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Cap sur le métavers (ou pas)?

–High-tech Des avancées récentes ont renforcé l’intérêt pour ce modèle immobilier émergent. Alors, simple lubie de technophiles ou eldorado du futur?

Ce printemps, un faisceau d’informations est venu illustrer la vigueur de ce biotope numérique. Selon l’agence américaine de conseil Gartner, 25 % des consommateurs passeront au moins une heure par jour dans le métavers dès 2026. Pour Bloomberg, le marché global qui lui est lié approchera les 680 milliards de dollars en 2030. Ce printemps toujours, on apprenait que le célébrissime bureau Zaha Hadid Architects (ZHA) avait conçu une ville virtuelle autogérée à destination du métavers. Cette cité comprend une mairie, des espaces de coworking et même une galerie d’art recourant aux NFT («Non Fongible Tokens»), le tout dans le style architectural caractéristique de ZHA.

DE QUOI PARLE-T-ON? L’immobilier propre au métavers est un mode d’acquisition de biens et de terrains qui a pour cadre différents mondes virtuels. Ceux-ci sont l’équivalent de nations numériques. Elles sont dotées d’un système de droits de propriété clairement délimités et présentés comme irrévocables. Dans ces espaces, les visiteurs peuvent interagir avec d’autres usagers grâce à leurs avatars. Ils ont en outre le loisir de découvrir des offres culturelles ou commerciales et même de gagner de la cryptomonnaie en jouant par exemple à des jeux dédiés. Il est aussi possible d’y assister à des concerts ou à des événements exclusifs (pour ne livrer qu’un aperçu de cette offre qui ne cesse de s’étoffer).

Un casque 3D permet d’explorer cet univers très inspiré des jeux vidéos.

POURQUOI SE LANCER? Les acquéreurs de biens sur le métavers ont deux types de motivations: soit ils souhaitent disposer d’un lieu où recevoir leurs amis, soit ils entendent réaliser un pur investissement. Dans ce dernier cas, ils doivent être conscients que ces placements sont hautement volatiles. Après un pic à 69’000 dollars en novembre 2021, le cours du Bitcoin (qui reste la valeur étalon dans ce domaine) s’est écroulé à 30’000 dollars début mai en raison de la guerre en Ukraine. Abstraction faite de ces fluctuations, le recours au blockchain lié au métavers n’en paraît pas moins intéressant dans la mesure où cette technologie permet d’investir dans un projet immobilier avec un montant de départ relativement bas. Grâce à ce que l’on nomme la «tokennisation», ces biens peuvent en effet être divisés en plusieurs petites parts commercialisées séparément via le blockchain.

UN CASE STUDY PARLANT Le cas de Decentraland se révèle riche en enseignements. À titre de rappel, il s’agit de l’un des métavers les plus connus aux côtés de Sandbox Somnium Space, Axie Infinityet Cryptovoxels. Chacune des 90’000 parcelles qu’il comporte (nommées «LAND») peut être achetée, vendue ou développée par les utilisateurs en se servant de MANA, la cryptomonnaie propre à Decentraland. Chaque parcelle est représentée par un NFT et

mesure 16 m2. En 2017, l’année de leur lancement, ces LAND valaient 100 dollars pièce. Ce printemps, le prix d’une parcelle de terrain non développée frôlait les 10’000 MANA. Depuis la création de Decentraland, on a comptabilisé plus de 50’000 ventes secondaires de LAND pour un total dépassant les 30 millions de dollars à un prix moyen de 560 dollars. Aujourd’hui, la valeur globale du LAND est estimée à 100 millions de dollars. Une surface mesurant 41’216 m2 s’est notamment vendue 572’000 dollars début avril, établissant de la sorte un nouveau record. À elle seule, MANA revendique une capitalisation boursière d’environ 4,3 milliards de dollars. Cette cryptomonnaie figure désormais parmi les 80 plus grandes capitalisations mondiales d’après CoinGecko. Ce qui ne la met pas à l’abri des soubresauts du marché, elle non plus.

TOUJOURS SCEPTIQUE? Un doute subsiste chez certains: le métavers ne serait-il pas en fin de compte qu’une sorte de Monopoly 3D du troisième millénaire réservé à une poignée de geeks et dont les retombées financières resteraient tout aussi immatérielles? Pour autant, le fait que Facebook ait décidé l’an dernier de se rebaptiser «Meta» constitue un signal fort en termes de fiabilité de ces mondes émergents. Ceci d’autant plus que des majors comme Adidas, Warner Music, HSBC ou Samsung ont très vite emboîté le pas au réseau social.

De grands noms de l’architecture créent spécialement pour le métavers.

L’immobilier virtuel a bénéficié, par ricochet, d’un spectaculaire regain d’intérêt. Car dans le domaine du blockchain et des NFT, un seul critère prévaut, à savoir la devise qui figure en latin sur le Bitcoin: «La force est dans les chiffres».

DES ATOUTS INDÉNIABLES Quoi qu’il en soit, tout investisseur qui s’intéresse à l’immobilier virtuel se devra d’intégrer les fonctionnements propres à cet environnement. Par exemple, le sacro-saint mantra de l’immobilier traditionnel («L’emplacement, l’emplacement, l’emplacement») ne régit pas de façon exclusive son pendant numérique. L’essentiel dans ce monde immatériel consiste à savoir donner vie à un artefact plat et pixelisé afin de créer une plus-value qui soit, elle, bien réelle. Il convient pour cela d’attirer ses clients sur ses terres virtuelles, puis de les encourager à y revenir et, surtout, à y dépenser leur cryptomonnaie. Grâce au blockchain, l’accès à cette catégorie d’immobilier se démocratise grandement. Les transactions se trouvent drastiquement simplifiées par rapport à un achat classique où les démarches administratives sont nombreuses. Dans le métavers, tout se passe en ligne et en un minimum de temps.

LE BILAN En contrepartie, ce marché est largement déréglementé, ce qui signifie qu’en cas de problème (par exemple si un vendeur s’avère être un escroc et disparaît avec votre argent), les voies de recours sont infinitésimales et vous risquez de vous retrouver bien seul. Idem si votre portefeuille de cryptomonnaies est pillé par un pirate informatique. Malgré ces sérieux défauts de jeunesse, l’immobilier dématérialisé a sans conteste de l’avenir. Au-delà des accidents de parcours ponctuels, les spécialistes estiment toutefois qu’il y aura une latence de cinq à dix ans avant que le métavers lui-même ne soit pleinement adopté par le grand public.

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