La mise en oeuvre cohérente de l’Agenda 2030 est une urgence

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« Depuis 2015, la Suisse tarde à mettre en œuvre l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable. Les politiques cantonales et nationales n’en tiennent pas compte, ou à peine. Il est urgent que cela change. »

Prise de position de Caritas

La mise en œuvre cohérente de l’Agenda 2030 est une urgence


En bref : La Suisse s’engage en faveur du développement durable. Elle a signé l’Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2015. Notre pays s’engage ainsi à mettre en œuvre sur son territoire les objectifs de développement durable (ODD) de l’agenda et à contribuer à leur réalisation dans les pays pauvres. L’Agenda 2030 s’attaque aux grands défis et aux crises mondiales et veut créer un monde durable. Pour la Suisse, le fait de signer l’Agenda 2030 a comme premier corollaire qu’elle s’engage à améliorer la cohérence de ses politiques : il s’agit pour le pays d’installer une action politique cohérente permettant de combattre la pauvreté, de favoriser des conditions de vie décentes pour toutes et tous, de promouvoir la paix et la justice sociale ainsi qu’une gestion respectueuse des ressources naturelles. En ce qui concerne ses relations internationales, cela signifie que dans tous les champs politiques, et dans toutes ses relations avec les pays en développement, elle doit privilégier la justice sociale, promouvoir la réduction des inégalités et une croissance économique durable. Sur le plan intérieur, le pays s’est engagé, en signant l’Agenda 2030, à vaincre la pauvreté et les inégalités sociales en Suisse même et à gérer les ressources naturelles de manière responsable. Or, depuis 2015, la Suisse tarde à mettre en œuvre l’Agenda 2030 et ses ODD. Les politiques cantonales et nationales n’en tiennent pas compte, ou à peine. Il est urgent que cela change. Durant les quelques années qui restent jusqu’en 2030, la Suisse doit œuvrer résolument, aussi bien dans sa politique intérieure qu’extérieure, à atteindre les objectifs de développement durable.

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Un développement durable pour l’être humain et l’environnement Le 25 septembre 2015, la communauté internationale a approuvé l’Agenda « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. L’Agenda 2030 réunit les trois dimensions de la durabilité – performance économique, responsabilité sociale, compatibilité écologique – en un seul ensemble d’objectifs et trace la voie d’un monde durable. Le cœur de l’agenda est formé des 17 objectifs de développement durable (ODD) que les États s’engagent à atteindre d’ici 2030. Ces objectifs constituent le cadre politique permettant de relever les défis mondiaux aux plans national et international. Les défis les plus brûlants concernent la pauvreté et la faim, le chômage et les emplois précaires, le changement climatique et les incidences environnementales, les inégalités croissantes au sein des pays et entre nations, les violations des droits humains, les conflits violents et les mouvements migratoires forcés, ceux qui sont dus à la pauvreté et au changement climatique. Chacun de ces défis exige des stratégies et des plans d’action particuliers, qui ont été ou seront développés lors des conférences mondiales de l’ONU sur le climat, l’éducation, le travail, la santé ou l’urbanisation, par exemple. L’Agenda 2030 définit le cadre général et la voie à suivre. Les thèmes sont étroitement liés entre eux et il s’agit de coordonner les différentes stratégies et plans d’action avec les 17 ODD afin d’éviter les conflits d’objectifs. L’Agenda 2030 est « un plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité. Il vise aussi à renforcer la paix partout dans le monde dans le cadre d’une liberté plus grande. » Il considère que « l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, y compris l’extrême pauvreté, constitue le plus grand défi auquel l’humanité doive faire face, et qu’il s’agit d’une condition indispensable au développement durable. » (Préambule de la Résolution Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par l’Assemblée générale le 25 septembre 2015). L’agenda vise à promouvoir partout dans le monde les objectifs suivants : • Mettre fin à la pauvreté et à la faim sous toutes leurs formes et dans toutes leurs dimensions et veiller à ce que tous les êtres humains aient accès à l’éducation et aux soins et puissent réaliser pleinement leur potentiel dans la dignité et l’égalité et dans un environnement sain ; • Protéger la planète, notamment par des modes de consommation et de production durables, une gestion durable

de ses ressources naturelles et des mesures immédiates contre le changement climatique, afin que la Terre puisse répondre aux besoins des générations actuelles et futures ; • Permettre à tous les êtres humains de mener une vie prospère et épanouie et organiser le progrès économique, social et technique en harmonie avec la nature ; • Promouvoir des sociétés pacifiques, justes et inclusives, exemptes de peur et de violence, car la paix et le développement durable sont indissociables ; • Mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l’agenda par le biais d’un partenariat mondial pour le développement durable, fondé sur une solidarité accrue, spécifiquement axé sur les besoins des plus pauvres et des plus vulnérables et impliquant tous les pays, toutes les parties prenantes et tous les individus. L’Agenda 2030 et ses 17 ODD résultent d’un intense processus de négociation qui a permis aux pays industrialisés, aux pays émergents et aux pays en développement de s’entendre sur un cadre commun pour le développement durable en dépit des divergences de base. Deux points sont essentiels pour une mise en œuvre réussie des ODD : Validité universelle L’Agenda 2030 engage la responsabilité de tous les États. Chaque membre de l’ONU a son rôle à jouer dans sa mise en œuvre, tant au plan national qu’international. Les pays industrialisés comme la Suisse doivent eux aussi évaluer leur politique nationale en termes de durabilité et remédier aux lacunes. Et ils sont particulièrement tenus d’agir dans leurs domaines de politique internationale. La réalisation des ODD dépendra en premier lieu de ces pays riches puisque ce sont eux qui consomment plus de ressources et qui ont plus d’argent. Cohérence des politiques L’agenda ne sera efficace que si tous les pays orientent leurs différentes politiques vers la réalisation du développement durable. Cette exigence de cohérence s’applique aussi bien à la politique intérieure qu’à la politique internationale. Pour la Suisse, cela signifie notamment que ses mesures de politique intérieure ne doivent pas engendrer une aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales ou un gaspillage accru des ressources. Au niveau international, il s’agit d’être cohérent s’agissant des exigences de réduction des inégalités globales entre les pays. Cela concerne tous les domaines politiques qui ont un effet direct ou indirect sur ces inégalités dans les pays en développement.

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Les 17 Objectifs de développement durable (ODD)

Performance économique

Responsabilité sociale

Agenda 2030 Développement durable

Compatibilité écologique

Objectif 1 : Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde Objectif 2 : Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable Objectif 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge Objectif 4 : Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie Objectif 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles Objectif 6 : Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau Objectif 7 : Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable Objectif 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous Objectif 9 : Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation

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Participation politique

Objectif 10 : Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre Objectif 11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables Objectif 12 : Établir des modes de consommation et de production durables Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable Objectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres Objectif 16 : Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes Objectif 17 : Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser.


La Suisse traîne les pieds pour mettre en œuvre l’Agenda 2030 En Suisse, le développement durable est inscrit dans la Constitution depuis 1999 et se concrétise dans différentes stratégies et principes au plan fédéral et cantonal. Dès 2016, des stratégies pluriannuelles ont été élaborées pour mettre en œuvre l’Agenda 2030. Avec l’actuelle Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030), valable pour la période de 2021 à 2030, le Conseil fédéral entend mettre en œuvre les objectifs de développement durable dans tous les domaines politiques de la Confédération. Jusqu’à présent, la Suisse s’est majoritairement concentrée sur les questions écologiques. La responsabilité de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 a en outre été attribuée en priorité aux offices de coopération au développement et aux offices pour les questions climatiques et environnementales. Mais les domaines de l’économie et de l’éducation, de l’agriculture et de l’alimentation, des transports et du commerce, de la finance et de la fiscalité doivent également suivre les objectifs de durabilité de l’Agenda 2030. Selon la SDD 2030, le Conseil fédéral vise la cohérence politique à tous les niveaux de l’État, entre les différents domaines politiques à l’intérieur comme à l’extérieur, y compris les politiques en lien avec les pays en développement.

Ces nobles intentions ne sont hélas ! pas suivies d’actions ambitieuses ni de mesures concrètes. Ainsi, les objectifs que le Conseil fédéral se fixe dans la SDD 2030 restent globalement bien en deçà de ceux de l’Agenda 2030. On peut également regretter que le Conseil fédéral ne formule pas d’objectifs propres pour plusieurs des 17 ODD – par exemple pour l’objectif des partenariats internationaux et pour le financement du développement. Enfin, pour que les 17 ODD soient mis en œuvre partout dans le monde, il faudrait une base de financement exhaustive, qui doit aller au-delà des fonds d’aide au développement. Mais aucun financement nouveau ou supplémentaire n’est prévu dans la SDD 2030.

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Cohérence et responsabilité climatique En 2015, la Suisse s’est engagée dans le cadre de l’ONU à aligner sa politique sur l’Agenda 2030, et à œuvrer à l’instauration d’une justice globale et de conditions de vie décentes tout en veillant en même temps aux seuils de charge de l’écosystème mondial. Deux objectifs de l’agenda lient particulièrement les obligations internationales et intérieures de la Suisse : la cohérence des politiques (ODD 17) et la politique climatique (ODD 13). Dans les deux cas, la Suisse doit agir. En même temps, la Suisse, qui est l’un des pays les plus mondialisés de la planète, a une responsabilité particulière vis-à-vis de ces deux objectifs : d’une part, elle peut (et doit) établir des partenariats et des alliances pour innover dans le domaine de la durabilité ; d’autre part, elle doit réduire les effets négatifs des politiques de la Suisse (lesdits « effets de débordement »).

ODD 17 : Revitaliser le partenariat mondial au service du développement durable et renforcer les moyens de ce partenariat Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE critique depuis des années la Suisse pour son manque de cohérence en matière de politique de développement. Elle fournit certes une bonne coopération au développement, mais de nombreux domaines de sa politique étrangère vont à l’encontre des intérêts des pays pauvres et freinent leurs chances de développement durable. En 2013 déjà, dans sa prise de position sur l’élaboration de l’Agenda 2030, le Conseil fédéral s’est prononcé en faveur d’une plus grande cohérence de toutes les politiques qui contribuent à la réalisation d’objectifs mondiaux, comme la politique commerciale ou la politique agricole, envers le développement durable. Le renforcement de la cohérence des politiques de développement durable, notamment en ce qui concerne les effets au-delà de nos frontières, est également un objectif important de l’actuelle SDD 2030. Les paroles doivent être concrétisées par des actes.

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Et il faut installer une cohérence dans tous les domaines politiques pertinents, notamment la politique économique extérieure, la politique commerciale, la politique financière, la politique climatique, la politique des droits de l’homme ou encore la politique de santé et la politique agricole. En ce qui concerne la politique économique extérieure de la Suisse, cela signifie par exemple qu’il faut aménager les accords de libre-échange en conformité avec les ODD ; empêcher les flux financiers illégaux en provenance des pays en développement qui sapent le fonctionnement d’un système fiscal ; endiguer les transferts de bénéfices des groupes internationaux et obliger légalement les entreprises suisses actives à l’étranger à respecter les droits humains, à offrir des conditions de travail décentes et à mettre en œuvre des normes environnementales dans leurs pratiques commerciales, en particulier dans le secteur des matières premières. Le Conseil fédéral est tenu de sensibiliser et d’impliquer davantage les directions et les offices compétents sur les questions de cohérence, et de rendre compte au Parlement et au public, au moyen d’une banque de données en ligne et sous la forme d’un rapport annuel sur la cohérence, des mesures qu’il a prises pour améliorer la cohérence dans les domaines politiques mentionnés. La cohérence politique est également essentielle en politique intérieure. Il s’agit d’examiner avec attention les conséquences sociales, économiques et environnementales de toutes les décisions politiques. Cela permet d’identifier à temps les conflits d’objectifs et de trouver, le cas échéant, les mesures de compensation nécessaires. Exemple : pour réduire les émissions de CO2 en Suisse, il faut réduire les trafics motorisé privé et de marchandises, et aussi la mobilité dans son ensemble. Un moyen efficace d’atteindre cet objectif est de rendre la mobilité beaucoup plus chère. Mais cela touche particulièrement les ménages à faibles revenus et entraîne une aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales. Une compensation est donc nécessaire pour garantir la durabilité sociale de la mesure de protection climatique.


ODD 13 : Prendre immédiatement des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs conséquences

Les pays industrialisés riches ont une responsabilité particulière dans le réchauffement climatique ; cela a été réaffirmé dans l’Accord de Paris sur le climat. Jusqu’en 1980, 80 % des gaz à effet de serre émis provenaient des pays industrialisés. Et ce sont les personnes vivant dans les pays en développement, justement celles qui n’ont presque pas contribué au changement climatique, qui souffrent le plus de ses conséquences aujourd’hui : les vagues de chaleur et les mauvaises récoltes, les déserts qui s’étendent, les inondations de plus en plus fréquentes dans les régions densément peuplées mettent en danger la vie et l’intégrité physique de millions de personnes dans le monde. Malgré l’urgence d’agir, la transformation sociale et écologique de l’économie et de la société ne progresse pratiquement pas. La décarbonisation, c’est-à-dire l’abandon des émissions de CO2 fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, est trop lente. Parallèlement, les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies à faibles émissions font défaut. Il est urgent de procéder à des ajustements en matière de mobilité respectueuse de l’environnement, d’agriculture écologique, de chaînes de création de valeur durables et de logements climatiquement neutres, de modérer la consommation et d’adopter un mode de vie moins extravagant. En 2019, le Conseil fédéral a décidé d’atteindre l’objectif du zéro net : d’ici 2050, la Suisse ne devrait plus émettre de gaz à effet de serre. Avec les Perspectives énergétiques 2050 +, l’Office fédéral de l’énergie montre concrètement comment la Suisse peut se diriger vers la neutralité climatique : il faut fortement encourager les énergies renouvelables, en particulier l’hydroélectricité, le photovoltaïque, les éoliennes et la biomasse. Il faut cesser de vendre l’essence, le diesel et le mazout à un prix artificiellement bas. Et il faut à la fois réduire la consommation d’énergie et améliorer l’efficacité énergétique. Les mesures proposées sont importantes, mais elles ne suffisent pas à ramener l’énorme empreinte climatique par habitant de la Suisse à un niveau supportable pour la planète. Pour ce faire, il faudra également réduire les émissions aériennes et les émissions dites grises, qui résultent

de la production et du transport de nos importations en provenance de l’étranger. Et la place financière suisse, qui continue d’investir des milliards dans les énergies fossiles et les technologies spoliatrices d’avenir, doit enfin se plier à des directives socio-écologiques adéquates. Fin janvier 2021, le Conseil fédéral a publié la Stratégie climatique à long terme de la Suisse, avec des objectifs pour les secteurs du bâtiment et de l’industrie, de l’agriculture et de l’alimentation, des transports et des vols ainsi que du marché financier. La stratégie ne laisse aucun doute sur le fait que les coûts sociaux et économiques d’un changement climatique progressif dépassent de loin les coûts des mesures de protection du climat – et qu’il est temps d’agir avec fermeté. Il est d’autant plus regrettable qu’en juin 2021, la nouvelle loi sur le CO2, qui constituait une base centrale pour les prochaines décennies, ait échoué dans les urnes. Pour que la Suisse puisse respecter l’objectif de 1,5 degré convenu à Paris (et supportable pour le monde) et ne perde pas complètement pied sur le terrain climatique, il faut mettre en œuvre de toute urgence une nouvelle loi de mise en œuvre de la protection du climat qui soit à la fois ambitieuse et conforme au principe du pollueur-payeur tout en restant socialement supportable. La Suisse, avec ses émissions élevées par habitant, contribue notablement au changement climatique : le Conseil fédéral doit donc assumer sa responsabilité internationale en matière de justice climatique. La Suisse doit participer financièrement aux coûts mondiaux de l’atténuation et de l’adaptation aux conséquences du réchauffement de la planète dans les pays en développement. En tant que pays industrialisé, la Suisse s’est engagée, dans le cadre de l’ONU, à réaliser des investissements nouveaux et supplémentaires en matière de protection du climat et des mesures d’adaptation dans les pays en développement. Cela signifie que les mesures urgentes et nécessaires liées à la crise climatique ne doivent pas se faire au détriment de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ni par le biais de la coopération internationale (CI).

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L’importance de l’Agenda 2030 pour la politique intérieure En signant l’Agenda 2030, la Suisse s’est engagée à examiner les domaines politiques pertinents pour les ODD au plan fédéral, cantonal et communal, à identifier les lacunes et à définir des options d’action. Ce document montre ce que cela signifie concrètement par le biais de certains objectifs particulièrement pertinents pour le travail de Caritas.

ODD 1 : Éradication de la pauvreté : sous toutes ses formes et partout dans le monde.

L’Office fédéral de la statistique estime que quelque 722 000 personnes sont frappées de pauvreté en Suisse. Et quelque 600 000 personnes de plus vivent tout juste au-dessus du seuil de pauvreté, dans des conditions financières très précaires. Les enfants, les familles nombreuses, les ménages monoparentaux, les personnes sans formation post-obligatoire et celles qui sont au chômage sont particulièrement concernées. En Suisse, vivre dans la pauvreté signifie que les ressources financières sont insuffisantes, mais c’est plus que cela : le manque de ressources financières s’accompagne souvent d’une situation globalement précaire qui se concrétise p. ex. par des lacunes en matière de formation, des chances moindres d’avoir un emploi stable et correctement rémunéré, ou des conditions de logement médiocres. Les personnes qui ont peu d’argent ont également plus souvent des problèmes de santé que les autres, ce qui peut avoir également un effet négatif sur l’intégration au marché du travail. En bref, la pauvreté réduit les perspectives d’action et les chances de la vie de manière significative. La pauvreté résulte pour l’essentiel de conditions sociales, politiques et économiques défavorables. Et ces causes structurelles de la pauvreté se retrouvent dans pratiquement tous les domaines politiques. Par conséquent, la lutte contre la pauvreté – qui consiste donc surtout à éliminer des obstacles structurels et des discriminations – est typiquement une tâche transversale concernant différents ODD.

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La prévention et la lutte contre la pauvreté relèvent en premier lieu de la responsabilité des cantons. Cela vaut en particulier pour la garantie du minimum vital. Selon la Constitution fédérale, toute personne en Suisse a le droit d’être soutenue dans les situations de détresse et de disposer des moyens nécessaires pour mener une « existence conforme à la dignité humaine » (art. 12). Or, aujourd’hui, ce droit n’est pas garanti pour tout le monde. Premièrement, les prestations de l’aide sociale sont trop basses. Deuxièmement, les prestations des assurances sociales sont toujours calculées sur la base d’un taux d’activité de 100 % et du modèle familial traditionnel. Enfin, de nombreuses personnes ont un accès limité à la sécurité sociale. Mais la Confédération a également un rôle central à jouer, notamment lorsqu’il s’agit de fédérer les efforts des différents acteurs de la prévention et de la lutte contre la pauvreté et de garantir une politique cohérente à l’échelle nationale. Elle a renforcé son engagement en la matière ces 15 dernières années en introduisant une statistique nationale sur la pauvreté et le Programme national contre la pauvreté, suivi de la Plateforme nationale contre la pauvreté. C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant. Caritas demande depuis des années la mise en place d’une stratégie de lutte contre la pauvreté à l’échelle nationale, avec des objectifs mesurables et des mesures concrètes. Pour répondre à la pression de l’Assemblée fédérale, la Confédération va organiser un suivi régulier de la situation de la pauvreté en Suisse depuis 2025, ce qui est réjouissant. Ce suivi est une condition indispensable pour instaurerune politique efficace et durable de lutte contre la pauvreté. Toutefois, la mise en place d’un monitorage national de la pauvreté ne dispense pas les cantons de la responsabilité d’observer la pauvreté sur leur territoire de manière régulière et selon des critères uniformes. Les bases de données actuelles à l’échelle nationale ne permettent pas de se faire une idée précise de la situation dans les différents cantons. Sans compter que d’un canton à l’autre, il y a de très grandes différences de conception des instruments de sécurité sociale. Les droits et prestations en matière de minimum vital varient beaucoup selon les cantons. Il est donc aussi nécessaire qu’urgent d’établir une analyse de la situation au plan cantonal, et notamment d’étudier les effets des mesures politiques et des prestations sociales. Jusqu’à présent, pratiquement aucun canton ne publie régulièrement des analyses complètes et fiables. Divers cantons ignorent le nombre exact de personnes touchées par la pauvreté sur leur territoire.


ODD 3 : Accès à la santé : donner aux individus les moyens de mener une vie saine et aider au bien-être de tous à tous les âges Globalement, l’accès aux soins en Suisse est bon et fondamentalement garanti pour tous. Mais il n’y a pas réellement d’égalité des chances en matière de santé. Et c’est entre autres – mais pas seulement – une question de coût. Depuis l’introduction en 1996 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) actuellement en vigueur, la prime moyenne a plus que doublé. Le montant de la prime d’assurance-maladie ne dépend pas du revenu ; les ménages à faible revenu ploient donc sous une charge disproportionnée. Dans le même temps, la réduction des primes individuelles et les salaires n’ont pas évolué dans la même proportion. Aujourd’hui, les ménages situés dans les 20 % de revenus les plus faibles dépensent en moyenne plus de 14 % de leur revenu disponible en primes d’assurance de base. Si l’on tient également compte des primes des assurances complémentaires, ce chiffre dépasse même les 16 %. De nombreux ménages à faibles revenus qui n’ont pas droit aux prestations sociales sous condition de revenus ne peuvent plus payer leurs primes d’assurance-maladie. Beaucoup choisissent une franchise élevée pour économiser sur les primes. Mais s’ils tombent gravement malades, ils ne peuvent pas assumer leurs frais de traitement et doivent s’endetter. Avec l’âge et son cortège de fragilisations, les frais de santé et les coûts des soins et d’assistance augmentent. La charge financière sera donc encore plus importante. En Suisse, les personnes âgées supportent elles-mêmes plus de la moitié du coût total de l’accompagnement et des soins dont elles ont besoin. C’est beaucoup par rapport à d’autres pays européens : dans la plupart des pays de l’OCDE, les personnes âgées assument elles-mêmes au maximum 30 % des coûts

(et même beaucoup moins en règle générale). De nombreuses personnes au budget serré renoncent à des soins nécessaires ou les reportent le plus tard possible parce que la quote-part de 10 % dépasse leurs moyens financiers. Ou parce que les prestations – p. ex. le dentiste – ne sont pas prises en charge par la caisse-maladie. Cela peut entraîner de graves problèmes de santé. Enfin, cinq cantons continuent de tenir des listes dites noires répertoriant les personnes qui ne peuvent pas payer leurs primes d’assurance-maladie, alors que même le Conseil fédéral a qualifié ces listes d’inaptes à améliorer les habitudes de paiement. Pour les personnes figurant sur les listes noires, l’accès aux services médicaux se limite aux traitements d’urgence. On estime qu’environ 35 000 personnes se voient ainsi refuser des traitements médicaux et des médicaments essentiels. « Garantir une vie saine à toutes les personnes de tous âges », cela veut dire concrètement que la Confédération et les cantons doivent réduire sensiblement la charge financière des primes d’assurance-maladie et supprimer les listes noires. La révision de l’article 64a de la loi sur l’assurance-maladie à la fin de l’année 2021 aurait pu être l’occasion de procéder à cette suppression. Le Conseil national et le Conseil des États ont manqué l’opportunité de mettre enfin un terme à cette pénalisation inutile des personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens. Dans son message sur la révision de l’assurance-maladie en 1991, le Conseil fédéral a fixé comme objectif que les primes après réductions ne dépassent pas 8 % du revenu imposable d’un ménage. Il faut s’y tenir. En outre, la quote-part ne doit pas constituer un obstacle à l’utilisation des services médicaux.

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ODD 4 : Accès à une éducation de qualité : veiller à l’accès de tous à l’éducation et offrir des possibilités d’apprentissage de qualité dans des conditions équitables tout au long de la vie Le manque d’éducation et de formation est l’une des principales causes de la pauvreté. Autrement dit, la formation joue un rôle clef dans la prévention de la pauvreté. En Suisse, la réussite en matière d’éducation et de formation dépend beaucoup du revenu et du niveau de formation du foyer parental. L’école obligatoire ne parvient pas à compenser des conditions inégales de départ – au contraire, elle renforcerait plutôt les différences. Il serait d’autant plus important d’améliorer les chances de départ des enfants issus de familles défavorisées grâce à un encouragement précoce. La Confédération, les cantons et les communes doivent investir nettement plus d’argent dans l’éducation de la petite enfance et mettre à disposition des offres d’accueil extrafamilial de bonne qualité et à prix abordable partout en Suisse. Une bonne formation est essentielle pour participer au marché du travail et générer un revenu suffisant. Avec la mondialisation et la numérisation, la demande de personnes bien qualifiées a fortement augmenté, et les personnes peu qualifiées ont de plus en plus de mal à retrouver un travail après avoir perdu leur emploi. Sans possibilités de formation continue, ils et elles sont complètement déconnectés des évolutions du marché du travail. Toutefois, ce sont précisément les personnes sans formation qui ne peuvent guère se permettre de suivre une formation continue, parce qu’ils et elles ne peuvent assumer les coûts directs de la formation continue, ou les coûts indirects d’une perte de revenu due à la formation continue. Les cantons sont donc invités à garantir à toutes les personnes en âge de travailler l’accès à des bourses garantissant le minimum vital pour les formations initiales, les formations de rattrapage, les reconversions et les formations continues. Il faut appliquer partout en Suisse le principe « des bourses au lieu de l’aide sociale ». L’engagement des employeurs est également déterminant pour promouvoir l’accès à des formations appropriées pour les personnes peu qualifiées. Ils doivent veiller à ce que les temps de travail soient adaptés aux mesures de formation adéquates, et les soutenir financièrement. Cela vaut également pour l’acquisition des

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compétences de base, qui sont une condition préalable à l’apprentissage tout au long de la vie. Enfin, l’assurance-chômage, l’assurance-invalidité et l’aide sociale doivent systématiquement favoriser une intégration durable sur le marché du travail et soutenir les mesures de formation au lieu de pousser à une réintégration rapide.

ODD 5 : Égalité entre les sexes : parvenir à l’égalité des sexes en rendant les femmes et les filles plus autonomes

En Suisse, les femmes sont plus touchées par la pauvreté que les hommes. Cela s’explique principalement par le fait qu’elles fournissent toujours la majeure partie du travail de soins non rémunéré et que les possibilités de concilier vie familiale et activité professionnelle restent insuffisantes. Les femmes travaillent donc plus souvent à temps partiel. En 2020, six femmes salariées sur dix travaillaient à temps partiel, contre moins de deux hommes salariés sur dix. Les mères, en particulier, travaillent souvent à de faibles taux d’occupation. En 2020, environ la moitié des mères vivant avec leur partenaire et un ou plusieurs enfants n’étaient pas salariées, ou l’étaient à un taux inférieur à 50 %. De plus, les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes à travailler dans des conditions précaires. Elles sont deux fois plus nombreuses à avoir plusieurs emplois ; en matière de salaire, elles sont aussi deux fois plus nombreuses que les hommes à percevoir un bas salaire. Les relations de travail atypiques et instables, les temps très partiels et les emplois multiples sont mal couverts par notre système de sécurité sociale. Cela se manifeste aussi et surtout avec l’âge : à la retraite, les femmes touchent une pension nettement inférieure à celle des hommes. En 2020, plus d’un quart des femmes à la retraite disposaient seulement de la rente AVS. Leur revenu était trop faible pour qu’elles puissent s’assurer dans le cadre de la prévoyance professionnelle. Comme la rente AVS ne suffit pas à garantir le minimum vital, les femmes doivent recourir aux prestations complémentaires (PC) plus souvent que les hommes.


Une meilleure répartition du travail de soins est essentielle pour réduire le risque de pauvreté des femmes. Pour cela, il faudrait installer des conditions de travail favorables à la famille pour les femmes et les hommes, compatibles avec la garde d’enfants et avec les soins aux proches. Les pères doivent également pouvoir participer davantage au travail de prise en charge et de soins. L’introduction d’un congé de paternité de deux semaines a été un premier pas important vers un congé parental. Mais il faut surtout une offre exhaustive d’accueil extrafamilial et parascolaire de qualité, accessible et à prix abordable. L’encouragement précoce de la petite enfance doit faire partie de l’éducation publique et être pris en charge par l’État. Les familles en situation de pauvreté doivent y avoir accès gratuitement. La Confédération et les cantons doivent en outre montrer l’exemple, promouvoir des modèles innovants et mettre en place des projets pilotes, instituant par exemple des congés sabbatiques pour les femmes et hommes confrontés à une phase nécessitant une prise en charge particulièrement intensive des enfants ou des proches.

ODD 8 : Accès à des emplois décents : promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous Le marché du travail a radicalement changé au cours des dernières décennies dans la foulée de la mondialisation. La numérisation, la crise climatique et la pandémie de Covid-19 renforcent et accélèrent encore cette tendance. Les changements structurels entraînent surtout une modification des exigences de qualification. La demande d’employées et employés bien qualifiés a fortement augmenté ; dans le même temps, les emplois des personnes peu qualifiées disparaissent. Les personnes insuffisamment qualifiées doivent se contenter d’emplois irréguliers et instables, du travail sur appel ou de contrats à durée déterminée, ou même perdent complètement pied sur le marché du travail. Il est également de plus en plus difficile pour ces personnes, tout comme pour les travailleurs plus âgés, de reprendre pied sur le marché du travail après avoir perdu un emploi. Le nombre de chômeuses et chômeurs de longue durée a nettement augmenté ces dix dernières années. De plus en plus de personnes se retrouvent au chômage pendant des mois, voire des années. Beaucoup dépendent de l’aide sociale après avoir été radiées de l’assurance-chômage.

Mais même les personnes qui disposent d’un revenu professionnel ne peuvent pas toujours assurer leur propre subsistance. En 2020, selon l’Office fédéral de la statistique, quelque 158 000 personnes en Suisse étaient des « working poor ». Ces personnes travaillent à plein temps, mais perçoivent un salaire trop faible pour en vivre ; ou bien, elles ne gagnent pas un revenu suffisant parce qu’elles travaillent à temps partiel. La proportion de personnes touchées par le sous-emploi – donc employées à temps partiel contre leur volonté – a également nettement augmenté depuis dix ans. Près des trois quarts des personnes sous-employées sont des femmes. L’emploi ne se limite pas à « recevoir un salaire ». Il crée du sens et il favorise l’intégration sociale. C’est pourquoi le plus grand nombre possible de personnes devrait avoir part au marché du travail et y apporter leurs compétences et leurs intérêts. Et elles devraient pouvoir le faire dans des conditions décentes. Cela signifie qu’en Suisse, on ne devrait pas verser des salaires qui ne suffisent pas pour vivre. Il faudrait installer, d’une part un salaire minimum fixé par la loi et en vigueur dans tout le pays. D’autre part, les employeurs doivent proposer des modèles de travail garantissant un salaire décent, offrant une protection sociale adéquate et permettant de concilier la vie professionnelle et le travail de soins et prise en charge. Cela vaut également pour le travail à temps partiel. La Confédération et les cantons sont également des employeurs : à ce titre, ils peuvent et doivent montrer l’exemple.

ODD 10 : Réductions des inégalités : réduire les inégalités entre les pays et au sein de chacun

La fortune et les revenus sont répartis de manière très inégale en Suisse. Ainsi, les dix pour cent les plus aisés de la population accaparent un tiers de la somme totale des revenus, alors que les dix pour cent les moins aisés touchent moins de ½ pour cent de cette somme totale. L’inégalité est plus criante encore si l’on observe la répartition des richesses. Les deux pour cent et demi les plus aisés de la population possèdent plus de la moitié de tous les actifs, la moitié la moins aisée de la population s’en partage un pour cent et demi ; quant au quart le plus pauvre de la population, il ne possède rien du tout. L’évolution de ces dernières années montre en outre à quel point les plus pauvres ont peu profité de la croissance économique. Leurs revenus ont stagné ou diminué, tandis que les fortunes des plus riches ont beaucoup augmenté. Les raisons de stopper cette évolution ne manquent pas.

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Premièrement, de nombreuses études de l’OCDE et du FMI ont démontré qu’une grande inégalité freine la croissance économique et a des effets négatifs sur toute la société. Dans les sociétés inégalitaires, les personnes à faible revenu en particulier n’ont pas facilement accès à une formation de qualité. L’économie perd ainsi un énorme potentiel. Deuxièmement, la concentration croissante de la fortune en Suisse a pour conséquence que ce ne sont plus les performances particulières ou les risques personnellement assumés qui mènent à la prospérité, mais l’origine sociale et la place dans la société. L’ascension sociale est donc plus difficile. Et l’égalité des chances n’est plus assurée. Et troisièmement, avec l’inégalité, le pouvoir politique se concentre également. Les superriches peuvent exercer une grande influence sur la politique en utilisant une part relativement faible de leur richesse. Cela n’augure rien de bon pour la cohésion de la société et surtout pour les personnes en situation de pauvreté. Leurs préoccupations et leurs besoins sont de plus en plus invisibles aux préoccupations de cette élite politique aux moyens financiers importants. Afin de ne pas mettre en péril le tissu social et de permettre une croissance économique durable et inclusive, la Confédération et les cantons doivent réglementer. Il s’agit avant tout de parvenir à une croissance salariale des bas salaires qui soit supérieure à la moyenne, de promouvoir les chances salariales des groupes actuellement défavorisés et d’abolir les dispositions discriminatoires. Parallèlement, des mesures de redistribution des richesses sont nécessaires : on pourrait contrer cette évolution de l’inégalité (qui s’est encore renforcée pendant la crise du Covid-19) en instituant p. ex. un impôt sur les successions uniforme et substantiel au niveau fédéral, en imposant les revenus et les fortunes les plus élevés de manière plus progressive et en supprimant le secret bancaire intérieur.

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ODD 11 : Villes et communautés durables : créer des villes, des logements, des transports ouverts à tous, sûrs, résistants et durables L’accès à un logement décent est essentiel pour la qualité de vie et le bien-être personnel. Selon le rapport national sur la santé 2020, 83 % des ménages touchés par la pauvreté et 57 % des ménages en situation précaire ne disposent pas d’un logement adéquat. Les personnes en situation de pauvreté vivent souvent dans de vieux appartements en mauvais état et dans des quartiers défavorables. Elles doivent par exemple supporter une mauvaise isolation, la présence de moisissures, une forte pollution sonore, un manque d’espaces verts ou des rues dangereuses. Le coût élevé du logement en est la cause principale. Dans les agglomérations urbaines en particulier, les prix des logements sont très élevés. Cela entraîne une délocalisation des ménages les plus pauvres vers la périphérie des villes et donc une augmentation de la ségrégation sociale. Les cantons et les communes doivent veiller à ce qu’il y ait suffisamment de logements de bonne qualité et à prix abordable dans les villes. L’encouragement de constructions de logements d’utilité publique est important, mais cela ne suffit pas. Il faut également s’assurer que les ménages à faibles revenus aient effectivement accès à ces logements. Les personnes en situation précaire ont souvent du mal à trouver un logement adapté, par manque de réseau et de relations ou parce qu’elles ne peuvent pas payer la caution souvent équivalente à trois mois de loyer. En outre, il faut encourager les possibilités de soutien à la recherche de logements pour les ménages défavorisés, et les soutiens aux garanties pour les propriétaires.


ODD 16 : Justice et paix : promouvoir la paix, assurer à tous l’accès à la justice

En Suisse, le statut de séjour et la position juridique qui lui est associée jouent un rôle déterminant dans le fait que des personnes vivent dans des situations très précaires et ne peuvent pas prendre part à la société. Outre les personnes sans papiers, les demandeurs d’asile et les personnes admises à titre provisoire sont particulièrement concernés. Le statut de ces dernières ne reflète pas la réalité tant il est vrai qu’une grande partie d’entre elles restent longtemps en Suisse en raison de la violence dans leur pays d’origine. L’exclusion de la société des personnes précaires concerne également de plus en plus les migrants qui hésitent ou renoncent à recourir à l’aide sociale parce qu’ils craignent de perdre leur statut de séjour, et qui renoncent par conséquent à l’aide de l’État. Cette situation est due au fait que la révision de la loi sur les étrangers et l’intégration en 2019 a renforcé le lien juridique entre la perception de l’aide sociale et le statut d’étranger. De plus, la Suisse fait partie des pays ayant une pratique de naturalisation particulièrement restrictive comparativement aux autres pays d’Europe et, par conséquent, un faible taux de naturalisation. Cette situation est préoccupante du point de vue de la légitimité démocratique. Pour créer une société inclusive, il faut garantir l’accès à la sécurité sociale de toutes les personnes vivant en Suisse et lutter contre leur situation de vie précaire. Pour ce faire, les personnes précaires doivent obtenir davantage de droits. Afin que les personnes dans le besoin obtiennent le soutien auquel elles ont droit, il faut supprimer le lien entre la perception de l’aide sociale et le statut d’étranger. En outre, il faut mettre en œuvre avec cohérence le programme d’intégration décidé par le Conseil fédéral et le Parlement : toutes les personnes réfugiées et migrantes doivent avoir accès gratuitement à des conseils juridiques et concernant leurs perspectives de vie, ainsi qu’à des mesures d’intégration appropriées. Les demandeurs d’asile doivent également pouvoir travailler dès leur arrivée et participer à des mesures d’in-

tégration afin de ne pas dépendre complètement de l’aide sociale. En outre, il faut un nouveau statut de protection qui remplace le statut d’admission provisoire et qui accorde aux personnes concernées les mêmes droits que les réfugiés. Ce statut devrait déboucher sur une autorisation de séjour régulière au bout de trois ans au plus tard lorsque le retour dans le pays d’origine n’est pas possible. En Suisse, jusqu’à 250 000 personnes vivent en situation de séjour irrégulier. Certes, elles ont bénéficié de quelques facilités au cours de la dernière décennie (droit à l’affiliation à une caisse maladie, scolarisation des enfants, apprentissage dans certains cas), mais il faut avant tout améliorer leur situation juridique : soit par une réglementation beaucoup plus généreuse des cas de rigueur, soit par une régularisation collective de leur statut de séjour. Enfin, il faut consentir des efforts supplémentaires en matière de naturalisation facilitée, notamment immédiatement pour tous les enfants nés en Suisse. Si la Suisse veut sérieusement promouvoir une société inclusive, elle doit abandonner le dogme de la non-intégration de groupes entiers de population. L’amélioration du statut juridique et l’intégration de toutes les personnes vivant en Suisse profitent à la société dans son ensemble. Pour les personnes touchées par la pauvreté, il existe de grands déficits. En Suisse, jusqu’à un tiers des personnes touchées par la pauvreté ne font pas usage de leur droit à l’aide sociale. Elles ne connaissent pas leurs droits, ont honte, sont dépassées par les exigences administratives ou craignent des conséquences négatives. Les services spécialisés indépendants de l’État reçoivent de plus en plus de demandes d’aide. Il est urgent que les cantons et les communes élargissent leurs efforts, sous la forme d’informations simples et compréhensibles, de la suppression des obstacles administratifs et du soutien financier des centres de consultation indépendants. C’est la seule façon de garantir à toutes et tous le droit à l’aide en cas de détresse et l’accès à la protection juridique.

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Revendications de Caritas Suisse Pour que l’Agenda 2030 soit un succès, la Suisse doit s’engager systématiquement, rapidement et résolument sur la voie d’une économie et d’une société qui préservent les ressources et concernent tout le monde (« leave no one behind »). Il est impératif, du point de vue de la justice sociale, de la viabilité écologique et du simple bon sens économique, de fournir des efforts plus importants pour atteindre les 17 ODD à l’échelle mondiale. L’élaboration et la mise en œuvre de plans pour ce faire relèvent de la responsabilité des différents décideurs au niveau fédéral, cantonal et communal. Et il faut intégrer la société civile, le secteur privé et la science aux processus.

1. A ssurer la cohérence des politiques et ancrer l’Agenda 2030 dans les institutions Même six ans après l’adoption de l’Agenda 2030, la responsabilité de sa mise en œuvre au niveau fédéral est beaucoup trop concentrée sur des mesures individuelles déjà existantes dans les offices fédéraux respectifs. Des objectifs ambitieux et concrets pour plus de durabilité dans les différents domaines politiques tels que l’économie, l’agriculture et l’alimentation, les transports et le commerce, les finances et la fiscalité, font défaut. Et on n’aborde pas sérieusement les contradictions entre les différents domaines politiques. Cela montre qu’il faut un organe supérieur doté de compétences adéquates et de ressources suffisantes pour piloter et surveiller la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Il lui faut en outre disposer des instruments appropriés. Outre le suivi des 17 ODD et l’identification systématique des éventuels conflits d’objectifs, ces instruments doivent également servir à évaluer la compatibilité des affaires politiques avec les ODD. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les cantons et les communes où l’Agenda 2030 est encore beaucoup moins enraciné. Pour améliorer effectivement la cohérence politique visée par le Conseil fédéral entre les différents domaines politiques, à tous les niveaux de l’État et en ce qui concerne les effets négatifs sur les pays pauvres, il faut une approche coordonnée et systématique.

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2. M ettre en œuvre de manière contraignante les objectifs de développement durable En 2015, à New York, la Suisse s’est engagée à contribuer à la réalisation des 17 ODD sur le plan international et sur le plan intérieur. La Stratégie pour le développement durable 2016 – 2019, adoptée en 2016, renonçait déjà à décliner les objectifs globaux en objectifs concrets et mesurables pour la Suisse et à aborder les incohérences entre les différents domaines politiques par des mesures appropriées. Il en va de même pour la stratégie actuelle de développement durable 2030, qui promet par exemple la solidarité envers les pays du Sud et la cohérence politique pour le développement durable, sans s’accompagner de mesures concrètes. La Confédération doit faire preuve de plus de cohérence envers les objectifs de développement durable et formuler pour chacun des 17 ODD un objectif clair et mesurable ainsi que des mesures concrètes de mise en œuvre. La mise en œuvre des ODD ne relève toutefois pas uniquement de la responsabilité de la Confédération, mais aussi, pour une part importante, de celle des cantons et des communes. Les explications sur les mesures à prendre pour les différents objectifs le montrent clairement. C’est pourquoi la Confédération doit impliquer beaucoup plus fortement et systématiquement les cantons et les communes dans les discussions sur l’Agenda 2030. Les services cantonaux existants chargés du développement durable ne suffisent pas à garantir la cohérence des politiques. Les cantons doivent également s’attaquer aux zones de tension, par exemple entre la politique fiscale et la politique sociale, et les concilier avec les objectifs de l’Agenda 2030. En outre, il s’agit d’impliquer le secteur privé, les institutions scientifiques et les acteurs de la société civile de manière complète et transparente dans la mise en œuvre de la SDD 2030. Il en va de même pour les examens réguliers de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 par l’ONU.


3. A ssurer le financement, mettre davantage de fonds publics à disposition Pour que l’Agenda 2030 puisse être mis en œuvre avec succès, la communauté internationale doit mettre à disposition des moyens financiers suffisants. Les mesures de promotion économique et de mobilisation des ressources indigènes dans les pays en développement ne suffisent en aucun cas. Les investissements du secteur privé dans les pays en développement sont nécessaires, mais ils ne sont pas durables en soi et ne réduisent pas la pauvreté. Ils doivent répondre à des normes contraignantes en matière d’environnement, de société et de droits de l’homme afin de contribuer au développement durable. L’administration et le Parlement doivent s’assurer que les moyens financiers nécessaires à l’engagement de la Suisse en faveur des ODD au niveau national et international sont disponibles conformément au plan de mise en œuvre. Pour ce faire, le Conseil fédéral doit présenter une stratégie financière contraignante en indiquant les sources de financement. En politique intérieure, la Confédération, les cantons et les communes doivent renoncer à réduire les dépenses dans les domaines politiques touchant à la pauvreté, notamment dans l’aide sociale, la formation ou la réduction individuelle des primes d’assurance-maladie, et investir dans la prévention de la pauvreté, par exemple dans l’encouragement précoce et la construction de logements d’utilité publique. Au plan international, les obligations de financement ne doivent pas se limiter aux crédits-cadres pour la coopération internationale (également appelée aide au développement). La lutte contre le changement climatique et ses effets, en particulier, nécessite une stratégie de financement supplémentaire spécialement dédiée. Mais puisque – les années précédentes l’ont montré – la contribution de la Suisse à la mise en œuvre des ODD dans les pays en développement provient en grande partie des acteurs de la coopération internationale au développement, il faut progressivement porter les ressources de l’aide publique au développement à 1 % du revenu national brut (RNB).

Mai 2022 Autrices et auteurs : Marianne Hochuli, responsable du Secteur Études, Aline Masé, service Politique sociale, Patrik Berlinger, service Politique du développement Traduction : Nicolas Couchepin Cette prise de position peut être téléchargée sur www.caritas.ch/prises-de-position

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Das Richtige tun Agir, tout simplement Fare la cosa giusta Caritas Suisse Adligenswilerstrasse 15 Case postale CH-6002 Lucerne

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