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Fribourg. Un verrou défensif devenu lieu de rencontre
La plus vieille maison de Fribourg
–Un verrou défensif devenu
lieu de rencontre Le café-restaurant du Belvédère compte parmi les adresses populaires de Fribourg. Le bâtiment qui l’abrite fait aussi partie des plus anciens de la cité des Zaehringen.
Avec ses bières artisanales, sa sélection de sirops maison et ses plats à base de produits locaux, le Café du Belvédère rend les Fribourgeois heureux depuis plusieurs générations. Sa terrasse, sertie de marronniers centenaires et dont une partie est accrochée à flanc de falaise, fait partie des plus belles, loin à la ronde, grâce à la vue imprenable qu’elle offre sur le relief accidenté de la cité et la Sarine qui serpente en-dessous. Mais saviez-vous que la maison qui accueille ce caférestaurant populaire compte aussi parmi les plus anciennes de la capitale fribourgeoise? En levant la tête, on peut y apercevoir des poutres datées de 1322, tandis que les fenêtres gothiques situées côté rue ont été réalisées à l’occasion d’une transformation menée en 1366. Les origines de la maison située au numéro 36 de la GrandRue sont cependant encore plus anciennes. Le bâtiment fait ainsi partie du Bourg de fondation, le premier quartier de la ville fondée en 1157 par le duc Berthold IV de Zaehringen.
FORTIFICATIONS
«L’immeuble actuel englobe en réalité trois maisons médiévales datant de la fondation de la ville, explique Gilles Bourgarel, archéologue médiéviste fraichement retraité et auteur de plusieurs ouvrages et études sur le sujet. Celle du
Une analyse détaillée du bâtiment a été réalisée dans les années 1990.
centre était une construction en pierre, réalisée en tuf calcaire et galets morainiques, et constituée d’au moins un rez-dechaussée et d’un étage, ce qui était assez exceptionnel pour l’époque. Elle présentait en outre la particularité d’une façade conséquente côté rue, de près de 1,25 mètre d’épaisseur.» Cette caractéristique s’explique du fait que la maison était
Tentative de reconstitution de l’architecture du bâtiment au XIVe siècle.
flanquée de fortifications et jouxtait la porte de Berne, l’une des premières de la ville. «La famille propriétaire avait ainsi la charge de la garde de la porte, une disposition relativement courante dans les villes au Moyen-Âge que l’on retrouvait par exemple aussi à Yverdon ou à Berne.» On ne connaît pas le nom des détenteurs de la maison forte initiale, mais un historique précis des propriétaires qui se sont succédé à partir du XIVe siècle a été réalisé par l’historien Pierre de Zurich (1881–1947). Vers 1366, les trois maisons comprises dans le bâtiment actuel sont réunies par la famille de Praroman, qui en garde la possession jusque vers la fin du XVIe siècle. Au fil des siècles suivants, elle passe entre les mains des familles patriciennes de Cléry, de Buman et de Ratzé.
UN RESTAURANT DÈS 1880
L’avocat Jean-François-Marcellin Bussard rachète le bâtiment en 1818 et y réalise d’importants travaux vers 1838. L’immeuble comprend à l’époque deux appartements, deux caves, un grenier et une écurie. «La prochaine transformation marquante date de 1878, avec la construction d’un jeu de quilles. Deux ans plus tard, l’ébéniste Josef Pfanner obtient une patente pour ouvrir le restaurant du Belvédère, indique Gilles Bourgarel. L’établissement connaît un beau succès pendant plus d’un siècle, jusqu’au milieu des années 1990.» Les autorités de la ville doivent alors en interdire l’exploitation et l’habitat, car le bâtiment présente d’importants défauts d’entretien. C’est l’occasion pour Gilles Bourgarel d’y mener une analyse détaillée, qui révèle l’importance des éléments patrimoniaux de la construction. Les fouilles menées permettent par ailleurs de découvrir divers objets dignes d’intérêts: vaisselle, céramique de poêle, habits, ainsi qu’une série de documents et lettres appartenant à la famille d’Englisberg. Sans oublier un canon mousquet et une arbalète jouet, tous deux datés du début du XVIIe siècle. Le bâtiment est mis en vente et suscite l’intérêt de promoteurs bernois, décidés à racheter l’ensemble pour y créer des appartements haut de gamme. «Mais le rapport que j’ai réalisé à l’époque a été intégré aux documents de vente, ce qui rendait une telle transformation très compliquée.» Un détail qui a permis à un amoureux du Belvédère de remporter la mise et ainsi préserver le caractère public du lieu jusqu’à aujourd’hui.
Le Café du Belvédère offre l’un des plus beaux panoramas de Fribourg.