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Annie Young-Scrivner

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Visionnaire et téméraire, Thomas Baillod a réussi à rebattre les cartes d’une industrie conservatrice pour développer un modèle à succès.

BA111OD

TEXTE [[[ Julie Mueller

Avec son modèle économique lunaire, le spécialiste de la distribution Thomas Baillod est parvenu à toucher les étoiles en seulement trois ans. Pourtant, rien ne le prédestinait à un tel voyage. Retour sur l’aventure BA111OD, celle d’un entrepreneur convaincu qui a su bouleverser le microcosme horloger non sans faire quelques étincelles. 3.2.1. Décollage.

RETOUR À LA CASE DÉPART… Baigné depuis tout petit dans l’univers de l’horlogerie, c’est dans un contexte de crise du quartz que le Chaux-de-Fonniers, Thomas Baillod, évolue étant enfant. Lui qui se remémore encore aujourd’hui les longues discussions que son père, journaliste, menait autour de la table avec des professionnels de la branche, choisit finalement une autre voie pour débuter sa carrière. Après des études d’économie internationale à Neuchâtel et à Saint-Gall, plutôt qu’à la HEC Lausanne, «pour comprendre pourquoi et non comment s’appliquent les modèles», il effectue ses premiers pas professionnels chez Publicitas. Et ce, avant de revenir à ses racines chez Victorinox, Maurice Lacroix ou encore Louis Érard qui feront de lui leur bras armé dans la distribution internationale. Une expérience riche mais difficile selon Thomas Baillod: «Monter au filet pour vendre lorsque l’on travaille pour des marques horlogères indépendantes n’est pas toujours évident.» Si bien qu’en 2016, lorsque son dernier contrat prend fin, le Romand choisi d’étoffer ses quinze années de terrain avec une formation en marketing digital. Un retour sur les bancs de l’école qui fera office d’élément déclencheur. «En quatre mois j’ai passé en revue tous les fondamentaux du marketing mais à aucun moment la thématique de la distribution n’a été abordée. Or, je savais d’expérience que c’était la base de tout et surtout du profit», atteste-t-il. Point sensible pour les entreprises, notamment

dans l’industrie horlogère, il se penche alors sur le développement d’une réflexion inédite et disruptive qui cible la distribution.

…AVANT LE GRAND SAUT «L’innovation d’une marque ne doit pas porter uniquement sur le produit mais aussi sur la manière de le commercialiser», souligne Thomas Baillod qui tente alors de concilier le schéma classique, linéaire, qui va du producteur au consommateur en passant par de nombreux intermédiaires (pauvre en marge mais qui offre une expérience client) et son autre extrême, le e-commerce. Dans un esprit «phygital», il assure dès lors que le secret d’un modèle économique rationnel tient au fait que les montres doivent être vendues par les acheteurs euxmêmes, qui en tirent des avantages et deviennent ensuite ambassadeurs, influenceurs et vendeurs dans une communauté. Ce qu’il appellera plus tard des «afluendors». Une démarche qui ne prétend pas solutionner tous les problèmes mais au moins rapprocher la marque et son client tout en réduisant les coûts pour l’un comme pour l’autre. Le concept plaît, en théorie en tout cas, puisque Thomas Baillod est appelé pour enseigner à l’Université, notamment dans celles de Saint-Gall, Monaco, Milan et à la Sorbonne à Paris. Côté pratique, l’approche fait moins d’adeptes et se voit rejetée par les marques horlogères. Mais pas de quoi démonter l’entrepreneur dans l’âme qui n’hésite pas à prouver que son modèle économique est viable et surtout plus actuel. Courant 2019, accompagné d’amis issus de la branche horlogère, il crée au culot, sans investisseur, la startup expérimentale BA111OD.

UN MODÈLE DÉSORMAIS ÉPROUVÉ Un site web, trois prototypes de montres et une plateforme d’échange pour ses «afluendors» plus tard, BA111OD est lancée. Pour cela, rien de superflu: un simple appel sur LinkedIn suffit. «J’ai expliqué mon ini-

LE NOUVEAU PHÉNOMÈNE HORLOGER

tiative, présenté mon produit qui reprenait les codes du luxe (mouvement automatique double oscillateur, verre saphir bombé, série numérotée…), le tout à prix accessible (400 francs), et j’ai récolté 30’000 francs en 36 heures», témoigne-t-il. Immédiatement, le succès est au rendez-vous et les ventes, exponentielles. Les clients deviennent ensuite vendeurs à leur tour et sont récompensés par des produits ou des évènements. Les anniversaires de la marque, quant à eux, sont l’occasion de dépasser les limites du modèle. D’abord en devenant «swissmade» la première année, puis en proposant un tourbillon doté du premier verre connecté pour les deux ans, et enfin, en octobre dernier, avec la sortie d’un chronographe au prix choc de 1110 francs. Désormais sur sa lancée, Thomas Baillod a de l’ambition pour la Maison BA111OD qui vient tout juste d’intégrer la Fédération Horlogère Suisse (FH), de s’installer dans la Villa Castellane à Neuchâtel, et enregistre déjà plus de 2,5 millions de francs de chiffre d’affaires. Le seul obstacle reste l’incrédulité selon lui: «On peut penser qu’un tel produit si peu cher cache quelque chose. Il faudra donc du temps pour faire intégrer ce modèle novateur mais, j’en suis sûr, ce n’est que le début d’une longue histoire.»

Depuis les débuts de la marque, il y a trois ans, BA111OD a produit 22 modèles de montres. Avec près de 10’000 abonnés, Thomas Baillod a fait de LinkedIn son outil d’influence N°1.

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