témoigne d’une intelligente conception de l’enseignement du dessin : de formes simples dessinées au trait on passe à des formes de plus en plus complexes, pour finir avec des représentations rendant les volumes et les ombres. Bien que, comme on l’a vu, une doctrine officielle de l’enseignement à l’École ait été solidement établie, il ressort cependant de diverses mentions et des souvenirs d’anciens élèves que, selon toute vraisemblance, un enseignement ne correspondant pas tout à fait aux directives officielles ait été délivré, notamment l’étude d’après nature, d’après de grands modèles ou d’après des rondes-bosses. L’architecte Charles Percier, ancien élève et futur mécène de l’École, livre par exemple de précieuses informations sur les lieux d’enseignement. Selon lui, la salle de la rotonde ne sert à l’origine qu’aux débutants, ceux que l’on appelle les « petites classes ». Il continue : « l’École avait d’autres emplacements. Il existe de grands dessins à la sanguine, des fleurs, ainsi que des copies anatomiques : un dessin de cheval attaché sous un hangar qui devait se trouver placé à l’endroit où passe actuellement la rue Racine. » Percier confirme les objectifs de l’École, louables selon lui, car le dessin est « indispensable à tout artiste et sans [lui] l’artiste industriel n’existe pas […]. Le niveau des études de l’École a dû être déjà élevé pendant les vingt premières années. On retrouve encore des ouvrages que les artistes de 1770 faisaient pour l’école de dessin57. » D’autres, anciens professeurs ou élèves, témoignent des méthodes pédagogiques en cours à l’École. Le maître orfèvre Antoine Boullier, qui avait été reçu après avoir gagné le concours annuel, et dont l’École avait réglé les frais importants de sa réception à la maîtrise, ce qui représentait un apport non négligeable au capital de départ de son atelier, continue de réclamer, en 1819, « le bas-relief en plâtre qui [lui] avait fait obtenir le grand prix d’ornement » en 1774, et dont il a appris qu’il se trouve toujours à l’École. Le 11 novembre 1787, l’élève Delaporte, compagnon serrurier et candidat à la maîtrise, exécute au concours « une planche de bois couverte de glaise unie et sans travaux » pour en faire un modèle de serrure. Des « fleurs de porcelaine destinées pour la terrasse de Bellevue, obtenues par le Sieur Bachelier au profit de l’École et de la Manufacture [de Sèvres] […], montées avec tant d’art qu’elles font illusion », servent probablement aussi de modèles aux élèves. En 1818, l’ancien professeur Jombert, fils de l’éditeur célèbre du même nom, se référera encore à ces pratiques du siècle précédent.

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Vue détaillée d’un patron peint à l’aquarelle pour un bas de veste brodée, par Jean-François Bony, Lyon, vers 1780-1790 (Waddesdon Manor, The National Trust, The Rothschild Collection).

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8. Le projet d’une école de dessin pour jeunes filles

Vers 1785, à l’apogée du succès de son école, Bachelier prépare non seulement l’ouverture d’une succursale de l’École de dessin au faubourg Saint-Antoine, mais il réfléchit également à une école de dessin pour jeunes filles à Paris. Son pragmatisme le pousse à prévoir, comme pour l’École de dessin, un vaste programme pédagogique, trait supplémentaire de sa modernité. On parle beaucoup à l’époque d’apprendre le dessin aux jeunes filles pour qu’elles puissent travailler dans les métiers d’art. Des contemporains de Bachelier, tel Joubert de L’Hiberderie, font des propositions dans ce sens. Dans son ouvrage sur les dessinateurs de Lyon paru en 1765, Joubert écrit notamment : « Qu’il me soit permis de faire ici une observation sur le ridicule usage où l’on est, de ne destiner que les hommes pour le dessin, tandis que les femmes paraissent y être si propres […] car dès qu’elles […] ont reçu une certaine éducation et qu’elles s’attachent sérieusement à quelque chose qui leur plaît, nous voyons qu’elles réussissent aussi bien que les hommes et les surpassent mêmes58. » Bachelier a consigné sur cette question des notes rédigées de sa main qui nous sont parvenues et qui ont d’ailleurs fait l’objet d’une édition à plusieurs reprise59. Comme le commentaire de Joubert de L’Hiberderie le montre bien, l’idée d’un enseignement poussé destiné aux jeunes filles hors du foyer familial ne va pas de soi à l’époque. Bachelier sait qu’il doit vaincre des réticences quand il évoque la nécessité d’éduquer les jeunes filles : « Nous ne considérons point les différents talents sous la dénomination absurde des professions qui les ont distingués jusqu’à présent, mais suivant qu’ils auront plus ou moins besoin de réunir et de perfectionner l’exercice des moyens dont les génies créateurs ont enrichi les arts et l’industrie. La connaissance et l’exercice de tous les procédés des arts forceront l’intelligence des élèves à s’exercer sur un plus grand nombre d’idées, et leur fourniront de nouvelles applications combinées sur une multitude de rapports ignorés […]. » Et son orientation progressiste apparaît bien quand il se demande : « Pourquoi laisser dans l’ignorance nuisible à la société le sexe qui nous égale en courage, en intelligence, et qui l’emporte sur nous par la constance dans le travail ?

53


Rien de plus simple et de plus facile que les moyens d’opérer cette heureuse révolution ; il s’agit seulement d’éclaircir le sexe que nous avons éloigné des sciences et des arts. » Aussi Bachelier prend-il la précaution de justifier son projet en faisant référence au rôle joué par la femme dans la vie de l’enfant : « les impressions que nous recevons dès le berceau ne s’effacent jamais : les femmes qui sont nos premières institutrices sont aussi les mères et les nourrices de nos préjugés, et le pouvoir qu’elles acquièrent sur nous augmente en proportion. » Ce qui va de soi, en revanche, c’est la séparation des deux sexes dans les lieux d’enseignement. Diverses académies fournissent déjà des exemples d’établissements d’enseignement qui leur sont exclusivement destinés60. Et pour ne pas heurter les exigences de moralité de ses contemporains, Bachelier a l’intelligence d’associer les paroisses à son projet : les curés se chargeraient de choisir les jeunes filles chez qui « les parents qui voudraient profiter de cette éducation […] les feraient inscrire […] et sur certificat de bonnes mœurs, elles seraient reçues au nombre des élèves […]. Les jours de classe, à des heures indiquées, les conductrices choisies par Messieurs les Curés les y viendront prendre et les y ramèneraient. » Les deux cents élèves filles choisies par les curés de paroisses parisiennes recevraient pendant deux années une formation complète et étudieraient les matières suivantes : non seulement la religion, l’écriture et le calcul, l’orthographe et des langues vivantes, mais également la géographie et la géométrie pratique. La liste des diverses professions pour lesquelles l’étude du dessin est reconnue formatrice est révélatrice. On y trouve des métiers comme la broderie sur soie, sur métal et autres matières, la tapisserie, la couture, le guilloché, la peinture sur porcelaine et la musique. Mais on est plus étonné d’y trouver également des métiers tels que la ciselure, l’optique, l’horlogerie, la fabrication des outils de mathématiques, le tour et ses dérivés, la gravure et la joaillerie. Notes : 58. Antoine Nicolas Joubert de L’HIBERDERIE, Le Dessinateur pour les fabriques d’étoffes d’or, d’argent et de soie, Préface, xxvI, Paris, 1764. 59. AN, F/17/1318/Do.7, manuscrit de Bachelier sans date, imprimé ensuite légèrement modifié sous le titre de Mémoire sur l’éducation des filles, présenté aux États généraux par M. Bachelier, Paris, Imprimerie royale, 1789, in 8o, Bibliothèque nationale de France, collection Deloynes, microfilms.

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Finalement, l’idée d’une École de dessin destinée aux filles sera assez vite admise, peut-être parce que les femmes jouent d’ores et déjà un rôle beaucoup plus important dans les métiers d’art qu’on ne se l’imagine aujourd’hui, notamment dans ceux liés à l’ornement, « qui est la base des ouvrages de la plupart des manufactures telles celles de beaucoup d’étoffes, des toiles peintes, papiers pour meubles, porcelaines, faïences […] ». Et Bachelier de justifier ainsi son initiative : « les meilleurs maîtres et maîtresses donneraient à ces jeunes élèves les connaissances relatives aux différentes professions qu’elles pourraient embrasser, c’est à dire celles de tous les travaux qui ont les arts pour objets, et dont le dessin est la base. » Les conditions d’admission des jeunes filles seraient strictes : de sept à quatorze ans exclusivement, à condition qu’elles sachent lire. Une fois de plus, Bachelier envisage tous les aspects de la question et, pour disposer le public en sa faveur, il n’oublie pas cet ultime argument : « Cet essai ne coûterait rien à l’État : les revenus nécessaires à sa dotation sont trouvés. » Il a en effet conçu un plan de patronage par des fondateurs ou plutôt des fondatrices auxquelles il adresse un appel qu’il termine par une exhortation à la bienfaisance : « Ô vous sexe charmant ! Vous qui connaissez tout le prix de la vertu et des talents, par l’empire absolu qu’ils vous donnent sur nous [les hommes], pourriez-vous voir avec indifférence un établissement dont le principal objet est d’épurer les mœurs, de tendre à l’infortunée une main secourable, et de procurer à ceux qu’elle accable des moyens honnêtes de subsister avec aisance, et même de parvenir à la fortune ? […] L’extrême sensibilité de votre âme naturellement douce et compatissante, la générosité qui vous caractérise […], le charme inexprimable de la bienfaisance, dont vous faites vos plus chers délices, voilà les fidèles garants de notre confiance. » Les événements de 1789 mettront un terme au projet de Bachelier. À partir de la République et du Consulat, on verra naître des initiatives privées permettant aux femmes d’accéder à des cours de dessin. Mais en se faisant l’avocat de l’éducation des femmes, Jean-Jacques Bachelier apparaissait, une fois de plus, comme un précurseur, même si ses idées novatrices ne devaient pas se réaliser.

60. La séparation des sexes semble être la règle : on estime alors que la mixité aurait trop d’inconvénients. De même est fermé le cours mixte ouvert par l’épouse de l’académicien Jean-Baptiste Suvée, ancien élève de Bachelier et professeur à l’École royale gratuite de dessin ; voir Jean CHATELUS, Peindre à Paris au xvIIIe siècle, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1991, p. 112-114.

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9. Les élèves

Un grand nombre de noms d’élèves ont été consignés dans les archives de l’École, mais pour la période présentée ici seuls quelques-uns sont connus pour avoir mené ensuite une belle carrière. Néanmoins ces quelques cas devraient suffire à convaincre de l’importance acquise par l’École dans la production des métiers d’art, du bâtiment et d’autres métiers relatifs à la création avant la Révolution. La plupart exerceront dans la spécialité qu’ils avaient étudiée à l’École. Devenus orfèvres, ciseleurs, charpentiers ou sculpteurs reconnus, ils contribueront ainsi activement au rayonnement des arts décoratifs et ornementaux français. Les artisans du bâtiment forment un groupe par rapport aux élèves qui étudient l’architecture et à ceux qui se destinent aux métiers d’art. Parmi ces artisans du bâtiment, on comptait des maçons, des tailleurs de pierre et des serruriers. Pour autant que les œuvres de ces artisans aient été conservées dans Paris, elles sont restées, à quelques exceptions près, anonymes. La lecture des listes d’anciens élèves réserve certaines surprises : en effet, parmi les grands artistes passés par l’École, la plupart n’en font jamais état quand ils récapitulent leurs états de service. Cette discrétion s’explique probablement par le prestige moindre de l’École de dessin, comparé à celui des Académies, du fait même de son recrutement dans les couches sociales les plus simples. Dès sa fondation, l’École est considérée comme une institution philanthropique destinée à aider les plus défavorisés pour qu’ils bénéficient d’une formation professionnelle avant d’intégrer l’une des corporations d’artisans d’Ancien Régime. Cela dit, le nombre de fils de maître envoyés comme élèves à l’École ne cesse de croître, alors qu’une ou deux générations auparavant ils auraient suivi l’apprentissage du dessin dans l’atelier de leur père. Si la difficulté des maîtres à s’adapter aux changements accélérés des modes et du goût les ont certainement incités à envoyer leurs fils à l’École, la qualité de la formation comparée à l’enseignement inégal des ateliers a dû également compter. Le plus souvent, les élèves ne passent que très peu de temps à l’École et peu vont au bout du cycle réglementaire de six années. Par ailleurs, certains élèves se recrutent dans le milieu des maîtres artisans aisés.

1.

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1. Jeton destiné à contrôler l’assiduité des élèves (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 2. Le Jeune dessinateur, huile sur toile, par Nicolas Bernard Lépicié, troisième quart du XVIIIè siècle (Paris, musée du Louvre)

2.

Ainsi, Charles Percier, qui fait ses débuts à l’École, devient ensuite l’élève de l’architecte Peyre à l’Académie royale d’architecture. Et parce qu’il avait reçu sa première formation à l’École, il lui manifestera toute sa vie beaucoup de bienveillance et finira par lui léguer par testament une importante somme d’argent. Après la Révolution, certains élèves de l’École poursuivent leurs études à l’École polytechnique ou à l’Académie royale des beaux-arts. Les artisans sortis de l’École reçoivent d’emblée des commandes non seulement en France mais aussi à l’étranger, certaines tout à fait prestigieuses. C’est ainsi que le duc d’Orléans aussi bien que le prince polonais Potocki ou le futur président des États-Unis, Thomas Jefferson, acquièrent de l’argenterie chez Antoine Boullier, ancien élève devenu maître orfèvre. Les œuvres d’un grand nombre d’anciens élèves sont désormais intégrés à notre paysage urbain, et beaucoup d’objets qu’ils ont créés sont conservés dans les plus prestigieuses collections d’arts décoratifs d’Europe – au Louvre, au musée des Arts décoratifs de Paris, à l’Ermitage – ou aux États-Unis – au Metropolitan Museum de New York ou à la Thomas Jefferson Memorial Foundation de Monticello. L’École royale gratuite de dessin contribua ainsi largement à l’importante floraison des arts et métiers en France à partir du dernier quart du XVIIIe siècle.

57


Monogramme de Georges III, souverain du Royaume-Uni, gravé sur une salière en argent massif réalisée par l’orfèvre Antoine Bouillier, ancien élève de l’École, fin du XVIIIe siècle (Waddesdon Manor, Rothschild Family Trust).

58


• Des artistes issus de l’École Du fait de l’effervescence et du succès de l’École, on ne saurait être surpris que des artistes comme les peintres Anne Louis Girodet-Trioson et Charles Meynier, le peintre graveur Jean-Guillaume Berwick ou encore le peintre de miniatures et lithographe Godefroy Engelmann aient fait leurs premières armes dans le dessin à l’École. En architecture, évoquons, à côté de Charles Percier, Louis Michel Thibault qui, sous l’Empire, devient architecte du roi de Hollande et qui, envoyé en Afrique du Sud, construit un certain nombre d’édifices dans le plus pur style néoclassique français. Il faut également citer Louis Pierre Baltard, architecte du Palais de justice sur l’île de la Cité et père de Victor Baltard, l’architecte des Halles de Paris, ainsi que Charles Pierre Joseph Le Normand, grand prix de Rome en 1792, dont la carrière d’architecte sera brisée par la Révolution, et qui est surtout connu pour plusieurs recueils traitant des ornements et des constructions récentes de Paris. On trouve également le sculpteur Sébastien Cavé et le sculpteur et orfèvre Pierre Cartellier qui, sous l’Empire, travailleront tous deux sous l’égide de l’architecte Charles Percier à la réalisation des bas-reliefs destinés à l’arc de triomphe du Carrousel du Louvre. François Frédéric Lemot, quant à lui, est connu pour avoir remplacé la statue de Henri IV du sculpteur Tacca, détruite pendant la Révolution, par celle que l’on voit actuellement à la pointe de la place Dauphine ; on lui doit également diverses sculptures à Lyon, comme la statue équestre de Louis XIV sur la place Bellecour, ainsi que le cheval de la figure équestre du même roi dans la cour du château de Versailles. Dans le domaine de l’artisanat de luxe, les orfèvres formés à l’École sont nombreux : Jean-Baptiste Odiot, Jean-Henri Huré dont un frère était peintre ornemaniste à la Manufacture royale de Sèvres, Jean-Alexandre Fortin, Jean Denis, Henri Louis Dutry, Louis Courtin, Augustin Marie Franchet, Marie-Étienne Nitot ou encore Antoine Boullier. Des bronziers ou ciseleurs reçoivent une formation à l’École ou y envoient leurs fils. Ainsi ce Ravrio dont il n’est pas précisé s’il s’agit d’André Antoine ou de Louis Stanislas, ou encore Joseph Antoine Benoît, fils du ciseleur du même nom. Parmi les menuisiers ébénistes, on trouve Claude Rémy ainsi que le futur entrepreneur des Bâtiments de la Couronne, Étienne Trompette, Pierre Antoine Bonnemain reçu maître de la corporation, rémunéré par l’École en 1772, les menuisiers Visterre, Desroches, Geoffrey Lemarchand, maître en 1775. Il faut encore nommer les fils d’ébénistes bien connus comme Auguste Œben, fils de Simon Œben, ou Simon Carlin, fils du célèbre Martin Carlin, Jean-François ou Gilles Ambroise Dubut, menuisier en carrosses reçu maître en 1783, ou Godefroy Przirembel. Des élèves embrassent d’autres carrières, par exemple la carrière militaire, tel le dénommé Hassenfratz ou Nicolas Antoine Sanson qui, dès 1793, se distingue comme capitaine du génie, participe à la campagne d’Égypte, est nommé général de brigade en 1798, puis comte d’Empire, et qui finit sa carrière chevalier de l’ordre de Saint-Louis.

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Modèle d’une composition de grotesques dans le goût pompéen pour un panneau décoratif à éxécuter en peinture ou en relief, gravure, par Charles Pierre Joseph Le Normand, ancien élève de l’École, vers 1800 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).


Notes : 61. ERHARD HIRSCH, « Erdmannsdorffs Kultur- und Kunstpädagogisches Wirken », Friedrich Wilhelm Erdmannsdorff zum 250. Geburtstag, catalogue d’exposition à Wörlitz-Staatliche Schlösser und Gärten, 1986, p. 16. 62. Melchior Kraus lui-même avait passé les années 1761-1766 à Paris où il suivait des cours de dessin et de peinture chez Johann Georg Wille et à l’Académie. Il est fort possible qu’il ait été au courant des débats à propos du projet de l’établissement de l’École gratuite de dessin de Paris. L’école de Weimar a probablement été un établissement situé à mi-chemin entre une école de dessin proprement dite et une académie des beaux-arts, EBERHARD FREIHERRN SCHENK ZU SCHWEINSBERG, Georg Melchior Kraus, Weimar, 1930. 63. Pour Valence, AN, AJ 53/110 ; Hedwig SZABOLSCI, « Sources de l’art hongrois des xvIIIe-xIxe siècles », Anthologie dis Belli Artin, 29-30, Rome, 1986, p. 46 ; Gabriele FABIANKOWITSCH, Christian WITT-DÖRRING (dir.), Genormte Fantasie, Zeichenunterricht für Tischler Wien 1800-1840, éd. MAK-Österreichisches Museum für angewandte Kunst, catalogue de l‘exposition du Geymüllerschlössel, Vienne, 1996, p. 16.

• L’influence de l’École gratuite de dessin en France et en Europe Au cours du XVIIIe siècle, d’autres écoles de dessin sont fondées en province suivant l’exemple parisien. Ces écoles adoptent les règlements en vigueur à Paris, comme c’est le cas à Auch, Dijon ou Mâcon. Dans les archives, quelques correspondances entre l’École et les écoles de province confirment la fonction de modèle ou d’école mère de l’établissement de Bachelier. En Allemagne, dès 1771, l’architecte Friedrich Wilhelm von Erdmannsdorff propose à son souverain, le prince Léopold Friedrich Franz von AnhaltDessau, la création d’écoles de dessin61. À Weimar, le peintre et graveur Georg Melchior Kraus est nommé directeur de la Freie Zeichenschule (École libre de dessin), fondée en 1776 par le duc Karl August sur proposition de l’éditeur Friedrich Justus Bertuch. Assisté par Johann Wolfgang von Goethe, Georg Melchior Kraus dirige la Freie Zeichenschule pendant trente ans et ne cesse de faire valoir les bienfaits qu’artistes et artisans peuvent tirer d’un enseignement des arts du dessin et d’une éducation de leur goût62. Dans les États des Habsbourg, l’empereur Joseph II fonde en 1783 plusieurs écoles de dessin dont l’organisation et l’administration sont calquées sur celles de Paris. À partir de 1819, on utilise à Vienne, pour l’instruction des élèves, en plus de ceux dessinés par d’autres ornemanistes français, des recueils de planches de l’architecte Charles Le Normand, ancien élève de l’École, preuve supplémentaire, s’il en était besoin, du rôle de modèle pour l’Europe que joue désormais l’École. Dans la comptabilité de 1773 est mentionnée une dépense relative à la transcription demandée par M. de Sartine, lieutenant général de la police, « des discours et toutes les écritures relatives à l’école, pour les remettre au Sieur Cazalio […] pour l’établissement d’une école de dessin à Valence en Espagne63 ». Enfin, la Hongrie, l’Angleterre, l’Italie et la Russie fondent elles aussi des écoles de dessin, souvent sur des initiatives privées. Benjamin Franklin s’intéresse également aux écoles de dessin et émet le désir d’en implanter aux États-Unis.

61


Conclusion À la suite de l’exemple parisien, en France, tout au long du XVIIIe siècle, d’autres écoles de dessin sont fondées en province, que ce soit à Auch, Dijon ou Mâcon, qui adoptent les principes pédagogiques, ainsi que les règlements en vigueur à l’école de Bachelier. De même, à la suite de nombreux articles et témoignages parus dans la presse, la renommée de l’école parisienne se répand rapidement en Europe.

1.

L’apparition des écoles de dessin, leur succès à Paris et en province, leur imitation à l’étranger sont nés de la conjonction de plusieurs facteurs inédits. D’une part, l’évolution permanente du goût fait que les artisans doivent trouver les moyens de s’adapter, alors que l’ancien monde des corporations n’arrive plus à faire face à ces nouvelles demandes – les modèles qui y circulent sont souvent d’un style complètement démodé. À ces questions de goût s’ajoutent des motifs de compétitivité économique : dans un commerce de plus en plus tourné vers la commercialisation agressive et l’exportation, les artisans doivent être capables de suivre au plus près l’évolution de la demande. Par ailleurs, les mentalités évoluent : entre la fin de la guerre de Sept Ans et la Révolution, l’idée de pouvoir progresser socialement gagne du terrain, alors qu’en France le travail reste toujours encadré et limité par les règlements désuets des corporations. De même, dans la sphère du privé l’idée d’une vie un peu plus confortable commence de se divulguer, même si elle reste le pâle reflet d’un modèle proposé par l’élite urbaine. Dans un tel contexte, l’École royale gratuite de dessin incarne une des rares possibilités pour un garçon d’origine modeste d’accéder à une qualification professionnelle et de parvenir ainsi à une condition sociale meilleure, comme en témoigne l’énorme afflux d’élèves dès l’ouverture de l’École.

1. et 2. Deux monuments pour un même lieu : projet d’une obélisque sur le Pont-Neuf, mine de plomb et lavis, par Charles Pierre Joseph Le Normand, vers 1790 (Paris, bibliothèque de l’Ensad) ; statue équestre de Henri IV, bronze par Fréderic Lemot, 1818.

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Si l’Encyclopédie de Denis Diderot, L’Art du menuisier de Jacob André Roubo et la Collection des arts et métiers, ouvrage collectif, connaissent un tel succès, c’est qu’ils satisfont autant la curiosité des amateurs que celle des artisans : les idées des Lumières se fraient un chemin et des changements commencent d’intervenir dans les mentalités bien avant la Révolution. Grâce aux inventaires pratiqués après décès, on sait que nombre d’artisans possèdent ces livres. Sous la direction de Bachelier qui se poursuit jusqu’en 1806, l’École fonctionne encore selon les règles de la vieille société corporative. La révolution industrielle qui ne verra le jour en France qu’avec la Restauration remettra en cause le rôle de l’École. Fait notoire, l’initiative d’une réforme n’interviendra qu’après le départ du successeur direct de Bachelier, le peintre Jean-Charles Nicaise Perrin, resté fidèle au projet du fondateur. Il faudra attendre l’arrivée d’un comité d’administration renouvelé pour que soit entamée une tâche difficile : celle de transformer l’organisation et le contenu de l’enseignement pour l’adapter aux nouvelles exigences industrielles et économiques64.

2.

L’École de dessin de Paris devait également contribuer à frayer la voie à l’art industriel et au mouvement des arts décoratifs qui devaient naître vers le milieu du XIXe siècle. Les objectifs persisteraient, avec de légères modifications, jusqu’au XXe siècle, et un commentateur les résume bien quand il écrit en 1832 : « S’il est un établissement digne de tous, l’intérêt que doit inspirer le désir de voir s’améliorer le sort des artisans par l’instruction et la propagation des connaissances utiles à cette classe et pour le plus grand avantage de la société en général, c’est sans contredit l’École Royale gratuite de Dessin et de Mathématiques […] ; [elle] a beaucoup contribué à la Supériorité des produits de la fabrication Parisienne de tous genres, en facilitant le développement des facultés intellectuelles d’un nombre infini de jeunes gens qui, privés du bienfait d’une instruction libérale, n’auraient jamais connu que la simple pratique routinière des métiers auxquels on les destinait, tandis qu’au moyen des principes qu’ils ont reçus à l’École élémentaire quels que fussent ces principes, tous ceux qui ont su les mettre à profit sont devenus des ouvriers artistes très distingués, et l’École peut se glorifier de compter au nombre de ses anciens élèves des constructeurs, des fabricants et des industriels de premier mérite65. » Notes : 64. Le peintre Jean-Charles-Nicaise Perrin qui, à la mort de Bachelier en 1806, prend la direction de l’École, maintient l’organisation et l’administration de l’École dans un esprit conservateur tel qu’il l’avait connu. Il est très intéressant de remarquer que le nouveau directeur, Jean Hilaire Belloc, qui succède à Perrin, commence à mettre en œuvre des réformes pour adapter l’enseignement aux besoins d’une nouvelle époque. Le destin des planches de cuivre et des gravures, et leur dévaluation esthétique et matérielle cinquante ans après leur création, illustrent bien le changement du goût pendant le deuxième quart du nouveau siècle (AN, AJ 53/99, 100, 167). 65. AN, AJ 53/104, correspondance 1832, manuscrit adressé au ministre de l’Intérieur, probablement par Jean Hilaire Belloc, directeur de l’École de dessin de 1831 à 1866.

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II.


De l’École royale gratuite de dessin à l’École nationale des arts décoratifs (1806-1877) par Renaud d’Enfert


Lorsqu’en 1806 le peintre Jean-Charles Nicaise Perrin succède à Jean-Jacques Bachelier, décédé, à la direction de l’École gratuite de dessin, celle-ci n’a pas encore retrouvé l’organisation pédagogique et la stabilité administrative qui prévalaient avant la Révolution. L’École ne compte plus que trois professeurs, et le bureau d’administration est largement désorganisé, ne se réunissant guère que pour procéder aux distributions de prix. À l’issue de l’épisode révolutionnaire, son statut juridique a néanmoins évolué : placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur1. l’École bénéficie désormais d’une subvention du gouvernement qui permet d’en assurer le fonctionnement, tandis que la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) a confirmé son caractère national en la comptant au nombre des quatre écoles des arts du dessin avec Dijon, Toulouse et Lyon2. Sous la Restauration, la mise en place d’un nouveau conseil d’administration composé d’hommes de loi et d’aristocrates philanthropes proches du pouvoir en place – ils seront rejoints par des artistes « officiels » à partir de 1829 – permet ensuite à l’École de retrouver tout à la fois dynamisme et stabilité3. Le contexte a également évolué. Après la floraison d’écoles de dessin sous l’Ancien Régime, la période qui s’ouvre à la mort de Bachelier correspond à une nouvelle phase d’expansion de l’enseignement du dessin dont témoignent les nombreuses créations et recréations d’écoles de dessin en province. La chute de l’Empire n’interrompt pas le processus, si bien que l’on peut dénombrer une centaine d’écoles de dessin en France au milieu du XIXe siècle4. De même, au lendemain de la Révolution, l’établissement fondé par Bachelier n’est plus seul à offrir une formation graphique aux ouvriers et artisans de la capitale : Il faut compter avec l’école de dessin du Conservatoire des arts et métiers, créée en 1799 pour former des dessinateurs pour l’industrie des machines, et avec les nombreux cours ou écoles de dessin ouverts en divers points de la capitale après 1830, principalement sur la rive droite de la Seine. Vers 1863, une quarantaine d’établissements offrant un enseignement de dessin aux apprentis et aux ouvriers de la capitale seront ainsi recensés5. Dans le même temps, des écoles de dessin pour les femmes sont créées. Mais si une École gratuite de dessin pour les jeunes personnes est ouverte à Paris dès 1803, c’est surtout après 1850 que se développent les établissements féminins. Au XIXe siècle, l’École s’insère donc dans un vaste réseau d’établissements voués à l’enseignement du dessin, aussi bien au niveau de la capitale qu’à l’échelle du pays. Scolarisant trois cents à quatre cents élèves sous la Restauration, trois fois plus sous le second Empire, elle n’en forme pas moins une institution singulière, tant par son organisation que par l’enseignement qu’elle dispense. Notes : 1. L’École, tout comme l’administration des Beaux-Arts, passe sous la tutelle du ministère du Commerce et des Travaux publics en 1830, avant de revenir à l’Intérieur en 1833. Sous le second Empire, elle relève du ministère d’État puis de la Maison de l’empereur. Après 1870, elle dépend de l’Instruction publique. 2. L’école de Lyon n’est pas explicitement mentionnée par la loi du 11 floréal an X. Elle sera établie par décret du 25 germinal an XIII (15 avril 1805). 3. En 1843, un nouveau règlement substitue au conseil d’administration une commission de surveillance et de perfectionnement, dont l’existence semble avoir été éphémère. 4. R. D’ENFERT, L’Enseignement du dessin en France. Figure humaine et dessin géométrique (1750-1850), Paris, Belin, 2003. 5. G. BARDIN, Mémoire sur l’enseignement du dessin dans les écoles municipales d’enfants, d’apprentis et d’ouvriers de la Ville de Paris, et sur l’organisation de cet enseignement, Orléans, Imprimerie E. Colas, 1863.

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1. Une triple ambition

La loggia, photographie, vers 1880, dans L’Art décoratif, 1911 (Paris, bibliothèque Forney).

Le projet pédagogique de l’École repose sur une triple ambition : économique, artistique, éducative. Ambition économique d’abord : contribuer « à la supériorité de la fabrication parisienne », « perfectionner l’industrie », les arguments utilisés au XIXe siècle pour promouvoir l’École ne sont pas sans évoquer ceux employés par Bachelier sous l’Ancien Régime. Le petit artisanat parisien est concerné au premier chef, du bijoutier au tapissier, du graveur au menuisier, de même que les métiers du bâtiment – maçons, tailleurs de pierre, sculpteurs d’ornement, etc. L’École vise la formation d’une main-d’œuvre artisanale qualifiée capable de fournir des produits de qualité, tant au niveau de l’exécution matérielle que sur le plan esthétique. L’enjeu est à la fois local – développer les industries de la capitale – et national : la paix revenue avec la Restauration, la lutte avec l’étranger, et notamment avec l’Angleterre, s’est déplacée sur le terrain du commerce. Le crayon est l’arme principale de cette compétition économique dont les Expositions universelles forment, sous le second Empire, l’ « arène pacifique6 » : il s’agit de répandre le « bon goût » dans l’industrie afin de renforcer les positions de la France dans le secteur des produits de luxe ou de demi-luxe.

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Marie Rosalie, dite Rosa Bonheur, huile sur toile, par Édouard Louis Dubufe, milieu du XIXe siècle (Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon).

• L’École gratuite de dessin pour les jeunes personnes L’ « École gratuite de dessin pour les jeunes personnes » constitue, au XIXe siècle, le pendant féminin de l’établissement fondé par Bachelier, bien que ce dernier, pourtant fervent défenseur de l’enseignement féminin, n’ait pas participé à sa création. Elle est fondée en 1803 par Mme Frère de Montizon, qui souhaite garantir les jeunes filles contre l’indigence et la déchéance morale qui peut en résulter. Pour ouvrir son établissement, celleci reçoit le soutien d’hommes de lettres, de savants et d’artistes tels que Vivant Denon, Peyre et Houdon, et bénéficie de l’appui financier d’importantes personnalités comme le consul Lebrun et Mme d’Orléans, avant d’obtenir une subvention de l’État en 1810. L’école est installée dans l’ancien collège des Cordeliers, rue Touraine-Saint-Germain (elle sera transférée rue de Seine vers 1875). Jusqu’en 1848, les professeurs ne sont autres que la fondatrice (qui démissionne vers 1829) et ses deux filles, Justine et Flore. Si les élèves (deux cents en 1820) sont majoritairement destinées à travailler dans les ateliers parisiens de broderie, de papiers peints, de fabriques d’indiennes ou de fleurs, certaines d’entre elles, de parents plus aisés, versent une rétribution pour pousser plus avant leurs études de dessin. En 1848, la direction de l’école est confiée au peintre Raymond Bonheur. Mais ce dernier décède l’année suivante et c’est sa fille, Rosa Bonheur, qui lui succède comme directrice et unique professeur. En 1860, celle-ci abandonne la direction de l’école (devenue entre-temps École impériale et gratuite de dessin pour les demoiselles) pour se consacrer à la peinture. Elle est alors remplacée par Nelly Marandon de Montyel jusqu’au rattachement de l’établissement à l’École nationale des arts décoratifs en 1890.

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L’élaboration d’un style vraiment national susceptible de passer à la postérité est le deuxième objectif poursuivi. Discrètement affirmé sous la monarchie de Juillet, celui-ci est très clairement affiché dès les premières années du second Empire. L’union de l’art et de l’industrie est à l’ordre du jour, mais c’est l’industrie qui doit permettre de propager l’ « art national », plutôt que l’inverse. Plus que la puissance commerciale, c’est la capacité de l’École à renforcer le prestige de la France sur la scène internationale en étendant son rayonnement artistique et culturel qui constitue alors l’enjeu principal. Après la Grèce antique et l’Italie de la Renaissance, la France doit affirmer sa supériorité dans le domaine des arts : tandis que le directeur en appelle à une nouvelle renaissance des arts, les représentants du ministère de tutelle prônent l’élaboration d’un « style Napoléon III ». L’intention est aussi politique : le règne de l’empereur doit égaler celui de François Ier ou de Louis XIV7. La vocation de l’École s’en trouve redéfinie, privilégiant alors la figure de l’ « ouvrier-artiste », créateur potentiel, qu’incarnent un Bernard Palissy ou un Benvenuto Cellini. Enfin, le projet est également éducatif, non sans arrière-pensée politique, les discours annuels de distribution des prix en témoignent. Des habitudes d’ordre et de discipline, le goût du travail bien fait, mais aussi l’obéissance aux lois, l’amour du souverain, telles sont les principales qualités attendues des élèves. C’est ainsi qu’un « prix Percier » – en hommage à l’architecte « bi enfaiteur » de l’École – est créé en 1839 afin de récompenser l’élève dont la conduite, l’assiduité et l’application sont irréprochables8. Il s’agit également d’inciter les élèves à embrasser les professions artisanales et industrielles auxquelles ils sont a priori destinés, et d’éviter qu’ils ne soient tentés par l’aventure de la carrière des beaux-arts, source d’un éventuel « déclassem ent » : « il vaut mieux être habile ouvrier qu’artiste obscur9 ». Classique au XIXe siècle, cette volonté de conservation sociale ne vise pas pour autant à étouffer les vocations artistiques, pour ceux du moins « qui ont en eux ces qualités naturelles qui doivent, le travail aidant, faire plus tard le peintre, le sculpteur, le graveur, l’architecte10 ». Notes : 6. AN, AJ 53/157. Distribution des prix, 1855, p. 8. 7. AN, AJ 53/157. Distribution des prix, 1858, p. 10. 8. AN, AJ 53/3. Procès-verbal du conseil d’administration, 18 décembre 1839. 9. AN, CAC 950 147/6. Distribution des prix, 1861, p. 7. 10. Ibid.

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La salle du Gladiateur de la Villa Borghese, dessin aquarellé, par Charles Percier, extrait de son album de voyage à Rome, 1786-1791 (Paris, bibliothèque de l’Institut).

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Compositions décoratives, peintures pour les panneaux de la chambre du Citoyen, gravures aquarellées par Schlick première moitié du XIXe siècle (Paris, musée des Arts décoratifs).

• Charles Percier (1764-1838) Ancien élève de l’École, grand prix de Rome en 1786 devenu avec son associé Pierre François Léonard Fontaine l’un des architectes favoris de Napoléon Ier, Charles Percier (1764-1838) passe pour être le bienfaiteur de l’École. Non seulement il parvient à contrer le projet de Quatremère de Quincy qui voulait annexer l’établissement à l’ex-Académie royale de peinture et de sculpture, mais, devenu l’un des administrateurs de l’École en 1830, il favorise l’ouverture de la classe de sculpture d’ornement, l’une des disciplines phares. Décédé en 1838, il lègue à l’École une somme de près de 100 000 francs. Si une petite fraction de cette somme, jugée « consid érable », est presque immédiatement affectée au remplacement d’anciens modèles, la majeure partie (88 000 francs) est placée en rentes d’État à 5 %, assurant ainsi à l’École un revenu annuel d’environ 4 000 francs. Une autre conséquence de ce legs est la création d’un « prix Percier », attribué à l’élève qui, « parmi tous ceux de l’École et quels que soient son âge et son degré d’avancement, d’instruction et de capacité, s’est le plus fait remarquer et noter pour son assiduité, son application, son émulation, ses progrès et enfin pour les mérites d’une conduite irréprochable ».

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1.

2.

Notes : 11. Getty Ressources Coll. 850 678 F2. Perrin, Réflexions, s. d. ; document communiqué par Ulrich Leben.

1. Tête antique casquée, gravure « en manière de crayon » de couleur rouge (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 2. Plafond de l’entablement composite, dérivé d’une coupe verticale ou profil de ce couronnement (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

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2. Vers une diversification de l’enseignement

De Perrin… Directeur de l’École entre 1806 et 1831, Perrin ne modifie guère l’organisation pédagogique fixée par Bachelier sous l’Ancien Régime. Les études restent partagées en trois grandes catégories : mathématiques et architecture, figure humaine et animaux, ornement et fleurs. La répartition hebdomadaire des différents cours demeure inchangée – et pour longtemps encore –, permettant ainsi aux élèves de suivre plusieurs enseignements. Les concours, trimestriels et annuels, continuent de ponctuer l’année scolaire, tandis que l’enseignement reste presque exclusivement fondé sur la « copie » de modèles gravés. Une certaine fidélité au parti pris pédagogique de Bachelier domine donc, ce dernier ayant exclu de facto l’étude de modèles en relief – ronde-bosse ou modèle vivant – et systématisé le recours aux gravures « en manière de crayon », de couleur noire ou rouge, dont l’École possède une importante collection. La continuité pédagogique s’opère d’autant mieux qu’en 1806 les trois professeurs en poste enseignaient déjà avant la Révolution : Jean-Florent Defraisne pour la figure, Jean-François Godefroy pour l’ornement, Jacques Étienne Thierry pour l’architecture. Par la suite, de nouvelles nominations permettent au corps enseignant de retrouver, dès 1818, une configuration proche de celle qui prévalait sous l’Ancien Régime avec pas moins de sept professeurs, titulaires ou adjoints, dont trois pour les mathématiques et l’architecture. Si Perrin, pour qui toute modification du plan d’études reviendrait à détourner l’établissement de sa vocation première, revendique cette stabilité de la structure pédagogique11, on peut néanmoins mettre à son actif l’institution d’un cours d’arpentage en 1808. En 1823-1824, une subvention accordée par la Ville de Paris permet l’organisation de cours du soir. Réservés théoriquement aux élèves de plus de quinze ans, ils doivent permettre aux apprentis et aux ouvriers de suivre l’enseignement de l’École en dehors de leurs heures de travail. Ces cours remportent un large succès, motivant du même coup l’agrandissement des locaux : au début des années 1840, ils rassemblent les deux tiers des élèves (80 % vers 1860), tandis que les cours donnés dans la journée (en réalité le matin) ne font pas toujours le plein. Des conférences pour les anciens élèves désireux de se perfectionner sont également organisées en 1824, mais on n’en trouve plus trace après 1826.

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1.

• Le problème des locaux Pendant tout le XIXe siècle, l’École doit faire face à l’exiguïté et parfois à la vétusté de ses locaux. L’afflux d’élèves provoqué par la subvention accordée par la Ville de Paris en 1823 et l’organisation de cours du soir est probablement à l’origine des premiers travaux d’agrandissement entrepris par l’architecte Alphonse de Gisors et achevés en 1830. Un « solide plancher » est posé à la base du dôme de l’ancien amphithéâtre de chirurgie « en vue d’avoir une salle pour y faire des concours importants », tandis qu’un nouveau bâtiment, comprenant une salle d’attente pour les élèves et une salle pour les « cours oraux » de mathématiques, est bâti au fond de la cour principale. Un portique apposé à cette nouvelle construction relie le bâtiment de l’administration et l’amphithéâtre, dit « salle octogone » en raison de sa forme intérieure. Au début des années 1840, un nouveau bâtiment est érigé sur un petit terrain situé entre la cour de l’École et la rue Racine, et concédé par la municipalité. Construit dans un style néo-grec par Constant-Dufeux, ancien élève de l’École passé ensuite par l’atelier de Percier, il est inauguré en 1844. Les professeurs auraient souhaité en outre la couverture de la cour par un vitrage, afin d’abriter les élèves n’ayant pas cours, mais leur demande reste sans suite. L’École demeurera en travaux pendant encore une dizaine d’années pour cause de rénovation, de réaménagement ou d’agrandissement de certaines salles, perturbant parfois le bon déroulement des enseignements.

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2. 1. Cour de l’École nationale spéciale de dessin, de mathématiques et de sculpture d’ornement, gravure de Théron, dans Le Magasin Pittoresque, 1850 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. L’arrière, côté rue Racine, du nouveau bâtiment construit dans le goût néo-grec par l’architecte Simon Claude Constant-Dufeux, inauguré en 1844.

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… à Belloc La nomination en 1831 du peintre Jean-Hilaire Belloc à la direction de l’École ouvre une période importante dans l’histoire de l’École. Contrairement à Bachelier qui débuta comme peintre de fleurs, Belloc a commencé sa carrière artistique dans le genre le plus noble, celui de la peinture d’histoire, mais c’est surtout à ses talents de portraitiste qu’il doit sa réputation. Proche des élites artistiques et littéraires de la capitale – sa femme, Louise Swanton, a traduit Lord Byron et Thomas Moore –, il semble néanmoins évoluer en marge des milieux académiques. Au tournant des années 1830-1840, il s’affrontera d’ailleurs aux administrateurs de l’École issus des rangs de l’Académie des beaux-arts, qui tentent alors (en vain) d’asseoir leur autorité sur l’établissement et sur son directeur12. L’enseignement dispensé à l’École est considérablement transformé et diversifié au cours des trente-cinq années que dure le directorat de Belloc. Dès 1832, de nouveaux cours sont institués, notamment ceux de sculpture et de composition d’ornement. Des professeurs sont recrutés, des répétiteurs sont nommés. Conséquence de l’adoption d’un nouveau règlement en 184313, la création d’un « comité d’enseignement » réunissant le directeur et les professeurs permet ensuite d’établir une certaine cohérence entre les différentes disciplines. En 1849, Belloc peut ainsi se féliciter d’avoir institué successivement « la classe de sculpture, l’étude de la plante vivante, le cours de composition d’ornement démontré au tableau, le dessin d’après la bosse, le cours d’anatomie (myologie et ostéologie), le dessin de mémoire, le dessin d’ornement d’après le relief14 ». Un cours de dessin d’après le modèle vivant (1857) puis une classe de gravure sur bois (1858) sont également créés sous le second Empire. Dans le même temps, le nombre des concours de fin d’année passe de neuf en 1824 à une trentaine à la fin des années 1840, puis à quarante vers 1865. À travers cette évolution, c’est le modèle pédagogique institué par Bachelier qui est ainsi remis en cause. Notes : 12. AN, AJ 53/3. Procès-verbal du conseil d’administration, 28 novembre 1838, 10 décembre 1840 et 19 janvier 1842. Ainsi, lors du conseil d’administration du 28 novembre 1838, il est expressément demandé à Belloc de procéder à plusieurs corrections dans son discours de distribution des prix. Plus généralement, la préparation par le conseil d’administration d’un nouveau règlement dessaisissant Belloc de l’essentiel de ses prérogatives est le principal motif de cet affrontement. Voir notamment AN, F 21/644. Lettre de Belloc au ministre de l’Intérieur, 3 décembre 1839. 13. AN, F 21/644. Règlement de l’École royale et spéciale de dessin et de mathématiques appliquées aux arts industriels, Paris, Imprimerie nationale, 1843. 14. AN, CAC 950147/6. Distribution des prix, 26 août 1849, p. 4.

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Buste funéraire de Jean-Hillaire Belloc, directeur de l’École de 1832 à 1866, bronze, par Adolphe Itasse, ancien élève de l’École (Paris, cimetière du Père-Lachaise).

• Jean-Hilaire Belloc (1786-1866) Directeur de l’École de 1831 à sa mort en 1866, Jean-Hilaire Belloc a indéniablement marqué l’établissement de son empreinte. Né à Nantes en 1786, élève de Regnault et Gros, mais aussi des frères Lemire, il expose au Salon entre 1810 et 1850, débutant comme peintre d’histoire avec La Mort de Gaud, ami d’Ossian, œuvre de sensibilité préromantique pour laquelle il reçoit une médaille de première classe. S’il se fait remarquer sous la monarchie de Juillet avec des sujets historiques ou religieux (Mort de Saint Louis à Tunis, 1838), il doit surtout sa renommée aux portraits qu’il expose (La Duchesse de Berry, 1824) : en 1845, par exemple, Baudelaire apprécie l’ « excellente couleur » de son portrait de Jules Michelet. Mais la popularité de Belloc dépasse le cercle des connaisseurs, si l’on en croit le portier que fait parler Léon Gozlan dans Le Diable à Paris : « aujourd’hui, nous avons dans notre loge un tapis, deux pendules de quatre cents francs, trois tableaux peints par Roqueplan, Belloc et Verdier, des fauteuils en palissandre. » Parallèlement à la direction de l’École, Belloc participe sous le second Empire à plusieurs commissions ministérielles dont celle chargée de la réorganisation de l’enseignement du dessin dans les lycées. De son mariage en 1823 avec Louise Swanton, femme de lettres et traductrice de Maria Edgeworth mais aussi de Dickens et de Lord Byron, il a deux filles, Jeanne et Louise, qui seront portraitistes. La première, devenue Mme Bibron, publiera un Cours de dessin linéaire appliqué aux objets usuels.

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Le Petit chaperon rouge, dans les Contes de Perrault, dessin de Gustave Doré gravé par François Pannemaker, 1867 (Paris, collection privée).

• L’enseignement de la gravure sur bois La classe de gravure sur bois inaugure le premier enseignement de l’École en prise directe sur la pratique d’un métier. Sa création apparaît comme une réponse aux pays voisins qui possèdent déjà leur école de gravure, à un moment où la gravure sur bois debout, technique qui utilise des blocs de bois sciés perpendiculairement à la fibre (le bois de bout), envahit l’édition. Le projet prend corps dès 1856, probablement à l’initiative du peintre Guillaume Alphonse Cabasson qui estime que, faute d’une formation préalable, trop peu de graveurs parisiens sont capables de graver « des sujets de figure pour des ouvrages sérieux ». Une première classe de gravure sur bois est ouverte, peut-être en 1857, plus probablement à la rentrée de 1858. Admis sur examen, les élèves sont âgés de quatorze ans au moins. Deux heures par jour, Cabasson leur enseigne le dessin « suivant l’ordre ordinaire, c’està-dire en partant de la tête pour arriver à la figure entière », ainsi que la perspective et l’anatomie. Adolphe Gusman enseigne la gravure, à raison de cinq heures quotidiennes. Il cède sa place à la rentrée de 1859 au Belge François Pannemaker, l’un des plus célèbres graveurs sur bois du XIXe siècle. Mais le succès est de courte durée : les maîtres graveurs embauchent les meilleurs élèves si bien que la classe de gravure ne compte plus que cinq élèves en 1874 contre une trentaine vers 1860. Supprimée par arrêté ministériel en date du 1er octobre 1874, c’est-à-dire au moment même de la publication du nouveau règlement de l’École, la classe de gravure sur bois est remplacée par un atelier d’applications décoratives dirigé par Edmond Lechevallier-Chevignard.

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1. Salle d’étude pour le dessin et le modelage, d’après la bosse, gravure de Ed. Renard et H. Valentin, dans L’Illustration, 1848 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. Salle d’étude de la figure et de l’ornement pour les commençants, gravure de Ed. Renard et H. Valentin, dans L’Illustration, 1848 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

1.

2.

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3. La figure humaine,

fondement de l’enseignement du dessin

Le directorat de Belloc marque, sinon une rupture, du moins une nette évolution par rapport au projet initial de Bachelier qui fondait tout l’enseignement sur la « copie » de modèles gravés, n’autorisait que le dessin au trait (c’est-à-dire sans les effets d’ombres) et mettait sur un même pied d’égalité les « dessins d’imitation et de goût », à savoir la figure, les animaux, les fleurs et l’ornement dont la réunion forme, dans le vocabulaire de l’École, les « quatre genres ». Vers le modèle des Beaux-arts ? L’introduction du dessin d’après la bosse, c’est-à-dire d’après des objets en relief, est l’une des principales modifications introduites par Belloc. À cet effet, il mène une ambitieuse politique d’acquisition de modèles en plâtre en provenance de l’École royale des beaux-arts ou des galeries du Louvre15. Il s’agit désormais d’apprendre à l’élève à voir la « vraie nature » avec ses propres yeux et non à travers ceux d’un tiers : alors que, trop souvent, les élèves copient les gravures avec leurs défauts d’impression, l’étude de la bosse permet de les initier au dessin des ombres qui font « bien mieux comprendre les formes et dessiner avec intelligence16 ». Pour autant, ce nouvel enseignement ne détrône pas le dessin « copié » : non seulement l’École acquiert de nouvelles séries de modèles gravés au cours de la période, mais, au début des années 1870, bon nombre des modèles employés au XVIIIe siècle (les « modèles rouges » en manière de crayon) sont encore en usage malgré les critiques de certains professeurs17. Autre changement d’orientation, Belloc place progressivement l’étude du corps humain (la figure humaine) comme principe même des études de dessin. Ainsi, alors qu’au début des années 1830 les nouveaux élèves sont initiés aux « premiers principes » dans les « quatre genres » (figure, animaux, fleurs, ornement), vingt ans plus tard, les premiers apprentissages ne reposent plus que sur la figure 18. Vers 1860, Belloc va même jusqu’à supprimer la spécialisation des professeurs de dessin qui, depuis la fondation de l’École, étaient chargés d’enseigner dans un seul des quatre genres : l’étude de la figure humaine passe ainsi au tout premier plan.

81


1.

Pour Belloc, cette direction plutôt « artistique » qui commence de s’affirmer dès les années 1840 – et qui va de pair avec sa ferveur pour l’art grec – ne vient pas contredire la vocation artisanale de l’École. L’étude du corps humain est en effet réputée pour exercer l’habileté de la main et la justesse du coup d’œil, qualités requises non seulement des dessinateurs mais aussi des artisans. Mais il s’agit aussi d’offrir une formation graphique véritablement complète dont la figure humaine, symbole de perfection mais aussi élément fédérateur des arts du dessin, doit être le guide et l’inspiratrice19. Ce point de vue est d’ailleurs largement partagé par les professeurs. Ainsi, Horace Lecoq de Boisbaudran, professeur de dessin qui introduit le « dessin de mémoire » en 1847, estime que la figure humaine est plus facile à mémoriser que les fleurs, les ornements ou les animaux. Victor Ruprich-Robert, professeur de composition d’ornement, déclare quant à lui que « celui qui sait dessiner la figure ne rencontre aucun obstacle réel à dessiner l’ornement, les fleurs, les animaux20 ». Le fait que les professeurs de sculpture d’ornement, Georges Jacquot puis Pierre Louis Rouillard, aient longtemps été responsables du cours d’anatomie témoigne également de cette connivence souhaitée entre la formation ornementale et une éducation plus « artistique ». Une conséquence, et non des moindres, est le rapprochement, en une dizaine d’années seulement, de l’enseignement de dessin dispensé à l’École avec le cursus académique qui, centré sur l’étude de la figure humaine, régit classiquement la formation des artistes. Dès la fin des années 1850, les trois étapes canoniques (estampe, bosse, modèle vivant) qui le composent sont représentées à l’École qui offre ainsi, avec l’anatomie et des notions de perspective, un enseignement complet de dessin. Alors que Bachelier avait choisi de limiter la formation graphique de ses élèves à la première étape seulement du cursus académique, marquant ainsi le degré élémentaire de son établissement, l’École se détache de l’esprit qui a présidé à sa fondation sous l’Ancien Régime pour se mouler davantage sur le modèle de l’École des beaux-arts.

Notes : 15. AN, AJ 53/6. Lettre de Belloc au ministre, 6 avril 1833 ; AN, AJ 53/120. Modèles divers, 1838 ; AN, AJ 53/105. Lettres du chef de la division des beaux-arts à Belloc, 23 octobre 1854 et 16 août 1856. 16. AN, AJ 53/105. Lettre d’Amédée Faure à Belloc, 24 août 1848. 17. AN, AJ 53/5. Compte rendu du conseil des professeurs, 14 mars 1874. 18. AN, AJ 53/104. Lettre de Belloc à Lucas de Montigny, 25 janvier 1833 ; AN, F 21/644. Historique de l’École royale gratuite de dessin en faveur des métiers relatifs aux arts de 1766 à 1840. Désorganisation de l’École de dessin et ses causes depuis 1840…, s. d. (après 1867). 19. AN, CAC 950147/6. Distribution des prix, 1853, p. 4-5, et 1855, p. 6. 20. V. RUPRICH-ROBERT, « Cours de composition d’ornement à l’École impériale et spéciale de dessin », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, 1853, vol. XI, col. 241-246, 387-391 et 437-440, citation col. 242. Voir également AN, AJ 53/104. Note de Dutertre, 11 décembre 1837.

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2.

1. Tombe de l’architecte Simon Claude Constant-Dufeux, dessinée par Victor Ruprich-Robert, professeur de composition d’ornement à l’École de 1843 à 1882 (Paris, cimetière Montparnasse). 2. Homme assis avec cheval et chien, lithographie, dans Cooper, Études d’animaux (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

83


1.

2.

• Le dessin de mémoire selon Lecoq de Boisbaudran

3.

4.

Ancien élève de l’École passé ensuite par l’École des beaux-arts, nommé professeur pour le dessin des animaux en 1844, le peintre Horace Lecoq de Boisbaudran (1802-1897) doit l’essentiel de sa réputation à l’originalité de sa pédagogie fondée sur le « dessin de mémoire ». Sa méthode, développée dans son Éducation de la mémoire pittoresque (1847), consiste à faire copier ou observer aux élèves des dessins qu’ils doivent ensuite reproduire de mémoire. Elle connaît rapidement un certain succès : approuvée au début des années 1850 par l’Académie des beaux-arts et la Société d’encouragement pour l’industrie nationale après que ses élèves s’étaient mesurés, à leur avantage, à des étudiants de l’École des beaux-arts, elle remporte aussi les suffrages de Viollet-le-Duc qui y voit en 1863 « l’une des plus fertiles innovations de notre temps ». Les peintres Jean-Charles Cazin, Alphonse Legros et Félix Régamey, le sculpteur Auguste Rodin, le médailliste Oscar Roty (créateur de la Semeuse) comptent parmi ses élèves à l’École. Mais si une note relative à « ce qui est désirable pour le cours de mémoire pittoresque » mentionne la location « d’un terrain clos pour exercer en plein air », il n’est pas certain cependant que ces derniers aient reçu de Lecoq le même enseignement que ceux qui, fréquentant son atelier du quai des Grands-Augustins, participaient à des sorties à la campagne au cours desquelles ils se servaient mutuellement de modèles.

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1. et 2. Portrait de Guillaume de Montmorency par J. Valnay, peinture originale (Paris, musée du Louvre), et dessin de mémoire, dans Horace Lecoq de Boisbaudran, L’Éducation de la mémoire pittoresque et la formation de l’artiste (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 3. D’après l’antique, mine de plomb, par A. Legros, dans Horace Lecoq de Boisbaudran, L’Éducation de la mémoire pittoresque et la formation de l’artiste (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 4. Autoportrait de l’artiste, huile sur toile, par Horace Lecoq de Boisbaudran, troisième quart du XIXe siècle (Paris, musée du Louvre).

Une orientation contestée Cette prééminence de la figure humaine sous le second Empire est vivement contestée au lendemain de la mort de Belloc en 1866. Ainsi, un rapport (anonyme) retraçant l’histoire de l’École critique sévèrement l’orientation donnée à partir des années 1840, estimant que celle-ci a été détournée de sa vocation initiale : transformée en une préparation à l’École des beaux-arts, l’École ne formerait plus qu’un petit nombre d’élèves pour les arts industriels, les « figuristes » ne consentant guère à se consacrer à l’ornement21. Nommé directeur de l’École en remplacement de Belloc, Lecoq de Boisbaudran est également très sévère à l’égard de son prédécesseur, craignant notamment que ne s’installe de façon définitive un rapport d’infériorité hiérarchique entre l’établissement, désormais appelé la « petite école » par les élèves, et l’École des beaux-arts22. Lecoq semble pourtant avoir exacerbé la situation en s’organisant un établissement sur mesure afin de mettre en œuvre, à grande échelle, ses propres conceptions de l’enseignement artistique23 : non seulement Lecoq généralise le dessin de mémoire comme complément de l’enseignement ordinaire, mais il se réserve les classes dites « du jour », c’est-à-dire celles fréquentées par les élèves qui ne travaillent pas dans la journée (et donc candidats potentiels à l’École des beaux-arts), ainsi qu’un cours d’enseignement « supérieur », sorte d’atelier de perfectionnement pour les élèves les plus avancés. Cette orientation, jointe à la désaffection des élèves (avec moins de six cents élèves en 1868, l’École a perdu la moitié de ses effectifs depuis le début de la décennie) et à une certaine hostilité des professeurs à son encontre, conduira à son éviction en 186924. Notes : 21. AN, F 21/644. Historique de l’École royale gratuite de dessin… ; ce document est probablement de la main de Rouillard. Sur ce point, voir B.-Y. COCHAIN, Pierre-Louis Rouillard, 1820-1881. Sculpteur animalier, professeur de sculpture et d’anatomie, mémoire de 3e cycle de l’École du Louvre, 1997, p. 191-196. 22. AN, CAC 950147/6. H. Lecoq de Boisbaudran. Note sur la situation de l’École impériale de dessin, 1867. 23. AN, CAC 950147/6. H. Lecoq de Boisbaudran. Note demandée par M. le directeur des Beaux-Arts, s. d. (1867). 24. AN, F 21/644. Rapport du surintendant des Beaux-Arts au ministre de la Maison de l’empereur et des Beaux-Arts, 1869.

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Salle d’étude pour le modelage de la figure et de l’ornement, d’après les plantes vivantes, gravure de Ed. Renard et H. Valentin, dans L’Illustration, 1848 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

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4. Une formation ornementale renouvelée

Jusqu’aux années 1830, l’étude de l’ornement repose encore, comme pour la figure, sur la copie des estampes imprimées par Bachelier. La création d’enseignements nouveaux – et véritablement novateurs – relatifs à l’ornement apparaît à la fois comme une réponse à la demande bourgeoise en matière de décoration, et comme un moyen de former (et d’adapter à cette demande) le goût des ouvriers ornemanistes et décorateurs. Annonçant l’orientation « décorative » que prendra l’École à partir des années 1870, elle intervient à un moment où l’ornementation, tant dans le domaine architectural que dans la production d’objets, commence à se libérer de la rigidité du modèle néoclassique. Dès les années 1830, la sobriété et la rigueur du décor cèdent la place à la diversité des styles et aux surcharges ornementales : l’éclectisme qui caractérise la seconde moitié du XIXe siècle est en germe. Projetée sous la Restauration mais créée en 1832 seulement, la classe de sculpture d’ornement devient rapidement un élément fondamental du projet pédagogique de l’École en formant « des ornemanistes en tous genres, surtout pour l’orfèvrerie, le bâtiment, les décors et les restaurations des monuments de toutes les époques25 ». Confié à Georges Jacquot, statuaire qui avait travaillé aux sculptures du Louvre sous la direction de Percier et Fontaine à la fin du premier Empire, l’enseignement comprend non seulement l’étude de l’ornement architectural, mais aussi celle des animaux, des plantes et de la figure (tête, torses et statues antiques). En été, les élèves travaillent sur les plantes vivantes, cultivées à l’École, à l’instar de leurs camarades du cours de dessin d’ornement. Lors des concours de fin d’année, ils sont tenus de répondre à un programme précis prenant en compte la matière de l’objet à réaliser comme sa destination. Ainsi un « chapiteau-pilastre, devant servir de base à la décoration d’un laboratoire de pharmacie » (1839), ou encore un vase « en orfèvrerie et destiné à être donné comme prix à un concours de comices agricoles » (1872)26. Rouillard, qui succède à Jacquot en 1870 après avoir été son répétiteur puis son suppléant, voit dans ces concours un exercice particulièrement stimulant : « Rarement on trouvait dans les esquisses d’élèves des arrangements complets, mais on y trouvait toujours le point de départ d’une idée nouvelle qu’on n’aurait point imaginée27. » La création d’un cours d’histoire et de composition d’ornement constitue

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Chapiteau, dans Victor Ruprich-Robert, Flore ornementale. Essai pour la composition de l’ornement. Eléments tirés de la nature et principes de leur application, 1876 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

également une innovation. Inauguré par Eugène Viollet-le-Duc, nommé en 1834 alors qu’il n’a que vingt ans, cet enseignement conjugue la théorie (l’histoire et la composition) et la pratique graphique, si bien que les élèves ornemanistes ne viennent plus uniquement à l’École pour « copier » des modèles, même si cet exercice en reste encore le principe fondateur. Viollet-le-Duc est donné comme « professeur provisoire d’histoire de l’ornement architectural28 » en 1840, puis comme « répétiteur de dessin architectural pour un cours spécial de dessin d’ornement démontré au tableau29 » en 1843. À partir de 1844, date de sa titularisation, il enseigne officiellement la composition d’ornement, conformément au nouveau règlement. Ces hésitations quant à la dénomination de sa fonction témoignent de la réelle nouveauté de son enseignement. Contre la domination de l’art antique, ou plutôt à côté, Viollet-le-Duc inaugure une nouvelle façon d’appréhender l’ornement. Alors que, traditionnellement, les élèves dessinent des séries plus ou moins hétéroclites de modèles de style classique, Viollet-le-Duc livre, tout en dessinant au tableau noir ou sur toile, une histoire générale de l’ornement où toutes les époques, et notamment le Moyen Âge, sont présentées dans un ordre chronologique30. C’est cette approche « éclectique », mais raisonnée, de l’ornement qui va s’imposer au cours de la période. Démissionnaire en 1850, Viollet-le-Duc est remplacé par l’architecte Victor Ruprich-Robert, son suppléant depuis 1843. S’il s’attache à perpétuer les principes posés par son prédécesseur, Ruprich-Robert n’en donne pas moins à son enseignement une orientation très personnelle en développant un vocabulaire décoratif fondé sur l’étude des fleurs qui forment à ses yeux « la base de l’art ornemental31 » : il ne s’agit pas de saisir la nature avec une exactitude scientifique, mais d’en donner une interprétation stylisée, voire une réinterprétation par le jeu des symétries ou au contraire des irrégularités. Leur réemploi dans les compositions décoratives ne doit cependant pas se faire au hasard. Faisant écho au rationalisme de Viollet-le-Duc, RuprichRobert est en effet attaché au choix raisonné des ornements en fonction de la matière : « L’art consiste précisément à choisir telle ou telle plante, à cause des dispositions particulières qu’elle affecte et qui sont de nature, par exemple, à être reproduites plutôt en pierre qu’en métal ou en bois32. »

Notes : 25. AN, AJ 53/157. Procès-verbal du conseil d’administration du 6 février 1832. 26. AN, AJ 53/148. Programmes des concours, 1858-1906. Le concours de 1847 propose un programme plus inattendu avec l’ornementation d’une locomotive. 27. AN, AJ 53/131. Lettre de Rouillard au directeur, s. d. 28. AN, AJ 53/3. Procès-verbal du conseil d’administration du 21 octobre 1840. 29. AN, AJ 53/6. Lettre de Belloc au ministre du 12 janvier 1843. 30. AN, AJ 53/100. E. Viollet-le-Duc, Programme du cours de composition d’ornement, 8 février 1844. 31. V. RUPRICH-ROBERT, « Cours de composition d’ornement… », col. 388. Voir également AN, AJ 53/4. Procès-verbal du comité d’enseignement du 1er mai 1851 ; AN, AJ 53/100. Exposé du cours de composition d’ornement, 1870. 32. V. RUPRICH-ROBERT, « Cours de composition d’ornement… », col. 440.

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Représentations d’arbres provenant de bas-relief assyrien, égyptien et grec, d’une peinture japonaise, d’une tapisserie romane, d’un vitrail du XIIIe siècle et d’un bas-relief du XVe siècle, dans Victor Ruprich-Robert, La Flore ornementale. Essai pour la composition de l’ornement. Eléments tirés de la nature et principes de leur application, 1876 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).


• Pierre Louis Rouillard (1820-1881)

1.

Fils d’un tourneur en bois parisien, Pierre Louis Rouillard (1820-1881) entre en 1832 à l’École où son grand-père, le sculpteur Sébastien Cavé, avait été élève vers 1784. Il y suit notamment les cours de sculpture d’ornement donnés par Jacquot et remporte plusieurs prix en 1834 et 1835. Il étudie également au Muséum, aux Gobelins, à l’atelier de Monvoisin, avant d’entrer à l’École des beaux-arts comme élève de Cortot. Devenu répétiteur de sculpture d’ornement en 1841, il est professeur suppléant en 1859 puis titulaire du poste en 1869 en remplacement de Jacquot. Parallèlement, Rouillard commence à travailler pour des artistes industriels, collaborant régulièrement avec la maison d’orfèvrerie Christofle dès 1847. Il est également associé à des entreprises architecturales : il contribue à la décoration de la « Maison dorée », rue Laffitte à Paris (1840) puis, après avoir travaillé pour Duban, participe aux travaux de restauration et d’agrandissement du Louvre, réalisant, outre les chapiteaux de la salle du Manège, frontons ou couronnements de fenêtres. Les animaux constituent son thème de prédilection : outre la frise de la « Maison dorée », citons les bœufs du surtout de table de l’empereur et les chevaux de celui de l’Hôtel de Ville, tous deux réalisés pour Christofle, mais aussi les lions du vestibule du tribunal de commerce (1866) et ceux du fronton du ministère de la Guerre (1872), des aigles pour l’Opéra (18681869) ou encore un cheval pour l’esplanade du Trocadéro (1878) qui orne aujourd’hui le parvis du musée d’Orsay.

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1. Chevaux ornant l’imposte de l’une des portes de la cour des Écuries du Nouveau Louvre, bronze, par Pierre Louis Rouillard (Paris, musée du Louvre). 2. Un des chapiteaux animaliers de la salle du Manège impérial du Nouveau Louvre, pierre, par Pierre Louis Rouillard (Paris, musée du Louvre).

2.

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5. Mathématiques et architecture

Les mathématiques : des finalités multiples Les mathématiques et l’architecture forment la troisième grande composante de l’enseignement dispensé à l’École. Ces deux enseignements sont étroitement liés : non seulement le cours de mathématiques offre les ressources graphiques du dessin d’architecture, mais il permet également de résoudre les problèmes pratiques rencontrés dans le domaine de la construction. L’étude des mathématiques revêt également une portée plus générale. Dès l’origine, Bachelier avait ainsi mis en avant l’importance de la géométrie, estimant qu’il ne peut y avoir de formation graphique sérieuse, dans quelque domaine que ce soit, sans apprentissage préalable de celle-ci : « Sans cette connaissance l’artiste incertain n’opère qu’en aveugle33. » Au XIXe siècle, les mathématiques continuent de jouer un rôle essentiel dans le projet pédagogique de l’établissement, rôle dont témoigne la dénomination adoptée à partir des années 1820 : école « de dessin et de mathématiques34 ». Nécessaires pour leurs nombreuses applications pratiques, notamment dans les métiers de la construction qui nécessitent précision des formes et exactitude des tracés, elles apparaissent en effet comme la discipline idéale pour développer le sens de la rigueur et exercer au raisonnement sans lequel l’ouvrier retombe irrémédiablement dans la « routine » de l’exécution machinale. De même, l’enseignement de la géométrie doit contribuer à prévenir la résurgence des « lignes tourmentées » du style rocaille en vigueur au XVIIIe siècle35. Formant non pas des « calculateurs oisifs », mais des hommes « conséquents » ayant des habitudes d’ordre et de discipline, les mathématiques, et spécialement la géométrie, jouent ainsi comme un régulateur de la main et de l’esprit36. Jusqu’au début des années 1860, les successeurs de Bachelier s’efforcent Notes : 33. J.-J. BACHELIER, Mémoire concernant l’École royale gratuite de dessin, Paris, Imprimerie royale, 1774, p. 8. 34. Le mot « mathématiques » reste présent dans la dénomination de l’École jusqu’à sa transformation en École nationale des arts décoratifs : École royale gratuite de dessin et de mathématiques en faveur des arts mécaniques (1823), École royale et spéciale de dessin et de mathématiques appliqués aux arts industriels (1843), École impériale et spéciale de dessin, de mathématiques, d’architecture et de sculpture d’ornement pour l’application des beaux-arts à l’industrie (1854). 35. École royale gratuite de dessin, Distribution des prix, 29 décembre 1839, Paris, p. 5. Voir également AN, AJ 53/3. Distribution des prix, 13 décembre 1835. 36. AN, AJ 53/4. Distribution des prix, 27 août 1848. 37. AN, AJ 53/147. Règlement pour l’admission des élèves de l’École royale gratuite de mathématiques et de dessin aux grands concours annuels, s. d.

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donc de perpétuer le principe, posé par le fondateur de l’École, de la nécessité d’un enseignement de géométrie. Ainsi, les nouveaux élèves doivent théoriquement consacrer une partie de leur première année de scolarité à son étude. Dans les années 1820, les candidats aux grands prix annuels de figure, animaux, fleurs ou ornement, sont même tenus de se présenter d’abord à une épreuve de géométrie37. Mais si, pour certains professeurs, comme André Dutertre qui enseigne l’ornement, la géométrie doit constituer la base même du dessin38. l’École reste fermée aux nouvelles méthodes de « dessin linéaire » qui, fondées sur la représentation à main levée des figures géométriques – et non sur la figure humaine comme le veut la tradition académique –, se sont développées dans l’enseignement primaire dès la Restauration39. Loin de remettre en cause les modalités classiques qui régissent la pédagogie de l’École, le dessin linéaire mentionné par le nouveau règlement de 1843 n’est autre en effet qu’un dessin « exact » à la règle et au compas. Mis en œuvre dans le cadre exclusif de la formation architecturale (laquelle comprend « le dessin linéaire et la construction40 »), il traduit l’incorporation au dessin d’architecture des techniques graphiques de la géométrie descriptive élaborées par Gaspard Monge à la fin du XVIIIe siècle. De fait, l’École juxtapose plus qu’elle ne combine l’apprentissage de la géométrie et celui du dessin proprement dit. Ce n’est qu’à partir de 1874 que le ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts (qui a désormais la tutelle de l’École), tout acquis aux méthodes préconisées par Eugène Guillaume, tentera d’imposer le dessin géométrique comme fondement de l’enseignement du dessin41.

38. AN, AJ 53/100. Note pour Monsieur le directeur de la part de Dutertre, s. d. (vers 1832 ?). 39. Sur ce point, voir R. d’ENFERT, L’Enseignement du dessin en France. 40. L’article 22 du règlement de 1843 en précise les cont enus : « L’enseignement du dessin linéaire et de la construction se compose : 1° De la géométrie descriptive, avec ses applications aux projections des corps, à la coupe des pierres et des bois, et à la perspective ; 2° De la statique ; 3° Des éléments de l’architecture ; 4° De la connaissance et de l’emploi des matériaux. » 41. AN, AJ 53/98. Règlement de l’École nationale de dessin et de mathématiques pour l’application des beauxarts à l’industrie, Paris, Imprimerie nationale, 1874 ; AN, AJ 53/8. Lettre de Louvrier de Lajolais à Clopet, 19 octobre 1877.

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Etant donné une figure dans un tableau, mettre en perspective les objets qui soient en proportion avec la figure, dans Jean-Baptiste-Omer Lavit, Traité de perspective (Paris, École nationale supérieure des beaux-arts).

• L’enseignement des mathématiques Loin d’être rudimentaire, l’enseignement mathématique prodigué à l’École comprend des leçons d’arithmétique, de calcul algébrique, de géométrie élémentaire, de trigonométrie, de géométrie descriptive. Mais cet enseignement se veut essentiellement pratique : l’énoncé d’un théorème vaut essentiellement pour ses applications. Si celles-ci permettent de légitimer la théorie, il s’agit surtout de faire sentir l’utilité des mathématiques dans la pratique du métier. Les élèves suivent également un cours de dessin graphique où ils doivent résoudre, avec la règle et le compas, des problèmes de géométrie plane ou dans l’espace, et dessiner en projection des modèles de serrurerie, de menuiserie, d’ébénisterie, de coupe des pierres et des charpentes, et même de machines : l’enseignement mathématique rejoint ainsi la formation architecturale avec laquelle il est fortement imbriqué. Il est vrai que le parcours des principaux professeurs de mathématiques – Lavit, Herr et Rebout – renforce ce lien entre les deux disciplines : c’est ainsi que Jean-Baptiste Omer Lavit, ancien élève de l’École polytechnique nommé en 1807, est aussi l’adjoint puis le successeur du mathématicien Mauduit à l’École des beaux-arts.

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Tracé des ombres, machine soufflante et modèles de dessins lavés, dans Claude Nicolas Louis Leblanc, Choix de modèles appliqués à l’enseignement du dessin des machines avec un texte descriptif (Paris, École nationale supérieure des beaux-arts).

L’architecture : de la construction… Depuis l’origine, la formation architecturale dispensée à l’École accorde une place importante à l’étude des ordres d’architecture, même si les questions relatives à la coupe des pierres ne sont pas négligées42. Dès la Restauration cependant, l’évolution des techniques de construction et la volonté de populariser les méthodes graphiques de la géométrie descriptive conduisent à une réévaluation des contenus du cours d’architecture. Nommé en 1818 en remplacement de l’architecte Jacques Étienne Thierry, Jean-Paul Douliot opère un premier ajustement au profit de connaissances scientifiques théoriques et des techniques constructives ressortissant au cadre du chantier. Il met en place un cours de construction comprenant, outre la géométrie descriptive et la coupe des pierres et des charpentes, une série de leçons sur la stabilité des édifices ainsi que des notions sur les matériaux et sur les procédés pour les extraire, les préparer et les employer. Décédé prématurément en 1834, Douliot n’a pas le temps de mener à bien l’ensemble de son projet. La nomination d’Adolphe Marie François Jaÿ, professeur de construction à l’École des beaux-arts, permet cependant de poursuivre dans cette voie. Celui-ci reprend à son compte une partie du programme de Douliot (coupe des pierres et des bois, résistance des matériaux), mais impose également ses propres conceptions en intégrant certaines composantes de son cours de l’École des beaux-arts43 : introduction de notions de statique et de mécanique, intégration du fer à l’étude des matériaux, développement des applications graphiques de la géométrie descriptive avec le tracé des ombres et la perspective. En outre, de même qu’à l’École des beaux-arts Jaÿ associe l’enseignement de la construction et la pratique du projet, il dirige ses élèves de l’École vers la composition architecturale44 : lors des concours de fin d’année, qui portent le plus souvent sur des bâtiments à usage collectif (mairie, église de village, casino), ces derniers doivent ainsi soumettre un projet (esquisses et études au net) répondant à un programme précis prenant en compte non seulement les dimensions de l’édifice, mais aussi sa situation géographique et sa destination.

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• Jean-Paul Douliot et le cours de construction Berceau en descente, biais, pratiqué dans un mur cylindrique droit, dans Jean-PaulDouliot, Traité spécial de la coupe des pierres (Paris, École nationale supérieure des beaux-arts).

Contrairement à son prédécesseur Jacques Étienne Thierry, Jean-Paul Douliot (1788-1834) n’est pas un architecte, mais un appareilleur, c’est-àdire un praticien de la coupe des pierres. Originaire d’Avignon, surnommé La Pensée par les compagnons tailleurs de pierres, il se forme sur les chantiers que dirige son père. Orphelin à quinze ans, il travaille au Louvre et à la construction du pont d’Iéna, tout en suivant à l’École les cours de mathématiques de Lavit. L’enseignement de Douliot, qui privilégie la coupe des pierres et « autres parties de la construction des édifices », est largement influencé par son parcours professionnel. Il publie en 1825 un Traité spécial de la coupe des pierres (réédité par Jaÿ en 1862) qui compte parmi les principaux traités rédigés au XIXe siècle, ainsi qu’un Cours élémentaire, théorique et pratique de construction (1826-1835) dont la dernière partie est consacrée à la stabilité des édifices. Homme de pratique soucieux de populariser les connaissances scientifiques auprès des ouvriers, Douliot ne néglige pas pour autant les aspects théoriques, allant même jusqu’à présenter à l’Académie des sciences un mémoire sur l’écoulement des liquides.

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1., 2. et page 98 Chapiteau ionique, niche décorée d’un ordre toscan et choix d’ornements antiques, dans A.E.M. Rebout et Normand Aîné, Études d’ombres et de lavis appliqués aux ordres d’architecture ou Vignole ombré (Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts).

1.

2.

… à l’architecture décorative La nomination de l’architecte Eugène Train, qui succède à Jaÿ en 1870, marque un tournant dans la formation architecturale dispensée à l’École. En effet, Train va s’écarter de la voie tracée par celui qui fut son maître en insistant davantage sur les applications aux arts industriels. Dès la rentrée de 1869, il organise des concours de composition architecturale ou d’architecture appliquée à la décoration dont les sujets témoignent de sa préférence pour l’architecture intérieure et ses aspects décoratifs : un maître-autel pour une église paroissiale, une cheminée destinée au salon d’un riche amateur, ou encore une bibliothèque pour le cabinet de travail d’un savant. Certains sujets de concours de coupe des pierres (une porte d’un musée de peinture et de sculpture) tranchent également avec ceux, très classiques, donnés du temps de Jaÿ.

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Notes : 42. AN, AJ 53/98. Inventaire général des planches existantes au Dépôt le 1er nivôse an II de la République. L’examen de l’inventaire des modèles de géométrie et d’architecture montre que la moitié d’entre eux concerne les ordres d’architecture. 43. Voir J.-P. ÉPRON, Comprendre l’éclectisme, Paris, Éditions Norma, 1997, notamment p. 17, 121-126 et 161. 44. AN, AJ 53/100. Étude de construction et d’architecture à l’École royale gratuite de dessin, 25 novembre 1835. 45. V. RUPRICH-ROBERT, « Le premier des décorateurs, c’est l’architecte », extrait de la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. XX, 1863. 46. AN, AJ 53/5. Procèsverbal du conseil des professeurs, 12 mars 1874.

À bien des égards, le programme de Train rejoint celui, d’inspiration rationaliste, de Ruprich-Robert pour qui l’architecte est « le premier des décorateurs45 ». Mais Train ne rompt pas pour autant avec l’approche constructive introduite par Douliot à l’École. Le nouveau règlement de 1874, qui résulte d’une large concertation entre les professeurs, en témoigne : bien que des exercices de composition figurent désormais au programme du cours d’architecture, le dessin graphique comme l’étude de la géométrie descriptive, de la statique et des propriétés des matériaux n’en sont pas moins conservés. Il n’est pas certain d’ailleurs que cet accent mis sur l’architecture intérieure ait rencontré le succès escompté. En 1874 en effet, Train ne peut que constater la désaffection des élèves pour ce type d’étude et leur préférence pour une formation architecturale plus classique46. Il faut néanmoins mesurer le chemin parcouru depuis le début du siècle : tout comme la formation ornementale, l’enseignement de l’architecture a largement évolué dans le sens d’une pédagogie du projet, au détriment des exercices de « copie » en vigueur depuis l’Ancien Régime. C’est bien la formation de l’ « ouvrier-artiste », capable aussi bien de concevoir que d’exécuter, qui est désormais privilégiée.

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1.

2.

1. Concours pour le monument de l’Assemblée, rendu primé, en collaboration avec le sculpteur Henri Chapu, photographie, par Eugène Train, vers 1880 (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 2. Projet d’autel pour la chapelle du Sacré-Cœur dans l’église Saint-Augustin à Paris, mine de plomb avec rehauts de lavis et de gouache, par Eugène Train, 1877 (Paris, bibliothèque de l’Ensad) 3. Le lycée Chaptal, construit par Eugène Train de 1863 à 1875.

3.

• Eugène Train (1832-1903), professeur d’architecture Originaire de Toul, Eugène Train fait partie de ces élèves de l’École qui en sont ensuite devenus professeurs. Remarqué par Henri Loritz, directeur du pensionnat Callot à Nancy, il bénéficie d’une bourse départementale et du patronage de la Société pour l’instruction élémentaire pour venir étudier à Paris. C’est Adolphe Jaÿ, professeur d’architecture et de construction à l’École, qui se charge personnellement de sa formation à partir de 1850. Après avoir décroché en 1851 et 1852 de nombreux prix dont ceux d’architecture, de coupe des pierres et de dessin architectural, il entre à l’École des beaux-arts où il suit les enseignements de Jaÿ et de Questel, obtenant un second prix de Rome en 1859. Au début de sa carrière, Train marche sur les traces de son protecteur. Il devient le répétiteur de Jaÿ à l’École en 1855 avant de lui succéder en 1870. De même, c’est en entrant à son service comme simple conducteur de travaux en 1853 qu’il commence sa carrière d’architecte de la Ville de Paris. En 1860, il est premier inspecteur dessinateur de Victor Baltard (dont il est le neveu) pour la construction de l’église Saint-Augustin. Nommé architecte de la Ville en 1863, il est responsable du huitième arrondissement où il réalise l’essentiel de son œuvre. Il obtient notamment le prix Duc pour la construction de l’actuel lycée Chaptal (1863-1875), bâtiment « précurseur de l’architecture scolaire de la troisième République » (A.-M. Châtelet) pour lequel il utilise des matériaux encore peu employés à des fins décoratives, tels la céramique ou le métal.

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Groupe de deux cariatides ornant l’attique du pavillon Denon, Nouveau Louvre, côté cour Napoléon, vers 1857, par Georges Jacquot, premier professeur de sculpture d’ornement à l’École de 1832 à 1870.

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1. Eugène Viollet-le- Duc, professeur de composition d’ornement à l’École de 1836 à 1850, photographie, par Nadar (Paris, MAP). 2. Gabriel Davioud, ancien élève de l’École, architecte du palais du Trocadéro pour l’Exposition universelle de Paris de 1878, gravure d’après une photographie de Truchelut (Paris, collection privée). 3. Charles Garnier, ancien élève de l’École, architecte du théâtre national de l’Opéra de Paris, photographie, par Nadar (Paris, MAP).


6. Des débouchés variés

1.

2.

3.

Qui sont les élèves ? Quel avenir professionnel peuvent-ils escompter47 ? Au-delà des discours parfois convenus prononcés lors des distributions de prix, les archives de l’École permettent de cerner les principales caractéristiques de son public et de retracer certains parcours. Avec une moyenne d’âge d’environ dix-neuf ans, les élèves sont pour la plupart des adultes ou des adolescents (80 % d’entre eux ont plus de quinze ans malgré un âge minimal d’admission fixé à neuf ans) peuplant majoritairement les cours du soir, signe qu’ils exercent une activité professionnelle ou suivent une autre formation dans la journée48. Près d’une centaine de professions sont ainsi représentées, qui recouvrent les nombreux métiers de l’artisanat parisien : menuisiers, serruriers, graveurs, peintres en tous genres, tapissiers, tonneliers, mais aussi coiffeurs ou pâtissiers. Pourtant, si la vocation initiale de l’École est d’ « enseigner gratuitement à des ouvriers et des enfants sans fortune49 », force est de constater qu’au XIXe siècle l’École accueille des élèves aux origines sociales ou professionnelles très diverses : la présence de quelques rentiers, médecins, avocats, étudiants en droit, en médecine ou en pharmacie, témoigne de son ouverture à un public plus large – et aussi plus aisé – que le monde des métiers auquel son enseignement était a priori destiné. Enfin, les palmarès de distribution de prix montrent que les scolarités dépassent rarement trois ou quatre ans, même si certains élèves font figure d’exception en restant parfois près de dix ans à l’École. À cette diversité des publics répond la multiplicité des débouchés : professions artistiques ou techniques, ou métiers plus modestes de l’industrie parisienne. En particulier, l’École apparaît comme une étape importante dans le parcours qui mène à l’École des beaux-arts puis à une carrière artistique. C’est là, semble-t-il, une évolution notable par rapport à l’Ancien Régime, malgré, on l’a vu, les préventions des responsables de l’École à cet égard. La position institutionnelle de certains professeurs (Lavit, Jaÿ), de membres des jurys de concours (Nanteuil, Dumont, Robert-Fleury, Pils, Baltard, Lesueur) ou même d’administrateurs (Gérard, Heim, Picot, Cortot, Percier, Leclère), en fait un lieu privilégié pour obtenir une première reconnaissance du monde académique. Pour le peintre Thomas Couture et le sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux, pour les architectes Gabriel Davioud et Charles Garnier, la « petite école » fait ainsi office de tremplin vers l’École des beaux-arts. Cette capacité de l’École à éveiller les talents est d’ailleurs reconnue par certains milieux artistiques, qui n’hésitent pas à y envoyer leurs propres enfants : c’est de

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cette façon que les deux frères Alfred Nicolas et Jules Normand perpétuent la tradition familiale entamée par Pierre Charles, ancien élève de l’École et grand prix de Rome en 1792. De même, en offrant un enseignement mathématique de qualité, l’École permet d’accéder aux écoles techniques : certains élèves entrent à l’école d’arts et métiers de Châlons-sur-Marne, d’autres parviennent à intégrer l’École polytechnique comme Gabriel Lamé et Eugène Catalan, devenus plus tard des mathématiciens réputés. Dans cette stratégie, l’École exerce un fort pouvoir d’attraction sur les élèves provinciaux qui représentent, au début des années 1840, presque la moitié de l’effectif total50. On connaît le cas de Carpeaux, ancien élève des écoles académiques de Valenciennes venu compléter sa formation à l’École au début des années 1840, avant d’être admis à l’École des beaux-arts51. Mais il est également significatif de voir le directeur de l’école de dessin d’Épernay envoyer ses trois fils à Paris, le département de l’Oise attribuer une bourse de 400 francs au jeune Léon Martin pour venir étudier à l’École, ou encore le directeur d’un pensionnat de Nancy recommander plusieurs de ses élèves, dont Eugène Train52. Si l’École forme plus d’un artiste devenu célèbre, elle accueille aussi de nombreux élèves dont les études contribuent à façonner, de manière souvent anonyme, aussi bien les objets décoratifs de la vie quotidienne que le paysage architectural parisien. La construction à Paris, particulièrement active au cours de la période, constitue un important débouché pour les élèves. Plusieurs d’entre eux, parmi lesquels Pierre Louis Rouillard pour la frise d’animaux, contribuent ainsi à l’ornementation extérieure de la Maison dorée construite rue Laffitte en 183953. Les travaux d’aménagement et d’embellissement de la capitale offrent également des perspectives d’emploi. Honoré Pierre Marie Demay, par exemple, élève vers 1821-1822, exerce la fonction d’inspecteur des travaux de la construction de l’église Notre-Dame-de-Lorette54. De plus, bon nombre d’élèves travaillent à l’ornementation du Louvre dans les années 1850 : Rouillard, Emmanuel Frémiet ou Aimé Millet, mais aussi des sculpteurs de moindre notoriété comme Frédéric Bogino ou Eugène Grandjean55. De même, on relève pas moins d’une quarantaine d’anciens élèves – dont certains, il est vrai, déjà bien établis – parmi les sculpteurs ayant participé à la décoration du nouvel Hôtel de Ville de Paris au tournant des années 188056. Notes : 48. D’après AN, AJ 53/134. Statistique des élèves présents, 1843-1868. Le règlement de 1874 fixe l’âge minimal d’admission à dix ans, les élèves n’étant admis aux cours du soir que s’ils ont quatorze ans révolus. 49. J.-J. BACHELIER, « Détails sur l’origine et l’administration de l’École royale gratuite de dessin, sur l’instruction, les prix d’émulation, la police des classes et les sujets qui les fréquentent », Calendrier pour l’année 1790 à l’usage des élèves qui fréquentent l’École royale gratuite de dessin, avec le Plan et l’Élévation de ladite École, Paris, Imprimerie royale, 1790, p. 1. 50. AN, AJ 53/6. Lettre de Belloc à Cavé, 28 mars 1846. 51. Voir A. MIDDLETON WAGNER, Jean-Baptiste Carpeaux. Sculptor of the Second Empire, New Haven, Londres, Yale University Press, 1986. 52. AN, AJ 53/104. Lettre de Varin à Belloc, 18 novembre 1832 ; AN, AJ 53/105. Lettre du préfet de l’Oise à Belloc, 20 octobre 1855 ; Lettre de Loritz à Belloc, 17 août 1853. 53. AN, AJ 53/3. Distribution des prix, 13 décembre 1840. Sur Rouillard, voir B.-Y. COCHAIN.

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L’École forme également des graveurs pour les livres ou la presse illustrée, alors en pleine expansion. Auguste Trichon, qui ouvre son propre atelier de gravure sur bois, travaille pour Le Magasin pittoresque. Albert Bellenger et Antoine Beltrand, tous deux élèves de la classe de gravure sur bois dirigée par François Pannemaker entre 1859 et 1874, jouent également un rôle important dans ce secteur où domine la capitale : le premier dirige l’atelier de gravure sur bois de L’Illustration, le second est l’un des principaux graveurs du Monde illustré57. De même, plusieurs anciens élèves de l’École collaborent avec la maison d’orfèvrerie Christofle : Rouillard, qui semble omniprésent, Eugène Capy, Jules Coutan ou encore Oscar Roty58. Si les places de répétiteur sont particulièrement recherchées des élèves qui bénéficient ainsi d’une petite rétribution (200 francs) et d’une reconnaissance de leurs mérites, certains d’entre eux font une carrière d’enseignant à l’École : Henri Gault de Saint-Germain (dessin d’ornement), Auguste Rebout (mathématiques), Pierre Louis Rouillard (sculpture d’ornement) ou encore Eugène Train (architecture) sont d’abord élèves avant de devenir répétiteurs ou remplaçants, puis professeurs adjoints et enfin titulaires à l’École. Peu rétribué (1 500 francs par an avant 1860), l’emploi de professeur vient généralement en complément d’une activité professionnelle : Jaÿ et Train sont architectes de la Ville de Paris, RuprichRobert est architecte diocésain et dessinateur du mobilier de la Couronne, tandis que Rouillard exerce parallèlement son métier de sculpteur et de créateur de modèles.

La Semeuse, avers de la pièce du franc germinal, argent, dessinée par Oscar Roty, ancien élève de Lecoq de Boisbaudran, début du XXè siècle.

Mais Paris ne constitue pas l’unique débouché et certains élèves quittent la capitale, comme Laurent Grandfils, répétiteur de sculpture d’ornement qui part en 1840 enseigner à l’école de dessin de Valenciennes, ou encore Marius Ferrat, grand prix de sculpture d’ornement en 1849, qui rejoint James Pradier à Nîmes pour travailler à la fontaine qui porte son nom59. D’autres enfin embrassent des carrières plus inattendues, dans les chemins de fer ou l’industrie mécanique : après avoir suivi les cours de l’École puis ceux du Conservatoire, Henry Collin part en Russie pour installer une machine à papier fabriquée dans les ateliers du mécanicien parisien Chapelle60.

54. AN, AJ 53/3. Distribution des prix, 9 décembre 1832. À propos de l’église Notre-Dame-de-Lorette, voir Bruno CENTORAME (dir.), La Nouvelle Athènes, haut lieu du romantisme, Paris, DAVP, 2001, p. 92-101. Une Nativité de la Vierge est peinte par Monvoisin, professeur à l’École de 1817 à 1842 qui connaîtra une grande notoriété au Chili à la suite d’un exil temporaire dans ce pays. 55. AN, AJ 64/81* à 83*. Agence d’architecture du Louvre. Travaux des sculpteurs. 56. L. FABRE-ROUSSEAU, « Inventaire général des œuvres sculptées de l’Hôtel de Ville de Paris », Livre du centenaire de la reconstruction de l’Hôtel de Ville, 1882-1982, Bibliothèque administrative de la Ville de Paris, 1982, p. 135-189. 57. R. BLACHON, La Gravure sur bois au XIXe siècle. L’âge du bois debout, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2001, p. 99-100 et 253. 58. M. de FERRIÈRE LE VAYER, « Christofle, 150 ans d’art et de rêves », numéro spécial de Dossier de l’art, 2, juillet-août 1991. 59. AN, AJ 53/6. Lettre de Belloc au directeur des beaux-arts, 21 septembre 1849. 60. AN, AJ 53/4. Procès-verbal du Comité d’enseignement, 1er octobre 1847 ; AN, AJ 53/104. Lettre de Collin à Dutertre, 22 septembre 1840.

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Hommage à Larribe et Vatout, peinture sur toile, par Étienne Bouhot, 1839 (Semur-en-Auxois, Musée municipal).

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Une institution exemplaire

7.

Plus que les parcours ordinaires, c’est la notoriété des anciens élèves devenus des artistes reconnus qui sert la réputation de l’École. Les distributions des prix sont l’occasion de signaler ceux qui sortent du rang, à moins que certains d’entre eux ne se déplacent spécialement pour assister à la cérémonie, comme Henri Chapu, Charles Garnier ou Victor Paillard en 1864. Le fait que les cérémonies de distribution des prix rassemblent des représentants du ministère de tutelle et de l’administration des BeauxArts, ainsi que des personnalités extérieures à l’École (municipalité, industriels, artistes, presse), joue également en sa faveur. La presse s’en fait largement l’écho sous le directorat de Belloc, avec des articles dans des revues spécialisées comme L’Artiste ou la Revue générale de l’architecture et des travaux publics de César Daly, mais aussi, après 1848, dans des journaux « grand public » comme L’Illustration, Le Magasin pittoresque ou L’Ami de la maison, ces derniers livrant d’ailleurs une image plutôt convenue de l’établissement61. L’École apparaît ainsi comme une institution exemplaire. Au cours de la période, elle est une référence pour les nouvelles créations ou les réorganisations d’écoles de dessin provinciales, comme en témoignent les demandes de renseignements venues d’Épernay (1832), d’Amiens (1834), de Châlons-sur-Marne et de Vitry-le-François (1850), de Versailles (1854), de Chalon-sur-Saône (1876)62. Le cas de Semur est particulièrement éclairant à cet égard : non seulement le règlement de l’école de dessin, fondée en 1833, est rédigé après consultation de Belloc, mais il est prévu dès l’origine de créer une classe de sculpture d’ornement à l’instar de la capitale63. Le modèle de l’École pèse également sur certains établissements parisiens. En 1832, le peintre Nicolas-Toussaint Charlet fait appel à Belloc pour lui donner des conseils et lui fournir des modèles pour l’école de dessin qu’il a fondée au faubourg Saint-Antoine64. De même, lors de la réorganisation de l’école de dessin du Conservatoire des arts et métiers en 1850, son administrateur Arthur Morin demande à Belloc de fournir à Émile LecomteVernet, nouvellement nommé, « tous les renseignements qui pourraient lui être nécessaires pour le mettre à même de bien connaître la marche suivie dans l’école » et lui permettre ainsi de profiter de son expérience65. Il est vrai que les enseignements offerts par ces deux établissements ne sont pas sans points communs, puisque le Conservatoire permet d’étudier non seulement les mathématiques et le dessin des machines, mais aussi la figure et l’ornement66.

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Notes : 61. Sur ce point, voir A. MIDDLETON WAGNER, p. 283, note 76. 62. AN, AJ 53/104 & 105. Voir également AN, AJ 53/6. Lettre du directeur (Belloc) à Varin, directeur de l’École gratuite municipale de dessin à Épernay, novembre 1832, et AN, AJ 53/8. Lettre de Laurent-Jan à Hanal, conseiller municipal de Chalon-sur-Saône, 4 décembre 1876. 63. AN, AJ 53/104. Lettre de Belloc à Larribe, 1832. Voir également L. MAIRRY, « L’École de dessin, de sculpture et d’architecture, et le musée de Semur-en-Auxois au milieu du XIXe siècle », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur-en-Auxois et des fouilles d’Alésia, t. VI, fasc. 2, 1993, p. 10-19. 64. AN, AJ 53/104. Lettre de Charlet à Belloc, 24 mars 1832. 65. AN, AJ 53/105. Lettre d’Arthur Morin à Belloc, 22 janvier 1850. 66. Sur l’école de dessin du Conservatoire des arts et métiers, voir Les Cahiers d’histoire du CNAM, 4, juillet 1994.

Enfin, la correspondance de l’École témoigne de son rayonnement hors de France, notamment après les premières Expositions universelles, et atteste la circulation internationale des informations relatives à l’enseignement du dessin67. Ainsi, l’École accueille régulièrement des élèves venus d’autres pays et reçoit des visites de nombreuses personnalités étrangères, tel le fils d’un ancien bey d’Alger en 1832, les infants d’Espagne en 1840, une délégation turque en 1850. Certaines d’entre elles sont en quête d’informations pour organiser l’enseignement du dessin dans leur pays. En 1853, le gouvernement espagnol envoie un représentant « avec pour mission d’étudier les méthodes suivies dans les écoles de dessin impériales68 ». Quelques années plus tard, ce sont les directeurs des écoles anglaises de Birmingham et Plymouth qui visitent l’École, recommandés par le Department of Science and Art que dirige Henry Cole. En retour, ce dernier accepte de faire photographier pour l’École les cartons de Raphaël conservés à Hampton Court. En 1877, une délégation américaine annonce à son tour sa visite. De même que la province a parfois imité le modèle parisien, on peut légitimement penser que l’École a influencé les écoles de dessin étrangères. L’auteur d’une note anonyme de 1853 remarque ainsi que « les Anglais se sont inspirés pour la fondation de leurs écoles de dessin industriel de tout ce qu’ils ont vu appliqué à l’École impériale de Paris69 ». La décennie 1870 correspond à une période de transition. Après le remplacement en 1869 de Lecoq de Boisbaudran par le peintre et décorateur Alphonse Laurent-Jan, la mise en place d’un nouveau règlement en octobre 1874 est une façon de rompre définitivement avec l’ère Belloc. Les sévères critiques émises après sa mort sur la dernière décennie de son directorat – l’établissement apparaît alors comme une préparation à l’École des beaux-arts – conduisent en effet le ministère de tutelle a redéfinir les missions de l’École et à réorganiser les études. Pour autant, l’école ne rompt pas avec son passé. S’il s’agit désormais d’enseigner « les principes des arts et de la science du dessin en vue de leur application aux industries d’art et aux professions du bâtiment70 », la création d’un atelier d’applications décoratives couronnant les études apparaît comme la confirmation de l’orientation prise dès les années 1830. En outre, en faisant de la représentation des figures géométriques le point de départ du cours du dessin, le règlement de 1874 vise clairement à mettre en œuvre les conceptions exprimées au sein de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, qui prône avec Eugène Guillaume une réforme générale de l’enseignement du dessin71.

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67. Voir AN, AJ 53/104-106. 68. AN, AJ 53/105. Lettre du ministre d’État à Belloc, 22 mai 1853. 69. AN, AJ 53/98. Note anonyme, 24 février 1853. 70. AN, AJ 53/98. Règlement de l’École nationale de dessin et de mathématiques pour l’application des beaux-arts à l’industrie, Paris, Imprimerie nationale, 1874, p. 5. 71. E. GUILLAUME, Idée générale d’un enseignement élémentaire des beaux-arts appliqués à l’industrie. Conférence faite à l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, le 23 mai 1866, à propos de la dernière Exposition des écoles de dessin, Paris, Union centrale, 1866 ; R. MÉNARD, « Rapport et règlement », Union centrale des beauxarts appliqués à l’industrie, Quatrième exposition organisée au Palais de l’Industrie en août 1874, Paris, Union centrale, 1874, p. 7-12. Scène antique, dessin à la mine de plomb, par Jean-Baptiste Carpeaux, répétiteur en sculpture à l’École de 1850 à 1856, extrait d’un de ses carnets de dessins, vers 1850 (Valenciennes, musée des Beaux-Arts).

Mais en réalité il n’y a pas de véritable rupture sur la question de la prééminence de la figure humaine, dont on a vu qu’elle constituait la pierre de touche de l’enseignement de l’École au cours de la période : dans la nouvelle organisation du cours de dessin en effet, les « éléments de la figure humaine » viennent immédiatement après le dessin géométrique. De même, la progression estampe-bosse-modèle vivant est conservée. Le décès de Laurent-Jan en 1877 et la nomination à la tête de l’École d’Auguste Louvrier de Lajolais, membre important de l’Union centrale, semble ensuite précipiter le processus. Le changement de dénomination de l’École, qui devient, en octobre 1877, l’École nationale des arts décoratifs, apparaît comme une affirmation de son identité et la marque d’une certaine indépendance à l’égard des Beaux-Arts.

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III .


L’École à la recherche d’une identité entre art et industrie (1877-1914) par Rossella Froissart-Pezone


Entre 1877 et la Grande Guerre, les bouleversements du paysage artistique français sont profonds. Dans quelle mesure l’École prend-elle part au mouvement général de renouveau ? Deux au moins des mutations survenues dans les dernières décennies du XIXe siècle auront un impact décisif sur l’École, qui les conditionnera à son tour. La première, à caractère institutionnel, marque son organisation même : en 1880, après des décennies ponctuées de congrès, de débats et d’expositions, l’enseignement du dessin est réformé, faisant ainsi évoluer l’élève type auquel s’adresse l’École. La deuxième touche la conception même d’artiste décorateur et d’art décoratif. Dès l’Exposition universelle de 1878 s’amorce en effet le mouvement qui éclorera pleinement pendant les années 1890 et qui sera baptisé, non sans ironie, « Art nouveau ». Les arts « utiles » occupent alors soudainement le devant de la scène. L’École des arts décoratifs est au centre du débat artistique, et elle réforme les contenus de ses enseignements en favorisant la formation d’une génération d’artistes défenseurs de l’Art nouveau. Cette période extrêmement féconde coïncide avec la direction de Gaston Louvrier de Lajolais qui, en 1877, prend la tête de celle qui s’appelle encore l’École gratuite de dessin et de mathématiques. Il y restera jusqu’à sa mort, survenue en 19081. Nommé par le ministre, Louvrier de Lajolais exige un premier changement dans un Rapport remis à l’administration des BeauxArts : celui de l’appellation de l’École2. Le nouveau directeur en profite pour critiquer l’orientation prise par l’École au cours du XIXe siècle : en cessant d’être le « seminarium des artisans » voulu par son créateur, elle était devenue « la petite porte de l’École des beaux-arts ». Mais cette dernière n’était pas la seule concurrente, car les écoles professionnelles et de dessin, ouvertes progressivement par la Ville de Paris et qui dispensaient un enseignement gratuit, attiraient de plus en plus d’élèves. Louvrier de Lajolais est entendu et l’arrêté ministériel d’octobre 1877 renomme l’institution fondée par Bachelier « École nationale des arts décoratifs ». Le qualificatif « nationale », sur lequel Louvrier de Lajolais met l’accent, vise tout d’abord à restaurer le rôle prééminent de l’École face aux établissements similaires municipaux

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Notes : 1. Il est alors remplacé par Eugène Morand (1853-1930) qui dirigera l’École jusqu’en 1926. Artiste peintre, dessinateur et écrivain, Morand sera aussi professeur de l’atelier de peinture décorative que lui-même créera. En 1902, il avait été nommé conservateur au Dépôt des marbres et en 1905 commissaire à l’Exposition internationale de Munich. Écrivain et poète, auteur de livrets d’opéra, ami de Giraudoux, il anime des cercles littéraires. 2. Lettre de Louvrier de Lajolais au directeur des Beaux-Arts, 5 octobre 1877, AN, AJ 53/169.

Georges Gardet, sculpteur animalier, ancien élève de l’École, dessin de Jean Tild (Paris, collection privée).

ou provinciaux. D’autre part, en précisant que l’École est consacrée aux « arts décoratifs », Louvrier de Lajolais entend être clair sur son identité : on y apprend uniquement les arts qui contribuent à embellir l’environnement quotidien – objets et espace architectural –, et non les rudiments de disciplines techniques – pour lesquelles le Conservatoire suffit – ni les bases académiques pouvant servir à un éventuel concours d’entrée aux Beaux-Arts. Afin d’éviter définitivement toute confusion avec cette rivale redoutable, Louvrier de Lajolais écarte l’expression « beaux-arts appliqués à l’industrie » qu’il trouve ambiguë. Cependant, le nouveau directeur sait bien que l’image brouillée renvoyée par l’École elle-même ne se corrigera pas par un simple changement de nom. Une réforme bien plus profonde doit investir son organisation même, ainsi que l’ensemble des programmes d’enseignement.

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• Gaston Louvrier de Lajolais (1829-1908) 1. Gaston Louvrier de Lajolais au milieu d’un groupe d’élèves, photographie, 1908 (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 2. Le salon, dit « salle Georges-Hoentschel », du pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs à l’Exposition internationale de Paris de 1900, remonté en 1905, pavillon de Marsan au nouveau musée des Arts décoratifs (Paris, musée des Arts décoratifs).

1.

Jacques Auguste Gaston Louvrier de Lajolais, directeur de l‘École nationale des arts décoratifs entre 1877 et 1908, débute comme peintre. Après s’être formé dans l’atelier de Charles Gleyre, il expose des paysages aux Salons de 1859, 1861, 1864, 1876 et 1905. Connu pour ses convictions politiques républicaines – il se bat en 1848 et 1870, et reçoit la Légion d’honneur –, sa carrière se déroule surtout au sein de l’administration. En 1878, il est nommé membre du Conseil supérieur des beaux-arts, fait ensuite partie des conseils des Gobelins et de Sèvres, et est l’un des membres les plus actifs de l’Union centrale. Il joue un rôle important dans les rangs de cette société et de celle du musée des Arts décoratifs (elles fusionnent en 1881 pour former l’Union centrale des arts décoratifs) en tant que vice-président du conseil d’administration et membre de la commission du musée. L’intérêt de Louvrier de Lajolais pour l’enseignement se manifeste de manière éclatante dès 1868, lorsqu’il participe au Congrès international des arts du dessin à Bruxelles puis préside celui qui se tient au Palais de l’industrie l’année suivante et prend part à l’organisation du concours des écoles de l’Union centrale. Il soutient à cette occasion deux des idées qui inspireront sa réforme de l’École des arts décoratifs : celle de « l’unité de l’art [et de] l’unité de son enseignement », et la nécessité de rendre obligatoire dès l’école primaire l’enseignement du dessin. Son long mandat de directeur lui permettra de voir réalisés quelques-uns de ses vœux et d’exploiter les effets des réformes. Il rend tout d’abord son importance au dessin et innove même radicalement en instituant des cours d’anatomie des animaux et de dessin « vivant et en mouvement ». Il rétablit aussi l’unité des arts en appliquant le concept d’« enseignement simultané obligatoire » et en ouvrant plus largement l’atelier d’application décorative. Sensible aux mutations de l’industrie, il n’hésite pas à introduire tout ce qui peut favoriser la prise en compte des nouveaux moyens de production. Il réussit en somme à faire de la « Petite École », passerelle traditionnelle pour l’École des beaux-arts, une véritable école avec une identité bien précise et à ouvrir son établissement au monde artistique contemporain. En revanche, malgré ses efforts, l’industrie lui témoignera une certaine hostilité et il ne réussira pas à faire de ses élèves les fournisseurs de modèles pour le « Faubourg ».

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• Un interlocuteur privilégié : l’Union centrale des arts décoratifs

2.

L’Union centrale des arts décoratifs (UCAD) trouve ses origines dans la Société de l’art industriel créée en 1845 par Amédée Couder (1797-1864) et Édouard Guichard (1815-1889). Le but de ces deux dessinateurs de modèles textiles – bientôt soutenus par de nombreux confrères – était de valoriser le rôle de l’artiste industriel dans un système de production de plus en plus mécanisé. Il fallait moderniser la formation en ouvrant une école à laquelle seraient annexés un musée et une bibliothèque ; des expositions périodiques feraient connaître à un plus large public des créations auxquelles les hiérarchies académiques et l’industrie avaient refusé le statut d’« œuvres d’art ». En 1852, une rencontre entre les représentants de la Société et le prince-président suscite quelques espoirs, mais seules des expositions sont organisées en 1861 et 1863. En 1864, la Société est rebaptisée Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie. Les expositions de 1865 et 1869 sont accompagnées de concours pour les écoles et d’un congrès portant sur les méthodes d’enseignement du dessin dirigé par le futur directeur de l’École nationale des arts décoratifs, Louvrier de Lajolais. Plus tard, l’Union centrale institue en faveur de l’École un prestigieux « prix de voyage » permettant aux élèves méritants de visiter un pays de leur choix. Réunissant de plus en plus de grands industriels, de hauts fonctionnaires et d’érudits, l’Union centrale prend son nom actuel en 1882, après avoir été reconnue d’utilité publique et avoir fusionné avec une Société du musée des arts décoratifs ayant comme mission de rechercher un lieu d’exposition pour les collections accumulées grâce aux dons et aux prêts. Dès lors, l’action de la Société se concentre surtout sur la sauvegarde du patrimoine ancien, négligeant quelque peu les finalités de ses fondateurs, les artistes industriels lui reprochant de ne pas soutenir assez la création contemporaine. Le Congrès des arts décoratifs de 1894 constitue néanmoins une étape importante pour la reconnaissance des arts dits autrefois « mineurs ». Le musée voulu par la Société ouvre enfin ses portes en 1905, au pavillon de Marsan, quelques salles ayant été présentées au public dès 1902.

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La classe Bachelier, rue de l’École-de-Médecine, cliché Lanciaux, 2 août 1918 (Paris, Commission du Vieux-Paris).

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1. La réorganisation

des études : la «Petite École» devient une vraie École

L’admission sous condition La formation de l’« artiste industriel » est devenue un enjeu capital pour ceux qui, au XIXe siècle, s’inquiètent de la phase critique que traverse l’industrie nationale des produits de luxe et du décor domestique. Autrefois assurée par les ateliers, elle doit désormais être prise en charge par l’École. Au-delà des divergences entre les défenseurs de différentes méthodes d’enseignement, le dessin est très tôt reconnu comme la base des enseignements dispensés aux jeunes gens qui se destinent à l’industrie : futurs ouvriers qui se doivent dorénavant d’être des exécutants instruits, futurs ingénieurs concepteurs de plans parlant un langage purement technique, ou encore futurs artistes militant dans le camp des « arts utiles ». En 1879, l’institution de l’enseignement obligatoire du dessin dans les écoles primaires marque la volonté de la part du gouvernement républicain de fournir à tous les enfants les outils d’une discipline « positive » dont les bases, fixées par Eugène Guillaume en 1866, sont la géométrie et le dessin au trait. Cette réforme, chaudement sollicitée et appuyée par Louvrier de Lajolais dans le congrès qu’il a lui-même organisé en 1869 en tant que membre de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, influe profondément sur la réorganisation des études de l’École des arts décoratifs3. D’abord, il est désormais possible d’exiger des nouveaux inscrits des connaissances élémentaires et relativement homogènes en matière de dessin, alors qu’auparavant le niveau des élèves était extrêmement inégal : certains avaient fréquenté des écoles municipales de dessin, d’autres ne possédaient que la pratique d’un métier d’art, d’autres encore ne savaient qu’à peine lire et écrire.

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Par ailleurs, le type même de l’élève commence à changer. L’École des arts décoratifs avait toujours pratiqué une très grande tolérance à l’égard des horaires et de la fréquentation des cours, compte tenu du fait que la plupart des inscrits travaillaient ou étaient apprentis. Or la crise profonde et irréversible de l’apprentissage, dont on commence à ressentir les effets dès les années 1870, fait que l’on demande de plus en plus à l’École non pas un supplément d’instruction, mais une formation complète que l’atelier ne peut plus assurer. À l’élève-travailleur se substitue progressivement l’élève à temps plein, et un équilibre doit être trouvé entre le désir de lui offrir des connaissances artistiques larges et générales, et la nécessité de le doter d’un savoir-faire spécialisé, directement exploitable par l’industrie. Pour que l’École des arts décoratifs puisse se montrer à la hauteur de la tâche, il faut donc commencer par réorganiser entièrement les dispositions concernant les inscriptions et la fréquentation des cours. Cette réforme radicale est engagée par Louvrier de Lajolais, mais elle avait déjà été réclamée par quelques professeurs alors que l’École était dirigée par Laurent-Jan. En effet, dès le début des années 1870, l’examen d’admission et l’obligation de fréquentation, sinon de tous les cours, au moins de ceux jugés essentiels, commencent à être discutés par le conseil des professeurs4. Selon le règlement en vigueur avant 1877, la seule condition exigée à l’inscription, qui peut se faire à n’importe quel moment de l’année, est de savoir lire et écrire : aucune épreuve d’aptitude ne sélectionne les candidats. Eugène Train, responsable de l’enseignement d’architecture, l’une des matières qui exigent le plus de discipline et de sérieux, est le premier à émettre de vives critiques à l’égard de cette libéralité qui fait que ses élèves manquent cruellement d’une base culturelle solide. Il propose donc, dès 1874, d’instituer, du moins pour sa discipline, un examen d’admission portant sur la géométrie. Il se heurte alors à l’opposition ferme de LaurentJan, qui refuse d’assimiler son École à un lycée ou à un collège, jugeant qu’elle est « principalement destinée à l’instruction populaire, [et que] toute difficulté dans son enseignement serait à l’encontre de sa mission5 ». Notes : 3. Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, Congrès de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, Paris, palais des Champs-Élysées, du 29 septembre au 3 octobre 1869, 1869, 3 vol. 4. Procèsverbaux, conseil des professeurs du 9 mars 1874 au 9 juillet 1900, AN, AJ 53/5. 5. Séance du 14 mars 1874, ibid. 6. Pour les modifications successives des règlements d’admission, voir les procès-verbaux des séances des 10 mars 1874, 12 mars 1874, 14 octobre 1878, 6 octobre 1884, 8 octobre 1894, 10 décembre 1894 et 4 octobre 1897, ibid. 7. Séance du 9 octobre 1899, ibid.

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Louvrier de Lajolais, lui, aborde cette question de façon radicalement différente. Selon lui, le système en vigueur empêche la constitution de classes d’enfants d’âge et de niveau à peu près équivalents, et cette hétérogénéité fait obstacle à une pédagogie cohérente. La réforme récente de l’enseignement du dessin permet au directeur, appuyé par la plupart des professeurs, de modifier progressivement les modalités d’admission à l’École. En 1884, il est décidé que les élèves qui s’inscriront en milieu d’année seront obligés de commencer par le dessin géométrique ; en 1894, l’âge d’admission des jeunes gens est élevé à treize ans (exception faite pour les élèves déjà en possession d’un certificat d’études) et celle des jeunes filles à quinze ans6. Mais seul l’examen d’admission, selon Louvrier de Lajolais, peut libérer l’École de tous les « amateurs et paresseux » qui encombrent des salles de cours toujours cruellement insuffisantes. Au début de l’année scolaire 1899-1900, devant la trop grande affluence de jeunes gens dépourvus d’une préparation satisfaisante, le conseil décide « d’exiger à l’avenir un concours préalable comme examen d’essai avant d’admettre définitivement les élèves7 ». Un mois plus tard, la nouvelle mesure est mise en place : un examen sélectionne les candidats à l’entrée des classes élémentaires. Deux périodes de l’année – octobre et la première semaine de carême – sont prévues pour l’inscription aux classes supérieures : l’entrée en section de sculpture est soumise à des épreuves de dessin et de sculpture, alors que les examens d’entrée pour la section d’architecture portent sur le dessin géométrique ou sur un fragment d’architecture. L’accès aux cours oraux, c’est-à-dire aux cours pratiques (peinture, sculpture…), par opposition aux cours magistraux (mathématiques, géométrie…), se fait désormais dans la limite des places disponibles.

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• L’enquête sur les industries d’art de 1881

Plat en porcelaine, dessin et composition de l’élève Auguste Reynier, concours de l’École nationale des arts décoratifs, 1882, dans Revue des arts décoratifs, 1882-1883 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Au début des années 1880, les industries d’art subissent une crise profonde : l’introduction de la machine, l’évolution des méthodes commerciales et la concurrence étrangère semblent en être les causes principales. Le déclin irréversible de l’apprentissage s’accélère aussi sous l’effet de la réglementation du travail des enfants et de la mise en place de l’instruction gratuite et obligatoire. Plusieurs enquêtes tentent alors de pointer la baisse quantitative et qualitative de la production française des « arts du luxe », et d’ébaucher des solutions. Sous l’éphémère ministère des Arts voulu par Gambetta (14 novembre 1881-26 janvier 1882), une commission dirigée par Antonin Proust recueille les témoignages de fabricants, artistes, enseignants, directeurs d’écoles et représentants de chambres syndicales. La somme des dépositions dessine bien le tableau des difficultés traversées par les industries d’art et pointe les causes réelles de la crise, qui n’est pas tant due à la mécanisation et à la division du travail qui en découle qu’aux moyens archaïques de fabrication, de distribution et de vente qui rendent la plupart des industries incapables de répondre à une demande accrue. La main-d’œuvre est, à tous les niveaux, peu ou pas formée et se contente, la plupart du temps, de copier les styles anciens ; le sweating system8 accable les minuscules ateliers familiaux du Faubourg. Louvrier de Lajolais vient présenter à la Commission les réformes qu’il a engagées à l’École des arts décoratifs pour répondre à la crise. Les changements visent, dans leur ensemble, à former une génération d’artistes aux connaissances techniques et théoriques larges, aux capacités d’adaptation accrues et pouvant fournir des modèles originaux aux industriels. La volonté d’innovation affichée par l’École et louée par les enquêteurs ne va pourtant pas dans le sens souhaité par les industriels. Ces derniers auraient voulu que l’État se charge, plutôt que de la formation complète de l’artiste décorateur, d’une formation professionnelle ciblée, axée sur des compétences techniques très précises et immédiatement exploitables. Entre le désir de Louvrier de Lajolais de relever le statut de l’artiste décorateur en faisant de lui un créateur de modèles originaux, et les exigences beaucoup plus concrètes des fabricants qui veulent disposer à peu de frais d’une main-d’œuvre qualifiée, la distance paraît insurmontable. Ce différend entre l’art et l’industrie va se prolonger au moins jusqu’à la Première Guerre. Notes : 8. En français, « système sueur », terme consacré pour rendre compte de l’exploitation extrême des travailleurs dans le cadre du premier capitalisme.

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• Eugène Guillaume et la réforme de l’enseignement du dessin Au XIXe siècle, les partisans d’un enseignement obligatoire du dessin se divisent en deux camps, suivant deux conceptions opposées. La première, défendue par Félix Ravaisson qui publie un Rapport en 1853, prône l’institution de cet enseignement afin de développer le « goût » des élites comme celui des classes productrices. Ravaisson propose une méthode fondée sur l’éducation au sentiment de la beauté par l’imitation des chefs-d’œuvre et par la diffusion de la culture artistique. Les partisans de la théorie opposée sont représentés par le sculpteur Eugène Guillaume (1822-1905), membre de l’Institut, professeur puis directeur de l’École des beaux-arts. Lors de la conférence qu’il prononce à l’Union centrale en 1865, intitulée « Idée générale d’un enseignement élémentaire des beaux-arts appliqués à l’industrie », il fait du dessin une « langue » dont la grammaire est fondée sur des règles positives. Selon lui, il faut, plutôt qu’en former le goût, fournir aux enfants un outil précis répondant aux nécessités nouvelles de l’industrie moderne. La raison une et universelle – et non le sentiment – est le fondement du dessin, et son enseignement doit être commun à toutes les classes de la société. La méthode proposée par le sculpteur s’appuie pour l’essentiel sur la géométrie et les mathématiques. Plébiscitée par l’ensemble de la communauté artistique et soutenue lors du Congrès des écoles organisé en 1869 par l’Union centrale, celle qu’on appela par la suite la « méthode Guillaume » est adoptée d’abord par les écoles de la Ville de Paris et, en 1879, par les écoles primaires et secondaires, qui bénéficient désormais d’un enseignement obligatoire du dessin.

Perspective d’un tabouret et du modèle : les denticules (réduction de l’épure éxécutée à l’examen par un candidat), dans Henri Guedy, Le Professorat du dessin, examens de l’État, examens de la Ville de Paris, préface de E. Guillaume (Paris, bibliothèque Forney).

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L’« enseignement simultané obligatoire » Les raisons qui incitent le conseil des professeurs à limiter l’accès à l’École des arts décoratifs déterminent aussi la décision d’obliger les élèves à suivre avec assiduité un certain nombre de cours considérés indispensables. Louvrier de Lajolais présente dès 1877 son projet d’un « enseignement simultané obligatoire », établissant la priorité de certaines disciplines et les insérant dans un ensemble pédagogique harmonieux. Dès janvier 1878, les cours élémentaires de dessin sont structurés de telle façon que les élèves peuvent suivre, dans la même année, la géométrie, la figure et l’ornement. Lors de l’enquête de 1882 sur les industries d’art, Louvrier de Lajolais explique brièvement cette réforme, qu’il juge cependant incomplète, car aucune mesure concrète n’a été adoptée pour astreindre les élèves à suivre le programme proposé : « La plus grande moitié des élèves de l’école, ceux qui sont âgés de douze à dix-sept ans, sont partagés en trois cours obligatoires, qui forment les divisions élémentaires du dessin. Il y a l’enseignement du dessin géométrique, qui est donné le lundi et le jeudi ; les mardi et vendredi, il y a le dessin de la figure, et les mercredi et samedi, le dessin d’ornement. J’ai la plus grande difficulté à obtenir que ce système méthodique soit rigoureusement suivi. L’école est libre, et je n’ai d’autre autorité que celle que j’exerce par la confiance que les enfants ont en moi et dans leurs professeurs. [...] Un grand nombre d’élèves ne se soumettent pas de bon gré à la discipline de l’enseignement, les uns ne voulant faire que de la figure, les autres que de l’ornement, beaucoup refusant obstinément de suivre les cours de dessin géométrique [...]9. » Louvrier de Lajolais précise aussi que, dans la classe supérieure de bosse, il a essayé d’imposer l’exercice du dessin de figure conjointement à celui de l’ornement ; de même, dans la classe suivante, il est vivement conseillé aux élèves de suivre à la fois l’enseignement d’après des modèles de la nature et de l’antique. Notes : 9. Déposition d’Auguste Louvrier de Lajolais dans Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Direction des beaux-arts, Bureau de l’enseignement, Commission d’enquête sur la situation des ouvriers et des industries d’art, instituée par décret en date du 24 décembre 1881, [Rapport], Paris, Imprimerie A. Quantin, 1884, p. 234. 10. Procès-verbal de la séance du 11 mars 1878, AN, AJ 53/5. 11. Déposition de Louvrier de Lajolais, dans Commission d’enquête…, p. 233. 12. Ibid., p. 240. Voir « Nouvelle loi militaire, titre II, chapitre II, art. 23 », Journal officiel, 16 juillet 1889, p. 6. 13. Procès-verbal de la séance du 3 décembre 1877, AN, AJ 53/5.

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La mise en place d’un « enseignement simultané obligatoire » permet aussi de résoudre quelques problèmes concrets, comme ceux concernant les boursiers et le titre de sortie délivré par l’École. L’assiduité aux cours étant facultative, comment retenir les boursiers qui, le plus souvent, une fois les subsides obtenus, les utilisent pour rester à l’École des beaux-arts ? Par ailleurs, l’École demande avec insistance au ministre de l’Instruction publique la possibilité de délivrer, sinon un diplôme, au moins un brevet ou un certificat d’aptitude. Or un titre, de quelque nature qu’il soit, ne peut que sanctionner la fréquentation effective, par un élève, d’un certain nombre d’enseignements pendant la période jugée indispensable à l’acquisition des connaissances. Ainsi, dès mars 1878, l’assemblée des professeurs dresse une liste des cours rendus obligatoires et des sanctions prévues pour les boursiers « infidèles10 ». Le 14 février 1881, le désir de Louvrier de Lajolais de pourvoir les élèves d’un document attestant leur appartenance à l’École est satisfait. Après des discussions houleuses sur l’opportunité de nommer ce titre final « diplôme », « brevet » ou « certificat d’aptitude » – le premier paraissant trop prétentieux et le dernier trop modeste – et sur le nombre d’années de fréquentation qu’il faut exiger, l’assemblée décide enfin qu’un brevet sera délivré aux élèves « assidus » pendant deux ans au moins, bien que Lajolais déclare plus tard que, « après un enseignement de trois ans en moyenne, [les élèves] sont encore incapables de rendre des services à l’industrie11 ». Ce brevet constitue néanmoins une étape fondamentale dans la reconnaissance de la valeur des études effectuées à l’École. Le premier résultat concret de la reconnaissance officielle représentée par le brevet est, en 1890, l’extension aux élèves de l’École de la loi sur le volontariat : jusque-là, pour échapper aux cinq ans de service militaire, ceux-ci passaient à l’École des beaux-arts, seule bénéficiaire de ce privilège12. Quant au problème des boursiers, le cahier des présences, rendu obligatoire par Louvrier de Lajolais pour tous les cours dès le 3 décembre 1877, facilite désormais le contrôle13. Le brevet est divisé en deux diplômes, l’un destiné aux dessinateurs industriels et l’autre aux sculpteurs-décorateurs, l’architecture – discipline commune aux deux spécialités – ne pouvant faire l’objet d’un diplôme à part, car son étude, tout en étant considérée comme la base nécessaire de la formation, n’est pas envisagée comme un objectif en lui-même. Ces deux titres attestent la capacité de l’École des arts décoratifs de former désormais une nouvelle génération de collaborateurs pour les industries artistiques.

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1.


2. L’unité par la

centralisation

2.

1. L’Aurore ou les trois Enad (Aubusson, Paris, Limoges), tapisserie, manufacture Braquenié, d’après Charles Louis Genuys, Aubusson, 1895 (Aubusson, musée départemental de la Tapisserie). 2. Coupe transversale du musée Adrien-Dubouché et de l’École des arts décoratifs de Limoges, Pierre Henri Mayeux architecte, dans La Construction moderne, 1901 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Le rattachement des écoles de Limoges et d’Aubusson La réorganisation systématique des études et des méthodes, voulue par Louvrier de Lajolais et réalisée dans le cadre bien plus vaste de la réforme de l’enseignement mise en place au début de la troisième République, ne touche pas seulement l’École des arts décoratifs de Paris. Visant, par une centralisation puissante, à donner une forte impulsion à l’adoption des nouvelles théories en matière d’enseignement du dessin dans les écoles de province liées à des industries locales importantes, l’École de céramique de Limoges et celle de tapisserie d’Aubusson sont rattachées à l’École de Paris. À plusieurs reprises, les comptes rendus de distributions des prix de fin d’année mentionnent les trois écoles comme étant réunies sous une même direction : « Le directeur de l’École des Arts décoratifs, M. de Lajolais, a dans ses attributions [...] l’École céramique de Limoges et l’École d’Aubusson, de telle sorte qu’une certaine unité de doctrine préside à l’enseignement des trois écoles, et que les élèves de l’École de Paris, par exemple, font des compositions qui sont exécutées à Limoges ou à Aubusson, c’est à dire qu’ils peuvent se rendre compte directement de l’effet produit par leurs dessins une fois que ceux-ci sont transformés en assiettes, en plats, en tapisseries, etc. Cet enseignement pratique et tout à fait nouveau donne des résultats inappréciables14. »

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L’École des arts décoratifs de Limoges est ouverte en 1868 à l’initiative d’Adrien Dubouché, industriel et membre de l’Union centrale des arts décoratifs15, et avec la contribution financière de la ville. Par la loi du 15 juin 1881, après le décès de son fondateur et directeur (qui avait aussi annexé à l’école un musée de la céramique), l’établissement, de municipal, devient national et est rattaché à l’École des arts décoratifs de Paris. Le nouveau règlement comporte la réorganisation totale de l’enseignement, pensé en fonction de l’activité spécifique de la ville de Limoges. Un atelier est immédiatement créé, qui accueille les futurs décorateurs céramistes, et les cours de modelage sont conçus dans le but de former une maind’œuvre spécialisée. Toutefois l’esprit de la formation artistique générale est maintenu : « l’école n’est pas professionnelle à proprement parler : son enseignement général, préalable à toute application, témoigne bien plus de la préoccupation d’élever le goût par la culture des éléments nobles empruntés à tous les arts que de donner la connaissance des pratiques d’atelier ; en d’autres termes, on a voulu, non pas former des apprentis, toujours moins habiles à l’école que dans la fabrique, mais compléter l’éducation des apprentis et les rendre aptes à apporter dans leurs travaux ultérieurs des qualités que la connaissance du dessin et de la composition de l’ornement peut seule développer16. » Ainsi, tout en tenant compte des besoins spécifiques de l’industrie locale, l’enseignement se conforme aux dispositions nationales dont le directeur de l’École parisienne est le garant. Cependant, cette centralisation ne manque pas de susciter l’opposition de ceux qui s’inquiètent de la perte progressive des caractères régionaux dans la production artistique française. Marius Vachon compte parmi eux.

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Décomposition de l’image pour impressions polychromes sur céramique, dans Revue des arts décoratifs, 1885 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Auteur, dans les années 1880 et 1890, d’une large enquête sur les industries d’art en Europe et en France, et sur les moyens mis en place par les différents pays – essentiellement écoles et musées – pour faire face à la crise de la production autrefois artisanale, Vachon fait partie, comme Louvrier de Lajolais et Adrien Dubouché, de l’Union centrale, mais il manifeste à plusieurs reprises son désaccord avec les idées qu’elle défend17. Lors de l’enquête de 1882, Lajolais montre au jury, où siège Vachon, des dessins rendus par les élèves à l’occasion d’un concours qui s’était déroulé simultanément à Limoges et à Paris, et qui portait sur la composition d’une coupe en porcelaine. Force est de constater la faiblesse des projets limousins par rapport à ceux élaborés à Paris, ce qui permet à Lajolais d’affirmer : « Vous voyez, Monsieur Vachon, la différence entre les deux écoles, et combien je suis pardonnable de faire de la centralisation à outrance en ce moment, ce que vous m’avez amicalement reproché. [...] Je dis qu’il est nécessaire de faire des concours entre les deux écoles, d’infuser en quelque sorte à l’école de province du sang parisien ; l’écart est tellement grand entre les deux écoles qu’il faut les rapprocher, en mettant constamment en contact les deux enseignements. » Lajolais n’hésite pas à envoyer des professeurs de l’École parisienne dispenser des leçons à Limoges. Le premier à faire le voyage est Léon Vidal, chargé, depuis novembre 1879, de donner des cours de reproduction industrielle à l’École des arts décoratifs de Paris. Sa conférence sur « La décoration de la céramique par impression18 » apporte son lot d’informations sur les techniques modernes en faveur desquelles plaide le professeur, soutenu par son directeur. Dès 1882, celui-ci avait mis l’accent sur la nécessité, pour l’industrie limousine, d’accomplir un effort de modernisation, à l’encontre des revendications régionalistes et quelque peu nostalgiques de Vachon.

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Léon Vidal, professeur de reprographie artistique et industrielle à l’École de 1879 à 1906, photographie carte de visite (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

Si la qualité de la production avait considérablement baissé, la raison n’était pas à chercher, selon Louvrier de Lajolais, dans l’abandon d’un prétendu cachet local, perdu en réalité immédiatement après la floraison extraordinaire du Moyen Âge. La cause réelle de ce déclin était le repliement provincial de cette industrie, et seule l’École pouvait remettre en cause la routine dans laquelle restaient enfermés ouvriers et décorateurs : « On ne saurait nier qu’aujourd’hui la division du travail et l’emploi des procédés mécaniques aient bouleversé les traditions du travail dans l’industrie. Il faut créer vite, beaucoup et à bon marché. Il est donc nécessaire de s’assurer des modèles excellents dont la reproduction puisse se faire industriellement, sans le concours de l’homme : c’est un centre de gravité à déplacer [...]. La décoration à la main doit forcément disparaître pour les produits à bon marché ; à l’heure qu’il est la transformation des procédés est inévitable, il faut oser le dire19. » Cette unification de l’enseignement entre l’École de Paris et celle de Limoges sera réalisée grâce à l’emploi des mêmes professeurs, ainsi qu’à la collaboration étroite entre les élèves des deux établissements. Les expositions de fin d’année mettent en effet souvent côte à côte les dessins des élèves parisiens et les céramiques produites à partir de ceux-ci par les élèves limousins. Des œuvres sont ainsi réalisées : en 1882, par exemple, une coupe est offerte à Jules Ferry, fruit de cette collaboration20 ; deux ans plus tard, un service en porcelaine est offert à Mme Dubouché, et en mai 1888 M. Laporte, gendre de A. Dubouché, institue un concours pour l’exécution d’un surtout de table selon la même méthode21. Comme l’école de Limoges, l’École municipale des arts décoratifs d’Aubusson devient, par décret du 31 mai 1884, l’« École nationale d’art décoratif d’Aubusson » ; son but spécifique est de former jeunes gens et jeunes filles à l’art de la tapisserie. Notes : 14. Anonyme, « Chronique. L’enseignement des arts appliqués à l’industrie. La distribution des prix de l’École des arts décoratifs », Revue des arts décoratifs, vol. V, 1885-1886, p. 85. 15. Au sujet de A. Dubouché, à qui Limoges doit aussi la fondation du magnifique Musée de céramique, voir C. LEYMAIRE, « Adrien Dubouché et le musée de Limoges », Réunion des Sociétés des beaux-arts des départements, du 5 au 9 juin 1900, 24e session, Paris, Plon-Nourrit, 1900, p. 574-594, et les récentes publications du musée. A. Dubouché avait visité l’École des Arts décoratifs à la fin de juin 1878. 16. Paul DUPRÉ, Gustave OLLENDORFF, « L’École nationale d’arts décoratifs de Limoges », Traité de l’administration des beaux-arts : historique, législation, jurisprudence ; écoles, musées, expositions, monuments, manufactures, théâtres, Paris, Librairie P. Dupont, 1885, 2 vol., vol. I, p. 308-309. 17. Sur Vachon, voir Nadine BESSE, « Construire l’art, construire les mœurs. La fonction du musée d’art et d’industrie selon Marius Vachon », dans Stéphane MICHAUD (dir.), L’Édification, morales et cultures du XIXe siècle, Éditions Créaphis et PPSH, 1993, p. 51-58 ; et Stéphane LAURENT, « Marius Vachon, un militant pour les “industries d’art” », Histoire de l’art, 29-30, mai 1995, p. 7178. 18. Cette conférence a été publiée par la Revue des arts décoratifs (« La décoration céramique par impression », 1885, p. 469-477). Léon Vidal (Marseille, 1833-1906) consacra toute sa vie à l’étude et à la diffusion des techniques

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Plats en porcelaine exécutés par les élèves de l’École des arts décoratifs de Limoges d’après les modèles des lauréats de l’École des arts décoratifs de Paris. Programme du décor : «Hommage au musicien Camillo Sivori». Composition d’Émile Vachat, Emile Houry, Jean Morf, dans Revue des arts décoratifs (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Une enquête effectuée par les inspecteurs du ministère de l’Instruction publique en 1879 avait en effet révélé l’insuffisance des cours de dessin – linéaire et d’imitation – dispensés à Aubusson, où l’on ne tenait pas compte de la méthode scientifique de Guillaume22. Le décret du 14 octobre 1884 réforme donc le règlement de l’école dans l’esprit qui avait prévalu à Paris et à Limoges, et il place l’établissement sous la même direction que ses deux homologues parisien et limousin. Ses programmes, réformés en 1884, tiennent évidemment compte des changements survenus au début des années 1880 dans l’enseignement du dessin : le dessin d’imitation laisse alors la place au dessin linéaire et géométrique, à la perspective, à l’architecture, au dessin de la plante vivante et à la composition ornementale, enseignements auxquels est subordonné l’accès aux cours dits « spéciaux » et qui portent plus spécialement sur la tapisserie. Deux ateliers complètent la formation des élèves : l’un, de tissage, est commun aux garçons et aux filles, alors que celui de chimie tinctoriale est spécialement destiné aux premiers et que les cours pratiques de broderie ne sont fréquentés que par les secondes. Si quelques professeurs enseignent aussi bien à Paris qu’à Limoges ou à Aubusson, la cohésion du programme pédagogique voulue par Louvrier de Lajolais entre les trois établissements se fait surtout grâce à l’homogénéisation des programmes et des méthodes, et à la collaboration étroite entre les élèves eux-mêmes. Dans les intentions du directeur, Paris doit fournir les dessins et les projets que les écoles de Limoges et d’Aubusson sont chargés d’exécuter, mais dans la pratique cette démarche est assez rare, et elle ne concernera que des travaux exceptionnels qui seront présentés dans les expositions de fin d’année. Cette tentative de faire des élèves parisiens des « designers » et de leurs camarades limousins et aubussonnais des exécutants intelligents vise un double objectif : soumettre les premiers aux matériaux et les habituer à respecter les contraintes d’exécution, et ouvrir les seconds aux recherches artistiques de la capitale.

de reproduction photographique. Fondateur de la Société photographique de Marseille et de l’Union des arts à Marseille en 1862, il fut le rédacteur en chef du Moniteur de la photographie à partir de 1879 et publia de nombreux ouvrages sur les reproductions héliographiques et industrielles. À l’École des arts décoratifs, Vidal créa le cours de reproductions artistiques et industrielles, chaire qu’il occupa de 1879 à sa mort. Il fut aussi chargé du cours d’applications de la photographie à la décoration céramique à Limoges à partir de 1881. Sa réputation fut large grâce à ses nombreux travaux photographiques, à ses conférences et à une série de traités et d’ouvrages divers, édités par les Maisons Leiber, Gauthier, Villars et Delagrave. Vidal inventa divers procédés ayant pour objet les applications de la photographie aux impressions polychromes, à la photochromie et à la décoration céramique, et divers appareils d’un emploi plus usuel. À Paris, il fut président de la Chambre syndicale de la photographie et des industries qui s’y rattachent. 19. Déposition de Louvrier de Lajolais, dans Commission d’enquête…, p. 235. 20. Anonyme, « Distribution des prix à l’École nationale des arts décoratifs de Paris », Revue des arts décoratifs, vol. III, 1882-1883, p. 92. 21. Procès-verbal de la séance du 16 mai 1888, AN, AJ 53/5. 22. Paul DUPRÉ, Gustave OLLENDORFF, Traité de l’administration des beaux-arts…, vol. I, p. 309-310.

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• La question de la reconstruction de l’école

1.

2.

Depuis 1775, la « Petite École » était installée dans l’ancien amphithéâtre de Saint-Côme, au n° 5 de la rue de l’École-de-Médecine. Ces locaux avaient toujours été exigus et étaient devenus malsains avec le temps, suscitant dès le début du XIXe siècle de vives protestations de la part des élèves et de leurs familles, ainsi que des professeurs. C’est Louvrier de Lajolais qui, dans sa volonté de réformer l’École en profondeur, prend véritablement à cœur la question de sa reconstruction, sans pour autant réussir à réaliser ses vœux. Dès 1878, il profite d’une visite du ministre de l’Instruction publique et du directeur des Beaux-Arts pour plaider en faveur d’un bâtiment nouveau. Plusieurs projets voient le jour. Le plus ambitieux envisage la construction d’un grand édifice quai Montebello, qui permettrait d’accueillir des internes et même d’aménager un jardin et un petit musée. Si l’idée de l’internat est rapidement abandonnée, Louvrier de Lajolais insiste sur le choix de l’emplacement : situé dans l’un « des centres actifs de Paris », là où le tissu des industries du luxe est le plus dense, il éviterait le voisinage avec d’autres écoles destinées aux ouvriers d’art. Autre possibilité, qui apparaît, elle, en 1892, celle d’installer l’École dans une aile du futur musée des Arts décoratifs, qui négocie à ce moment-là la cession des ruines de la cour des Comptes et des terrains qui les contiennent, après l’incendie de 1871, à l’actuel emplacement du musée d’Orsay. Finalement, la commission du musée refuse, de crainte que l’École ne prenne trop de place et n’empêche les collections de s’agrandir. Deux terrains le long du boulevard

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Notes : 23. Paul BONCOUR, Art et démocratie, Paris, Librairie P. Ollendorff, 1912, p. 83-84.

3.

1. Atelier Destouches, rue de l’École-deMédecine, cliché Lansiaux, 2 août 1918 (Paris, Commission du Vieux-Paris). 2. Entrée de l’École à la fin du XIXe siècle, photographie (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 3. Amphithéâtre Belloc, rue de l’École-de-Médecine, cliché Lansiaux, 2 août 1918 (Paris, Commission du Vieux-Paris).

Saint-Germain paraissent alors adaptés aux besoins de l’établissement, et l’architecte et professeur Charles Genuys conçoit deux projets en 1885. Pourtant, rien de tout cela ne sera réalisé. Les interpellations à la Chambre et les efforts de Louvrier de Lajolais se poursuivent, suivis de promesses sans effet. En 1912, Paul Boncour évoque désormais le « scandale de la reconstruction » et cite un rapport de 1907 où Charles Couyba, futur directeur de l’École, dénonce « les salles de dessins [..] éclairées au gaz en plein jour […] l’air empesté par le voisinage des lieux d’aisances béants au-dessus des fosses perdues dans le sol23 ». Aux conditions de travail difficiles des garçons font écho celles à la limite du supportable de la section des jeunes filles, intégrée en 1891. Installée depuis 1875 au n° 10 de la rue de Seine, elle y est restée malgré l’insalubrité officiellement constatée du bâtiment. Les conditions y sont désastreuses et les cours se déroulent « dans le mépris le plus absolu de tous les principes d’hygiène, de toutes les règles de construction scolaire, de toutes les mesures de discipline élaborées depuis vingt ans [...] ». Aux récriminations répétées des parents, Louvrier de Lajolais ne peut répondre que par des regrets désolés et des aveux d’impuissance, les travaux restant extrêmement limités. Ce n’est qu’en 1928, vingt ans après la mort du directeur qui avait le plus œuvré en vue de sa reconstruction, que les garçons comme les filles peuvent enfin bénéficier des nouveaux bâtiments de la rue d’Ulm.

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Notes : 24. Renaud d’ENFERT, L’Enseignement du dessin en France. Figure humaine et dessin géométrique (1750-1850), Paris, Belin, coll. « Histoire de l’éducation », 2003. 25. Ibid., p. 330. 26. Voir MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS, COMMISSION SUPÉRIEURE DES BÂTIMENTS CIVILS ET DES PALAIS NATIONAUX, Projet d’acquisition de la maison située rue de Seine n° 10, où est installée actuellement la section des jeunes filles de l’École nationale des Arts décoratifs de Paris, Paris, juin 1892, AN, AJ 53/98.

La création de la section de jeunes filles Après les écoles de céramique en 1881 et de tapisserie en 1884, une section de jeunes filles vient se joindre à l’École des arts décoratifs de Paris en 1890, décision qui témoigne de la volonté de prendre en compte un aspect de la réalité industrielle qui émerge avec force à la fin du XIXe siècle, celui de la féminisation de certains métiers d’art. L’École nationale de dessin pour les jeunes filles existait depuis 1803 et était située, depuis 1875 environ, au n° 10 de la rue de Seine. Après 1860, sous la direction de Mlle Nelly Marandon de Montyel, les programmes sont élargis et des cours nouveaux ajoutés : dessin industriel en 1862, gravure sur cuivre en 1863, gravure sur bois en 1865, peinture sur faïence en 1867, modelage en 1877, dessin linéaire et géométrie élémentaire en 1878, histoire de l’art en 1880 et anatomie en 1882. En 1885, le personnel enseignant se compose de dix professeurs et de deux maîtresses répétitrices. Le règlement du 7 octobre 1881 divise l’enseignement en trois parties – une division élémentaire, une division supérieure et des cours spéciaux – et fait une place centrale au dessin géométrique, linéaire ou d’après les solides24. Les cours dits « spéciaux » – peinture sur faïence, sur porcelaine, sur verre ou sur émail – concernent les industries auxquelles les femmes fournissent une main-d’œuvre qualifiée. Cette attention portée au côté pratique de la formation permet à bon nombre de ces jeunes femmes de s’insérer dans le monde du travail : certaines se destinent à l’enseignement – la plupart des candidates aux concours de la Ville de Paris pour l’obtention du brevet de professeur de dessin proviennent de l’école de la rue de Seine –, d’autres deviennent « des auxiliaires très précieuses de l’industrie de luxe25 ». Pour s’inscrire, les élèves, âgées entre douze et vingt-cinq ans, doivent seulement savoir lire et écrire, puisque les notions de base en matière artistique y sont dispensées. Contrairement au règlement qui s’appliquait aux jeunes gens avant la réforme de 1877, les jeunes filles sont tenues de suivre tous les cours de l’une des deux divisions auxquelles elles sont inscrites, seuls les cours spéciaux étant laissés au choix. Lorsque Louvrier de Lajolais prend la direction de la rue de Seine en 1890, il s’empresse de réformer cet établissement comme il l’avait fait à Paris, Limoges et Aubusson. Dans la correspondance échangée avec la direction des Beaux-Arts, le nouveau directeur constate tout d’abord l’état pitoyable du bâtiment de la rue de Seine et dresse un bilan sévère de la gestion précédente.

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Cahier d’Alice Cathalifaud, avec corrections d’Hector Guimard, professeur de dessin géometrique et perspective à l’École de 1891 à 1900 (Paris, musée d’Orsay).

À l’organisation rigide fixée sur le papier correspond dans la réalité une extrême liberté dans les inscriptions et la fréquentation des cours ; la rue de Seine est devenue au fil des années un lieu où l’on apprend plutôt un art d’agrément que les bases d’un métier d’art26. Louvrier de Lajolais décide donc de s’attaquer tout d’abord à cette dérive en imposant une journée scolaire de huit heures et des cahiers de présence. À la rentrée de 1894, l’âge d’admission des jeunes filles passe à quinze ans, et en 1899 l’accès à l’École est subordonné à la réussite de l’examen d’admission, comme c’est déjà le cas pour les garçons. Par ailleurs le personnel est jugé inadapté : Mlle Marandon, après avoir été gratifiée du titre de directrice honoraire, laisse la place à Paul Colin, déjà sous-directeur de l’École des arts décoratifs et collaborateur d’Eugène Guillaume en tant que membre de la Commission supérieure de l’enseignement du dessin ; certains professeurs de la section des jeunes gens se chargent de la plupart des cours de la nouvelle section. Ainsi les élèves de la section féminine bénéficient-elles des cours de géométrie, perspective, architecture, histoire de l’art et croquis rapide dispensés par Charles Genuys, Hector Guimard, Lucien Woog, Paul Vitry ou Paul Renouard, pour ne nommer que les plus connus27. Elles en tirent le plus grand profit, vu les classements excellents obtenus aux différents concours organisés par des sociétés artistiques. À plusieurs reprises, Louvrier de Lajolais revendique, auprès de l’administration des Beaux-Arts, pour certains cours, qu’ils soient aussi bien dispensés aux

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Concours de l’Union centrale des arts décoratifs (section féminine), étoffe imprimée pour ameublement, projet de rideau pour maison de campagne, 1er prix : Mlle Baugureau, dans Revue des arts décoratifs, 1897-1898 (Paris, bibliothèque del’Ensad).

filles qu’aux garçons, « à une époque où l’éducation de la femme reçoit des pouvoirs publics la plus large et la plus légitime impulsion28 ». Comme en 1902, lorsqu’il demande au directeur des Beaux-Arts, L. Crost, qui la lui accorde, l’autorisation d’étendre à la section des jeunes filles le cours de « croquis rapide » confié à Paul Renouard et qui donne d’excellents résultats chez les jeunes gens. Cette remise à niveau général de l’enseignement dispensé par la section des jeunes filles doit être considérée à la lumière des débats que suscite, autour de 1890, la question de l’accès des femmes aux études artistiques29. Le Congrès des arts décoratifs organisé par l’Union centrale aborde ce problème en 1894, provoquant parmi les intervenants de vifs débats30. La tentative de rendre plus adéquate l’instruction des jeunes filles qui se destinent à une carrière dans les industries d’art atteste que l’École des arts décoratifs adopte une démarche pragmatique là où d’autres institutions – telle l’École des beaux-arts – s’obstinent à se retrancher derrière des interdits idéologiques. Cette position, dictée par des raisons bien concrètes de rentabilité productive, ne doit probablement rien à une volonté délibérée de bouleverser la place traditionnellement accordée à la femme dans la création artistique : les jeunes filles, tout comme les jeunes gens, doivent simplement être capables de répondre à la demande des industries d’art. 27. L’architecte Charles-Louis Genuys (1852-1928) fut l’élève d’Eugène Train. Il commença à enseigner à l’École en tant que répétiteur d’architecture en 1881 et continua comme professeur jusqu’en 1921, remplissant également la fonction de sous-directeur de l’École de 1890 à 1908. Sur l’œuvre d’architecte de Genuys, voir Arnelle LUCAS DE PESLOÜAN, « L’architecte Charles Genuys », mémoire de maîtrise, sous la dir. de Pierre Vaisse, université de Sorbonne Paris-X, 1990. Hector Guimard (1867-1942) enseigna le dessin géométrique et la perspective de 1891 à 1898. Sur Guimard, élève et professeur à l’École, voir Marie-Laure CROSNIER-LECONTE, « Les années d’étude », Guimard, Paris, Réunion des musées nationaux, 1992, p. 75-96. Guimard fut remplacé par l’architecte Lucien Woog (1867-1937), ancien élève de l’École des arts décoratifs et des Beaux-Arts. Woog collabora aux travaux de réfection de Vichy et se fit connaître pour le décor du théâtre de La Cigale et les façades et intérieurs de magasins luxueux. Il enseigna à l’École la perspective, le dessin géométrique, et l’architecture à la section des jeunes filles à partir de 1898, et fut professeur de dessin d’architecture chez les jeunes gens de 1912 à 1929. Sur Woog, voir Abe KUMIKO, Lucien-Léon-Henri Woog (18671937), architecte, mémoire de maîtrise sous la dir. de Bruno Foucart, université de Sorbonne Paris-IV, 1998. Paul Vitry (1872-1941) fut l’un des plus importants historiens de l’art du début du xxe siècle. Formé par Louis Courajod et André Michel, il fut conservateur au département des Sculptures du Louvre et s’attacha à

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l’étude de la sculpture et de l’architecture de la Renaissance en France, domaines jusque-là délaissés. Grand érudit, auteur d’innombrables publications et fondateur en 1906 du Bulletin des musées – l’actuelle Revue du Louvre et des musées de France –, Vitry accorda une place prépondérante à l’enseignement. Il fut chargé des cours d’histoire générale et d’histoire de l’art à l’École des arts décoratifs de 1901 à 1920, lorsqu’il fut appelé à l’École du Louvre et au Collège de France. Il ne faut pas oublier l’action de Paul Vitry dans le camp des arts vivants, et en particulier la présidence de la Société des artistes décorateurs, très activement exercée de 1913 à 1922. Sur Vitry, voir Michèle LAFABRIE, Paul Vitry (1872-1941), historien de la sculpture, mémoire de l’École du Louvre sous la dir. de Geneviève Bresc, 1992. 28. Lettre de Louvrier de Lajolais à L. Crost, AN, AJ 53/131, dossier Paul Renouard. 29. Au sujet de l’instruction féminine à Paris dans le domaine des métiers d’art, voir Stéphane Laurent, « Teaching the Applied Arts to Women at the École Duperré in Paris 18641940 », Studies in the Decorative Arts, 4, 1, automne-hiver 1996-1997, p. 60-84. 30. Voir UNION CENTRALE DES ARTS DÉCORATIFS, Le Congrès des Arts décoratifs, tenu à l’École nationale des beaux-arts du 18 au 30 mai 1894, comptes rendus sténographiques, Paris, s. d. [1900], p. 719. La troisième section de la huitième séance était consacrée à « L’influence de la femme dans le mouvement artistique de l’époque ».

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Tigre, gravure, dans Paul Renouard, Mouvements, gestes, expressions (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

• Paul Renouard et le cours de «croquis rapide» Le peintre, dessinateur, graveur et illustrateur Charles Paul Renouard (1845-1924) est engagé à partir de janvier 1902 à l’École des arts décoratifs pour un cours de « croquis d’après modèle vivant et en mouvement ». À cette époque, après avoir travaillé pour la presse illustrée française et anglaise de large diffusion, et avoir couvert des procès célèbres, Renouard est considéré comme un véritable chroniqueur de la vie moderne. Autodidacte, il réalise à ses débuts des fresques décoratives pour l’opéra Garnier aux côtés de son maître Pils, mais se tourne bien vite vers les milieux parisiens artistiques ou marginaux qu’il croque dans un style rapide et très expressif. C’est en étudiant les estampes japonaises qu’il avait appris ce que l’on appellera plus tard la « sténographie de peintre ». En 1905, l’album d’esquisses et de croquis animaliers intitulé Mouvements, gestes, expressions, vaut à son talent, fondé sur l’observation, l’exercice de la mémoire et la rapidité d’un trait évocateur, une consécration quasi officielle. L’engagement de Renouard par Louvrier de Lajolais amorce la remise en question de la méthode Guillaume, que son directeur avait pourtant été l’un des premiers à soutenir dès le Congrès des arts du dessin en 1869 et à l’époque de l’adoption de la réforme en 1879. Gaston Quénioux, ancien élève devenu inspecteur de l’enseignement du dessin, émet en effet les critiques les plus dures à l’égard d’une discipline qui a perdu, selon lui, tout lien avec la créativité, rendue stérile par la géométrie et le trait académique, et dont les modèles restent la statuaire classique et les compositions abstraites de solides. Seul contrepoison préconisé contre un tel dessèchement, la technique du « croquis rapide » dans laquelle Renouard est passé maître. Ainsi l’École, en offrant une place de professeur au célèbre illustrateur, devance la réforme de l’enseignement du dessin de 1909, qui accordera de nouveau une place importante à la couleur et aux croquis spontanés réalisés à partir d’objets quotidiens ou de figures vivantes et en mouvement.

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• Art utile, industriel, appliqué ou décoratif ? Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, l’idée d’« unité des arts » s’impose progressivement, bouleversant les hiérarchies académiques ; les arts « mineurs » se trouvent alors au cœur d’un débat que les Expositions universelles, les manifestations diverses organisées par l’Union centrale et plus tard les Salons alimentent. La reconnaissance du statut d’œuvre d’art pour des créations appartenant au domaine de l’utile et réalisées parfois avec le concours de la machine ne va pas de soi. La définition même de ce champ artistique reste problématique. Les arts « mineurs » ont-ils droit à une autonomie esthétique ou relèvent-ils, au contraire, des autres arts ? Pour certains – Viollet-le-Duc fut le plus convaincant –, l’unité de l’art ne peut se réaliser que sous la houlette de l’architecture, la peinture et la sculpture n’atteignant leur véritable essence qu’en se soumettant à leur fonction décorative et monumentale. Mis à part l’architecture, tous les arts sont alors considérés comme « décoratifs » et concourent à parts égales à réaliser l’unité du style. D’autres mettent l’accent sur cette « utilité » qui avait valu à tant d’objets de se faire exclure du domaine de l’art : le comte de Laborde, dans son célèbre rapport de 1851, plaide justement en faveur de ces œuvres qui doivent concilier bon marché et qualité esthétique lorsqu’il qualifie cet art d’« utile », synonyme pour Roger Marx de « social ». Quant à Félix Bracquemond, il est peut-être le seul qui ose renverser véritablement les termes de la question arts majeurs-arts mineurs en faisant de l’ornement « l’expression suprême des arts », sa véritable quintessence. Membre actif de l’Union centrale, Louvrier de Lajolais (et l’École avec lui) refuse en fait toute position tranchée, préférant croire à l’existence d’une branche autonome de la création, les « arts décoratifs », dont la dignité et la légitimité sont assurées par son rattachement au tronc commun des arts du dessin. Le terme « décoratif » s’entend comme art « somptuaire », lié souvent à des techniques complexes et à des matériaux rares, en principe loin de la reproduction mécanique et du bon marché. La fondation des « ateliers d’application décorative » par Louvrier de Lajolais dit bien la relation privilégiée que l’École entend maintenir avec le « métier » de l’artisan.

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Composition pour une descente de lit devant être exécutée en tapis mécanique, d’une longueur de 1,70 mètre. 1er et 3e prix du cours des applications décoratives, dans Revue des arts décoratifs, 1891-1892 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

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3. Une ouverture difficile vers l’industrie

La création controversée des ateliers d’application décorative L’un des reproches adressés le plus souvent à l’École est qu’elle dispense une formation trop générale et abstraite, loin des pratiques industrielles. La vive polémique qui oppose les chambres syndicales des industries d’art parisiennes et provinciales aux institutions scolaires républicaines, et en particulier à l’École des arts décoratifs de Paris, perdure au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale. L’École s’efforce alors de répondre à l’exigence d’une formation plus complète de l’artiste décorateur : sans tomber dans la spécialisation exigée par l’industrie moderne et résolument rejetée par la plupart des enseignants, l’on est convaincu qu’il faut apprendre aux élèves à connaître les matériaux et à maîtriser les techniques. Cet équilibre est difficile à trouver et un débat accompagne l’ouverture du premier atelier d’application décorative en 1874, atelier confié au peintre décorateur Édouard Lechevallier-Chevignard. Victor Ruprich-Robert s’y oppose fermement, craignant que l’École ne se transforme en une école professionnelle, ce à quoi le directeur d’alors, Alphonse Laurent-Jan, rétorque qu’il s’agit simplement de donner aux élèves les plus studieux la possibilité de mettre en pratique les notions reçues à l’École dont le but est, il ne faut pas l’oublier, « d’enseigner les principes des arts et de la science du dessin en vue de leur application aux industries d’art et aux professions du bâtiment31 ». Lorsque Louvrier de Lajolais succède à Laurent-Jan à la direction de l’École, l’existence de l’atelier d’application décorative est donc désormais acquise. L’enseignement de Lechevallier-Chevignard se déroule trois fois par semaine au cours de séances de trois heures, ce que Louvrier de Lajolais trouve insuffisant. Les élèves doivent en effet réaliser dans les matériaux les plus divers – tissu, céramique, bois ou métal – les projets conçus pendant les cours de composition décorative dispensés par RuprichRobert. En 1882, lors de l’enquête sur les industries d’art, Louvrier de Lajolais propose d’élargir cet enseignement pratique et d’employer Lechevallier-Chevignard à temps plein, afin qu’une vingtaine d’élèves, choisis parmi les meilleurs dans chacune des sections, soient en contact permanent avec ce professeur.

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Motifs pour carreaux de céramique réalisés par les élèves Lelong et Balthazar, dans le cours de composition d’ornement d’Anthime de La Rocque, professeur à l’École de 1873 à 1913, dans Revue des arts décoratifs 1891-1892 (Paris,bibliothèque des Arts décoratifs).

Aux membres de la commission qui doutent de l’opportunité d’une telle réforme, Lajolais oppose l’exemple de l’Allemagne et de l’Angleterre, où l’association de la théorie à la pratique semble avoir donné d’excellents résultats. Le directeur explique que l’atelier, définitivement installé à l’École, peut devenir le lieu d’un dialogue ininterrompu entre maître et élèves, et que ce lien pourrait empêcher que les élèves poursuivent ensuite leurs études à l’École des beaux-arts. Derrière cette idée d’un professeur faisant de l’École son domicile et son lieu de travail resurgit le vieux projet d’un Collège des arts appliqués conçu par l’Union centrale en 1867. Et qui mieux que Lechevallier-Chevignard – l’un des tenants les plus fidèles du style néo-Renaissance – peut incarner le « maître » formant des apprentis dans son atelier ? Pour appuyer sa proposition, Louvrier de Lajolais ne manque pas de critiquer l’éternelle rivale de la rue Bonaparte, qui tire si peu de profit d’un artiste tel que Victor Galland, à la tête d’un atelier de composition décorative méprisé – paraît-il – par ses confrères des arts « majeurs ». Il suggère même d’attribuer à ce décorateur illustre une charge stable au sein de son École où, employé à plein temps et bien rétribué, il se sentirait enfin apprécié à sa juste valeur. Les ateliers, opportunément dirigés par Galland et Lechevallier-Chevignard, pourraient fabriquer des objets sur commande dont le maigre bénéfice serait compensé par une large diffusion. Louvrier de Lajolais espère ainsi faire naître une petite élite de jeunes artistes décorateurs attachés à l’École et capables de concevoir des modèles produits ensuite à l’échelle industrielle. Si ces propositions ne furent pas réalisées, Louvrier de Lajolais réussit néanmoins à concéder à l’atelier de Lechevallier-Chevignard une place plus importante dans le cursus scolaire : il accorde en effet aux élèves qui fréquentent ce cours le droit de participer aux différents concours de fin d’année et lui joint, en mars 1884, un atelier de sculpture dirigé par Augustin Moreau-Vauthier. L’École prodigue ainsi un enseignement pratique suffisamment large qui facilite l’embauche des jeunes diplômés par les fabricants de produits de luxe, au moment où l’apprentissage n’est plus qu’un souvenir de l’époque préindustrielle. Notes : 31. Règlement de l’École nationale de dessin, 1874, titre premier. L’opposition de Ruprich-Robert est relatée dans le procès-verbal de la séance du 27 mars 1874, AN, AJ 53/5.

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• L’École des beaux-arts réformée et l’École des arts décoratifs Les faits sont connus : la réforme de l’École des beaux-arts tentée en 1 863 fut un échec retentissant pour son inspirateur, Eugène Emmanuel Violletle-Duc, et pour ceux qui l’avaient soutenu. L’architecte et théoricien avait voulu joindre des ateliers aux enseignements théoriques afin, entre autres, de retrouver cette unité entre savoir intellectuel et compétences techniques, unité qui, disait-on, avait été brisée par la doctrine académique. Viollet-leDuc, à contre-courant d’un siècle privilégiant selon lui les « spécialités » et au nom de l’« unité de l’art », avait aussi souhaité une refonte des programmes et des méthodes établissant une relation étroite « entre les diverses branches des études plastiques ». Ces idées eurent aussi comme résultat, en 1873, l’ouverture à l’École des beaux-arts d’un cours de « composition décorative » confié à Victor Galland (1822-1892), cours transformé en 1879 en un « enseignement simultané des trois arts », obligatoire pour les architectes et soumis à une épreuve finale. Si cette nouveauté fut mal accueillie rue Bonaparte, elle porta ses meilleurs fruits à l’École des arts décoratifs, où Viollet-le-Duc avait enseigné et qui comptait des élèves fidèles parmi les professeurs. Deux changements majeurs dans l’organisation de l’École peuvent être portés à son actif. D’abord la création, en 1874, de l’« atelier d’application décorative », qui prend son véritable essor sous la direction de Louvrier de Lajolais et qui devient en 1907 l’« atelier d’art industriel ». Le choix d’Edmond Lechevallier-Chevignard (1825-1902), qui dirige l’atelier de 1874 à 1902, n’est peut-être pas un hasard : son goût exclusif pour la Renaissance faisait de ce peintre le « maître » idéal dont les méthodes d’enseignement empruntaient à une époque qui avait pleinement réalisé cette « unité » perdue depuis. Ensuite, la volonté de reformer la discipline et le déroulement des programmes suivant le principe de cet « enseignement simultané obligatoire » qui était de toute évidence inspiré de celui dispensé par Galland. L’assaut porté par Viollet-le-Duc à l’École des beaux-arts au nom de l’unité – de l’esprit et de la main, et entre les arts – fut en somme pleinement profitable à l’École des arts décoratifs et contribua de manière décisive à la défense de la cause de ses recrues, qui pouvaient désormais légitimement réclamer une place aux côtés de leurs confrères des arts « majeurs ».

Milieu de panneau de porte, composition décorative pour le grand salon du château de Saint-Roch, par Edmond LechavallierChevignard, professeur d’application décorative à l’École de 1874 à 1902, dans Revue des arts décoratifs, 1880-1881 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).


1.

À la recherche de l’unité de style : l’enseignement de l’architecture Aux divergences qui séparent l’École des arts décoratifs du monde de l’industrie quant aux méthodes et aux finalités de l’enseignement s’ajoutent celles provoquées par l’émergence, vers 1880, d’une génération nouvelle d’artistes qui prétendent rejeter les pratiques de l’imitation et du pastiche. Nombreux sont les hauts fonctionnaires de l’administration des Beaux-Arts qui soutiennent cette position ; parmi eux, Louvrier de Lajolais occupe une position à la fois déterminante et discrète. En face d’eux, la confiance dans une capacité naturelle des arts de se régénérer par la continuité, plutôt que par une rupture avec une tradition décorative française prestigieuse, reste largement dominante dans l’industrie artistique parisienne. Le conflit ne peut qu’éclater quand la troisième République, dans sa tentative de relancer un apprentissage en perte de vitesse, veut former des artistes complets, véritables « maîtres d’ouvrage » pouvant diriger des chantiers complets de décors d’intérieur et concevoir aussi bien des ameublements que des céramiques ou des papiers peints. Les industriels n’ont que faire de ces collaborateurs trop indépendants qui refusent de reproduire docilement les formes appréciées par la clientèle – du « Henri II » au « Louis XVI » –, et qui cherchent un style nouveau pour des intérieurs remplis d’objets d’époques disparates. L’École nationale des arts décoratifs, qui compte parmi ses professeurs des architectes engagés à la tête du mouvement moderne, tels que Charles Genuys ou Hector Guimard, est alors accusée par de nombreux industriels de favoriser les tendances de l’Art nouveau et de vouloir faire table rase de la tradition. Bien que les travaux d’élèves présentent des formules décoratives fortement redevables à l’Art nouveau, l’École ne prendra jamais un engagement clair en faveur de ce courant, adoptant une position très discrète dans les polémiques parfois acerbes qui opposeront ses défenseurs et ses détracteurs. En réalité, sa contribution au mouvement moderne sera plus générale et, en un sens, plus profonde. Par un enseignement de plus en plus centré sur l’architecture, l’École incite fortement les jeunes artistes à considérer la décoration intérieure comme un tout qui, de la distribution de l’espace au bibelot, doit être organisé et harmonisé en respectant l’« unité de style ». C’est assurément une manière de revenir aux périodes fastes de l’art décoratif français et de contrer son déclin qui avait débuté avec la fin des

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1. Chapelle du tombeau de l’abbé Deguerry, dans l’église de la Madeleine à Paris, encre de chine et gouache, par Eugène Train, 1871 (Paris, bibliothèque de l’Ensad). 2. Lustre de la salle des mariages de la mairie du XVIe arrondissement de Paris, bronze, par Eugène Train, vers 1880 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

2.

corporations et s’était poursuivi avec l’industrialisation. Tout au long du XIXe siècle, les styles du passé avaient triomphé, notamment l’éclectisme avec ses ornements « en agrafe » appliqués sur une structure à laquelle ils n’étaient pas intimement liés. Depuis les années 1870, la conception rationaliste du lien logique qui doit unir le matériau, la fonction et la forme, la structure et l’ornement, s’était répandue grâce au travail de vulgarisation effectué par Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc. Rappelons que le passage de Viollet-le-Duc à l’École avait laissé une empreinte indélébile : les architectes Victor Ruprich-Robert, Eugène Train, Charles Genuys ou Hector Guimard qui enseignent après lui s’inscrivent dans la droite ligne de son enseignement, élargissent leurs compétences à l’aménagement d’intérieurs ainsi qu’à la conception de meubles et d’objets de la vie quotidienne. La connaissance de l’architecture est considérée comme indispensable à l’artiste décorateur qui ne veut plus être un simple exécutant ; elle lui fournit les outils indispensables à une organisation rationnelle et unifiée de l’espace. Par ailleurs, la réforme de l’enseignement du dessin selon la « méthode Guillaume » – qui insistait sur l’analyse « positive » et fondait cette discipline sur la géométrie et sur la perspective – ne pouvait que renforcer la tendance à accorder à l’architecture une place de plus en plus centrale au sein de l’École. Concrètement, la réorganisation des études d’architecture se déroule en plusieurs étapes. En 1874, les élèves désireux de concourir aux grands prix de fin d’année et au prix Percier se voient imposer le cours de géométrie, obligatoirement associé à celui d’architecture. En 1880, un cours de législation du bâtiment est confié à Édouard Mulle et l’année suivante l’assemblée des professeurs déclare que désormais l’ensemble des programmes sera remanié en fonction de l’enseignement d’architecture. Résultat : en 1884, l’étude du dessin géométrique devient la condition nécessaire à l’inscription à tous les cours de première division, et cinq ans plus tard, l’accès à la deuxième division de dessin ou de sculpture est soumis à la même restriction32. En 1896, on reprend entièrement la structure des cours, qui sont alors divisés en deux sections : l’une dite « préparatoire » et « scientifique », comprenant la géométrie descriptive, le tracé des ombres et la perspective, à laquelle ont seulement accès les élèves ayant obtenu

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Trépied en bois sculpté, par Henri de Waroquier, ancien élève de l’École, dans Revue des arts décoratifs, 1901 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

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un minimum de huit points aux épreuves de géométrie élémentaire et d’arithmétique ; l’autre, dite « première », comprenant la construction et la composition architecturale, ouverte aux élèves ayant obtenu un minimum de huit points à la section « préparatoire »33. L’architecture occupe une place grandissante dans les programmes de l’École, mais aussi dans les discours qui ponctuent sa vie : les distributions des prix de fin d’année sont à chaque fois l’occasion d’insister sur la place centrale désormais accordée à cette discipline, et les bourses ou certains prix, tels celui du Voyage de la Ville de Paris ou celui de l’Union centrale, sont attribués de préférence à des élèves qui montrent des dispositions particulières pour cette discipline. La génération qui fréquente l’École à partir du début des années 1890 saura profiter de l’enseignement entièrement réorganisé par Louvrier de Lajolais avec tant de constance et de passion. Nombreux sont les tenants de l’Art nouveau qui sortent de ses rangs : l’ébéniste Tony Selmersheim (1871-1971), le dessinateur industriel Félix Aubert (18661940) ou le décorateur Maurice Dufrêne (1876-1955) sont particulièrement représentatifs, même si d’autres mériteraient d’être cités34. Les réalisations de ces artistes témoignent de la justesse de l’orientation adoptée par l’École après des décennies d’hésitations. Les meubles du premier, les dentelles, les décorations murales, les textiles et les céramiques du deuxième, les aménagements intérieurs du troisième montrent qu’elle contribua de manière essentielle à l’éclosion de ce « maître d’œuvre » tant réclamé à partir des années 1870. Leurs créations attestent une grande capacité à prendre en compte les besoins et les goûts d’une large clientèle, ainsi que les exigences de la production industrielle, sans négliger pour autant la recherche d’un style moderne, se situant à une égale distance de la tradition comme d’une avant-garde trop intransigeante. De l’Art nouveau à l’Art déco, Selmersheim, Aubert et Dufrêne créèrent, comme tant d’autres qui se formèrent rue de l’École-de-Médecine, des ensembles et des objets qui, audelà du style qui les caractérise, valent pour la maîtrise nouvelle dont ils font preuve : maîtrise de la conception et du projet, du choix et de la mise en œuvre des matériaux, de la coordination et de la direction technique des ouvriers, de l’exécution jusqu’à la commercialisation du produit final. Notes : 32. Procès-verbaux des séances des 26 mars 1874, 6 décembre 1880, 3 octobre 1881, 6 octobre 1884, 14 octobre 1889, AN, AJ 53/5. 33. Ibid., séance du 12 octobre 1896. 34. Sur Tony Selmersheim, voir ROSSELLA FROISSART, « Charles Plumet (1861-1928), Tony Selmersheim (1871-1971) et l’Art dans tout” : un mobilier rationnel pour un art “social” », Bulletin de la Société des historiens de l’art français, hiver 2002 ; sur Aubert, voir « Félix Aubert, “Art dans tout”, and Art Nouveau Lace », Studies in Decorative Arts, vol. VIII, 2, printempsété 2001, p. 37-76.

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• L’Art nouveau à l’École des arts décoratifs Après un long purgatoire entamé dès 1900, c’est-à-dire à peine cinq ans après sa naissance quasi officielle dans le magasin-galerie de Siegfried Bing, l’Art nouveau est désormais reconsidéré et étudié dans toutes ses composantes : du bibelot raffiné et expérimental en matière de formes et de matériaux aux travaux de l’école de Nancy, dont la production couvre un large éventail allant de la pièce unique et précieuse aux objets commerciaux, en passant par les recherches croisées des peintres, sculpteurs et architectes dans le domaine de l’habitat et de la décoration intérieure. L’un des courants les plus féconds de ce mouvement fut celui issu des théories d’Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc. Le rationalisme vulgarisé par les nombreux écrits du célèbre architecte s’implante durablement à l’École grâce à l’enseignement dispensé par ses élèves et épigones, de Victor Ruprich-Robert à Eugène Train, de Charles Genuys à Hector Guimard, qui s’efforcent d’inculquer aux élèves plusieurs principes : respect des matériaux et des techniques, unité architecturale et stylisation fonctionnaliste de l’ornement, qui souligne, en l’explicitant, la fonction, évitant d’en brouiller la lecture. Le Traité de la flore ornementale de Ruprich-Robert (1866-1876), qui prône le retour à la nature non par une imitation servile mais par une rationalisation fonctionnaliste de l’ornement, compte d’ailleurs parmi les ouvrages annonciateurs de l’Art nouveau. De son côté, Genuys souligne les racines rationalistes du nouveau style en déclarant que « cet art [l’Art nouveau], pour subsister et se développer, devra [...] rester dans les limites d’une logique absolue quant à l’emploi des matériaux et à l’appropriation aux besoins imposés35 ». Tout comme les tenants de l’Art nouveau, l’École rejette la sempiternelle reprise des styles du passé, inadaptés à la vie moderne et à l’industrialisation croissante, au profit de l’invention. Cette position d’avant-garde lui vaut des critiques parfois acerbes de la part des industriels attachés aux modèles anciens. Quelques-uns parmi les créateurs de l’Art nouveau se forment ou enseignent (ou les deux) à l’École : Genuys et Guimard, déjà cités, mais aussi Auguste Delaherche, Albert Dammouse, Lucien Bonvallet, Lucien Hirtz, Pierre Séguin, Eugène Gaillard, François Decorchemont, Félix Aubert, Tony Selmersheim ou Maurice Dufrêne. Notes : 35. Revue des arts décoratifs, 1901, p. 4.

Concours pour la décoration de la serrurerie d’une porte, 4e prix : M. Deribaucourt, dans Revue des arts décoratifs, 1902 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). Castel Béranger, vue de la grande cour ouvrant sur le hameau Béranger, par Hector Guimard, 1899.

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Lit de repos de chambre à coucher, par Charles Plumet et Tony Selmersheim, dans L’Art décoratif pour tous, 1902 (Paris, bibliothèque Forney).

• Un ancien élève type : Tony Selmersheim (1871-1971) Après avoir joui d’une grande notoriété pendant la période Art nouveau, Tony Selmersheim poursuit son activité jusqu’à la fin des années 1930. Fils de Paul Selmersheim, architecte diocésain de stricte obédience viollet-leducienne, Tony bénéficie sûrement d’un milieu familial culturellement stimulant. Selon son propre témoignage, il s’inscrit en 1890 à l’École des arts décoratifs dans la classe de « bosse » (les registres d’inscription le mentionnent parmi les élèves primés en 1893), mais complète sa formation en suivant aussi les cours d’une autre pépinière parisienne de décorateurs, l’École Guérin, où enseigne Eugène Grasset. Les prix qu’il remporte dans les deux écoles témoignent de ses débuts brillants pour lui qui avait appris à maîtriser à la fois les lois de la composition et l’emploi de matériaux divers. Par ailleurs, dès son entrée sur la scène artistique il se montre intéressé par les nouveaux procédés mécaniques de fabrication : en 1895, il expose au Salon de la Société nationale une bibliothèque conçue pour être réalisée mécaniquement, trait assez original pour être remarqué par la presse. Cette ouverture d’esprit est aussi le résultat d’un enseignement que Louvrier de Lajolais avait voulu adapter aux bouleversements subis par les métiers d’art. N’avait-il pas affirmé en 1882 la nécessité pour l’École de former des artistes capables de fournir « des modèles excellents dont la reproduction puisse se faire industriellement », afin de fabriquer des produits à bon marché ? Associé à l’architecte Charles Plumet et avec lui membre de l’Art dans tout (1896-1901), Tony Selmersheim est l’un des premiers décorateurs à prendre en compte les procédés mécaniques dans la conception du mobilier et de sa décoration, et équipe ses ateliers en conséquence. Les meubles et les luminaires qu’il réalise entre 1895 et 1904 avec son associé restent les exemples les plus remarquables d’un rationalisme pragmatique dont l’École se fit la vulgarisatrice efficace.

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Châle en dentelle de soie polychrome, modèle dessiné pour la maison Georges Robert à Courseulles, par Félix Aubert, dans La Maison moderne (Paris, collection particulière).

• Un artiste industriel à l’École : Félix Aubert (1866-1940) Après avoir commencé par dispenser des conférences, Félix Aubert est professeur à l’Atelier d’art industriel de 1907 à 1935. C’est Charles Genuys qui demande à l’administration des Beaux-Arts d’engager à la place de Marcel Rouillard, décédé, cet artiste très lié à l’industrie et représentant majeur de l’Art nouveau. Aubert joue un rôle de première importance en tant que décorateur de surfaces : il fournit des modèles de dentelles, papiers peints, tentures, pochoirs, tapis, tissus imprimés ou brodés. Malheureusement, son œuvre ne peut aujourd’hui être appréciée que par les reproductions publiées dans des revues et par les quelques pièces conservées dans les collections publiques (musée des Arts décoratifs de Paris, musée de Mulhouse) ou privées (Courseulles-sur-Mer, Calvados). C’est peut-être par le biais des fabricants de tapis à Aubusson (la manufacture Sallandrouze frères), avec qui il collabore, qu’Aubert est appelé comme conférencier à l’École, où il est particulièrement apprécié sur des sujets techniques de décors textiles. Mais il est aussi connu dans les milieux artistiques parisiens comme membre du groupe « l’Art dans tout » (1896-1901), avec qui il expose et collabore dans le cadre de créations collectives. Il travaille en même temps pour la galerie Maison moderne de Julius Meier-Graefe, qui lui consacre des articles élogieux dans les pages de L’Art décoratif. Le nom d’Aubert reste surtout lié à une tentative unique en France de moderniser la production de dentelle, produit de luxe dont il voulait rénover le répertoire décoratif et abaisser les coûts en simplifiant la fabrication. Après avoir breveté les nouveaux procédés de sa « dentelle polychrome » en 1898, il obtient des commandes prestigieuses. Aubert contribua de manière essentielle à faire évoluer le rôle de l’artiste dans un monde profondément modifié par l’introduction de la machine et par l’élargissement de la clientèle : il fut l’un des rares décorateurs de l’Art nouveau à chercher constamment à collaborer avec les industriels, en acceptant de s’adapter aux contraintes de la production et du marché. Ce fut sûrement cet aspect de ses compétences que l’École apprécia en lui confiant la direction d’un atelier appelé désormais « d’art industriel ».

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IV.


Une École supérieure à l’apogée (1914-1941) par Sylvie Martin


Au début du XXe siècle, quelques événements modifient durablement l’organisation et la réputation de l’École des arts décoratifs. À la mort de Louvrier de Lajolais, en 1908, le renouvellement du personnel contribue à la redistribution du contenu des enseignements. À la même date, les écoles des arts décoratifs de Limoges et d’Aubusson redeviennent indépendantes, et l’École de Paris acquiert alors un statut analogue à celui de l’École des beauxarts face à un important réseau d’écoles d’art parisiennes et provinciales. Parallèlement, l’amélioration de ses moyens matériels et, notamment, son déménagement l’autorisent à se développer. À la fin de la Première Guerre mondiale, le renouveau de la production artistique, symbolisé par la naissance d’un nouveau style, l’Art déco, accompagne une période de reconstruction ponctuée par de grandes expositions internationales. Ces dernières profitent à une école en pleine expansion qui trouve là l’occasion de concrétiser sur le terrain ses programmes d’enseignement. Le contexte artistique et économique de l’entre-deux-guerres n’est pas sans conséquences sur le programme de l’École, et notamment sur l’articulation de l’architecture avec la décoration. En effet, le développement de l’Art déco repose sur la collaboration des différents corps de métiers de l’art et de l’industrie, dont celle entre architectes et décorateurs. La crise du bâtiment, quant à elle, qui s’inscrit dans la grande crise économique des années 30, exacerbe les tensions parmi les architectes et fait de l’École l’objet d’un débat très vif sur la légitimité de son enseignement.

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1. Le contexte

de l’entre-deux-guerres

Si la Première Guerre est une période de stagnation, toute l’activité artistique ayant été ralentie et les problèmes de trésorerie de l’État ayant mis en sommeil les établissements d’enseignement, le début de la Seconde est marqué au contraire par plusieurs décisions importantes et par la mise en place de nouvelles structures. La période de l’entre-deux-guerres s’ouvre par une décennie de reconstruction économique et financière. Avec l’évolution sociale, une nouvelle clientèle apparaît, la technique s’impose dans tous les domaines de production, loisirs et spectacles se démocratisent, tandis que de nombreuses avant-gardes se mettent en place.

Le Faucheur, bronze, par Jean et Joël Martel, anciens élèves de l’École, 1941 (BoulogneBillancourt, musée des Années Trente).

Le renouveau des arts décoratifs et l’Art déco La guerre de 1914-1918 ne constitue pas une rupture dans l’évolution de l’architecture et de l’art décoratif du premier quart du XXe siècle. Nombreux sont les artistes contemporains qui illustrent, par leur évolution artistique personnelle, le passage de l’Art nouveau à l’Art déco. Aboutit ainsi, dans les années 1920, l’effort de création qui avait débuté dans les années 1900, avec Émile Gallé ou Hector Guimard, par opposition aux pastiches de la seconde moitié du XIXe siècle. Reste alors à organiser la collaboration entre architectes et décorateurs d’intérieur et entre industriels et ensembliers pour que se réalise le vœu de Roger Marx dans son livre L’Art social publié en 19131, projet repris en 1918 par André Véra, qui met en avant trois principes fondamentaux : le travail en commun sous l’autorité de l’architecte, la géométrie comme langage unique entre le décorateur et l’architecte, et enfin l’importance du travail de l’artisan2. L’immédiat après-guerre n’a pas été défavorable à la production artistique, tant architecturale que décorative. En effet, il a fallu participer à l’effort de reconstruction des provinces dévastées du nord-est de la France, sous la férule du ministère des Régions libérées. Compte tenu des circonstances, les artistes sont obligés d’économiser les matériaux, d’employer une main-d’œuvre souvent non spécialisée, et surtout de produire en série et d’accepter la fabrication industrielle en raison de l’importance et de l’urgence de la demande, ce qui n’est pas sans répercussions sur les bâtiments et le mobilier, même si cette production ne met pas fin pour autant aux ensembles de luxe.

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Notes : 1. Roger MARX, L’Art social, Paris, Fasquelle, 1913. 2. André VÉRA, « La doctrine décorative de demain », Le Matin, 21 novembre 1918.

Salle à manger dessinée par Louis Süe et André Mare, membres de la Société des artistes décorateurs (SAD), pour la Compagnie Bien que l’Art nouveau ait échoué dans sa tentative de promouvoir un art des arts français, 1921 (Paris, musée pour tous, le mouvement moderne que l’on appellera plus tard Art déco, des Arts décoratifs).

du nom de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, reprend à son compte ce désir de démocratisation de l’art décoratif. Il le met en œuvre en réorganisant la production et, dans une moindre mesure, la diffusion. À l’image d’expériences étrangères comme celles du Werkbund ou des ateliers viennois et munichois, un premier atelier de création, Primavera, est créé avant-guerre, en 1912, par un grand magasin, le Printemps, à l’initiative de René Guilleré. Les autres magasins suivent en 1919 : la Maîtrise aux Galeries Lafayette, Pomone au Bon Marché et le Studium aux Magasins du Louvre. La production de ces ateliers, mécanisée sans être massifiée, permet d’obtenir des prix moyens pour des modèles exécutés à une dizaine d’exemplaires. D’autres ateliers, comme l’Atelier Martine de Paul Poiret et l’Atelier français, s’adressent davantage à une élite capable de financer un mode de production artisanal. La diffusion et la vulgarisation du style Art déco sont effectives dès le milieu des années 20 où apparaissent aux salons annuels des ensembles conçus par des créateurs mais édités en nombreux exemplaires, et donc à un moindre coût, par de grandes maisons d’ébénisterie du faubourg Saint-Antoine.

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Living-room, par Marcel Gascoin, ancien élève de l’École, membre de l’Union des artistes modernes (UAM), présenté au Salon de 1930 (Paris, musée des Arts décoratifs, éditions Albert Lévy).

L’âge d’or des ensembliers-décorateurs remet en cause la répartition traditionnelle des tâches entre architectes et décorateurs. En voulant proposer à une clientèle fortunée des éléments de décoration qui, participant d’un luxe modernisé des espaces, sont liés au programme architectural, ces décorateurs contraignent les architectes à partager avec eux des tâches qui leur étaient jusqu’alors réservées. De plus, si le luxe des arts décoratifs ne fait pas l’unanimité auprès de la critique, il connaît un succès tel que l’accès aux commandes tant publiques que privées passe par une sujétion de l’architecte aux caractéristiques stylistiques de l’Art déco. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui se tient à Paris en 1925, témoigne de la ruine définitive du pastiche et de la copie des styles anciens. Elle consacre le triomphe des ensembliers. Succès public incontestable, l’Exposition suscite pourtant une déception chez certains artistes et critiques qui lui reprochent son ostentation luxueuse et, finalement, son élitisme, même si elle fait connaître au monde entier un style nouveau qui va bientôt se répandre dans toute l’Europe et aux États-Unis. Elle met aussi au jour les courants contradictoires qui agitent les milieux artistiques : contemporains contre modernes, tenants du luxe contre adeptes de la standardisation. À partir de là, l’Art déco accède à un statut quasi officiel, tandis que les partisans du modernisme trouvent, avec le métal, le matériau qui va définitivement couper leurs liens avec la tradition et le style bourgeois. Cette tendance est à l’origine de la fondation de l’Union des artistes modernes (UAM) en 1929, qui en sera le symbole tant en matière architecturale que décorative.

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• Paul Dugas, dit «Steck» (1866-1924) Artiste-peintre, Paul Dugas est sous-directeur de l’École nationale des arts décoratifs sous la direction d’Eugène Morand jusqu’à la suppression de ce poste en 1921. Il devient alors le premier inspecteur des Arts appliqués. Auparavant, il avait suivi une carrière pédagogique classique et était devenu en janvier 1902 inspecteur adjoint de l’Enseignement du dessin et des Musées, responsable de l’académie de Caen, des départements de l’Eureet-Loir et de la Seine. Ces responsabilités administratives ne le détournent pas de ses activités artistiques puisque, de 1908 à 1912, il est chargé du cours supérieur de composition décorative à l’École nationale des arts industriels de Roubaix. C’est en tant qu’inspecteur puis membre du Comité central des arts appliqués qu’il effectue plusieurs missions à l’étranger et participe à des congrès internationaux d’enseignement du dessin ou des arts décoratifs. Il devient de 1917 à 1920 directeur du mensuel L’Art français. Nommé inspecteur général des Arts appliqués en 1921, il est chargé en 1923 du programme de la participation des écoles d’art à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Ses fonctions de sousdirecteur lui avaient permis de commencer la préparation de l’Exposition à l’École dès l’armistice, dès que le projet d’une telle manifestation avait été adopté. Il meurt avant l’ouverture de l’Exposition.

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L’action officielle en faveur de l’enseignement artistique Jusqu’en 1932, l’État porte à l’enseignement artistique un intérêt sans précédent avec l’accroissement des ressources accordées aux écoles de dessin et à l’enseignement technique. La politique nationale est tout d’abord guidée par un organisme créé en 1916 par le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts Albert Dalimier : le Comité central pour les arts appliqués. Ce comité, doté de comités régionaux et d’une revue, Les Arts français3, entend remédier aux carences de l’enseignement déjà pointées avant-guerre, notamment par Marius Vachon4 et Paul Steck. Mais l’avis du Comité devient consultatif dès 1918 ; il cesse de s’intéresser aux questions d’enseignement en 1919 pour se consacrer à la préparation de l’Exposition de 1925. En 1921, une Inspection générale des arts appliqués vient s’ajouter à l’Inspection de l’enseignement du dessin et contribue au développement du style Art déco dans les écoles, notamment en encourageant la création de cours de composition décorative et d’ateliers, voire la spécialisation professionnelle. Appuyés par la puissante Société des artistes décorateurs (SAD), les décorateurs entrent à cette époque dans le corps enseignant des écoles d’arts appliqués5. Malgré cette politique, Albert Laprade, nommé inspecteur général du dessin en 1932, dénonce des financements insuffisants et un niveau d’enseignement très hétérogène. Si des membres de la SAD sont à la tête des grandes écoles d’arts appliqués6, les professeurs des écoles de province n’ont reçu aucune formation spécifique alors que les tournées d’inspection se font de plus en plus rares. L’amélioration de la formation des professeurs passe par la création en octobre 1936 d’une section Arts appliqués, dite section C, à l’École normale supérieure de l’enseignement technique. Parallèlement, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts entreprend un rapprochement entre les enseignements artistique et technique, rétablit en 1936 le Comité central des arts appliqués et les comités régionaux. Ce comité est à l’origine d’un rapport préconisant un nouveau plan d’enseignement censé s’appliquer à tous les centres de formation, des écoles maternelles jusqu’aux écoles supérieures, qui connaît un succès mitigé. En 1939, les écoles de province auraient dû être classées en écoles nationales, régionales ou reconnues, afin d’uniformiser les statuts, mais la guerre reporte cette mesure. Quant à la réforme de l’École nationale supérieure des beaux-arts et de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, c’est le gouvernement de Vichy qui la mettra en partie en place.

Nu, dessiné par l’élève François Desnoyers portant corrections à l’encre du sculpteur Antoine Bourdelle, 1923 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

Notes : 3. Les Arts français, Paris, Comité central technique des arts appliqués, 1917-1919. 4. Voir, ici, Rossella Froissart, p. 124-125. 5. Sur toute la question de l’évolution de l’enseignement des arts appliqués, voir Stéphane LAURENT, Les Arts appliqués en France : genèse d’un enseignement, Paris, Éditions du CTHS, 1999. 6. On trouve en effet Georges Bastard à l’École des arts décoratifs de Limoges, André Fréchet à l’école Boulle et Léon Deshairs à l’École nationale des arts décoratifs de Paris.

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Maquettes en terre à modeler pour des pierres tombales, par les élèves Bernager et Cohen, 1916-1917 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

• L’École pendant la Première Guerre mondiale La Première Guerre mondiale correspond pour l’École, comme pour la plupart des institutions françaises, à une période de semi-léthargie, même si quelques faits annoncent l’orientation qui sera bientôt adoptée après la guerre. La suspension du régime des concours pendant toute la durée de la guerre apparaît à tous comme une mesure de justice. Elle permet à l’École d’accueillir des auditeurs libres sans porter préjudice aux élèves partis au front. Ces derniers sont ainsi assurés de retrouver leur place et leur classement à leur retour. Privée d’une partie de son budget, de certains de ses professeurs, de la majorité de ses élèves, l’École est contrainte de diminuer le nombre des cours qu’elle propose en temps normal. Le contenu de l’enseignement s’adapte également aux circonstances. La guerre entre dans les sujets de concours et cette orientation ne reste pas stérile, puisque les sujets proposés seront souvent réellement mis en œuvre après guerre, notamment en architecture. Deux secteurs semblent particulièrement développés : les constructions destinées aux anciens combattants et les reconstructions de villages sinistrés. Au « Pavillon de repos pour convalescents militaires» demandé en dessin d’architecture fait pendant une « Maison de retraite pour soldats blessés » en atelier d’architecture. Quant à l’équipement des communes ayant souffert de la guerre, il s’étend, d’après les sujets proposés à l’École, de l’approvisionnement en eau potable à la participation au culte des morts pour la France, pour finir par un projet de reconstitution d’un village détruit. Non contente d’étudier les besoins qui ne manqueront pas d’apparaître à la fin du conflit, l’École forme également ses élèves aux conditions de travail imposées par une économie laminée par quatre ans de guerre.

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2. La constitution

d’un établissement d’enseignement supérieur

Des modifications significatives du statut de l’École nationale des arts décoratifs (Enad) L’École n’obtient le titre d’ « établissement d’enseignement supérieur » qu’en 1926. Cette mesure intervient alors que, depuis l’Armistice, elle n’a eu de cesse de faire remonter par divers moyens le niveau d’admission des candidats, profitant peut-être du renouvellement important et brutal de ses élèves à la suite de la Première Guerre. Le concours d’entrée joue là un rôle fondamental. Créé pour limiter le nombre d’élèves – les bâtiments ne suffisant plus à les accueillir tous – plutôt que pour exiger un certain niveau de connaissances, il se transforme en 1919. Le candidat doit alors se soumettre, en plus de la spécialité qu’il a choisie, à deux épreuves supplémentaires, l’une de plante (dessinée ou sculptée en fonction de sa spécialité) et l’autre de composition décorative. De la même façon, un concours est institué en 1922 pour les élèves du soir qui en étaient jusquelà dispensés. La difficulté croissante du concours d’entrée ne renie pourtant pas le caractère démocratique de l’École, tel que son fondateur, Bachelier, l’avait défini, et dont l’École s’est toujours prévalu : donner la possibilité à des enfants d’ouvriers d’accéder à l’instruction. Après la Première Guerre mondiale, il n’est, à aucun moment, question de requérir, à l’instar de l’École des beaux-arts, des connaissances artistiques ou scientifiques préalables approfondies. D’ailleurs, l’importance accordée à l’enseignement des mathématiques confirme cette orientation : le cours de mathématiques élémentaires, destiné aux élèves architectes qui n’ont pu accomplir leur cycle d’études secondaires, continue d’être dispensé dans l’entre-deuxguerres.

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Projets de toile imprimée par les élèves Agnès (1914), Imguimberty et Duprey (1919), dans Art et décoration, 1922 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

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Malgré l’obtention du statut d’établissement d’enseignement supérieur, l’École n’obtient pas d’être traitée à égalité avec l’École nationale supérieure des beaux-arts et le Conservatoire national supérieur de musique. Les professeurs de l’École nationale des arts décoratifs restent notamment défavorisés par rapport à leurs collègues puisqu’ils ne sont pas concernés par la revalorisation des traitements des professeurs non fonctionnaires de 1931. Dans ce même processus de valorisation de l’enseignement, l’École connaît un véritable bouleversement avec la création d’un diplôme. L’idée n’est pas neuve puisqu’elle remonte à la direction de Louvrier de Lajolais. Mais, à cette époque, la création d’un tel brevet aurait entraîné la définition fixe d’un cursus scolaire contraire à la liberté accordée aux élèves de choisir leurs enseignements. Lorsque le projet renaît en 1917, c’est à l’instigation des parents d’élèves qui désirent que ce diplôme se substitue aux lettres de recommandation dont leurs enfants ont besoin pour trouver un emploi. Du point de vue des professeurs, il leur permet également d’imposer aux élèves l’enseignement de matières moins appréciées. L’entreprise aboutit en juillet 1920. Sept certificats sont alors créés, six pour la section des jeunes gens, où deux certificats viennent sanctionner deux niveaux de compétence pour une même discipline, et un pour celle des jeunes filles.

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L’exposition des travaux d’élèves, dans L’Illustration, 1931 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Ainsi, en décoration, les deux certificats, dits de « décoration peinte » et de « dessin industriel », sont décernés respectivement aux élèves de dessin de division supérieure et de première division7. Les certificats de sculpture s’adressent aux élèves de l’atelier de première division et à ceux de deuxième division. En architecture, les certificats sont dits de « construction » et de « décoration ». Le premier est d’une teneur beaucoup plus scientifique. Les matières dominantes en sont la composition d’architecture, la composition décorative ainsi que les mathématiques. Le deuxième certificat consacre, lui, les études de l’atelier d’architecture et du cours d’architecture réservé aux élèves décorateurs. L’unique certificat de la section des jeunes filles est dit de « décoration » et peut mentionner une spécialisation en modelage ou en gravure. Avec le temps, l’administration estime que le niveau exigé est tel que le certificat mérite le nom de « diplôme de fin d’études ». Cette modification a lieu en 1933. Notes : 7. La scolarité est organisée en deux ou trois divisions successives : deuxième division, première division et division supérieure.

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Classe de nu pour jeunes filles dans les années 1920 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). Cours mixte de peinture dans les années 1940 (Paris, bibliothèque de l’Ensad).

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Notes : 8. AN, AJ 53/138. Plusieurs anciens élèves de l’école Boulle sont donc admis sans concours à partir de 1933, dont Pierre Giry, Pierre Charras, Jean Dubreuil, Gérard Saddier, André Capelle, etc.

Une école nationale face au réseau des écoles d’arts décoratifs Une fois les écoles régionales créées et organisées, souvent avec Paris comme modèle obligé, l’École devient le lieu où les artistes de province viennent parachever leur formation. Alors que le régionalisme fait fortune, elle revendique sa contribution à l’élaboration d’un style « national », capable de faire face aux grandes écoles étrangères. Aidées par l’administration des Beaux-Arts, les différentes écoles ont tendance à rééquilibrer leur enseignement au profit des applications industrielles et donc de la formation professionnelle. La place des ateliers s’accroît en lien avec le développement du régionalisme dans tous les domaines artistiques. Dès leur détachement de la direction parisienne, les écoles d’Aubusson et de Limoges changent leur programme d’enseignement jusque-là calqué sur le programme de l’ENAD. L’école d’Aubusson réoriente son enseignement vers l’application à l’industrie de la tapisserie, tandis qu’à Limoges la porcelaine prend une place capitale dans le cursus. Ces modifications sont d’ailleurs réclamées par les industriels locaux. Les autres écoles de province suivent la même évolution, sensible dans les choix définis par chacune d’elles lors de l’Exposition des arts décoratifs de 1925. Alors que le hall aménagé par l’École nationale des arts décoratifs de Paris reflète son enseignement général également réparti entre les différentes sections d’architecture, d’art industriel, et de peinture et de sculpture décoratives, les écoles de province ont au contraire tendance à mettre en valeur les travaux d’élèves répondant à des spécificités régionales. Ainsi l’atelier de céramique de l’École nationale des arts appliqués à l’industrie de Bourges choisit de présenter exclusivement des vases en grès du Berry, l’école de Mâcon envoie deux meubles de caractère régional, celle de Marseille des céramiques d’inspiration provençale. Le choix fait par l’École municipale des arts décoratifs de Strasbourg d’exposer ses travaux non pas au Grand Palais mais à la Maison de l’Alsace confirme cette orientation.

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Grande salle du pavillon de l’Enseignement supérieur, montrant des travaux réalisés par l’École nationale supérieure des arts décoratifs à l’Exposition de 1925 dans Rapport général section artistique et technique, XII, enseignement, classes 28 à 36 (Paris, bibliothèque Forney).

Bien que traditionnellement les élèves circulent entre les établissements de province et Paris, il n’existe pas de passerelles officielles. Les élèves de province sont souvent passés par l’école des beaux-arts et d’art décoratif de leur ville avant de venir à Paris. Par ailleurs, à Paris, il n’est pas rare que des élèves des écoles Boulle et Estienne, par exemple, viennent compléter leur formation par celle, plus générale, dispensée par l’École nationale des arts décoratifs. L’École attend 1933 pour entamer une véritable politique de collaboration avec une école, l’école Boulle, et mettre en place une grille d’équivalences entre les enseignements. Les élèves sont désormais dispensés du concours d’entrée à l’ENSAD, à condition d’avoir suivi brillamment quatre ans de scolarité à l’école Boulle. Toutes les sections, à l’exception de celle d’architecture, leur sont ainsi ouvertes. Mais les conditions de niveau sont tellement strictes que certains doivent néanmoins se soumettre au concours d’entrée et que peu d’élèves profitent de cette nouvelle mesure8.

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3. De nouvelles conditions matérielles

L’autonomie financière et la dotation budgétaire Le financement de l’École repose en majeure partie sur une dotation du ministère de l’Instruction publique et, pour une part de plus en plus infime, sur l’autofinancement, tradition issue des rentes et legs sollicités dès l’époque de Bachelier. Si la part de l’autofinancement dans les recettes totales ne cesse de baisser, cela n’affecte pas directement le fonctionnement de l’établissement puisque ces fonds servent surtout à accorder des bourses d’études. Seul le legs Percier n’est pas préaffecté et son utilisation laissée au bon vouloir du directeur, mais la dévaluation le réduit à peu de chose dans l’entre-deux-guerres. Jusqu’à la création en 1931 de bourses d’État pour les élèves de l’enseignement supérieur, le financement de bourses reste une priorité. Après guerre, l’École doit, en partie pour s’aligner sur les autres établissements d’enseignement supérieur, mais surtout afin d’améliorer ses recettes, mettre fin à une tradition qui avait été érigée en principe, la gratuité de l’enseignement. En effet, en 1926, elle met en place la perception de droits pour l’inscription au concours d’entrée, pour l’immatriculation annuelle et pour les diplômes et certificats. En 1939, après plusieurs augmentations, elle a rattrapé le montant des droits perçus à l’École des beaux-arts. Cette part infime du budget que constituent les ressources autofinancées n’a pas d’influence sur un budget global dont l’augmentation constante doit être mise en regard de la dévaluation du franc et de l’inflation qui caractérisent l’entre-deux-guerres. Une baisse est par contre sensible à partir de 19389.

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Soumise à un régime unique en ce qui concerne le traitement de ses professeurs, l’École rentre dans une sorte de « droit commun » en matière budgétaire. Le mode de gestion ainsi que les responsabilités administratives sont assimilés à ceux de l’École des beaux-arts et du Conservatoire. Suivant la tradition d’autofinancement de l’École qui avait fait de ses directeurs les seuls responsables de l’ordonnancement du budget, un décret vient confirmer ces prérogatives en 1930 en instituant l’autonomie financière10. Il fait du directeur le représentant de l’École en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il lui donne toute responsabilité en matière d’engagement, de liquidation et d’ordonnancement des dépenses, dans la mesure où il reste dans la limite des crédits régulièrement ouverts lors du vote du budget, ainsi que dans l’établissement des titres de recettes. L’École des beauxarts et le Conservatoire bénéficient dans le même temps d’une mesure équivalente11. Mais ce mode de gestion qui régissait l’École de fait avant 1930, de droit après, est supprimé quelques années plus tard. En effet, l’autonomie financière est supprimée en 1939 dans les trois établissements où elle avait été instituée et où l’on crée une régie des recettes12. Notes : 9. Avant la Première Guerre mondiale, le budget reste stable autour de 150 000 francs. Il augmente dès 1914 pour atteindre 280 017 francs en 1937 et redescend à 200 801 francs en 1939. 10. Décret du 5 juillet 1930. 11. Les manufactures nationales avaient, quant à elles, été dotées de l’autonomie financière dès 1926. 12. Décret du 6 mai 1939.

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• Eugène Morand (1853-1930) Eugène Édouard Morand naît à Saint-Pétersbourg. Il fait ses études à l’École des beaux-arts où il est élève de Gérôme. Dessinateur et écrivain, il est également auteur dramatique. De 1901 à 1908, il est conservateur du Dépôt des marbres et des ouvrages d’art appartenant à l’État. En 1919, il est nommé membre de la commission constituée au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en vue d’organiser les manifestations d’art destinées à célébrer la victoire. Il entre à l’École des arts décoratifs en 1908 en tant que professeur de peinture décorative. Il en devient directeur en 1910 et reste à ce poste jusqu’en 1926 – la fonction fut d’abord proposée à Victor Champier, directeur de l’École d’art industriel de Roubaix. Il est le père de l’écrivain Paul Morand.

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Eugène et Paul Morand dans le jardin de leur villa «les Oliviers », Villefranche-sur-Mer, 1929 (Paris, Institut de France, fonds Morand).


Le bâtiment de la rue d’Ulm par Roger Henri Expert L’état des locaux de l’École est depuis longtemps décrié. Quand Eugène Morand est nommé directeur en 1908, il se trouve face à une situation complexe dans laquelle sont impliqués le ministère de tutelle, la Direction des bâtiments civils, la Ville de Paris, mais aussi les professeurs de l’École. Il reprend une question en suspens depuis le dernier tiers du XIXe siècle, celle du déménagement ou de la reconstruction de l’École, toujours installée rue de l’École-de-Médecine pour la section des jeunes gens et rue de Seine pour la section des jeunes filles. La nécessité d’aligner l’École sur les conditions matérielles dont bénéficient les écoles d’art décoratif à l’étranger, et notamment en Allemagne, est présente dans tous les esprits. La Ville de Paris mandate d’ailleurs une mission chargée d’étudier les installations de ces écoles en 1914. Même si les projets de déménagement n’aboutissent pas sous la direction de Morand, un premier programme architectural pour la nouvelle école est rédigé par la Direction des bâtiments civils en 1911. En s’éloignant des plans dessinés par Charles Genuys en 1888, il rejoint en plusieurs points les choix déterminés par Auguste Louvrier de Lajolais à Limoges et intègre certaines nouveautés nécessaires à l’évolution de l’enseignement. Lieu de travail, l’École ne peut abriter qu’un programme décoratif limité qui, sinon, distrairait les élèves de leurs études. Tous les critères d’éclairage et de chauffage inhérents à une école d’art sont enfin respectés. La disposition générale des locaux répond à certains critères déjà appliqués à Limoges. La séparation des deux sections est maintenue mais des communications sont prévues, notamment par l’espace administratif. Chaque salle de cours est affectée à un enseignement particulier. Des ateliers sont réservés à la décoration et à la sculpture. Les espaces communs sont constitués de deux amphithéâtres, d’une grande salle d’enseignement technique divisée en ateliers13, d’une bibliothèque, d’une salle d’exposition permanente accessible au public. De même que Louvrier de Lajolais l’avait voulu à Limoges, on consacre une place importante aux différents dépôts et surtout à l’étude de la nature grâce à un jardin et à une serre. L’espace uniquement destiné à l’enseignement représente une surface de 2 175 m2, soit 1 155 m2 réservés à la section des jeunes gens, 500 m2 à la section des jeunes filles et 520 m2 aux amphithéâtres et à la grande salle d’enseignement technique. Notes : 13. AN, F 21/5955, programme du 13 février 1911. Cette idée est sans doute celle que l’on peut le plus attribuer à la direction des Bâtiments civils, dans la mesure où la direction de l’École s’est toujours opposée à l’introduction d’ateliers techniques à l’École. La salle qui est prévue ici a des dimensions considérables : elle doit faire de « 300 à 400 mètres carrés » et comprendre « 12 ateliers au moins ».

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1. Projet pour la reconstruction de l’Ecole des arts décoratifs à Paris, rues Michelet, Pierre-Michel et Denfert-Rochereau, par l’architecte Edmond Thoumy, dans L’Architecture, 1922 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. Le hall d’entrée dessiné en 1927 par Roger Henri Expert, après remaniement en 2004 par Luc Arsène-Henry et Philippe Starck. 3. La porte d’entrée de la rue d’Ulm et sa grille avec la figure d’Athéna, executée par Raymond Subes, dans L’Illustration, 1931 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Avec la guerre, le projet est ajourné, et il n’est relancé qu’en 1925. Le projet définitif n’est pas une construction mais un déménagement qui s’effectue en 1928 au 31 de la rue d’Ulm. Ancienne École des postes occupée par l’École polytechnique, le bâtiment communique par son quatrième étage avec l’immeuble du 29 cédé au musée pédagogique14. L’avant-projet d’aménagement, qui date d’avril 1927, est dû à Roger Henri Expert15, qui conçoit des aménagements touchant à la fois au gros œuvre et au mobilier. Il abaisse notamment le niveau du sol du vestibule pour permettre l’accès par la rue d’Ulm, celui-ci se faisant auparavant par la rue Lhomond. Il réorganise les installations sanitaires et la chaufferie, ouvre des baies dans le vestibule, installe l’électricité, crée un monte-charge pour la manutention des modèles, consolide la charpente et prévoit le mobilier. Certes, ces aménagements permettent de bénéficier de locaux plus vastes, mais ils n’induisent qu’une seule innovation : la réunion des deux sections dans des locaux communs. En effet, le quatrième étage du bâtiment principal est pour moitié réservé aux jeunes filles, et pour moitié à des loges à l’usage des jeunes gens et aux ateliers. Cette installation, faite à moindres frais par rapport au coût d’une construction, ne répond que très peu au programme de 1911. D’ailleurs, l’espace lui-même ne tarde pas à faire défaut.

1.

Dès l’installation en 1928, il est nécessaire de construire au fond du jardin un bâtiment destiné à contenir une salle d’exposition et des ateliers que le corps principal du bâtiment ne peut loger. Or, le terrain sur lequel est construit ce local est revendiqué par l’École normale supérieure qui désire y achever l’aménagement de ses laboratoires. Alors que l’École est contrainte de démolir ce bâtiment en 1934, elle réclame la construction d’une aile en retour au bâtiment principal16, projet pour lequel on fait de nouveau appel à Expert et qui pointe clairement toutes les lacunes du bâtiment existant.


2.

Le programme de la nouvelle aile prévoit en effet un rez-de-chaussée occupé par trois ateliers de sculpture, un premier étage dédié à des salles d’exposition permanente, un second étage destiné à des ateliers d’architecture desservis par une entrée indépendante. Mais il n’est pas donné suite à ce projet et l’insuffisance des bâtiments devient patente lorsque le directeur, Léon Deshairs, dresse le portrait d’une « école idéale », moins de dix ans après le transfert rue d’Ulm17. Cette école reprend les idées énoncées par Louvrier de Lajolais sur la nécessité d’une serre, d’un jardin et d’une collection, mais aussi une idée originale du projet de collège formé par l’Union centrale des arts décoratifs en 1866, qui consistait à accorder à des artistes des ateliers au sein du collège afin de mettre les élèves à leur contact. Deshairs propose en effet dans le même dessein que chacun des principaux professeurs bénéficie d’un atelier personnel.

3.

Notes : 14. Musée situé actuellement à Rouen et dépendant de l’Institut national de recherche pédagogique qui occupe toujours le bâtiment du 29, rue d’Ulm. 15. Sur Expert, voir COLLECTIF, Roger-Henri Expert 1882-1955, Paris, IFA/Moniteur, 1983, 240 p. 16. AN, F 21/5955, lettre de Deshairs au directeur général des Beaux-Arts, datée de juillet 1934 : « le bâtiment projeté formerait une aile d’environ 50 mètres de long sur 10 de large, perpendiculaire au bâtiment de la rue d’Ulm et en bordure de la rue Courcelle-Seneuil [rue séparant l’École normale de l’École des arts décoratifs]. » C’est à cet endroit qu’a été construite en 1998 la nouvelle aile de l’ENSAD. 17. AN, F 21/7543, rapport de Deshairs adressé au directeur général des Beaux-Arts, daté du 29 janvier 1937.

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Notes : 18. AN, Ensad/16. Rapport de Pol Neveux, inspecteur des bibliothèques, daté du 23 novembre 1928. Neveux s’étonne « qu’avant-guerre et durant très longtemps on se soit préoccupé dans les achats de donner satisfaction aux maîtres plutôt qu’aux élèves. Les anciennes concessions ministérielles sont déplorables. »

De nouveaux supports pédagogiques Dès la rentrée de 1919, à l’initiative d’un des ses enseignants, Adrien Bruneau, chef de l’atelier d’études documentaires, l’École introduit le cinéma comme outil d’enseignement. Les films projetés sont des documentaires portant sur des sujets aussi divers que le sport, les activités industrielles, les animaux, la découverte d’une région, etc., et ils visent surtout à faire découvrir aux élèves des objets et des motifs naturels qui leur serviront dans leurs compositions décoratives. Ils présentent également des études de mouvements musculaires chez l’homme et les animaux. L’introduction du cinéma dans l’enseignement, associée aux exercices de croquis rapide, n’est discutée au niveau national que lors du Congrès de l’enseignement du dessin qui se tient à Paris en 1925. À la suite de cette première expérience, d’autres professeurs ou conférenciers utilisent ce moyen pour étayer leur discours et rendre les exemples pratiques plus concrets encore. Ainsi le professeur du cours technique de construction créé en 1932 projette-t-il à ses élèves des films américains, allemands et français sur les différents procédés de construction. En revanche, l’École manifeste un désintérêt flagrant pour sa bibliothèque. Si le déménagement a enfin permis de lui affecter des locaux, le bibliothécaire, Édouard Monod, réclame dès 1928 une inspection : il se plaint d’une absence de catalogue qui l’empêche de connaître son fonds, mais surtout d’une inadaptation des ouvrages conservés aux besoins des élèves. L’inspecteur relève en effet que la plupart d’entre eux sont des livres de luxe dont le contenu extrêmement érudit ne peut être d’aucune utilité pour les élèves18. Il manque le nécessaire, c’est-à-dire des manuels, des biographies des grands maîtres, des traités résumant les grandes tendances de l’histoire de l’art, des publications récentes qui seules traitent des tendances de l’art moderne. Les recommandations de l’inspecteur restent lettre morte, et l’École semble se désintéresser de plus en plus de sa bibliothèque. Lors des restrictions budgétaires de 1935, l’un des postes supprimés est celui du bibliothécaire-archiviste. Même après son rétablissement, et malgré le déblocage d’un fonds spécial pour des acquisitions en 1938, la bibliothèque n’est pas considérée comme un outil de travail pour les élèves. En 1941, elle n’est toujours ouverte que huit heures par semaine.

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La salle de lecture de la bibliothèque, dans L’Illustration, 1931 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

Le renouvellement des supports pédagogiques passe également par l’organisation de visites culturelles et professionnelles. Celles-ci sont prises en charge par l’association des élèves, dite la «Grande Masse ». Créée en 1899, elle connaît pendant la guerre et dans l’immédiat après-guerre une certaine léthargie, mais retrouve dans les années trente une grande activité. Elle tente alors de faire profiter le plus grand nombre d’élèves de ce que les bourses de voyage ne permettent qu’à quelques-uns et multiplie conférences et visites, certaines hors de Paris et même à l’étranger. Le voyage en Belgique auquel prennent part douze élèves en 1933 inclut Bruxelles, Bruges, Anvers, Gand, Malines, Saint-Rombaud. Incapable financièrement d’organiser autant de voyages qu’elle le désirerait, la Masse désire développer le système des bourses de voyage mais en lui donnant une nouvelle dimension : ces bourses s’adresseraient en effet non pas aux élèves en cours de formation, mais à ceux déjà sortis de l’École. Attribuées indifféremment à quelques architectes, peintres ou sculpteurs, elles leur permettraient de compléter leur éducation artistique en Europe ou dans les colonies, un peu sur le modèle du prix de Rome. Le ministère refusant de financer ces bourses, ce projet de 1938 n’aboutit pas. Parallèlement à ces sorties culturelles, l’association organise également des visites professionnelles.

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Un grand magasin, projet de l’élève Laborde, division supérieure, dans Arts décoratifs, 1929 (Paris, bibliothèque Forney).

• La Grande Masse Créée en 1899, cette association des élèves, qui prend le même nom que celle de l’École des beaux-arts, est à ses débuts une coopérative chargée de fournir aux élèves le matériel utile aux travaux de l’École, et ce à des prix plus avantageux que ceux proposés dans les commerces avoisinants. Peu à peu, les activités de la Grande Masse s’étendent. L’organisation s’occupe plus tard d’un dîner annuel, puis de visites, conférences, tombolas, banquets ou matinées dansantes. Lors de la reprise de ses occupations après la Première Guerre, la Grande Masse s’oriente principalement vers l’organisation de visites à finalité culturelle ou professionnelle. Le choix des destinations est révélateur d’un état d’esprit constant chez les élèves de l’École. La visite du château de Pierrefonds, organisée en 1930, n’est-elle pas en effet une sorte d’hommage à Viollet-le-Duc ? L’enseignement technique devient une préoccupation de l’association. Les sorties consistent le plus souvent en une visite des collections d’une maison d’industrie d’art, puis en une rencontre avec l’un des responsables de la fabrique qui explique aux visiteurs les techniques de fabrication. Ces visites tentent d’aborder plusieurs spécialités industrielles : verrerie, ébénisterie, textile, etc. En 1932 sont par exemple organisées la visite de la galerie d’exposition de Lalique, suivie d’une réception par Lalique, puis d’une

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rencontre avec le directeur commercial, et la visite de l’hôtel particulier de Jacques Émile Ruhlmann, rue de Lisbonne. En ce qui concerne les sorties destinées aux élèves architectes, peut-être du fait du nombre important de contraintes techniques qu’imposent ces établissements et qui font tout leur intérêt, un théâtre est visité chaque année. Les élèves ont ainsi l’occasion de s’informer sur la sécurité contre l’incendie, les effets d’éclairage, l’étude des effets acoustiques, la ventilation, le chauffage, les effets électrodynamiques et optiques, les manœuvres des plateaux et le chargement automatique des scènes et des décors, etc. En 1931 a lieu la visite du théâtre Pigalle, suivie en 1932 de celle du théâtre de l’Alhambra. Mais la grande réalisation de la Masse, destinée aux architectes, est la création d’un atelier extérieur en 1932. Les élèves ont à leur disposition dans cette salle de travail distincte des salles de cours tout le matériel qui leur est nécessaire, ainsi qu’une bibliothèque comprenant des publications tant françaises qu’étrangères. Dans l’entre-deux-guerres, la Grande Masse s’associe à l’association des anciens élèves pour publier une revue, le Bulletin de la Société des architectes diplômés par l’État DAD, de la Grande Masse, de l’association des anciens élèves de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Boulogne, Éditions de l’Architecture d’aujourd’hui, 1923-1939).

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Paris 1925, Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, gouache sur papier, par René Prou, professeur d’art industriel à l’École de 1935 à 1947, 1925 (Paris, musée de la Publicité).

4. Le perfectionnement de l’enseignement supérieur

Le perfectionnement des savoirs et la généralisation de l’enseignement d’atelier Dans l’entre-deux-guerres, l’École des arts décoratifs conforte le système de l’enseignement en atelier qui demeure le couronnement des études. Poursuivant la politique qu’il avait entreprise avant 1914, Eugène Morand ouvre les ateliers à tous les domaines de la décoration et les hiérarchise. En outre, un plus grand nombre d’élèves y ont accès à partir des années 20 et 30. Les élèves du soir bénéficient à partir de 1921 de la répétition de trois ateliers : celui d’art industriel d’Aubert, celui d’études documentaires de Bruneau, et un dernier, de composition décorative, dirigé par Théodore Lambert. Les jeunes filles doivent attendre 1932 pour être admises dans les ateliers. Cette idée n’émane d’ailleurs pas de l’administration de l’École mais des élèves eux-mêmes qui réclament une égalité de formation afin de permettre notamment une égalité face aux concours de recrutement pour l’enseignement du dessin, ouverts indifféremment aux jeunes gens et aux jeunes filles19. Cette mesure permet de commencer d’uniformiser l’enseignement et introduit le principe de mixité. Les jeunes filles ont finalement accès, dans la limite des places disponibles, aux ateliers d’art industriel et de peinture décorative. Elles peuvent être admises dans les divisions d’architecture et y suivre les cours de mathématiques, de géométrie et de construction. Conférences et cours oraux sont mixtes eux aussi, à l’exception du cours d’anatomie comparée. Cette évolution s’inscrit dans une optique bien précise de l’enseignement en atelier qui ne doit en aucun cas être spécialisé ou technique, le type de décoration enseigné prévalant toujours sur le support envisagé. Cette orientation, longtemps discutée à l’extérieur de l’École, n’empêche cependant pas la création de quelques cours optionnels spécialisés dans une technique décorative particulière. La création en 1911 de l’atelier d’études documentaires dans les deux sections, après celle de l’atelier d’art industriel en 1907, a des conséquences sur l’enseignement des autres ateliers. Camille Boignard, professeur d’architecture, puis de composition décorative, y voit en effet la possibilité pour Morand d’orienter différemment son cours de peinture décorative, en insistant moins sur son aspect industriel pris en charge précisément par les ateliers d’études documentaires et d’art industriel. Alors que l’atelier d’art industriel s’est quasiment spécialisé dans les matières textiles, la création de l’atelier d’études documentaires permet de rétablir l’équilibre entre les différents matériaux d’application.

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Notes : 19. De nombreux élèves de l’École s’y sont toujours présentés avec un taux de réussite assez élevé. Cependant, on peut remarquer que les jeunes filles y rencontrent beaucoup moins de succès qu’avant la Première Guerre mondiale. En 1932 par exemple, 14 des 57 admis au concours sont des élèves de l’École. Parmi ceux-ci, on dénombre 11 jeunes gens et seulement 3 jeunes filles. D’après le massier des décorateurs, Régner, cet échec relatif des jeunes filles s’explique de la façon suivante : «À notre avis, il manque aux jeunes filles de notre école l’atmosphère si spéciale des ateliers » (Bulletin de la Société des architectes diplômés par l’État, juin 1932, n° 36, rubrique «Grande Masse »). 20. Paul Renouard est professeur de dessin de croquis depuis 1902. En 1909, il crée un cours au parc de Saint-Cloud pour les élèves de la division supérieure de dessin. 21. AN, AJ 53*8, en 1919, le docteur Rondeau, de Nice, fait don à l’École d’une collection de dessins d’élèves de Lecoq de Boisbaudran. 22. Horace LECOQ DE BOISBAUDRAN, L’Éducation de la mémoire pittoresque et la formation de l’artiste, précédé d’une notice sur la vie de l’auteur, Paris, Laurens, 1920, 176 p. 23. AN, AJ 53/150, le sujet des études de plein air pour l’année 1913-1914 est « le travail ». Les élèves doivent rapporter pochades et croquis d’études du «travail sur les quais, sur la voie, sur les chantiers, etc. ». La composition de fin d’année doit symboliser le travail, mais les concurrents peuvent choisir de réaliser une illustration, une affiche, une frise, etc.

1.

Ce nouvel enseignement prévoit des études en plein air déjà mises en place par un autre enseignant, Paul Renouard20, et qui s’inscrivent dans la tradition de la méthode d’enseignement du dessin élaborée en son temps par Lecoq de Boisbaudran. Lorsqu’en 1919 l’École reçoit une collection de dessins des élèves de ce dernier21, Morand pense à réintroduire « l’éducati on de la mémoire pittoresque22 » dans l’enseignement, idée qui suscite des polémiques et qui ne sera pas appliquée faute de crédits. Ce travail en plein air est à rapprocher de celui pratiqué dans les ateliers d’applications décoratives peintes et sculptées, où les élèves utilisent des modèles en mouvement. Autour d’un thème unique choisi pour toute l’année, les élèves doivent collecter pendant plusieurs mois pochades et croquis exécutés en extérieur, avant de réaliser, à partir de ces exercices, une composition en fin d’année et à l’École23.

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2.

1. Cours d’ameublement et de décoration enseigné par René Prou, dans Plaisirde France, 1943 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs) 2. Nord Express, lithographie couleur sur papier, par Cassandre, responsable d’un cours libre sur l’affiche publicitaire à l’École en 19321933, 1927 (Paris, musée de la Publicité). 3. Exposition. Union des Artistes Modernes, lithographie couleur sur papier, par Jean Carlu, responsable d’un cours libre sur l’affiche publicitaire à l’École à compter de 1934, 1931 (Paris, musée de la Publicité).

3.

Cet effort pour rendre les enseignements de haut niveau accessibles à tous les élèves s’accompagne de mesures leur permettant de se différencier les uns des autres en intégrant dans leur cursus davantage de cours spécialisés. Ainsi décide-t-on en 1922 d’insérer dans le programme du cours d’histoire de l’art une partie consacrée à l’histoire du costume. D’autres enseignements spécialisés sont créés dans le même esprit : un cours libre sur l’affiche publicitaire confié à Cassandre en 1932 et 1933, interrompu puis repris par Jean Carlu à la rentrée de 1934, un cours sur le vitrail sous la responsabilité du maître verrier Burgsthal, un cours d’éclairage dispensé par Salomon à partir de 1939. La création du cours d’éclairage en 1939 est à mettre en relation avec le fait que, la même année, le Salon des artistes décorateurs, ouvert au Grand Palais le 11 mai 1939, est jumelé avec un Salon de la lumière. On projette également d’ouvrir des ateliers de technique et de sculpture sur bois, mais qui ne verront pas le jour en raison de difficultés budgétaires. L’École permet en outre aux élèves de se familiariser avec les spécialités professionnelles par le biais de conférences et de visites organisées par des personnalités extérieures. En effet, aux traditionnelles visites dans les musées qui se multiplient viennent s’ajouter des visites d’ateliers et des conférences données par des industriels et des artistes à l’École ou sur les sites mêmes de production.

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La section d’architecture au centre de l’École L’architecture a suscité de nombreux débats tout au long de l’histoire de l’École, et elle a toujours occupé une place originale dans son enseignement. Les réformes de l’entre-deux-guerres visent à la fois à consolider les connaissances scientifiques des futurs architectes et à renforcer les spécificités de l’École par rapport aux autres écoles d’architecture. Au sein de l’établissement, les élèves architectes bénéficient d’une situation particulière puisqu’ils peuvent définir eux-mêmes la progression de leurs études, ce qui est impossible dans les autres sections. La durée des études, en moyenne de cinq ans, n’est pas limitée : les élèves peuvent ainsi accepter de travailler dans un cabinet d’architecte ou sur un chantier, et différer leurs études. Le système des cours du soir est pour cette raison beaucoup plus développé en architecture qu’en dessin ou en sculpture. Pour permettre aux élèves de concilier leur cursus avec un travail rémunéré, ils sont autorisés, à partir de la division supérieure, à exécuter leurs projets chez eux et à suivre les exercices de dessin et de modelage ainsi que le cours de composition décorative indifféremment en seconde ou en première division. La section d’architecture voit son importance numérique relative augmenter, puisque, dans les années 30, la section des jeunes gens est composée pour moitié d’élèves architectes, alors que ces derniers étaient nettement minoritaires auparavant24. Discipline à part entière, l’architecture continue de servir d’enseignement de base à toutes les sections de l’École. En effet, décorateurs, peintres et sculpteurs continuent d’être initiés aux principes de la construction. Quant aux élèves architectes, ils ne sont pas non plus isolés dans leur section puisqu’ils bénéficient d’une instruction élémentaire dans les divers domaines de la décoration. Comme cela a toujours été le cas à l’École, les cours d’architecture adoptent un parti de modernité, au fait des évolutions des besoins et des techniques. L’enseignement d’architecture, modelé par le passage à l’École de professeurs tels que Eugène Viollet-le-Duc25, Eugène Train26 et Charles Genuys27, se réclame toujours « des Principes immuables d’une Architecture rationnelle, répondant aux besoins de chaque Époque, essentiellement soumis aux principes de l’Art de construire et de l’emploi des matériaux modernes28 ». Cette volonté est clairement revendiquée par un programme qui dit de cet enseignement que, « s’il fait son profit des expériences du passé, il exclut

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Halte-relais pour automobiles, construit à l’occasion de l’Exposition des arts décoratifs de 1925, par l’architecte Henri de Renoncourt, ancien élève de l’Ecole, dans l’Illustration, 1925 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).

la copie et le pastiche des styles anciens29 ». Il s’applique à tous les types d’édifices, des habitations privées aux bâtiments publics. Les élèves sont amenés à composer tant sur des constructions considérées isolément que sur des ensembles qui nécessitent des connaissances d’urbanisme. Au cours de l’année de division supérieure, un programme d’urbanisme portant sur l’aménagement ou sur l’extension d’une ville existante est même soumis aux élèves. L’École ne prévoyant pas d’enseignement spécifique dans ce domaine, les élèves sont incités à suivre pendant au moins deux ans, de façon régulière, les cours de l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris. Parce que le but poursuivi par l’École est de former à tous les corps de métier nécessaires à la construction et à la décoration d’un édifice30, la section d’architecture n’est pas isolée des autres sections afin d’établir les bases d’un accord entre les futurs maîtres d’œuvre et ceux qui seront appelés à collaborer avec eux, et cela dès leur formation. Afin de bien expliciter les relations qui doivent exister entre décorateurs et architectes, l’École

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revendique la formation de trois types d’artistes : « 1° Des artistes aptes à créer des modèles nouveaux pour toutes les industries qui concourent soit au décor de la maison et de la rue, soit à la parure de l’homme. 2° Des peintres et des sculpteurs capables d’apporter à l’architecture une intelligente collaboration. 3° Des architectes31. » Cette différenciation établie entre les peintres et les sculpteurs destinés à l’industrie et ceux destinés à l’architecture montre bien le lien étroit qui doit unir ces derniers métiers de décoration à la construction proprement dite, et répond entièrement aux dogmes de l’Art déco. Afin de concrétiser cette coopération entre architectes et décorateurs, sous la responsabilité des architectes, des concours sont créés qui favorisent le travail en commun de ces élèves, notamment à partir de la préparation de l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937. La place particulière occupée par l’architecture contribue à créer dès 1922, alors que les autres sections se voient sanctionnées par des certificats, un diplôme d’architecture. Les créations des certificats et du diplôme résultent pourtant de la même démarche. Réclamé par les anciens élèves et non par les élèves eux-mêmes ou par les professeurs, le diplôme répond au besoin qu’ont les architectes déjà engagés dans la profession de pouvoir produire une preuve de leurs études techniques et scientifiques. Mais la section d’architecture a ceci de particulier qu’elle est vivement concurrencée par des formations dispensées dans d’autres écoles, notamment l’École des beaux-arts, mais aussi l’École spéciale d’architecture, l’École des travaux publics, etc., qui lui reprochent notamment la faiblesse de sa formation technique. Le cours de technique de construction est créé en 1932 pour compenser cette faiblesse grâce à la Société des architectes diplômés par l’État (SADG), et il est confié à Jean Démaret. Le programme du cours se divise en trois parties traitant des matériaux de construction, de leur mise en œuvre élémentaire et des techniques du bâtiment. Parallèlement, des conférences sur la législation pratique des bâtiments sont dispensées. Notes : 24. Cent. Arch. Cont. 950 147/8, rapport d’activité de l’année 1935-1936, sur 503 élèves inscrits à la section des jeunes gens, il y a 202 décorateurs, 38 sculpteurs, 263 architectes, soit 52 % des effectifs, alors qu’en 1909-1910 (voir AN, F/21/5 955) il y avait 405 élèves inscrits au cours de dessin, 134 au cours de modelage et 218 en architecture, soit 29 %. Ces proportions se vérifient pour l’ensemble des années 30. 25. Enseignant de 1835 à 1850. 26. Enseignant de 1855 à 1899. 27. Enseignant de 1877 à 1921. 28. AN, AJ 53/153, note du Comité Charles-Genuys, datée du 9 juillet 1930, sur la création du prix Charles-Genuys. 29. AN, AJ 53/98, programme et règlement de la section d’architecture, 1936. 30. Cent. Arch. Cont. 950 147/8, rapport d’activité de l’année 1935-1936 : « une bonne équipe, uniquement composée d’élèves de l’École des Arts décoratifs parvenus au terme de leurs études, pourrait donc donner les plans, coupes et élévations d’une maison et en diriger l’exécution, orner cette maison de sculptures et de peintures, dessiner des modèles exécutables pour les balcons et les rampes, les carrelages, les tissus de tenture, les papiers peints et les tapis, les meubles, les services d’orfèvrerie, de verrerie et de céramique… voire pour les bijoux de madame. » 31. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris, Imprimerie nationale, s. d. [1938], préliminaire.

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• Le diplôme d’architecture Créé en 1922, le diplôme consacre les connaissances architecturales à travers la composition d’architecture, la géométrie, mais aussi la composition décorative, le dessin, le modelage et l’archéologie monumentale, utile à ceux qui se destinent au corps des architectes des Monuments historiques. La justification d’une expérience professionnelle dans les critères d’attribution du diplôme précède l’introduction dans l’enseignement de disciplines beaucoup plus pratiques, comme le gros œuvre, l’hygiène, la législation et la comptabilité. Créé à la demande des anciens élèves, le nouveau diplôme risque de les frustrer des résultats de leur initiative. Pour ne pas les désavantager par rapport aux élèves sortis de l’École après la date de création du diplôme et pouvant leur porter préjudice par leur concurrence, l’arrêté de création du diplôme inclut des mesures rétroactives transitoires, valables dix ans. Ayant le statut de diplôme d’État et non de diplôme d’École, le Bureau de l’enseignement et des manufactures pose immédiatement le problème de la concurrence faite aux architectes des Beaux-Arts, qui portent le titre de « diplômés par le gouvernement » (DPLG), et se montre réticent à l’idée d’une telle création. Les titulaires du diplôme sont donc enjoints de prendre comme seul titre celui « d’architectes diplômés par l’École nationale des arts décoratifs » (DAD). Mais à partir du moment où ils obtiennent en 1931 la signature du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, les diplômés en profitent pour s’intituler désormais « architectes diplômés par l’État » (DPE). La polémique est alors relancée au niveau des sociétés d’architectes et notamment par la Société des architectes DPLG qui craignent que les maîtres d’ouvrages la confondent avec la nouvelle société des architectes DPE-DAD. La question de l’intitulé du diplôme délivré aux architectes est plus qu’une simple querelle d’école. En effet, la puissance des architectes DPLG est telle dans la profession que la Fédération nationale des sociétés françaises d’architectes refuse d’admettre la société des architectes DPE-DAD. Cette attitude n’est pas sans influencer nombre de maîtres d’ouvrages qui refusent de reconnaître la formation d’architecture dispensée à l’École des arts décoratifs. Un accord n’intervient qu’en 1936 entre les deux sociétés d’architectes rivales, qui permet aux architectes DAD un début de reconnaissance publique.

Chambre d’étudiant décorateur, par l’élève Mellicourt, exposition annuelle, dans Arts décoratifs, 1930 (Paris, bibliothèque Forney).


5. Des choix difficiles

• Les projets de réformes du Front populaire C’est à la direction des Beaux-Arts et à son directeur Georges Huisman que l’on doit l’initiative des projets de réformes. Soucieux de rationaliser la répartition des enseignements entre les deux écoles parisiennes, ce dernier propose la transformation de l’École des arts décoratifs en « Conservatoire des arts décoratifs », transférant à l’École des beaux-arts la formation des peintres, des sculpteurs et des architectes. Le directeur, Léon Deshairs, s’y oppose en avançant comme argument majeur celui de l’unité de l’art et du caractère indissociable de l’architecture et de la décoration. À partir des conclusions du rapport dont le Comité des arts appliqués est chargé, l’École serait réorganisée en sections spécialisées : « compléments de l’architecture et décoration fixe ; mobilier ; parure ; théâtre et cinématographie ; art de la rue et des jardins ; publicité ». À la suite du rapport de 1937 est créée une sous-commission de coordination des Écoles nationales des beaux-arts et des arts décoratifs, présidée par Paul Landowski, par ailleurs directeur de l’École des beaux-arts. Toutes les réflexions poursuivies à partir de là reposent sur une réforme qui paraît acquise, la suppression de la section d’architecture à l’École des arts décoratifs et son rattachement à l’École des beaux-arts. Le projet de Paul Landowski est de faire de l’École des arts décoratifs une école à la fois autonome et préparatoire à l’École des beaux-arts. L’École des arts décoratifs constituerait le département Arts appliqués d’une Faculté des arts comprenant trois autres départements : Architecture, Arts plastiques (peinture et sculpture), Cours communs (histoire, littérature, archéologie, etc.).

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La légitimité contestée de la section d’architecture Pendant l’entre-deux-guerres, le gouvernement cherche à créer un enseignement artistique supérieur unique et cohérent, projet qui passe par la coordination des deux grandes écoles parisiennes, Ensba et Ensad, en une Faculté des arts. Ces projets de réforme ne sont pas sans rapports avec la contestation qui s’élève en même temps à l’Ensba, et au sein de l’influente Société des architectes diplômés par le gouvernement (SADG), qui regroupe les architectes « DPLG32 », issus de l’École des beaux-arts. Cette opposition trouve finalement son expression ultime dans les difficultés que rencontrent les architectes formés par l’École des arts décoratifs auprès des maîtres d’ouvrage publics et privés. Principale pierre d’achoppement des discussions menées par les deux écoles, la question de l’enseignement de l’architecture prend d’autant plus d’importance dans le débat à partir des années 30 que la crise fait chuter les commandes et exacerbe la concurrence entre les architectes. Dès le début des années 30, le ministère s’informe des spécificités de l’enseignement de chacune des écoles d’architecture. Un rapport est ainsi commandé à l’un des membres de l’Institut sur la profession d’architecte et l’enseignement de l’architecture en 1933, mais il semble qu’aucune instance ne se hâte de conclure et que la querelle ne sorte pas des murs des deux écoles. Si les projets de réformes se multiplient à partir de 1937, c’est que le Front populaire entame une politique culturelle et éducative nouvelle. L’enjeu de telles réformes est en fait le rétablissement du monopole de l’École des beaux-arts sur l’enseignement public de l’architecture par la création d’un établissement unique où l’Ensad deviendrait un département des arts appliqués. Mais après le changement de gouvernement, lorsqu’une commission est créée en 1939 afin d’établir le règlement de la profession d’architecte, l’École est reconnue apte à enseigner l’architecture, au même titre que l’École des beaux-arts et que l’École spéciale d’architecture. Cette reconnaissance fait long feu puisque, confiant la direction des BeauxArts à Louis Hautecœur le 21 juillet 1940, le gouvernement de Vichy reprend à son actif l’héritage des débats des années d’avant-guerre. Louis Hautecœur est depuis longtemps l’un des partisans les plus convaincus de la suppression de l’enseignement de l’architecture à l’École des arts décoratifs. Déjà avant la guerre, chargé de présenter le projet de loi sur la réglementation de la profession d’architecte, il posait la question de la légitimité de cette formation. L’ordre des architectes est fondé le 31 décembre 1940 à son instigation, et un arrêté du 17 janvier 1941 précise que l’École des arts décoratifs ne peut prétendre à la formation des architectes, ne faisant pas partie des écoles agréées. Il n’est plus question de fonder une Faculté des arts qui réunirait les deux écoles, mais de les fondre sous une direction unique, ce dont est chargé Landowski, directeur de l’Ensba. L’École des arts décoratifs aurait à sa tête un directeur adjoint, un artiste décorateur « ayant appliqué de ses mains un métier d’art industriel33 ». L’École est en conséquence peu à peu dépouillée de tous ses enseignements liés à la section d’architecture.

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Cette opposition de l’École des beaux-arts est relayée par les maîtres d’œuvre publics qui n’ouvrent que très progressivement leurs commandes aux architectes de l’ENSAD. Les municipalités sont les premières à admettre que les architectes issus de l’École des arts décoratifs fassent partie des jurys des concours qu’ils organisent. Mais de nombreuses administrations les excluent de leurs corps d’architectes : ce sont notamment la Ville de Paris, la préfecture de la Seine, l’Assistance publique, les Chemins de fer de l’État, les Postes et Télégraphes. Les règlements des concours de recrutement n’ont en effet pas été modifiés après la création du diplôme de l’École. L’Assistance publique, par exemple, précise que seuls peuvent prendre part à ses concours les hommes de nationalité française, pourvus soit du diplôme de l’École nationale supérieure des beaux-arts, soit du diplôme d’ingénieurconstructeur délivré par l’École centrale des arts et manufactures, soit du second grand prix de Rome. Les raisons données à cet ostracisme par les administrations reposent sur la formation dispensée à l’École, dont elles critiquent la faiblesse scientifique. C’est notamment le cas de la Direction générale des chemins de fer et des routes qui refuse d’ouvrir ses concours aux architectes de l’École pour des raisons de compétences techniques. Peu à peu, les perspectives de carrière s’ouvrent pourtant plus largement aux architectes issus de l’École. Les départements en recrutent de plus en plus, supprimant l’examen qui leur était imposé mais dont étaient dispensés les architectes DPLG. Le ministère de la Défense nationale invite en 1936 les chefferies du Génie à faire appel aux architectes DPE au même titre qu’à leurs confrères des Beaux-Arts, celui des Colonies en emploie à partir de 1937. À partir de 1938, des services comme les Bâtiments civils, l’Assistance publique, la préfecture de la Seine, mais aussi la cour d’appel de Paris acceptent dans leur corps d’architectes des diplômés de l’École. Le syndicat des architectes DPE adhère à la Confédération des sociétés françaises d’architectes au début de l’année 1939. Plusieurs États étrangers reconnaissent également le diplôme. Notes : 32. DPLG : diplômés par le gouvernement. 33. AN, AJ 52/972, projet de coordination des deux écoles établi par Landowski en décembre 1940.

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• Georges Huisman (1889-1957) Georges Huisman entame d’abord une carrière scientifique. Archivistepaléographe, pensionnaire de la Fondation Thiers et agrégé d’histoire, il est professeur du secondaire après la démobilisation. Il publie plusieurs ouvrages d’initiation artistique dont un guide du patrimoine architectural de Paris en 1925 : Pour comprendre les monuments de Paris. Plus tard, il dirige une collection de livres d’art ainsi qu’une volumineuse Histoire de l’art en 1938. Il s’engage parallèlement dans la politique à la gauche du parti radical. Il est nommé le 4 février 1934 par Édouard Daladier directeur général des Beaux-Arts, poste qu’il occupe jusqu’en 1940. Dès avant juin 1936, il porte un intérêt particulier à la formation des jeunes artistes et à leurs créations en effectuant de fréquentes visites dans les écoles d’art et dans leurs expositions, tout en achetant et en commandant des œuvres à ces jeunes. Il témoigne d’une grande ouverture aux modernes et préside en 1937 la section française des Rencontres internationales d’architecture organisées en liaison avec les Congrès internationaux d’architecture moderne de Le Corbusier (CIAM). Il se prononce publiquement sur le rôle social de l’art et s’implique dans les arts décoratifs en tant que président du Comité central des arts appliqués relancé par un arrêté du 19 septembre 1936, établissant ainsi un lien entre enseignement artistique et enseignement technique.

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1.

Une orientation décorative opposée au faubourg Saint-Antoine En 1925, l’École est prise dans le courant de l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes. Elle y est massivement présente directement et indirectement grâce à ses professeurs et à ses nombreux anciens élèves, et participe à son succès. Cette réussite s’explique par l’étroite collaboration qui s’est établie entre, d’un côté, les professeurs et les élèves, et, de l’autre, les ateliers des grands magasins parisiens. L’École prend ainsi position contre l’historicisme du faubourg Saint-Antoine et revendique son adhésion au style Art déco. Mais surtout, elle est très proche de la Société des artistes décorateurs34 (SAD) qui est à l’origine de l’Exposition de 1925 et qui, par ses salons, a largement diffusé le style Art déco. Ce parti de l’artisanat de luxe et du « bon goût français » s’oppose aux artisans de la Chambre de l’ameublement et du faubourg Saint-Antoine, qui continuent de copier les styles anciens. La définition que donne Paul Vitry35 du style que, selon lui, l’École doit prôner rejoint d’ailleurs le programme de la SAD : « un style respectueux de la tradition nationale, fondé sur la raison, le bon sens et le goût ; mais [...] surtout un style vivant qui soit l’expression pleine et entière de notre civilisation moderne, qui s’adapte à tous ses besoins et réponde à toutes ses aspirations.36 » Notes : 34. Sur la Société des artistes décorateurs, voir Yvonne BRUNHAMMER, Suzanne Tise, Les Artistes décorateurs, 19001942, Paris, Flammarion, 1990. 35. Paul Vitry, professeur d’histoire et d’histoire de l’art à l’ENSAD de 1901 à 1920. Nommé à cette date conservateur au musée du Louvre. 36. AN, AJ 53/109, discours prononcé par Paul Vitry à la distribution des prix de l’École des beaux-arts et des arts décoratifs de Bordeaux, le 3 août 1903. 37. Un communiqué publié par les anciens élèves déplore même que l’architecture dite « internationale » ait supprimé les éléments décoratifs et porte ainsi préjudice aux peintres et aux sculpteurs décorateurs : « Les sculpteurs AEAD et le Groupe du Bâtiment des sculpteurs français ont toujours à se plaindre du chômage et des difficultés à poursuivre un art presque disparu. L’influence étrangère nous a conduits à une archite cture « Internationale » dépourvue de tout caractère particulier. La sensibilité française n’est plus et a fait place à des compositions d’ordre mécanique. [...] La sensibilité en art a fait beaucoup parler, aujourd’hui on l’étouffe. Le ciment armé supprime toutes les matières plastiques et artistiques antérieures » (Bulletin de la Société des architectes diplômés par l’État DAD, février 1932, n° 32, article de Maurice RONDEST). 38. AN, ENSAD/4, lettre de Deshairs au directeur des Beaux-Arts, datée du 4 mai 1934.

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Dans cet engagement de l’École derrière le style Art déco, les industriels craignent le développement du courant « moderne », bien que l’École semble participer très modérément à ce mouvement, si ce n’est par l’engagement tardif de quelques-uns de ses élèves37. Industriels et artisans se plaignent des choix esthétiques opérés par l’École, qui iraient à l’encontre d’un principe décoratif développé. C’est ainsi qu’en 1934 l’Union syndicale des artisansfaçonniers du bronze, de l’orfèvrerie et du bijou, et la Chambre syndicale des fabricants de bronze et des industries qui s’y rattachent expriment leurs regrets de voir l’École adopter une conception « nudiste » de l’art et supprimer l’ornement. En réponse à cette attaque selon elle sans fondement, l’École réplique qu’elle n’a jamais renié l’ornement pour se consacrer de façon exclusive à la construction. Le directeur de l’École de l’époque, Léon Deshairs, s’il ne conteste pas aux fabricants de bronze le droit de s’inquiéter du mouvement en faveur des surfaces nues, les rend responsables de la réaction contre l’ornement dont ils s’offusquent. Il prétend préserver l’École autant d’une « simplification systématique [que] d’une ornementation indiscrète38 ». Par ce dernier qualificatif, il vise le style même des fabricants et exprime le divorce qui existe réellement, même s’il n’est pas né de l’influence grandissante des « modernes », entre les industriels et les professeurs de l’École. Malgré sa volonté initiale de développer son enseignement pour et grâce à l’industrie, l’École ne parvient pas à obtenir de ce milieu un jugement unanime. Le développement à cette époque de l’enseignement technique lui porte préjudice aux yeux des fabricants qui placent l’atelier à la base de tout enseignement d’art appliqué. L’abandon de l’apprentissage fait des établissements scolaires les seuls lieux de formation des futurs ouvriers et artistes de l’industrie. De là naît la gravité du débat qui agite les industriels sur la validité de l’enseignement dispensé à l’École. 2.

1. Studiofumoir dessiné par Jacques Adnet, futur directeur de l’Ensad de 1959 à 1970, édité par Saddier et fils, 1927 (Paris, musée des Arts décoratifs, éditions Albert Lévy). 2. Living-room, dessiné par René Prou, 1933 (Paris, musée des Arts décoratifs, éditions Albert Lévy).


1.

• La Société des artistes décorateurs (SAD) et l’École La Société des artistes décorateurs (SAD), fondée en 1901 à l’initiative de René Guilleré, est l’un des lieux d’expression des professeurs et des anciens élèves de l’École. Hector Guimard en est membre fondateur et en assure la vice-présidence de 1912 à 1922. Il participe à tous les salons de la Société dès le premier en 1904. Paul Vitry est président de la SAD de 1914 à 1922, alors qu’il est encore professeur à l’École. La Société reflète bien les tendances décoratives adoptées par l’École dans la première moitié du XXe siècle : elle privilégie la tradition nationale, surtout après 1910, c’est-à-dire l’année où le Werkbund s’expose au Salon d’automne, et développe un art décoratif attaché à l’artisanat plutôt qu’aux produits industriels et aux nouveaux matériaux dont les « modernes » se sont emparés. De nombreux décorateurs formés à l’École des arts décoratifs participent aux salons de cette société, renforçant la cohésion entre l’École et la SAD à travers toutes les disciplines de la décoration. Parmi les céramistes et les verriers, François Decorchemont, sorti de l’École en 1901, expose aux Salons des artistes décorateurs dès 1904, et Max Ingrand, verrier sorti de l’École en 1932, expose dès 1933. Le joaillier Raymond Templier participe à tous les salons depuis 1911 jusqu’à la scission de 1929 qui conduit à la création de l’Union des artistes modernes (UAM) à laquelle il adhère. Raymond Subes, l’un des noms les plus importants des années 20 en ferronnerie, participe pour la première fois au Salon en 1919. Chez les architectes décorateurs, le même courant conduit les anciens élèves au Salon, notamment Jacques Adnet, sorti de l’École en 1920, qui participe au Salon tous les ans entre 1922 et 1936, et René Gabriel, qui finit sa scolarité en 1918 et expose au Salon de 1919 à 1937. C’est également entre autres par l’intermédiaire de la SAD que l’École est si présente à l’Exposition de 1925.

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1. Salle commune en Ile-de-France, par Jacques Adnet, édité par la Compagnie des arts français, dans Maurice Dufrêne, Exposition internationale de 1937 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. Panneau composé de verres gravés, par Max Ingrand, ancien élève de l’École, pour un boudoir de dame présenté au Salon de 1932 (Paris, musée des Arts décoratifs, éditions Albert Lévy)



1.

L’ouverture aux « modernes » à travers l’architecture En opposant son enseignement de l’architecture à celui dispensé par l’École des beaux-arts, l’École des arts décoratifs devient le lieu de contestation de l’architecture académique qui préside rue Bonaparte. Cette opposition réside essentiellement dans le type de commandes envisagées, comme en témoignent les sujets de concours. En effet, alors qu’à l’École des beauxarts l’architecture monumentale et somptuaire domine les programmes en favorisant lieux et instruments du pouvoir, à l’École des arts décoratifs ce sont l’habitat individuel et les nouveaux espaces urbains qui retiennent l’attention. Une culture moderne de l’habitat et de l’urbanisation s’oppose ainsi à une conception aristocratique de la société. Les liens existant entre l’École des arts décoratifs et l’Institut d’urbanisme sont en ce sens révélateurs. Parallèlement, l’enseignement dénote son attachement aux styles vernaculaires et entretient des liens étroits avec le service des Monuments historiques, s’inscrivant largement dans le courant régionaliste. L’activité de ses professeurs d’architecture confirme cette orientation fondée sur la tradition du rationalisme architectural tel qu’il est exprimé par Viollet-leDuc39, d’ailleurs lui-même ancien professeur de l’École. Charles Genuys, professeur à l’École de 1877 à 1921, est le représentant le plus marquant de cette tendance et sa nomination au poste de sous-directeur de 1890 à 1915 confirme l’engagement de l’École dans cette voie. Dans ce contexte, le développement du style international en architecture n’est pas sans provoquer de vifs débats. L’École prend fermement position en faveur de l’ornement mais conserve une attitude réservée face aux revendications corporatistes. C’est la section d’architecture, la plus sensible au style moderne, qui exprime le mieux cette position nuancée de l’École. À la veille de sa suppression définitive en 1941, elle fédère toutes les tendances artistiques de l’École et s’engage dans des voies plus diverses que celles choisies par les différents ateliers de l’École des beaux-arts. À aucun moment les élèves architectes n’ont entièrement versé dans un fonctionnalisme dépouillé, comme l’atteste leur volonté, exprimée en 1933, d’avoir Auguste Perret pour professeur de composition d’architecture. Mais, dans le même temps, l’atelier animé par Jean Trouvelot, lieu d’une réflexion sur l’organisation spatiale de la ville et sur ses fonctions, permet l’élaboration de nombreux projets dont l’orientation esthétique semble adhérer aux idées les plus modernes.

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Notes : 39. Voir Eugène VIOLLET-LE-DUC, De la décoration appliquée aux édifices, Paris-Londres, A. Ballue, 1880, 47 p., et Entretiens sur l’architecture, Paris, Morel, 1863-1872, 2 vol.


1. Le Village français à l’Exposition des arts décoratifs de 1925, par l’architecte Paul Genuys, dans L’Illustration, 1925 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. Un aquarium au bord de la Méditerranée, par L’élève Barkaï, dans Arts décoratifs 1 930 (Paris, bibliothèque Forney).

2.

• L’atelier Trouvelot : sujets de concours (1930-1939) • 1930-1931 : résidence d’été aux colonies, crématorium, piscine en plein air, restaurant salon de thé dans un grand magasin, chapelle de carrefour, habitation creusée dans le roc, escalier dans un hôtel particulier de grand luxe, cage et cabine d’ascenseur dans un hôtel de grand luxe. • 1931-1932 : centre sportif, musée, building, salle de concert, cité-jardin, jardin, maison de retraite, jardin en terrasse sur le toit d’un immeuble, port de pêche, poste d’aiguillage, bibliothèque, sanatorium, fontaine adossée dans un parc, centre de ville, boutique de fleuriste, monastère, station de transformateur électrique, cirque, marché couvert, autodrome, phare. • 1932-1933 : hôtel en bordure de mer, foire-exposition, centre d’affaires d’une grande ville, devanture de grand magasin, hôtel de ville, casino, abri pour canoë, caserne de pompiers, monument commémoratif, entrée d’un tunnel urbain, poste d’observation dans un aérodrome, établissement thermal, station de métropolitain, abattoirs, piscine dans un parc, poste de secours sur route, église avec patronage. • 1933-1934 : maison de France à l’étranger, groupe de maisons individuelles, établissement thermal, gare maritime, centre d’exposition d’art, extension d’une ville. • 1934-1935 : maison de campagne, parc des sports, aménagement d’une préfecture de moyenne importance, exploitation vinicole, mairie-école dans un village. • 1935-1936 : étude d’ensemble d’un village situé dans un pays de plaine, aéroport de moyenne importance, école en plein air, étude de la ville de Saint-Tropez, maison du peuple dans une cité industrielle. • 1936-1937 : théâtre populaire, grande exploitation agricole, aménagement de la région de Senlis, gare ferroviaire et routière. • 1937-1938 : halle aux vins, résidence d’un gouverneur dans une île du Pacifique, jardin et musée zoologique, centre de sports en montagne. • 1938-1939 : pavillon de la France dans une exposition internationale, aéroport, étude d’aménagement de la ville de Rouen, faculté de médecine.

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6. Une école à l’apogée Un encadrement réputé À la fin de la Première Guerre, Eugène Morand est toujours directeur de l’École, poste qu’il occupe jusqu’en 1926, participant aux premières entreprises de réforme de cette période. Mais c’est surtout sous la direction de ses deux successeurs immédiats que l’École change vraiment de visage. Charles Couyba le remplace jusqu’en 1931. Licencié en lettres et en histoire, agrégé de l’Université, il est très contesté parce qu’il n’est pas directement issu du milieu des arts décoratifs, même s’il est membre du Comité central des arts appliqués depuis sa création en 1916. C’est en effet comme journaliste et comme homme politique qu’il vient à s’intéresser à l’enseignement des disciplines artistiques, notamment lorsque, député, il est rapporteur du budget de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Avec la nomination de Léon Deshairs en 1931, poste qu’il occupera jusqu’en 1941, le ministère entend infléchir l’orientation de l’École. Par sa formation et par ses fonctions, Deshairs réalise une synthèse des qualités de deux de ses prédécesseurs, Louvrier de Lajolais et Morand. Comme ce dernier, il enseigne à l’École avant d’y être nommé directeur, puisqu’il y est professeur d’histoire et d’histoire de l’art depuis 1920. Et comme Louvrier de Lajolais, il est proche de l’Union centrale dont il dirige la bibliothèque de 1904 à 1931. Licencié en lettres et en histoire, et diplômé de l’École du Louvre, il est l’auteur de nombreux ouvrages d’histoire de l’art et collabore à plusieurs revues artistiques. Sous la direction de ces trois hommes, l’École emploie des professeurs qui bénéficient à l’extérieur de l’École d’une réputation de théoricien, de pédagogue ou d’artiste. Certains des professeurs de l’École choisissent de se consacrer à l’enseignement dès leur formation, le plus souvent après avoir obtenu le brevet de capacité d’enseignement du dessin dans les écoles de l’État et de la Ville de Paris. Un grand nombre d’entre eux débutent dans des écoles techniques ou d’arts appliqués, ou bien au contraire dans des écoles régionales des beaux-arts. Certains ont en effet travaillé à l’école professionnelle de la Chambre syndicale de la bijouterie-joaillerie40, à l’école Élisa-Lemonnier, à l’École des arts appliqués de la rue Dupetit-Thouars41 ou à l’École nationale d’art industriel de Roubaix. L’Union française pour la jeunesse constitue aussi une première étape de la carrière des professeurs de l’École42.

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Léon Deshairs, directeur de l’Ecole de 1931 à 1941, (Paris, bibliothèque de l’Ensad).


Notes : 40. AN, AJ 53/129-130. Camille Lefèvre, professeur de modelage à l’École à partir de 1903, y a été pendant vingt ans professeur de dessin, de sculpture et de composition décorative. 41. AN, AJ 53/129. Jules Chadel enseigne le dessin à l’école municipale de la rue Dupetit-Thouars à partir de 1923 et donne le cours d’études documentaires à l’École de 1926 à 1935. 42. Ibid. Paul Canard, professeur de dessin à l’École entre 1896 et 1932, y trouve, en 1887, son premier poste et n’y reste qu’un an. Charles David, professeur de dessin à l’École entre 1884 et 1927, y débute lui aussi de 1878 à 1884. L’Union française pour la jeunesse est une association d’éducation populaire. 43. Paul Genuys, le fils de Charles Genuys, entre dans l’encadrement de l’École en 1912 en tant que professeur de dessin géométrique. Il succède à son père en 1921 et dirige l’atelier de composition architecturale jusqu’en 1937.

Paul Vitry démissionne de sa chaire d’histoire générale et d’histoire de l’art à l’École lorsqu’il est nommé conservateur des sculptures au musée du Louvre en 1920, poste auquel sont associés des cours à l’École du Louvre. Quelques professeurs, comme Gaston Quenioux, choisissent d’abandonner leur carrière pédagogique pour entrer dans l’administration de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. D’autres mènent de front une double carrière, tel Eric Bagge qui, tout en restant professeur à l’École, entre à la Ville de Paris en tant qu’inspecteur pour les écoles spécialisées. La plupart des architectes qui enseignent à l’École l’architecture, le dessin et la composition d’ornement ont en commun d’être très souvent rattachés au corps des architectes des Monuments historiques. Tous ont une charge officielle qui leur permet de partager leur temps entre commandes privées et commandes publiques. L’engagement de nombreux professeurs architectes de l’École, comme Jean Trouvelot et Paul Genuys43, auprès du service des Monuments historiques et de celui des Édifices diocésains fait suite à celui de Viollet-le-Duc ou de Ruprich-Robert.

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1.

L’importance de l’appartenance à ces corps, réunis en 1905, en fait presque un critère de recrutement au sein de l’équipe professorale. Les professeurs d’autres disciplines travaillent souvent eux aussi, dans leur spécialité, en collaboration avec ce service : les sculpteurs restaurent les reliefs des monuments et les peintres procèdent à des relevés et aux restaurations des peintures. La production artistique des professeurs de l’École est variée, à l’image de leur formation. Elle s’étend des arts libéraux aux arts industriels sans qu’il y ait nécessairement de cloisonnement entre ces disciplines. La plupart ont bénéficié d’une formation à peu près identique, un grand nombre d’entre eux étant des anciens élèves de l’École. Comme les meilleurs élèves qu’ils forment à leur tour, beaucoup sont passés de l’École des arts décoratifs à l’École des beaux-arts. Certains, originaires de province, sont tout d’abord passés par l’école des beaux-arts de leur région. Les sculpteurs se consacrent plus que les peintres aux beaux-arts. Alors que les commanditaires privés les sollicitent surtout pour des œuvres funéraires, les instances publiques font appel à eux pour les chantiers nationaux et municipaux. Mais la plupart d’entre eux ont une production double, voire spécialisée en art décoratif ou industriel. Quant aux peintres, ils se partagent entre des chantiers de peinture décorative monumentale et la création de modèles pour les industries d’art. Ces travaux sont exécutés pour des hôtels particuliers, mais aussi pour des locaux publics ou à vocation commerciale. La carrière de décorateur de Gustave Jaulmes, professeur de peinture décorative et chef d’atelier de composition décorative dans les années 30, témoigne bien du lien entre l’encadrement de l’École et les commandes publiques notamment. Quant aux modèles créés, ils sont destinés à de grands fabricants ou à des manufactures nationales. Bruneau est dessinateur de la Maison Christofle, Quenioux chez Chartier, une des plus importantes maisons de bronze et d’orfèvrerie des dernières années du XIXe siècle. Aubert dessine pour les grands fabricants de tissus de Roubaix et ceux de tapis d’Aubusson, tandis que Boignard crée des modèles pour la manufacture nationale de Sèvres.

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2.

3.

5.

4. 1. La salle des Pas-Perdus du siège du Bureau international du travail à Genève, dessin, par Gustave Jaulmes, professeur de peinture décorative à l’École de 1929 à 1940, 1939 (Boulogne-Billancourt, musée des Années Trente). 2. Le graveur en médaille René Grégoire corrigeant les élèves du cours de dessin, dans L’Illustration, 1931 (Paris, bibliothèques des Arts décoratifs). 3. Roland Oudot et le composition décorative, dans Plaisir de France, 1943 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 4. Élèves du cours de peinture, dans Plaisir de France, 1943 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 5. François Quelvée, maître de dessin, dans Plaisir de France, 1943 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).


1.

L’impact sur l’industrie Le lien entre la Société des artistes décorateurs (SAD) et l’École est révélateur de l’orientation esthétique de cette dernière et de son implication dans un certain réseau commercial. En effet, dès sa création, la Société favorise l’artisanat de luxe et le style français qui s’opposent à l’idée d’une décoration pratique et populaire. Conséquence de cet engagement, l’École se rapproche des « ensembliers-décorateurs », et notamment des ateliers de création des grands magasins, dont les produits pénètrent à partir des années 20 un marché jusque-là envahi par la copie. L’activité de Maurice Dufrêne conforte cet état d’esprit qui règne à l’École après le tournant du siècle. En 1921, cet ancien élève prend la tête de l’atelier des Galeries Lafayette, la Maîtrise, où il met en pratique des principes de création dans la ligne de l’enseignement de l’École. Le lien de cet atelier avec l’École est renforcé par le recrutement d’anciens élèves, tel Jacques Adnet qui rentre à la Maîtrise en 1922, et par la nomination, en 1926, de Dufrêne comme professeur. Profitant de sa double activité, il incite l’École à renforcer ses relations avec les industriels : il leur propose en effet de lui remettre des échantillons de leurs fabrications, qui viendront illustrer concrètement la formation technique des élèves. Il s’engage également à mettre à disposition de l’École les nombreux échantillons dont il dispose aux Galeries Lafayette et demande de pouvoir acheter les dessins réalisés par ses élèves pour le compte du grand magasin. L’entreprise d’un autre ancien élève, André Mare, qui crée en 1919 en collaboration avec Louis Süe la Compagnie des arts français, partage les mêmes objectifs44. Gustave Jaulmes, professeur de l’atelier de peinture décorative à partir de 1925, collabore fréquemment aux travaux de la Compagnie, témoignant de l’interpénétration des idées entre l’enseignement de l’École et ce groupe de créateurs. La réunion de la Compagnie des arts français et de l’atelier la Maîtrise sous la direction de Jacques Adnet en 1928 renforce encore ces liens. Cette proximité est d’ailleurs confirmée sur le long terme puisque René Prou, nommé professeur de l’atelier d’art industriel en 1935, travaille pour l’atelier Pomone, et qu’un diplôme d’ « ensemblier-décorateur » est créé en 1939.

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1. Chambre de dame, par Maurice Dufrêne, édité par la Maîtrise des Galeries Lafayette, dans Maurice Dufrêne, Exposition internationale de 1937 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 2. Living-room, par René Gabriel, édité par Kurtz, dans Maurice Dufrêne, Exposition internationale de 1937. Ensembles mobiliers (2), (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs). 3. Living-room, par Jacques Adnet, édité par la Compagnie des arts français, dans Maurice Dufrêne, Exposition internationale de 1937. Ensembles mobiliers (2), (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs).


2.

Notes : 44. Sur la Compagnie des arts français, voir F. CAMARD, Süe et Mare et la Compagnie des arts français, Paris, L’Amateur, 1993. 45. Gérard MONNIER, L’Art et ses institutions en France, de la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard, 1995, p. 234 : «Tout un secteur de la production artistique, celui d’un “art modernisé” de la présentation picturale, s’appuie avec succès sur une école plus dynamique [..], l’École nationale des arts décoratifs, sur ses jeunes professeurs (Legueult, Brianchon, dans les années de l’entre-deuxguerres), plutôt que sur l’École des Beaux-arts.»

3.

Lorsqu’en 1929 des membres de la Société des artistes décorateurs font sécession et créent l’Union des artistes modernes (UAM), aucun des professeurs de l’École ne les suit. Dufrêne, qui montre une certaine bienveillance à l’égard des « modernes », ne démissionne de la Société des artistes décorateurs qu’en 1931, alors qu’il n’est plus professeur à l’École depuis plusieurs années. Le Salon des artistes décorateurs de 1929, auquel ne participe aucun moderne, peut être considéré comme le manifeste des orientations de l’École. L’acier tubulaire a totalement disparu tandis que le bois sculpté, matériau traditionnel de l’industrie du luxe, fait un retour remarqué. Quatre professeurs prennent part à ce Salon : Félix Aubert, professeur de l’atelier d’art industriel depuis 1907, qui y participe pour la première et la dernière fois à cette occasion, Jaulmes, de l’atelier de peinture décorative, Éric Bagge, professeur d’architecture décorative depuis 1927, et Charles Hairon, spécialiste du bois sculpté appliqué à la décoration et à l’architecture, nommé la même année professeur de sculpture à la section des jeunes filles. L’arrivée de peintres réalistes comme professeurs de l’École, tels Raymond Legueult ou Maurice Brianchon, représentants, selon Gérard Monnier, d’un « art modernisé45 », introduit à l’École un courant moderniste s’opposant à l’art académique enseigné à l’École des beaux-arts, mais l’éloigne durablement des recherches menées à la même époque sur le rapprochement entre architecture et peinture abstraite. Cependant, au Salon d’automne de 1928, dans sa « Maison commune » réalisée par la Maîtrise des Galeries Lafayette, Adnet utilise déjà des meubles combinables et des sièges métalliques, et inaugure un système de chauffage central en utilisant la partie intérieure de la rampe d’escalier fabriquée en fer forgé. De plus, la participation d’anciens élèves à l’Union des artistes modernes nuance cette conclusion. Le refus de l’École d’adhérer à la pensée des modernes repose sur leurs interprétations différentes de l’espace domestique. En voulant préserver l’hégémonie sur la création artistique de l’ensemblier-décorateur qui avait triomphé à l’Exposition des arts décoratifs de 1925, elle favorise de ce fait une production de luxe, incompatible avec le recours au machinisme soutenu par les modernes, qui substituent la notion d’ « équipement » à celle de « décoration ».

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Maquettes de mobilier, tilleul, par Maurice Dufrêne, vers 1925 (Paris, musée des Arts décoratifs).

• Les ateliers des grands magasins Les ateliers des grands magasins naissent juste avant la Première Guerre mondiale au Printemps avec l’atelier Primavera en 1912. Les autres grands magasins suivent en 1919 : les Galeries Lafayette créent la Maîtrise, le Bon Marché Pomone et les Magasins du Louvre le Studium. Maurice Dufrêne, à la tête de la Maîtrise, profite de son expérience de créateur dans cet atelier pour définir le métier d’ensemblier-décorateur. Pour lui, un « meublier est un architecte et non pas un simple décorateur ». La clientèle visée éloigne la production de la Maîtrise d’un caractère purement fonctionnel. Cependant, de même que les ateliers Pomone ou Primavera, la Maîtrise contribue à diffuser le style Art déco en introduisant des modèles, jusque-là réservés à l’artisanat, dans un mode de production industrialisé et donc à meilleur marché. La Compagnie des arts français, créée par Süe et Mare, également en 1919, n’est pas liée à un magasin particulier mais offre le même type de production quoique plus luxueuse. Jusqu’à son absorption par la Maîtrise en 1928, la Compagnie tente d’imposer un style dont la modernité est tempérée par un grand respect de l’esthétique traditionnelle. Les ensembles décoratifs créés allient le luxe et des procédés industriels permettant des prix moins élevés. Leur style d’apparat leur permet de meubler des ambassades comme celles de France à Washington et à Varsovie ou les salons des transatlantiques.

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Notes : 46. La mesure de rétroactivité assortie à la création du diplôme d’architecte de l’École fait qu’un grand nombre d’architectes DPE-DAD sont entrés dans la profession avant même la guerre de 1914.

L’École et les grands chantiers L’activité des architectes diplômés par l’État46 s’inscrit dans une période de crise de la profession. En effet, l’entre-deux-guerres connaît la fin des grandes commandes publiques que la troisième République avait lancées à ses débuts, en particulier grâce à son programme de construction de mairies et d’écoles primaires. La Grande Dépression entraîne parallèlement, à partir de 1931, la crise des commandes privées. Plusieurs facteurs incitent néanmoins à la poursuite et à l’encouragement de certains types de constructions, les équipements collectifs à usage public ou privé, auxquels les architectes issus de l’École participent activement. Les destructions massives que la France du Nord et de l’Est a subies pendant la guerre de 1914-1918 entraînent après l’armistice un programme de reconstruction qui inclut tant les infrastructures, notamment routières et ferroviaires, que l’habitat. Les architectes de l’École trouvent dans les travaux entrepris dans les départements où les combats ont eu lieu une importante source de débouchés. Les responsabilités assumées par les anciens élèves sont situées autant au niveau de la préservation et de la restauration des monuments qu’au niveau de la reconstruction des villages. Charles Genuys, professeur de composition architecturale à l’époque de la guerre, est inspecteur général des Monuments historiques, en charge des départements atteints par la guerre dès 1914, ce qui facilite le travail des élèves dans ces circonscriptions. Les travaux de reconstruction des régions dévastées ne sont pas achevés que les maîtres d’ouvrages publics entreprennent une politique active de construction qui privilégie deux domaines : les logements sociaux et les équipements collectifs à usage public. En effet, sous l’impulsion de la loi Loucheur qui prévoit la construction de 200 000 logements au statut d’habitation à bon marché (HBM), l’habitat social qui se développait déjà depuis la loi Siegfried de 1894 prend son essor. Les architectes diplômés par l’École répondent à cette offre, en tant que maîtres d’œuvre ou collaborateurs. À partir de 1926 commence la construction des immeubles à loyers modérés par la Régie immobilière de la Ville de Paris, sur les terrains des anciennes fortifications. Le principe en avait été adopté dès 1923, et la loi Loucheur de 1928 permettant de débloquer des crédits de la Caisse des dépôts aurait pu donner au projet une plus grande ampleur si la crise n’avait considérablement ralenti toute l’activité économique.

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Ces immeubles sont bien orientés, ouverts sur de larges voies, donnant sur de vastes cours sablées et plantées de verdure. L’aménagement intérieur prévoit une certaine standardisation. Deux appartements témoins sont aménagés à Saint-Cloud par René Prou et Léon Jallot. La disposition des appartements, plutôt petits, est devenue un classique appliqué pendant des décennies : une petite galerie ou couloir distribue d’un côté les pièces de service (cuisine, salle de bains), de l’autre les pièces à vivre (un salon et une salle à manger réunis par une large baie pour faire living-room), tandis que les chambres se retrouvent au fond dans le prolongement de la galerie. Les murs rejoignent le plafond par une courbe ; aux trois quarts de la hauteur, une baguette-moulure permet de dissimuler les fils électriques et de limiter la tenture de papier peint. La peinture des murs est uniforme.

La gare du Pont-Cardinet à Paris, par Julien Polti, ancien élève de l’École, architecte des Chemins de fer de l’État, dans Arts décoratifs, 1 929 (Paris, bibliothèque Forney).

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Durant les années 30, de nombreuses municipalités s’équipent également en installations scolaires et sportives, soutenues par une nouvelle culture de l’éducation et des loisirs. Les architectes DPE participent à l’équipement du pays en lycées de filles, en écoles maternelles et en écoles de plein air, ainsi qu’en bibliothèques, en stades et en piscines. À la même époque, les pouvoirs publics, guidés par un souci hygiéniste, commandent bainsdouches et centres de soins. D’anciens élèves participent à l’agrandissement de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et de l’hôpital Cochin, ainsi qu’à la construction de l’hôpital Beaujon. Si les commandes publiques constituent une part importante de l’activité des architectes DPE, nombre d’architectes issus de l’École des arts décoratifs n’en continuent pas moins à construire immeubles de rapport et villas pour des commanditaires privés, ainsi que des bâtiments à vocation industrielle ou commerciale. Ces derniers sont le lieu d’expérimentation de nouveaux procédés, notamment de l’utilisation du béton armé qui est l’objet d’une mention nécessaire à l’obtention du diplôme à l’École. Les architectes DPE prennent une part importante dans l’équipement industriel de la France au moment où de nouvelles technologies nécessitent des installations adaptées. Les usines de production électrique qui se multiplient après la Première Guerre mondiale semblent représenter un important secteur d’activité. L’industrie du pétrole se développe à la même époque en raison de l’augmentation du nombre des moteurs à essence, et un architecte de l’École travaille pour la Standard française des pétroles. Les groupes industriels, en expansion, construisent de nouvelles usines ou agrandissent les anciennes. Saupiquet, Citroën, Olida, Amora ou encore Cinzano font appel à des architectes issus de l’École. D’autres anciens élèves construisent des bâtiments industriels à moins grande échelle, ateliers et entrepôts. Les bâtiments à vocation commerciale constituent le deuxième versant de l’activité de ces architectes qui trouvent dans certains d’entre eux, notamment les hôtels et les restaurants, ainsi que les sièges d’établissements bancaires ou de presse, un dernier espace pour l’expression d’une architecture de luxe et de prestige. Ainsi, des architectes DPE sont choisis pour participer à la construction de plusieurs cafés – La Coupole, La Rotonde, Le Dôme, le Café de Cluny à Paris –, de succursales de la Banque de France et du Crédit lyonnais, mais aussi de salles de spectacle – cinémas, théâtres et musichalls –, comme en témoignent le Palace et le Casino de Paris pour lesquels travaille Marcel Oudin.

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Flandres (Nord) : Wallon-Cappel (route d’Hazebrouck) dessin, par André Ventre, ancien élève de l’École, dans Léandre Vaillat, Les Maisons des pays de France. Les provinces dévastées (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs)

• La Reconstruction Les destructions dues à la Première Guerre mondiale touchent essentiellement dix départements de l’est et du nord de la France. Peu de grandes agglomérations sont détruites à part Reims, mais de très nombreux villages, exploitations agricoles et villes moyennes : Arras, Soissons, Verdun, Lens, Saint-Quentin, etc. En fait, 450 000 logements sont détruits entre 1914 et 1918. Les procédures favorisent une reconstruction à l’identique qui mobilise des crédits considérables. En 1931, la reconstruction est pour l’essentiel achevée. Dès 1916, André Ventre, ancien élève de l’École et architecte en chef des Monuments historiques, est chargé par le directeur des Beaux-Arts, Paul Léon, d’une enquête sur les maisons paysannes, leur structure et leur style, dans les régions touchées par les combats. Ses dessins ont le double statut d’archives pour le service des Monuments historiques et de modèles pour la reconstruction future1. Près de Ventre, d’autres anciens élèves travaillent : Polti, Kaehrling, Harot, Texier. Le même architecte mène parfois de front restauration et reconstruction, mais la plupart des anciens élèves, les plus jeunes, s’occupent uniquement de reconstruction. Selon les dégâts subis par les localités, il peut s’agir d’interventions restreintes, ne touchant que quelques bâtiments, mais aussi de la reconstruction de villages entiers. Charles Amanovitch, élève de l’École entre 1905 et 1909, est architecte ordinaire des Monuments historiques des arrondissements d’Avesnes, de Cambrai et de Valenciennes. À la fin du conflit, il est chargé de la remise en état des villages du canton de Solesmes dans l’Aisne. La plupart de ces travaux ont pour maîtres d’ouvrage des « coopératives de reconstruction » départementales. Les architectes n’ont pas que des activités de constructeurs : leurs compétences les amènent aussi à constituer les dossiers de dommages de guerre ou à dresser les plans de monuments commémoratifs qui représentent un débouché important pour les sculpteurs et architectes de l’époque.

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La participation aux concours et expositions Depuis ses origines, l’École a fondé son enseignement sur le principe du concours, utilisé comme moyen de stimuler les élèves et de distinguer les meilleurs, mais l’exposition de travaux primés, organisée cinq jours par an, ne suffit pas à toucher un large public, et l’École profite du développement des concours extérieurs et des expositions pour montrer la qualité de ses élèves et diffuser ainsi l’image de la réussite de l’École. Cependant, les concours de réalisation ne concernent pas les élèves architectes qui travaillent déjà souvent en agence durant leur formation. Dans l’entre-deux-guerres, l’École prend davantage part aux grandes expositions, probablement motivée par le fait que Paris accueille celles de 1925 et de 1937. L’Exposition de 1925, consacrée aux arts décoratifs, revêt évidemment une importance particulière aux yeux de l’École ; quant à celle de 1937, elle consacre son succès. L’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925 reflète fidèlement les choix esthétiques de l’École depuis la fin de la guerre. Cette valorisation peut s’expliquer par la présence d’hommes issus de l’École au sein du comité organisateur de l’Exposition pour la classe 28, celle de l’enseignement artistique. C’est en effet Paul Steck, en tant qu’inspecteur général des Arts appliqués, qui est chargé d’établir le programme de cette classe. À sa mort, l’exécution du projet est confiée, entre autres, à Éric Bagge, architecte-décorateur, mais surtout ancien élève de l’École et l’un de ses futurs professeurs. La responsabilité du principal organisateur de l’exposition, Charles Plumet, ancien élève de l’École, ne doit pas non plus être négligée. L’École bénéficie d’une place de choix dans l’espace réservé aux écoles d’enseignement artistique puisqu’elle est chargée d’aménager le hall conduisant aux différentes salles. L’École des beaux-arts profite d’un espace similaire puisqu’elle s’expose dans le « salon d’honneur ». Elles suivent un programme comparable : quatre grands panneaux peints et quatre grands bas-reliefs viendront décorer leurs salles respectives. Les œuvres exposées par l’École ambitionnent d’illustrer le type d’enseignement qui y est dispensé, à la fois par le genre de réalisations présentées au public et par le message qu’elles délivrent. Trois élèves de l’atelier de peinture décorative exécutent ainsi quatre panneaux représentant les quatre principaux enseignements de l’École : « l’Architecture », « la Peinture », « la Sculpture » et « l’Art industriel ».

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Sur les parois du hall sont disposées les réalisations de l’atelier de sculpture et des ateliers de peinture : quatre bas-reliefs, des panneaux peints, des cartons de tapisseries et de vitraux, qui déclinent les différentes applications décoratives enseignées à l’École. Au centre de la salle est placé un meuble dont la particularité est d’avoir été réalisé grâce à la collaboration d’élèves de différentes sections. Enfin, au-dessus du hall est suspendue une grande toile dont la décoration a été réalisée au pochoir par les élèves de l’atelier d’art industriel. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 est un immense succès pour l’École qui y remporte de nombreuses récompenses, succès auquel a contribué la participation massive et brillante de ses anciens élèves, ce qui s’explique entre autres par la mainmise de la SAD, dont ils sont souvent membres, sur l’exposition. Joailliers, verriers, ivoiriers, céramistes, bronziers, illustrateurs ou mosaïstes, mais aussi architectes, dont la contribution a été particulièrement importante au Village français, exposent leurs œuvres ou collaborent à la décoration de pavillons. Lucien Woog, professeur d’architecture, est même l’architecte d’une des quatre portes d’entrée de l’exposition, la porte sud, située rue de l’Université. L’Exposition internationale des arts et techniques de 1937 est l’occasion pour l’École de revendiquer le statut qu’elle a acquis au sein de la hiérarchie des écoles, et de promouvoir sa section d’architecture. L’École ne se satisfait plus d’une participation à la classe de l’enseignement. En 1935, elle émet donc le désir de construire un pavillon dont elle serait l’unique responsable, ce que revendique également l’École des beaux-arts. Mais elle participe tout de même à la classe de l’enseignement en exposant des travaux d’élèves destinés à « montrer de façon claire son programme et ses méthodes47 ». Notes : 47. Cent. Arch. Cont. 950 147/10, lettre du directeur de l’École, datée du 23 mars 1935, demandant la concession d’un terrain pour un pavillon. 48. Ibid., exposition de 1937, groupe III, classe II, rapport interne sur l’exposition de l’École.

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La parcelle nécessaire à la construction d’un pavillon lui est refusée, tout comme à l’École des beaux-arts d’ailleurs, et l’exposition se fait donc dans les locaux de la rue d’Ulm. Un pavillon est édifié sur le site de l’Exposition, celui de la Grande Masse, qui organise à cette fin un concours d’idées entre les élèves architectes. Les œuvres présentées à l’École sont des travaux réalisés à la fois au cours de l’année 1936-1937 et spécialement pour l’événement, offrant ainsi au public la possibilité de juger sur pièces la formation des élèves. Reprenant l’idée centrale qui était à la base de la construction du pavillon de l’École, l’exposition comprend surtout un projet pour lequel toutes les sections ont été appelées à collaborer sous la direction d’un élève architecte : « une Maison du Peuple au milieu de jardins, dans une cité industrielle ». La pièce maîtresse est la maquette du projet primé. Autour d’elle sont exposés divers travaux exécutés en vue de l’œuvre collective, pour lesquels sont intervenus peintres, sculpteurs et décorateurs. Le programme mentionne en effet les interventions de ces derniers puisqu’il est précisé que « les jardins seraient ornés de sculptures, [que] la bibliothèque, la salle de jeux et de danse, le bar, comporteraient une discrète décoration sculptée ou peinte [et que] le grand hall, la grande salle d’assemblée et la salle de réunion secondaire, comporteraient une décoration plus discrète encore48 ». Le nombre de visiteurs qui se déplacent à l’École malgré son éloignement du site du Trocadéro et la participation massive des élèves aux travaux exposés témoignent l’un et l’autre du réel succès de l’École lors de cette dernière Exposition internationale. Il faut d’ailleurs noter que, pour cette Exposition, les élèves, et non plus seulement les anciens élèves, participent aux projets réalisés. Au Palais de la radio notamment, huit élèves de l’École sont chargés de la décoration du hall à l’initiative de Jean Locquin et de Georges Huisman.

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• L’École à l’Exposition de 1937 « C’est afin de donner une idée concrète de son programme, fondé sur le principe de l’unité de l’art, et de faire le public juge de ses efforts [que l’École] présente un choix de travaux exécutés par ses élèves, principalement au cours de l’année scolaire 1936-1937. Voici (petite salle du 1er étage) quelques dessins et croquis d’après le modèle vivant, des études de plantes, des croquis d’animaux. [...]. La composition est représentée par des projets plus ou moins simples ou complexes selon le degré de maturité d’esprit et d’éducation artistique et technique des élèves. [...] L’aspect varié de ces travaux atteste le souci qu’ont les professeurs de n’imposer aucune formule et d’aider les élèves à manifester leurs qualités personnelles. On pourra faire la même remarque devant les œuvres des sculpteurs [...] et devant les compositions exécutées dans l’atelier de peinture décorative [...]. Les projets d’architecture et les études de construction, exposés au 2e étage, sont inspirés des besoins et des manières de bâtir d’aujourd’hui. Voici quelques exemples des programmes étudiés : dans la 2e division : une porte monumentale pour une bibliothèque, le hall d’une gare, un kiosque à journaux, un bar pour l’Exposition de 1937, une habitation double dans une cité ouvrière. Dans la 1re division : une cité universitaire, une garderie d’enfants, une école en plein air. Dans la division supérieure : un immeuble de rapport, un abattoir, un garde-meuble national, une préfecture, une légation de France, un aérodrome, un casino, le projet d’aménagement d’un village (Cormainville) ou d’une région (région de Senlis). Au cours de construction : un restaurant ouvrier, une salle de spectacle. Quelques études d’histoire de l’art, avec croquis, complètent l’exposition de la section d’architecture. Mais le plus important des travaux présentés à l’Exposition consiste en un projet où toutes les sections ont été appelées à collaborer sous la direction d’un élève-architecte. Il met en lumière un des traits essentiels de l’École des Arts décoratifs, la liaison entre les diverses disciplines. Programme : Une maison du Peuple au milieu de jardins, dans une cité industrielle. Le projet primé à la suite d’un concours entre les élèves de la section d’architecture a été réalisé en maquette. Autour de cette maquette, exposée dans la grande salle du premier étage, divers travaux en vue de l’œuvre collective : bas-reliefs, fontaines pour les jardins, plafonds, parquets, mosaïque, peinture décorative pour le bar, cages d’ascenseurs, meubles… Une maquette exécutée par les élèves de l’atelier d’art appliqué à l’industrie représente la grande salle de conférences, de cinéma et de spectacles. » (CAC, 950 147/10).

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Le pavillon de la Grande Masse et l’Association des anciens élèves de l’Ensad à l’Exposition de 1937, par les architectes André Dargent, ancien élève, Belin, Corve, Millot, élèves de l’École ; statue de Goalabré, dans la plaquette de l’Association des anciens (Paris, bibliothèque de l’Ensad)

Le rayonnement à l’étranger L’École participe à un réseau informel d’échanges qui se constitue entre les différents établissements d’enseignement artistique, européens pour la plupart. Profitant d’une place de choix du fait de la renommée de Paris comme centre artistique et industriel, elle établit des contacts qui lui permettent de se tenir au courant des évolutions suivies par les autres écoles. C’est dans les années 30 que les échanges internationaux se développent. Curieuse des pratiques étrangères en matière d’enseignement artistique, l’École ne se contente pas d’emprunter aux établissements avec qui elle est en contact plus ou moins direct. Consciente de l’importance des conséquences de son prestige international, non seulement sur son propre développement mais également sur les intérêts français, elle s’applique à diffuser le modèle de sa scolarité. Et ce sont bien sûr les expositions internationales qui lui permettent de se faire connaître à l’étranger auprès d’un public très diversifié. Les congrès internationaux sur l’enseignement des arts, qui se tiennent régulièrement au début du XXe siècle, lui assurent également une certaine publicité en touchant plus spécialement les professionnels de l’enseignement du dessin et des arts décoratifs. L’École y participe à la fois par l’intermédiaire de certains professeurs et par l’envoi de travaux d’élèves destinés à servir de base aux discussions entre les représentants des différents pays.

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Comme c’était déjà le cas avant la guerre, le souci de maintenir la part française dans la production internationale continue d’être considéré comme une priorité. Mais cette volonté, exprimée notamment par Albert Laprade, amène à aborder la question de la crise de l’industrie du luxe et exige que la France soit en mesure de davantage diffuser une production moins coûteuse, capable de répondre à la concurrence allemande. D’après Laprade, « en France, on a tendance à s’occuper uniquement des arts appliqués dits « de luxe ». Or les mécènes se raréfient. La vraie clientèle est aujourd’hui celle de la classe ouvrière ou de la classe moyenne. C’est ce que les Allemands ont parfaitement compris depuis dix ans. Ils ont demandé à des créateurs de premier ordre comme Gropius, Mies Van der Rohe, Lily Reich et autres des modèles pour les objets usuels, des tables, des chaises, des casseroles ou des réveille-matin. Ces modèles très beaux, très simples et peu coûteux sont ensuite tirés à des milliers d’exemplaires et écoulés dans le monde entier par l’intermédiaire des bazars à prix fixe. Nous constatons dans tous les pays étrangers et même en France une invasion des produits manufacturés allemands qui sont plus séduisants, plus adaptés aux besoins, meilleur marché que les nôtres49 » Les performances de l’industrie et du commerce reposent en partie sur les hommes qui œuvrent à la conception des objets et donc sur leur formation. Les écoles entrent dans cette logique en protégeant leurs spécificités. Vis-à-vis des élèves étrangers, l’École finit par manifester quelques réticences. Alors qu’ils sont généreusement accueillis pendant des années puisque, avant la guerre de 1914, jusqu’à trente élèves étrangers peuvent fréquenter l’École pendant une année scolaire et que dans les années 20 une vingtaine d’élèves en moyenne continuent d’être acceptés chaque année, la grande crise des années 30 modifie l’attitude de l’administration de l’École envers eux. Dès 1930, à l’occasion des discussions sur la création des bourses d’État, l’École met en avant les facilités accordées aux étrangers qui placent les élèves français en position d’infériorité. Tandis que les étrangers sont dispensés du concours d’admission, les Français voient les conditions d’inscription devenir de plus en plus difficiles. À la fin des années 30, l’École se replie sur elle-même : on décide en effet de doubler les droits de scolarité pour les étrangers par rapport à ceux demandés aux Français. Mais cette mesure n’intervenant qu’en 1939, il est difficile de déterminer quelle influence elle a pu avoir sur la fréquentation de l’École. Notes : 49. AN, F 21/7 540. A. Laprade, Pour une liaison plus étroite de l’art et la technique, Rapport adressé à M. Lamblin, directeur des Beaux-Arts, 1er décembre 1933, p. 7-8.

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Chronologie

1724 • Naissance de Jean-Jacques Bachelier, fils de Jean Bachelier, gagne-deniers, et d’Edmée Gaulier, place Maubert à Paris. 1750 • Bachelier est agréée à l’Académie comme peintre de fleurs. 1751 • Bachelier est chargé de la direction artistique de la manufacture de Vincennes-Sèvres. 1752 • Réception de Bachelier à l’Académie royale de peinture et de sculpture. 1754 • Bachelier est logé au Louvre. 1765 • Bachelier s’occupe de développer le projet de la création de l’École gratuite de dessin. 1766 • 27 mars : premières dépenses pour l’école. Ouverture de l’école, rue Saint-André-des-Arts, dans l’ancienne chapelle du collège d’Autun à Paris. 10 septembre : Bachelier installe son bureau au château des Tuileries. 25 octobre : Bachelier présente à l’Académie son projet d’une école gratuite de dessin en faveur des métiers relatifs aux arts. 1767 • 20 octobre : lettres patentes du roi Louis XV, données à Fontainebleau. L’administration est confiée à Gabriel de Sartine, lieutenant général de Police du royaume. 1768 • Règlement de l’École royale gratuite de dessin pour les élèves. Donation par le roi de trois maisons rue Saint-Germain-l’Auxerrois en vue d’y installer le siège de l’école ; Le Camus de Mezières est chargé d’en dresser les plans. 12 décembre : cérémonie de la première distribution des prix. 1769 • 15 février : concert au profit de l’École aux château des Tuileries avec 372 billets vendus ; récitals des musiciens Gaviniés, Gossec et Stamitz et d’après le compositeur Chabanon. 22 novembre : concert spirituel. 1770 • 14 mars : Vauxhall. 12 décembre : concert spirituel au château des Tuileries ; Symphonie nouvelle de Gossec. 28 décembre : cérémonie de la distribution des prix ; le roi offre à l’École deux vases très précieux remplis de fleurs de porcelaine de Sèvres, qu’elle revendra à la loterie pour son propre bénéfice. 1771 • 29 avril : concert de Vauxhall à l’occasion de la foire Saint-Germain, 600 chaises sont louées. 18 décembre : concert spirituel. 1773 • 27 janvier : concert spirituel au château des Tuileries. Décembre : distribution des prix dans la galerie des Carrache au château des Tuileries. 1774 • Avènement de Louis XVI, roi de France ; l84 élèves fondés reçoivent tout le matériel d’enseignement gratuitement.

1775 • 7 mai : renouvellement des lettres patentes par Louis XVI; concession de l’amphithéâtre d’anatomie de Saint-Cosme, rue de l’École-deMédecine, comme siège pour l’École. 1776 • Février-mars : aménagement des nouveaux locaux et déménagement. 13 avril : arrêt du Conseil du roi concernant l’École gratuite de dessin suite à la réforme de Turgot et à l’abolition des corporations. 19 mai : Louis XVI renouvelle les lettres patentes concernant l’École royale gratuite de dessin. Juin : le sculpteur et marbrier Mauleveau enlève une dalle de marbre inscrite « École de Chirurgie » et la remplace par « École gratuite de dessin » en lettres gravées et dorées. 7 juin : contrat de mariage établi entre Bachelier et Charlotte Midy de Bauzillier. 19 décembre : renouvellement des lettres patentes du roi. 1778 • On expose les bustes des présidents de police M. Albert et M. Le Noir par Defernex dans la salle de classe. 1782 • Un médecin est affecté à l’École royale gratuite de dessin. 1784 • Première publication de l’Almanach de l’École royale gratuite de dessin. Ulrich Wertmüller présente ses portraits de Bachelier et de Caffiéri au Salon. 1785 • 18 mars : décision d’établir une succursale de l’École dans l’hôtel d’Aligre situé faubourg Saint-Antoine. 1786 • Avril : Mémoire sur l’Etablissement projeté d’une succursale de l’École. 1787 • Suspension du projet de l’établissement de la succursale du faubourg Saint-Antoine en raison de la crise économique. 1790 • À cause de l’émigration, l’École souffre d’une chute de ses revenus. Attestation et supplication des corps et communautés (relative à l’utilité de l’École gratuite de dessin et aux encouragements dont elle est digne). 4 septembre : l’Assemblée nationale accorde 15 600 livres d’annuité à l’École. Distribution des prix dans l’église des Théatins. 1791 • Suppression de toutes les corporations ; pétition des souscripteurs de l’École gratuite de dessin. 1792 • Le peintre Chambrun, ancien élève, rebouche les lettres d’une table de marbre noir au dessus de la porte d’entrée et inscrit en lettres jaune : « École nationale de dessin » ; son administration dépend désormais de la Commission de l’instruction publique. 1793 • 8 et 12 août : suppression des académies.

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1794 • 23 septembre : la Commission de l’instruction publique déclare que l’École gratuite de dessin n’est point comprise dans la suppression des académies, sociétés dotées par la Nation. 1804 • L’école est illuminée le 14 août pour la fête de l’anniversaire de l’Empereur puis le 18 novembre à l’occasion des festivités du couronnement de Napoléon Ier. 1805 • 2 juin : invitation faite à Bachelier de prêter serment d’obéissance aux constitutions de l’Empire. 1806 • 10 avril : décès de Bachelier à son domicile, rue de l’École-de-Médecine. Son élève, le peintre d’histoire Jean-Charles Nicaise Perrin, est nommé directeur de l’École de dessin pour le remplacer. On demande que l’école soit illuminée le 6 décembre à l’occasion des festivités de la victoire de la bataille d’Austerlitz. L’École ne compte plus que trois professeurs : Defraisne pour la figure, Godefroy pour l’ornement, Thierry pour l’architecture. 1807 • Jean-Baptiste Omer Lavit, ancien élève de l’École polytechnique, est nommé professeur de mathématiques. Article « JeanJacques Bachelier, sa vie, son oeuvre et l’École gratuite de dessin » paru dans Le Moniteur n° 121, 1808. 1810 • L’École gratuite de dessin pour les jeunes personnes, fondée en 1803 par Madame Frère de Montizon, passe sous tutelle de l’État. 1811 • Pierre Charles Jombert, fils de l’éditeur Charles Antoine Jombert, est nommé professeur de dessin d’ornement, en remplacement de Godefroy, décédé. André Dutertre, élève de Vien qui fut dessinateur lors de l’expédition d’Égypte, devient son adjoint. 1814 • Le conseil d’administration de l’École est reformé (définitivement en 1816). Il sera présidé par le duc de Saint-Aignan, pair de France, jusqu’en 1829. 1815 • L’École compte 292 élèves. 1817 • Louis Alexandre Péron, élève de David et de Vincent, est nommé professeur pour le dessin de la figure et des animaux. Pierre Raymond Monvoisin, élève de Lacour et Guérin, censeur des élèves, devient son adjoint. Thierry prend sa retraite : Jean-Paul Douliot, spécialiste de la coupe des pierres, est nommé professeur (adjoint) d’architecture ; Guillaume Auguste Herr, élève à l’École puis répétiteur, devient adjoint pour les mathématiques. 1823 • École royale gratuite de dessin et de mathématiques en faveur des arts mécaniques. Douliot devient officiellement titulaire de la chaire d’architecture. La Ville de Paris s’engage à verser une subvention annuelle de 4 360 F (porté à 6 000 F en 1835) lui donnant le droit de placer 73 élèves « gratuits ». 1824 • Les cours du soir sont rétablis. Le traitement annuel des professeurs passe de 1 200 F à 1 500 F, celui de leurs adjoints de 800 F à 1 100 F ; les répétiteurs touchent 200 F. 1825 • Dutertre est titularisé professeur d’ornement en remplacement de Jombert fils, décédé. Pierre Marie Gault de Saint-Germain , peintre et littérateur, devient adjoint de Dutertre.

1829 • François Gérard, premier peintre du Roi, entre au conseil d’administration dont le duc de Doudeauville prend la présidence. Eugène Catalan devient répétiteur de mathématiques. 1830 • La construction, par Alphonse de Gisors, de trois nouvelles salles d’étude est achevée. L’architecte Charles Percier, ancien élève de l’École, rejoint le conseil d’administration. 1831 • Jean-Hilaire Belloc, élève deRegnault et Gros, est nommé à la direction de l’École en remplacement de Perrin, décédé. 1832 • Création de la classe de sculpture d’ornements sous la direction de Georges Jacquot, élève de Bosio et prix de Rome en 1819. La Société d’encouragement pour l’industrie nationale souscrit une rente annuelle de 210 F lui permettant de placer 6 élèves gratuits. Plus de mille planches de cuivre gravées sous l’Ancien Régime sont vendues aux enchères, rapportant la somme de 4 080 F. 1834 • École royale gratuite de dessin et de mathématiques en faveur des métiers relatifs aux arts. Eugène Viollet-le-Duc est nommé répétiteur de dessin d’ornement architectural : il enseigne l’histoire et la composition d’ornement. 1835 • Adolphe Marie François Jaÿ, élève de Percier et professeur de construction à l’École des beaux-arts, devient professeur d’architecture en remplacement de Douliot, décédé en 1834. 1836 • Herr remplace Lavit, décédé. 1838 • Percier lègue à l’École une somme de 93 862,32 francs. 1839 • Le conseil d’administration tente d’imposer un nouveau règlement qui dessaisirait le directeur de ses principales attributions. Belloc fait parvenir un contre-projet au ministre de l’Intérieur. 1842 • Henri Gault de Saint-Germain, ancien élève de l’École devenu architecte ornemaniste, remplace son grand-père Pierre Marie comme professeur de dessin d’ornement. Auguste Eugène Rebout, également ancien élève et répétiteur depuis 1832, est nommé professeur adjoint de mathématiques. Gabriel Davioud devient répétiteur de mathématiques. Ayant refusé de modifier sa Bataille de Denain dans le sens « officiel », Monvoisin est contraint de s’expatrier : il part pour dix ans au Chili où il fonde une école de dessin et de peinture. 1843 • Nouveau règlement de l’École imposé par l’administration des Beaux-arts : l’École devient École royale et spéciale de dessin et de mathématiques appliqués aux arts industriels. Création d’un conseil des professeurs se réunissant mensuellement. Victor RuprichRobert, élève de Constant-Dufeux, devient suppléant de Viollet-le-Duc : tous deux sont architectes diocésains.


1844 • Ancien élève de l’École remplaçant Monvoisin depuis 1842, Horace Lecoq de Boisbaudran, élève de Lethière, est nommé professeur pour le dessin des animaux ; Victor Amédée Faure, élève de Hersent, est nommé professeur pour le dessin des fleurs. Un nouveau bâtiment, construit par Constant-Dufeux dans le style néo-grec est inauguré. 1847 • Lecoq de Boisbaudran introduit le dessin de mémoire. 1848 • École nationale et spéciale de dessin, de mathématiques, d’architecture et de sculpture d’ornements, appliqués aux arts industriels. 1849 • Projet pour l’achèvement du Louvre par Visconti et Trélat. Rebout devient, comme Herr, professeur titulaire de mathématiques. Rosa Bonheur devient directrice de l’École de dessin pour les demoiselles fondée en 1803. 1850 • Ruprich-Robert succède à Viollet-le-Duc, démissionnaire. Jean-Baptiste Carpeaux est nommé répétiteur de sculpture. 1852 • L’architecte Destouches lègue à l’École une importante collection de modèles de sculptures grecques, romaines, arabes, gothiques et de la Renaissance. Elles seront exposées aux murs d’une des salles de classe portant le nom du donateur, « moins comme objet d’étude que comme spécimen de l’art qu’il est bon d’avoir constamment sous les yeux ». 1853 • Lefuel reprend les travaux du Louvre après Visconti. Des anciens élèves participent à la décoration de l’édifice. 1854 • École impériale et spéciale de dessin, de mathématiques, d’architecture et de sculpture d’ornements pour l’application des beaux-arts à l’industrie. 1855 • Viollet-le-Duc publie le premier volume du Dictionnaire raisonné de l’architecture française. Décès de Péron : Lecoq de Boisbaudran, passe des animaux à la figure, Faure des fleurs aux animaux, Gault de Saint-Germain conserve l’ornement, tandis qu’Alexandre Laemlein, élève de Regnault et Picot, est nommé professeur pour le dessin des fleurs. 1858 • Ancien élève et répétiteur de sculpture d’ornement depuis 1841, Pierre Louis Rouillard, qui fut aussi élève de Cortot, est nommé professeur suppléant chargé du cours d’anatomie. Création d’une classe de gravure sur bois, sous la direction du graveur Adolphe Gusman et du peintre Guillaume-Alphonse Cabasson. 1859 • Gusman, démissionnaire, cède sa place dès la rentrée 1859 au graveur belge François Pannemaker. Letrosne est nommé professeur suppléant de mathématiques après le décès de Herr. 1860 • Le traitement annuel des professeurs est porté de 1 500 F à 1 800 F. Nelly Marandon de Montyel prend la direction de l’École de dessin pour les demoiselles. Les effectifs culminent à 1369 élèves. Lecoq de Boisbaudran prend la direction de l’École après le décès de Belloc. 1869 • Contraint de démisionner, Lecoq de Boisbaudran cède la direction de l’École au peintre et décorateur Alphone Laurent-Jan.

1870 • École nationale de dessin et de mathématiques pour l’application des Beaux-arts à l’industrie. Louis Jules Etex, élève de Lethière, d’Ingres et d’Aimé Millet, ancien élève de l’École, sont nommés professeur de dessin et professeur de sculpture. 1871 • Bainville suppléant de Ruprich-Robert. 1872 • L’École compte environ 8 00 élèves. L’architecte et peintre Amédée Hédin est nommé professeur de dessin. Nouveau règlement de l’École nationale de dessin et de mathématiques. Un conseil des professeurs est reformé. Ouverture d’un atelier d’applications décoratives sous la direction d’Edmond Lechevallier-Chevignard. Inauguration du nouvel Opéra de Paris construit par Charles Garnier, ancien élève de l’École. Christian Clopet, René Drouard et Camille Morel sont nommés professeurs de mathématiques. 1877 • Projet de budget de 71 370 F (plus 14 500 F par rapport à 1876 accordés par le ministre sur la demande du directeur des Beaux-arts). Le traitement annuel des professeurs est porté de 1 800 F à 2 400 F. Il passera à 3 000 F en 1879. Décès de Laurent-Jan. ler octobre : Auguste Louvrier de Lajolais nommé directeur. Changement de l’appellation de l’École en École nationale des arts décoratifs. 9 octobre : nomination de 20 membres supplémentaires dans le conseil de protection de l’École, choisis parmi des personnalités de l’industrie et des arts. 1878 • Demande d’augmentation de l’allocation ministérielle de 46 500 F (1876) et 61 000 F (1877) à 63 600 F. En fait, elle reste à 61 000 F. Les cours de dessin de fleurs et d’ornement élémentaire, de dessin géométrique et de dessin de figure sont rendus obligatoires. Projet d’installation de l’École à l’ancien hôtel Dieu. 7 janvier : mise en place de l’ « Enseignement simultané obligatoire ». 11 janvier : le comité consultatif est rebaptisé conseil supérieur de l’École. Mai : ouverture de l’Exposition universelle et participation de l’École. 11 novembre : on demande au modèle du cours de dessin de figure de changer de pose souvent afin d’habituer l’élève à l’esquisse rapide. 1879 • Demande à l’État d’une augmentation du budget de 22 500 F. Le total général des dépenses s’élève à 91 376 F, en augmentation de 23 610 F par rapport à celui de 1878. Institution du cours spécial de Reproduction industrielle des oeuvres d’art, Léon Vidal professeur. 10 juillet : question de la reconstruction de l’École sur un terrain appartenant à l’Assistance publique situé quai de Montebello. 6 octobre : nouvelles mesures disciplinaires. Silence absolu obligé, rentrée dite « militaire ». Ouverture de l’amphithéâtre le dimanche pour les cours de législation appliquée à l’industrie et photochromie.

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1880 • Institution des cours spéciaux : histoire générale, histoire des industries et histoire de l’art confiés à René Ménard, Louis Ménard puis Paul Vitry; législation du bâtiment, Édouard Mulle ; législation industrielle et artistique. 7 avril : délibération du conseil municipal de Limoges relative à la nationalisation du musée et de l’école des Beaux-Arts appliqués à l’industrie, subventions de l’État et de la Ville. 31 mai : participation de l’École à l’exposition de l’Union centrale des arts décoratifs. L’allocation ministérielle est en augmentation de 920 F. Les ressources particulières de l’École sont toujours fixes et le total des recettes monte à 10 596 F. 14 février : institution d’un brevet exigeant deux ans minimum d’assiduité (brevet de dessinateur ou de sculpteur). 5 novembre : nomination de Louvrier de Lajolais directeur de l’École de Limoges. 1882 • L’indemnité ministérielle pour l’année 1882 est égale à celle accordée en 1881, c’est-àdire 94 900 F. Règlement de l’École : ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts, École Nationale des Arts décoratifs, Enseignement gratuit, Impr. Nationale, sept. 1882. Le cours de dessin géométrique fait désormais partie de la Division élémentaire, et est l’un des trois cours obligatoires, avec le dessin de figure et le dessin d’ornement. Création du Prix de voyage de la Ville de Paris, réservé à un concours spécial ouvert entre tous les lauréats des grands prix. 20 mai : le sculpteur animalier Gustave Debrie est nommé professeur d’anatomie comparée. 1883 • Louvrier de Lajolais demande de porter l’allocation gouvernementale à 100 000 F pour le budget de1883. Participation de l’École à l’exposition de l’Union centrale. 20 novembre : nomination de Charles Genuys comme professeur titulaire d’architecture. 1884 • 19 mars : création de l’atelier d’application décorative, puis atelier de sculpture (Augustin Moreau-Vauthier, professeur). Octobre : le conseil des professeurs rend obligatoire le dessin géométrique pour l’ensemble des élèves de la 1ère année. Les nouveaux élèves devront commencer par le dessin géométrique avant de pouvoir s’inscrire aux autres cours. Succès des élèves de l’École à l’exposition organisée par l’Union centrale. 1885 • 2 mars : divers projets de reconstruction de l’École. 1886 • 8 mars : présentation de deux nouveaux plans de l’École par Charles Genuys. 4 octobre : le directeur dresse un bilan positif de la fréquentation de l’École ; nombre d’inscrits constant mais fréquence beaucoup plus assidue. Création du cours d’anatomie des animaux et principalement du cheval (Debrie, professeur). 1887 • ler janvier : la Ville de Paris supprime l’indemnité à l’École de 6 500 F.

1889 • Janvier : Louis Ménard organise des visitesconférences au Louvre ; Debrie dispense ses leçons au jardin des Plantes et à Alfort. 16 juillet : « Nouvelle loi militaire » (Journal Officiel). Congé après un an pour les jeunes gens étudiant à l’École. Septembre : ouverture de l’Exposition universelle. Deux Grands prix pour les Écoles de Paris et Limoges, médaille d’or à l’École d’Aubusson ; médaille d’or à l’ensemble des collaborateurs de l’École. Dans la section d’économie sociale : trois Grand prix pour les trois écoles. Octobre : admission des élèves en dessin ou en sculpture 2e division seulement après l’exécution des 7 planches de géométrie. 1890 • 6 mai (Journal officiel) : exonération de 2 ans de service militaire pour les élèves de l’École ayant obtenu un des 7 prix mentionnés : Jacquot, Jaÿ composition d’ornement, atelier d’application décorative, peinture ou sculpture, architecture, Grand prix d’honneur. Octobre : modification du régime des boursiers, soumis à un contrôle continu des présences ; fondation d’une Association des anciens élèves de l’École. Novembre : rattachement de l’École nationale de dessin pour les jeunes filles. Louvrier de Lajolais directeur, Paul Colin sous-directeur. 19novembre : section des Jeunes Filles, création de cours d’architecture, dessin géométrique, tracé des ombres et de perspective (Hector Guimard et Lucien Woog professeurs). 24 octobre : Charles Genuys devient sousdirecteur de l’École. Travaux d’étayage des tous les étages de l’École. Projet de reconstruction sur l’emplacement de, l’ancien hôtel-Dieu. Octobre : visite du ministre de l’Instruction publique à l’École de Limoges et création d’un cours supérieur d’ornement appliqué à la céramique. Novembre : plan de reconstruction de l’École présenté au Conseil général des bâtiments civils. Rapport de Pascal négatif. 1892 • Pour la première année, budget commun à la section des Jeunes gens et à celle des Jeunes filles. Les allocations ministérielles sont stables (100 600 F pour les Jeunes gens, 40 000 pour les Jeunes filles). Tout cumulé, les recettes prévisionnelles pour 1892 s’élèvent à 151 368 F. Projet d’installation des deux sections de l’École dans les ailes restaurées du Palais du quai d’Orsay. 1893 • Augmentation de l’allocation gouvernementale de 2 000 F (total de 108 000) pour l’entretien des bâtiments. 1894 • 8 octobre : l’École adopte la proposition de Charles David, qui relève l’âge d’admission à 13 ans, à moins que l’élève ne possède déjà un certificat d’études primaires. 10 décembre : l’âge d’admission des jeunes filles est fixée à 15 ans. 1895 • Mai : participation de l’École à l’exposition de Bordeaux.


1896 • 12 octobre : le cours d’architecture est divisé en une section préparatoire et scientifique (géométrie descriptive, tracé des ombres, perspective) et une première section (construction et composition architecturale). 1899 • Pour la première fois, on prévoit une somme de 100 F pour la bibliothèque. Jusqu’à présent, aucune somme ne lui était allouée. 11 décembre : l’École décide d’instituer un examen d’admission. 1900 • Allocation ministérielle pour la section des jeunes filles en augmentation de 2 000 F (de 40 200 à 42 200). Les allocations ministérielles augmentent : pour la section des Jeunes gens, de 1 125 F (passe à un total de 109 125) ; pour la section des Jeunes filles de 8 00,00 F (passe à un total de 43 000). 1902 • Création du cours de croquis pour la section des Jeunes gens, Paul Renouard professeur. Création du cours d’esquisse sculptée, Hector Lemaire professeur. Création de plusieurs ateliers section des Jeunes filles : atelier d’application de géométrie, atelier d’application d’architecture, atelier d’application de composition d’ornement, atelier d’application de composition des éléments naturels. 1903 • Création du cours de croquis, section des Jeunes filles, Paul Renouard professeur. 1904 • Les allocations ministérielles ont augmenté pour la section des Jeunes gens (110 949 F), mais ont baissé pour la section des Jeunes filles (41 176 F). 1907 • Cours de dessin en plein air, section des Jeunes gens. Création du cours d’architecture décorative (Jeunes Gens), Charles Genuys professeur. Création de divers ateliers dans la section des Jeunes gens : atelier d’art industriel (ancien atelier d’application décorative), Aubert professeur ;atelier d’architecture, Guimard professeur ; atelier d’études documentaires (Jeunes gens et Jeunes filles), Bruneau professeur ; atelier de décoration (architecture et composition d’ornement, Jeunes filles), Genuys et Delaroque professeurs. Création d’un cours d’histoire et composition de l’ornement (De la Rocque, Aubert et Lambert professeurs). Décès de Louvrier des Lajolais. Nomination d’Eugène-Édouard Morand directeur. Nomination du sculpteur Pierre Félix Fix-Masseau directeur de l’École de Limoges. Création de l’atelier de peinture décorative (Morand, Dethomas, Jaulmes professeurs). Rapport exposé par le conseiller Deville au Conseil municipal de Paris sur l’état déplorable des deux sections de l’École. 1909 • Cours en plein air au parc de Saint-Cloud, destinés aux élèves (Jeunes gens) de la division supérieure de dessin (Renouard professeur). 1910 • Les recettes des allocations ministérielles s’élèvent à 116 600 F pour la section des Jeunes gens, et à 36 125 F pour la section des Jeunes Filles.

1911 • Le cours de composition décorative (ancien cours de composition de l’ornement, Jeunes gens) est confié à Théodore Lambert. Janvier : divers projets d’installation de l’École ; pour l’un, le maire du VIe arrondissement propose, pour que les deux sections de l’École des arts décoratifs ne quittent pas le quartier, l’ancien couvent des Carmes, 70, rue de Vaugirard (domaine d’État) ; pour l’autre, l’Institut national des sourds-muets de Paris, rue de l’Abbé-de-l’Épée. 13 fevrier : programme de la reconstruction de l’École nationale des Arts décoratifs, Indications générales, Bureau des bâtiments civils et des palais nationaux. 1912 • 22 mars : séance du Conseil municipal de Paris. Accord avec l’administration des Beaux-Arts pour la cession en vue de la reconstruction de l’École, du terrain entre le Quai de Montebello, la rue du Petit-Pont, la rue Galande, la rue du Fouarre et la rue Lagrange. 1914 • Février : discussion à la Chambre des députés sur la reconstruction de l’École. Un conseiller est chargé par le Conseil municipal d’étudier les établissements d’enseignement similaires à l’étranger et tout spécialement en Angleterre. Début de la Première Guerre mondiale, mobilisation à l’Ensad et chez les anciens élèves. 1919 • Création des ateliers La Maîtrise aux Galeries Lafayette, Pomone au Bon Marché et Le Studium aux Magasins du Louvre, auxquels participe indirectement l’École. 1920 • Création de 7 certificats de fin d’études 1922 • Création du concours d’entrée pour les élèves du soir. Création du diplôme d’architecture (DPE). 1925 • Exposition internationale des arts décoratifs et industriel modernes de Paris. Participation active de l’École. Charles Couyba, directeur de l’École. L’Enad devient établissement d’enseignement supérieur (Ensad). 1928 • Déménagement de l’École rue d’Ulm. 1929 • Création de l’Union des Artistes Modernes (U.A.M.). 1930 • Institution de l’autonomie financière. 1931 • Léon Deshairs, directeur de l’École. 1932 • Création du cours de technique de construction. Création d’un atelier extérieur d’architecture. Admission des jeunes filles dans les ateliers. Création d’un cours sur l’affiche publicitaire. 1933 • Les certificats deviennent diplômes de fin d’études. 1934 • Création d’un cours sur le vitrail. 1937 • Exposition internationale des arts et techniques de Paris à laquelle participe l’École et la Grande masse. 1939 • Fin de l’autonomie financière. Création d’un cours d’éclairage. Nouvelle mobilisation à l’Ensad. 1940 • À la suite d’échauffourées lors d’une tentative de commémoration du 11 novembre, l’École est fermée. La Grande masse parvient à maintenir un embryon de cours pendant l’année en créant un «Atelier corporatif d’art ». 1941 • Direction commune de l’Ensad et de l’Ensba par Paul Landowski. Réouverture partielle de l’École. Suppression de la section d’architecture à l’exception de l’atelier Trouvelot, « Atelier extérieur à l’École des beaux-arts ».

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Bibliographie sélective Les références bibliographiques de chacun des articles complètent celles déjà indiquées dans le corps des notes.

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Liste des professeurs

Cette liste simplifiée des anciens enseignants de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) de Paris et des Ecoles nationales de Limoges et d’Aubusson pendant le directorat de Louvrier de Lajolais, respectivement de 1877 à 1908 et de 1884 à la même date, a été dressée à partir des travaux de Catherine Arnaud, Sylvie Martin, Rossela Froissart-Pezone et Thierry Chabanne. Les éléments contenus dans cette liste proviennent des sources suivantes : Archives nationales/CARAN, AJ 53 129-131, « Personnel enseignant. Dossiers individuels. 1772-1947 » & Archives nationales/Fontainebleau, CAC 910 490, art. 23-36 Le palmarès de distribution des prix (1808-1914) et les Almanachs (royaux, républicains, impériaux) consultés à l’Ensad, à la Bibliothèque nationale de France (BnF), à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (BHVP) et aux Archives nationales (AN) ont apporté d’utiles compléments. Signes conventionnels * : anciens élèves (les astérisques suivant les dates d’activité [début et fin] ne sont que des points de repères post quem ou ante quem). jf : École gratuite de dessin pour les jeunes filles A : École nationale des arts décoratifs (Enad) d’Aubusson L : École nationale des arts décoratifs (Enad) de Limoges (?) : Informations lacunaires ou incertaines Abréviations aqua. : anat. comp. : arith. : archi. : ani. : ant. : app. : appr. : at. : at. app. déco : brod. : céram. : chim. : compo. : const. : cor. : coul. : croq. : décotr. : dir. : des. : d’apr. la b. : des. li. : des. mém. : écl. : élts. nat. : ép. : ét. doc. :

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aquarelle anatomie comparée arithmétique architecture dessin d’animaux antique application approche atelier atelier d’application décorative broderie céramique chimie composition construction correcteur couleur croquis décorateur directeur dessin dessin d’après la bosse dessin linéaire dessin de mémoire éclairage éléments naturels épures études documentaires

fig. : fl. : géo. : grav/b. : hist. : insp. : im. : maths. : not. : nat. : orn. : peint. : pers. : plte. : pr. : prep. : prof. : repro. indus. : rect. : rept. : sav. : sculpt. : sculpt. orn. : sté. : sup. : teint. : tis. : ts. :

dessin de figure dessin de fleurs géométrie gravure sur bois histoire inspecteur imitation mathématriques notion nature dessin d’ornement peinture perspective plante pratique préparateur professeur reproduction industrielle recteur répétiteur (trice) savonnerie sculpture sculpture ornementale stéréotonie suppléant teinture tissage toisé


BACHELIER Jean-Jacques SUVÉE* Joseph Benoît BIDAULE (?) MALHORTIE (?) BOIZOT Simon Louis LE BOUTEUX* Joseph Barthélémy MAUDUIT (?) TARTIVOT Jean-Baptiste (?) THIERRY (?) HARGUINIER* Étienne (?) CHATELAIN Pierre (?) MOITTE Alexandre DEFRESNE (?) COURCY (de) Frédéric JUMELLE (?) LEGRIP Frédéric KROUCHKOLL Mlle LE ROUX (ou LEROUX)* Benjamin LAMEIRE Charles Victor FRÈRE DE MONTIZON Thérèse Justine PERRIN Jean-Charles Nicaise LAVIT Jean Baptiste Omer JOMBERT (?) DUTERTRE André PÉRON Louis Alexandre GAULT de ST-GERMAIN Pierre Marie MONVOISIN Pierre Raymond DOULIOT* Jean-Paul HERR* Guillaume Auguste BELLOC Jean-Hilaire JACQUOT Georges GRANDFILS* Laurent JAY Alphonse Marie François VIOLLET-LEDUC Eugène REBOUT* Auguste Eugène LAFOLLIE*(?) GOSSART*Louis ROUILLARD* Pierre Louis DAVIOUD* Gabriel LECOQ de BOISBAUDRAN Horace GAULT de SAINT GERMAIN Henri Vincent Joseph RUPRICH-ROBERT Victor FAURE Victor Amédée LETROSNE Paul Ernest LAURENT* (?) DUMAIN* (?) MOREL* Camille BONHEUR Juliette BONHEUR Marie Rosalie, dite Rosa CARPEAUX*Jean Baptiste Jules DROUARD* Victor LAEMLEIN Alexandre TRAIN* Eugène CABASSON Guillaume Alphonse PANNEMAKER* Adolphe François GUSMAN (?) RÉGAMEY* Félix Élie MARANDIE de MONTHIEL Nelly CUISIN Charles Émile RÉGAMEY* Guillaume Urbain DAINVILLE Édouard LAURENT-JAN Alphonse DROUARD René Victor MILLET Aimé ÉTEX Louis Jules HÉDIN Amédée LORAIN Paul LA ROCQUE (de) Anthime LECHEVALIER-CHEVIGNARD Edmond CLOPET Christian JOLLY Louis Robert FOULONGNE Alfred Charles

1724-1806 dir. 1743-1807 fig., ani., fl., orn. (?) fig., ani., fl., orn. géo., archi. (?) géo. 1743-1809 fig., ani., fl., orn. 1744- (?) géo., rect. (?) orn. (?) archi., pers., maths. (?) fig. (?) fig. ani. (?) fl., ani. 1750-1828 fig. (?) (?) (?) (?) (?) des. 1817-1871 des., rpt 1851-1920 des. 1845-1899 1832-1910 atel. d’app. déco., peint., chef d’at. dir., prof. 1792- (?) dir. 1754-1831 arith., ts, géo. 1771-1836 fig., orn. (?) orn. 1753-1842 fig., ani. 1776-1866 fig., ani. 1754-1842 fig., ani. 1790-1870 géo. prat., arith., ts 1788-1834 géo., arith., ts (?)-1858 dir. 1786-1866 sculpt orn. 1794-1874 scult. or., rpt 1810-1902 archi., coup. pier. et charp. 1789-1871 cpt orn. 1814-1879 géo., arith., ts 1812- 1875 math., rpt. (?) math., rpt. (?) sculpt. or., an. comp. 1820-1881 archi., rpt. 1823-1881 fig., ani., mm. 1802-1897 fig., ani., orn. 1810- (?) hist. et comp. orn. 1820-1887 des. 1801-1878 maths. 1827- (?) sculpt. orn, rpt (?) géo., archi. rpt (?) des., maths., rpt 1829- (?) dir. 1830-1891 dir. 1822-1899 sculpt., rpt 1827-1875 maths., pers. prat. (?)-1897 des. plte, d’apr. la b. 1813-1871 archi., constr. 1832-1903 1814-1884 des. fig., ani., b., ant., nat., grav/bois grav. bois 1822-1900 grav/bois (?) des. 1844-1907 dir. (?) des., rpt (?) des., rpt 1837-1875 hist., compo. d’orn., rpt 1823-1897 dir. (?) maths 1831- (?) sculpt. 1816-1891 des. fig., ani., b., ant. nat. 1810-1889 des. orn. 1842- (?) des. li., compo., appr. elts. nat. 1835- (?) hist., compo. de l’orn., hist. de l’art 1836- (?) atl. d’app. déco., chef d’at. 1825-1902 maths., pers. 1838-1885 des. géo., archi. 1853- (?) des. fig. et ani., b., ant., nat. 1821-1897

1766-1806 1768-1768* 1768-1774 1768-179* 1768-1805* 1768*- (?) 1770-1772 1772-1774 1772-1833 1774- (?) 1787-1793 1787-1796 1787-1817 18?*- (?) 18?*- (?) 18?*-1871 18?*-1895* 18?*-1897 18?*-1910 1803-1910 1806-1831 1807-1837 1809-1825 1809-1841 1809-1855 1817-1821 1818-1818 1818-1834 1818-1858 1831-1866 1832-1870 1833-1834 1835-1868 1836-1850* 1837-1875 1839-1940 1839-1944 1841-1881 1842- (?) 1842-1868 1842-1876 1843-1882 1844-1878 1844-1884 1845-1849 1846- (?) 1847-1897 1848-1849 1849-1860 1850-1856 1850-1896 1855-1872 1855-1899 1858-1860* 1858-1874 1859- (?) 1859- (?) 1860*- (?) 1866- (?) 1866- (?) 1866-1868 1869-1877 1869-1896 1870-1882 1871-1889 1872-1884 1872-1911 1873-1913 1874-1902 1875-1885 1877-1895* 1877-1897

jf L jf

jf jf

jf

jf

L

219


SCHROEDER Louis FORGET Eugène Adrien LEMOYNE André LOUVRIER de LAJOLAIS Gaston GENUYS* Charles CIEUTAT Hippolyte DECORCHEMONT* Émile-Louis CHRÉTIEN* Georges Gustave LEBRUN Édouard ROGER-BALLUT (?) MEYSSAT (?) LACOSTE (Cheuveucarré, dit) Jules DELOTTE (?) ROBIN Mlle MULLE Édouard STEBBING Edward Thomas VIDAL Léon MÉNARD René Joseph SCHMITT* Léon Paul Félix GAUTHIER Charles LANGRAND Jean Apollon Léon TEILLET de CHAUDIAT (?) DEBRIE Gustave ALEXANDRE Éva JOUATTE* Alphonse BESSE Étienne PONCET Jean-Louis MOREAU-VAUTHIER Augustin CHENIEUX (?) PORNIN (?) CHASSAIGNE (?) CHATARD Mlle BERNAUX (?) LEMASSON Mlle BOUCHERON* (?) ARIDAS Auguste DAVID* Charles CHABROL Valentin CONTAL (?) CORDUAN Augustine LEMAITRE Augustine (née Girard) MÉNARD Louis Nicolas PEYRUSSON Ernest DESPRAS Jean-Jules COLIN Paul BICHET Théodore Charles Antoine GUIMARD* Hector CORBEL* Jacques Ange ROUILLARD* Marcel MALHERBE Auguste LEMAIRE* Hector REYNAUD Mlle BALLET (?) PEYRUSSON Édouard ROUGERIE Léon CANARD Paul BOGUREAU Jeanne QUENIOUX* Gaston PEYROL* Hippolyte WOOG* Lucien Léon Henri BRISSAUD Alfred Eugène GÉRARD (?) DUGAS Paul SALOMON André BRUNEAU Adrien VITRY Paul RENOUARD Paul LEFÈVRE Camille BERNAUX Émile BIDAL* Gabrielle CLAUDE Georges

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mod. 1828-1897 des. d’orn., fl., des. indus. 1849- (?) archivi. biblio. 1822-1907 dir. 1829-1901 des. d’archi., archi. déco., archi. 1852-1928 peint, at. d’app. déco. 1831-1883 sculp., moul. 1851-1920 ép. de géo., cor. 1858-1930 anat. comp., prép. (?) hist. de l’art 1852- (?) des. fig. et d’orn. (?) peint. céram. (?) anat. comp., suppl. (?) brod. (?)-1922 légis. indus. et com., légis. du bât. (?) repro. indus., prépa. 1836- ? repro. indus. 1833-1906 hist. géné., hist. des indus. 1827-1887 des. fig., d’ani., de b. et d’ant. 1855-1902 sculp. 1831-1891 des. de fig., rpt (?) chim. Indus. (?) anat. comp. 1842-1932 fig., or., fl., grav., compo. orn. 1863- (?) at. d’app. déco., peint., rpt. 1827-1892 peint. céram. 1856- (?) des. d’orn. 1853-1891 at. d’app. déco., sculp. 1831-1893 anat. et anat. comp. 1884-1895 mod. et sculp. céram. (?) chim. et teint. (?) sav. (?) tiss., des., at. d’app. déco. (?) brod. (?) dir., prof. des., géo., anat. (?) des. de fig. et d’orn., des. d’imit. (?) 1856- (?) des. d’orn. fig. et ani., d’apr. b., ant. et nat. maths. géo. des. et stéré. 1860- (?) des., rpt (?) grav. bois 1856-1915 des. d’orn., rpt 1858- (?) hist. gé. et hist. de l’art 1822-1901 chim. indus., prép. (?) des. d’archi. 1850- (?) s.-dir. 1838- (?) des. d’im. (?) des. géo. et pers. 1867-1942 peint., at. d’app. déco. 1853-1904 des. d’orn., peint. déco. 1859-1907 des. (?) sculpt. 1846- (?) des. géo. et archi., rpt (?) chim. et teint. (?) chim. Indus. (?) mode. et sculp. céram. 1830- (?) des. fl. 1867- (?) rpt de des. (?) des. fig. et de b. frag. 1864- (?) sculp. 1856-1929 géo. et pers. 1867-1937 des. 1870 - (?) dir. 1894-1961 ss.-dir. (?)-1924 écl. (?) des. et aqua., ét. doc., compo. déco. 1874- (?) hist. de l’art 1872- (?) des. et croq., croq. d’apr. mod. viv. 1845-1924 sculp. orn., mod. 1853-1933 anat. 1883- (?) des. de fig. 1878- (?) des. de fig. 1854-1921

1877-1897 jf 1877-1907 1877-1907 1877-1908 1877-1921 1878-1883 1878-1918 1878-1926 1879-1882 1879-1902 188 *-1884 L 188 *-1884* L 188 *-1895* L 188 *-1895* L 1880-1889 1880-1906 1880-1906 1881-1887 1881-1887 1881-1891 1881-1914* 1882-18(?)* L 1882-1921 1882-1927 L 1883-1892 1884-1828 L 1884-1891 1884-1893 1884-1895 L 1884-1895 L 1884-1896 A 1884-1896* A 1884-1896* A 1884-1896* A 1884-1909* A 1884-1911 L 1884-19(?) 1885-1929 1886-1897 jf 1886-1915 jf 1886-1922 jf 1887-1901 1888-1895* L 1889-1912 1890-1901 jf 1890-1923 L 1891-1900 1891-1903 1891-1907 1892-1900 1893-1927 1895*-1923 L 1895*-1896 A 1895*-1908 L 1896-1925 L 1896-1932 1897-1904 jf 1897-1910 1898-1928 jf 1898-1929 1899-1934 L jf 19 *- (?) 19 *-1917 19 *-1939* 1900-1926 A 1901-1920 1902-1924 1903-1927 1904-1922 1904-1938 jf 1905-1921 jf


AUBERT Félix MONOD Édouard MORAND Eugène HABERT-DAYS Jules Auguste FIX-MASSEAU Pierre Félix, dit LACAZE Vital DEPONTHIEU Georges KLEIN Elisa AUDEBERT Marguerite LAMBERT* Théodore KLEIN Jeanne GIROUX (?) THARY Léon FONFREIDE Victor GENUYS* Paul HUDELOT Anna DUSOUCHET Léon SÉGUIN* Pierre SUBES Raymond DESHAIRS Léon GRÉGOIRE René BOIGNARD Camille FORGET René Charles LEGUEULT Raymond Jean DUFRÊNE* Maurice COUYBA Charles CHADEL Jules VALLETTE Henri FOUGERAT Emmanuel NICLAUSSE François Paul CORLIN Gustave BAGGE*Éric BARBIER* Louis Laurent Emile BOUCHARD Louis Henri ISSANCHOU Jean-Baptiste SAUVAGE Henri JAULMES Gustave Louis Frédéric CHABROL Maurice HAIRON Charles BAYONNE Charles TROUVELOT Jean BAUD Fernand SAPINCOURT (de) Raymond NEVEU Edmond JOUHAUD Dr Léon LA CHARTROULLE Marthe PAPAULT Georges LAFITTE Madeleine OGÉ* Pierre DEMARET Jean OUDOT* Roland PROU René Lucien GUILLEMOT-SAINT-VINEBRAULT (?) QUELVÉE François BRIANCHON* Maurice CORNILLE Louis VALETTE (?) DESNOYERS* François CAVAILLES Jules LANDOWSKI Paul CHARLEMAGNE Paul Auguste GIMOND Marcel Antoine PART* René Émile Joseph MASTORAKIS Michel Adrien Jean PETIT* Henri Marius CHEDEAU* Jean

1870-1940 1873- (?) 1853-1930 1850-1930 1869-1937 1874-1946 (?) (?) 1883-(?) 1857-(?) (?) (?) (?) 1872-1934 1881-1937 1879- (?) 1876-1936 1872-1958 (?)-1970 1874- (?) 1871-1945 1875-1941 1872- (?) 1898-1971 1876-1955 1866-1931 1870-1941 (?) 1869-1958 1879-1958 1875- (?) 1890-1978 (?) 1875-1960 1875- (?) 1873-1932 1873-1959 1894- (?) 1880-1962 1896-1968 1897- (?) 1889-1945 (?) 1885- (?) (?) (?) (?) (?) (?) 1897-1960 1897-1981 1887-1947 (?) 1884-1967 1899-1979 (?) 1877-1962 1894-1972 1901-1977 1875-1961 1892- (?) 1894-1961 1911-1983 191119131915-

art indus., hist. et compo. de l’orn. archivi. biblio. dir., prof. de peint. déco. des. dir. des. tis. des. cor. ép. de géo. hist. et compo. de l’orn. des. mod., compo. déco. peint. déco. des. des. géo., archi. grav. bois grav. sculp. (?) dir., hist. et hist. de l’art des. archi., compo. déco. anat. comp. des., peint., at. d’app. déco., chef d’at. (?) dir. ét. doc. sculp., mod. des. sculp., mod. des. archi. déco., chef d’at. déco. archi. sculp. et mod. peint. céram. archi., const. peint. déco. maths sculp. déco., mod., compo. déco. archi., not. de constr. archi. pers. ép. de géo., cor. ép. de géo., cor. anat. des., brod. sculp. des. anat. comp. archi. ét. doc. art indus., chef d’at légis. du bât des et coul des, peint déco. légis. (?) des et coul. des et coul. dir. des. ét. doc., des. et coul. mod. et sculpt. déco. compo. archi. mod. compo. déco., chef d’at. de déco.

1907-1935 1907-1935 1908-1925 1908-1927 1908-1934 L 1908-1940 1909-1934 A 1909*-1910 L 1910-1926 1910-1927 jf 1910-1934* L 1911-1913 L 1911-1913* A 1911-1934 jf 1912-1937 1915-1918 jf 1917-1926 jf 1919-1934 192 *- (?) 1920-1944 1921-1935 jf 1921-1941 1922-1931 1923-1940* 1926-1927 1926-1931 1926-1935 1926-1946 1927-1934 1927-1944 1927-1946 1927-1960 1928- (?) 1928- (?) 1928-1946 L 1929-1930 1929-1940 1929-1946 1929-1948 1929-1966 1930-1940* 1930-1947 1930-1947 1930-1955 1930*-1931*L 1930*-1934*L 1930*-1934*L 1930*-1935*L 1931-1946 1932(?)-1946 1935-1944 1935-1947 1935*- (?) 1936-1954 1938-1950 1939*- (?) 194?*- (?) 1940-1952 1940-1971 1941-1944 1943-1962 1944-1949 1945-1979 1945-1981 1945-1981 1945-1983

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Index général Noms propres dans le corps du texte seul, hors légendes, notes et annexes.

B

A

Académie des beaux-arts: 57, 84 Académie royale d’architecture: 47, 57 Académie royale de peinture et de sculpture: 9, 18, 21, 25-27, 47-49, 71 Académie de Saint-Luc: 18 Académie des sciences: 96 Administration des Beaux-Arts: 140, 147, 162 Adnet, Jacques: 188, 1966197 Afrique du Sud: 59 Allemagne: 16, 61, 138, 167 • Weimar: 61 Amanovitch, Charles: 202 Amora: 210 Angiviller, Claude François, comte d’: 25 Angleterre: 15-16, 61, 138 • Birmingham: 106 • Hampton Court: 106 • Plymouth: 106 Alger: 106, Ami de la Maison (L’): 105 Anhalt-Dessau, prince Léopold Friedrich Franz von: 61 Archives des Monuments historiques: 193 Archives nationales: 10 Arnoult, Madeleine Sophie: 33 Art décoratif (L’): 154, 203 Art français (L’): 155 Art dans Tout (L’): 146 Artiste (L’): 105 Assemblée nationale: 11, 33 Assistance publique: 184 Atelier français: 152 Atelier Martine: 152 Aubert, Félix: 143-144, 147, 175, 194, 197 Autriche: 23 • Vienne: 61 Avant-Coureur (L’): 25

222

Bachelier, Constantin: 21 Bachelier, Jean: 21 Bachelier, Jean-Jacques: 9-11, 13, 15-16, 21-23, 25-29, 31, 33-34, 37, 39, 41, 45, 47-48, 50-51, 53-55, 6163, 66-68, 73, 76, 81-82, 87, 92-93, 157, 164 Bagge, Éric: 193, 197, 203 Baltard, Louis Pierre et Victor: 59, 99, 101 Banque de France: 201 Barry, Jeanne Bécu, comtesse du: 32 Bâtiments civils: 167, 184 Bâtiments de la Couronne: 25, 59 Baudelaire, Charles: 77 Beaujon, Nicolas: 33 Beauvais (manufacture royale puis nationale de tapisseries): 18 Belgique: 171 • Anvers: 171 • Bruges: 171 • Bruxelles: 171 • Gand: 171 • Malines: 171 • Saint-Rombaud: 171 Bellevue, château de: 51 Belloc, Jean-Hilaire: 76-77, 81-82, 85, 105-106, Belloc, Louise: 77 Beltrand, Antoine: 103 Benoît, Joseph Antoine: 59 Bertuch, Friedrich Justus: 61 Berwick, Jean-Guillaume: 59 Bibliothèque Jacques-Doucet: 45 Bibron, Jeanne Belloc, épouse: 77 Bing, Siegfried: 144 Blondel, Jean-François: 45 Boel, Pieter: 45 Bogino, Frédéric: 102 Boignard, Camille: 175, 194 Boizot, Simon Louis: 45, 47 Bombelles, Marc Marie, marquis de: 39, 48 Bon Marché (Le): 152, 198 Bonnemain, Pierre Antoine: 59 Boncour, Paul: 129 Bonheur, Raymond: 68 Bonheur, Rosa: 68 Bonvallet, Lucien: 144 Bouchardon, Edme: 45

Boucher, François: 45 Boucher, Juste Nathan: 45 Boullier, Antoine: 51, 57, 59 Bracquemont, Félix: 135 Breteuil, Auguste Le Tonnelier, baron de: 32 Brianchon, Maurice: 197 Bruneau, Adrien: 170, 175, 194 Bulletin de la Société des architectes diplômés par l’État DAD, de la Grande Masse, de l’Association des anciens élèves de l’École nationale supérieure des arts décoratifs: 173 Bureau de l’enseignement et des manufactures: 181 Burgsthal: 177 Byron, George Gordon, lord: 76-77

C

Cabasson, Guillaume Alphonse: 78 Caisse des dépôts: 199 Caisse royale pour les dépenses: 29 Capy, Eugène: 103 Callot, pensionnat: 99 Carlin, Martin: 59 Carlin, Simon: 59 Carlu, Jean: 177 Carpeaux, Jean-Baptiste: 101-102, Cartellier, Pierre: 59 Cassandre, Adolphe Mouron, dit: 177 Catalan, Eugène: 101-102 Cauvet, Charles: 45 Cavé, Sébastien: 59, 90 Cazalio: 61 Cazin, Jean-Charles: 64 Cellini, Benvenuto: 69 Cellot: 27 Chambre de l’ameublement et du faubourg Saint-Antoine: 186 Chambre syndicale de la bijouteriejoaillerie: 192 Chambre syndicale des fabricants de bronze: 186 Champier Victor: 166 Chapelle: 103 Chapu Henri: 105 Charlet Nicolas Toussaint: 105 Chartier: 194 Chemins de fer de l’État: Choiseul-Stainville, Claude Antoine


Gabriel, duc de: 32 Christofle, orfèvre: 90, 103, 194 Cinzano: 201 Citroën: 201 Cochin, Charles Nicolas: 13, 25, 34 Colbert, Jean-Baptiste: 16 Cole, Henry: 105 Colin, Paul: 103, 131 Collège des arts appliqués: 138 Collin, Henry: 103 Comité central pour les/des arts appliqués: 154-155, 182, 185, 192 Commission des réformes: 118 Commission supérieure de l’enseignement du dessin: 131 Compagnie des arts français: 196, 198 Confédération des sociétés françaises d’architectes: 132 Congrès de l’enseignement du dessin: 170 Congrès des arts décoratifs: 66 Congrès des écoles: 105, 119 Congrès international des arts du dessin: 112, 134, Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM): 185 Conseil d’État: 28 Conseils des Gobelins et de Sèvres: 112 Conseil supérieur des beaux-arts: 112 Conservatoire des arts décoratifs: 66, 111, 113, 182 Conservatoire des arts et métiers: 105 Conservatoire national supérieur de musique: 159, 165 Constant-Dufeux, Simon Claude: 74 Cortot, Jean-Pierre: 90, 101 Couder, Amédée: 113 Cour d’appel de Paris: 184 Courtin, Louis: 59 Coutan, Jules: 103 Couture, Thomas: 101 Couyba, Charles: 129, 192 Coypel, Charles Antoine: 11 Crédit lyonnais: 201 Croisey, Vve: 50 Crost: 132

D

DAD (architectes diplômés par l’École nationale des arts décoratifs): 181 Daladier, Édouard: 185 Dalimier, Albert: 155 Daly, César: 105 Dammouse, Albert: 144 Davioud, Gabriel: 101 Decorchement, François: 144, 188 Defraisne, Jean-Florent: 73 Delaherche, Auguste: 144 Delaporte: 51 Démaret, Jean: 181

Demay, Honoré Pierre Marie: 102 Denis, Jean: 59 Denon, Vivant: 68 Department of Science and Art: 106 Dépôt des marbres et des ouvrages d’art appartenant à l’État: 166 Deshairs, Léon: 169, 182, 186, 192 Desmarteau, Gilles: 50 Desportes, Alexandre François: 45 Desroches: 59 Dickens, Charles: 77 Diderot, Denis: 63 Direction des Beaux-Arts: 182-183 Direction générale des chemins de fer et des routes: 184 Douliot, Jean-Paul: 95-96, 98 DPE (architectes diplômés par l’État): 181, 184, 201 DPLG (architectes diplômés par le gouvernent): 181, 183-184 Duban, Félix: Dublin Society: 13 Dubouché, Adrien et Mme: 124-126 Dubut, Jean-François ou Gilles Ambroise: 59 Duc, prix: 99 Dufrêne, Maurice:143, 144, 196-198 Dugas, Paul: 154 Dumont: 101 Dupré: Dutertre, André: 93 Dutry, Henri Louis: 59, 93

E

Ecole de tapisserie, Aubusson: 123 Ecole des arts appliqués: 192 Ecole des arts décoratifs (nationale puis nationale supérieure), Paris: 11, 68, 106, 110, 112-113, 115-116, 118, 120-121, 122-125, 130-132, 134, 137-138, 140, 146, 150, 154155, 157, 159, 162-163, 166, 175, 181-184, 190, 192, 194, 230-204, 209 École des beaux-arts, Paris (royale, impériale nationale puis nationale supérieure) : 81-82, 84-85, 90, 94-95, 99, 101, 106-107, 110-112, 119-121, 128, 130-132, 138, 140, 150, 155, 157, 159, 164-165, 172, 180, 182184, 190, 194, 197, 202-203, 209 École Boulle: 163 École centrale des arts et manufactures, Paris: 184 École céramique, Limoges: 123, 126 École de dessin et de mathématiques: 63 École Élisa-Lemonnier: 192 École Estienne: 163 École Guérin: 146 École de dessin pour jeunes filles: 28, 53, 130 Ecole nationale des arts appliqués à l’industrie, Bourges: 162 École des arts décoratifs, Limoges: 150, 163

École gratuite de dessin pour les jeunes personnes: 66-68 École impériale et gratuite de dessin pour les demoiselles: 68 École municipale des arts décoratifs, Aubusson: 126 École municipale des arts décoratifs de Strasbourg: 162 École nationale d’art décoratif, Aubusson: 126, 150, 169 École nationale des arts industriels, Roubaix: 154, 166, 192 École normale supérieure: 169 École normale supérieure de l’enseignement technique: 155 École du Louvre: 192-193 École polytechnique: 57, 94, 102, 168 École des postes: 168 École royale gratuite de dessin: 9-10, 21-22, 25-29, 31-33, 37, 39, 41, 45, 47-48, 50-51, 56-57, 59, 61-63 École royale gratuite de dessin et de mathématiques: École spéciale d’architecture: 180, 183 École des travaux publics: 180 Edgeworth, Maria: 77 Egypte: 59 Engelmann, Godefroy: 59 Enad (voir Ecole nationale des arts décoratifs, Paris) Ensad (voir École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris) Ensba (voir École nationale supérieure des beaux-arts, Paris) Enseignement du dessin et des musées: 154 Erdmannsdorff, Friedrich Wilhelm von: 61 Espagne: 61, 106 États-Unis: 57, 61 Europe: 22-23, 33, 57, 61-62, 171, 209 Expert, Roger Henri: 167-168 Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, Paris: 152-154, 186, 188, 197, 203-204 Exposition internationale des arts et techniques de 1937, Paris: 180, 204, 206 Exposition(s) universelles(s): 67, 106, 110

F

Faculté des arts: 183 Fédération nationale des sociétés françaises d’architectes: 181 Ferney: 31 Ferrat, Marius: 103 Ferrand de Monthelon, Antoine: 13 Ferry, Jules: 126 Fontaine, Pierre François Léonard: 71, 87 Fortin, Jean-Alexandre: 59 Forty, Jean-François: 45

223


France: 15-16, 23, 37, 57, 62-63, 66-67, 69, 106, 198-199, 209 • Amiens: 105 • Arras: 202 • Aubusson: 123, 127, 130, 147, 194 • Auch: 61-62 • Avesnes: 202 • Avignon: 32, 96 • Bordeaux: 33 • Caen: 154 • Cambrais: 202 • Châlons-sur-Marne: 102, 105 • Châlons-sur-Saône: 105 • Courseulles-sur-Mer: 147 • Dijon: 18, 61-62, 66 • Epernay: 102, 105 • Eure-et-Loir: 154 • Lens: 167 • Limoges: 123-127, 130, 202 • Lyon: 18, 53, 59, 66, • place Bellecour: 59 • Mâcon: 18, 61-62, • Marseille: 18 • Mulhouse: 147 • Nancy: 99, 102, 144, 147 • Nîmes: 103, • Oise: 21, 102 • Orléans: 18 • Reims: 18, 202 • Rouen: 191 • Saint-Quentin: 202 • Saint-Cloud: 200 • Saint-Tropez: • Senlis: 191, 206 • Seine: 154 • Semur-en-Auxois: 105, • Solesmes: 202 • Toul: 99 • Toulon: 18 • Toulouse: 18, 66 • Tours: 18 • Troyes: 18 • Valenciennes: 102-103, 202, • Verdun: 202 • Vitry-le-François: 105 Franchet, Augustin Marie: 59 François Ier: 109 Franklin, Benjamin: 33, 61 Freie Zeichenschule: 61 Frémiet, Emmanuel: 102 Frère de Montizon, Mme, Flore et Justine: 68

G

Gabriel, René: 188 Gaillard, Eugène: 144 Galeries Lafayette: 152, 196-198 Galland, Victor: 138 Gallé, Émile: 151 Gambetta, Léon: 117 Garde-Meuble de la Couronne: 32 Garnier, Charles: 105-106 Gaulier, Edmée: 21 Gault de Saint-Germain, Henri: 103

224

Gentleman’s Magazine (The): 13 Génie: 184 Genuys, Charles: 128, 131, 140-141, 144, 147, 167, 177, 190,193, 199 Geoffrin, Marie-Thérèse Rodet, épouse: 10, 32 Gérard, françois: 101 Gérôme, Jean-Léon: 166 Girardin, Nicolas Claude: 45 Girodet-Trioson, Anne Louis: 59 Gisors, Alphonse de: 74 Gleyre, Charles: 112 Gobelins, manufacture royale puis nationale des: 16, 37, 90 Godefroy, Jean-François: 47, 73 Goethe, Johann Wolfgang von: 61 Gozlan, Léon: 77 Grande Masse: 171-172, 205 Grandfils, Laurent: 103 Grandjean, Eugène: 102 Grasset, Eugène: 146 Grèce: 69 Gropius, Walter: 208 Gros, Antoine, baron: 77 Guichard, Édouard: 112 Guillaume, Eugène: 93, 106, 115, 117, 127, 131 Guilleré, René: 152, 188 Guimard, Hector: 131, 140, 141, 144, 151, 188 Gusman, Adolphe: 78

H

Habsbourg: 61 Hairon, Charles: 197 Harcourt, François Henri, duc d’: 32 Harot: 202 Hassenfratz: 59 Hautecœur, Louis: 183 HBM (habitation à bon marché): 199 Heim, François Joseph: 101 Henri II: 140 Henri IV: 59 Herculanum: 37 Herr, Guillaume Auguste: 94 Hirtz, Lucien: 144 Hollande, roi de: 59 Hongrie: 61 Houdon, Jean-Antoine: 68 Hudry: 50 Huisman, Georges: 182, 185, 205 Huré, Jean-Henri: 59

I

Illustration (L’): 105, Imprimerie royale: 32 Ingrand, Max: 188 Inspection générale des arts appliqués: 154-155, 203, 155 Inspection de l’enseignement du dessin: 155

Institut de France: 119, 183, 190 Institut culturel suédois: 9 Institut d’urbanisme de l’université de Paris: 188 Intendance des Menus-Plaisirs: 39 Irlande: 13 Italie: 25, 61, 69 • Florence: 15

J

Jacquot, Georges: 82, 87, 90 Jacob, Georges: 9 Jallot, Léon: 200 Jaulmes, Gustave: 194, 196-197 Jaÿ, Adolphe Marie François: 95-97, 99, 101, 103 Jefferson, Thomas: 57 Jombert: 48, 51 Journal de Paris (Le): 39 Joseph II: 61 Joubert de L’Hiberderie, Antoine Nicolas: 34, 53

K L

Kaerling: 202 Krauss, Georg Melchior: 61

Laborde, comte de: 135 La Fayette, Marie Joseph Gilbert Motier, marquis de: 32 Lalique, René: 172 Lambert, Théodore: 175 Lamé, Gabriel: 102 Landowski, Paul: 182-183 Laporte: 126 Laprade, Albert: 155, 208 La Roettière, Jacques: 45 La Rue, Louis Félix de: 45 Laurent-Jan, Alphonse: 106-107, 116, 137 Lavit, Jean-Baptiste Omer: 94, 96, 101 Lavoisier, Antoine Laurent de: 33 Le Blanc, abbé: 13 Lebrun: 68 Le Brun, Charles: 16, 45 Le Chevallier-Chevignard, Edmond: 78, 136, 138 Leclère: 101 Lecomte-Vernet, Émile: 105 Lecoq de Boisbaudran, Horace: 82, 84-85, 105, 176 Le Corbusier, Charles Édouard Jeanneret, dit: 185 Legros, Alphonse: 84 Legueult, Raymond: 197


Lemarchand, Geoffrey: 59 Lemire, frères: 77 Lemot, François Frédéric: 59 Le Normand, Charles Pierre Joseph: 59, 61 Lesueur: 101 Locquin, Jean: 205 Loritz, Henri: 99 Loucheur, loi: 199 Louis XIV: 16, 18, 37, 59, 69, 140 Louis XV: 16, 21, 27 Louis XVI: 29, 41 Louvrier de Lajolais, Jacques Auguste Gaston: 110-113, 115-118, 120-121, 123, 125-132, 134-135, 137-138, 140, 143, 146, 150, 159, 167, 169, 192

M

Magasins du Louvre (Les): 152, 198 Magasin Pittoresque (Le): 105 Maison du roi: 32, 39 Maison moderne, galerie: 147 Maîtrise (La): 152, 196-198, Marandon de Montyel, Nelly: 68, 130-131 Mare, André: 198 Marigny, Abel Poisson, marquis de: 25 Martin, Léon: 102 Marx, Roger: 135, 151 Mauduit: 94 Médicis: 15 Meier-Graefe, Julius: 147 Meissen, porcelaine de: 22 Mercure de France (Le): 13, 18, 39 Metropolitan Museum, New York: 57 Meynier, Charles: 59 Michelet, Jules: 77 Midy de Bauzillier, Charlotte: 21 Mies Van der Rohe, Ludwig: 208 Millet, Aimé: 102 Ministère de la Défense nationale: 184 Ministère des Colonies: 184 Ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts: 93, 105, 128 Ministère des Arts: 118, 155, 164, 166, 181, 183 Ministère des régions libérées: 151 Moitte, Guillaume: 47 Monge, Gaspard: 93 Monnier, Gérard: 197 Monod, Édouard: 170 Monvoisin: 90 Moore, Thomas: 76 Morand, Eugène: 154, 166-167, 192 Morand, Paul: 166, 175 Moreau-Vauthier, Augustin: 138 Morin, Arthur: 105 Moutard: 33 Mulle, Édouard: 141 Musée des arts décoratifs, Paris: 57, 112, 128, 147

N

Nanteuil: 101 Napoléon 1er: 77, 101 Napoléon III: 69 Nitot, Marie-Étienne: 59 Normand, Alfred Nicolas: 57 Normand, Jules: 103 Normand, Pierre Charles: 103

O

Odiot, Jean-Baptiste: 59 Oeben, Auguste et Simon: 59 Olida: 201 Oppenord (Gilles Marie): 45 Orléans, Louis Philippe Joseph, duc d’: 33, 57 Orléans, Mme d’: 68 Orsay, général-comte d’: 32 Oudin, Marcel: 201 Oudry, Jean-Baptiste: 11, 18, 21, 45

P

Paillard, Victor: 105 Paillette, sieur: 50 Palissy, Bernard: 69 Panckoucke, Charles Joseph: 33, 78, 103 Pannemaker, François: 78, 103 Paris: 18, 23, 29, 33, 56-57, 59, 61-62, 90, 99, 123, 125-126, 130, 143, 203 • Alhambra (théâtre de l’): 173 • Aligre (hôtel d’): 28 • Autin (chapelle du collège d’): 41 • Bastille: 33 • Beaujon (hôpital): 45, 201 • Bonaparte (rue): 138, 190 • Carrousel (arc de triomphe du): 59 • Casino de Paris: 201 • Chaptal (lycée): 99 • Cluny (café de): 201 • Cochin (hôpital): 201 • Cordeliers (collège des): 68 • Cordeliers (couvent des): 41 • Coupole (café de la): 201 • Cour des Comptes: 127 • Dauphine (place): 59 • Dôme (café du): 201 • École-de-Médecine (rue de l’): 41, 143, 167 • Grand Palais: 162, 177 • Grands-Augustins (quai des): 84 • Halles: 59 • Hôtel de ville: 90, 102 • Iéna (pont d’Iéna): 96 • Justice (palais de): 59 • Laffitte (rue): 90 • Lhomond (rue): 168

• Lisbonne (rue de): 173 • Louvre (palais et musée): 21, 57, 59, 81, 87, 90, 96, 102, 192 • Manège (salle du): 90 • Marsan (pavillon de): 113 • Maison de l’Alsace: 162 • Maison dorée: 90, 102 • Ministère de la guerre: 90 • Montebello (quai de): 128 • Musée d’Orsay: 90, 128 • Musée pédagogique: 168 • Museum: 90 • Notre-Dame-de-Lorette (église): 102 • Opéra Garnier: 90, 134 • Palais de la Radio: 205 • Palais de l’Industrie: 112 • Palace (music-hall du): 201 • Pigalle (théâtre): 173 • Pitié-Salpêtrière (hôpital de la): 201 • Racine (rue): 74 • Rotonde (café de la): 201 • Saint-André-des-Arts (rue): 22, 41 • Saint-Antoine (faubourg): 28, 53, 105, 152, 186 • Saint-Augustin (église): 99 • Saint-Cosme (théâtre d’anatomie): 41, 128 • Saint-Germain (boulevard): 129 • Saint-Germain (faubourg): 32 • Seine (rue de): 68, 129-130, 167 • Touraine-Saint-Germain (rue): 68 • Tribunal de commerce: 90 • Trocadéro (esplanade du): 90, 205 • Tuileries (château): 39, 41 • Ulm (rue d’): 129, 167-169, 205 • Université: 204 Percier, Charles: 51, 57, 59, 71, 74, 101, 141 Percier, prix: 69, 71, 87, 164 Perret, Auguste: 190 Perrin, Jean-Charles Nicaise: 63, 66, 73 Petit de Bachaumont, Louis: 39 Petite École: 112, 128 Peyre, Antoine François: 57, 68 Picot, François Édouard: 101 Pierrefonds, château de: 172 Pils, Isidore Alexandre Augustin: 101 Plumet, Charles: 146, 203 Poiret, Paul: 152 Polt: 202 Pomone: 152, 196, 198 Pompadour, Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de: 21-23, 25 Pompéi: 37 Potocki, prince: 57 Poussin, Nicolas: 45 Pradier, James: 103 Préfecture de la Seine: 184 Primavera: 152, 198 Printemps (Le): 152, 198 Prix de Rome: 171, 184 Prou, René: 196, 200 Proust, Antonin: 118 Prusse: 16, 23 Przirembel, Godefroy: 59

225


Q

Quatremère de Quincy, Antoine Chrysostome: 71 Quénioux, Gaston: 134, 193-194 Questel, Charles: 99

R

Raphaël, Raffaello Sanzio, dit: 45, 106 Ravaisson, Félix: 118 Ravel, Salomon: 33 Ravrio, André Antoine ou Louis Stanislas: 59 Rebout, Auguste: 94, 103 Régamey, Félix: 84 Régie immobilière de la Ville de Paris: 199 Regnault, Jean-Baptiste: 77 Reich, Lily: 208 Rémy, Claude: 59 Rencontres internationales d’architecture: 185 Renouard, Charles Paul: 131-132, 134, 176 Revue générale de l’architecture et des travaux publics: 105 Robert-Fleury, Joseph Nicolas: 101 Robineau: 29 Rodin, Auguste: 84 Roqueplan: 77 Roty, Oscar: 84 Roubo, Jacob André: 63 Ruhlmann, Jacques Émile: 173 Ruskin, John: Russie: 61, 103 • Ermitage, musée: 57 • Saint-Petersbourg: 57 Rouillard, Marcel: 102-103, 147 Rouillard, Pierre Louis: 82, 87, 90, 102-103 Ruprich-Robert, Victor: 82, 88, 98, 103, 137, 140, 144, 193

S

Saint-Hubert, château de: 21 Saint-Louis, ordre de: 59 Saint-Non, abbé de: 45 Sallandrouze frères: 147 Salomon: 177 Salon(s): 9, 21, 77, 112, 135 Salon d’automne: 188, 197 Salon de la lumière: 177 Salon de la Société nationale: 146 Salon des artistes décorateurs: 177, 188, 197 Salon, Israël: 33 Sanson, Nicolas Antoine: 59 Sartine, Gabriel de: 25-27, 61

226

Saupiquet: 201 Saxe, roi de: 22 Séguin, Pierre: 144 Seine: 66 Selmersheim, Paul: 146 Selmersheim, Tony: 143-144, 146 Service des Édifices diocésains: 193 Service des Monuments historiques: 190, 193, 199, 202 Sèvres, manufacture royale, impériale, nationale de porcelaine de: 16, 21-23, 45, 51, 59, 194 Siegfried, loi: 199 Siffren-Duplessis, Joseph: 45 Slodtz, Michel Ange: 45 Snyders, Frans: 45 Société de l’art industriel: 113 Société d’encouragement pour l’industrie nationale: 84 Société des architectes diplômés par l’Etat (SADE): 181, 186 Société des architectes diplômés par le gouvernement (SADG): 183 Société des arts: 18 Société des artistes décorateurs (SAD): 155, 186, 188, 196-187, 205 Société du musée des Arts décoratifs: 113 Société pour l’instruction élémentaire: 99 Soufflot, Germain: 45 Sous-commission de coordination des Ecoles nationales des beaux-arts et des arts décoratifs: 182 Studium: 152, 198 Standard française des pétroles: 201 Steck, Paul Dugas, dit: 155, 203 Subes, Raymond: 188 Subleyras, Pierre: 45 Süe, Louis: 198 Suvée, Benoît: 47 Swanton, Louise: 76-77 Syndicat des architectes DPE: 184

T

Tacca: 59 Templier, Raymond: 188 Tessin, collection: 9 Texier: 202 Thierry, Jacques Étienne: 73, 95-96 Thierry, Luc Vincent: 33 Thibault, Louis Michel: 59 Thomas Jefferson Memorial Foundation, Monticello: 57 Train, Eugène: 97-99, 102-103, 116, 140, 144, 177 Trichon, Auguste: 102 Trompette, Étienne: 59 Trouvelot, Jean: 191, 193 Turgot, Anne Robert Jacques: 29, 3

U

Union centrale des arts décoratifs (UCAD): 112-113, 119, 124-125, 132, 135, 138, 143, 169, 192 Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie: 106-107, 113, 115 Union française pour la jeunesse: 192 Union des artistes modernes (UAM): 153, 188, 197, 209 Union syndicale des artisansfaçonniers du bronze, de l’orfèvrerie et du bijou: 18

V

Vachon, Marius: 124-125, 155 Valence: 61 Van Hulst, Enrik: 16, 23 Van Loo, Carle: 45 Varsovie: 198 Ventre, André: 202 Véra, André: 152 Verdier: 77 Versailles: 105 • château: 59 • ministère des Affaires étrangères: 21 Vidal, Abraham: 33 Vidal, Léon: 125 Vienne: 61 Ville d’Avray, Thierry de: 32 Ville de Paris: 25, 26, 73-74, 99, 103, 110, 119, 167, 184, 192-193 Viollet-le-Duc, Eugène Emmanuel: 84, 88, 135, 138, 140, 144, 172, 177, 190, 193 Vincennes, manufacture royale de porcelaine: 16, 21-22 Vincent, François André: 47 Visterre: 59 Vitry, Paul: 131, 186, 188,193 Voltaire, Jean-Marie Arouet, dit: 10, 31

W

Washington: 198 Weimar, duc Karl August von: 61 Werkbund: 151, 188 Wermüller, Ulrich: 9 Westminster Jour (The): 13 Woog, Lucien:


Ont participé à cette publication : Urich LEBEN a suivi des études universitaires à Bonn, Berlin et Paris. Docteur en histoire de l’art, chercheur indépendant, il poursuit divers activités (enseignement, commissariat d’exposition, conservation de musée, chargé de projet, édition, etc.). Il publie régulièrement des articles dans L’Estampille-L’Objet d’art, Connaissance des arts, Beaux-Arts Magazine, Kunst und Antiquitäten, The Magazine Antiques, The Furniture History Society, etc. Renaud d’ENFERT est maître de conférences à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de l’académie de Versailles, membre du Groupe d’histoire et diffusion des sciences d’Orsay (Université ParisIX) et chercheur associé au service d’histoire de l’éducation de l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP). Ses recherches portent principalement sur l’enseignement du dessin et des mathématiques aux XIXe et XXe siècles. Il a publié récemment L’Enseignement du dessin en France ; Figure humaine et dessin géométrique (1750-1850), Paris, Belin, 2003.

Rossella FROISSART-PEZONE est docteur en histoire de l’art contemporain de l’Université de Clermont-Ferrand et spécialiste des arts décoratifs auxquels elle a consacré une thèse dirigée par M. Jean-Paul Bouillon. Elle est l’auteur de nombreux articles sur le sujet et, dernièrement, de l’ouvrage L’Art dans Tout : les arts décoratifs en France et l’utopie d’un art nouveau (CNRS Editions, décembre 2004). Elle collabore avec la revue Studies in the Decorative Arts (Bard Graduate Center, New York) et enseigne actuellement l’histoire de l’art contemporain à l’Université de Lyon III et Paris I. Sylvie MARTIN est conservatrice de bibliothèque. Archiviste paléographe, elle est l’auteure d’une thèse de l’Ecole des chartes sur l’histoire de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs.

Le projet d’une recherche sur l’histoire de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) a été initié par Richard PEDUZZI et Élisabeth FLEURY, alors directeur et directeur-adjoint de l’Ensad. Ce projet remanié par l’actuelle direction paraît dans le cadre du Journal de l’Ensad, dans l’attente d’une deuxième phase de recherche (l’Ensad de 1940 à nos jours), confiée à Pascal Rousseau, professeur de sciences humaines à l’Ensad. Les directions de la recherche puis de l’édition ont été assumées successivement par Thierry CHABANNE, enseignant en sciences humaines et histoire de l’art à l’Ensad puis Stéphane LAURENT, maître de conférences à l’université de Paris I-Panthéon Sorbonne. Cette publication a bénéficié des critiques et conseils du comité scientifique : Marc BASCOU et Chantal GEORGEL, conservateurs au musée d’Orsay/Jean-Paul BOUILLON, professeur d’histoire de l’art, université Blaise-Pascal (Clermont II) Christian MICHEL, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie, université de Paris X-Nanterre. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés ainsi que pour sa lecture attentive Ségolène LE MEN, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université de Paris XNanterre, directrice des études littéraires à l’École normale supérieure (ENS). L’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) tient à marquer sa gratitude à tous ceux qui ont œuvré à la bonne réalisation de cet ouvrage, tout particulièrement : Béatrice SALMON directrice des musées de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD), Paris Josiane SARTRE, conservateur en chef de la bibliothèque des Arts décoratifs, Paris.

Ainsi que : Christelle AUBRY, documentaliste, École d’art de Limoges-Aubusson/Sandrine BALAN, attachée de conservation, Musée municipal, Semur-en-Auxois/Emmanuel BRÉON, conservateur du musée des Années trente, Boulogne-Billancourt/Rachel BRISHOUAL, responsable de la photothèque des musées de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD), Paris/Anne CORNET, secteur presse et publicité, Réunion des monuments nationaux (RMN), Paris/Virgine FRELIN, assistante qualifiée de conservation, musée des Beaux-Arts, Valenciennes/Mme GIFFLAULT, conservateur en chef du Musée départemental de la Tapisserie, Aubusson/ Annie jJACQUES, conservateur en chef de la Bibliothèque, École nationale supérieure des beaux-Arts (Ensba), Paris/Brigitte LEGEAY, Public relations ArjoWiggins Coated Papers, Issy-les-Moulineaux/Claude MALECOT, Monum éditions du patrimoine/Sylvie PITOISET, conservateur de la photothèque, bibliothèque Forney, Paris/ Maria RIDELBERG-LEMOINE, Centre culturel suédois, Paris

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École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) 31, rue d’Ulm 75240 Paris CEDEX 05 Tél. : 01 42 34 97 00/fax : 01 42 34 97 85 Web : http://www.ensad.fr ISSN : en cours Directeur de la publication : Patrick Raynaud Comité de rédaction : Bernard Beney, Jean-Michel Bertrand, Vincent Bouvet, Francis Dumas, Jean Lagarrigue, René Lesné, Jean-Claude Pattacini, Jean-Louis Pradel, Margo Rouard-Snowman Coordination éditoriale : Vincent Bouvet, Thérèse Guillobez Conseiller artistique : Jean Lagarrigue Mise en forme éditoriale : Françoise Bayle Recherches iconographiques : Marie-Pierre Rosenberg Création graphique et mise en page : David Valy & Annelise Cochet, Paris Photogravure : GORNE, Paris Impression : STIPA, Montreuil Achevé d’imprimer en novembre 2004, tirage 3 000 exemplaires Cet ouvrage à été imprimé avec le concours du groupe ArjoWiggins. Sur-couverture : papier de création Sensation Tactile Extra Blanc, 120 g. Couverture : papier de création Pop’Set Maïs, 240 g. Intérieur : papier couché Chromomat 150 g et papier de création Pop’Set Maïs, 120 g.

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www.arjowiggins.com Crédits photographiques :

Commission du Vieux Paris : 114, 1281, 129 - Conseil général de la Creuse/Enad Aubusson : 122 - DR : 14, 19, 30, 35-36, 38, 401, 41, 44-45, 48, 501, 513, 147 DR, Institut Tessin : 8 - Ensad/Pascal Lemaitre : 2, 24, 26, 42-43, 46, 49, 512, 514, 56, 60, 62-63, 67, 72, 74-75, 77, 79, 8 082- 83, 841,2,3, 86, 88-89, 99, 100, 103, 112, 118-119, 123-125, 127, 1281, 133-134, 136, 138-139-146, 156, 158-161, 163, 168-169, 171, 173, 176, 179, 181, 190-191, 193, 195-197, 200, 202, 206207 - Ensba : 94-98 -Institut de France : 166- MAP, Archives photographiques/CMN : 1011, 1 013 - Musée de Semur-en-Auxois (Côte d’Or) : 104 - Musée des Années Trente, Boulogne : 151, 194- Musée des Arts décoratifs, Paris/Fonds photographique Albert Lévy : 153, 186187, 189/Laurent Sully-Jaulmes : 71, 113, 152, 198/ Musée de la Publicité : 174, 177 - Musée des BeauxArts de Valenciennes/François Leclercq : 105 - Musée du Louvre/Étienne Revault : 90-91 - Musée d’Orsay : 1012, 111, 131. Photothèque des Musées de la Ville de Paris : 402 - RMN/Daniel Arnaudet : 201/Martine BeckCoppola : 202/Gérard Blot : 57, 68/Ernest Bulloz : 70/ René-Gabriel Ojéda : 844 - Roger-Viollet : 12, 17 - The National Trust, Waddesdon Manor/Richard Davies : 58 -Jérôme Letellier : 52


Histoire de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (1766-1941)


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