Connexions 49

Page 1

Connexions 联 magazine de la

dossier

Le

Chambre

de

Commerce

et d’Industrie

Fr a n ç a i s e

en

Chine

100 millions d’enfants uniques 一亿独生子女

n o 49

fevrier-mars

2009

中 国 法 国 工 商 会 双 月 刊

结 : le •planFocus de relance chinois La Chine est-elle en récession ? Gros plan sur Wuhan

• •

聚焦:中国的产业 振兴规划 中国是否在衰退? 武汉概况

www.ccifc.org

Vu d’ici « Wedding photography » par le photographe Lionel Derimais 《摄影棚》 摄影:黎 磊



卷首语 EDITORIAL L’enfant seul

Guillaume Rougier-Brierre Avocat Associé chez Gide Loyrette Nouel 基德律师事务所北京代表处合伙人:胡杰

Difficile d’introduire cette livraison de Connexions, surtout pour un père de trois enfants qui ne passe pas assez de temps avec les siens. Et puis, la réflexion tourne rapidement court, car on pense, immédiatement et presque exclusivement, à la politique de l’enfant unique. Or, à bien y réfléchir, un enfant est toujours unique, ici comme ailleurs. Mais, en Chine, sous l’effet d’inquiétudes malthusiennes et en vertu de la loi sur le planning familial, l’enfant est surtout seul. Sans frère ni sœur, sans oncle ni tante, cousin de personne, issu d’aucun germain, à tous les étages de la parentèle.

只有一个孩子 为本期《联结》作序有一定难度,尤其对一个有三个 孩子却没有足够时间陪他们的父亲来说。思路随之嘎然 而止,因为我会立刻并唯独想到独生子女政策。 然而,仔细思考一下,一个孩子就是独生子女,哪里 都一样。但在中国,受“马尔萨斯担忧”的影响,并根据 2001年12月29日颁布的《人口与计划生育法》,一家只有 一个孩子。独生子女在各层亲戚关系中没有兄弟姐妹,也 没有叔叔舅舅姨夫姑父和婶婶舅妈姨妈姑妈,也不会成 为任何人的嫡亲表兄弟。 独生子女必然是中国家庭生活中的主角。他的命运 被过分关注,享受所有人的宠爱,同时又被寄予了所有的 期望。因此,孩子营养过剩、被高估、被过分照顾,奔走 于各类音乐课、歌唱课、语言课和体操课之间,为了考入 最好的大学而过多地临时抱佛脚。 独生子女也一直是家里的寄托— —是缺少子女陪 伴的优越家庭的精神寄托或是大多数不富裕家庭的物 质寄托。独生子女就像人口自然增长率小数点后的那位 数字,是唯一的,也是无价的。但事实上,他还有一个默 认的价值,即他所没有的弟弟或妹妹的价值。根据北京 市的规定,除特殊情况外,需要交纳相当于二胎生育所在 地人均可支配收入3-10倍的罚款,有时甚至是生二胎家 庭实际收入的3-10倍。如果生育二胎的特殊情况还是少 数, 中国将为独生子女政策付出很大代价,尽管这一政策 有利于控制人口的增长。 但是,这里同其他地方一样,也有人们不想看到的 没用的孩子,不正常的孩子,流落街头的孩子,像那些跳 下火车流落宝鸡街头的流浪儿,他们没有受过教育但愿

意入学重新接受教育。

L’enfant seul est nécessairement l’acteur principal du drame familial chinois. Son destin est d’être trop entouré. Il jouit de toutes les tolérances, en même temps qu’il est investi de toutes les ambitions. Le voilà donc survitaminé, surestimé, surveillé, entre cours de musique et cours de chant, cours de langue et séances de gymnastique, bachotant à outrance pour décrocher le sésame de la meilleure université. L’enfant seul est aussi et toujours soutien de famille — soutien moral des plus privilégiés en mal de compagnie ou soutien matériel de la vaste majorité des moins favorisés. Cet enfant seul est unique, donc inestimable, mais, n’en déplaise, il a quand même un prix par défaut, celui du frère ou de la sœur qu’il n’a pas et que la réglementation pékinoise facture, sauf exceptions, entre trois et dix fois le revenu moyen disponible par habitant du lieu de la récidive, voire entre trois et dix fois le revenu réel du récidiviste. Cet unique enfant, que la Chine paiera au prix fort si les exceptions restent résiduelles, est peut-être utile à la maîtrise de la démographie. Mais il y a aussi et malheureusement, ici comme ailleurs, l’enfant inutile, l’enfant différent qu’on ne préfère pas voir, l’enfant des rues, celui qui a sauté du train pour errer dans les rues de Baoji dans le Shaanxi, sans éducation et qui se rééduquerait volontiers à l’école.

Connexions / fevrier - mars 2009


协助委员会

联 结

COMITÉ DE PATRONAGE

Connexions

Le magazine de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine 中国法国工商会双月刊

Directeur de la publication Jacques Leclerc du Sablon Responsable de la publication Sophie Lavergne Rédactrice en chef Anne Garrigue Edition des textes chinois / 中文编辑 Ruan Zheng 阮征 Graphiste / 美术编辑 Xie Bin 谢滨 Conseiller à la direction artistique Charlie Buffet Ont collaboré à ce numéro : Véronique d’Antras, Laurent Ballouhey, Antonia Cimini, Julie Desné, Mariam Loussignian, Yann Marin, Anne-Laure Monfret, Patrice Nordey, François Perruchot-Triboulet, Manuel Rambaud, Guillaume Rougier-Brierre, Renaud de Spens, Nicolas Sridi, Hubert Testard, Emilie Torgemen, Rachel Tubieff, Karine Xie. Photographie de couverture Lionel Derimais « Wedding photography ».

Publicité / 广告招商 Pékin : Ruan Zheng 阮征 Tél. : (010) 6512 1740 # 14 Shanghai : Séverine Clément Tél. : (021) 6132 7100 # 114 Guangzhou : Hervé Lambelin Tél. : (020) 8186 8585 # 801 Imprimé par EMPIRE PRINTING 英派尔彩印公司 Toute reproduction même partielle des textes et documents parus dans ce numéro est soumise à l’autorisation préalable de la rédaction. La CCIFC décline toute responsabilité quant aux documents qui lui auraient été fournis, ou aux erreurs qui auraient pu échapper à son attention. Les propos tenus dans les articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

www.ccifc.org

Connexions / fevrier - mars 2009

connexions@ccifc.org



Connexions

49

fevrier - mars

2009

©Imagine China

34

no

La Chine compte près de 270 millions d’enfants de moins de 14 ans, 142 millions de garçons et 125 de filles. 中国有14岁以下的少年儿童2.7亿,其中男孩1.42亿,女孩1.25亿

focus : Plan de relance chinois Entre affichage et rééquilibre Ce qu’en attendent des entreprises françaises en Chine rendez-vous A la une des médias Le dessous des chiffres L’état des lois

dossier : 100 millions d’enfants uniques 8 11

12 16 18

l’actualité Outsourcing : quand la Chine rêve de rattraper l’Inde « W2.0 : la banque des étudiants » Actualité entreprises SDCEM – Transrail BV surfe sur la vague Savoir communiquer par tous les temps

20 21 22 26 28

l’entretien Un haut fonctionnaire passé au privé

30

Au pays des “petits amis” L’Enfant : moteur de la prospérité familiale « En Chine, on fait des enfants pour perpétuer une lignée » Trente ans de politique de l’enfant unique Les enfants « laissés derrière » Campagnes : un tiers des parents vivent avec leurs enfants. « Les jeunes parents se déchargent souvent sur les grands-parents » Papa, maman, baomu et moi Oedipe et le Fils du Ciel L’école primaire obligatoire depuis 1986 seulement Un système scolaire à deux vitesses Une journée d’école Migrants : enfants en situation précaire La discipline Ecole française ou école chinoise ? Pionnier de la culture du jouet

34 37 40 42 44 46 48 50 51 52 54 56 58 59 62 64


联 结

学校教育依然不平等

En Chine, 100 millions d’enfants sont des enfants uniques. 中国有一亿孩子是独生子女

42

Accros aux jeux vidéo Decathlon : sport fun et sécurité Un marché de niche à suivre : les loisirs créatifs pour enfants Une chambre à soi tout seul Lisez utile… Une bibliothèque de rêve Les enfants, nouveaux consommateurs ? Quand la sueur devient parfum… Le prêt-à-porter enfant My Babybox, marketing à la maternité régions jumelles Wuhan, la métropole préférée des Français Dongfeng Peugeot Citroën Automobile : production et formation Alstom : l’énergie, l’environnement et les talents La CCIFC inaugure son antenne de Wuhan La Montagne sacrée de Wudang, sur les traces des Immortels

66 67 68 70 71 72 74 76 78 79

52

© Imagine China

8

L’école reste inégalitaire.

© Imagine China

Plan de relance chinois : soutien massif aux infrastructures. 中国刺激经济计划:大规模投资基础设施

© Imagine China

© Imagine China

2009年二月-三月号 第49期

Guo Pei et Eric Constantino : la rencontre de deux talents. 郭培与艾力克:高级定制时装设计师 与美发设计师智慧的碰撞

94

associations Une femme Miao par adoption culture Guo Pei et Eric Constantino : défilé en duo Un globe-trotter à Pékin lire 公司简讯 23 公司简讯 27 斯第西姆乘风前进 30 张尚雅先生专访 : 一位弃政从商的中国政府官员

80

专栏:一亿独生子女

82 84 85

65 玩具文化的开拓者

38 中国孩子:家庭兴旺的动力 67 迪卡侬:兼具乐趣与安全的运动产品 69 有待开发的小众市场:儿童休闲创意产品 旅游

86

88 葡萄酒之都——波尔多

93 94 98 99


FOCUS

聚焦

Plan de relance chinois

La stimulation de la demande intérieure est le parent pauvre

38% des sommes prévues sont affectées aux dépenses pour les infrastructures routières, ferroviaires et le réseau électrique.

Entre affichage et rééquilibre

A

lors que le ralentissement économique s’est intensifié en Chine, prenant, à partir de novembre 2008, une tournure plus aigue que prévue, les autorités sont déterminées à assurer une croissance soutenue dans les deux prochaines années. Leur objectif premier est de contenir le taux de chômage afin de maintenir la stabilité sociale du pays. La cible affichée pour 2009 est un taux de croissance de 8 % — dont le Premier ministre Wen Jiabao a reconnu qu’il serait difficile à atteindre. Ce chiffre est en net recul par rapport aux 13 % de 2007 et 9 % de 2008. Pour afficher un tel taux, l’Etat active tous les instruments macroéconomiques à sa disposition, avec une focalisation particulière sur la dépense publique. Le plan de Connexions / février - mars 2009

relance gouvernemental a fait l’objet d’une communication intense entièrement tournée vers l’affichage emblématique d’un montant très élevé (4 000 milliards de Rmb), puis progressivement déclinée par thèmes. Les provinces ont suivi en multipliant les annonces de projets d’investissement, pour des montants extrêmement élevés — avec un effort financier total variant selon les sources, entre 6 000 et 24 000 milliards de Rmb. L’analyse de cette relance budgétaire est malaisée : les informations la concernant ont été distillées au compte-gouttes sous des formes diverses, sans cohérence de présentation, sans toujours de précisions sur le contenu des projets et sans affichage détaillé du mode de financement.

Le message martelé est surtout de nature politique, marquant la volonté gouvernementale d’obtenir, malgré la crise, une croissance élevée. Devant l’Assemblée nationale populaire, Wen Jiabao a laissé entendre que d’autres projets étaient prêts et qu’ils pourraient être activés si la situation macroéconomique se dégradait encore. Au-delà de l’impact de court terme sur la croissance, l’enjeu du plan de relance est de répondre à la nécessaire mutation de l’économie chinoise. La crise économique mondiale n’est pas en effet la cause première des difficultés chinoises. Le modèle de développement assis sur des investissements massifs et la conquête de marchés extérieurs montre ses limites. Il devient nécessaire de s’ap-


© Imagine China

du plan qui a du être rectifié et complété

38%的财政预算划拨给公路、铁路基础设施和电网的开支

puyer sur la demande domestique pour maintenir une croissance élevée. Critiqué, le plan gouvernemental a dû être amendé Pourtant, le plan initialement annoncé était largement concentré sur l’investissement, avec une forte composante infrastructure et une forte incertitude sur le niveau réel de l’effort consenti. Avec un montant annoncé de 4 000 milliards de Rmb (soit environ 585 milliards USD — 12 % du PIB chinois) sur 2 ans, le plan de relance chinois se voulait l’un des plus importants du monde. Il incluait une part indéfinie de projets déjà décidés et un mode de financement indéterminé, ce qui laissait planer un doute sur l’effet d’entraînement à en attendre. Cette incertitude — soulignée par tous les analystes — a peu à peu nui à la crédibilité du plan et le gouvernement a finalement dû expliciter la part de dépense budgétaire effectivement nouvelle de l’Etat, qui devrait s’élever à 1

180 milliards de Rmb (170 mds USD), dont 45 % consacrés aux infrastructures et 25 % au programme de reconstruction à la suite des séismes dans le Sichuan. Le gouvernement a choisi de stimuler la croissance chinoise par le biais de l’investissement dans les infrastructures pour avoir un effet aussi rapide que possible sur l’économie. En effet, du fait de l’expérience acquise lors de la crise asiatique et compte tenu de la structuration de l’appareil d’Etat, la concrétisation de ce type de projet ne présente guère de difficultés. Les délais de mise en œuvre des investissements annoncés sont cependant variables en fonction de leur nature : la construction de logement social a déjà débuté, tandis que, dans le domaine des transports, notamment ferroviaires, le rythme actuel d’investissement est déjà très soutenu et il n’est pas évident que de nouveaux projets puissent être lancés sans délai. Même si les besoins en infrastructures restent très importants en Chine, notamment dans l’Ouest du pays (sur lequel est concentré 62 % des dépenses du plan), ces investissements laissent dubitatif : avec le développement observé en Chine au cours des 10 dernières années, l’effet sur la croissance sera nécessairement amoindri par rapport à ce qui avait été observé lors de la crise asiatique. De plus, moins concernées par l’exportation en raison de leur localisation géographique, les provinces de l’Ouest ne peuvent se développer (et donc exploiter les infrastructures prévues) que si la demande intérieure devient suffisamment importante pour justifier des investissements productifs à proximité des centres de consommation. Or la stimulation de la demande intérieure est le parent pauvre du plan de relance. Les aspects liés au revenu rural sont fortement mis en avant dans la communication gouvernementale, mais les sommes annoncées demeurent limitées. Le développement de la consommation domestique peut reposer sur deux composantes : la libération de l’importante épargne constituée par les ménages en prévision des échéances futures (éducation, santé, retraite,

•••

Et ailleurs ? A titre comparatif, nous vous présentons dans les très grandes lignes les plans de relance français ainsi que celui des deux premières économies mondiales En France Le 29 janvier dernier, le parlement a voté le plan de relance français qui s’élève à 26 milliards d’euros. Selon le gouvernement, 22 milliards d’euros seront injectés dès 2009. 11,4 milliards doivent soutenir la trésorerie des entreprises. 10,5 milliards d’euros sont réservés aux investissements directs publics et 1,8 milliard est destiné à soutenir le logement. Ce plan s’appuie essentiellement sur l’investissement — investissement public, soutien de l’immobilier et de l’automobile, soulagement de la trésorerie des entreprises. Le gouvernement estime que son impact devrait être de 0,6 point de PIB. Aux USA 787 milliards de dollars : c’est le montant du plan de relance qui s’étalera sur deux ans (2009 et 2010). Ce plan est basé sur un mélange d’allègements fiscaux et de dépenses budgétaires. Les principales dépenses seront sociales (éducation, couverture maladie des plus pauvres ou des travailleurs licenciés et informatisation des dossiers médicaux, assurance chômage). Mais les dépenses concerneront aussi les économies d’énergie et l’amélioration des infrastructures notamment routières. Au Japon Difficile de chiffrer les différents montants des plans de relance japonais qui se succèdent pour enrayer une décroissance très rapide et font l’objet de vifs débats. Retenons que les mesures tournent autour de deux grands axes : financier d’une part (accès au crédit pour les PME sous forme de garanties et soutiens au secteur bancaire) et budgétaire d’autre part par la stimulation du marché intérieur. Les grands bénéficiaires seront les PME, les travailleurs précaires, les ménages et les collectivités locales (pour l’emploi et les infrastructures en région).

Connexions / février - mars 2009


FOCUS

聚焦

Répartition du plan par type de dépenses R&D et innovation logement social environnement

amélioration des conditions de vie en zone rurale

10%

9%

5%

santé et éducation

4%

infrastructures

38%

9% 25%

reconstruction post-séisme

••• chômage) et la réduction des iné-

galités sociales par l’élévation des revenus des populations les moins favorisées. Ceci suppose la constitution d’un véritable système de protection sociale et de redistribution et la construction pour ce système d’une image publique de crédibilité et de pérennité. Un rééquilibrage vers le social Prenant conscience que le plan est critiqué pour sa faible composante sociale et pour son manque d’entraînement prévisible sur la demande domestique, le gouvernement a réorienté finalement les montants vers le logement social (10 % de l’effort budgétaire, contre 7 % initialement annoncé) ; la santé et l’éducation (4 % contre 1 %) tout en précisant les mesures sociales incluses dans les projets d’amélioration des conditions de vie en zone rurale. De façon plus importante encore, des mesures hors-plan ont été progressivement dévoilées donnant une tonalité différente au stimulus fiscal. Le principal secteur concerné est celui de la santé : 850 milliards de Rmb (environ 125 milliards USD) vont être dépensés sur 3 ans — dont 330 milliards (48 milliards USD) financés par le gouvernement central. L’objectif annoncé est de fournir un service médical universel à l’ensemble de la population à partir de 2011. Ce projet inclut notamment l’extension de la couverture de l’assurance-maladie, un système pour rendre accessibles les médicaments les 10 Connexions / février - mars 2009

plus communément utilisés et la réforme des hôpitaux publics. D’autres mesures plus limitées ont également été mises en avant par le gouvernement chinois pour marquer la réorientation du plan de relance vers la consommation domestique. Ainsi, 100 Rmb ont été versés aux personnes les plus démunies dans les campagnes et 150 Rmb dans les villes, pour un total de 74 millions de bénéficiaires. Le coût total de la mesure s’est élevé à 9 milliards de Rmb (1,3 milliard USD). Dans le même ordre d’idée, le gouvernement a annoncé une réforme du système de rémunération des enseignants, devant conduire à une augmentation de revenus pour un coût total de 12 milliards de Rmb (1,8 milliard USD) et 12 millions de personnes concernées. D’autres mesures du même type sont annoncées, comme la réduction des impôts pour un montant de 600 milliards de Rmb (88 milliards USD), l’augmentation des retraites et celle du revenu des ruraux, ou encore des subventions accordées aux ruraux pour l’achat d’électroménager — mais leurs modalités restent encore très vagues. La situation du marché immobilier a également fait l’objet d’une attention particulière — tant pour maîtriser les conséquences sociales des difficultés du logement que pour soutenir une activité particulièrement intensive en travail peu qualifié. Un programme de développement du logement social de grande envergure a été lancé : 915

milliards de Rmb lui seront consacrés, dans les trois prochaines années, dans l’objectif de fournir un logement à 7,5 millions de familles défavorisées. Il s’agit principalement de construire des logements neufs, de surface réduite, inférieure à 60m2, mais répondant aux normes les plus récentes, notamment en matière d’efficacité énergétique. De nouvelles mesures à attendre Les nécessités de la stabilité sociale et l’évolution du modèle de développement ont donc été intégrées dans les plans de relance et ce plan — revu et complété — a été rééquilibré. Pour autant, il est désormais quasi-acquis que l’objectif de croissance ne sera pas atteint. Les prévisions de croissance économique formulées par la plupart des experts demeurent très en-deçà de l’objectif affiché, comprises entre 5,5 et 7 % — et ont été constamment orientées à la baisse ces dernières semaines. Si les indicateurs macroéconomiques montrent des signes de stabilisation, prouvant que les premières mesures gouvernementales produisent leurs effets et favorisent l’activité, le contexte international reste défavorable et devrait continuer de dégrader le commerce extérieur de la Chine. Dès lors, la réflexion des autorités ne s’arrête pas à ce qui a déjà été annoncé, des mesures nouvelles sont à prévoir, de nouveaux projets sont prêts, des marges de manœuvre existent. Wen Jiabao a pourtant déçu lors de son discours de clôture de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire : alors que les marchés bruissaient de rumeurs sur un deuxième plan de relance, montrant son enthousiasme avec un fort rebond des bourses, le Premier ministre chinois s’est contenté d’affirmer : « nous avons en réserve des munitions appropriées, ce qui veut dire qu’à n’importe quel moment, nous pouvons introduire de nouvelles politiques de relance. » Cet attentisme témoigne sans doute autant d’une confiance dans les mesures déjà prises que d’une volonté de conserver des atouts en vue de la discussion au G20 d’un plan de relance coordonné. Ya n n M a r i n Conseiller financier, adjoint au Chef de la Mission économique


Le plan de relance chinois 中国的产业振兴规划

Ce qu’en attendent des entreprises françaises en Chine Interrogés sur l’impact attendu des mesures prévues dans le plan de relance du gouvernement chinois pour leur secteur d’activité, trois entrepreneurs français livrent leur point de vue. Frédéric Guillemet Directeur Chine de SDCEM, PME fabriquant des équipements électriques notamment utilisés dans les centres de production d’énergie. « Vu les secteurs d’activité sur lesquels nous sommes positionnés (hydro-électricité, ferroviaire, éolien, transport et distribution d’électricité) et les secteurs qui bénéficieront d’une grande partie de ce plan de relance (infrastructures), nous attendons un impact positif. Par contre, les risques paiement devraient augmenter et vont nous obliger à avoir une vigilance renforcée sur le poste “créance clients”. Il est encore aujourd’hui trop tôt pour réussir à quantifier les retombées de ce plan de relance. En effet, les projets auxquels vont être attribués ces financements n’ont pas été, jusqu’à aujourd’hui, clairement définis. De plus, tous ces projets d’infrastructure ont des délais de mise en œuvre et de réalisation assez longs. Pour ce qui concerne notre activité, nous pensons que les premières retombées concrètes devraient se faire ressentir à partir du deuxième semestre 2009. » Cyrille Ragoucy CEO Chine de Lafarge, leader mondial des matériaux de construction, implanté en Chine depuis 1994. « Le plan de relance privilégie le soutien au développement des infrastructures de transports et à la construction qui représentent à elles seules près de 70% des dépenses prévues. En tant que cimentier, nous sommes donc très concernés. Les chiffres annoncés sont importants, le gouvernement affiche une volonté d’avan-

cer rapidement et nous sommes maintenant dans la phase d’attente du démarrage du plan. Globalement, nous devrions ressentir les effets positifs de plusieurs dispositifs gouvernementaux : celui de la politique — qui n’est pas récente — du développement de l’ouest du pays, celui des mesures spécifiques au plan de relance, auxquelles il faut ajouter celles prises par les gouvernements locaux eux-mêmes. L’impression “d’effets cumulés” est cependant un peu à relativiser. Les sommes affectées à la reconstruction post-séisme, par exemple, qui sont aujourd’hui inscrites au plan de relance étaient déjà prévues avant la crise ; elles ont été intégrées au plan. Notre stratégie de positionnement depuis 2000 dans le sud-ouest du pays est un atout majeur aujourd’hui. La totalité de notre production de ciment est vendue localement à des sociétés chinoises aux prix du marché, or nous avons choisi d’implanter nos usines au Sichuan, à Chongqing, dans le Yunnan et dans le Guizhou, c’est-à-dire dans des zones de développement qui bénéficient, à long terme, de la politique nationale du “Go West”. Quelques exemples : le Yunnan qui fait preuve d’un dynamisme économique fort depuis plusieurs années devrait poursuivre son processus de modernisation, Chongqing est véritablement en train de devenir une “Shanghai de l’ouest”, avec une zone détaxée… Certes, le secteur de l’immobilier, du “Real Estate”, connaît un ralentissement qu’un vaste programme de constructions de logements neufs doit d’ailleurs pallier. Mais pour nous, l’année 2008 a été correcte. Si nous avons encore peu de visibilité sur 2009, nous savons d’ores et déjà que février ne sera pas un mauvais mois. »

Claude Vajsman Président de PSA Chine « Le marché automobile dépend très directement de la confiance que les consommateurs ont dans leur avenir. L’ambition du plan de relance chinois est de maintenir la confiance de la croissance chinoise et de stimuler la consommation en diminuant la propension à épargner. C’est donc un bon plan. Cependant, les résultats ne seront atteints que si ce plan est mis en œuvre rapidement non seulement par les autorités centrales mais aussi par les responsables régionaux et locaux qui pilotent notamment les travaux d’infrastructures. A cette condition, les créations d’emplois suivront et un climat de confiance durable pourra s’installer, qui sera favorable à la consommation et notamment à l’achat d’automobiles. On ne connaît pas encore le détail de l’ensemble du dispositif, notamment ce qui concerne les aides aux entreprises automobiles. En revanche je peux dire que la mesure dont nous pouvons attendre des retombées concrètes et rapides sur la demande d’automobiles est la diminution de 50% du taux de la taxe sur les véhicules de moins de 1,6 litre de cylindrée, ce qui correspond à notre cœur de gamme. »

S. L .

Connexions / février - mars 2009 11


头条新闻 A la une des médias

Par Renaud de Spens*

Wang Xiaofeng : humour noir et langue verte Wang Xiaofeng (王小峰), né en 1968, est rédacteur au troupes japonaises fin 1937 — début 1938 (de 200 000 à magazine Sanlian (三联生活周刊), hebdomadaire géné- 400 000 victimes selon les sources). Délicat d’écrire sur ce raliste avec un focus culturel. C’est surtout un bloggueur sujet sans rester dans le consensualisme en Chine. Wang invétéré, connu dans tout le cyberespace chinois pour ses Xiaofeng arrive pourtant à utiliser le thème pour faire un billets impertinents, où il met tout ce qu’il ne peut pas écrire portrait épicé des mutations de la société chinoise, à travers dans ses articles papier (http://www.wangxiaofeng.net). Il l’évolution imaginée de ses réactions face au film : « Années 50 : ce film montre cet épisode historique. Années 60 : cet en a tiré un livre et inspiré un film. Il bloggue presque comme il respire, et cela lui arrive de épisode historique peut être montré de cette façon. Années produire plusieurs fois par jour. Il appartient à la « généra- 70 : c’est un épisode historique. Années 80 : comment cela tion Tian’anmen ». Les étudiants de cette époque étaient a-t-il pu avoir lieu ? Boycottons le Japon ! Années 90 : ce les premiers à redécouvrir les ouvrages interdits sous Mao soldat japonais est trop cool et beau gosse, j’en suis raide et à avoir accès au bouillonnement intellectuel occidental. dingue.» Comme un bon scénariste, il commence en général ses Curieux de tout et grands consommateurs d’ouvrages, ils billets par quelques platitudes destinées à ont été brisés dans leur élan à la fin des anengourdir le lecteur, pour encore accentuer nées 80. Leur idéal, tombé sur les dalles de la férocité de ses chutes. Son dernier comla place de la Porte de la Paix Céleste, n’a « L’humour noir mentaire sur la session plénière des deux pas été repris. La génération ultérieure, sur- couvre tout ce assemblées débute ainsi par une réflexion nommée par les Chinois « ceux d’après 80 » que nous appelons faussement naïve et bien pensante. Il affirs’est plus sagement coulée dans la société de le second dégré. me que pour tout bon Pékinois, ces grands consommation naissante et la diffusion de Le noir est moins événements nationaux sont toujours un peu la « civilisation des loisirs ». Aujourd’hui, pénibles, parce qu’ils gênent la circulation. cette génération Tian’anmen a la quaran- ce qui est sinistre que ce qui est Cependant, en réfléchissant au fait que c’est taine et se retrouve à tous les postes-clé des là un grand événement annuel de la vie pomédias et de l’enseignement notamment. Si caché. » litique du pays, tout le monde peut bien ses membres ne sont pas encore au faîte de accepter quelques jours d’inconfort. Sans leur carrière, ils constituent cependant déjà la force déterminante d’évolution de la société chinoise. Par transition, il lance alors son attaque : « J’avais auparavant du leur goût pour la liberté et le désillusionnement amer qu’ils mal à apprécier les imbécilités proférées par quelques dépuont éprouvé, ils contribuent au renouveau et à la popularité tés. Les affaires de l’Etat leur sont confiées, et ils nous jouent un spectacle pour enfants. » La session est vécue comme un croissante de l’humour noir en Chine. moment pénible par les journalistes, qui n’ont pas le droit de faire ressortir d’autre actualité dans leurs colonnes. Humour noir et impertinence « Toutefois, quand on se penche sur ce que [les députés] L’humour noir a longtemps eu mauvaise presse, souvent accusé d’être contre-révolutionnaire en raison de sa mé- disent, on s’aperçoit que si on ne l’avait pas fait, on ne se chanceté et de sa pluralité de lectures, incompatibles avec rendrait pas compte que le monde est si extraordinaire. Del’unicité fleur bleue du réalisme socialiste. « Humour noir » puis quelques années, je ne regarde plus la session plénière (黑色幽默 ) semble d’ailleurs avoir un sens très large en des deux assemblées comme un événement politique mais chinois, et couvre pratiquement tout ce que nous appelons comme un divertissement. […] En écoutant les députés le second degré. Le noir est moins ce qui est sinistre que ce parler, je me rends compte que l’art chinois du Xiangsheng qui est caché. Wang Xiaofeng joue sur tous ces registres et [相声 dialogue comique entre deux acteurs] est en plein donne à ses billets un ton provocateur. Ainsi, sur un post rayonnement. […] ce genre de session plénière ne devrait sobrement et malicieusement titré « Histoire », il livre les pas avoir lieu une seule fois dans l’année, il faudrait qu’il réflexions que lui inspirent la vision de Nankin, Nankin (Lu y en ait quatre, régulièrement, comme un feuilleton Chuan, 2009). Ce film narre l’épisode effroyable et donc toujours monté en épingle du massacre de Nankin par les * service de presse de l’ambassade de France

•••

12 Connexions / fevrier - mars 2009



头条新闻 A la une des médias

••• télévisé… » . L’impertinence de Wang Xiaofeng ne se limite pas aux sujets sociaux et politiques.

toujours trouver quelqu’un qui va m’enseigner quelque chose » (三人行,必有我师焉), est ainsi réinterprétée en « Dans une partie à trois, il faut toujours que j’en mouille une » (« enseigner » et « mouiller » sont homophones). Sa plaisanterie fait le tour de la toile et pas moins d’une cinquantaine de sites la reprennent. Pour autant, Wang Xiaofeng se défend d’écrire en jargon : « Je pense que les mots que j’emploie sont communs et facilement compréhensibles, on n’y trouve aucun terme rare en martien ni de style écrit avec sa bite à la mode sur Internet… »

© DR

Langue verte et grivoiserie chic La vulgarité et la grivoiserie ont une histoire compliquée dans la Chine d’après 1949. L’uomo nuovo chinois est un paysan bourru et franc, aux antipodes du modèle du lettré raffiné du Kuomintang, dont la politesse est présentée comme une hypocrisie de classe. Il s’exprime donc dans une langue parfois crue et fleurant bon la terre. Cependant, il est sensé être « pur » et affranchi de toutes les fantaisies du sexe, l’Etat l’aidant à éradiquer tout ce qui pourrait les lui rappe- Entre amour et haine Si le blog de Wang Xiaofeng est populaire, c’est aussi ler. Ainsi, dans la Chine maoïste, la langue verte et la plupart parce qu’il n’est pas consensuel. Le compliment le plus frédes expressions à connotation sexuelle ont hiberné dans les quent dans les messages de ses admirateurs s’exprime par le sous-sols de la camaraderie masculine, rarement écrites ou terme « niu » (牛), qui veut originellement dire montrées à l’extérieur. Comme un peu partout « bovidé ». Sa signification dérivée, très positive, dans le monde, c’est surtout l’équivalent de est à l’antipode du sens du « bovin » français, et l’anglo-saxon « fuck » qui a surnagé dans la vulfait référence à l’impétuosité et à la vigueur du gate des insultes populaires, avec sa formule détaureau (comme l’anglais « bullish »). veloppée impliquant « ta mère ». La littérature Naturellement, les conservateurs et les natiocommence à dédramatiser l’usage occasionnel nalistes ne l’aiment pas. Cependant, certains de la langue verte dans les années 80. C’est à ce jeunes intellectuels progressistes nés dans les moment que les œuvres de Jin Yong commenannées 80 ne le portent pas non plus dans leur cent à paraître en Chine Populaire. Cet auteur cœur. Ils lui reprochent ce qu’ils reprochent de romans de cape et d’épée est aujourd’hui Wang Xiaofeng aussi aux autres membres de sa génération : un le romancier le plus apprécié en Chine, avec 王小峰 manque d’éducation, une posture de héros, un un lectorat mixte et intergénérationnel. Son œuvre satirique Le cerf et le chaudron, réussit à faire rire manque de courage pour faire bouger les choses alors qu’ils lecteurs et lectrices par une insulte inventive prononcée par sont aujourd’hui au cœur du système, et une confiscation un enfant : « Je nique sa grand-mère jusqu’à la dix-neuvième du pouvoir à leur profit (cela ressemble aux critiques dont génération ! »— la formule originale ne remonte qu’à 18 fait l’objet la génération 68 aujourd’hui en France). Ces différentes opinions se reflètent plus ou moins bien génération et n’inclut pas l’aïeule). dans les commentaires à ses billets. Sur son blog, les comDepuis, les plaisanteries grivoises ont peu à peu repris leur mentateurs sont appelés des « chimpanzés ». Lorsque l’on pied aux frontières de la culture officielle. Les spectacles du veut ajouter son grain de sel, un message prévient : « Vougenre « Er Ren Zhuan » (二人转 « un homme, une femme », dialogues comiques traditionnels du Nord-Est, rem- lez-vous devenir un chimpanzé ? » Wang Xiaofeng avoue plis de sous-entendus sexuels), figurent au programme de faire le ménage dans sa ménagerie, et d’en ôter les insultes la fameuse soirée de réveillon de CCTV depuis 1992. Dans et messages « trop cons ». Parfois, certains commentaires les années 90, Wang Shuo crée un phénomène littéraire en l’agacent trop et il en fait un article. Ainsi, le 11 mars 2009, transcrivant fidèlement dans ses romans les formules les plus notre bloggueur répond à un commentaire l’accusant d’être un « décérébré » (insulte visant les thuriféraires du Parti) : crues de l’argot pékinois. Il connaît un immense succès. Sur son blog, Wang Xiaofeng porte le flambeau de ce style « Si tu veux vraiment me critiquer, il faut au moins que tu décomplexé, qui a toujours une connotation virile, mais qui prennes la peine de comprendre ce que j’ai écrit. En lisant ce a maintenant tendance à devenir « cool ». En janvier 2007, genre de message, j’ai eu le plaisir de me rendre compte de alors que son magazine publie un dossier sur Confucius, la formidable efficacité de notre système éducatif. Regardez il s’amuse à détourner les maximes du maître sur son site ce camarade si intéressé par les lettres et pourtant incapable internet. Le fameuse phrase « Parmi trois personnes je peux de comprendre le chinois… »

14 Connexions / fevrier - mars 2009



数字背后 Le dessous des chiffres

Par Hubert Testard *

La Chine est-elle en récession ?

6,8%. C’est le chiffre officiel de la croissance chinoise au quatrième trimestre 2008.

Un chiffre en très net recul par rapport aux trimestres précédents (9% au troisième trimestre, 10,1 % au second), mais qui reste relativement favorable comparé à la récession qui frappe au même moment le monde développé. Et pourtant fin janvier une rumeur courait selon laquelle la Chine était, en fait, également en récession. Cette rumeur était notamment colportée par l’économiste américain Nouriel Roubini, célèbre pour avoir été l’un des premiers à annoncer la crise financière mondiale. Le sujet aurait même été évoqué entre leaders européens lors des rencontres bilatérales de début d’année. L’origine de la rumeur est d’ordre statistique. Il se trouve que la Chine publie ses comptes trimestriels sous une forme particulière : chaque trimestre est comparé au même trimestre de l’année antérieure pour déterminer un taux de croissance annuel. Or la méthode retenue au sein de l’OCDE pour déterminer si un pays est en récession est de comparer les résultats du dernier trimestre par rapport à ceux du trimestre précédent, en données corrigées des variations saisonnières et de l’inflation, ce qui est la seule façon d’observer les évolutions de très court terme. Si pendant deux trimestres successifs la croissance ainsi comptabilisée est négative, le pays concerné est réputé être « en récession ». Les chiffres publiés par la Chine ne sont donc pas comparables à ceux des autres grandes économies mondiales. A défaut de données officielles, les économistes des

16 Connexions / février - mars 2009

banques d’affaires ont essayé de reconstituer eux-mêmes une série statistique q/q (quarter on quarter, comme l’on dit en anglais). Stephen Green de Standard Charter a expliqué dans une de ses publications les problèmes qu’il a rencontrés pour y parvenir. Le premier problème est que le chiffre du quatrième trimestre est traditionnellement très élevé en Chine (il représente en moyenne 30% de l’activité annuelle et atteint même 33% en 2008), comme si l’office des statistiques y plaçait toutes les données qui n’auraient pas été collectées en cours d’année. Le second est que ce même office vient de réviser à la hausse les chiffres de la croissance en 2007 (qui sont passés de 11,9 à 13%), sans publier les nouvelles données trimestrielles correspondantes. En outre, rien ne permet de savoir si le chiffre de croissance de 6,8% se base sur les anciennes données pour 2007 ou sur les nouvelles. Enfin les séries concernant les PIB trimestriels et les données annuelles que publie l’office ne sont pas strictement cohérentes. Dans cet environnement assez impressionniste la Mission Economique s’est lancée dans ses propres calculs grâce aux talents de son VIA statisticien Mickael Legal, qui a mobilisé les meilleurs modèles statistiques disponibles sur le marché pour « désaisonnaliser » et « déflater » le PIB chinois. Le résultat est une croissance au quatrième trimestre 2008 de 0,8%, soit 3,2% en données annualisées. Les économistes de Goldman Sachs parviennent à un résultat assez proche de 0,7%. Ce n’est pas encore la récession annoncée par Nouriel Roubini, mais on n’en est pas très loin… à l’aune des performances chinoises

* Chef de la Mission économique en Chine



法制天地 L’état des lois

Par François Perruchot-Triboulet*

De l’intérêt du Règlement intérieur en droit social

D

© DR

epuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur venus préciser la politique et les directives de l’entreprise, le contrat de travail en 2008, le Règlement Indes périodes de maladie ou d’arrêt de travail, sera un comtérieur ou Employee Handbook ou encore Livret plément utile aux dispositions légales. Il conviendra, en de L’employé est devenu tant un élément juridique de réeffet, d’examiner les mesures préconisées par l’entreprise et férence en cas de rupture des relations de travail qu’un que chaque salarié a acceptées en rejoignant l’entreprise et outil indispensable de la politique de gestion des ressouren ratifiant le Livret de l’Employé. Pour cela, il est imporces humaines. tant que le salarié signe, en pratique, en même temps que Le Règlement intérieur est premièrement le reflet de son contrat de travail, le Règlement intérieur. Une mesure la culture d’entreprise. Il diffuse l’image de celle-ci à ses de licenciement pourra, par exemple, être autorisée en raiemployés et aide ces derniers à s’adapter plus son de la violation sérieuse du Règlement infacilement à leur environnement. A ce titre, la térieur (conformément aux dispositions visées politique générale de l’entreprise est décrite et par la loi sur le contrat de travail). L’existence partagée. Dans ce but, le manuel peut décrire de ce document de référence et la précision la politique générale et les valeurs de l’entreapportée à l’élaboration des règles sont donc prise ou du groupe. indispensables. Une échelle des fautes pourra, Le Règlement intérieur est aussi un moyen par exemple, être convenue et sera alors oppoefficace de management. Toutes les relations sable au salarié en cas d’enfreinte aux mesures de travail ne peuvent être résumées dans le fixées. Ce manuel aura permis d’éviter une seul contrat de travail. Ainsi, il est nécessaire Employee Handbook procédure chronophage et souvent onéreuse de préciser certaines règles de vie en commun. 员工手册 devant la Commission arbitrale amenée, Par exemple : seront mentionnés dans ce dole cas échéant, à trancher ultérieurement cument les modalités d’évaluation de la performance telles le litige salarial. que la fréquence et le contenu des entretiens individuels Même si des clauses générales se retrouvent dans tous les ou la fixation des objectifs tant pour l’unité de travail Règlements intérieurs, il est conseillé de le personnaliser qu’au niveau de l’employé ; les aspects liés aux différents et de préciser certaines dispositions spécifiques à chaque congés ; les mesures d’application de la règlementation entreprise ou unité de travail pour répondre à la particuen matière d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise ; les larité de chaque entreprise. actions disciplinaires ; etc. Loin d’être seulement un outil de répression utilisé dans Certaines dispositions techniques du droit du travail le cadre de la rupture de la relation de travail, il convient n’ont, en effet, pas vocation à être décrites dans le contrat de voir ce document comme un outil de référence et de de travail et seront plutôt détaillées dans le Livret de l’Emgestion des ressources humaines. Son adoption par la colployé. lectivité de salariés conformément aux dispositions impéLe Règlement intérieur fixe encore certaines règles et ratives de la loi permettra de s’assurer de la cohérence des pratiques telles que la politique de remboursement des mesures prises. frais et dépenses professionnels et s’avère alors un outil de prévention des litiges. Si un litige devait néanmoins éclater, la référence à ce règlement, par exemple, sur des points *Avocat Associé chez Aklea Société d’avocats

18 Connexions / février - mars 2009


La CCIFC, un acteur clé du développement économique Franco-Chinois Un réseau de 1200 membres Des bureaux à Pékin, Shanghai, Canton, Shenzhen Des représentants à Tianjin, Kunming et Xian www.ccifc.org


Outsourcing et offshoring, services IT, autant d’anglicismes généralement associés à l’Inde et non à la Chine. Pourtant l’empire du milieu développe ces secteurs très rapidement avec comme objectif de se positionner en numéro 2 mondial, tout juste derrière sa grande rivale régionale.

© Imagine China

商务简讯 l’actualité / business chine

La Chine représente moins de 10% du marché mondial de l’outsourcing. 中国在世界外包市场的份额不足10%。

Outsourcing : quand la Chine rêve de rattraper l’Inde Que ce soit ouvrir un centre d’appels, développer des logiciels sur mesure ou s’occuper de bases de données, de nombreuses entreprises choisissent de déléguer ce genre d’activité. C’est ce que l’on appelle « l’outsourcing de service » et lorsque l’on choisit d’externaliser dans un pays à plus bas salaire, on parle alors de « offshoring ». Réduction des coûts, efficacité accrue, l’outsourcing séduit les entreprises et le secteur a généré 60 milliards de dollars de revenus en 2007 à l’échelle mondiale. Avec moins de 10% du marché, la Chine paraît bien loin derrière l’Inde et les pays occidentaux. Reconnu comme atelier du monde, l’empire du Milieu a du mal à s’imposer dans le domaine des services, malgré un soutien important de l’Etat. Le 11e plan quinquennal prévoit en effet la création de dix villes spécialisées pour accueillir le transfert d’une centaine de multinationales et le doublement des exportations dans le secteur d’ici 2010. A terme, l’objectif de la Chine en outsourcing est de devenir incontournable en Asie du nord pour ensuite se développer globalement et devenir le numéro 2 mondial 20 Connexions / février - mars 2009

vers 2012. « Nous possédons un avantage culturel et linguistique avec le Japon et la Corée et il faut maintenant convaincre les groupes internationaux de choisir la Chine comme leur point d’entrée sur l’ensemble de l’Asie » explique Alex Peng, analyste et partenaire du cabinet d’étude McKinsey. « Pour atteindre nos objectifs, il nous faudrait néanmoins passer en “ hypercroissance ” pour quadrupler notre part de marché en quelques années ». Un secteur local trop fragmenté pour séduire l’international, un marché domestique sous-développé, un manque de formations adéquates et de cadres compétents, les lacunes sont nombreuses. Mais par dessus tout, ce sont les problèmes liés aux droits de propriété intellectuelle (IPR) qui freinent l’outsourcing vers la Chine. « Quand nous pensons à externaliser en Asie, nous envisageons davantage la Malaisie que la Chine, à cause des incertitudes sur les IPR » explique le représentant à Pékin d’une grande multinationale. « C’est un sujet peu abordé par les autorités alors que pour nous c’est primordial dans la prise de décision ».

Une crise bénéfique ? La Chine possède pourtant des atouts par rapport à ses concurrents et compte même sur la crise pour se renforcer. Argument de taille, la Chine est moins chère que la grande rivale indienne. Les programmateurs et informaticiens chinois réclament des salaires inférieurs de 20 à 30% mais le management, plus rare, coûte généralement plus cher. « Les coûts sont un argument important pour investir en Chine mais certaines qualités des équipes ici nous intéressent aussi par rapport à l’Inde » expliquait Patrick Adiba, vice-président d’Atos Origin, avant les JO de Pékin. Pour le responsable de la SSII française, les employés chinois sont plus fidèles que leurs homologues indiens qui n’hésitent pas à partir pour une augmentation de salaire minime. « Cette volatilité des équipes nous empêche de nous développer solidement sur le long terme. En Chine, la situation est assez différente et c’est pourquoi nous voulons y accentuer notre présence ». La crise pourrait même aider l’outsourcing chinois à émerger en l’amenant à se restructurer, à développer le marché local et


网络简讯 à prospecter plus l’international. « La crise devrait orienter les entreprises chinoises vers l’outsourcing pour minimiser leurs coûts » estime Liu Jiren, Président de Neusoft, la plus grande entreprise chinoise du secteur, « Nous cherchons aussi à embaucher des experts étrangers pour améliorer notre efficacité ». C’est également l’avis d’Alex Peng de McKinsey qui estime que le temps est venu pour une restructuration du secteur afin de faire émerger des grands groupes d’envergure internationale. « Il faut que le processus de fusion-acquisition s’accélère en Chine et que les plus gros acteurs profitent de la crise pour se lier avec des entreprises étrangères afin d’acquérir une expérience de l’international. Selon moi, le gouvernement devrait s’inspirer de la réussite du secteur Télécoms et soutenir plus le développement du marché local de l’outsourcing. On pourrait imaginer des primes à l’externalisation pour les entreprises comme cela existe maintenant pour les particuliers et l’achat de matériels microélectroniques ». Du côté des informaticiens, la situation économique actuelle ne fait pas trop peur non plus, même si les risques de licenciement sont réels. Ainsi Hou Yen, développeuse informatique spécialisée dans le logiciel à destination du Japon, estime qu’il y aura toujours assez de travail : « même si je perds mon emploi, j’en trouverai un autre rapidement car l’Inde ne peut pas tout faire ! Par contre, les salaires sont à la baisse et ne se négocient plus, mais je pense qu’à terme la dynamique va reprendre ». L’ambition chinoise de rattraper l’Inde dans l’outsourcing d’ici 2012 semble au f inal encore assez irréaliste, mais les conditions sont cependant réunies pour une croissance soutenue du secteur. Reste à voir comment les autorités trouveront les moyens de rassurer les clients internationaux sur les droits de propriété intellectuelle et de dynamiser le marché local. Quoi qu’il en soit, la course mondiale de l’outsourcing est belle et bien lancée et, comme dans la fable de la Fontaine, la tortue chinoise est en bonne position pour remonter le lièvre indien.

N ic o l a s S r i di

« W2.0 : la banque des étudiants » Comment financer ses études lorsque l’on est jeune étudiant, avec comme seuls revenus le soutien de sa famille et les petits boulots ? Une startup chinoise du nom de Qifang propose une réponse originale à ce problème. Pour acheter des livres, payer ses dépenses de scolarité ou encore s’équiper d’un ordinateur, les étudiants peuvent se tourner vers quelques rares associations, à défaut de pouvoir obtenir un prêt que les banques rechignent souvent à délivrer pour des questions de risque. Ils peuvent aussi désormais faire appel au nouveau service en ligne proposé par la startup Qifang. Sur son site, les étudiants en mal de finances s’adressent directement à la communauté du Web en précisant le montant et la durée de remboursement du crédit qu’ils souhaitent souscrire. Cette forme de crédit entre particuliers, appelée peer-to-peer (P2P) a commencé à se développer aux Etats-Unis il y a seulement quelques années. Importé en Chine, où il n’existe pas d’historiques de crédits disponibles, ce phénomène a été adapté par Qifang qui s’appuie directement sur les universités afin de maîtriser les risques de non remboursement. Les universités « partenaires » vérifient l’identité des étudiants et la validité des informations fournies. Parmi ces informations figurent la carte d’identité, les études poursuivies, le niveau de scolarité, l’adresse, l’identité des parents ainsi que leurs revenus. L’université perçoit les prêts pour le compte des étudiants ayant souscrit une demande.

De leur côté, les créditeurs peuvent entrer directement en contact avec les étudiants via le site Internet de Qifang et échanger librement avec eux afin de mieux les connaître, à la manière des sites de réseaux sociaux tels que Facebook. Qifang est toujours au stade de lancement mais rencontre déjà un vif succès en Chine. Calvin Chin, le CEO et fondateur du site confirme l’intérêt grandissant de ce nouveau service auprès du gouvernement, des universités mais aussi des entreprises qui recrutent les étudiants à la fin de leur scolarité. Cette reconnaissance dépasse les frontières de l’empire du Milieu. Qifang est en effet devenue la première entreprise chinoise, avec 34 autres startups considérées comme « visionnaires », à recevoir le prix Technology Pioneers décerné par le célèbre Forum Economique mondial de Davos qui s’achevait le 1er février dernier. En ces temps de crise, Qifang s’annonce comme une réponse concrète et efficace pour aider au financement de l’éducation en Chine. P at r ic e N o r de y

Directeur de L’Atelier BNP Paribas en Asie

L’Atelier BNP Paribas est le centre de veille technologique de BNP Paribas. Il dispose d’une expertise de longue date sur les technologies émergentes et les grandes tendances de marché liées à l’usage des technologies de l’information. L’Atelier conseille les grands groupes et les startups sur leur stratégie d’innovation.

www.asie.atelier.fr Connexions / février - mars 2009 21


公司简讯 l’actualité / entreprises AREP signe la future tour Air China L’année 2009 commence bien pour AREP, concepteur et réalisateur d’espaces urbains, avec ce premier contrat signé vendredi 16 janvier, pour la construction, à Pékin, du futur siège mondial du groupe Air China qui se dressera au bord du tournant NordEst du troisième périphérique. Jean-Marie Duthilleul et Etienne Tricaud, ingénieurs et architectes, respectivement Président et Directeur d’AREP, ont conçu cette tour avec un langage architectural à la fois contemporain et pékinois. D’une hauteur de 100 m et d’une surface de 128 211 m², la Tour Air China sera le point marquant du nord du 3e périphérique Est. Sa forme aéronautique, reflet à la fois de la haute technologie par les matériaux utilisés et de la tradition pékinoise par le respect de la relation entre le ciel et la terre, symbolise l’harmonie entre la science, l’homme et la nature. Ce contrat qui englobe l’étude de concept, le développement et l’exécution des travaux vient à l’issue d’un concours international remporté par AREP contre des concurrents américains, allemands et japonais quelques mois plutôt. IPPR, un institut d’étude pékinois, sera l’associé local d’AREP sur le projet. AREP, filiale de la SNCF qui rassemble 400 architectes, ingénieurs et urbanistes, est présent depuis 9 ans en Chine autour d’une équipe d’une trentaine de personnes. Avec la tour Air China et après le Musée de la Capitale, Xizhimen Plaza (gare et quartier) et l’Hôpital Xiehe, AREP apporte une nouvelle fois sa touche au renouveau architectural de la capitale chinoise.

De nouveaux partenaires pour ip-label.newtest

La vigie du net chinois, ip-label.newtest, signe ce trimestre une série de contrats de partenariat avec Orange Business Services Greater China et Aiqi IT. Il s’agit pour ces entreprises prestataires de service dans le domaine IT et/ou télécom d’enrichir leur offre sur la Chine, avec la supervision de bout en bout de la disponibilité et des temps de réponse 22 Connexions / février - mars 2009

Citelum illumine Kunming Citelum vient de remporter la gestion complète de l’éclairage public de la ville de Kunming, agglomération de plus de 6 millions d’habitants, capitale de la Province du Yunnan au sud-ouest de la Chine. Le contrat, d’une valeur globale de 409 millions de Rmb (46.5 millions d’euros) sur une durée de 15 ans, porte sur la gestion de l’énergie et l’exploitation-maintenance de plus de 52 000 points lumineux, avec un engagement fort de réduction de la consommation d’énergie de plus de 35 %. Ce projet s’inscrit dans la volonté de la ville de réduire sa consommation d’énergie, d’optimiser l’exploitation des installations, de bénéficier d’un éclairage de qualité tout en respectant l’environnement. La ville a, pour cela, choisi de déployer le système de télégestion Luxicom sur 40.000 points lumineux et le PackWeb, logiciel de gestion de la maintenance assisté par ordinateur (GMAO). Grâce à ces technologies, la ville de Kunming réalisera d’importantes économies d’énergie dans le cadre d’un contrat de performance énergétique et bénéficiera d’une visibilité complète du patrimoine d’équipements de la ville et du suivi de l’activité d’exploitation. Pour ce projet, Citelum a créé une

vécus par les utilisateurs des sites webs sur Internet (e-mail, BtoB, BtoC), ainsi que des applications métiers et la téléphonie sur IP dans les Intranets des entreprises. Depuis son installation à Shanghai en août 2007 pour développer l’activité du groupe en Asie avec la Chine comme tête de pont, Christophe Depeux, l’actuel directeur général d’ip-label. newtest Asia Pacific dresse un bilan positif du développement commercial de l’entreprise. La société a conquis des clients français et étrangers (Carrefour, Michelin, L’Oréal, Motorola, Sony, Philips, 3 Suisses, BNP Paribas, Areva, Lagardere) ainsi que des clients chinois par l’intermédiaire d’un autre partenaire, Iptonic, parmi les leaders dans leur domaine d’activité et pour lesquels

société locale et a intégré l’équipe municipale locale constituée de 92 salariés. Ils seront formés aux méthodes et techniques mises au point par Citelum afin d’apporter un niveau de service à forte valeur ajoutée. Cette première gestion complète de

l’Internet est critique, tels que Tom.com (portail) ou 9you (jeux en ligne). ip-label.newtest publie régulièrement, en français, sur le Blog Asie de L’Atelier BNP Paribas, des études sectorielles et des notes d’expert sur l’Internet Chinois, afin d’étudier la qualité vécue par les internautes chinois lorsqu’ils utilisent les services en ligne et les sites webs. Taper http://asie.atelier/fr/internet/article, pour tout savoir sur les performances des banques chinoises, les sites des constructeurs automobiles ou la présence sur le web des grandes marques de cosmétiques — à noter, la comparaison des performances en ligne de Li-Ning, Nike et Adidas vient de paraître. www.ip-label.netwww.ip-label.net


法国城市照明管理 集团照亮昆明 法国城市照明管理集团刚刚同昆明 市政府签署了一份公共照明综合管理合 同。昆明市拥有500万人口,是位于中 国西南的云南省的省会。此合同总价为 4.09亿元人民币(折合4650万欧元), 协议规定集团在未来15年里,对昆明市 5万多个照明点进行能源管理和经营维 护,并承诺每年为昆明市公共照明节约 不低于35%的用电量。该项目体现了昆 明市政府节约能源,提高设施利用率, 在保护环境的前提下获得高质量照明的 愿望。为此,昆明市选择在4万个照明 点上安装Luxicom单灯远程监控管理系统 和PackWeb信息化维护管理软件。借助 于这些技术,昆明市将节约大量电能, 而且市政府可以全面掌握照明设施的运 行情况,并跟进经营活动。为了实施该

© DR

项目,法国城市照明管理集团在昆明成

l’éclairage public en Chine vient conforter la position de pionnier de Citelum dans le domaine de la lumière urbaine et ouvre ainsi la voie vers des développements prometteurs pour le groupe français sur ce territoire.

Citelum doit améliorer l’éclairage de Kunming tout en réduisant la dépense énergétique 法国城市照明集团将改善昆 明市的照明设施,同时减少 用电量。

立了分公司,并接管当地路灯处现有的 92名在编工作人员。他们将接受培训, 掌握集团先进的技术和工作方法,以便 提供高品质的服务。这是法国城市照明 管理集团首次在中国对公共照明进行综 合管理,既巩固了该集团在公共照明领 域的领先地位,又为它在中国的良好发 展开辟了道路。

划师,在中国已经开展了9年的业务,拥有

阿海普签约国航新大楼 法国大型城市建筑设计企业阿海普于

一支30多人组成的团队。继北京首都博物

2009年1月16日签署了本年度第一个合同,

馆、西直门西环广场和协和医院之后,阿海

承建中国国际航空公司的全球总部,地址选

普设计承建的国航新大楼将为首都建筑的复

在北京东三环与北三环的交界处。

兴再添光彩

Ip-label.newtest 的新合作伙伴

阿海普总裁杜地阳先生及总经理铁凯 歌先生具工程师和建筑师于一身,他们共同

中国网络的监测企业Ip-label.newtest于

设计了这座既有现代气息又有老北京韵味的

本季度与Orange Business Services和爱启信息

新大楼。办公楼高100米,占地128211平方

科技公司签署了一系列的合作协议。对于这

米,它将成为北京东三环北路的地标性建

些IT和电信领域的服务商来说,这是他们丰

筑。该大楼的航空造型不仅通过采用的建筑

Le projet du futur siège d’Air China. 和实施,是阿海普集团同美国、德国和日本

材料体现了高科技,而且通过遵循天地之间

同行竞争数月的成果。中国中元国际工程公

电子邮件,企业到企业,企业到个人)的有

的关系体现了北京的传统,是科学、人文和

司将成为阿海普这一项目的本地合作伙伴。

效性和响应时间、企业网络的应用和网络电

自然和谐统一的象征。 合同包括了设计的研究、工程的开发

隶属于法国国家铁路公司的阿海普集 团汇聚了400余位建筑师、工程师和城市规

富在华的服务项目,对网络用户浏览网址(

话进行全面的监测。 Ip-label.newtest上 海 分 公 司 成 立 于 Connexions / février - mars 2009 23


公司简讯 l’actualité / entreprises Forum Travailler ensem

Bureau Veritas à Chengdu

C’est à Chengdu, capitale du Sichuan, que Bureau Veritas a ouvert son 20e bureau en Chine fin 2008, une localisation où l’expertise du leader mondial de l’évaluation de conformité et de la certification dans les domaines de la qualité, de la santé/sécurité, de l’environnement et de la responsabilité sociale devrait être largement sollicitée tant les besoins de la province sichuanaise dans ces domaines sont nombreux. Ces besoins, liés en partie aux projets de développement de la province et à la politique du gouvernement central du “go West”, ont été tristement accrus par le tremblement de terre de Wenchuan en mai 2008. Bureau Veritas qui, comme beaucoup d’autres entreprises européennes, avait alors rapidement montré son soutien avec des dons, participe aussi à la reconstruction post-séisme en apportant son assistance technique, notamment dans le contrôle de la solidité des batiments et de la résistance anti-séismique. A ce jour, dans le Sichuan et les autres régions affectées, près de 2 millions de mètres carrés de surface de batiments ont été inspectés par les ingénieurs du groupe français qui ont, en outre, collaboré à l’édition d’un Guide des bonnes pratiques d’aide à la reconstruction des maisons rurales publié en chinois par l’Agence Française de Développement début décembre 2008. Déjà actif dans la région depuis plusieurs années, avec des références de projet et des services liés à l’industrie, la construction, ainsi que dans la certification d’entreprises (ISO 9000, ISO 14000…) et de pro24 Connexions / février - mars 2009

duits (marquage CE…), Bureau Veritas qui a notamment réalisé l’inspection de la fabrication en usine et de l’installation sur site des 14 unités de turbo génération du barrage des Trois Gorges devrait également valoriser son savoir-faire dans l’énergie hydraulique au Sichuan, la « terre des quatre fleuves ».

L’Arbre du Voyageur s’installe à Shanghai

Attendue de longue date par les Français et francophones résidant à Shanghai, l’implantation d’un espace dédié aux livres est enfin une réalité avec l’ouverture depuis fin janvier, du Club de Lecture de l’Arbre du Voyageur. Situé au cœur de l’ancienne concession française au 155 Wu Yi Lu, dans le bâtiment abritant déjà l’Alliance Française et l’agence Campus France, ce lieu est ouvert de 10h à 18h30 tous les jours, sauf le lundi. Parmi un fonds de plusieurs milliers d’ouvrages étoffé par l’arrivée régulière de nouveautés, l’Arbre du Voyageur proposera un vaste choix d’ouvrages de littérature et de poésie françaises, de littérature chinoise et étrangère traduite en français, des ouvrages de sciences humaines, des dictionnaires, des beaux-livres et des guides touristiques sans oublier les livres pour enfants. Les titres qui font l’actualité littéraire parisienne seront disponibles grâce au lien permanent existant entre l’Arbre du Voyageur de Shanghai et ses homologues de Pékin et de Paris. L’espace proposera également à ses adhérents un éventail de magazines. De quoi réjouir les amoureux de lecture et de langue française de 7 à 77 ans.

Le 16 janvier 2009 s’est tenue la première édition du Forum Travailler ensemble, initiative menée conjointement par la Jeune Chambre Economique, la CCIFC, la Mission économique et la section Chine des Conseillers du Commerce extérieur, dont l’objectif est de renforcer la solidarité et les synergies entre petites et moyennes entreprises et grands groupes français. Au total 15 grands groupes et 35 PME étaient présents et près de 150 rendez-vous commerciaux ont été organisés en plus des échanges et rencontres informels entre dirigeants français. Une quinzaine d’entreprises observatrices ont également participé à l’événement Deux mois après, et suite à l’enquête de satisfaction menée auprès des participants, 90% d’entre eux se sont dits satisfaits de l’organisation et de la conduite du Forum. Les premiers retours concernant les relations d’affaires sont également posi150 rendeztifs : certains projets, comme les services de logement, ont déjà pu être concrétisés et d’autres perspectives de collaborations sont en cours d’élaboration. 87% des sondés ont jugé satisfaisants les rendez-vous commerciaux individuels qui avaient été préparés, en amont, en fonction des offres de service ou de produits,

2007年8月,致力于发展以中国为中心的 亚洲地区的业务。现任Ip-label.newtest亚太 区总经理的笛波先生(Christophe Depeux),对 公 司 的 发 展 情 况 进 行 了 总 结 。 Ip-label. newtest通过另一个合作伙伴北京网达升科 技有限公司赢得了法国和其他国家的众多客 户(家乐福、米其林、欧莱雅、摩托罗拉、 索尼、飞利浦、法瑞尔、法国巴黎银行、阿 海珐、拉加代尔),还有一些中国客户,比 如tom.com(门户网站)和久游网(在线游 戏),这些用户在各自行业内都处于领先地 位,对他们来说互联网需要进行监测。 Ip-label.newtest定期在法国巴黎银行科 技信息监测中心的亚洲日志上发布法文编辑 的对中国互联网的行业研究报告及专家注


ble, un premier bilan très satisfaisant

协同工作论坛首战告捷 在法国青年商会、中国法国工商会、 法国驻华使馆经济处和法国外贸顾问委员会 的联合倡导下,第一届“协同工作论坛”于 2009年1月16日举行。该论坛旨在加强法国 中小企业和大型集团之间的团结和协作。共 有15家法国大型集团和35家中小企业参加了 论坛,除了法国企业领导的非正式交流和会 晤,还组织了近150场商务会谈,约15家企 业参加了两个月后组织的活动。根据对与 会者的满意度调查显示,90%的人对论坛的 组织和进行表示满意。关于建立业务关系 的首批反馈也非常乐观:一些项目(如住房 服务)已经能够具体实施,还有一些项目的 合作也在酝酿中。87%的被调查者对单独组 织的商业会谈表示满意,根据提供的服务和 产品、每家企业所属的行业、会谈双方的职

© DR

位,这些商业会谈在前期进行了充分的准 vous commerciaux organisés au Novotel Peace de Pékin

在北京诺富特和平宾馆组织了150场商务会谈

备。基于此届论坛的成功和应企业们的要 求,组织者希望今年在上海也举行一场同样

des secteurs d’activité de chaque entreprise et des postes des interlocuteurs. Devant le succès rencontré et à la demande des entreprises, les organisateurs souhaitent rééditer l’événement cette année, à Shanghai cette fois, et le reconduire régulièrement. Par ailleurs, la JCE, avec ses partenaires

et les entreprises présentes, fera prochainement le point sur les résultats concrets de l’opération, un suivi nécessaire à la pérénnisation du Forum et au développement de relations durables entre les entreprises françaises en Chine.

解,以便对中国网民使用的在线服务和网站

需求在2008年5月汶川大地震发生后有所增

集团将在四川的水能领域发挥其专业才能。

的质量进行研究。请点击http://asie.atelier/fr/

加。同众多欧洲企业一样,必维国际检验集

旅人蕉书店在上海开业

internet/article,以全面了解中国银行网站的性

团迅速向灾区捐款,并参与了灾后的重建工

旅人蕉书店今年1月底在上海开业,居

能,汽车制造商的网站或知名化妆品品牌及

作,在建筑物的牢固和抗震检验方面提供技

住在上海的法国人及讲法语的人对此期待已

其他主题的网站。要注意到,李宁、耐克和

术支持。到目前为止,必维国际检验集团的

阿迪达斯网站性能的比较看来将是一场精彩

工程师们对四川和其他受灾地区近200万平

www.ip-label.net

方米的建筑物表层进行了检验,并合作编写

的竞赛。

必维国际检验集团在成都设立办事处 2008年底,必维国际检验集团在四川

了2008年12月初由法国开发署出版的《农村 抗震节能住宅建设实用指南》一书。

的活动,并且以后定期在北京和上海两大城 市轮流举办该论坛。法国青年商会不久将与 其合作伙伴及参加论坛的企业对论坛的具体 成果进行总结。这是论坛永久化以及在华法 企间关系长久发展的必要措施。

久。书店坐落在原法租界中心的上海武夷路 155号,与上海法语培训中心和法国教育服 务中心同处一楼。营业时间为每天10:0018:30(周一休息)。旅人蕉书店汇集了几 千册图书,并且定期引进新书。它经营的书 籍种类丰富,包括法国文学和诗词作品、中

省省会成都市开设了其在中国的第20家办事

必维国际检验集团已在四川地区活跃

处。作为质量、健康与安全、环境和社会责

数年,顺利开展了一些工业、建筑领域的

任领域世界领先的检验与认证机构,必维国

项目和服务检验工作,以及若干企业(ISO

与北京及巴黎分店的经常性联系,旅人蕉书

际检验集团的专业服务会随四川省这些领域

9000认证,ISO 14000认证)和产品的认证

店上海分店有最新的法国文学作品。书店还

需求的增多而被大加运用。与省内开发的项

(CE标志),特别是完成了三峡大坝14台

为会员提供各类杂志。书店的开业让7岁到

目及中央“西部大开发”政策相关的这些

涡轮发电机的工厂生产和现场安装检验,该

77岁的法语读物爱好者们感到欣喜。

外文学的法语译著、人文科学类图书、字 典、畅销书、旅游指南以及儿童读物。由于

Connexions / février - mars 2009 25


Au coeur de la zone de développement économique et technologique (BDA), qui s’étend au-delà du cinquième périphérique au sud-est de Pékin, les usines sont regroupées en blocs aussi austères qu’anonymes. L’une d’elles, SDCEM-TransRail BV, une sociéte originaire de la région Rhône-Alpes, se distingue néanmoins par ses performances, que le prix Excellence PME décerné par la CCIFC est venu saluer en 2008.

© Manuel Rambaud

中小企业简讯 l’actualité / PME

SDCEM-TransRail BV : une ascencion fulgurante depuis son implantation en 2006. 南一飞将60名员工组成的团队凝聚在他的项目周围

SDCEM – Transrail BV surfe sur la vague Ce constructeur de matériel électrique, l’une des deux antennes chinoises du groupe Aurela (avec une joint venture installée à Tianjin), connaît une ascension fulgurante depuis son implantation en 2006. Avec un chiffre d’affaires passé de moins de 500 000€ en 2007 à 2.2 millions en 2008 puis 7 millions en 2009 et un objectif fixé à 10 millions pour 2010, les statistiques parlent d’elles-mêmes. « Nous avons la chance d’être sur des marchés porteurs », remarque Frédéric Guillemet, le responsable du site. Pour autant, les secteurs de la distribution d’énergie et du ferroviaire ont beau être en plein développement en Chine, les clefs du succès ne sont pas seulement conjoncturelles. D’abord, parce que son manager connaît le milieu des affaires chinois depuis plus de 10 ans. Une expérience qui lui a non seulement permis d’éviter les pièges de ce marché si particulier, mais aussi d’impulser une dynamique collective parmi ses 60 employés. Et pour « faire adhérer les gens à un projet d’entreprise », Frédéric stimule chez eux un sentiment de fierté, « rendu possible parce qu’ils peuvent voir 26 Connexions / février - mars 2009

le résultat direct de leur travail ». Et pour forger un esprit d’équipe qui ne naît pas spontanément, il les réunit régulièrement dans le cadre d’activités extra-professionnelles, comme des séances de paint-ball ou de ski, dont les photos souvenirs ornent le hall d’accueil du bâtiment. Ensuite, l’entreprise profite des impulsions commerciales données par les grands groupes comme Alstom. Un élan qui place la PME, dirigée par l’ancien haut responsable de Schneider Electric Marcel Torrents, au coeur d’un réseau d’entreprises très concurrentielles. Forte d’une clientèle prestigieuse qui compte notamment Areva, Siemens ou Hyundai, elle profite également des acquis du passé. « Notre savoir-faire est reconnu de longue date en Chine. Bien avant le début de la production in situ. Mais il a fallu s’implanter pour gagner des marchés. » Exemple-phare de ce savoir-faire, les technologies électriques embarquées, dans le domaine des transports ferroviaires. Mais les transformateurs, sectionneurs et autres interrupteurs haute et moyenne tension équipent également l’industrie et nombre de centrales hydroélectriques ou parcs éo-

liens. Dans ces conditions, l’exigence de qualité est très élevée. « D’où les nombreux contrôles que nous effectuons, notamment sur les flux entrants qui comportent une certaine présomption de faiblesse », souligne Stephan Saporito, le superviseur technique et commercial, qui a pris ses fonctions en début d’année. Posant un oeil neuf sur le fonctionnement de l’usine, il relève la faible capacité d’initiative des employés, qui ont « besoin d’être très encadrés. Il faut être patient. Mais ici la patience, c’est un investissement. » Un investissement qui pourrait bien se révéler payant, si l’on envisage « la perspective de 20 ans de croissance dans les domaines de l’énergie et des transports », espérée par le chef de la Mission économique de Pékin, Hubert Testard. Dans son souci de rester en parfaite adéquation avec les normes sans cesse réajustées de l’industrie chinoise, en particulier en termes environnementaux, SDCEM TransRail BV s’est fixé comme objectif d’obtenir la certification Iso 14001 dès l’exercice 2010.

M a n u e l R a m b au d


斯第西姆乘风前进

源和铁路运输业正处在高速发展期,但

在技术优势方面的典型例子是

公司成功的关键不仅仅是经济形势使

运用在铁路运输领域的空载断电技术

北京东南五环外的北京经济 技术开发区里工厂林立, 既朴素无华又缺乏特色。 其中一家企业,来自法国罗 讷—阿尔卑斯地区的斯第西 姆商贸(北京)有限公司 却因其业绩而表现突出, 2008年该公司获得了中国法 国工商会颁发的优秀中小企 业奖。

然。

(technologies électriques embarquées)。

首先,因为其总经理南一飞与中国商

而变压器、隔离开关和中、高压断路器

业领域打交道已有10余年。他的经验不

也可运用在工业生产、水力或风力发电

仅使公司避免陷入这个有特色的市场的

站。在这些工作条件下,对产品质量的

陷阱,同时也调动了60名员工的集体热

要求非常高。“因此我们进行了诸多的

情。为了“让员工们投入到公司的项目

质量检验,尤其是对强度可能不够的输

中”,他不断激发大家的荣誉感,“让

入电流。”自年初担任公司商务技术主

员工们能直观地看到自己劳动的成

管的斯蒂芬(Stephan Saporito)强调说。

果。”团队精神并不是与生俱来的,为

因为刚到公司,斯蒂芬可以用新的视角

了打造这种合作精神,他定期召集员

看公司的运营,他发现员工的主动性还

工参加一些业余活动,如彩弹射击或滑

不够,“他们需要领导分配好任务然后

电气产品制造商斯第西姆商贸(北京)

雪,这些活动的照片点缀在在公司前台

按部就班地执行。必须有耐心。但在这

有限公司是Aurela集团两家中国合资企

的大厅。其次,公司的发展得益于像阿

里,耐心也是一种投资。”这是一项可

业中的一家(另一家合资企业位于天

尔斯通这样的大集团发展的推动。这股

以获得回报的投资,如果如法国使馆经

津),自2006年成立以来发展迅速。

冲力让这个由前施耐德高管杜曼森掌管

济处主任泰思达期望的“中国的能源和

营业额从2007年不足50万欧元增长到

的中小企业在极具竞争力的企业网络中

运输领域还将保持20年的增长”。斯第

2008年220万欧元,2009年将达到700万

立于不败之地。拥有象阿海珐、西门子

西姆商贸(北京)有限公司致力于与不

欧元,2010年目标是1000万欧元。这些

和现代这样的大客户使公司在过去积累

断调整的中国工业标准保持完全一致,

数据本身不言自明。“我们很幸运处在

了丰厚的经验。“我们的技术在实现本

尤其是在环境方面,公司确定了2010年

一个欣欣向荣的市场”,该公司中国区

地生产之前,便在中国得到公认。但我

财政年度获得ISO  14001环境管理体系认

总经理南一飞先生如是说。尽管中国能

们必须在本地建厂以赢得市场。”

证的目标。

Connexions / février - mars 2009 27


公关简讯 l’actualité / communication Savoir communiquer par tous les temps

« Crise économique » et « communication », les deux termes peuvent sembler incompatibles. La tentation de réduire le budget communication, uniquement perçu comme un coût, peut être grande. Pourtant, en période de crise plus qu’en toute autre, il ne faut pas perdre en visibilité pour continuer à vendre. Connexions : Quels arguments avez-vous à opposer aux entreprises qui arrêtent de communiquer sous prétexte de « crise économique » ? Vincent Hein : Je leur dirais que c’est un mauvais reflexe et un très mauvais calcul. D’abord – mais la plupart des responsables dans ce domaine le savent – parce que la communication d’une entreprise s’inscrit toujours dans le long, voire le très long, terme et qu’il est bien évidemment dommageable de détruire ainsi, brutalement, tout le travail qui a été fait durant des années. Ensuite parce que vous risquez d’envoyer un signe de fragilité grave du type : « La situation est difficile, nous allons mal, nous devons faire des économies… » et c’est là le pire des messages. Enfin parce que c’est justement en période de crise que l’entreprise a besoin de mobiliser plus encore l’ensemble des moyens qui l’aideront à vendre ses services ou ses produits. La communication est l’un de ces moyens et pas l’un des moindres. Voilà ce que je dirais aux entreprises qui souhaitent « arrêter de communiquer ». En revanche je comprends et conseille volontiers celles qui veulent réorienter leur communication ou revoir leur budget car en temps de crise un autre écueil à éviter 28 Connexions / février - mars 2009

©Xie Bin

Q uel type de communication privilégier en contexte de crise ? L’expertise de Vincent Hein qui dirige le bureau de presse d’Ubifrance et des Missions économiques en Chine depuis 2006. est celui d’une communication trop ostentatoire — même si en Chine dans les grandes villes cela ne choque pas tant pour l’instant. C. : Comment adapter sa communication quand on est contraint à des restrictions budgétaires ? Quels types de communication et quels supports faut-il privilégier en Chine ? V. H. : C’est une question compliquée car dans les faits tout dépend de la taille de l’entreprise, de son secteur, de ses objectifs — la communication doit-elle permettre de trouver un partenaire ? De développer ses ventes ? — ou de son budget… Ce que je vais dire pour l’une ne sera pas adapté pour l’autre… Pour certaines, il faudra se concentrer sur la presse spécialisée très ciblée et propre à son secteur, pour d’autres au contraire, communiquer de manière beaucoup plus large et sur tous types de médias. Mais de manière générale, je favoriserais plutôt des prestations presse comme l’organisation de conférences de presse ou la diffusion régulière de communiqués en fonction et au rythme de l’actualité de l’entreprise. Deux formules qui fonctionnent extrêmement bien en Chine et qui sont finalement peu coûteuses. Je réserverais pour des jours meilleurs l’achat d’espaces et l’achat de publi-reportages. C. : D’une manière plus générale, quel est le moyen d’obtenir une couverture de presse en Chine pour nos entreprises ? V. H. : Il faut savoir tout d’abord que la Chine compte près de 9 000 journaux, magazines et revues. Ces supports de presse sont pour la plupart de très bonne

qualité, sortent à date et sont en règle générale diffusés nationalement. Ceci est vrai pour la presse généraliste nationale et locale, mais également pour la presse spécialisée et professionnelle. Pour obtenir une couverture de presse digne de ce nom en Chine, je dirais qu’il faut tout d’abord inscrire sa communication dans le temps. Commencer d’abord par l’organisation d’une conférence de presse durant laquelle l’entreprise française va se présenter et présenter son activité face à une trentaine de journalistes. L’entreprise va ainsi bien entendu prendre contact mais surtout créer une relation privilégiée avec ces journalistes. Il faut ensuite entretenir cette relation. Pour cela nous proposons ensuite la diffusion régulière — chaque 3 mois — de communiqués de presse en fonction de l’actualité de l’entreprise en Chine. Elle entretient ainsi le contact et informe les journalistes de l’ouverture d’un bureau à Pékin ou Shanghai, de la signature d’un contrat, de la sortie d’un nouveau produit… Les journalistes chinois aiment suivre — et cela est normal — l’évolution d’une société sur leur territoire et sont toujours très sensibles et plus attentifs lorsque nous leur communiquons des informations sur des entreprises qu’ils ont déjà rencontrées. C’est une formule parmi d’autres — qu’il serait trop long de développer ici — bien sûr, mais qui a fait ses preuves et qui, je dois dire, donne d’excellents résultats en termes de retombées.

P ro p o s r e c u e i ll i s pa r S o ph i e L av e rg n e



专访 l’entretien

Zhang Shangzhi, délégué général Accor China

Un haut fonctionnaire passé au privé Zhang Shangzhi, délégué général Accor China, président de l’association des anciens de l’ENA en Chine depuis plus de quinze ans, a travaillé vingt ans dans l’administration chinoise, au ministère du Commerce extérieur, avant de rejoindre en 1999 le groupe hôtelier français. Il a été classé en 2006 dans le « top ten » des personnes les plus influentes dans l’industrie de l’hospitalité en Chine par le magazine professionnel Hotel modernisation. Connexions : Pourquoi la France et pourquoi l’ENA ? Zhang Shangzhi : Je suis entré en 1978 au ministère du Commerce extérieur après avoir fait mes études à l’Institut du Commerce extérieur de Pékin. Je fais partie de la génération qui a interrompu ses études pendant la Révolution culturelle. Je suis parti à 17 ans travailler en Mongolie intérieure dans une ferme d’Etat sous commandement militaire, avec cent vingt camarades. Nourris et logés, nous recevions 5 Rmb par mois. C’était dur mais nous n’étions pas les plus mal lotis. J’ai eu la chance qu’on me propose en 1974, lors de la réouverture des études universitaires, le choix entre trois parcours : littérature, chimie nucléaire ou 30 Connexions / février - mars 2009

commerce international. J’ai choisi le commerce. On m’a demandé aussi d’étudier le français. C’est une langue très littéraire. Je l’ai fait avec plaisir et j’ai toujours continué à m’entraîner. J’ai traduit plusieurs livres dont Les procédés de Wall Street, l’histoire des fusions et acquisitions des entreprises en Occident. Impossible n’est pas français qui retrace la saga de Paul Dubrule et Gérard Pélisson, fondateurs du groupe Accor et un livre de Paul Dubrule, Le test du cocotier, qui conte son voyage à bicyclette de Fontainebleau à Siem Reap, 15 272 kilomètres en passant par le Tibet. Je suis toujours resté amateur de littérature. Même au fond de ma ferme, je lisais les grands classiques, Lu Xun, tout ce que je pouvais me procurer… Je suis entré à l’ENA pour un cycle court d’un an, sur proposition de mon ministère. J’ai bénéficié d’une bourse du gouvernement français en 1990. Après 1989, cette coopération était la seule maintenue entre la France et la Chine. C. : Vous êtes président de l’association des anciens de l’ENA depuis plus de quinze ans. Qu’avez-vous retenu de cette formation ? Quelle est la présence de l’ENA en Chine ? Comment comparez-vous les deux administrations ? Z. S. : Cette formation m’a permis d’observer de près la réalité française et en particulier la réalité complexe de son administration. L’ENA et surtout le stage à la préfecture de Charleville Mézières m’ont aidé à mesurer la marge de manœuvre d’un préfet, qui est plutôt l’ambassadeur de Paris. J’ai pu aller partout, suivre sur le terrain des manifestations,

•••

Zhang Shangzhi a gardé le goût de la France et de sa

一位弃政从商的政府官员 《联结》:为什么您会去法国,去法国 国立行政学院学习? 张尚稚:1978年从北京对外贸易学院毕 业后,我进入对外贸易部工作。我属 于文革中辍学的那代人。17岁时,我和 120名同志奔赴在内蒙古的一个军队管辖 的国有农场劳动。除了包吃包住,我们 每月还能领到5块钱津贴。条件很艰苦, 但我们不是最不走运的。 1974年重新恢复大学教育的时候,我很 幸运能在文学、核化工和国际贸易三个 专业中挑选一个。我选择了贸易专业。 我还被要求学习法语。这是一门非常文 学化的语言。我很乐于学习这门语言, 并且一直在不断练习。我翻译了好几本


法国雅高酒店集团的中国总 代表张尚稚先生,担任法国 国立行政学院中国校友会主 席长达15年之久。1999年加 入雅高集团之前,他曾在 原对外经济贸易部工作过 20年。2006年他被饭店行业 的权威杂志《饭店现代化》 评选为中国饭店业年度十大 人物之一。

的100来家宜必思酒店。在集团里,我首 先致力于发展雅高服务在上海和北京的 发展,获得相关执照。雅高服务的发展 宗旨是向愿意为员工提供福利的企业销 售预付费的消费卡。然后,我努力使和 平和新侨两家诺富特酒店在北京开业。 2002年起,我主要致力于宜必思品牌酒 店的发展,目前这种经济型酒店大获成 功。早在2001年初,我就坚信宜必思是 符合中国商务人士需求的酒店模式。当 时在中国还没有性价比如此高的酒店。 随着经济开放,众多奢华型酒店纷纷开 业。而在经济型酒店里,只有价格低廉 但不够舒适的招待所。面对集团内部的 疑虑,我成功说服了集团的主席保罗.杜 布吕,我对他的远见表示钦佩。我们在 天津泰达经济技术开发区进行了考察,

国立行政学院在中国的发展如何?您如

并于2004年在这里开了第一家宜必思酒

何比较中法两国的行政体系?

店。第二家店开在成都,直到四川大地

张尚稚:这次学习经历使我有机会近距

震前一直保持着100%的入住率。如今我

离地观察法国现实,尤其是它行政体系

们开的宜必思酒店有23家,并在加速扩

的复杂现状。在法国国立行政学院的学

张。现在这种经济型酒店的模式被大量

习,尤其是在Charleville

Mézières省

模仿,若干超过200家酒店与宜必思类

政府的实习帮助我了解了一个法国省长

似的经济型连锁酒店涌现出来。这类酒

的权限,他实际上是法国中央政府的大

店受经济危机的影响不太大,我们甚至

使。我当时能够到处走走,从示威现

发现开着奔驰和宝马的中国人在酒店下

场,到情报局......我认识到法国的分权

榻。

制与中国的权利下放有着本质的区别。

《联结》:您认为中国将如何摆脱经济

在法国,大区和省议会拥有真正的自主

不景气?

权,而省长只是名义上的首脑,不掌管

张尚稚:我保持合理的乐观。中国在金

地方财政大权。相反,中国的省长拥有

融危机之前就已经开始减少对出口的依

真正的财政自主权,但隶属于任命他的

赖。一年半前,部分商品的出口退税政

书,其中有讲述西方企业并购史的《华

中央政府。

策被取消,这引发了一些批评。不过,

尔街的企业兼并》 ,记录雅高集团联合

至于法国国立行政学院,它与培训中国

危机促使政府恢复了出口退税政策,但

创始人保罗.杜布吕(Paul

Dubrule)和

政府官员的中国国家行政学院有着定期

这一举措并没有阻碍诸如玩具、纺织、

杰拉德.贝吕松(Gérard

Pélisson)传

的交流。非正式的校友网络有利于维系

家电等出口型行业的洗牌。我不认为仅

奇经历的《雅高一个银河系的诞生》,

老同学之间的友好关系。我坚信,在法

靠拉动内需就能支持经济的增长,但加

以及保罗.杜布吕写的《参议员单骑跨欧

国国立行政学院培训中国政府官员的政

上中央的集中投资以及地方政府的刺激

亚》,自述他从枫丹白露到暹粒的自行

策对法国而言是一项好的投资。可惜,

措施应该可以支撑中国的经济并达到

车之旅,行程总计15272公里,途经西

需要增加英文授课的培训,因为只招收

8%的增长目标。至于失业,它主要波及

藏。我历来都是文学的喜好者。即使在

说法语的官员局限了学员的选择范围。

到民工群体,而他们总是有一定的就业

农场,我也阅读一些经典名著,如鲁迅

《联结》:您离开政府机关转而投身到

弹性。

的作品,以及我能得到的所有书籍......

雅高这样的私营企业。您在集团中担当

《联结》:您如何看待中当前的中法关

1990年,在外经贸部的推荐下,我获得

什么角色?

系?

了法国政府的奖学金,去法国国立行政

张尚稚:1985年雅高集团进入中国,到

张尚稚:我认为一切将云开雾散。在中

学院学习了一年。这是1989年后中法之

了1999年还只有5家酒店。我负责开发

国很受欢迎的法国前总理拉法兰传递了

间唯一保留下来的合作项目。

和跟踪发展的机遇。今天我们拥有70多

积极的信息,正像他说的,法国与中国

《联结》:您担任法国国立行政学院中

家酒店,到2011年在大中国区的酒店数

一样都是政教分离的国家。让我们拭目

国校友会主席长达15年之久。在这所学

量将达到180家,其中包括我直接负责

以待。

©Anne Garrigue

langue.

校接受的教育给您带来什么收获?法国

张尚稚保持着对法国和法语的兴趣

• Connexions / février - mars 2009 31


专访 l’entretien entrer dans les bureaux des Rensei••• gnements généraux… J’ai compris que la décentralisation en France se jouait complètement différemment de ce que l’on pourrait appeler la déconcentration en Chine. Dans un cas, les conseils régionaux et départementaux ont une véritable autonomie et le préfet joue le rôle d’un patron protocolaire qui ne détient pas les cordons de la bourse. A contrario, les gouverneurs provinciaux en Chine ont une réelle autonomie financière mais restent soumis à l’autorité du pouvoir central qui les nomme. En ce qui concerne l’ENA, l’école a des échanges réguliers avec l’institut de formation continue des haut-fonctionnaires chinois,中国国家行政学院, qu’on surnomme « l’ENA de Chine ». Le réseau informel des anciens contribue à maintenir des liens amicaux. Je suis convaincu que cette politique de formation de fonctionnaires chinois à l’ENA est un bon investissement pour la France. Malheureusement, il faudrait multiplier les formations en anglais parce que le recrutement réservé aux francophones restreint le pool des candi-

dats. C. : Vous avez quitté l’administration pour entrer dans le privé, chez Accor. Quel est votre rôle dans le groupe ? Z. S. : Accor est arrivé en Chine en 1985. En 1999, il n’y avait encore que cinq hôtels. J’ai été chargé d’identifier et de suivre les opportunités de développement. Aujourd’hui il y en a plus de soixante-dix et, d’ici 2011, il y en aura cent quatre-vingt dans la Grande Chine, dont une centaine d’hôtels Ibis, dont je suis plus directement en charge. Dans le groupe, je me suis d’abord penché sur le développement d’Accor service à Shanghai et Pékin en obtenant les licences. Le principe est de vendre aux entreprises qui veulent offrir à leurs employés des avantages « bien-être », des cartes pré-payées. J’ai ensuite aidé à la mise en place des Novotel de Pékin. Depuis 2002, je me suis surtout attelé au développement de la gamme Ibis qui connaît aujourd’hui un grand succès. J’ai eu, dès le début des années 2000, la conviction qu’Ibis était une gamme qui répondait aux besoins des hommes d’affaires

chinois. Rien n’existait dans cette gamme de prix pour ce confort en Chine. Avec l’ouverture économique, beaucoup d’hôtels de luxe avaient été créés. A l’autre bout de la gamme, il y avait des lieux d’accueil 招待所très bon marché mais peu confortables. Face au scepticisme du groupe, j’ai réussi à convaincre Paul Dubrule, dont je salue le côté visionnaire. Nous avons fait un test à Tianjin dans la zone TEDA. Le premier Ibis a ouvert ses portes en 2004. Le deuxième, à Chengdu, a affiché 100% d’occupation jusqu’au tremblement de terre. Aujourd’hui, il y a vingt-trois Ibis ouverts et cela devrait encore s’accélérer. Depuis, nous avons été largement copiés et plusieurs chaînes de plus de 200 hôtels équivalents à la gamme Ibis sont nées. Ce type d’hôtel ne souffre pas trop de la crise. Nous avons même constaté que des Chinois propriétaires de Mercedes et de BMW s’y arrêtaient. C. : Comment pensez-vous que la Chine va sortir du marasme économique ? Z. S. : Je suis raisonnablement optimiste. La Chine avait déjà commencé à diminuer sa dépendance aux exportations avant la crise. Il y a un an et demi, les exemptions fiscales avaient été supprimées sur plusieurs catégories des produits d’exportation et cela avait suscité des critiques. Certes, la crise a poussé le gouvernement à réinstaller ces exemptions, mais cela n’empêchera pas les secteurs très orientés vers l’exportation (jouets, textile, électroménager) de devoir se restructurer. Je ne pense pas que la relance de la consommation intérieure des ménages suffira à prendre le relais pour favoriser la croissance mais les investissements régionaux et les mesures de relance locale devraient soutenir l’économie et permettre d’atteindre l’objectif des 8%. Quant au chômage, il va surtout toucher les mingong qui ont toujours fait preuve de résilience. C. : Comment voyez-vous l’évolution actuelle des relations franco-chinoises ? Z. S. : Je crois que les nuages vont passer. Jean-Pierre Raffarin, très populaire en Chine, a fait passer de bons messages, comme celui de dire que la France, comme la Chine, séparaient religion et politique. Attendons de voir.

•P

ro p o s r e c u e i ll i s

pa r

32 Connexions / février - mars 2009

A n ne G a r r igu e



dossier 100 millions d’enfants uniques. La Chine compte 270 millions d’enfants de moins de quatorze ans, ce qui représente 20 % de la population totale. 142 millions sont des garçons et 125 millions des filles (estimations 2008) , soit 117 garçons pour 100 filles.

34 Connexions / février - mars 2009


专 栏 1亿 独生子 女。中国 有 1 4岁以下的少年 儿童 2 .7亿 ,占总人 口的20%。1.42亿是 男孩,1.25亿是女孩 (2 0 0 8 年预 估 数 字),即男女比例为

© Imagine China

117:100。

Au pays des “petits amis”1

V

ote for me, un excellent documentaire de Wiejun Chen, met en scène la première élection à bulletin secret d’un chef de classe en Chine. Cela se passe aujourd’hui à Wuhan, une grande métropole du centre de la Chine, dans une classe de CE2 d’une école primaire urbaine moyenne. On suit les tribulations de trois enfants de 8 ans en campagne électorale : deux garçons Luo lei et Cheng Cheng et une fillette Xu Xiaofei. Tout est bon pour gagner : discourir en écartant les bras comme de vrais leaders en herbe, pleurer, se tirer les cheveux, écouter ses parents et ses professeurs, se révolter, jouer, se battre ou renoncer. L’école y parait à la fois sévère — lever du drapeau et slogan dans la cour de récréation tous les matins — et laxiste — désordre dans la classe, maîtresse assez permissive. Les valeurs transmises empruntent à l’Occident — promouvoir la démocratie — ou puisent dans la tradition chinoise — apprendre à respirer pour faire circuler le qi. Dans ce microcosme bien représentatif du bouleversement des valeurs en Chine, les enfants des classes moyennes urbaines de la nouvelle Chine évoluent avec vitalité et paraissent bien être, avant tout, les « trésors » choyés par leurs parents, parfois divorcés, qui les cornaquent de près. Dans ce dossier, même si nous évoquons le sort des enfants plus pauvres

•••

Connexions / février - mars 2009 35


DOSSIER

专栏

••• des campagnes ou ceux des tra- 在小朋友的国度里 vailleurs migrants scolarisés en ville, c’est surtout des enfants urbains des classes moyennes que nous parlons. Nous les voyons vivre de la prime enfance au début de l’adolescence, à la maison, dans leur chambre, sous le regard de leurs parents, de leurs grands-parents ou de leur baomu2, puis à l’école, étudiant et jouant, regardant la télévision ou pianotant sur l’ordinateur. Nous observons ce qu’ils consomment et ce qu’on achète pour eux, comment les publicitaires les voient. Nous avons souhaité parler des enfants chinois urbains, par petites touches, de façon vivante en donnant la parole à des experts — pédiatre, professeur, entrepreneur, juriste —, mais aussi à des parents et à des enfants. Pour autant, une grande majorité des enfants, ruraux mais aussi urbains, n’ont pas accès aux conditions de vie et de consommation que nous décrivons. On aborde souvent la question de l’enfance en Chine sous le seul angle de la politique de l’enfant unique. Le fait que 2009 marque le trentième anniversaire du lancement de cette politique encourage à recourir à ce prisme. Nous voulons aller au-delà. Il est indéniable que le fait que désormais 100 millions d’enfants chinois sont enfants uniques2, a et aura des répercussions importantes sur la famille et la société chinoises, et bien sûr aussi sur l’entreprise. Mais dans ce dossier nous avons souhaité donner à voir les enfants chinois des villes sous de multiples facettes, sachant que le statut d’enfant unique — particulier à la Chine sous sa forme coercitive mais partagée par d’autres enfants dans les pays où le taux de natalité est en berne — colore toutes les situations. Au-delà de la seule question de l’enfance, nous avons aussi profité de ce dossier pour nous interroger sur le système de valeurs que les adultes chinois étaient en train de transmettre aux nouvelles générations, en nous demandant dans quelle mesure celui-ci diffère de ceux que défendent d’autres pays notamment occidentaux.

• A n ne Ga rrig ue

On apelle souvent les enfants en chinois xiaopengyou小朋 友, ce qui veut dire « petits amis » 2 Nourrice ou garde d’enfant 3 Chiffres cités par Xinhua juillet 2008

Les enfants des classes moyennes urbaines sont choyés par leurs parents. 城市中等收入家庭的孩子得到父母的疼爱

《请投我一票》是陈为军导演拍摄的一

学校里的生活,他们学习、玩耍、看电视、打电

部优秀纪录片,它讲述了一场不记名投票的班

脑……我们还关注孩子消费的商品和别人买

长选举。这个故事发生在武汉市一所小学三年

给他们的商品,以及广告商如何看待孩子。

级的班级里。我们看到了三个8岁大的孩子—

我们希望生动、细腻地讨论中国城市里

—两位男生候选人罗磊、程程和一位女生候

集万千宠爱于一身的孩子,并让一些专家——

选人许晓菲竞选班长的曲折过程。为了当选,

儿科医生、老师、企业家、法律专家,还有父母

三个候选人使出浑身解数:像未来的政治家一

和孩子们谈谈他们的看法。

样挥动臂膀发表演说、哭泣、互相扯头发、听

人们通常仅从独生子女政策的角度谈到

家长和老师支招、互相起哄、耍手段、打架、放

中国的孩子问题。2009年标志着计划生育政

弃。片中的学校既有严厉的一面,每天早上在

策实施30周年,这更促进了人们从独生子女的

操场上升国旗、背校训;也有宽容的一面,课

角度思考孩子问题。我们希望从更广泛的角

堂上没有秩序,老师比较放任。传递的价值观

度思考这一问题。不可否认,中国有一亿孩子

借鉴了西方的思想——促进民主,亦或汲取

是独生子女的现状对中国的家庭、社会及企业

了中国的传统——学习呼吸使气流动。在这

产生并将产生重要的影响。但在专栏里,我们

部体现中国社会价值观动荡的纪录片里,中国

希望从多个层面让大家了解中国城市的孩子。

城市中产阶级的孩子正在生气勃勃地成长,他

然而,独生子女现象反映在社会的各个方面。

们首先是父母们往往是离异父母们的掌上明

另外,如果说中国是唯一强制实施独生子女政

珠,父母们手把手地对孩子进行指导。

策的国家,那么在一些出生率很低的国家里独

在本期专栏里,即使我们提到农村里贫

生子女也不少。

困孩子们的命运或在城里上学的民工们的孩

除了孩子的问题,我们还通过专栏提出

子,我们讨论的主要还是城市中产阶级的孩

了中国的成年人正在传递给年轻人的价值体

子。我们看着这些孩子从婴幼儿到少年,在父

系,并思考它与西方国家捍卫的价值体系在哪

母、祖父母和保姆的照顾下,在家里、房间里、

些方面有差别。

1

36 Connexions / février - mars 2009


100 millions d’enfants uniques

教育

L’Enfant chinois : moteur de la prospérité familiale Avec Tom Doctoroff, CEO de J. Walter Thompson pour la Grande Chine, auteur de Billions : Selling to the new Chinese consumer1.

et structurent leur société différemment qu’en Occident. En Occident, le système éducatif est conçu pour encourager l’individu à rechercher le bonheur. L’enfant, s’il est heureux, libère son énergie créatrice, il entreprend et apprend à jouer son rôle d’unité de base productive de la société. En outre, les sociétés occidentales ne considèrent pas l’expérimentation, l’exploration et l’expression de soi comme un danger pour le bien-être collectif. Au contraire… Enfin, l’éducation occidentale consiste à encourager le sens des responsabilités par rapport à des personnes qu’on ne connaît pas, ce qui favorise le développement d’une société civile enracinée dans des institutions conçues pour protéger les intérêts des individus. En Chine, encore aujourd’hui, l’unité de production de base n’est pas l’individu. Le fondement de la société reste le clan qui soutient la famille et représente la force stabilisatrice. C’est pourquoi les relations de l’enfant avec son clan, ses obligations à son égard — et particulièrement à l’égard de ses parents — sont si importantes. Il n’y a pas en Chine d’individualisme authentique, c’est-à-dire d’encouragement à se définir soi-même, indépendamment de la société. En Chine, la structure sociale est hiérarchisée et enrégimentée. Le monde de l’enfant a pour centre de gravité ses parents, avec une série d’obligations mutuelles. Cette vision n’est pas propre à la Chine. Elle existe à peu près partout, excepté dans l’Occident libéral. Mais ce qui est propre à la Chine, c’est l’incroyable ambition sociale. Les Chinois croient en la mobilité sociale. Or, historiquement, en Chine, c’est en intégrant les conventions

En Chine, l’école privilégie la mémorisation et la maîtrise des règles.

© Imagine China

Connexions : Quelles différences essentielles voyez-vous entre une enfance chinoise et une enfance occidentale ? Tom Doctoroff : Les Chinois voient le monde

中国的学校教育注重死记硬背

— par la mémorisation et la maîtrise des règles — qu’on grimpe à l’échelle sociale. C’est en apprenant les règles, en les appliquant et finalement en les manipulant — en s’en servant comme levier —, qu’on s’élève dans la hiérarchie. Enrégimentement et ambition sociale vont de pair. On attend toujours des enfants qu’ils nourrissent la vie de leurs parents. C’est un poids important sur leurs épaules. La famille veut être sûre que l’enfant sera aussi productif que possible pour le bien du clan. Dès le départ, la vie d’un enfant chinois ne tourne pas autour de l’exploration, de l’expression personnelle ou du plaisir. Aimer s’amuser est bien sûr universel, mais, en Chine, l’enfant a l’obligation d’étudier et tout plaisir

doit s’accompagner d’un progrès.

C. : Les choses ont-elles évolué récemment ? T. D. : Dans la Chine contemporaine, deux choses ont changé. Un : les opportunités économiques rendent la carotte — mais aussi le bâton — plus gros. Deux : les règles pour réussir se sont compliquées et la voie à suivre n’est plus sûre à 100%. Enfin, l’idée venue d’Occident que l’enfance devrait être un moment de plaisir se répand. Certes, il ne s’agit encore que d’un idéal, d’une aspiration. Cette idée n’est pas assez forte pour remettre en cause la vision de l’enfant comme le moteur de la prospérité familiale. Mais cela génère un conflit : l’enfant est la locomotive, mais les parents sont conscients du stress que leurs

•••

Connexions / février - mars 2009  37


DOSSIER

专栏

espoirs peuvent occasionner. Et ils ••• s’en préoccupent. Pas seulement parce qu’ils aiment leur enfant, mais aussi parce qu’ils ont conscience que trop de stress est contre-productif. Par conséquent l’objectif numéro 1 de tout service marketing qui vise le marché de l’enfance doit être d’aider les parents à faire tourner le moteur de façon plus douce, à sucrer la pilule pour mieux la faire passer.

C. : Quel rôle respectif joue la famille nucléaire et les grands-parents ? T. D. : Dans les zones urbaines les plus développées, les familles élargies, qui vivent ensemble, sont moins nombreuses. Mais les changements restent superficiels. Nous avons mené l’enquête et demandé à d’innombrables parents : « Préférez-vous une relation “traditionnelle” avec votre enfant, basée sur le respect et la discipline ou une éducation “moderne”, basée sur le dialogue et l’idée de parents amis et partenaires ? » Tout le monde a répondu : « moderne ». Mais, en fait, ce n’est pas ce qui se passe. Les relations entre des jeunes de vingt ans et leurs parents restent très traditionnelles. Il y a de l’affection, mais le fossé entre les générations est énorme et touche à la façon d’arbitrer entre conservatisme, prise de risque et ambition. Les valeurs de la nouvelle génération sont tournées vers des expériences transformatives alors que les plus âgés privilégient la protection. Je connais très peu de Chinois qui ont développé une relation d’amitié avec leurs parents. Les parents trouvent souvent leurs enfants égoïstes, soumis aux tentations extérieures. Mais les enfants prennent encore au sérieux leur responsabilité. Il y a des enfants gâtés. Mais ils ne défient pas l’autorité parentale. Et les parents feront n’importe quoi pour que leurs enfants réussissent à l’école. Je n’observe pas de rébellion. Ce que je perçois, c’est une désorientation, sans changement fondamental concernant le moteur du développement de l’enfant : les obligations mutuelles entre parents et enfants.

C. : Quel est l’impact de l’enfant unique ? T. D. : L’enfant unique renforce encore l’impact et la tension. L’identité des parents et le succès de leur enfant sont totalement liés. Un enfant qui a des problèmes remet en cause l’identité même des parents. Il serait plus facile pour les parents d’avoir un « port-folio » plus diversifié. 38 Connexions / février - mars 2009

C. : Ce dont vous parlez s’applique-t-il à tous les enfants ? T. D. : Plus les milieux sont aisés, plus on observe d’ouverture sur le monde, pour se préparer au futur. Mais les Chinois, s’ils veulent être internationaux, ne veulent pas devenir occidentaux pour autant. Je prends l’exemple d’un livre d’images récemment publié par une télévision de Shanghai. L’idée était de faire entrer les enfants dans un univers imaginaire international qui élargit leur vision du monde. Le livre a été réalisé avec des promotions pour Mac Donald et KFC. Malgré les différentes facettes représentées, le concept sous-jacent reste un enrégimentement, un moyen de plus pour aider les enfants à mieux étudier. Tout en Chine est un moyen pour une fin. L’idée de donner de la joie pour la joie n’est pas courante. C. : Mais quand les enfants sont trop tendus, les envoie-t-on chez un psychologue ? T. D. : Non, sauf si l’enfant a de sérieux problèmes. Ce serait pour les parents, admettre que leur enfant ne rentre pas dans le cadre, c’est le pire échec qu’ils puissent ressentir.

C : Pourriez-vous me citer des campagnes publicitaires modèles orientées vers les enfants ? T. D. : Je dois vous avouer que ce n’est pas facile car, alors qu’il y a en Occident beaucoup de campagnes qui visent directement les enfants, elles sont rares en Chine. Cela vient en partie des médias qui ont développé peu de programmes destinés exclusivement aux enfants. Mais cela vient aussi du fait que les campagnes visent encore plutôt les parents. Même les promotions Disney ont un aspect sérieux. Il faut prouver que cela bénéficie à l’enfant. Deuxième phénomène : la gamme d’activités des enfants est assez étroite, ce qui rétrécit la gamme des produits et des campagnes qui leur sont exclusivement destinés. Par exemple, les enfants ne participent pas à beaucoup d’activités sportives car ce n’est pas dans le cursus académique. En Occident, les enfants font du sport pour développer l’esprit d’équipe, la confiance en soi. Les parents chinois ne voient pas cela comme un moyen direct de remporter le prix. Propos recuei l l is

pa r A n ne Ga rrig ue 1. publié par Palegrave Macmillan, 2006.

中国孩子:家庭兴 旺的动力 专访智威汤逊广告公司大中国 区首席执行官、 《亿万市场:洞 察中国新兴消费群》的作者唐 锐涛先生 。 《联结》:中国孩子和西方孩子的童年有哪 些主要的区别? 唐锐涛:中国人看待世界和构建社会的方式 与西方不同。在西方,教育体系是为鼓励个人 追求幸福而设计。孩子如果快乐就会释放创 造力,尝试和学习发挥社会基本生产单位的 作用。另外,西方社会不认为尝试、探索和自 我表达是对集体利益的危害。正相反……最 后,西方的教育鼓励对他人的责任感,这有利 于植根在保护个人利益制度中的公民社会的 发展。 在今天的中国,基本生产单位并非个人。社会 的基础是家族,它支持着家庭,并且是稳定 的力量。这也是为何孩子与家族的关系、孩子 对家族尤其是对父母的义务如此重要。中国 没有真正的个人主义,即不鼓励独立于社会 的自我定义。中国的社会结构是等级化和有 定式的。孩子是父母生活的重心,他们之间有 一系列彼此的义务。这种观点不是中国特有 的,它几乎遍布世界,除了西方的自由国家。 但是中国所特有的是难以置信的对社会地位 的追求。中国人相信社会地位的流动。然而, 从历史上讲,中国人是通过把成规变成自己 的——通过记忆和掌握规则,来实现社会地 位的上升。通过学习、应用并最终操纵规则利 用规则作为手段——,来实现本人及家庭在 社会等级中的上升。定式及对社会地位的追 求因此相互结合。中国人总是期望孩子来赡 养父母。这是孩子肩上的重担。家庭希望确定 孩子为了家族的兴旺尽可能地有本事。从一开


100 millions d’enfants uniques

教育

很少能同父母保持朋友关系。父母们经常觉 得孩子自私,容易受外界诱惑。但是孩子们还 是认真地对待自己的责任。有一些受宠的孩 子,但他们不会蔑视家长的权威。父母们为了 孩子学业有成愿意做任何事情。我没有发现 孩子的反抗。我看到的是困惑,孩子的发展动 力没有根本的变化:父母和孩子之间存在着 彼此的义务。 《联结》:独生子女有什么影响? 唐锐涛:独生子女加剧了影响和紧张。父母的 身份同孩子的成功完全联系在一起。一个有 问题的孩子会让其父母的身份受到质疑。有 一个多样的模式似乎更容易。 《联结》:所有孩子都像您所说的吗? 唐锐涛:为了准备将来,经济条件越好的家 庭,开放的程度越高。但是中国人希望国际 化,却不希望那么西方化。我举上海某电视台 最近出版的一本画册为例,其主旨是让孩子 们进入想象的空间,以扩大他们的视野。画册 中还夹带着麦当劳和肯德基的广告。尽管画

© Imagine China

册展现了不同的层面,但它隐含的理念还是

A l’Ouest, l’éducation encourage l’expression individuelle.

西方的学校教育鼓励个性发挥

一个定式,即通过补充的方式来帮助孩子更 好地学习。在中国,一切都是为了达到目的的 手段。为了快乐而给予快乐并不多见。 《联结》:但是当孩子压力过大时,会被带去 看心理医生吗?

始,中国孩子的生活不是以探索、自我表达及

因此,面向孩子的市场营销其首要目标应该

唐锐涛:不会,除非孩子有很严重的问题。送

快乐为中心。爱玩是孩子共有的特点,但中国

帮助父母慢慢地降低期望值,以严中有爱的

孩子看心理医生等于让父母们承认他们的孩

的孩子有学习的义务,一切快乐都必须包含

方式教育孩子。

子不正常,这对他们来说是最大的失败。

着进步。

《联结》:原子型家庭及祖父母分别起了什

《联结》:您能列举一些面向孩子的广告宣

《联结》:目前情况有变化吗?

么作用?

传范例吗?

唐锐涛:在当代中国,有两件事情变了。一是

唐锐涛:在最发达的城区,全家人生活在一

唐锐涛:我必须承认这不容易,在西方有很多

经济机遇让利益和风险加剧。二是我们看到

起的大家庭的数量减少了。但是变化仍很微

的广告宣传是直接针对孩子的,在中国却很

了附加的效应。成功的规则变得复杂,人们不

小。我们进行过调查,询问了很多父母: “您

少。一部分是因为媒体很少开发专门针对孩

再完全确定要走的路。还有来自西方的孩子

愿意与孩子保持建立在尊重和规矩基础上

子的节目。还因为广告宣传主要针对的还是父

应该享受快乐童年的看法日益盛行。当然,这

的‘传 统’关系,还 是 建 立在 对话、把父母

母,并保证传达孩子的快乐和满意。甚至迪斯

还只是一种理想,一种憧憬。这种看法不足

当作朋 友 或合 作 伙伴 基 础 上的‘现代’关

尼的广告也有严肃的一面,要证明它对孩子有

以质疑孩子是家庭兴旺的动力。然而这引发了

系?”所有人都会回答: “现代的”。然而,实际

益。另一个现象是:孩子的活动范围比较窄,

一场争论:孩子是家庭对未来的寄托,但是父

情况并非如此。20岁的年轻人与父母之间的

这局限了面向孩子的产品和广告宣传的范围。

母们意识到他们的期望给孩子带来了压力,

关系还很传统。他们之间有深厚的感情,但是

比如,孩子不能参加很多体育运动,因为这不

他们对此很担心。不仅因为父母们疼爱自己的

代沟巨大,并触及到评判保守、冒险和抱负的

在教学范畴内。在西方,孩子们进行体育运动

孩子,而且因为他们意识到太多的压力会起

方式。年轻一代的价值观趋向于“转变”的经

是为了锻炼团队合作精神和培养自信。中国的

反作用。

历,而年长的人更注重保护。我认识的中国人

父母不认为这是一种获得成功的直接方法。

Connexions / février - mars 2009  39


DOSSIER

La piété filiale et le respect des ancêtres restent le ciment fondamental de la famille.

© Imagine China

专栏

孝顺父母、尊敬长辈是中国家庭的根本纽带

He Nong, journaliste-écrivain longtemps correspondant à Paris du quotidien Guangming Ribao, a traduit en chinois le best-seller J’attends un enfant de Laurence Pernoud en 1992. Il revient sur le rôle du père et sur les particularités de l’éducation chinoise.

« En Chine, on fait des enfants pour perpétuer une lignée » Connexions : Qu’est ce qui vous a frappé lorsque vous avez traduit le manuel de pédiatrie de Laurence Pernoud ? He Nong : J’ai traduit ce livre au début des

années 1990. J’étais alors un jeune papa et tout m’intéressait. J’étais comme un élève, avide d’apprendre. J’ai fait ça avec une amie de promotion qui était enceinte. A l’époque, de tels livres étaient rares, publiés sur du mauvais papier avec de mauvaises illustrations et mal diffusés. Aujourd’hui, il en existe des myriades, bien édités. Les futurs parents ont l’embarras du choix. Ce qui m’a le plus frappé est la différence d’attitude vis-à-vis de la jeune accouchée. En Chine, elle doit rester un mois dans sa 40 Connexions / février - mars 2009

chambre, sans prendre de douche, ni boire d’eau froide, ni manger de soupe ou de fruits. Sans même pleurer, car on dit que quiconque a pleuré durant cette période aura les yeux qui brûlent toute sa vie. Or dans son manuel, Laurence Pernoud encourageait les femmes à reprendre très vite une vie normale, à faire même du sport. C’était inouï.

C. : Comment voyez-vous l’évolution du rôle des parents? H. N. : Depuis l’application de la politique

de planning familial, le rôle des parents a changé. Avant, les familles avait plusieurs enfants et le rôle des parents consistait à élever l’enfant, le nourrir, le vêtir, s’arranger

pour qu’il reste en bonne santé… Dans notre génération — je suis né dans les années 60 — , et a fortiori pour les parents plus jeunes, le rôle des parents se concentre autour de l’éducation, au sens strict, de son enfant : lui offrir le meilleur niveau d’éducation possible, l’inscrire dans la bonne école, le bon lycée, lui payer des cours particuliers de haut niveau. Les enfants qui font du piano, par exemple, sont classés selon deux systèmes, celui de l’Institut de musique de Chine et celui de l’Institut de musique central et, en atteignant un certain rang de classement, ils peuvent obtenir des points supplémentaires pour le gaokao (le baccalauréat chinois), un moment cru-


100 millions d’enfants uniques cial de leur vie, qui leur ouvre — ou non — la porte des universités. Chaque étape, de la maternelle au primaire, du primaire au collège et du collège au lycée, est une épreuve difficile pour les enfants, mais aussi pour les parents.

C. : Le père et la mère jouent-ils un rôle différent ? H. N. : Ça dépend des familles. Mais globa-

lement, vous savez, les Chinois ne sont pas très romantiques. Ils sont devenus pragmatiques, surtout avec Deng Xiaoping. Ils ont perdu leurs rêves, ne sont pas très libres. Je dirais que, de façon générale, les pères sont plus pragmatiques, plus objectifs, et les mères plus romantiques. Elles ont gardé un peu plus de rêves, d’espoir pour leurs enfants. De façon concrète, la mère consacre plus de temps à l’enfant. Le rôle de l’homme se joue plus à l’extérieur, celui de la mère plus à l’intérieur. C’était vrai traditionnellement, mais c’est encore vrai aujourd’hui alors que la plupart des deux parents travaillent. Même si la mère rentre plus tard que le père, celui-ci l’attend pour qu’elle prépare la cuisine. Reste que finalement la répartition des rôles n’est pas très différente de ce que j’ai observé en France. Par contre, les grands-parents occupent une place très importante et très spécifique.

C. : C’est-à-dire ? H. N. : Il y a un mot essentiel en Chine xiao,

la piété filiale, qu’on pourrait traduire par « respect de l’ancêtre ». C’est extrêmement important et cela distingue vraiment la Chine de l’Occident. Ce respect continue à s’appliquer encore aujourd’hui. En Occident, comme en Chine, faire des enfants, c’est s’atteler à une tâche et aller vers des plaisirs. Mais en Chine s’ajoute quelque chose de très spécifique : on fait des enfants pour perpétuer une lignée, un nom de famille. C’est encore vrai aujourd’hui même si les années de communisme ont fait un peu évoluer les choses. Personnellement, j’ai été soumis à la politique de planning familial dont je comprends très bien les objectifs et que j’approuve. Néanmoins, je ne peux nier que je regrette de n’avoir pas eu de fils qui continue la lignée. Mon frère n’ayant, lui aussi, qu’une fille, mon père issu d’une grande famille de mandarins d’origine mongole (16e génération) dont deux ancêtres ont leur nom consigné sur

des stèles derrière le temple de Confucius pour avoir réussi aux examens impériaux), n’a pas eu de petit-fils, ce qui le chagrine un peu. La piété filiale s’adresse aux deux parents, mais il y a encore une hiérarchie entre le père et la mère. Dans l’écrasante majorité des cas, l’enfant prend le nom du père qui, traditionnellement, jouait le rôle principal. La mère dont l’influence était désignée par l’expression « le vent qui vient de l’oreiller », était aussi très importante.

C. : Quel rôle jouent exactement les grands-parents ? H. N. : Les grands-parents jouent depuis

教育

me beaucoup de parents, nous avons voulu lui faire prendre des cours. Ma fille a commencé le piano à 4 ans et la natation à trois ans. Maintenant elle a 16 ans, elle a passé ses vacances à préparer le Toefl , cinq heures par jour dans un institut de cours supplémentaires. J’ai choisi pour ma fille de la remettre dans le système chinois après un petit intermède en France car, pour sa génération, bien maîtriser la lecture et l’écriture du chinois sera indispensable.

C. : Est-il vrai qu’il existe une « petite corruption » à l’école ? H. N. : Vous faites allusion aux hongbao (en-

C. : Que souhaitez-vous transmettre à votre fille en tant que père ? H. N. : Je veux lui éviter les pièges de l’exis-

veloppes rouges). Il est indéniable qu’une petite corruption existe à l’état endémique dans l’école chinoise, malgré les efforts du gouvernement pour l’enrayer. Théoriquement, il n’y a pas d’examen national pour l’entrée en primaire et l’inscription dépend de l’adresse de résidence. Mais de fait, les niveaux entre les écoles sont profondément différents et il existe de multiples passe-droits et des examens régionaux, municipaux ou propres à l’école. Même si un même programme national est appliqué partout, ce n’est qu’une base qu’il faut compléter pour réussir vraiment. La grande majorité des enfants urbains dont les parents ont un peu de moyens, prennent des cours supplémentaires de une, voire plusieurs heures par jour, dès 10 ans. Certains commencent même plus jeunes. Quant aux hongbao, elles viennent compléter le salaire des professeurs qui n’est pas très élevé, même si c’est un métier où on ne craint pas le chômage et qui jouit d’un certain prestige. Le montant des hongbao varie selon les écoles, mais en général il faut payer les professeurs pour qu’ils soient généreux avec son enfant, qu’ils le traitent bien, soient patients… On le fait à l’occasion des fêtes : nouvel an, fêtes des professeurs… Il y a des écoles où il faut payer des petits dessous-de-table aux professeurs pour toutes les fêtes. Si on ne le fait pas, on n’est mal vu. Les parents paient de toute façon car ils sont pragmatiques et obsédés par la réussite de leur enfant. A noter que les professeurs reçoivent aussi des primes si leurs élèves ont de bons résultats aux examens, ce qui les encourage à exceller.

tence et faire en sorte qu’elle prenne le chemin le plus court. Dès le début, com-

Propos recuei l l is pa r A n ne Ga rrig ue

toujours un rôle important que la politique du planning familial a encore accentué. Comme ils ont eu plusieurs enfants, ils ont plus d’expérience et les nouveaux parents, inexpérimentés, leur confient l’enfant au risque qu’il soit trop gâté. C’est pourquoi, de plus en plus de jeunes parents préfèreraient aujourd’hui ne plus leur laisser la garde de leur enfant. Mais ils n’ont guère de choix quand ils travaillent tous les deux. Finalement, le partage des rôles se fait ainsi. Les parents se chargent de l’éducation, des cours particuliers, du programme et de l’itinéraire de l’enfant. Le père doit gagner de l’argent et la mère est responsable de la gestion de l’organisation familiale. Les grands-parents se chargent au quotidien du tout-petit, aidés par une bonne — ayi ou baomu. Mais les Chinois aisés hésitent à confier leur enfant-trésor à une personne extérieure dont ils craignent qu’elle fasse mal son travail. Des bruits circulent sur les baomu qui font avaler des somnifères aux enfants pour pouvoir sortir, voire qui les enlèveraient… Les grands-parents sont aussi là pour surveiller la bonne. Les grands-mères prennent souvent leur retraite à la naissance des petits-enfants pour jouer ce rôle. Une fois l’enfant devenu écolier, c’est encore aux grands-parents d’aller le chercher à l’école ou de l’y conduire. En général, ce sont les grands-parents qui aident le jeune couple, mais avec l’évolution des niveaux de vie, il arrive que l’inverse se produise.

Connexions / février - mars 2009  41


DOSSIER

专栏

Cheryl Yu Cheryl est née en 1980 et travaille dans une société d’informatique à Pékin. Son enfance est pour elle synonyme de solitude. Elle avait bien un voisin avec qui jouer mais il ne remplaçait pas un frère ou une sœur. Elle n’a gardé aucun ami de son enfance. Elle fréquente depuis plusieurs années un jeune homme, né la même année et qu’elle pense épouser. A la question : « Voulez-vous un enfant ? », elle répond : « Oui, deux ». Puis ajoute : « Mais en fait, ce sont nos parents qui exigent que nous ayons deux enfants. Personnellement, je n’en veux pas. Je trouve trop difficile d’élever un enfant. » Dans son entourage, quelques amis de son âge ont eu un enfant en réponse à l’attente de leurs parents.

En Chine, 100 millions d’enfants sont des enfants uniques.

Trente ans de politique de l’enfant Sun Yi Né en 1981, Sun Yi est célibataire et travaille pour Sony Ericsson à Pékin. Il garde le souvenir d’une enfance très heureuse. Il avait la chance d’habiter dans les hutong de Pékin et passait tout son temps libre à jouer avec les voisins de son âge. Les cousins venaient aussi souvent à la maison. Il veut des enfants, un ou deux selon la situation économique. Ils ne connaîtront pas la joie des jeux dans les ruelles ni celle des cousins. Parents-enfants uniques, cela signifie ni tantes, ni oncles et une cellule familiale réduite. Mariam Loussignian

42 Connexions / février - mars 2009

La politique de l’enfant unique fête ses trente ans, déjà le temps d’une génération. Systématisée en 1979, cette politique plonge ses racines dans l’histoire communiste. A son accession au pouvoir, le président Mao proclame que le capital le plus précieux de la Chine révolutionnaire est sa population. Mais en 1956, au vu des résultats du recensement, il décide que « la population doit être maîtrisée » à l’exception des zones habitées par les minorités nationales. C’est le coup d’envoi de la première campagne de réduction des naissances en 1956 et le début de la production de contraceptifs. Les stérilisations et avortements deviennent possibles sur simple demande. L’économiste Ma Yinchu, Malthus chinois, prône une réduction drastique de la population pour favoriser le développement. En 1962, le taux de natalité redémarre après le Grand

Bond en avant (1958-1960) qui a fait des dizaines de millions de victimes, mortes de faim. Il atteint des records au début des années 70, obligeant les leaders du pays à lancer à nouveau un programme de limitation des naissances. C’est le slogan « se marier tard, espacer les naissances et réduire sa descendance » (wan-xi-shao), le début des quotas. Pour les citadins, le mariage est interdit avant 25 ans pour les femmes et 28 ans pour les hommes. Les couples n’ont pas droit à plus de deux enfants. Pour les ruraux, les limites d’âge inférieur au mariage sont de 23 ans pour les femmes et de 25 ans pour les hommes, les naissances doivent être espacées d’au moins trois ans. Le taux de fécondité passe de 5,7 à 2,8 entre 1970 et 1979. Mais cela ne suffit pas à enrayer la hausse démographique (900 millions d’habitants en 1975/ 450 millions


© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

中国有一亿孩子是独生子女

unique en 1949) à cause du recul de la mortalité infantile (80% des enfants survivent après un an en 1945, contre 95% en 1970). Alors le contrôle social s’intensifie : visite de harcèlement, dénonciation, pression collective, privation de tickets. On placarde les calendriers intimes… C’est l’inquisition des « lao taitai ».En janvier 1979, le gouvernement passe à la vitesse supérieure en lançant la politique de l’enfant unique dont l’application varie localement. Des mesures incitatives et répressives sont lancées dans chaque unité de travail qui se voit attribuer un quota. Pas d’enfant sans autorisation. Tout contrevenant(e) s’expose à de fortes sanctions : non délivrance du hukou pour l’enfant, coupure de l’approvisionnement en eau, suppression du permis de conduire, licenciement pour les fonctionnaires, révocation de contrat agricole, voire stérilisation

forcée. Les amendes sont très élevées. Si le système de quotas fonctionne bien dans les villes, dans les campagnes, les objectifs ne sont pas atteints. Dès 1984, la plupart des provinces y autorisent, un deuxième enfant, lorsque le premier né est une fille (et même, dans certains cas, si c’est un garçon). La politique de l’enfant unique a incontestablement permis de réduire le nombre de naissances — 400 millions en moins sur trente ans. Actuellement, en zone rurale, une femme a en moyenne 2,3 enfants contre 0,8 pour une femme résidant en zone urbaine, la moyenne nationale étant de 1,8 enfant par femme. Mais il faut prendre ces chiffres avec précaution car il existe en Chine un nombre inconnu d’enfants dits « noirs », non déclarés (heizi). Mais elle a aussi généré de forts déséquilibres. La population chinoise vieillit dangereusement et commence à manquer de femmes. D’ici 2030, on estime que 25 à 30 millions d’hommes en âge de se marier seront contraints au célibat. Les couples chinois, qui préfèrent les garçons, ont eu massivement recours à des avortements de petites filles. En 2008, il y avait ainsi, en moyenne, 117 naissances de garçons pour 100 filles (104 pour 100 dans les pays développés). Autre conséquence : le vieillissement programmé de la population. La Chine devrait compter 1,45 milliard d’habitants en 2020 et plafonner à 1,5 milliard en 2033, avant de commencer à décliner. D’ici là, la population des plus de 65 ans va exploser pour atteindre plus de 235 millions (100 millions aujourd’hui). Enfin sur le plan familial, les conséquences sont lourdes. Pourtant le gouvernement ne remet pas globalement en cause sa politique, même s’il autorise certains assouplissements : possibilité pour un couple d’enfants uniques d’avoir deux enfants, mesures locales au Sichuan. Les sondages montrent que la plupart des couples hésite spontanément à faire plusieurs enfants. A Pékin, par exemple, plus de la moitié des enfants uniques devenus adultes ne souhaitent pas avoir plus d’un enfant, même si la loi les y autorise. Et plus d’un quart d’entre eux disent même ne pas vouloir d’enfant, privilégiant leur niveau de vie.1

A n ne Ga rrig ue

Enquête de l’Institut d’Administration de Pékin, citée par AFP novembre 2007 1

教育

Gu Manxi Gu Manxi est née en 1978. Lorsqu’elle évoque son enfance à Nankin, elle se souvient d’un immense ennui. Ses parents qui travaillaient tous les deux la laissaient souvent seule à la maison. Son mari, lui, né en 1976 à la campagne, vivait avec ses grands-parents, entouré de nombreux enfants avec qui jouer. Il voit toujours ses amis de l’école primaire. Manxi et Zhou Yan viennent d’avoir leur premier enfant, une petite fille. Enfants uniques tous les deux, ils auraient droit à un deuxième enfant. Mais ils n’en ont pas envie et la question financière entre aussi en ligne de compte. La préoccupation première pour leur fille est de lui trouver une place dans une bonne école, sésame pour un parcours scolaire réussi jusqu’à l’université. Autour d’eux, plusieurs amis trentenaires, enfants uniques également et mariés, ne souhaitent pas avoir d’enfants. Ils privilégient leur liberté, la chance d’avoir tout leur temps pour eux.

Wang Xuefei Née en 1985 à Nankin, elle est aujourd’hui aspirant chercheur à l’université Beida avec pour spécialité la culture française. Enfant unique, elle dit pourtant avoir une « sœur ». Il s’agit de sa cousine, née 100 jours plus tôt. Petites, elles se retrouvaient pour déjeuner chez leurs grands-parents, sont allées dans la même école et jouaient ensemble pendant leur temps libre. A 23 ans, Wang Xuefei n’a encore aucun projet d’enfant. Elle est très préoccupée pour l’heure à poursuivre ses études, réussir ses examens et peutêtre partir travailler à l’étranger. M. L. Connexions / février - mars 2009  43


DOSSIER

© Imagine China

专栏

Des dizaines de millions d’enfants privés du droit à l’intimité familiale. 几千万留守儿童丧失了家庭亲情

Les enfants « laissés derrière »

On les appelle 留守儿童 (liu shou er tong) « Les enfants laissés derrière ». Ils vivent avec un membre de leur famille (grandparent, oncle ou tante), parfois aussi tout seuls, une fois que leurs parents sont partis au loin gagner l’argent de la famille. Dans les villages, les ressources monétaires sont trop faibles et, en ville, les salaires des mingong ne permettent pas de faire venir un enfant. Difficile de les dénombrer — les chiffres oscillent de 221 à 58 millions2 —, mais l’importance du phénomène mérite qu’on s’y attarde. C’est ce qu’a fait la réalisatrice chinoise, Catherine Lee Yuk San, pour la télévision hongkongaise TVB Jade. Son remarquable documentaire, intitulé Chil44 Connexions / février - mars 2009

dren left behind a remporté le « Asia Pacific Child rights Award3 » en 2007. Visible sur Youtube, si la censure vous en laisse le loisir, il donne la parole aux enfants. Nous vous livrons quelques extraits, témoignages directs de ce que ressentent ces victimes du développement chinois ultra-rapide, privés de leur droit à l’intimité familiale. Le documentaire est tourné dans le Guizhou, province pauvre du sud de la Chine. Il se situe sur deux unités de lieu : le village de Jiang Jia Gou, que 90% des parents ont quitté pour aller travailler en ville et l’école Bashan du district de Zhong, qui a mis en place un internat rudimentaire pour ces enfants « laissés derrière ».

Jiang Jia Gou, 2000 habitants. Des maisons de bois, des rizières, un ruisseau. On voit d’abord Tian mi, 10 ans, une fillette vive et bonne élève mais un peu à l’écart du groupe. Deux couettes, un sourire coquin, un visage très expressif. On la suit avec ses amies alors qu’elle lave le linge à la rivière, puis seule quand elle joue avec ses deux petits frères jumeaux de trois ans. Elle vit avec sa tante, madame Zhang. « Je vis temporairement avec ma tante, précise-t-elle. Mes parents sont partis quand j’avais cinq ans. Ici ce n’est pas chez moi. Moi, je suis de He Chuan mais je n’y suis pas rentrée depuis cinq ans et je ne me rappelle plus trop à quoi ça ressemble. J’aime m’occuper de mes deux frères : je les surveille, je leur apprends à chanter ; je suis heureuse s’ils sont heureux, triste, s’ils sont tristes. J’aimerais beaucoup que mes parents reviennent pour le nouvel an. Mais ça fait plusieurs années qu’ils ne sont pas rentrés. Il arrive que ma tante me donne une correction. Alors je pleure entre les draps. Je me sens seule. Il n’y a personne à qui je peux confier mon chagrin, mes inquiétudes. Quand ça ne va pas, je pars me promener à l’extérieur du village. Et je m’assois quelque part. Je me chante une chanson et je me calme. Je pense à ma mère mais son visage devient de plus en plus flou. Je crois qu’elle est jolie et très propre. Quand elle me parle au téléphone, elle me dit toujours de bien laver mes cheveux, de prendre un bain, de porter des vêtements propres. Je me souviens d’un moment d’intimité avec elle. J’étais dans ses bras pendant que nous regardions la TV. Je me suis endormie et elle m’a déposée dans le lit. J’avais trois ou quatre ans. J’aime mes parents et je sais qu’ils m’aiment. C’est pour gagner de l’argent qu’ils sont partis, pour que je puisse étudier… ». Tian Mi s’applique à l’école pour devenir une scientifique. Son livre favori s’intitule : Un millier de pourquoi. Sa hantise : être mal jugée, regardée de haut ou méprisée. Toujours à Jiang Jia Gou, chez le vieux Zhang Peng, 63 ans. Ses trois enfants sont partis il y a dix-huit ans et c’est lui qui élève ses six petits-enfants (trois garçons et trois filles), dont l’ainé a 17 ans et le plus jeune,


100 millions d’enfants uniques

教育

Associations sur le terrain 5 ans. Il se sent fatigué mais il dit qu’il n’a paré d’eux dans cette vie-ci ». On retrouve pas le choix. Il est responsable d’eux. Ses plus tard Nie Jang Bo en train de jouer au petits-enfants doivent être bien nourris, basket dans l’école de Bashan où il a été pris bien vêtus. Sinon, ses enfants lui feraient en charge par un couple d’enseignants. Il des reproches. Tous les matins, même l’hi- s’entraine sous l’œil paternel du prof d’éduver, il se lève tôt (4h 30) pour préparer leur cation physique, Cao Zhang Xianjun, qui petit déjeuner avant qu’ils partent à l’école. prône le sport pour empêcher les enfants L’aînée de ses petites-filles, de gamberger, relâcher la Zhang Liaohong, qui rentre pression des études et les l’année prochaine au lycée, aider dans l’apprentissage. « Je me demande pense que ses grands-paNie Jang Bo a retrouvé le souvent ce que j’ai rents sont trop âgés pour sourire. Il dit qu’il a mains’occuper d’elle. « Ils ne fait dans une vie tenant un but dans la vie communiquent pas. Ils antérieure pour même s’il ne veut pas le sont trop occupés par leurs être séparé de divulguer de crainte de ne tâches. Ils veulent qu’on les mes parents dans pas y parvenir. La direction aide et cela nous empêche cette vie-ci. » de l’école de Bashan a mis de faire nos devoirs. Si on en place un internat en Nie Jang Bo ne les aide pas, ils nous 2006 et embauché à plein critiquent. Cela me brise temps un conseiller psyle cœur et me donne le sentiment d’être chologue quand elle a réalisé la montée inférieure. » du nombre d’enfants « laissés derrière » et Changement de décor. Nous sommes leur malaise. « Pour beaucoup de ces enautour de l’école de Bashan, dans le dis- fants, il existe une barrière entre eux et leurs trict de Zhong. Nie Jang Bo, un garçon de grands-parents. Il faut à tout prix éviter que 14 ans vit dans une triste maison en chan- monte leur ressentiment à l’égard de leur tier, délabrée. Sombre et solitaire, Nie Jang parents. » L’école organise des activités. Bo a décroché de l’école et traine dans Même si les conditions de l’internat sont les cafés Internets. « Quand j’étais petit à rudimentaires, les enfants préfèrent cela à l’école primaire, mes parents me lavaient vivre seuls. Ils ont des copains. Ils trouvent le visage, faisaient mon lit, me rappelaient l’école « chaude et accueillante » et ils ont de me brosser les dents, se souvient-il. Et moins de temps de trajet. Ils ont surtout puis, ils sont partis et la famille a été divisée le sentiment qu’on s’occupe enfin d’eux. en trois. J’ai d’abord vécu chez mon grand- L’école a même installé une ligne téléphopère puis je suis parti pour être plus libre ; nique pour que les enfants puissent joindre j’ai perdu tout intérêt pour les études. Je me leurs parents. lève tard. Quand j’ai faim, je me cuisine des Aujourd’hui les autorités ont donc comnouilles. Mais c’est tellement mauvais que mencé à prendre conscience des dégâts j’ai du mal à avaler. Je me sens de plus en provoqués par ces séparations familiales. plus seul. Ma maison n’a pas de couleurs. Elles ont mis en place des centres d’accueils, Je n’aime pas manger seul. Je n’ai pas de ont ouvert des écoles pour enfants de minfoyer, d’endroit chaud où on prendrait soin gong. Mais, tant que le système de hukou de moi, où on me cuisinerait de délicieux persistera, les enfants « laissés derrière » plats épicés. » Sur les murs de sa maison souffriront de la perte d’un droit essentiel : caverne, il y a des numéros de téléphone celui de jouir des soins quotidiens de leurs gravés, celui d’un oncle, d’une tante, l’an- père et mère en restant à leurs côtés. A n ne Ga rrig ue cien numéro de son père, celui de voisins. « Si je suis malade, un voisin me donne des Sources gouvernementales Selon la Fédération des femmes, il y aura 58 million d’enfants médicaments et m’emmène à l’hôpital. Si « laissés en arrière », dont plus de 40 millions ont moins de mes parents étaient là, je me sentirais en quatorze ans, ce qui représente environ un enfant sur six . Un prix destiné au meilleur programme de télévision parlant sécurité. Je me demande souvent ce que des droits des enfants dans la région Asie pacifique et Coj’ai fait dans une vie intérieure pour être sé- organisé par ABU, CASBAA et l’UNICEF

1 2

3

AIDE ET ACTION Association de parrainage pour le développement de l’éducation ; éducation et soins à la petite enfance. www.aide-et-action.org COMITE NORMAN BETHUNE Aide aux écoles, aide aux enfants défavorisés: Yunnan, Guizhou et Guanxi www.cnbethune.org COULEURS DE CHINE Parrainage d’enfants des minorités ethniques (Guangxi, région des « Grandes montagnes Miao »). Programme de scolarisation, des fillettes, reconstruction d’écoles ; actions culturelles pour la promotion de la culture Miao. www.couleursdechine.org LES ENFANTS DE MA DAIFU Association Marcel Roux en Chine Services sociaux pour les enfants en détresse dans les zones rurales déshéritées de Chine. www.madaifu.org ENFANTS DU NINGXIA Aide à la scolarisation. Province du Ningxia. Versement de bourses à des élèves défavorisés (surtout filles). Amélioration de l’environnement pédagogique. www.enfantsduningxia. over-blog.com IMPACT-PROJET BETHEL Accueil d’orphelins aveugles venant d’orphelinats gouvernementaux, éducation, formation du personnel des orphelinats d’Etat http://www. bethelchina.org ASSOCIATION J-J( (Jia Jia, les fillettes de Chine) Activités : aide aux enfants chinois abandonnés (surtout les filles), relais pour les adoptants en France et Chine. Travaille dans l’Anhui. www.assojiajia.org.cn FLOWERS IN THE HEART CHARITY SCHOOL (Sen Ji Mei Duo) (en chinois ou anglais) Scolarisation d’enfants d’origine tibétaine, orphelins ou handicapés. Offre 10 ans d’éducation gratuite pour former des adultes autonomes qui puissent soutenir leur communauté. http://www.tibetanflowers.org

Connexions / février - mars 2009  45


DOSSIER

专栏

Campagnes : un tiers des parents vivent avec leurs enfants

la route, étaient alors systématiquement déscolarisés. Beaucoup finissaient dans des gangs, en ville, ou comme prostituées. Dans les familles pauvres, les filles n’allaient pas à l’école. C’est pour s’occuper de ces enfants que Marcel Roux avait décidé de créer l’association. Aujourd’hui, le problème que nous cherchons à résoudre c’est plutôt d’équiper les écoles, qui, dans les provinces pauvres, restent encore très mal dotées.

C. : Comment les enfants des campagnes se distraient-ils ? C. C. : Beaucoup regardent la télévision, ce

qui les fait rêver au monde des villes. Par contre, ils ont très peu accès à l’ordinateur. Ils jouent plutôt dehors aux mêmes jeux qu’autrefois : ballon… Ils sont aussi très occupés par les devoirs scolaires et les travaux des champs — surtout les garçons. Ils doivent aider leurs grands-parents à cultiver la terre, en l’absence des parents.

© Imagine China

C. : Est-ce que leur vie plus dure les rend plus autonomes que les enfants des villes ? C. C. : Oui. Ils se sentent plus responsables.

Les enfants sont souvent élévés au quotidien par des personnes âgées qui sont dépassées. 留守儿童一般由老人带,而老人的文化程度不高、教育方法已经过时

Charlotte Cailliez est présidente de l’association Les Enfants de Maidaifu qu’elle a fondée avec son mari Marcel Roux en 1999 pour prendre en charge des enfants pauvres, en zone rurale. L’association agit aujourd’hui dans le Shaanxi, le Gansu et Wuhan1.

Connexions : Qui élève aujourd’hui les enfants à la campagne? Charlotte Cailliez : Approximativement un

tiers des parents reste sur place, un tiers travaille dans des bourgs relativement proches et peut revenir facilement s’il y a un souci, un tiers part travailler au loin et ne revient qu’une fois par an, voire une fois tous les deux ans. Du coup, les enfants sont souvent élevés au quotidien par des 46 Connexions / février - mars 2009

personnes âgées qui sont dépassées. Ils ne sont pas très disciplinés et souffrent d’un manque affectif. Ils sont aussi élevés par l’entourage plus large, car, à la campagne, les enfants sont un peu les enfants de tout le monde.

C. : La gratuité de l’enseignement obligatoire, décidée par Pékin en 2005, est-elle appliquée ? A-t-elle changé la donne ? C. C. : Oui, elle est appliquée sauf dans

certaines provinces très pauvres car les budgets de l’éducation sont locaux. Dans la grande majorité des cas, les enfants sont aujourd’hui tous scolarisés, y compris les filles, ce qui n’était pas du tout le cas avant 2005. Les orphelins, relativement nombreux à cause des maladies, de l’alcoolisme, des accidents du travail ou de

Ils sont courageux et mesurent les efforts que font leurs parents pour eux. En même temps, ils sont davantage enfermés dans le carcan de l’éducation traditionnelle. Nous nous rendons compte que ces enfants, dès qu’on leur donne une chance, la saisissent. Ils portent un poids important sur les épaules et savent qu’ils doivent rapporter vite de l’argent ou bien étudier. Nous observons peu de délinquance. Ils sont surveillés par l’entourage. Dans les villages, où tout est ouvert, on rentre facilement chez les uns les autres. Il y a peu d’espace d’intimité.

C. : La différence garçons-filles est-elle encore très marquée ? Où en est l’application de la politique du planning familial? C. C. : La différence de traitement entre gar-

çon et fille reste forte, mais va s’atténuant, grâce notamment à la gratuité de l’école. De façon générale, dans les campagnes, les paysans décident d’eux-mêmes de faire moins d’enfants, par souci d’économie. Ce n’est pas la conséquence de la politique du planning familial, dont les fonctionnaires ne descendent dans les villages que quand ils sont sommés par le centre de rapporter de bonnes statistiques.

Propos recuei l l is pa r A n ne Ga rrig ue 1

Voir article Connexions n°41, p. 83-85.


100 millions d’enfants uniques

Les chiffres noirs de l’enfance

12

C’est le nombre d’heures quotidiennes de travail pour une centaine d’enfants du Sichuan travaillant dans des usines du Guangdong sous la menace d’un réseau d’exploitation illégale démantelé en avril 2008. Menacés à l’arme blanche, parfois victimes de viol ou vendus à des maisons closes, beaucoup d’enfants ont refusé de rentrer chez eux car ils souhaitaient travailler de nouveau dans une autre usine, parfois même avec l’aval de leurs parents qui sont rassurés à l’idée que leur enfant puisse manger tous les jours.

200

C’est le nombre d’abris réservés à travers toute la Chine aux enfants errants. Selon le ministère des Affaires civiles, la Chine compte environ un million d’enfants errants, un problème devenu crucial, avec l’augmentation de la délinquance. 70% des enfants errants sont originaires des campagnes reculées et pauvres. 33% des enfants sans abri ont moins de douze ans et 63% entre treize à quinze ans. Ils vivent dans des conditions précaires, sans abri, sans ressources, sans aucune protection sociale ; beaucoup sont

manipulés par des groupes mafieux qui les forcent à mendier ou à commettre des actes délictueux. Afin de mieux protéger les enfants errants, le gouvernement a alloué 700 millions de Rmb pour construire des refuges dans les grandes villes. Mais selon la réglementation actuelle, ces refuges ne peuvent accueillir les enfants errants que pour de courts séjours de trois mois. Pour beaucoup d’enfants, la plupart sans hukou (certificat de résidence), il est impossible de retrouver leur région d’origine ou des parents qui peuvent s’en occuper. Sans une aide prolongée, la plupart des enfants retourneront inévitablement dans la rue.

80 000

C’est le nombre de jeunes délinquants en 2008. Un nombre qui a fortement augmenté puisqu’il n’était que de 33 000 en 1998. Les actes criminels perpétués par des jeunes sont devenues un « sérieux » problème en Chine selon les experts qui attribuent cette augmentation inquiétante à l’« impact des familles décomposées, la diminution de l’éducation scolaire, et une perte de repères socioculturels ».

200 000 C’est le nombre d’adoptions déclarées par an. Depuis

septembre 2008, une nouvelle directive sur l’adoption des enfants a été publiée, visant à réduire le nombre de cas d’adoptions illégales qui n’a pas cessé d’augmenter ces dernières années. Dans les régions moins développées, notamment à la campagne, seulement 30% des cas d’adoption ont été enregistrés.

294 000

C’est le nombre d’enfants malades à la suite du scandale du lait contaminé à la mélamine en 2008. 6% d’entre eux en sont morts.

9,3%

C’est le pourcentage d’enfants de travailleurs migrants qui n’accèdent pas à l’école primaire, selon le Bureau National des Statistiques. Seulement 20% accèdent à l’éducation secondaire. On compte aujourd’hui vingt millions d’enfants de travailleurs migrants. Dans les grandes villes comme Pékin et Shanghai, ces enfants représentent un tiers des enfants à l’âge scolaire. Face aux attentes des travailleurs migrants et dans le but de promouvoir l’égalité d’accès à l’éducation, depuis 2003, le gouvernement a essayé de prendre des mesures pour intégrer les enfants des travailleurs migrants dans le système éducatif public.

教育

12%

C’est la proportion d’enfants et adolescents urbains souffrant d’obésité.

30%

C’est le pourcentage des 800 000 cas de surdité d’enfants de moins de six ans qui sont dus à l’usage inapproprié de médicaments.

40%

C’est le taux d’augmentation en cinq ans des difformités à la naissance selon le Centre de Veille sur la Difformité de Naissance. Ce taux est passé de 104,9 pour 10 000 naissances en 2001 à 145,5 en 2006. Parmi les 20 millions de nouveaux-nés chaque année, 800 000 à 1,2 million sont nés avec une malformation qui ne peut être éliminée que dans 20-30% des cas . X i ny i Cao-Diot E x t ra it s des Chroniques social es publ iées pa r l ’A mba ssade de Fra nc e en Ch i ne C ont act : a ssist a nt.socia l@ a mba f ra nc e-cn.org

Connexions / février - mars 2009  47


DOSSIER

专栏

© DR

Wang Xiao Qing est pédiatre à l’hôpital Chaoyang au centre de Pékin. Elle s’interroge sur la répartition des rôles dans la famille chinoise qui brouille les différences entre les générations.

« Les jeunes parents se déchargent souvent sur les Connexions : Pouvez-vous nous présenter votre service ? Wang Xiao Qing : L’hôpital de Chaoyang

W. X. Q. : En Chine, les pédiatres n’ont pas le

W. X. Q. : Un impact très important. J’ai re-

est en plein centre de Pékin. Le service de pédiatrie a une quinzaine de lits pour les enfants hospitalisés et une quinzaine de médecins qui assurent jusqu’à deux cents consultations par jour (en moyenne une soixantaine). Nous accueillons des enfants de moins de 14 ans. Nous avons relativement peu de patients nourrissons car, en Chine, les pédiatres sont là pour soigner les enfants malades, pas pour des visites de routine. Il n’y a ni carnet de santé, ni système de consultations obligatoires bien organisé. Les vaccins se font dans un centre à part.

temps de donner des conseils. Ils ne sont pas assez nombreux. Mais de façon générale, en Chine, on encourage l’allaitement maternel. Le choix de faire dormir ou non l’enfant dans la chambre des parents dépend des conditions de vie de la famille. J’observe qu’aujourd’hui en Chine, de plus en plus de parents qui en ont les moyens, préfèrent installer l’enfant dans une chambre séparée avec baomu. En matière de nourriture, nous recommandons de commencer à diversifier à partir de 6/8 mois… Quant à la tétine, en Chine, on l’utilise très peu, on préfère laisser les enfants sucer leur pouce. Un débat commence à exister.

C. : Vous arrive-t-il de donner des conseils aux jeunes parents : où dormir, que manger, tétine… ?

C. : Observez-vous un impact de la politique de l’enfant unique dans vos consultations ?

marqué que les jeunes parents, qui sont eux-mêmes des enfants uniques, ne savent pas toujours bien s’occuper des enfants et se déchargent sur leurs parents qui jouent à nouveau le rôle parental. Très souvent, par exemple, ce sont les grands-parents qui emmènent les enfants en consultation. C’est terrible car il n’y a plus de différence entre les générations. Il y a un amalgame entre le rôle de grands-parents et celui de parents. Quand les jeunes enfants vivent dans l’environnement de leurs grands-parents, cela les façonne. En outre, quand les grands-parents se chargent de l’éducation de l’enfant au quotidien, ils ont tendance à trop le gâter et quand les parents le récupèrent, ils n’ont plus d’autorité et l’enfant

48 Connexions / février - mars 2009


100 millions d’enfants uniques corporels? W. X. Q. : Oui. J’ai vu personnellement des enfants se faire frapper parce qu’ils refusaient une perfusion. Parfois, c’est la mère qui trinque directement.

C. : Est-ce que les parents jouent avec leur enfant ? W. X. Q. : Avec l’enfant unique, ils n’ont pas le choix. S’ils ne le font pas, les conséquences sont immédiates : les enfants passent leur temps devant un écran et souffrent de problèmes oculaires. En général, dans les familles chinoises, on invite peu de petits copains.

C. : Que pensez-vous de la pratique de l’internat assez jeune pour favoriser l’autonomie ? W. X. Q. : Je pense que cela peut être tout à fait positif. Personnellement mon fils a été en internat de l’âge de 6 ans à l’âge de 12 ans. J’avais pris la décision parce que je travaille souvent de nuit et que mon mari voyage beaucoup pour son travail. Je ne le l’ai pas regretté. Mon fils revenait toutes les semaines et il a pris de bonnes habitudes. Il a appris à ranger ses affaires, à prendre des décisions tout seul. De plus comme les enfants uniques sont souvent seuls, ils profitent en internat d’un environnement où ils ont des copains de leur âge. Vivre dans un environnement enfantin est préférable à vivre dans un environnement d’adultes, comme c’est la cas pour la majorité des enfants uniques.

grands-parents » est difficile à gérer. Je pense qu’un bébé de trois mois a besoin de ses parents. S’il est élevé par les grands-parents, il y a une rupture de l’attachement affectif.

C. : L’attitude de vos patients étrangers diffère-telle de celle de vos patients chinois ? W. X. Q. : Oui. Dans les familles chinoises, il n’est pas rare que toute la famille vienne dans la pièce de consultation : parents, grands-parents et baomu (nounou). J’observe que les parents étrangers sont plus présents et cherchent davantage à communiquer avec le médecin. Les parents chinois, en général, veulent des résultats immédiats et manquent de patience. Je vois peu d’hommes s’occuper des enfants.

C. : Observez-vous une pression croissante sur les enfants qui menacerait leur santé ? W. X. Q. : Ces dernières années, je vois effectivement de plus en plus d’enfants qui, venant consulter pour certaines maladies, manifestent des troubles psychologiques — des tics, des phobies. Ils se plaignent de maux de tête et de difficultés respiratoires, alors que les examens ne révèlent rien. C’est clairement le résultat d’un manque de sommeil. Je pense que la pression vient surtout des parents, même si l’école joue un rôle. J’essaie de dire aux parents qu’il faut consulter. Mais on manque de psychologues pour enfant. Un département de psychologie s’est ouvert il y a trois ans dans un hôpital pour enfant de Pékin. C’était une première. Avant, on envoyait les enfants dans les hôpitaux pour malades mentaux adultes.

Propos recuei l l is pa r A n ne Ga rrig ue

教育

Un cours de musique dès huit mois Avec la course à la réussite, l’enfant chinois apprend très tôt à être le plus actif et dynamique possible. Considéré comme une véritable éponge à connaissances, le nouveau–né doit acquérir les habitudes et connaissances qui lui serviront pour donner le meilleur de lui-même. Pour y parvenir, les parents sont prêts à inscrire leurs enfants à des cours avant même qu’ils sachent marcher ou parler. En milieu urbain, il existe donc des écoles qui proposent des cours d’éveil pour bébé. Ici l’enfant unique, jusqu’alors le petit roi de la maison, apprend avant tout la vie en communauté. Dans des classes de 3 à 10 élèves, les enfants se frottent aux réalités qui les attendent dans le système scolaire et dans la vie en général. Liu Yue, dont la petite fille a 8 mois et suit un cours de musique à l’école Gymboree, a les idées claires sur l’utilité d’une telle formation. « Suivre un tel cours dès le plus jeune âge donne à l’enfant une notion de l’organisation et de l’emploi du temps  » explique-t-elle. La maman a également été séduite par plusieurs côtés pratiques, l’école n’étant pas loin de sa maison et propre et bien tenue. Plus le bébé grandit; plus il pourra profiter de la richesse des enseignements offerts dans les cours d’éveil : à 18 mois il pourra apprendre les arts et la peinture, à 3 ans il suivra des cours de connaissance du monde où l’on lui apprendra les coutumes de pays différents, et ainsi de suite jusqu’à 5 ans. Offrant une éducation novatrice, ce type de formation pour les tout petits n’est cependant pas donné. Mme Liu paye ainsi 200 Rmb pour une leçon de 40 minutes mais apprendre « des choses au-delà du pratique et du quotidien qu’aucune nounou ne pourra enseigner », n’a pas de prix à ses yeux. A nton ia Cim i n i

C. : Observez-vous des recours aux châtiments Connexions / février - mars 2009  49


DOSSIER

© Imagine China

专栏

Finie l’attention portée aux anciens. Désormais on se concentre sur le bébé ! 对长辈不再关注,人们把注意力全部放在孩子身上

Papa, maman, baomu et moi « Un enfant, ça vous change la vie! » Plus que n’importe où ailleurs, cette remarque sonne juste en Chine avec des familles entières vouées à entretenir le seul descendant auquel tout couple a droit. Avec bien souvent six adultes pour un enfant, la révolution de l’enfant unique génère aujourd’hui une véritable course entre parents, grands-parents, oncles et tantes dont le but est de prendre soin le mieux possible du nouveau-né, en milieu urbain. « C’est pour qu’il n’ait pas à vivre ce que nous, nous avons vécu à notre époque quand il n’y avait rien. Maintenant qu’il y a tout, mieux vaut en profiter » explique la grand-mère du jeune Yin He. Âgé d’un an, le petit garçon est le fils d’un fonctionnaire et d’une enseignante d’anglais qui ont attendu trois ans après le mariage pour concevoir un héritier. « Il fallait être sûr que tout soit prêt pour sa naissance » raconte son père. La politique démographique chinoise a, en fait, changé en une génération l’équilibre du noyau familial : finie l’attention privilégiée portée aux anciens. Désormais, on se 50 Connexions / février - mars 2009

concentre sur le bébé ! La grand-mère de Yin He vient d’arriver à Pékin du Shanxi, sa province natale. Elle amène avec elle une baomu, la nouvelle « nounou » qui va s’occuper du petit. « Nous avons préféré embaucher une baomu de notre région, parce qu’elle connaît bien nos habitudes et nous voulons donner au bébé une éducation traditionnelle » explique le fonctionnaire chinois. Tout de suite après la naissance de Yin He, sa mère a pris un long congé, chose assez inhabituelle pour des familles urbaines généralement entièrement vouées à la réussite professionnelle. « Je ne voulais pas que mon fils passe les premiers mois de sa vie avec un étranger donc j’ai tout fait pour mettre en veilleuse mon travail et obtenir d’être payée à mi-salaire pendant 6 mois ». Elle précise que ses références ont été les livres pédagogiques venus du Japon : « les japonais sont un bon modèle car leur culture est très proche de la nôtre mais ils sont beaucoup plus avancés. Ils respectent plus la liberté et la personnalité de l’enfant » explique-t-elle. La grand-mère n’est pourtant pas d’accord sur ce point car, selon elle, le bébé doit être

suivi dans tous ses mouvements. « Quand je suis ici avec la famille c’est moi qui m’en charge. Je balade Yin He au parc, je lui apprends à se tenir débout, mais il ne faut pas le laisser tout seul, il y a trop de dangers. Les Japonais eux n’ont pas de meuble dans la maison, leurs enfants ne risquent pas de tomber ou de se cogner contre les objets ! ». Liu Yue, qui est mère d’une petite fille de 8 mois, explique qu’elle aussi a préféré quitter son travail pour s’occuper de sa fille car « il y a des choses qu’une baomu ne peut pas enseigner ». Pour elle, « l’amour d’une mère ne peut être transmis par une « nounou » tout comme bien d’autres choses moins pratiques mais pourtant importantes comme la musique et les arts ». Des disciplines que Liu Yu envisage déjà d’enseigner à sa petite. Chen Zhongwen, une jeune entrepreneuse mère de deux enfants, a choisi une voie similaire en s’octroyant l’aide d’une baby-sitter à plein temps. Elle a choisi de pratiquer elle-même une pédagogie occidentale sans se priver de l’aide d’une baomu locale pour élever ses petits aujourd’hui âgés de 5 et 3 ans. « La baomu s’occupe de tout, elle les réveille, les prépare pour l’école, les accompagne et va les chercher. Moi je leur apprends à lire et à chanter, je leur raconte des histoires et je les aide à trouver leur personnalité. Tout faire toute seule serait autrement beaucoup trop difficile ». Chez Tong Lan, dont le seul fils de 10 ans est déjà un petit jeune homme, les rôles de parent sont bien définis. « Mon mari se charge de lui faire faire ses devoirs en math et en chimie et moi, à la fin de ma journée, je l’aide pour la littérature et l’anglais. De plus, le sport et les sorties récréatives sont du ressort du père alors que c’est moi qui l’emmène à l’église ou visiter les musées. Mais en général on lui demande toujours son avis et on essaye de satisfaire toutes ses envies ». Mais attention, si cela peut sembler le paradis pour beaucoup d’enfants chinois choyés comme pas deux, le rêve prend très rapidement fin. Assez vite les jeunes comprennent aussi que dans un avenir relativement proche, il va falloir prendre en charge parents, grands-parents, oncles et tantes en retour...

A nton ia Cim i n i


100 millions d’enfants uniques

Oedipe et le Fils du Ciel Premier psychanalyste de Chine, Huo Datong jette les bases d’une pratique psychanalytique proprement chinoise, arguant du fait que la psychanalyse ouvre un espace de libre parole indispensable en Chine. Son livre d’enretiens La Chine sur le Divan1, passionnant échange humain et intellectuel entre La Chine et l’Occident, retrace sa quête des fondements et des structures de l’inconscient collectif chinois. Extraits. « (…) en Chine, nous n’avons pas la possbilité d’approfondir sérieusement l’origine de tous [les] conflits psychiques. La psychanlayse offre un espace où on peut parler du conflit psychique avec les parents ou de ses relations sexuelles. (p.9899). ❚ L’hypothèse du complexe d’Oedipe est universelle. (…) cela fait partie des points communs entre l’inconscient occidental et chinois (p 69-70). ❚ Ma démarche solitaire en Chine ne m’a pas permis de trouver un mythe semblable à Oedipe dans la mythologie chinoise, pas plus que de Narcisse d’ailleurs. (…). J’ai puisé dans tous nos grands “classiques fondateurs et j’ai remarqué que tous nos souverains, maîtres spirituels ou lettrés célèbres depuis plus de deux mille ans, partagent un point commun : le mythe de la naissance2 [qui] explique l’apparition du premier père social, le premier père de la civilisation chinoise, (…), le “père originel” (p.78). ❚ Pour le psychanalyste, ce mythe met d’abord en évidence le poids du désir parental qui prime sur le désir sexuel (p.80). ❚ Le désir parental chinois s’affirme et s’exprime à travers le nom de famille d’une part et dans le choix du prénom donné à l’enfant d’autre part. Le nom de famille est transmis par le père, mais le père des origines, très loin dans le passé. Porter le nom de ce “père” relève d’une transmission symbolique et collective très puissante (p.80). ❚ [Les enfants] reçoivent d’abord un prénom et subissent par la suite l’encadrement strict de leurs parents. (…). Elevé dans une grande tolérance les premières années de sa vie, l’enfant sait imposer sa loi à toute la famille qui laisse faire. (…). Au moment d’entrer au

L’art chinois du prénom

collège, à l’âge de dix ans, les parents vont brutalement réglementer la vie de l’enfant. Objectif : réussite sociale. Les études deviennent la priorité majeure. Les jeux et les loisirs disparaissent de l’univers familial. Les parents ont eux aussi un défi à relever (…). Avec un seul enfant, ils n’ont pas le droit de rater l’éducation de leur progéniture. (…). Aujourd’hui, les parents concentrent tous leurs désirs et frustrations intimes sur leur seul enfant (p. 84-85). ❚ Parfois l’enfant peut se révolter ou se mettre en colère contre ses parents. Il explose, mais il ne peut pas fuir ce schéma. Les parents n’écoutent pas l’expression de ce malaise et ne transigent pas (p. 84). ❚ La nature de la famille patriarcale chinoise diffère de l’occidentale. En Chine domine encore le concept classique des “trois générations sous un même toit”. En France, on se marie et on quitte le domicile parental. En Chine, le fils se marie et le nouveau couple s’installe chez ses parents à lui. Son devoir consiste à maintenir et assurer la lignée familiale (p 66). ❚ En Chine, (…) avec le mariage, on enterre au fond de soi les psychoses. La réalité familiale est oppressante (…). L’interdit de la séparation sociale ne peut pas amener l’épanouissement personnel (p. 71). ❚ Freud et Lacan ont accentué le meurtre du père, mais en Chine, non, les ancêtres sont toujours bien vivants. L’autel des ancêtres installé dans chaque maison en est la preuve. Nous n’avons pas tué le père (p. 74). ❚ (…) on peut dire que la société occidentale accentue la relation du mariage et du contrat avec l’épouse. En Chine, on accentue d’abord la relation filiale. On privilégie surtout le prolongement de la filiation, la transmission entre les générations (p.64). ❚ (…) la relation filiale domine l’inconscient chinois. Là où Freud et Lacan vont traiter en priorité le conflit sexuel avec les parents, je vais avant tout m’attacher à soulager mes patients du poids de la relation filiale (p.84). »

La Chine sur le divan, entretiens avec Dorian Malovic, Editions Plon, avril 2008. 2 De nombreuses légendes remontant aux origines de la Chine (-200 av JC) racontent qu’une jeune fille après avoir rencontré un animal (souvent un ours) ou mangé un oeuf d’oiseau sacré ou simplement aperçu une étoile filante, tombe enceinte et donne naissance à un fils qui deviendra un grand roi. 1

教育

Réussite et succès commencent par le choix d’un prénom adéquat pour sa progéniture En Chine, trouver le prénom adapté pour son enfant peut demander beaucoup d’expertise. C’est pourquoi depuis la nuit des temps, et encore de nos jours, le pays entretient une tradition de « maîtres du prénom », auxquels toute famille se confie. Chez M.Wang, à côté du Temple des Lamas de Pékin, cette tradition s’est transformée en véritable entreprise : une dizaine de nouveaux-nés par mois font l’objet de l’attention quotidienne de ce vénérable ancien revenu à la surface avec l’ouverture des années 80. « Il faut connaître les esprits, l’histoire et l’art pour pouvoir choisir un prénom qui soit de bon augure pour toute la vie d’un être humain et qui lui assure la réussite » explique-t-il. En pratique, on donnera des prénoms très différents selon que le bébé soit mâle ou femelle. Pour les filles « il doit exprimer des qualités du caractère de la personne, ou rappeler la beauté de la nature » note le savant senior, « de manière à donner une sensation de tendresse et de fraîcheur appréciée chez toutes les dames ». Pour les garçons la question est plus compliquée : « les hommes ont la responsabilité de la famille, aussi bien que celle d’assurer une digne descendance à la lignée. Le prénom doit alors signifier la force, la connaissance ou la vertu afin qu’il puisse satisfaire les attentes qui l’entourent ». Si dans la Chine féodale les bébés pouvaient s’appeler « bambou » ou « bol » pour ne pas défier les esprits, ce fut ensuite le maître d’école qui se chargea de nommer avec sagesse. Aujourd’hui, il suffit de payer et chez M. Wang, l’avenir est assuré au prix de 1000 Rmb ! A nton ia Cim i n i

Connexions / février - mars 2009  51


DOSSIER © Imagine China

专栏

Le gouvernement tente de rattraper le retard, mais l’école reste inégalitaire.

L’école primaire obligatoire depuis 1986 seulement Leçon de piano, de mathématiques olympiques, cours avancé d’anglais…, la liste des cours supplémentaires que prennent les enfants chinois qui visent à entrer dans des écoles d’élites est longue et les horaires chargés. A l’opposé, les enfants des campagnes doivent se contenter de professeurs

tournants et de classes mal équipées ou surchargées, de programmes et d’horaires réduits. L’école chinoise est à plusieurs vitesses. Face au défi gigantesque que représente la scolarisation de plusieurs centaines de millions d’enfants, le gouvernement a fourni

un effort indéniable et fait de l’éducation une priorité. « Socialisme scientifique » oblige, le budget de l’éducation est en constante augmentation. Mais l’objectif, annoncé en 1993, de consacrer 4% du PIB à l’éducation avant l’an 2000 n’est toujours pas atteint. Et, alors

Taux de scolarisation en 2004

40,75%

Pré scolaire (de 3 à 6 ans)

98,95%

Primaire général (de 6 à 11 ans)

Source : service de coopération universitaire de l’ambassade de France (mars 2006)

52 Connexions / février - mars 2009

94,1%

Secondaire 1er cycle général (de 12 à 14 ans)

47.55%

19%

Secondaire 2ème cycle général (de 15 à 17 ans)

Supérieur (après 18 ans)


100 millions d’enfants uniques

政府力图追赶差距,但是学校之间仍然不平等

que le nombre de diplômés d’université est en croissance exponentielle (25 millions d’étudiants en 2008 contre 20 millions en 2004), dans les zones rurales, en 2004, plus de 2,3 millions d’élèves arrêtaient encore leurs études avant la fin des neuf années obligatoires1.

Vers la gratuité du primaire Il aura fallu attendre 1986 pour que le gouvernement chinois inscrive l’obligation scolaire dans la loi2, pour une durée variable selon la résidence (cinq ans à la campagne, six ans dans les villes). Durée qui fut prolongée en 1998 jusqu’à 9 ans pour tous, mais toujours sans gratuité. Dans les années 80/90, alors qu’émergeaient des établissements d’enseignements privés3, les pouvoirs publics s’attachaient en priorité à l’amélioration de la qualité des filières pour les élites et à la rénovation et l’ouverture de l’enseignement supérieur. C’est en 2006 que finalement un programme de gratuité totale de la scolarisation obligatoire, dans les campagnes en 2010, et dans tout le pays en 2015, est lancé. Il a commencé par l’enseignement primaire, ce qui a permis d’imposer l’éducation des fillettes à la campagne. Mais la scolarisation primaire et secondaire restant liée au lieu de résidence et aux moyens consentis par l’administration locale, cela entraîne des inégalités et un surcoût pour les familles dont les enfants fréquentent une école hors de leur lieu d’origine, comme c’est le cas pour les enfants de travailleurs migrants. Le système scolaire chinois comporte un enseignement primaire de six ans, démarrant à 6-7 ans, fréquenté en 2004 par 112 millions d’élèves, instruits par 5,6 millions d’instituteurs dans près de 400 000 écoles. L’enseignement secondaire est divisé en deux cycles de trois ans chacun. Il regroupait respectivement en 2004, 64,7 et 22 millions d’élèves pour 3,4 et 1,2 millions de professeurs. L’admission d’un cycle à l’autre s’effectue traditionnellement sur la base d’un concours. Si le concours d’entrée en primaire a été supprimé, le concours Zhongkao qui permet d’entrer en collège et le Gaokao qui ouvre les portes de l’université

教育

aux lycéens restent en vigueur. Au programme de l’enseignement primaire urbain du chinois, des maths, du sport, de la musique et du dessin, ainsi qu’une introduction élémentaire à la nature, la géographie et l’histoire. L’apprentissage d’une langue étrangère, le plus souvent l’anglais, commence dès la troisième année. Les enfants suivent aussi un enseignement moral qui insiste sur l’amour de la patrie, du parti communiste et du peuple. Beaucoup d’écoles organisent des activités extra-scolaires et encouragent le service à la communauté. Mais à la campagne, les programmes sont souvent moins complets et les horaires deviennent flexibles en fonction des travaux des champs.

A n ne Ga rrig ue

Note de synthèse sur le système éducatif chinois , service de coopération universitaire de l’ambassade de France, publiée mars 2006 2 L’obligation scolaire dans le primaire avait été proclamée une première fois sous l’empire en 1909. Mais, jamais appliquée, faute de gratuité, elle fut abandonnée sous le régime communiste. 3 La loi sur l’éducation privée est entrée en vigueur en septembre 2003. Fin 2005, il y avait 79 000 écoles privées regroupant 17, 6 millions d’élèves toutes catégories confondues (source : China.org.cn) 1

La compétition en chiffres Côté enfants 70% des enfants travaillent le week-end. 57,6% se sentent stressés à propos de leurs études. 66% prennent des cours supplémentaires pendant les vacances. 2005 rapport annuel du China Teen Research Center

Côté parents : 50% des parents s’intéressent exclusivement aux études. 32% mettent des notes sur d’autres matières. 83% s’inquiètent d’une politique qui réduirait la charge de travail des enfants. Rapport sur le développement de l’enfant, 2003

Situation de l’enseignement primaire et secondaire en 2004 Niveau

Nombre de professeurs à temps plein

Nombre d’employés de l’éducation

Nombre d’établissements

Nombre d’élèves en cours d’études

Primaire1

5 628 860

6 171 358

394 183

112 462 256

Secondaire 1er cycle2

3 476 784

64 750 006

63 060

64 750 006

Secondaire 2

1 190 681

5 632 941

15 998

22 203 701

ème

cycle3

Source : service de coopération universitaire de l’ambassade de France( mars 2006)

Connexions / février - mars 2009  53


DOSSIER

Les enfants de mingong, refusés dans les écoles publiques, n’ont quasiment aucune chance d’intégrer une université. 民工的孩子上不了城里的公立学校,几乎没有机会考大学

Un système scolaire à deux vitesses Soient deux écoles. La première, dans un village de la banlieue nord de Pékin est dépouillée des attributs qui font la fierté de la plupart des écoles chinoises. Pas de portail imposant en marbre, pas d’inscriptions en caractères dorés, pas de drapeau. Au bout d’un chemin boueux et défoncé, une grille ouvre sur une douzaine de bâtiments préfabriqués, sans étage. Les slogans courent en frises en haut des murs, en caractères rouges sur fond de photos de paysages : « Confiance et estime de soi, force et indépendance… » Dans les salles de classe, on entend les enfants lire à voix haute, en chœur. Quelques écoliers jouent en groupe dans la cour après la gymnastique matinale, la plupart portent un bas de survêtement bleu : la moitié de l’uniforme de l’école. C’est une école privée, à l’extrêmité inférieure de l’éventail social chinois qui s’ouvre à toute vitesse. La directrice est une jeune femme d’une trentaine d’années au sourire élégant. Dans son bureau, des plaques de cuivre sont posées sur un fauteuil, elles saluent la réussite de cette école « administrée par la société civile ». Les livrets rouges des instituteurs sont rangés dans une grande vitrine. La jeune femme raconte l’histoire de l’école qu’elle a fondée il y a sept ans. Le village est situé au nord du 6e périphérique, là où les 54 Connexions / février - mars 2009

tours du nouveau Pékin grignotent les vergers de pommiers et les champs de maïs. Les habitants sont pour l’essentiel des travailleurs migrants, des mingong, débarqués des campagnes pour s’embaucher sur les chantiers, et dont les écoles publiques refusent les enfants. « Moi aussi, je viens d’un milieu rural, poursuit la directrice. Après mes études à l’école normale, je suis venue m’installer ici pour travailler à Pékin. Je voyais tous ces enfants d’âge scolaire paresser sur le marché, ils n’avaient pas accès à l’enseignement. J’ai décidé de faire quelque chose pour eux. » En 2001, avec le soutien de ses proches, elle a réuni 25 000 Rmb, acheté du mobilier d’occasion et quelques vieux ordinateurs. Les droits d’inscription, 400 Rmb par enfant et par semestre, paient le loyer et les salaires des 30 enseignants (900 Rmb par mois). Il n’y a aucun financement de l’Etat. L’agglomération de Pékin compte environ 250 écoles de ce type. « Lorsque j’ai lancé ce projet, je n’imaginais pas que ce serait aussi difficile : donner à ces enfants des salles de classe, leur trouver des professeurs… Et il y a encore beaucoup de travail pour améliorer la qualité de notre enseignement. L’éducation, c’est une tâche infinie. » Mais elle ajoute : « Les enfants sont innocents, leur esprit est pur. Si vous les trai-

tez bien, ils vous traitent bien, c’est ma plus grande satisfaction. » Ses vœux sont de rassembler assez d’argent pour monter une salle multimédia et payer un peu mieux ses professeurs, pour les fidéliser. L’école accueille 600 enfants, de la maternelle au collège. Ils sont origiaires de 18 provinces différentes. Les meilleurs sont orientés vers des fillières d’apprentissage, la majorité se retrouve sur le marché du travail à 16 ans. Aucun d’eux n’a la moindre chance de poursuivre des études supérieures. « Peut-être qu’un sur dix mille y arriverait, mais ils n’ont pas le background familial qu’il faut : leurs familles sont pauvres, et ne leur aportent pas l’atmosphère favorable aux études. » La prestigieuse université de Tsinghua est à moins de 30 kilomètres. « Si proche, mais si lointaine », soupire la directrice. Au fond de la cour, elle a fait peindre sur un mur un slogan du Premier ministre : « Sous un même ciel bleu, élevons nous et progressons ensemble. » Elle explique que Wen Jiabao se soucie de combattre la discrimination dont souffrent les enfants de migrants, qui n’ont pas les mêmes droits que les enfants des villes. La directrice a voulu rester anonyme. Nous ne donnerons ni son nom ni celui du village. Elle est fière de ce qu’elle a réalisé mais

© Imagine China

专栏


教育

© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

Le retour de Confucius dans certaines écoles primaires marque un renouveau des valeurs traditionnelles. 儒家思想重回小学校园标志着传统价值观的回归

craint que cela soit utilisé pour donner une mauvaise image de son pays. L’école de Fuxue Hutong, située dans un quartier historique de Pékin, est à l’autre extrêmité du spectre. Entre 16h30 et 17h00, à la sortie des cours, des flottilles de vélos et de tricycles conduits par des grandspères convergent vers le portail de l’école, un grand vantail rouge au-dessus duquel on devine des toits en pagode (l’école est située dans un ancien temple confucéen du XIVe siècle). Ici, les familles n’épargnent aucun effort pour offrir à leurs enfants uniques le meilleur environnement de travail possible. Hu Jinsong est venu chercher à vélo son petit-fils de 11 ans : « Comme 80% des enfants, il est attendu à la sortie de l’école, parce que le trajet pour rentrer à la maison est dangereux. » Il estime que les élèves travaillent beaucoup plus qu’à son époque. En plus des huit heures de cours quotidiennes (entre 7h30 à 17h), son petitfils suit des cours de « Cambridge english » et de « maths olympiques ». « Les enfants d’aujourd’hui, dit-il, sont plus gâtés que nous l’étions, mais l’enseignement est plus exigeant, et plus stressant. » L’école est très courue. C’est la voie royale vers les meilleures universités, le péage y est à la hauteur. Pour entrer à l’école de Fuxue Hutong, il faut avoir le bon hukou et faire une donation de 50 000 à 60 000 Rmb, qui s’ajoute à un budget annuel de près de 5 000 Rmb, cantine comprise.

Hu Jinsong est ingénieur à la retraite, le père de l’enfant est diplômé de l’université de Tsinghua. « L’enfant montre du talent dans les matières scientifiques, dit le grand-père. J’espère qu’il suivra cette voie. » Le système scolaire chinois a été saccagé pendant la Révolution culturelle, lorsqu’étudiants et professeurs étaient envoyés à la campagne pour se réformer par le travail et apprendre au contact des paysans. Pendant deux mois de l’été 1966, les écoles comme les temples ont été livrées à la folie des Gardes rouges. Dans la seule capitale, plusieurs dizaines de professeurs ont été battus à mort par leurs élèves. Une décennie de glaciation a suivi, celle d’une génération sacrifiée pour les études, puis encore dix ans de convalescence. L’école de Fuxue Hutong, avec sa statue de Confucius et ses 3 600 élèves répartis en deux groupes pour pouvoir les aligner chaque matin dans la cour pour la séance de gymnastique, incarne ce renouveau, associé à un retour aux valeurs traditionnelles. Le système éducatif chinois, refondé autour des notions centrales de travail et de sélection, intéresse beaucoup les pédagogues américains, qui voient débarquer sur leurs campus des étudiants à l’impressionnante mémoire, capables d’encaisser d’énormes charges de travail. Mais en Chine même, quelques esprits indépendants le critiquent sévèrement : « Depuis trente ans, la Chine a évolué de façon positive dans tous les

domaines excepté l’éducation, s’emporte le journaliste Li Datong, ancien directeur du Bing Dian (Freezing Point), supplément hebdomadaire du China Youth Daily. Au lieu de former des citoyens, son système éducatif fait des étudiants des machines à examens. Dans les matières scientifiques, les étudiants exercent leur esprit, mais pour l’histoire et la politique, tout ce qu’on leur demande, c’est de mémoriser des doctrines. » Lorsqu’il explique les objectifs pédagogiques de son école, Wang Zhe, directeur des études, cite Confucius : « Les règles pour les disciples sont d’abord la piété filiale et le respect pour les anciens, ensuite la prudence et la crédibilité. » Depuis quatre ans, l’école joue le rôle de pilote pour réintégrer les principes vieux de plus de vingt siècles dans la pédagogie. « Beaucoup de ces principes sont dépassés, mais certains sont utiles aujourd’hui pour le développement de notre enseignement. » A cet âge (entre 7 et 12 ans), le but de l’école est d’en faire des sujets sociaux : « Avant tout, les élèves doivent savoir qu’ils sont chinois. C’est-àdire : dans quel environnement je vis, quel est mon pays, comment s’est-il développé dans l’histoire. » Il ajoute que les élèves peuvent ne pas comprendre ce qu’ils apprennent par cœur, mais que l’essentiel est de stocker le plus possible d’informations.

•R achel Tubief f

Connexions / février - mars 2009  55


DOSSIER

专栏

1 300 ans d’examens Le confucianise a marqué profondément le système d’éducation chinois, notamment à travers les examens impériaux. L’idéal était d’amener un fils à passer les examens impériaux pour devenir mandarin. Le succès de l’étudiant rejaillissait sur tout son clan. A son retour triomphal des examens nationaux, il n’était pas rare qu’on construise en son honneur un arc de triomphe. Les examens restèrent au centre du système de recrutement des fonctionnaires d’Etat de 605 à 1905. Les candidats étaient testés sur leurs capacités dans les « Six Arts » (musique, arithmétique, écriture, connaissances des rituels dans la vie privée et sociale, tir-à-l’arc et conduite du char) et les « Cinq Etudes » (stratégie militaire, droit civil, revenu et impôts, agriculture et géographie, Classiques confucéens). Selon un édit impérial de 1462, l’étudiant devait « lire et relire les Classiques des saints et des sages jusqu’à ce qu’il sache les réciter par cœur sans oublier aucun détail ». Les compositions devaient développer en huit paragraphes le sens d’une citation tirée d’un Classique. Ce genre donnait lieu à un bachotage effréné. De sévères contraintes de style et de nombre de caractères étaient imposés. Les examens duraient entre 24 et 72 heures. L’étudiant, enfermé dans sa cellule, devait rédiger son texte sans rature, qui conduisait à l’élimination. Pour rendre objective la correction, les candidats étaient identifiés par des nombres et leurs copies recopiées avant d’être notées. Théoriquement toute personne adulte masculine pouvait passer l’examen et, en cas de réussite, devenir un fonctionnaire de haut rang. Les candidats, venus de toute la Chine, y compris des régions périphériques, rêvaient d’obtenir des postes élevés de fonctionnaire, environ 5% y parvenaient. Ceux qui échouaient pouvaient servir de professeurs, de protecteurs des arts, gérer des projets locaux… Certains choisissaient de se rebeller. A n ne Ga rrig ue 56 Connexions / février - mars 2009

Une journée d’école

La journée commence tôt pour les quelque centaines d’élèves d’une école primaire modèle située au centre de Pékin. Bien que la cloche du premier cours ne sonne qu’à huit heures, les enfants les plus consciencieux arrivent en classe une demiheure à l’avance. Très en forme et bruyants, ces élèves sont tout de suite pris en charge par l’école qui leur sert un petit déjeuner classique à base de zhou, une semoule chinoise un peu fade, pour commencer la journée. La pitance est rapidement engloutie et, à huit heures, tout le monde est assis derrière son bureau sous l’oeil vigilant d’une maîtresse assistée d’une caméra installée dans chaque classe. Chaque cours dans les écoles chinoises dure 45 minutes au bout desquelles les élèves disposent de 10 minutes de pause afin de relâcher la pression. Après le premier enseignement de la matinée, l’école tout entière va se retrouver sur le terrain de sport de l’établissement pour une séance de gymnastique. Il s’agit d’un des moments les plus vivants de la journée scolaire, même les voisins et les grands-parents des élèves viennent observer les jeunes s’activer. Un maître d’éducation physique guide les écoliers au rythme de « un-deux-trois-quatre » dans une série de mouvements très dirigés et cela quelles que soient les conditions atmosphériques. Le lundi, les écoliers se retrouvent pour entonner en choeur l’hymne national comme l’exigent les règlements chinois. Dans les salles de classe, l’atmosphère reste bruyante durant les cours, même s’il est du devoir du chef de classe de faire en sorte que ses camarades soient le plus disciplinés possible. Sur les murs, des affiches rappellent l’importance de la rigueur afin que, dès le plus jeune âge, tout le monde connaisse les slogans les plus marquants. « Les huit honneurs et les huit hontes » issus des pensées du président Hu Jintao sont accrochées dans toutes les classes : « aimer la patrie et ne lui pas porter dommage » et ainsi de suite, les élèves, qui ne les connaissent pas

Le matin, l’école tout enière se retrouve sur le terrain de 全校学生在操场上做操

Schwabing, centre édu Le centre Schwabing, créé en 2003 à Pékin dans le quartier de Haidian, est unique en Chine. Ouvert aux enfants de 6 à 16 ans scolarisés dans les écoles chinoises, il propose une méthode d’apprentissage qui complète l’éducation dispensée par l’école en favorisant l’ouverture d’esprit. Créée spécialement pour l’enfant chinois, cette méthode vise à renforcer les aptitudes de l’enfant, à lui apprendre à réagir positivement dans diverses situations, à mieux se connaître et à s’ouvrir sur l’extérieur. Les dimensions psychologique et sociale y tiennent une place importante. Sa conceptrice Lan Hai qui dirige le centre a été formée à l’université de Munich dans les domaines de l’éducation, de la psychologie et de la sociologie. Depuis la création du centre, quelque 2 000 enfants ont suivi sa méthode éducative, au long d’un cursus de 2 à 3 ans, à raison de 2 heures le weekend et de voyages en Europe pendant les congés scolaires. L’enseignement se veut « discret », organisé autour de cours sur l’histoire, l’art, la culture traditionnelle chinoise, la géographie, le commerce, les sciences, les religions et aussi les « affaires militaires » avec une ré-


© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

sport pour une séance de gymnastique.

ucatif original

flexion sur les stratégies en cas de conflit. Les professeurs sont tous issus d’instituts spécialisés en psychologie, histoire, etc. Ils remettent chaque mois un bilan aux parents sur ce qui a été étudié, l’attitude de l’enfant, les problèmes rencontrés et les solutions pour surmonter les difficultés. Les séances de cours sont suivies de discussion et d’activités avec les enfants, les entraînant à la réflexion et à l’analyse de leurs réactions individuelles. Les parents ont tous en commun d’avoir vécu ou travaillé à l’étranger. Ils souhaitent l’excellence pour leur enfant, veulent les préparer à la dure compétition internationale et à un environnement social en perpétuel et brutal changement. Le centre organise des séminaires chaque année pour répondre à leurs questions et les conseiller. Les parents constatent chez leurs enfants qui ont suivi le programme une plus grande ouverture d’esprit, une meilleure concentration et un intérêt accru pour l’école. Ma ria m L oussig nia n Info : www.shangbin.com.cn Tél. : (86-10) 82123987 # 8601 1 Lan Hai explique sa méthode dans un livre : « De quoi a besoin l’enfant » 《孩子需要什么》(中国妇女出版社 )

par cœur, sont tout de même bien exposés aux leitmotiv du Parti. La matinée standard comprend encore trois cours après la gymnastique. Les enseignements principaux sont la langue chinoise, les mathématiques et les sciences naturelles. A côté de ce cursus ordinaire viennent s’ajouter des matières plus spécifiques au pays. C’est le cas du « cours sur la société », où l’on apprend les manières à la chinoise, en particulier à respecter parents et personnes âgées à travers l’initiation aux textes de Confucius. Les leçons d’idéologie, une heure par semaine, permettent de se familiariser avec la pensée des grands leaders chinois. L’heure du déjeuner arrive enfin. Un repas est servi dans une salle commune bien que l’établissement, comme la plupart des écoles, ne dispose pas d’une cantine. La nourriture arrive directement depuis des chaînes de restauration et les menus suivent strictement « le règlement national », selon le responsable du réfectoire. Le repas est consommé à toute allure car les élèves, fortement encadrés le reste du temps, vont bénéficier d’une petite demiheure de récréation. Il s’agit du seul vrai moment de socialisation direct entre les enfants qui doivent cependant apprendre aussi à se surveiller les uns les autres : tour à tour, deux écoliers sont postés dans les couloirs pour s’assurer que rien n’arrive aux autres et que la recréation reste bien disciplinée. La pause ne dure guère et tout le monde regagne rapidement les salles de classe où un ultime petit jeu les attend avant les deux dernières leçons. Un hautparleur placé dans chaque classe se met en marche et automatiquement les enfants se mettent à se masser les oreilles, les joues et à bouger le cou. « Il s’agit d’une méthode pour détendre les muscles et garder une bonne position durant les longues heures où les enfants doivent rester assis » explique la maîtresse. Mais le moment préféré des nouvelles générations chinoises reste toujours la course dans les bras de leurs parents, venus les attendre à la sortie, pour goûter quelques instants de liberté avant de passer aux devoirs du soir.

A nton ia Cim i n i

教育

La pédagogie du loisir dans un quartier chic Chen Xiaohuan a dix ans, une bonne bouille sous ses lunettes rondes et déjà pas mal d’ambition. « Elle veut être écrivain » explique sa mère. La petite acquiesce, elle est en train d’écrire ses propres aventures. On n’en saura pas plus avant la publication. C’est presque normal dans son école, cinq enfants entre 7 et 13 ans ont déjà convaincu des éditeurs. L’école Yi Shi Fu Xiao, du district de JingAn l’un des plus chics de Shanghai, est connue pour son « éducation de loisir ». Les mardis après-midi, les enfants choisissent un enseignement optionnel : cuisine, artisanat, basket, etc. Il y a aussi un potager sur le toit où ils apprennent la botanique, une petite maison style rococo pour toutes les activités manuelles et une piscine de 25m, le tout gratuitement puisqu’il s’agit d’une école publique. Bienvenue dans l’école modèle de Shanghai ! Avec 1 760 élèves, cette école primaire est la plus grande du district. Elle accueille surtout des enfants du quartier mais 5% d’entre eux font plus d’une demi-heure de trajet pour profiter de cet environnement de rêve. Attention « l’éducation de loisir » ne doit pas faire oublier les exigences de résultat. « Notre école est surtout réputée pour la qualité de son enseignement, nous insistons sur l’importance d’acquérir une base solide en chinois » explique Lu Huiru, principale et professeur de chinois. Les parents veulent l’excellence pour leurs enfants. La mère de Chen Xiaohun révise avec sa fille une heure par jour, en plus des devoirs. S’ajoutent des cours d’anglais au moins 6h par semaine uniquement « parce qu’elle aime les langues » assure la maman. De même, elle jure qu’elle ne poussera sa fille à passer les concours d’entrée des meilleurs collèges que si celle-ci le veut. « Je le veux » s’empresse d’ajouter la petite. E .T. Connexions / février - mars 2009  57


DOSSIER

专栏

M. Sun et sa femme qui ont quitté leur province du Jiangsu en 1995 pour travailler à Shanghai tiennent aujourd’hui une petite boutique de cartes téléphoniques. Leur fille de 7 ans va à l’école municipale du quartier. Le couple s’estime chanceux : « Il y a encore 14 ans, cela aurait été inenvisageable. Nous aurions dû retourner dans notre province d’origine pour qu’elle puisse suivre une scolarité ou bien la laisser avec ses grandsparents ». M. et Mme Sun ont un permis de résidence temporaire shanghaien mais pas le hukou (permis de résidence permanente). Hukou signifie au sens propre, le foyer hu 户 et la bouche kou 口. Mis en place dans les années 50, son but était de recenser la population (le nombre de bouche à nourrir) et surtout de contrôler les migrations à l’intérieur du pays. En dehors de leur lieu de résidence permanente, les foyers ne peuvent avoir accès aux services sociaux, et en particulier au système d’éducation. Face au nombre grandissant de familles dans la même situation que les Sun et à la polémique soulevée dans le pays, le gouvernement a assoupli le système en 1998. Les portes de certaines écoles primaires et collèges, autrement dit pour la période d’âge de scolarité obligatoire, ont été entrouvertes. Cependant, la plupart des écoles demandait aux parents de payer un « fonds spécial de donation », ni plus ni moins une surtaxe. A Shanghai, les Sun ont eu de la chance. Leur fille a pu être scolarisée gratuitement. Toutefois, le problème se reposera plus tard, quand elle entrera au lycée, et surtout à l’université. Sans hukou, impossible d’accéder à une université shanghaienne, à moins peut-être d’avoir d’excellents résultats aux examens ! A n ne-L au re Mon f ret

58 Connexions / février - mars 2009

Travailleurs migrants : enfants en situation précaire

A Shanghai, 250 écoles accueillent illégalement les enfants de migrants.

© Imagine China

Hukou et scolarité Tout dépend des autorités locales

在上海,250所学校非法招收民工的子女

« Cette pièce sera bientôt un centre multimédia avec des ordinateurs pour les enfants » explique avec fierté Mme Wang, la directrice de l’école Sizhao, sur le seuil d’une vaste pièce refaite à neuf. Cette école pour enfants de migrants bénéficie du soutien du bureau de développement de Pudong depuis fin 2008 qui la reconnaît officiellement et surtout « le district paie les frais de scolarité, l’éducation est devenue gratuite pour les enfants », dit Mme Wang. Voilà pour le côté pile. Côté face, au moment où la directrice annonce la bonne nouvelle, des ouvriers font tomber le mur d’un des bâtiments qui bordent la cour sans un regard pour les enfants en récréation. L’école située au pied du chantier de la future autoroute qui reliera l’aéroport au site de l’Expo 2010 est continuellement plongée dans un nuage de poussière, les installations restent en grande partie vétustes. Les enfants de migrants restent des élèves de « seconde zone ». Parce que leurs parents n’ont pas le précieux hukou, iIs n’ont pas le droit d’entrer dans les écoles des villes. Du coup des écoles d’abord illégales ont poussé en périphérie des villes pour ces enfants flottants, à Shanghai elles sont plus de 250. L’enseignement y est de moins bon

niveau que celui des écoles locales et leur situation est très précaire. A Shanghai, une école de Baoshan a dû déménager sept fois, à chaque fois repoussée par de nouveaux projets immobiliers. L’an passé, les grandes villes ont annoncé une série d’efforts pour améliorer le sort des enfants de migrants en partie pour limiter les mécontentements en cette période de crise économique. A Shanghai, quatre écoles pour migrants de Pudong ont été inclues dans le programme obligatoire au même titre que n’importe quelle école privée de la ville. Ces écoles dépendent aussi de la générosité de la société civile. Corinne Hua de l’association Stepping Stones visite régulièrement Sizhao, comme beaucoup d’autres écoles pour placer des professeurs d’anglais bénévoles : « Le niveau d’anglais est très discriminant pour tout type de concours, les petits Shanghaiens du centre ville ont des cours avec des anglophones plusieurs fois par semaine » explique-t-elle. Dans l’établissement de Mme Wang, le professeur d’anglais titulaire n’est pas au niveau. Selon le rapport sur les écoles de Shanghai publié en janvier par l’ONG Loving Heart, 65% des professeurs des écoles pour migrants de Pudong ont suivi une formation


100 millions d’enfants uniques professionnelle courte ou n’ont pas dépassé le secondaire. A Sizhao, les élèves sont près de 700 répartis dans des classes de 60 dans les neuf niveaux de scolarité obligatoire (de 7 à 16 ans). S’ils veulent faire des études supérieures, ils doivent retourner dans leur province d’origine passer le gaokao. « Deux de nos élèves ont fait l’université du Sichuan » assure avec fierté Mme Wang. Très peu rapporté aux milliers d’élèves passés entre ces murs depuis la création de l’école en 1999. Selon le rapport de Loving Heart, un officiel du bureau de l’éducation de Shanghai a reconnu que les enfants de migrants n’avaient pas accès aux lycée de Shanghai pour ne pas faire de concurrence aux Shanghaiens à l’entrée de l’université. On ouvre la porte aux enfants migrants mais pas trop grand.

Emi lie Torgemen

http://china-crossroads.com/2009/01/07/ shanghai-migrant-schools-report/

La discipline

Dans la province du Sichuan, une jeune enseignante demande à ses élèves de 15 ans d’étudier après les cours pour préparer les concours d’entrée au lycée. Un des élèves refuse. Elle le frappe alors avec un livre. Les parents l’accusent d’avoir maltraité leur fils et lui demandent de s’excuser à genoux. Le harcèlement des parents l’entraîne en hôpital psychiatrique. Si cette histoire est un cas extrême, elle n’en demeure pas moins symptomatique. Pression des examens et de l’école sur les professeurs dont la face dépend directement des résultats obtenus par leurs élèves, parents exigeants et surprotecteurs, classes surchargées (40 à 50 élèves dans le secondaire), tradition confucéenne soulignant l’obéissance et le respect du professeur, contraignent à une discipline stricte. On peut comprendre que certains enseignants deviennent « fous » face au problème complexe de la discipline en Chine.

教育

Ce contexte amène à des situations diamétralement opposées. D’un côté, on peut encore entendre des histoires sordides comme ce professeur peu expérimentée en zone rurale qui ordonna aux garçons de sa classe de frapper avec un bâton un de ses élèves de 9 ans parce qu’il n’avait pas fait ses devoirs. Si l’humiliation publique est ancrée dans la culture chinoise, les châtiments corporels sont officiellement abolis et punis depuis 1949. « Un enseignant qui porte la main sur un élève peut perdre sa place », explique un professeur. D’un autre côté, l’autorité traditionnellement accordée au professeur semble être mise à l’épreuve dans certaines classes où des élèves dorment ou envoient des SMS. Les professeurs, «  pris en sandwich entre deux planches » (san jia ban), tendent aujourd’hui malgré tout à utiliser davantage les éloges et les récompenses plutôt que le bâton.

A n ne-L au re Mon f ret

Connexions / février - mars 2009  59


DOSSIER

专栏

Dans les prisons, un détenu sur dix serait un mineur L’augmentation de la délinquance juvénile en Chine tout au long de la politique des réformes semble poser un réel défi à la Chine. Sur la délinquance juvénile, les enquêtes de première main sont inexistantes, mais les statistiques officielles laissent apparaître qu’environ 1 détenu sur 10 est mineur. En 2008, 88 891 mineurs ont été arrêtés, suivant en cela une augmentation annuelle connue de 1,6% environ depuis le début du millénaire. Le nombre des affaires civiles concernant la protection des droits et des intérêts des moins de 18 ans est également en hausse constante. Un programme national d’action pour le développement de l’enfant (2001- 2010) a été lancé par le gouvernement pour répondre à une situation jugée préoccupante1.

Nations Unies (celles-ci définissent de façon très précise leurs droits au cours des trois phases de l’instruction, du jugement et de l’exécution de la peine), et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989. Ratifiée par la Chine en 1992, cette convention est l’instrument juridique le plus important car légalement contraignante pour le pays signataire. L’un de ses piliers, qui fait également partie des principes fondamentaux du droit chinois, est la reconnaissance de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Les projets pilotes exceptionnels (comme la création de la première cour pour mineurs à Shanghai en 1984), parfois nés d’initiatiLa protection juridique ves de type associatif, témoignent comme La justice spécialisée pour les mineurs dans tous les autres pays dans le monde étant le domaine des droits de l’enfant où (que l’on songe à l’évolution en France des la communauté internationale a le plus ordonnances de 1945 aux dernières réforlégiféré, l’influence du droit et des prati- mes de Rachida Dati) d’une transformation ques internationales en la matière a été laborieuse mais réelle. Ainsi, l’importante très importante en Chine Loi sur la protection des depuis les années 80. Les droits des mineurs de projets de coopération et la « La justice des 1991 (amendée en 2007) circulation des idées ont été mineurs se fonde a établi un système de essentiels pour faire évoluer sur une vision responsabilité pénale proun système, à l’origine es- encore largement portionné en fonction de sentiellement punitif, vers la confucéenne du l‘âge et de la capacité du notion de « justice des non rôle de la famille mineur à être responsable. adultes » (weichengnian ou Seuls les mineurs ayant et de l’école.» qing shaonian), inspirée de atteint 16 ans assument la formule en anglais juveune responsabilité pénale nile justice puis, du principe complète. Aucune peine nouveau en droit international, « d’enfants de mort ne peut être prononcée à l’enconen conflit avec le droit ». L’influence d’un tre d’une personne qui n’avait pas 18 ans au courant important de pénalistes chinois moment des faits. L’assistance d’un avocat réformateurs a également permis la mise est aujourd’hui légalement obligatoire et en place, depuis le début des années 1990, la publicité des audiences est restreinte. Il d’une législation essentiellement protec- y aurait plus de 2 300 cours pour mineurs trice des droits de l’enfant leur attribuant et plus de 7 000 juges spécialisés en Chine un traitement de plus en plus différencié aujourd’hui. Cette justice se fonde sur une des adultes. Désormais, les mineurs bénéfi- vision encore largement confucéenne du cient des principales protections juridiques rôle de la famille au sens large et de l’école internationales grâce notamment aux « Rè- comme milieux de resocialisation. Ancêgles dites de Pékin », votées en 1985 par les tre du système d’éducation surveillée en 60 Connexions / février - mars 2009

France, les centres éducatifs chinois (en milieux fermés en général) comportent tous cette dimension, qu’il s’agisse de centres de détention pour rééducation » (shourong jiaoyang) ou des écoles combinant « travail et étude » (gongshu xuexiao). La communauté familiale sert de métaphore aux règles de la communauté politique et inversement. Les enseignants jouent un rôle central d’accompagnement et de sanctions car le dao, principe et source d’harmonie, n’est réalisable que dans une société instruite. L’application de la loi Il reste que les politiques publiques en la matière sont très insuffisantes de même que l’administration de la justice au niveau local, entravée par un manque de moyens et de spécialisation des professionnels concernés. Les mentalités et les pratiques également changent moins vite que les textes : l’approche du droit en général demeure essentiellement répressive. La délinquance des adolescents est extrêmement mal tolérée et les jugements portés sur eux toujours très normatifs. Malgré la loi, l’analyse de la personnalité du mineur, la prise en compte du contexte familial, éducatif et de son profil sociologique restent insuffisantes. Les idées nouvelles ont du mal à s’imposer dans les faits faute d’un travail de terrain indispensable pour connaître ce milieu dont l’accès reste très difficile. Cependant, on observe une évolution intéressante vers le concept plus souple de « justice réparatrice » (huifu xing sifa)2. Visant à restaurer l’équilibre des relations sociales en établissant un dialogue avec la victime, cette approche occidentale sur la restauration de l’harmonie au sein de la communauté fait trop directement écho à la rhétorique des autorités chinoises pour ne pas être bien accueillie. En Chine, comme ailleurs, se joue avec l’évolution de la justice des mineurs celle de tout le système judiciaire. Stépha n ie Ba l me (Scienc es Po) avec Wa ng Yaqi n ( Juge, Sha n x i) Voir Le Droit des Mineurs, in La Chine et le Droit n°3, publié par le service juridique de l’Ambasade de France en Chine, mai-août 2008. http://www.ambafrance-cn.org/lettre. html?id_lettre=76 2 Voir à ce propos, la conférence internationale qui s’est tenue à Pékin le 3 décembre 2008, organisée par l’Ecole Normale Supérieure et l’Association des Procureurs de Pékin. 1



DOSSIER

专栏

Shanghai : le Petit Lotus Bleu, une solution mixte de 3 à 6 ans Roulement de tambour, sous les dragons en soie verte les enfants suivent avec beaucoup de sérieux la chorégraphie en ce jour de fête des Lanternes. Au Petit Lotus Bleu, les enfants sont immergés dans la culture chinoise. Leurs journées se déroulent suivant un rituel bien établi : cours en français par un professeur des écoles titulaire le matin, puis cours en chinois dispensés par une institutrice chinoise certifiée l’après-midi, en alternance. « Oui mais ils suivent le même programme, celui de l’Education nationale française, qui a d’ailleurs homologué notre enseignement » précise Hélène de Lataillade, fondatrice et présidente de l’association gérant le cursus. Les enseignants font donc un important travail de préparation pour harmoniser leurs cours. Installée dans une école chinoise au fond d’une allée près de la station de métro Hengshan lu, cette petite section française présente aussi l’avantage d’être en pleine Concession Française : « Pratique pour les parents qui veulent éviter les longs trajets jusqu’à Pudong ou Qingpu où est installée l’Ecole Française » confiait un père venu partager les yuάnxiāo1 avec son fils. C’est à l’initiative d’un groupe de parents d’élèves du centre-ville que cette section française a ouvert ses portes au sein d’une école chinoise. Lors de cette première rentrée 2006, 27 élèves étaient inscrits. Aujourd’hui les quatre classes sont prises d’assaut ; les listes d’attente s’allongent et l’équipe du Petit Lotus Bleu tente d’ouvrir, toujours avec l’objectif de « suivre ses élèves », une nouvelle section française pour la continuité du primaire. Emi lie Torgemen

http://www.lepetitlotusbleu.com Ce sont des boulettes sucrées de pâte de riz farcies, cuites à l’eau, dont la forme arrondie symbolise la réunion, la plénitude, le bonheur dans les familles. 1

62 Connexions / février - mars 2009

Enfants en milieu mixte : où faut-il les scolariser pour optimiser la qualité de leur éducation ?

Ecole française ou école chinoise ? Installées en Chine pour plusieurs années, les familles françaises ou multiculturelles doivent choisir l’école où inscrire leurs jeunes enfants : école française, chinoise ou internationale ? Des parents français font le choix d’une école chinoise, des parents d’origine chinoise préfèrent le système éducatif français. Prendre une telle décision qui engage l’avenir de son enfant, est-ce une évidence, revient-on sur son choix de départ, pratique-t-on l’alternance ? Exemples à Pékin où l’offre est multiple. Etre en Chine, une chance à saisir Deux couples de Français rencontrés ont choisi d’inscrire leurs enfants à l’école chinoise. Ils sont sinisants, ont déjà vécu en Chine et reviennent y séjourner avec un projet à long terme. Ils saisissent l’occasion d’être à Pékin pour ouvrir leur enfant à une autre culture. Les premiers ont inscrit leur fille de 3 ans et demi dans une école chinoise typique. A l’âge de l’apprentissage de la lecture, elle intégrera l’école française. Le fils du deuxième couple a 5 ans, est inscrit à l’école chinoise Fangcaodi1 depuis deux ans, où il poursuivra jusqu’à la fin du collège. L’apprentissage du français est assuré par le programme FLAM, le samedi matin (cf. encadré). L’ouverture à une autre culture, la connaissance de plusieurs langues vivantes, les nombreuses activités au sein de l’école sont les avantages cités.

Le bémol : la lourde charge de travail et la difficulté pour les parents de suivre les devoirs de leur enfant. Ces enfants n’ont ressenti aucun problème d’intégration. L’école chinoise a évolué, et même s’il est souvent le seul étranger de sa classe, l’enfant n’est ni favorisé ni rejeté. Les couples mixtes français-chinois sont assez nombreux à faire le choix d’une école chinoise. La question financière ou de proximité de l’établissement n’entre jamais en ligne de compte. L’argument principal est que vivre en Chine implique de connaître la langue du pays de résidence. L’autre, que l’apprentissage du chinois est très difficile et laborieux et que, s’il est possible ensuite de réintégrer le système scolaire français, l’inverse est inimaginable. Six années sont nécessaires pour acquérir de solides bases de lecture et d’écriture du chinois quand une année suffit pour les bases du français. Les enfants qui ont d’abord été scolarisés dans une école chinoise sont souvent brillants ensuite dans le système français. Ils y ont appris à travailler dur et à être réguliers dans l’effort. Ils sont entraînés dès le plus jeune âge à passer des examens et à obtenir les meilleurs résultats. Il est français, son épouse est chinoise. Ils se sont rencontrés et mariés à San Francisco. Leur fille est née aux Etats-Unis et a débuté sa scolarité en anglais dans une école publique américaine. Venus s’installer à Pékin récemment, ils ont fait le


© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

混血儿童:为使他们获得良好的教育,送他们上什么学校?

choix d’une école chinoise à Changping, dans le nord de Pékin, où leur fille de 7 ans est pensionnaire. Réunis à la maison, la famille échange en anglais. Mais le choix d’une école chinoise leur est apparu évident : « Nous vivons en Chine ! » Leur fille rejoindra l’école française à partir de la 3e. Même évidence pour ce père chinois, parfaitement francophone, qui a fait ses études de droit en France. Son épouse est française. Leurs deux enfants de 4 et 9 ans ont toujours été scolarisés à l’école publique chinoise. A la maison, on parle français et chinois. Si les parents hésitent à inscrire leurs enfants à l’école française au moment du collège, ils sont sûrs en revanche de le faire pour l’entrée au lycée. Ils imaginent des études supérieures en France. Damien, 9 ans, réussit brillamment à l’école où il est toujours 1er ou 2e de sa classe. Ces parents de cultures différentes, qui souvent vivent et travaillent dans des univers internationaux, ont une conscience très vive de la richesse du multiculturalisme dans l’éducation. Pour ces familles, il n’est pas original de parler plusieurs langues à la maison. Thibault, français, et son épouse indonésienne ont trois enfants. Il leur parle en français, sa femme en anglais et en indonésien, et les jumelles, nées en Chine, sont scolarisées à Fangcaodi où elles pratiquent le chinois et l’anglais. Une école, une langue, une identité Quelle que soit la préférence, aucune ne forme au bilinguisme. Il s’agit donc de privilégier une langue par rapport à une autre,

un système plutôt qu’un autre. Choix de l’acquisition du chinois, difficile mais considéré comme d’avenir, et d’une méthode d’enseignement où dominent l’effort, la compétition et le sens de la collectivité. Ce système a aussi ses inconvénients, reconnus par les parents français comme par les parents chinois. Ils reprochent à l’école chinoise son manque d’ouverture d’esprit, la technique systématique de l’apprentissage par cœur — quitte même à négliger le sens —, et l’obsession des professeurs envers les notes et la réussite aux examens. Ce système demeure pourtant aux yeux des parents le meilleur pour préparer les grandes écoles ou les universités prestigieuses. Wang Gang et sa femme sont chinois naturalisés français. Leur fille de 9 ans était scolarisée au Lycée français de Pékin jusqu’en 2007 avant d’intégrer une école chinoise. Il était important pour eux que leur fille acquière la langue chinoise. Ils apprécient la compétition, la quantité de travail et la discipline qu’implique l’école chinoise mais regrettent le système français qui accorde de l’importance au développement individuel et au plaisir d’apprendre. Ils pensent que leur fille pourra facilement s’adapter au système français après une éducation chinoise, et imaginent pour elle des études supérieures en France. Pour Li Hua, chinoise francophone diplômée de l’ENA, l’école chinoise consolide l’identité. Etre chinois et choisir un système éducatif international, c’est se trouver finalement à la frontière entre deux mondes, ni vraiment chinois ni tout à fait étranger, malaise qu’elle voulait éviter à sa fille. De plus, les camarades de sa fille formeront plus tard un réseau utile à sa carrière. Elle compense les défauts du système, en expliquant à sa fille l’importance de la créativité, de la réflexion personnelle, du droit de douter et de questionner, de ne pas se focaliser sur les notes. Mme Wang et Mme Linh ont, quant à elles, inscrit leurs enfants au Lycée français pour des raisons pratiques. La Chine est une étape entre deux contrats de leurs époux qui travaillent pour des sociétés françaises, et les familles seront amenées à séjourner plus tard en France ou dans un nouveau pays. La scolarité en langue française assure une continuité au fil des déplacements.

• Ma ria m L oussig n ia n

Fangcaodi est une école chinoise qui dispose d’un département international. 1

教育

A

Pékin : le programme FLAM renforce le lien avec la langue française Les enfants entrent joyeusement dans leurs classes, s’apostrophent en français, en anglais et en chinois. Ils ont des parents français, une mère chinoise, un père canadien, camerounais, vietnamien ou belge. Tous sont francophones et scolarisés dans une école chinoise ou internationale. Ce qui les réunit le samedi matin au Lycée français international de Pékin (LFIP), c’est le désir de consolider une langue qu’ils n’étudient pas à l’école. Lancée à Pékin en 2007, l’association loi 1901 FLAM-Pékin (Français Langue Maternelle) a vraiment trouvé son rythme en février 2008 et compte aujourd’hui 42 enfants. Le dispositif FLAM, créé en 2001-2002 et en partie subventionné par le ministère des Affaires étrangères, permet à des enfants français ou binationaux scolarisés dans une autre langue au sein d’établissements locaux ou internationaux de rester en contact avec la langue et la culture françaises en suivant des cours spécifiques dans un contexte extrascolaire. Des séances de deux heures sont organisées le samedi matin au LFIP. De septembre à fin juin, cinq classes regroupent une dizaine d’enfants en fonction de leur niveau : deux classes de petits de 4 à 6 ans ; une pour les 6-7 ans en apprentissage de la lecture ; une autre pour les 8-12 ans débutants en lecture et enfin une pour les « lecteurs » de 11 à 14 ans. Les enseignants, qui ne sont pas issus de l’Education nationale, sont tous qualifiés, expérimentés et très motivés. Le FLAMPékin attire principalement les très jeunes enfants de parents installés en Chine pour une longue durée. Ailleurs en Chine, FLAM a été mis en place à Xi’an et à Shenzhen. Ma ria m L oussig n ia n

www.programme-flam.fr Contact : pekin.flam@gmail.com

Connexions / février - mars 2009  63


DOSSIER

专栏

L’idée que les jouets participent au développement de l’enfant est encore à acquérir.

Pionnier de la culture du jouet Avec la croissance des dernières années et environ 300 millions d’enfants de 0 à 14 ans en 2008, le marché chinois du jouet offre de belles perspectives. Encore faut-il être à l’écoute des consommateurs, de leur culture et de leur diversité, comme l’explique Stéphane Lemartret, directeur des opérations de King Jouet Chine. L’enseigne française, précurseur dans le secteur avec une première boutique ouverte à Shenzhen en 2007, compte aujourd’hui huit magasins en Chine.

Connexions : Comment caractériseriez-vous le marché du jouet en Chine ? Stéphane Lemartret : C’est un marché émergent encore très immature. Nos clients n’ont aucune connaissance des marques, à part Barbie et Lego qui sont en Chine depuis 10 à 15 ans par l’intermédiaire des rayons de grands department stores. Jusqu’à l’arrivé de Toys’r’us fin 2006 à Shanghai et notre ouverture en juillet 2007 à Shenzhen, il n’y avait pas de magasins spécialisés, les jouets étaient distribués soit dans les corners des grands malls, soit dans de très petits maga64 Connexions / février - mars 2009

sins bas-de-gamme. Le marché commence tout juste à se structurer. Il n’y a ni connaissance, ni culture des jouets, à part ceux très basiques comme les peluches. Nos clients sont principalement des urbains de 25 à 35 ans, une génération de parents qui n’a pour ainsi dire pas eu de jouet. L’idée que les jouets participent au développement de l’enfant est encore à acquérir. En outre, certains jouets, en particulier ceux qui font appel à l’imaginaire (les “mini-univers”, type Playmobil) ne sont pas évidents pour les enfants chinois : la plupart ne sait pas faire évoluer des personnages. Le double héritage confucéen et communiste a laissé peu de place au développement de l’imaginaire et à la notion de “jeu plaisir”. Les clients n’ayant pas de repères, les effets de mode liés à la télévision sont très forts. Campagnes de publicité et dessins animés ont une influence considérable sur le consommateur et font vite “boule de neige”. La marque chinoise Auldey, un des leaders du secteur dont nous distribuons certaines gammes, a remarquablement

adapté son marketing à ce phénomène : gros investissent dans les dessins animés (Ultraman entre autres) et campagnes de publicité. Ainsi, Auldey lance des modes : tous les deux-trois ans, on voit revenir la toupie ou le yoyo. Le poids de la télévision et le fait qu’il y ait beaucoup de chaînes provinciales avec une audience de poids a une conséquence directe pour nous : il faut s’adapter à différents marchés, faire une offre locale spécifique. C’est un marché éclaté. Les rayons de notre magasin de Shenzhen sont très influencés par Hong Kong, très différents de ceux de Pékin. Enfin le panier moyen est relativement faible : autour de 100 Rmb à Shanghai, 80 Rmb à Pékin et 70 dans le Sud. Nous estimons à environ 400 rmb, les dépenses moyennes annuelles par foyer dans les grandes villes.

Connexions : Quels sont vos jouets best-sellers ? A quoi correspondent-ils à votre avis ? S. L. : Les jouets qui ont la cote sont essentiellement les jeux éducatifs électroniques. Les parents chinois sont très sensibles à l’aspect pédagogique. Les produits VTech


100 millions d’enfants uniques

教育

© Imagine China

玩具文化的开拓者

将玩具融入孩子的发展的理念有待进一步宣传推广

pour apprendre à écrire, à compter, ou apprendre l’anglais sont leaders sur ce secteur. L’exigence de réussite prime et les jouets ne font pas partie du processus. Mais, c’est une question de génération. Notre clientèle de Shanghai, urbaine depuis plusieurs générations, se laisse plus volontiers aller à des achats d’impulsion. L’importance de la scolarité et des cours supplémentaires dans l’éducation constitue néanmoins un frein à la maturation du marché, ne seraitce que parce qu’à partir de huit ans, les enfants n’ont plus, ou très peu, le temps de jouer. En Chine, le coeur de nos ventes correspond à la tranche de 2 à 6 ans, c’est un peu décalé par rapport à la France (de 2 à 9 ans). Le fait de l’enfant unique influe aussi certainement sur ce succès des jouets électroniques interactifs. L’enfant peut y jouer tout seul et, d’après mon expérience, les parents chinois jouent peu avec leurs enfants. Nous constatons aussi que les ventes de jouets de garçons sont plus nombreuses que celles de jouets de filles. C’est évidemment lié à la démographie, mais je crois aussi que les parents ont tendance à davantage gâter les garçons que

•••

随着近些年经济的增长,以及2008年0-14岁

唐帆:畅销的玩具主要是电子学习产品。中国

的少儿总人口约达3亿,中国的玩具市场有着

的家长很注重孩子的学习。 “伟易达”学习写

很好的发展前景。法国狮子头玩具贸易有限

字、数数和英语的产品是这一领域的领先产

公司的营运总监唐帆表示,仍需倾听消费者

品。成功的需要胜过一切,玩具不在成功的过

的声音,适应他们的文化和多样性。狮子头玩

程里。但是,这是一代人的问题。我们上海的

具连锁店是玩具业的先行者,2007年在深圳

城市客户,几代人以来,更愿意进行冲动型消

开了第一家连锁店,目前在中国已有8家连锁

费。上学和校外辅导班的重要性成为市场成

店。

熟的制动器,因为孩子们从8岁起便不再有时

联结:您如何描述中国玩具市场的特征?

间或只有很少时间去玩。我们在中国的销售

唐帆:这 是 一 个尚未 成 熟 的 新兴市 场。我

对象主要是2-6岁的孩子,这与在法国(2-9岁

们的客户不知道任何品牌的玩具,除了“芭

的孩子)有些差距。

比”和“乐高”,它们通过大商场柜台进入中国

独生子女也影响了电子互动玩具的热销,因为

市场已有10-15年。直到2006年底“玩具反斗

孩子们可以独自进行操作。据我了解,中国的

城”在上海、2007年7月“狮子头玩具天地”在

家长很少陪孩子一起玩。

深圳开店,中国之前一直没有玩具专卖店,玩

同时,我们也发现男孩玩具的销量远高于女孩

具不是在大型综合商场的柜台里,就是在非

玩具。这显然与人口问题有关,但我认为家长

常小的低档商店里销售。玩具市场刚刚开始构

们宠爱男孩多于女孩。离沿海大城市越远,这

建。

种现象越明显。在我们销售最好的玩具中,有

除了基础玩具像长毛绒玩具,中国既没有对玩

整套的塑料大刀和小刀以及泡沫大刀。

具的了解,也没有玩具文化。我们的客户主要

联结:在这些条件下你们公司采取了什么策

是年龄在25-35岁之间的城市居民,现在身为

略?进入市场的关键是什么?

父母的这一代人以前没有玩过玩具。因此,将

唐帆:狮子头玩具非常重视为顾客提供的咨

玩具融入孩子的发展这一理念有待进一步宣

询和服务。店长和店员接受玩具供应商提供

传推广。另外,一些激发想象力的玩具(“百乐

的培训。我们还打算在店内设置探索区、游戏

宝”的“微型世界”)对中国孩子来说吸引力不

室及学习角。玩具展示越充分越有吸引力。

大:大部分孩子不会变化人偶。儒家思想和共

我们还打算增加店里的玩具种类,特别是引

产主义思想的双重继承没有给想象力的开发

入家庭游戏。但这方面的需求不大,市场还比

和玩中取乐的观念太多的空间。

较有限。我们提醒玩具制造商及时调整包装。

顾客们没有参照,因此受电视宣传的影响比

大的玩具品牌来了(如“大富翁”推出了“北

较大。广告宣传和动画片对消费者有着不可

京”版),但仍非主体。即使价格是采购的首

忽视的影响,并很快产生滚雪球的效应。 “奥

要标准,安全标准仍是我们销售的砝码。把顾

迪”是中国玩具业的领导品牌之一,我们也销

客的注意力引向产品的质量并说服他们购买

售一些“奥迪”系列的玩具。奥迪公司出色地

并非难事。要让欧洲的玩具制造商对中国进行

将公司的营销策略与上述现象相适应:大手笔

思考!

投资动画片(特别是奥特曼)和广告宣传。因

我们选择在家乐福购物中心里建立连锁店,

此, “奥迪”玩具掀起了潮流:每隔2-3年,就

因为顾客们至少每周来一次。这种选择符合

可以看到陀螺或溜溜球的再度热销。

我们的整体销售策略,使玩具变成一种自发

电视的作用以及很多省级频道举足轻重的收

和冲动的消费,与个别的偶然行为区别开。现

视率对我们有着直接的影响。因此,必须适应

在,玩具还是一种节日送礼消费,与六一儿童

不同的市场,提供适合当地特色的产品。这是

节(销售高峰)和送礼有关,比如为了保持业务

一个分解的市场。举例来说,我们深圳连锁店

关系或友谊,可以给某某的孩子送玩具……

销售的产品深受香港的影响,与北京销售的

我们的重点是适应中国市场,而不是增加狮

产品区别很大。玩具的平均消费相对较少:上

子头玩具店的数量。我们还处于试验阶段,上

海100元左右,北京80元,南方70元。我们估算

海对我们来说是其他沿海大城市的折射。我

大城市每个家庭的玩具年平均消费在400元

们针对不同类型的顾客开设了不同类型的连

左右。

锁店,这些店是我们的“实验室”。我们首先要

联结:你们店里最畅销的玩具是什么?您认

巩固和确认连锁店的经营模式,然后才能走

为它们为什么畅销?

得更远……

Connexions / février - mars 2009  65


DOSSIER

专栏

••• les filles. Plus on s’éloigne des gran-

des métropoles de la côte, plus c’est sensible. Parmi nos meilleures ventes : des sets de sabres et couteaux en plastique, et un sabre en mousse.

Connexions : Quelle stratégie mettez-vous en oeuvre dans ces conditions ? Quelles sont les clés pour pénétrer le marché ? S. L . : King jouet privilégie le conseil aux clients, le service. Directeurs de magasins et vendeurs reçoivent une formation dispensée par les fournisseurs. Nous avons également prévu de mettre en place des espaces découverte et atelier jeux ainsi que des corners éducatifs. Plus le jouet est démontré, plus il devient attirant. Nous voulons aussi élargir l’offre en magasin, vers les jeux de société, notamment. Mais la demande est faible, le marché encore restreint. Nous sensibilisons les fabricants pour qu’ils adaptent leur packaging. Les grandes marques y viennent (Monopoly a sorti une édition “Pékin”), mais c’est encore marginal. Même si le prix reste le critère d’achat numéro 1, les normes de sécurité sont pour nous un bon argument de vente. Il est assez facile d’amener le client sur le terrain de la qualité et de le convaincre. Reste aux fabricants européens à penser “Chine” ! Notre choix d’implanter nos magasins dans les centres commerciaux Carrefour où les clients viennent au moins une fois par semaine participe à notre stratégie d’ensemble pour faire du jouet un achat spontané et impulsif, déconnecté d’une occasion particulière. Aujourd’hui, le jouet reste un achat événementiel, lié à la fête des enfants le 1er juin (pic des ventes) et aux cadeaux — pour entretenir les relations d’affaires ou d’amitié, on offre facilement un jouet à l’enfant de… La clé pour nous est de s’adapter au marché chinois, pas de dupliquer les King Jouet français. Nous sommes dans une phase-test, Shanghai est pour nous une projection de ce qui va se passer dans les autres grandes villes côtières. Nous avons ouvert différents types de magasins correspondant à différentes typologies de clients, ce sont nos “laboratoires”. Nous allons d’abord consolider et confirmer leur modèle économique. Ensuite, nous pourrons aller plus loin…

• Propos recuei l lis

pa r Soph ie L averg ne 66 Connexions / février - mars 2009

Accros aux jeux vidéo

« Moi, de loin, je préfère l’ordinateur aux “grandeurs”, à mettre en parallèle avec leur poupées. Les poupées sont froides, sans statut dans la vraie vie : dépendance par vie. Ce n’est pas comme avec l’ordinateur rapport aux parents, rapport de maître à avec lequel tu peux avoir une sorte de re- élève vécu à l’école…». lation. On peut même faire la course avec Exutoires aux sentiments de frustration lui, comme avec un ami. Et puis, à la fin, il des enfants, les jeux vidéo sont aussi y a un vrai vainqueur et un vrai perdant. » aujourd’hui un puissant élément d’intéC’est ce que confiait à la caméra de Sylvie gration sociale, une fonction plus spéciLevey en 2000, Xin Ping, 9 ans, écolière fiquement dévolue aux jeux en réseau à Shanghai issue d’un milieu modeste. et autres Massively Multiplayer Online GaSon père, couturier, et sa mère, salariée mes (MMO) qui peuvent accueillir plusieurs dans une école maternelle, venaient de lui centaines de joueurs sur une partie. offrir un ordinateur, un an et demi d’écono- Les enfants chinois, garçons et filles confonmie, trois occasions de cadeaux. dus — la démographie des gamers a évolué Pour beaucoup de parents, l’acquisition en quelques années : les joueuses seraient d’un ordinateur vaut tous de plus en plus nombreuses et les jeux ne seraient les sacrifices : « Pour nous, un ordinateur, ce n’est pas « La Chine plus l’apanage des seuls donné. Mais on est prêt pourrait dépasser urbains — sont particulièà se serrer la vis pour que rement friands de MMO les Etats-Unis notre fille accède à l’inforqu’ils considèrent comme au rang de premier un « événement social », matique » dit la mère de Xin Ping qui voit davantage marché mondial une façon de rencontrer et de jeux vidéo .» dans la machine un moyen de partager, le palliatif idéal d’apprendre que de jouer, de la solitude. une chance supplémentaire Le marché chinois des jeux donnée à sa fille de réussir. vidéo en ligne représentait Rage de rentrer dans la modernité des pa- déjà plus de 12 milliards de Rmb en 2007 rents et « vertus pédagogiques » attribuées et devrait rapidement avoisiner les 20 milaux jeux vidéo font les beaux jours des en- liards, selon une étude menée conjointefants et de l’industrie video-ludique. ment par l’Internet Society of China et le Fabricants d’ordinateurs et de consoles, Data Center of the China Internet. Au-delà éditeurs de jeux vidéo, tous les grands des volumes financiers, on compte plus de noms du marché sont présents en Chine. 120 exploitants sur tout le territoire et plus « La bataille [mondiale] du jeu vidéo qui dé- de 200 titres disponibles. passe les 12,7 milliards d’euros se déplace Un phénomène massif qui inquiète le vers les jeux en ligne et l’Asie. […] La Chine, gouvernement chinois. Pour lutter contre premier débouché de World of Warcraft la cyberdépendance, celui-ci a expéri(édité par Vivendi, le numéro 1 mondial du menté en 2007, un système inédit visant jeu vidéo), pourrait dépasser les Etats-Unis à limiter les heures passées de jeux onau rang de premier marché mondial du jeu line sur son territoire. Concrètement, ce vidéo » pouvait-on lire dans La Tribune en système permet de réduire de moitié les juillet 2008. compétences des personnages et les réLaurent Trémel, docteur en sociologie à compenses gagnées dans un MMO après l’EHESS spécialiste des jeux vidéo, expli- plus de trois heures consécutives de jeu. que cet engouement : « Au niveau sym- Au bout de cinq heures, ce sont tous les bolique, les titres les plus vendus reposent gains qui sont perdus. Mais les gamers ont sur des mécanismes d’accumulation de très vite trouvé le moyen de contourner ressources et de progression mécanique ces restrictions… du personnage vers un statut de héros. Au Soph ie L averg ne niveau psychologique et sociologique, ils permettent aux joueurs d’accumuler des


100 millions d’enfants uniques

教育

迪卡侬:兼具乐趣 与安全的运动产品 迪卡侬成立于1976年,是一家集设计、 生 产 和 销 售 运 动 休 闲产品于 一 体 的 大 型 法国企业,并以“为所有人提供各类运动用 品”和“将各类运动用品汇聚一堂”为两大经 营理念。2003年迪卡侬在上海开了第一家商 场,目前在全国已有18家商场。迪卡侬的成功 依靠发展新的趣味体育运动。公司媒体公关 © IDR

负责人史女士介绍了这些新的发展趋势,并 Leçon de skate gratuite chez Decathlon

迪卡侬提供免费的健身器材培训课

阐释了迪卡侬如何应对并鼓励这些趋势。 史女士认为: “中国的孩子对休闲运动

Decathlon : sport fun et sécurité

越 来越感兴趣。越 来越多的孩子成为旱冰

Depuis 1976, Decathlon conçoit, fabrique et distribue des articles de sports et loisirs avec deux grands concepts à l’appui : « tous les sports pour tous » et « tous les sports sous un seul toit ». Après un premier magasin ouvert à Shanghai en 2003, Decathlon compte aujourd’hui 18 magasins sur tout le territoire chinois, un succès qui s’appuie sur le développement de nouvelles pratiques sportives ludiques. Celine Shi, chargée de la communication presse de Decathlon en Chine, rend compte de ces nouvelles tendances et explique comment le groupe français y répond et les encourage. Pour elle, « Les enfants chinois s’intéressent de plus en plus aux sports de loisirs. Ils sont de plus en plus nombreux à être fans de rollers-skate ou à aller à la piscine pour le plaisir, même si les sports d’équipe plus classiques comme le foot et le basket restent les éternels favoris en la matière ». Les deux principaux atouts de Decathlon auprès des enfants sont « un choix très large parmi des grandes marques » et les activités proposées par les différents magasins qui suscitent un fort engouement. « Nous organisons régulièrement des cours et des entraînements in-door et out-door gratuits. Les leçons de rollers-skate sont les plus populaires en ce moment — notre gamme de rollers “Oxelo” rencontre un réel succès. En outre, dans tous nos magasins (en Chine comme ailleurs) il y a des espaces de jeux et de découvertes, en extérieur, ouverts à tous. Nos clients peuvent ainsi s’essayer à

好。”对孩子们而言,迪卡侬的产品有两大优

différentes activités et tester nos produits. C’est un bon moyen pour nous de susciter leur désir. » A l’autre bout de la chaîne, ceux qui tiennent les cordons de la bourse, les parents. « Notre objectif est de promouvoir le sport comme une source de bienfaits et de joies, et de proposer des produits de bonne qualité et de haute technicité à des prix raisonnables. » ajoute Mme Shi. « Les normes et standards internationaux de sécurité sont de plus en plus décisifs dans les actes d’achat de nos clients. Les parents sont particulièrement attentifs pour tout ce qui touche à leur enfant et les risques liés à la pratique d’un sport renforcent cette préoccupation de sécurité. Nous pensons qu’une grande part de notre réussite est liée à la haute qualité de notre offre au niveau sécuritaire et technologique. Nous possédons un centre de R&D et de design de pointe en France — 63 chercheurs travaillent dans 8 laboratoires en propre et 40 laboratoires partenaires. Chaque produit unitaire subit des centaines de tests avant d’être mis en vente. » « Plaisir » et « sécurité », deux mots-clés qui reçoivent un écho favorable sur le marché chinois et sur lesquels le spécialiste français des sports et loisirs devrait continuer de surfer. « Même dans le délicat contexte économique actuel, le développement prévu pour 2009 est maintenu » annonce Mme Shi.

Soph ie L averg ne

迷或为了玩而去游泳,尽管最传统的集体运 动项目,如足球和篮球,仍是他们永远的喜

势,一是在知名体育品牌中,迪卡侬的产品选 择丰富,二是迪卡侬各个商场提供的运动令 孩子们着迷。她继续说: “我们定期组织一些 免费的户内和户外运动的课程和锻练。旱冰 课目前最受欢迎——我们“Oxelo”系列的旱 冰鞋赢得了巨大的成功。另外,在我们商场的 周围(中国与其他国家一样)设有游戏和探索 的区域,对所有人开放。我们的顾客能够试着 做各种运动,并试用我们的产品。这是一种激 发顾客购买欲的好方法。” 销售链的另一端,掌握钱包的人是父 母。 “我们的宗旨是宣传体育运动的好处和乐 趣,并以相对最低的价格提供技术性能优良 的产品。”史女士补充说, “产品的国际安全标 准在我们客户的购买行为中越来越起决定性 作用。父母们尤其关注一切接触孩子的东西, 与体育运动相关的风险增加了父母们对安全 性能的关注。我们认为,公司的成功很大取决 于产品的安全和技术技能高。在法国,我们有 一个尖端的研发和设计中心——63名研究人 员在8个自己的实验室和40个合作实验室里工 作。每一种产品在投入销售前都要经过数百 次的测试。” “乐趣”和“安全”这两个关键词在中 国市场得到了积极的反响,法国运动休闲产 品的专家迪卡侬将继续加快发展。史女士表 示: “即使在目前特殊的经济背景下,2009年

我们将保持预计的发展。”

Connexions / février - mars 2009  67


DOSSIER

专栏

Un marché de niche à suivre : les loisirs créatifs pour enfants Pébéo, présent en Chine depuis 2004 avec un premier magasin ouvert à Shanghai au coeur de Moganshan 50, compte aujourd’hui 5 boutiques en propre et distribue ses produits à travers 70 magasins sur tout le territoire. Marie-Magalie Falcoz, directrice du marketing et de la communication de Pébéo Chine analyse les tendances de ce secteur.

Connexions : Que représente aujourd’hui pour Pébéo la gamme “loisirs créatifs enfant” et quelles sont vos perspectives sur ce segment ? Marie-Magalie Falcoz : Cette gamme de produits présente dans le tiers de nos points de distribution est encore très peu commercialisée en Chine et notre offre d’ensemble n’est pas ciblée pour ces marchés émergents. La part de la gamme enfant progresse dans notre chiffre d’affaire Chine, il représente aujourd’hui environ 5% du CA total (hors grandes surfaces), contre 25% en France. Ces produits s’adressent essentiellement à la clientèle des expatriés en Chine et aux

écoles internationales. En conséquence, les contenants ne sont pas adaptés, les prix restent élévés pour le marché — de 30 à 50% plus chers que les produits locaux. La vente se fait pour l’essentiel dans des malls et nos boutiques en propre, c’est la haute qualité de nos produits qui est mise en avant. Actuellement, pour nous, le marché enfant n’est pas prioritaire, mais nous sommes attentifs à ses tendances, c’est un marché émergent et l’intérêt de nouveaux clients chinois commence à se faire sentir. Pour 2009, Pébéo met en place une nouvelle politique commerciale sur cette gamme, avec des conditionnements plus petits qui permettent des prix plus adaptés. Des kits de gouache, des sets de pinceaux, des accessoires (tabliers, pots à eau et canevas) sont également distribués chez Carrefour en période de rentrée scolaire. C’est le réseau des établissements scolaires chinois qui nous semble le plus porteur pour développer la vente des peintures enfants. Nous sommes en train de mettre au point, à leur attention, un catalogue

«Il reste à faire un important travail de sensibilisation

dont le contenu aura une forte valeur pédagogique : description des qualités particulières de nos produits, mise en avant “des outils d’apprentissage” plus que des caractéristiques ludiques, explication de leur utilisation…

C : Quelles sont les prochaines étapes à franchir, selon vous, pour que ce segment aujourd’hui “mineur” décolle réellement ? M-M. F. : Ce marché est encore immature. Il reste un important travail de sensibilisation à faire auprès des fabricants et des consommateurs sur l’importance des normes qui sont trop souvent galvaudées et décrédibilisées. Nous prenons en charge les certifications de tous les produits vendus sous notre marque, y compris ceux qui ne sont pas directement fabriqués par Pébéo comme les accessoires vendus dans les sets pour enfants : tabliers, pots pour l’eau ou pochoirs en plastique. Les normes ne constituent pas un argument de vente et tant que ce sera le cas, nous aurons du mal à concurrencer l’offre bas-de-gamme. Nous devons guider et accompagner les clients via l’expérience. C’est un modèle qui a déjà fait ses preuves en Asie, à Taïpei et Singapour notamment : les marques apportent sur le marché des produits inédits et organisent des ateliers lors desquels les clients potentiels les expérimentent. Nous

68 Connexions / février - mars 2009


100 millions d’enfants uniques

教育

有待开发的小众市场: 针对儿童的休闲创意产品 们正在制作一本极具教学价值的产品目录:介

干山路50号开设了第一家专卖店,目前在中国

绍我们产品的特色品质;突出产品的主要功能

已有5家专卖店,并通过70余家商场销售它的

不是玩,而是“学习的工具”;说明产品的使用

产品。贝碧欧市场公关部经理玛格丽对行业

方法等。

的发展趋势进行了分析。

联结:您认为下面将经历哪些阶段使现在的

联结:贝碧欧如何定位“儿童创意休闲”产

小众市场获得真正的发展 ?

品?您对这块市场的发展前景怎么看?

玛格丽:这一市场尚不成熟。工作的重点在于

玛格丽:该系列的产品占贝碧欧销售网点产

使生产商和消费者对常被破坏或不被信任的

品的三分之一,在中国市场上还不多见,我们

规范给予高度重视。我们负责贝碧欧销售的

的整体销售重点没有面向这一新兴的市场。

所有产品的合格认证,包括不是贝碧欧生产的

我们在中国实现的营业额中儿童产品所占的

在儿童颜料套装中出售的辅助产品,像工作

比重逐渐增加,目前约占总营业额的5%(大

套衫、水壶或塑料板等。产品规范并非销售的

型商场的营业额未统计在内),而在法国占

前提,如果是这样,我们将很难与低档产品竞

25%。这些产品主要面向驻华工作的外国客

争。

avons déjà organisé ce type d’activité avec la municipalité de Ningbo, en particulier, qui a lancé un programme de valorisation d’un village historique dans lequel Pébéo a ouvert un espace “Do It Yourself”. Ce genre d’atelier commence à se répandre, les loisirs créatifs se développent et sucitent un réel enthousiasme — nous voyons d’ailleurs l’arrivée de concurrents sur le marché. Mais c’est encore une offre réservée à une élite. Il faut se rendre compte que pour bien des enfants, c’est le strict nécessaire qui manque, livres, cahiers, crayons… La peinture n’est pas une priorité, c’est un luxe.

户群和国际学校。因此,产品不太适应市场的

我们需要通过体验活动来引导顾客。这种模

需求,价格相对偏高— —比本地产品贵30-

式在亚洲,尤其是台北和新加坡得以成功验

50%。产品的销售主要通过购物中心及我们

证:贝碧欧为当地市场带来了前所未有的产

的专卖店,我们突出的是产品的高品质。目前

品,并开设了一些画室供潜在客户进行亲手

对我们而言,儿童市场不是优先考虑的,但我

体验。我们已经与宁波市政府合作举办过类

们会关注这个市场的发展趋势。这是一个新

似的活动,在宁波市一个古镇开发的活动中,

兴的市场,新的中国客户的兴趣也在逐渐显

贝碧欧在那里开设了DIY空间。这类画室日趋

现。2009年,贝碧欧为这一系列产品制定了新

流行,创意休闲逐步发展,开始掀起真正的热

的销售策略,通过压缩产品的包装来降低价

潮——同时我们也看到这个市场的竞争对手

格。水粉颜料、画笔套装及辅助产品(工作罩

日益增多。但创意休闲产品还是针对有天分的

• Propos recuei l lis

衫、水壶、画布)也会在开学时在家乐福销售。

孩子。应该意识到,许多孩子缺少的最起码的

在我们看来,中国的学校网络是开发儿童绘画

必需品是本子和铅笔。颜料不是最需要的,而

pa r Soph ie L averg ne

产品销售的最佳渠道。为引起学校的关注,我

是一种奢侈。

© Imagine China

贝碧欧公司自2004年进入中国市场,在上海莫

aux normes» 还有一项重要的工作要做:引起人们对产品规范的重视

Connexions / février - mars 2009  69


DOSSIER

专栏

Au Nouvel An chinois, les enfants ont coutume de recevoir des habits neufs de couleur vive, rouge de préférence. Les grands-parents et l’entourage proche leur offre de l’argent dans les fameuses enveloppes rouges. Chacune d’elles pouvant s’élever de 200 à 500 Rmb voire plus, le total reçu peut constituer une belle somme ! La fête d’anniversaire est la grande occasion pour offrir des jouets et des livres. C’est, pour l’enfant, son jour spécial et unique. Pour l’anniversaire de leur fille de 4 ans, des parents chinois fortunés n’ont pas hésité à inviter toute la classe parents compris, à un dinercroisière. Une centaine de ballons au nom de leur fille accueillaient les invités à bord du bateau. En revanche, Noël et Halloween restent des fêtes purement occidentales. Pour la plupart des Chinois, elles ne signifient pas grand-chose, même si les magasins ont su y trouver un intérêt commercial. Seuls les jeunes étudiants à la mode profitent de ces occasions pour sortir au restaurant et Karaoké et s’offrir des petits présents. Hormis ces fêtes, les enfants ont bien d’autres occasions dans l’année pour recevoir des cadeaux. Lors de la fête des enfants le 1er Juin, certaines collectivités organisent des activités et des jeux avec des prix à gagner. Lors de la visite d’amis, la coutume veut qu’on apporte un petit cadeau aux enfants de la famille. Enfin, les parents chinois n’hésitent pas à recourir au cadeau-récompense pour encourager les bons comportements à l’école. Une collégienne chinoise avait droit à un voyage en Chine à chaque fois qu’elle obtenait de bonnes notes aux examens finaux. En Chine, obtenir de bons résultats scolaires est un grand évènement qui mérite aussi un beau cadeau ! A-L. M.

70 Connexions / février - mars 2009

Une chambre à soi tout seul

© Imagine China

Les grandes fêtes et occasions de cadeaux

Peluches et ordinateur.

毛绒玩具和电脑

Il est assez rare, même en milieu urbain, qu’un enfant ait droit à une chambre pour lui seul dès son plus jeune age. « Notre bébé a dormi avec nous pendant les premiers mois,ensuite on l’a installé dans une autre pièce avec la baomu » explique la mère de Yin He, petit garçon d’un an. Pas question pour elle que son fils dorme tout seul : « il faut le surveiller et puis il faut être là, si jamais il a besoin de quelque chose ». Pour autant, la chambre de Yin He est loin d’être dépouillée. Les jouets qu’il reçoit en cadeau « presque tous les jours de ses grand-parents et sa famille » sont éparpillés partout sur le sol où un grand tapis lui sert de terrain de jeux. Le reste de la pièce ressemble plus à une chambre d’adulte que de bébé qui partage avec sa baomu, un grand lit, une armoire et un intérieur très classique. Une série de photos de l’enfant aux murs finit de planter le décor. Certains sont plus chanceux que Yin He et ont droit au style « Ikea ». De nombreux parents envahissent les allées du magasin pour offrir à leur enfant toutes sortes de jouets et meubles à l’occidentale. Seule condition à remplir, il faut que tout soit utile. « Elle joue depuis une heure avec ce lit à baldaquin, mais elle ne l’aura sûrement pas — dit le père de la petite Tingting, âgée de 4 ans — j’en ai trouvé un autre dont la structure peut s’allonger quand elle grandit. Ce lit est génial, c’est un véritable investissement ! ». Aujourd’hui

pourtant, c’est un grand jour pour Tingting. Elle aura bientôt une chambre pour elle toute seule dans une nouvelle maison et ses parents vont l’aménager à son goût. « Jusqu’à présent, je dormais dans le salon car il n’y avait que la chambre de maman et papa, mais maintenant j’en veux une colorée avec pleins de jouets comme ici » se réjouit-elle. Shan Lili, directrice de rayon chez le grand distributeur suédois, reconnaît cependant que les parents achètent très peu de chambres complètes. « Ils achètent souvent une seule pièce, le lit ou le bureau, mais ils sont surtout attentifs aux design originaux, ceux qu’on ne retrouvera pas dans les magasins d’ameublement chinois. Ce que l’on a le mieux vendu dernièrement, c’est la série “Alice au pays des merveilles”. Les filles l’adorent ». Si quand on est encore petit, on peut se passer d’un espace propre pour travailler et s’évader, l’entrée à l’école change totalement la donne. « Comme tous mes amis j’ai une chambre à moi pour faire mes devoirs et jouer sur Internet » dit Michael Zhao, un jeune garçon de 10 ans, vivant dans une des banlieues les plus aisées de Pékin et inscrit dans une école internationale. Au deuxième étage de la luxueuse villa de ses parents, la chambre de Michael est en tous points semblable à celle d’un européen. Poster de star sur un mur (Yao Ming, bien sûr), emploi du temps chargé sur un autre, bureau avec ordinateur, jeux vidéo et film à la place des livres, tout y est. « C’est moi qui ai choisi l’aménagement, c’est normal puisque c’est à moi. Mais je me suis un peu inspiré de celle de mes copains d’école et mes parents m’ont laissé libre de décider ». Hu Weijun, âgé de 12 ans, n’a pas eu une telle chance. « Il a voulu un ordinateur à tout prix, mais il est hors de question qu’il soit placé dans sa chambre. On l’a mis dans le salon pour contrôler ce qu’il regarde et combien de temps il passe dessus » explique sa mère, qui lui a fait de la place juste à côté du frigo.

A nton ia Cim i n i


© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

La proportion de copyrights anglo-saxons est considérable.

英美版权的儿童书籍比较多

Jean-Jacques Augier1, homme d’affaires, libraire et éditeur.

Lisez utile… Connexions : Comment se porte le domaine du livre pour enfants en Chine ? Jean-Jacques Augier : Les choses ont beaucoup changé depuis 2005, même si on est loin du niveau européen, américain ou japonais. D’une façon générale, l’édition en Chine est encore gérée « à la soviétique » par des maisons publiques peu innovantes. Elles ont toutes des filiales de livres pour enfants. Ce sont les « ateliers » — qui apportent un projet tout ficelé aux éditeurs qui gèrent l’aspect officiel — qui font bouger les choses. C’est à ce système que l’on doit les plus gros succès de librairie. C’est ainsi que le Totem du loup a été édité par l’atelier de Pékin de Changjiang art et littérature, filiale du groupe public des éditions du Hubei. Dans le domaine de la littérature pour enfant, l’atelier que je trouve le plus innovant est Jie li dirigé par Bai Bing (Groupe des Editions du Guangxi).

C. : Quelle est la part des titres importés et produits localement ?

J-J. A. : Souvent les meilleures publications viennent de l’étranger. Pour ne citer que deux exemples que j’aime beaucoup : Jieli a adapté la collection de romans policiers pour enfants « Chair de poule », ou une collection pour les plus petits « I spy » . Ces deux collections ont été créées par des groupes américains. Parmi les livres importés, la proportion de copyrights anglosaxons est considérable. Walt Disney, qui a constitué lui-même un atelier en Chine, occupe à lui seul une grosse part de marché. Les manga ne sont pas très importants . Il y a eu des collections bon marché tirées des séries TV diffusées par CCTV enfants . Mais les éditeurs payaient trop cher les droits d’adaptation et n’ont pas fait les ventes considérables qu’ils espéraient. Les Chinois aiment particulièrement les livres didactiques : les encyclopédies, les dictionnaires, dont un grand nombre sont aussi importés. Les ouvrages édités par le groupe Dorling Kindersley (filiale du n°1

教育

mondial Pearson/ Penguin) ont beaucoup de succès et leurs concepts ont inspiré de nombreuses séries locales. Les sujets de prédilection sont l’histoire ancienne — très peu l’histoire récente —, les sciences, la nature et les histories d’animaux… Audelà des encyclopédies, le public chinois aime beaucoup les livres pour enfant qui sont à la fois distrayants et éducatifs : un bon exemple en sont les récits animaliers publiés par les éditions du Zhejiang avec l’aide du WWF. Le reste du marché est très segmenté. Il y a, sous toutes les formes, les rééditions des grands classiques (Le voyage vers l’Ouest et les Trois Royaumes en tête) ou celles, nostalgiques, de petits livres en noir et blanc, imprimés sur mauvais papier, qui ont nourri les enfants sous la Révolution culturelle. On trouve enfin des éditions d’œuvres classiques du patrimoine mondial, qui sont tombées dans le domaine public, comme les Fables d’Esope. Par contre, il n’y a pas de grands auteurs pour enfants un peu innovants, voire dérangeants, du type de Toni Ungerer .

C. : Y-a-t-il un véritable marché pour les livres pour enfants ? J-J. A. : Oui, bien sûr. Les Chinois achètent moins de livres de pure distraction pour enfants que les Européens ou les Japonais, même si visiblement les pratiques évoluent. Mais, deux marchés connexes sont, eux, très porteurs : celui du livre pour apprendre à lire et celui des livres de « parenting » conseils aux parents. On offre les livres régulièrement au cours de l’année, pas spécialement à l’occasion d’anniversaires ou pour le Nouvel An. Il n’y a pas vraiment de bibliothèques publiques pour enfants. Un des handicaps à l’amélioration de la qualité des productions est le faible prix des livres : 20 Rmb en moyenne. Et les éditeurs rechignent à augmenter le prix des livres : vendre les livres bon marché est une pratique culturelle qui remonte à Mao et correspond à une mission, celle de diffuser la culture au grand public. C’est d’un certain côté excellent… mais cela interdit certaines productions de grande qualité…En ce qui concerne la protection des droits d’auteur, il y a eu dans

•••

Connexions / février - mars 2009  71

1


DOSSIER

专栏

••• le passé — et il y a encore — de soli-

des tricheries sur le tirage ; mais la situation à tendance à se régulariser. Une loi exige que l’éditeur indique le numéro d’impression et le tirage dans chaque livre. De plus, les éditeurs ont compris qu’ils avaient intérêt à établir des liens durables avec les groupes étrangers leur cédant des droits de copyright.

C. : Quelle place occupe la France sur ce marché ? J-J. A. : Très faible. Aucune maison d’édition française n’est installée, via un atelier, sur le marché. Larousse est l’éditeur français qui a le plus vendu en Chine, mais ses ventes restent infimes comparées à celles de Dorling Kindersley ou Disney. Il y a bien sûr quelques très belles réussites francophones dans les livres pour enfants : Tintin (ding ding), très connu en Chine — mais qui a malheureusement donné lieu à une exploitation commerciale souffrant beaucoup du travers dont je parlais il y a un instant, le volume de la diffusion étant privilégié au détriment de la qualité des livres ; Le Petit prince très grand succès public — ayant donné lieu à quelques éditions pirates… Plus récemment, Titeuf a été publié mais n’a pas semble-t-il rencontré un très grand succès. Problème culturel, sans doute… Reste aussi qu’il est parfois difficile de franchir la censure. Tous les livres, y compris les livres pour enfants, sont soumis à la lecture préalable de commissaires politiques, ce qui est un frein aux traductions.

Propos recuei l lis pa r A n ne Ga rrig ue

Il conseille des groupes français pour s’implanter en Chine. Longtemps à la tête du Groupe G7, il se lance en 1992 dans l’édition ( Balland, P.O.L). Il possède en Chine plusieurs librairies « Arbre du voyageur » On lui doit l’édition française du ‘Totem du loup’ en 2008, un best-seller sans précédent en Chine. 3 Il y a peu de publications de manga « manhua » en chinois. Pas de maison d’édition dédiées, quelques magazines malgré un appétit certain pour le manga. Mais on constate une vraie influence de manga japonais, comme le jeu concours organisé par le centre culturel français l’a montrée. Quand il y a eu des rencontres en deux personnages de BD souvent ce sont des personnages de manga japonais.. 4 CCTV 14 diffuse en continu des programmes pour enfants 5 Auteur des « Trois brigands » 6 Le Petit Prince - Edition bilingue français-chinois, Antoine de Saint-Exupéry , 2007, Editions en langues étrangères 7 Titeuf, L’amour, c’est pô propre, Glénat, 1993 , Titeuf, Ça épate les filles, Glénat, 1994 ,Titeuf, C’est pô juste, Glénat, 1995, Titeuf et le derrière des choses, Glénat, 1996 , Titeuf, Tchô, monde cruel, Glénat, 1997 ; Le guide du zizi sexuel, avec Hélène Bruller, Glénat, 2001 12

72 Connexions / février - mars 2009

Extraits de l’album Fleur de Prunier sélectionné comme « Livre du mois ». 每月推荐图书《李子花》

Une bibliothèque de rêve Créé il y a deux ans par David-Umberto Signoretti, le site http://chinedesenfants. e-monsite.com/ s’adresse aux amoureux de la Chine et de la littérature enfantine. Y sont présentés, magnifiquement illustrés et classés, plus de 1 800 titres : bandes dessinées, contes, romans, documents, livres en anglais et en chinois, voire jeux… Une vraie mine d’or.

Connexions : Pourquoi ce site ? David-Umberto Signoretti : Bibliothécaire pour enfants depuis vingt ans à Paris, où je travaille surtout sur la Chine, j’ai constaté que les livres pour enfants n’étaient pas systématiquement conservés dans les bibliothèques, la littérature jeunesse étant un peu méprisée... J’ai donc décidé, il y a dix ans, de créer ce fonds. Mon autre objectif est de faire évoluer la perception de la Chine par le grand public, y compris les enseignants, qui continue à me demander des livres sur une Chine révolue.

en Amérique ou en Asie. Sur Internet aussi. J’apprécie les dons. De nombreux étudiants chinois m’apportent des informations et des livres. Tout m’intéresse, chaque document complétant un énorme puzzle imaginaire. Mais il ne s’agit pas d’une manie de collectionneur. Mon but est de travailler sur ces documents, de partager et d’échanger librement et gratuitement. Le fonds est en partie accessible sur Internet et maintenant consultable sur place, à une heure de train de Paris. Je participe aussi à de nombreuses activités et me déplace...

C. : Y-a-t-il beaucoup d’auteurs chinois pour enfant traduits en français ? D-U. S. : Peu d’auteurs sont traduits direc-

C. : Comment vous procurez-vous vos livres et documents? D-U. S. : Auprès de libraires généralistes et

tement en français. Ce sont surtout les éditions en langues étrangères basées à Pékin qui ont traduit entre les années 40 et 90. Elles sont un peu “responsables” de notre perception actuelle de la Chine. Actuellement, je m’intéresse beaucoup aux jeunes auteurs de la diaspora, en particulier à ceux qui vivent dans les pays anglo-saxons ou qui pratiquent la bande dessinée (manhua).

spécialisés, de bouquinistes... en France,

Propos recuei l l is pa r A . G.



DOSSIER

© Imagine China

专栏

Le premier secteur à s’intéresser aux petits consommateurs est l’agro-alimentaire.

对儿童消费者最感兴趣的行业是食品业

Les enfants, nouveaux consommateurs ? Les Chinois n’hésitent pas à gâter leur progéniture. Mais les enfants, avant l’adolescence, ont peu d’influence sur la décision d’achat. Dans le quartier d’affaires de Jing’An à Shanghai, la jeune Mme Hua pousse tranquillement son petit caddie dans les allées d’une supérette. Comme chaque samedi matin, elle fait quelques courses pour la famille. « Ma fille est restée avec mes parents. Ce n’est pas très pratique de l’emmener faire les courses », résume la maman d’une petite Chun de six ans. Il est rare de voir des enfants traîner dans les allées des supérettes shanghaiennes ou des grandes surfaces comme Carrefour ou Tesco. C’est pourtant bien eux qui intéressent de plus en plus les marques étrangères ou chinoises, qui voient un nouveau marché de taille. Près 74 Connexions / février - mars 2009

de 300 millions d’enfants de moins de 14 ans vivent en Chine, dont un tiers dans les grandes villes. Avec la politique de l’enfant unique, cette progéniture est souvent gâtée et toute la famille dépense sans compter pour son bien-être. « Les enfants représentent un marché de plus en plus important, mais c’est un segment qui se développe surtout dans les très grandes villes et quelques villes secondaires aisées », précise Sandy Chen, directrice d’études et spécialiste des tendances de consommation pour l’institut TNS-Sofres, à Shanghai. A la différence des générations précédentes, celle des « petits empereurs » n’hésite pas

à consommer, voire surconsommer, avec beaucoup plus de moyens que leurs aînés. « Les revenus de chaque parent ajoutés à ceux des grands-parents sont dédiés en grande partie a l’enfant », note Lucile Belleville, du planning stratégique de l’agence de publicité TBWA à Pékin. Les grands-parents apportent ainsi des fonds, en donnant soit de l’argent de poche aux enfants les plus grands, soit en plaçant des Rmbs pour le futur de leur descendance sur un compte en banque. D’une génération marquée par la non-consommation, ils n’ont pas le réflexe de dépenser et ne connaissent rien des désirs de leurs petits-enfants. Et dans ce paysage familial, la mère reste au centre des attentions des stratégies marketing des entreprises. « Les décideurs d’achat varient selon l’âge, mais quand les enfants ont moins de six ans,


100 millions d’enfants uniques c’est la mère qui décide », analyse Sandy la part du lion dans ce marché. Il n’est pas Chen. Comme Mme Hua, les mères sont rare qu’en fin d’après-midi à Shanghai, les souvent en charge des courses pendant cohortes de collégiens monochromes enque le mari travaille et que les grands-pa- vahissent les rues et les transports en comrents gardent l’enfant. Elles font les courses mun. Certains traînent dans les magasins. seules et sont peu influencées par les de- « Les adolescents ont, dans les grandes vilmandes de l’enfant. Très protectrices, elles les, de l’argent de poche qui peut varier de recherchent des produits qui garantissent 50 à 200 Rmbs, selon le niveau de vie des la santé de leur petit. parents », précise Sandy Chen. Les snacks Pas étonnant que le premier secteur à s’in- et les boissons sucrées bénéficient de cette téresser aux petits consommateurs soit manne financière, comme dans cette pecelui de l’agro-alimentaire, à commencer tite boutique du centre ville, où des colpar les produits laitiers. Malgré la crise du légiennes se pressent à peine sorties des lait frelaté de septembre dernier, les mar- cours. En uniforme d’école bleu et blanc, ques du secteur espèrent bien reprendre elles choisissent consciencieusement ce rapidement leur rythme effréné de crois- qu’elles vont grignoter sur le chemin du sance, de 20 % annuels ces retour. « On a faim en sordernières années – hors tant de classe et puis c’est 2008. Cette spectaculaire bon », sourit Jue du haut « Les mamans progression s’explique par de ses 13 ans. décisionnaires et les nombreuses campaMais, une fois ces uniforgnes du gouvernement, très protectrices mes tombés, ces ados destinées à encourager recherchent commencent aussi à la consommation de des produits qui s’acheter des vêtements lait, mais aussi au matra- garantissent la à la mode, avec leur arquage publicitaire mené santé de leur petit. » gent de poche ou avec par les grands groupes leurs parents. Les bénélaitiers pour promouvoir fices vont directement à le lait en poudre, produit des marques de sport telphare du secteur. En 2007, ils ont dépensé les que Nike, Adidas ou le chinois Lining, 765 millions de dollars en Chine pour leurs plus abordable pour la clientèle des villes campagnes publicitaires, promettant un secondaires, moins fortunée. « Les adobébé plus intelligent, plus fort… Certains lescents sont la cible préférentielle de n’hésitent pas à dépêcher des armadas toutes les marques de la « cool attitude », de représentants commerciaux dans les les marques de vêtements de sports mais maternités pour vanter les mérites de leur aussi Samsung ou Motorola », explique Lupoudre, quelques heures à peine après l’ac- cile Belleville. Dans un environnement très couchement. Les plus petits ne sont pas compétitif, la pression subie par les écoliers les seuls concernés. « Les produits nutritifs commence très tôt et ce qui compte pour en général marchent très bien, comme les les parents sont les performances. « Les vitamines pour enfants », souligne Sandy parents cherchent à faire de leurs enfants Chen. Les snacks et autres boissons su- des sortes de « super » produits sociaux », crées font également partie du panier de estime la responsable de TBWA. La planla mère modèle, les marques n’hésitant pas neuse relève que cette pression permaà en faire des outils de développement in- nente à laquelle ils sont sujets, pousse ces déniables. très jeunes adultes dans la solitude. Ils se Après la nourriture, les vêtements sont un réfugient alors, avec frénésie, dans une autre marché prometteur. En 2005, plus utilisation récurrente d’Internet – dont le de 2 milliards de vêtements pour enfants commerce ne cesse de progresser – et la ont été vendus en Chine, soit 7 % de la consommation des dernières nouveautés : consommation de textile du pays. Ce mar- lecteurs MP3 (dont l’iPod), appareils photo ché représente plus de 4 milliards d’euros numériques, ordinateurs… Des achats paraujourd’hui mais enregistre des croissan- fois approuvés par les parents qui y voient ces de 20 % à 30 % chaque année dans aussi des outils de travail. Ju l ie Desné les villes. Les uniformes d’école se taillent

教育

Les enfants et la télé Les enfants chinois (4-14 ans), toutes catégories confondues, regardent la télévision en moyenne 2h 33 par jour en 2008 (2h 12 en France). Dans les villes, le record absolu est détenu par Guangzhou (189 minutes) au sud du pays et le minimum par Urumqi capitale du Xinjiang (107 minutes). Peut-être les trois heures de décalage horaire avec Pékin expliquent-elles cette relative désaffection. Il n’y a pas de différences notables entre villes et campagnes car les familles rurales sont aujourd’hui plutôt bien équipées en téléviseurs. Pour l’instant, les chaînes entièrement dédiées aux enfants, notamment les chaînes de dessins animés locales, sont peu regardées : 16 minutes sur 146 minutes par jour (toutes chaines confondues) dont 14 minutes pour la chaine nationale CCTV enfants créée en 2004, pour les 4-9 ans et 7 minutes sur 161 pour les 10-14ans — 6 minutes pour CCTV-enfants. Les chiffres varient cependant selon les régions. A Shanghai par exemple les chaînes 100% enfants engrangent 44% de l’audimat (60 minutes sur 136) pour les 4-9 ans. C’est surtout les deux chaînes shanghaiennes — Shanghai TV Haha kids et Shanghai cartoons TV — qui se taillent la part du lion avec, respectivement, 23,6% et 16,3% de l’audience des 4-9 ans. A noter que filles et garçons regardent à peu près autant la TV, que les enfants regardent la TV en même temps que le reste de la famille, avec un pic entre 18h15 et 22h 15, contrairement à la France où les enfants regardent beaucoup la TV le matin. A noter encore que les enfants regardent la TV autant et de la même façon le week-end et les jours de semaine. Source : CSM Media Research (TNS Media) / Pierre Justo/ Directeur Media Chine

Connexions / février - mars 2009  75


DOSSIER

专栏

La presse spécialisée pour les parents Les magazines concernant les parents et les enfants se portent bien. Les kiosques à journaux, lieux de vente de prédilection, en proposent souvent plus de dix titres différents : parmi les plus vendus, Ma petite maman chérie, Bébé en vogue, Pour les enfants et Le monde des parents. La traduction simultanée des titres en anglais sur la couverture et la forte proportion de petites têtes blondes montrent que le côté occidental est toujours aussi vendeur. Les lecteurs sont principalement des femmes citadines, 30-40 ans, et relativement aisées. Mais, selon l’expérience d’un vendeur de kiosque « Les principaux acheteurs sont les grands-parents ou futurs grands-parents qui l’offrent à leur fille ou belle-fille ! En Chine, les vieilles personnes se préoccupent beaucoup de leurs petits-enfants ». Quand on le questionne sur l’évolution des magazines parents, il réplique : « Ils sont de plus en plus nombreux et de plus en plus épais ! ». On y trouve beaucoup d’articles similaires à ceux des magazines internationaux (certains sont même repris directement de ces journaux) mais peu de publicité : principalement des annonces de lait en poudre enrichi en calcium, couches culottes et fortifiants contre le rhume. La forme Questions/Réponses est la plus utilisée et des histoires à lire aux enfants sont parfois incluses. Quelques conseils : si votre enfant refuse de manger sa bouillie, essayez de lui donner pendant qu’il est assoupi ! Pour les cheveux secs durant la grossesse, concoctez-vous un shampoing à base de jus de pomme et de lait. Si vous êtes enceinte, évitez le bus (amortisseur et pas de ceinture) et dans le train, attention aux toilettes glissantes. A n ne-L au re Mon f ret

76 Connexions / février - mars 2009

Campagnes publicitaires modèles

Quand la sueur devient parfum… Comment élaborer une campagne efficace en direction des enfants chinois ? JWT, quatrième réseau mondial marketing et publicité, avec une forte présence en Chine1, considère encore aujourd’hui que le marché des enfants se conquiert par l’intermédiaire des parents. Les publicités doivent plaire aux enfants mais ce sont les familles qui tiennent les cordons de la bourse et le moteur de toute campagne est d’aider les familles à concilier la contradiction entre une forte pression sociale sur les enfants pour qu’il réussissent et une aspiration moderne et universelle à une enfance joyeuse. Cette contradiction est encore avivée par la politique de l’enfant unique qui accentue la pression et par l’ouverture au monde qui diversifie les modèles. Les recommandations de JTW vont dans deux directions. Tenir compte de ce que l’individu en Chine n’est pas une île : l’enfant est étroitement connecté à sa famille envers laquelle il a un devoir absolu, celui d’étudier. Trouver les moyens d’adoucir l’effort, de « transformer la sueur en parfum ». C’est l’objectif numéro 1 de toutes les campagnes que JWT propose et qu’il décline autour de cinq thèmes : allier sécurité et découverte, sucrer la pilule pour mieux la faire passer, jouer pour gagner, ne pas négliger le quotient émotionnel au profit du quotient intellectuel, savoir relâcher la pression et récompenser l’effort . La famille est au cœur du monde de la publicité pour enfant. Un spot de safeguard (savon) nous invite à une fête du Nouvel an où le petit chéri passe de mains en mains pour être embrassé et cajolé, sous la protection du savon salvateur, destructeur de germes. Plaçant les obligations réciproques familiales au centre de son spot, San Yuan (produits laitiers) vend son lait en évoquant avec nostalgie l’amour d’une grande sœur qui se sacrifie pour mieux nourrir son petit frère avant la Révolution culturelle. Et Yamaha (piano) montre un couple modeste qui se saigne aux quatre veines pour payer un piano droit à leur fille unique. Pour séduire les parents soucieux de réussite scolaire Dumex et Enfantbon

Mc Do propose de s’entraîner avec sa mascotte Ronald.

(compléments alimentaires) exaltent les vertus de l’apprentissage par cœur, tout en les enrobant dans un environnement ludique et créatif : une visite à l’aquarium et une séance de coloriage. Le souci de la sécurité des enfants uniques est omniprésent. China Mobile vend sa protection rapprochée qui permet aux parents de suivre l’enfant à la trace. Mais les publicités cherchent aussi à concilier aspiration à la sécurité et joyeuse découverte. Safeguard (savon) propose une exploration du monde sans craindre les microbes et Omo (lessive) montre un enfant qui réussit à nouer tout seul ses lacets, en se couvrant de terre. Les enfants chinois, comme tous les enfants du monde, aiment s’amuser mais ils ne doivent jamais perdre l’objectif premier : étudier. Pour éliminer le conflit entre « bon pour toi » et « plaisir », JWT propose d’apprendre ou de manger sain en s’amusant. C’est le concept des jeux éducatifs et des gadgets pour étudier l’anglais ou les maths proposés par Mc Do, des encyclopédies Disney qui ont transformé Mickey en maître d’école. Smarties convertit ses bonbons en fournitures d’art plastique. Knorr fait avaler les brocolis avec le sourire


© Imagine China

100 millions d’enfants uniques

麦当劳让孩子们与麦当劳叔叔一起游戏

et Skippy transforme l’amateur de beurre de cacahuètes en créatif un peu délirant. Mais si le jeu est réquisitionné, il faut qu’il apprenne aussi à gagner. Les enfants qui s’amusent sont sommés de développer leurs performances en jouant. Même les jeux sur écran sont réquisitionnés pour leur apprendre à mieux maîtriser leur équilibre ou leur réactivité. Mc Do surfe sur la tendance en proposant le camp d’entrainement de foot avec Ronald, sa mascotte, et Quaker offre des céréales pour booster un futur champion de ping-pong. Les nouveaux parents sont aussi de plus en plus conscients de la nécessité de faire des enfants plus équilibrés. Ils veulent développer les aptitudes morales et sociales au-delà des succès académiques, favoriser l’intelligence émotionnelle, sculpter un enfant complet qui aidera la Chine à occuper sa place dans le nouvel ordre mondial. Dumex (complément alimentaire) propose de stimuler les enfants pour qu’ils sachent

教育

mieux partager. Dada (chewing-gum) distribue des figurines pour encourager l’altruisme : protéger l’environnement. CocaCola vante le système D pour s’approprier ce qu’on aime, en s’emparant par surprise de la canette de Coca du grand Yao Ming par exemple. Enfin, savoir récompenser son enfant ou le réconforter en cas d’échec est aussi un objectif des parents modernes soucieux de bonne éducation. Les marques jouent sur cette corde sensible. KFC vend son paquet cadeau pour le jour des enfants. Les gâteaux « Prince » de Danone proposent à l’enfant de se transformer en héros de contes de fée et les jus de fruit Tang de devenir plus rusé pour vaincre le géant Hulk lui-même.

A n ne Ga rrig ue

JWT group China, dont le patron est Tom Doctoroff interviewé dans ce numéro, compte parmi ses clients Unilever, the Diamond Trading Company, HSBC, Ford, Nestlé, B&Q, Unicharm, Lenovo computers, China Unicom. 1

Connexions / février - mars 2009  77


DOSSIER

专栏

© Imagine China

Le prêt-à-porter enfant

Les petites chinoises consomment, en modèle réduit, les marques adultes. 中国的孩子购买成人服装的品牌

Longtemps considéré comme un segment « mineur » dans le secteur de l’habillement chinois, le secteur du prêt-à-porter enfant a connu une forte croissance ces trois dernières années. En 2007, la production chinoise de prêt-àporter enfant a atteint un volume d’environ 5 milliards de pièces, dont 2,75 milliards, destinés à l’exportation. Elle représente aujourd’hui 10% environ de la production nationale d’habillement (6% en 2003/2004), avec une croissance annuelle moyenne de 10% au cours des trois dernières années. L’industrie du prêt-à-porter enfant se concentre principalement dans les provinces du Guangdong, Zhejiang, Fujian, Shandong et Jiangsu et dans les villes de Shanghai et Pékin. La province du Guangdong au coeur du marché En tant que « précurseur » industriel du prêt-à-porter enfant depuis les années 50, la province du Guangdong stimule toujours activement le développement du secteur. Elle reste la première zone de fabrication et d’exportation de prêt-à-porter enfant de Chine. Reconnue pour ses performances industrielles et pour la qualité de ses techniques de fabrication, elle constitue un en78 Connexions / février - mars 2009

vironnement privilégié pour la confection des marques locales et internationales. La province abrite des zones industrielles réputées dans le secteur : Shenzhen, Foshan, Dongguan, Shantou, Zhongshan, Huizhou, Guangzhou etc. Les collections de vêtements pour enfant confectionnées dans ces régions ou provinces sont très complètes et couvrent tous les âges, styles et positionnements de marchés (marques internationales haut de gamme ; marques moyen-haut). Par ailleurs, près de la moitié des marques positionnées sur le moyen et le bas de gamme sont fabriquées dans la province du Guangdong et alimentent les principaux marchés de grossistes (ex : le marché spécialisé de Hangzhou : 杭 州四季青批发市场). Malgré leurs avantages compétitifs, les zones industrielles du prêt-à-porter enfant de la province du Guangdong ont dû faire face à un déplacement de leur personnel qualifié (gestionnaires, techniciens, créateurs de haut-niveau, en quête de meilleurs salaires ou de nouvelles opportunités d’affaires auprès des marques concurrentes) vers les provinces et villes du triangle du Yangzi. En effet, les marques de prêt-à-porter de ces régions sont reconnues pour leur dynamisme commercial, leur créativité et leur

capacité à renouveler sans cesse leur collection. Seules les marques Pepco, Lucky Baby et Qu Qu, originaires de la province de Guangdong, jouissent d’une notoriété nationale. Montée en gamme Une des principales caractéristiques du marché du prêt-à-porter enfant est d’être passé d’une consommation de produits positionnés sur le bas de gamme, dite « quantitative », à une consommation de produits moyens-hauts de gamme dite « de marques ». L’offre se caractérise principalement par des collections de styles « casual » (休闲化), « sports-wear » (运动 化) et « fashion/mode adulte» (成人化) : répliques, en modèles réduits, des marques de PAP homme et femme, répondant aux principaux critères d’achat des consommateurs chinois que sont : le confort, la sécurité, la qualité des matières, le style, la notoriété de la marque et le prix. Bien que la tendance des cinq dernières années s’oriente vers des motifs plus sobres et des couleurs moins criardes, les motifs préférés des enfants chinois sont généralement les personnages des dessins animés à la mode, les dessins fantaisies et autres inscriptions diverses. Les principaux consommateurs de vêtements pour enfant sont les femmes salariées âgées de 30 à 50 ans (principalement la tranche d’âge de 30 à 40 ans). Ces femmes ont généralement un enfant unique et des exigences de plus en plus variées qu’il faut satisfaire. La principale structure familiale chinoise « 6+1» composée des grands-parents maternels et paternels, des parents et de l’enfant unique, influence les comportements d’achat d’aujourd’hui et le marché de demain, qui tend à privilégier de plus en plus « l’individualité de l’enfant ». Les grands magasins « moyens et hauts de gamme » sont les points de ventes privilégiés. La distribution s’organise sous forme de corners ou d’étages consacrés, dans les grands magasins ; en rayon ou shop in shop dans les supermarchés et sous forme de boutiques indépendantes, dans les centres commerciaux et sur les grandes artères commerçantes.

K a ri ne X ie Mission économ ique


100 millions d’enfants uniques

教育

My Babybox, marketing à la maternité

Le concept est simple et a déjà fait ses preuves en Occident : après l’accouchement, on offre à une jeune mère, sous forme d’échantillons et de petits cadeaux joliment présentés dans une boîte, ce dont elle peut avoir besoin pour son bébé et pour elle-même : biberon, couches, lingettes, produits d’hygiène mère et enfant, kit d’allaitement, compléments alimentaires, lessive et adoucissant hypoallergénique… Du marketing direct efficace. Le système est inexistant en Chine où l’on compte 20 millions de naissances par an (contre 800 000 en France) et un large réseau de maternités dans les grandes villes. Jean-François Albrand qui bénéficie d’une longue expérience dans le secteur — il a été consultant pour les acteurs (prestataires et clients) de ce marché en Europe et en particulier de Family Services, fournisseur de la célèbre « boîte rose » en France — monte son business plan Chine en 2005 et choisit de s’appuyer sur le groupe Fargo, déjà bien implanté sur le territoire chinois, pour l’hébergement physique de Babywelcome et faciliter le back-office. Un an plus tard, en novembre 2006 précisément, la première Babybox est distribuée et depuis, la croissance est exponentielle : 87 000 boîtes en 2007 et 300 000 en 2008. 500 000 babybox devraient être distribuées en 2009 — les naissances ne connaissent pas la crise et dans un contexte difficile, les marques ont plus que jamais intérêt à se faire connaître. La force de Babywelcome tient sans nul doute à la personnalité même de JeanFrançois Albrand, enthousiaste et passionné par son sujet (lui-même père de quatre enfants, il en connait un rayon sur

Les futures mères éprouvent un fort besoin d’information.

le comportement et la psychologie des jeunes parents), mais aussi à sa capacité de s’appuyer sur les besoins réels des trois acteurs essentiels à son entreprise : les mères, les maternités et les marques. Pour les marques qui fournissent les échantillons et cadeaux, la Babybox répond à la fois à un besoin de notoriété et, via une fiche retour, à un besoin de renseignements sur leur cible. Elles ont un accès direct aux jeunes mamans et acquièrent auprès d’elles un capital sympathie fort. Résultat, selon l’adage to try is to buy, les ventes sont dopées et les clients fidélisés. Pour les maternités qui distribuent la boîte, c’est l’occasion de diffuser aux jeunes accouchées des informations sur les démarches administratives à effectuer à la naissance et sur les soins à apporter au nourrisson, un travail que le personnel hospitalier a rarement le temps de faire. Chaque Babybox contient un leaflet propre à chaque maternité et est remise par les infirmières au nom de la maternité. En 2008, le réseau de distribution de Babywelcome comptait 375 maternités à Shanghai, Pékin et Canton et dans les prinicpales villes de l’Est. Pour les jeunes mères, en qui l’arrivée d’un enfant suscite mille et une questions, la

未来妈妈们非常需要育婴知识

© Imagine China

Jean-François Albrand, CEO de Babywelcome à Shanghai, est le premier à avoir lancé en Chine le concept des kits maternité, une jolie boîte rose et bleue, pleine de cadeaux, offerte à la jeune accouchée et à son nouveau-né, une manière pour les marques de communiquer auprès des jeunes familles. Lancée fin 2006, « My Babybox » connaît un succès rapide qui n’en est qu’à ses débuts.

demande en information est forte. Dans la Babybox, un guide pratique réalisé par des médecins chinois aborde, en soixante pages, les grands points du développement et des besoins de l’enfant pendant sa première année. Après un an d’utilisation, le taux moyen de conservation du guide est de 96% et il aura été consulté 18 fois en moyenne. Jean-François Albrand aimerait aujourd’hui que sa Babybox soit un support pour d’autres contenus informatifs, provenant entre autre d’instances centrales et locales de la santé publique et cherche de nouveaux partenaires. Il s’est fixé comme objectif d’atteindre 2,5 millions de boîtes en 2012 avec un développement vers les grandes villes de l’Ouest — Babywelcome suit les villes où les grandes marques internationales sont déjà présentes et distribuées. Par ailleurs, deux nouveaux bébés Babywelcome devraient voir le jour prochainement : une « pregnancybox » et une « post-natalbox ». Ces nouveaux cadeaux seront soutenus par le lancement d’un website qu’on nous annonce « très novateur ». A suivre…

Soph ie L averg ne

Connexions / février - mars 2009  79


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES

Wuhan, la métropole préférée des Français Au carrefour des axes Pékin/Canton et Shanghai/Chengdu, située à 1000 km de ces quatre villes, Wuhan est une place stratégique pour le développement de l’intérieur du territoire chinois. C’est la métropole la plus étendue de Chine centrale (8 476 km2), et aussi la plus peuplée et la plus riche, avec plus de 20% de croissance en 2008. Le chef-lieu du Hubei est aussi la seule ville de Chine où la France est au premier rang des investisseurs étrangers. la Mission économique de Wuhan

Cantonnée à l’industrie lourde pendant les premiers temps du communisme, la capitale de la province du Hubei est en passe de redevenir le centre logistique et culturel qu’elle était dans l’histoire ancienne. Son essor repose désormais sur cinq piliers : l’industrie, son pôle universitaire, la logistique, la protection de l’environnement, et enfin, comme ailleurs en Chine, le développement urbain et périurbain. L’industrie lourde fait place à la High Tech Forte d’un long passé industriel remontant aux premières années de la République Populaire de Chine, la ville est notamment le berceau de Wuhan Iron & Steel Corporation (WISCO) troisième groupe sidérurgique du pays, avec une production annuelle dépassant 10 millions de tonnes d’acier et de Dong Feng Motors (DFM), troisième producteur automobile chinois, avec 1,14 million de véhicules vendus en 2007, via des associations avec Peugeot Citroën, Nissan, Honda et Kia. L’importance de ces insdustries tradi80

Connexions / février - mars 2009

Pékin

Wuhan

Shanghai

Wuhan en chiffres Population : 8, 28 millions en 2007 Population urbaine : 5,27 millions en 2007 Population active : 4,42 millions en 2007 Densité : 977hab/km2 PIB : 396 milliards Rmb en 2008 PIB par habitant : 47 800 Rmb en 2008 Revenu annuel moyen par habitant : 14 300 Rmb en 2007

tionnelles dans l’économie locale décroit constamment depuis une dizaine d’années, sous l’effet de l’émergence d’activités de hautes technologies (optique, électronique, notamment), lesquelles représentent désormais plus de 43.9 % du PIB de la ville (en 2007). La majorité des usines ont été déplacées du centre ville et sont regroupées dans trois zones de développement économique : Zhuankou, où sont situés le pôle automobile et une partie de l’industrie agroalimentaire, Donghu, qui accueille les activités de hautes technologies (en particulier dans l’optique et l’optoélectronique, avec plusieurs centaines d’entreprises et de laboratoires de recherche spécialisés sur les fibres optiques et les lasers, d’où le surnom de « Vallée optique ») et Wujiashan, essentiellement destinée aux investissements en provenance de Taiwan. Un des plus grands centres universitaires mondial Wuhan compte parmi les trois principaux centres universitaires de Chine avec


© Imagine China

WUHAN 武汉

Wuhan a été désignée ville « pilote en matière de développement durable et d’économies d’énergie » 武汉市被确定为全国可持续发展和节能试点城市

une cinquantaine d’universités, dont sept de tout premier plan, et notamment l’université de Wuhan (« Wuda ») et l’universite des sciences et technologies du centre Chine (Huazhong University of Science and Technology - HUST), qui sont, selon les années, classées aux 7e ou 8e rang national. La ville accueille plus d’un million d’étudiants (première ville universitaire de Chine en volume), dont environ dix mille étudient le français, ce qui en fait le plus important centre d’enseignement du français du pays. Aux côtés de l’Alliance française, qui est la troisième de Chine, plus d’une douzaine d’universités proposent l’enseignement du français comme première ou deuxième langue étrangère. Les premières coopérations ont été lancées à Wuda très tôt dans le processus d’ouverture du pays, il y a près de 30 ans, puis ont ensuite été largement étendues, de sorte qu’il existe aujourd’hui une centaine d’accords de coopération entre les universités de Wuhan et leurs homologues françaises. Aujourd’hui, Wuhan compte

un vivier de plusieurs dizaines de milliers de francophones. Au « centre du centre » Grand port fluvial sur le Yangzi, nœud ferroviaire et, désormais, autoroutier majeur, Wuhan ambitionne de devenir à terme également le principal hub aérien du centre du pays. Le port fluvial est en extension, avec la création de plusieurs terminaux spécialisés, dans la sidérurgie, le pétrole, les matériaux de construction et la pétrochimie — Wuhan doit accueillir, à terme, le second pôle pétrochimique de Chine, derrière Shanghai. En matière ferroviaire, le statut de la ville s’est renforcé au fur et à mesure de la mise en œuvre des politiques de développement de l’Ouest chinois (fin des années 90) puis du Centre (milieu des années 2000). De très importants travaux sont ainsi en cours, sur les lignes de transport de marchandises comme de passagers, avec par exemple la ligne TGV entre Wuhan et Canton « Wu Guang », premier tronçon de la ligne Canton/Pékin, qui devrait entrer en fonction-

nement en 2010 (le deuxième tronçon, reliant Wuhan à Pékin, a été mis en travaux en octobre 2008). La ville est ainsi actuellement le théâtre de la construction du plus grand pont à hauban du monde (6 voies autoroutières + 2 voies TGV et 2 voies ferrées de transport marchandise). Le transport routier connaît également d’importants développements. D’ores et déjà, cinq autoroutes rayonnent en direction des provinces voisines, en particulier les autoroutes Pékin/Canton et Shanghai/ Chongqing. En matière aéroportuaire, enfin, l’aéroport international de Wuhan qui vient d’ouvrir ses portes laisse entrevoir des perspectives prometteuses : le trafic attendu pour l’année 2010 est de 144 000 tonnes de fret et 12,2 millions de passagers. L’aéroport desservira une centaine de villes chinoises et une quinzaine de destinations internationales. « 1 + 8 » : création d’une conurbation de 28 millions d’habitants Wuhan, avec huit municipalités

•••

Connexions / février - mars 2009  81


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES ••• limitrophes, travaillent à la consti-

tution d’une vaste conurbation dénommée « 1 + 8 ». Cet ensemble représente 28,5 millions d’habitants et couvre une superficie de 58 000 km2. Sa réalisation implique notamment la construction d’un vaste réseau d’infrastructures de transport devant absorber plus de 20 millions de déplacements motorisés en 2020 (40 millions à terme), notamment par le ferroviaire (projets de RER) et l’autoroutier. En centre ville, 7 lignes de métro sont projetées, soit 220 km. Seule la ligne 1 est actuellement partiellement en fonction, sur un tronçon de 10 km. La ligne 2, en construction, sera mise en service en 2012, tandis qu’une troisième (la ligne 4) le sera en 2014. Ville « pilote en matière de développement durable et d’économies d’énergie » À la hauteur du passé industriel de la ville, les efforts de dépollution et de réhabilitation du territoire que les pouvoirs publics sont appelés à produire ouvrent de vastes perspectives, en particulier touchant l’eau, 25 % de la surface de la ville de Wuhan étant aquatique (une centaine de lacs, plus le fleuve Yangzi). Illustrant l’importance prise par le sujet, Wuhan et ses 8 villes voisines a été désignée, le 14 décembre 2007, par les autorités centrales, comme étant une des deux « villes pilotes en matière d’économie d’énergie et de développement durable » (la seconde ville étant la conurbation formée des villes de Changsha, Zhuzhou et Xiangtan, dans le Hunan). Les autorités municipales et provinciales (le projet débordant des strictes limites territoriales de la ville de Wuhan) viennent de recevoir l’approbation des autorités centrales sur un vaste plan d’actions qui compterait plus de 3 500 projets pour un coût de l’ordre de 230 milliards d’euros. Ce plan, dont les détails n’ont pas encore été rendus public, couvrira vraisemblablement la plupart des aspects liés à la protection de l’environnement : l’adoption d’un réseau de transport économe en énergie, comprenant l’expansion du parc automobile vert (bus et taxi), la généralisation de l’utilisation d’énergie propre (panneaux solaires, limitation des gaz à effets 82

Connexions / février - mars 2009

de serre), le traitement des déchets pour produire de l’énergie, la réhabilitation des sites industriels (largement en cours), la création du « réseau écologique du grand Lac de l’est », consistant à relier 6 lacs, le fleuve Yangzi et la rivière Han. La relation avec la France est extrêmement privilégiée La France était, jusque très récemment, le seul pays étranger à disposer d’un Consulat général à Wuhan (depuis 1998). Les États-Unis viennent d’ouvrir (fin 2008), tandis que le Canada, l’Allemagne et la Hollande y entretiennent des bureaux de promotion commerciale. La relation avec la France jouit d’une profondeur historique supplémentaire qui la distingue des autres pays, grâce à la coopération universitaire entreprise dès la moitié des années 1980. L’économie est au diapason, la France étant le premier investisseur étranger à Wuhan avec un stock d’investissement d’environ 2,2 milliards d’euros (octobre 2008). La France dispose d’un terrain d’expansion privilégié dans cette ville, non seulement pour les grands groupes, mais aussi, fait notable en Chine, pour les PME, qui y trouvent une administration extrêmement prévenante à leur égard. La présence française dans le domaine économique se caractérise par une implantation industrielle majeure de Peugeot Citroën (en JV depuis 1992 avec DFM), qui pèse un poids déterminant (1,45 milliard d’euros) et qui a drainé dans son sillage une quinzaine de sociétés dont les activités sont partiellement ou totalement liées au secteur automobile. Par ailleurs, l’énergie constitue un second pôle d’investissements lourds avec l’arrivée, en 2007, d’Alstom Boiler (achat de Wuhan Boiler) et d’Areva. Enfin, un tissu assez dense d’implantations de taille moyenne couvre de nombreux secteurs, avec une dominante industrielle. Au total, le Hubei compte 69 implantations françaises, dont 65 à Wuhan même. L’environnement, les transports, la distribution, les domaines liés à notre activité universitaire (santé, francophonie) et surtout l’énergie sont des secteurs dans lesquels la présence française devrait être appelée à se renforcer dans le futur.

La capacité de production de DPCA est de 300 000

Dongfeng Peugeot Citroën Fondée en 1992, DPCA est une jointventure à parts égales entre PSA Peugeot Citroën et le groupe chinois Dongfeng. Basée à Wuhan, DPCA emploie plus de 9 000 personnes. Elle produit et commercialise en Chine ses véhicules sous les marques Dongfeng Peugeot et Dongfeng Citroën. En 16 ans, plus d’1,2 million de véhicules a été produit et commercialisé. DPCA dispose d’un outil industriel dont la capacité de production atteint 300 000 véhicules par an. Cet ensemble se compose d’une usine terminale à Wuhan et d’une usine mécanique à Xiangfan (dans le Hubei aussi, à 400 km de Wuhan). Il sera complété en 2009 par une nouvelle unité de production à Wuhan d’une capacité de production de 150 000 véhicules par an. L’usine terminale n°1 de Wuhan, dont la production a débuté en 1996, comprend quatre ateliers : emboutissage, ferrage, peinture et montage. Sur un terrain de 190 hectares et, avec une surface bâtie


WUHAN 武汉

© Imagine China

Le Groupe Delachaux : une implantation réussie

véhicules par an.

武汉神龙汽车有限公司拥有年产30万辆轿车的生产能力

Automobile : production et formation ou en cours de construction de 500 000 m², sa taille est comparable au site de PSA Peugeot Citroën d’Aulnay, en France. La nouvelle unité de production de DPCA, appelée Wuhan 2, sera dédiée à la fabrication des grandes berlines, dont la nouvelle Citroën C5, et aura une capacité de production de 38 véhicules par heure. Le partenaire chinois étant implanté depuis l’origine dans le Hubei, le choix de Wuhan s’est imposé. Véritable centre logistique, Wuhan est au cœur de l’axe nord-sud Pékin-Canton, de l’axe estouest, et à proximité des grands marchés intérieurs tels que le Sichuan. Elle bénéficie d’un nœud routier et ferroviaire d’envergure et de la voie fluviale du Yangtzi. Wuhan est devenue un des grands pôles de la construction automobile avec Canton et Shanghai. Autre atout non négligeable : sa très cotée université (Wuda) enseigne, entre autres domaines, les sciences et les technologies, et représente ainsi un vivier pour

les ressources humaines et la recherche de talents. Citroën a mis l’accent sur la qualité de la formation de son personnel. La marque a développé un ambitieux plan de formation afin de fournir un service après-vente de qualité à ses clients. Dongfeng Citroën a ainsi déjà ouvert huit centres de formation en Chine, dont un centre de formation technique et commerciale à Wuhan. Ouverts en partenariats avec des écoles professionnelles, ces centres, outre la formation continue dispensée aux techniciens du réseau Dongfeng Citroën en Chine, permettent aux élèves de ces écoles d’intégrer directement le réseau après la fin de leurs études. Sur place, le groupe Peugeot-PSA-Citroën a créé une école réservée aux enfants du personnel français qui assure une scolarité depuis la maternelle jusqu’à la classe de 1ère.

M a ria m L oussig n ia n

Lors de son implantation à Wuhan en 1990, le Groupe Delachaux n’existait que par un simple bureau de représentation consacré aux équipements de fabrication de fibres optiques. Dixneuf ans plus tard, le Groupe a intégré trois sites industriels à Wuhan. Railtech Pandrol China fournit aujourd’hui de la soudure aluminothermique pour souder les rails de chemin de fers, ainsi que des systèmes de fixation du rail pour les voies ballastées ou voies sur dalles. Railtech Zhuqiao est une unité de production spécialisée dans la fabrication des clips inclus dans les systèmes de fixations. Railtech Pandrol China, leader en Chine dans le domaine de la soudure aluminothermique, a dernièrement équipé de nombreuses lignes grandes vitesses (dont la ligne Wuhan-Hefei) avec ses systèmes de fixation. Conductix Wampfler, le dernier site de fabrication, fournit des systèmes d’alimentation pour les ponts roulants. Le groupe Delachaux fabrique aujourd’hui entièrement sur le site de Wuhan pour le marché chinois. Ce choix motivé par la proximité avec les premiers clients dans le domaine de la fibre optique est pleinement justifié aujourd’hui par son positionnement central en Chine, avec des connexions faciles vers les centres économiques. « Nous avons bénéficié du support de la ville de Wuhan pour l’implantation de nos différentes unités de fabrication », précise Christophe Mermaz, Directeur général. Wuhan représente aussi un intérêt lié au coût de fonctionnement d’une unité de fabrication et à la disponibilité des ressources humaines. Le groupe Delachaux emploie 220 personnes sur le site de Wuhan et fait travailler plusieurs milliers de personnes en sous-traitance en Chine. « Il s’agit d’une vraie réussite d’implantation en Chine avec 2% d’expatriés et un niveau de performance reconnu sur ses marchés. » Ma ria m L oussig n ia n

Connexions / février - mars 2009  83


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES

Cette entreprise familiale, spécialisée dans l’habillage intérieur et l’environnement accoustique des véhicules, fournissait déjà les usines Citroën de Rennes-La Janais avant de s’attaquer aux marchés d’Europe occidentale d’abord, puis des pays émergents. Au Mexique pour le client Nissan ; en Inde avec cinq usines sous-traitant pour Renault, Mahindra, Tata et Ford ; puis en Chine, où Trèves, fournisseur traditionnel, retrouve Citroën. A Wuhan depuis 2003, Trèves a constitué une joint-venture avec son partenaire chinois Zhonglian Carpet, après sept années de coopération technique et commerciale. Afin de mieux servir ses clients de DPCA (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile Co., Ltd.) et WDHAC (Dongfeng Honda Automobile Wuhan Co., Ltd.), mais aussi dans un souci de limitation des coûts, Trèves s’installe à Caidian, près de la Zone de développement économique et technologique de Wuhan. L’entreprise sous-traite également des appuis-tête pour SVW (Shanghai Volkswagen Group), produit peu volumineux et facilement transportable vers Shanghai. Dans son usine de Wuhan, Trèves fabrique des tapis pour l’habitacle, le garnissage de coffre, des pare-boue, des appuis-tête et de la mousse PU d’insonorisation. En juin 2008, l’entreprise employait 210 personnes. La crise généralisée et la baisse de la production automobile ont conduit Trèves à réduire ses effectifs à 180 personnes à la fin de l’année. Les employés ont quitté l’entreprise avec une compensation et Trèves s’est engagée à les réembaucher dès la reprise du marché. Solidaires en cette période difficile, les employés ont accepté de voir leur temps de travail et leur rémunération diminuer tandis que les cadres s’activent à trouver de nouveaux projets ou à diversifier la clientèle. M a ria m L oussig nia n

84

Connexions / février - mars 2009

© DR

Trèves : de la Bretagne à la Chine, dans la roue des constructeurs

La nouvelle usine de WBC sera le centre de R&D et la base de production d’Alstom. 武汉锅炉股份有限公司将成为阿尔斯通的研发中心和生产基地

Alstom : l’énergie, l’environnement et les talents Alstom, un des leaders mondiaux dans les infrastructures d’énergie et de transport ferroviaire, a établi à Wuhan une importante base de son activité mondiale, en s’appuyant sur Wuhan Boiler Company Ltd et Alstom (Wuhan) Engineering & Technology Co., Ltd. Avec l’acquisition en août 2007 de 51% de Wuhan Boiler Company Ltd. (WBC), partenaire industriel d’Alstom depuis plus de dix ans, le groupe français renforce sa position sur le marché chinois des chaudières pour centrales thermiques au charbon et s’offre une base industrielle stratégique pour les ventes à l’exportation. La nouvelle usine de WBC à Wuhan occupera une superficie de 140 000 m 2 et sera opérationnelle au second semestre 2009. Elle deviendra le centre de Recherche et Développement et la base de production d’Alstom dans la zone AsiePacifique. Avec une capacité de production de chaudières supercritiques de 600 MW et de chaudières ultra-supercritiques de 1 000 MW, l’usine jouera un rôle-clé dans la stratégie globale d’énergie propre d’Alstom. A lstom ( Wu ha n) Engineering & Technology Co., Ltd. (AWEC), bureau local d’ingénierie, a d’abord été créée en 1997 comme joint-venture entre Alstom (China) Investment Company et le Central South Electric Power Design Ins-

titute. Dès le départ, elle s’est construit une solide réputation dans l’ingénierie en contribuant au succès de plusieurs projets d’envergure en Asie, notamment avec l’équipement des tranches 1 et 2 de Taishan, première centrale en Chine à utiliser la technologie EPR (European Pressurized Reactor). Plusieurs avantages expliquent le choix du site de Wuhan. Tout d’abord, l’aide du gouvernement local qui a su créer les conditions favorables à l’installation d’entreprises étrangères dans sa ville. Sa situation géographique est exceptionnelle. Wuhan occupe une position centrale en Chine et les rives du Yangzi fournissent un accès navigable jusqu’aux importants ports maritimes de Shanghai et de Ningbo. De plus, les universités de Wuhan comptent parmi les meilleures de Chine, en particulier dans le domaine des études d’ingénierie et des technologies, formant ainsi une grande part des talents locaux, parmi lesquels Alstom compte puiser à l’avenir. Aujourd’hui, Alstom emploie à Wuhan 3 000 personnes, soit le tiers du total de ses employés en Chine. A Wuhan, base importante de la R&D et de la production d’Alstom, le groupe accroît sa force industrielle en vue de servir le marché national et le marché mondial.

M a ria m L oussig n ia n


WUHAN 武汉

Le 2 mars dernier a été inauguré le bureau de la CCIFC à Wuhan, déjà en activité depuis novembre 2008. Couvrant les provinces du Hubei, du Hunan et du Jiangxi, son objectif est, comme ailleurs en Chine, d’accompagner les entreprises françaises dans leur développement au centre du pays, une région que les autorités chinoises ont clairement identifiée comme prioritaire. Wuhan, une des deux villes pilotes pour le développement durable en Chine, connaît une croissance forte qui s’accompagne de très nombreux projets d’investissements et d’amélioration des infrastructures (transports routiers et ferroviaires, usines de traitement des eaux usées et des déchets, etc.). Déjà près de 70 entreprises françaises sont implantées dans la région, autour du pôle automobile constitué par les usines de PSA dans le Hubei (Faurecia 4 usines, Valeo 2 usines, Treves, Electricfil, Hutchinson, Sacred, Acome), autour des industries de la mécanique et du ferroviaire (Alstom 2 implantations, Converteam, Areva, Delachaux, Schneider, Ciat, etc.) et dans les services (Société Générale, Stratech consulting, Jardins de Monet ou TUP).

© Imagine China

La CCIFC inaugure son antenne de Wuhan

Depuis novembre 2008, la CCIFC accompagne les entreprises françaises implantées à 从2008年11月起,中国法国工商会帮助法国的企业在武汉落户 Wuhan

Cette antenne est dirigée par Paul d’Azemar qui travaille en Chine depuis 1990 et à Wuhan depuis 1995, où il a été successivement responsable du bureau d’AEC (1995), chef de l’antenne du Poste d’Expansion économique (1996-2000) puis attaché de coopération culturelle au consulat (2003-2007). Il a également représenté les intérêts de la société GTE et notamment de l’architecte francais, concepteur du Futuroscope, Denis Laming. Il témoigne des considérables changements qu’a connus la ville ces dernières années et qui en font un cadre de vie particulièrement agréable pour les expatriés : une vie culturelle dense, des services à la personne développés avec des hôpitaux de tout premier plan (en particulier l’hôpital Zhongnan dépendant de l’université de Wuhan où une grande

partie du personnel est francophone et/ou formée en France), des écoles françaises et internationales, des grands magasins parfaitement achalandés, sans oublier les sites touristiques incontournables que sont le lac de l’est, les monts Wudang et les montagnes de Shennongjia ou le musée du Hubei avec ses collections de bronze exceptionnelles. L’antenne de Wuhan se tient à la disposition des entreprises françaises pour les assister dans leur developpement en centre Chine.

Coordonnées de l’antenne ; Wuhan international trade center, bureau 1708 569, Jianshe dadao, 430 022 Hankou, Wuhan Tel : 0086 27 65 79 79 46 Fax : 0086 27 65 79 79 50 Contact : dazemar.paul@ccifc.org

Culture française au programme A Wuhan, le printemps 2009 est placé sous le signe de la culture française, avec au programme des spectacles, de la musique, du théâtre et de la chanson, dans le cadre du festival « Croisements ». 3 avril 2009 : duo de guitare Flammes and Co au théâtre Qintai (co-production Poly Forbidden City Theatre Management/CCF) 9 avril-10 avril 2009 : Partage de Midi de Paul Claudel, mise en scène

de Jean-Christophe Blondel à l’Université de Wuda. 20 avril 2009 : La Boîte, spectacle théâtral de la Compagnie Zonzon qui fera le bonheur des enfants. Une rencontre entre deux familles de marionnettistes lyonnaise et taïwanaise qui se découvrent au travers de leur art, au Théâtre de Wuhan (Hankou). 25 avril 2009 : William Scheller avec un quatuor de l’Orchestre de Wuhan au Théâtre de Wuhan, Hankou. Une co-production 86/33 link et CCF.

27 mai 2009, concert du jeune et talentueux guitariste Thibault Cauvin, au Conservatoire national de Musique de Wuhan (Wuchang) . 21 juin 2009, la Fête de la musique, avec entre autres, un concert de Yann Tiersen sur les berges du Yangste, quatre groupes français invités par l’Alliance Française de Wuhan (Puss, Made again, Diaporama, Dusty side) et la participation de plusieurs groupes et orchestres wuhanais. Une co-production 86/33 link et Centre culturel français

Et aussi 9 mai : finale de la 9e édition du concours de la chanson française au Conservatoire national de musique de Wuhan, au Huang Zhongting, nouveau bâtiment du Conservatoire.

Connexions / février - mars 2009  85


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES La Montagne sacrée de Wudang, sur les traces des Immortels Au nord-ouest de Wuhan (Hubei), à quelques foulées de Xiangfan (150 km), se trouvent les monts Wudang, un haut lieu du taoïsme et le berceau de l’un des arts martiaux chinois les plus connus, le Tai-chi-chuan. Encore peu fréquenté par les touristes lors de mon séjour en 2004, le lieu est magique et l’ambiance y est encore authentique grâce à la présence des maîtres taoïstes qui y pratiquent avec assiduité entourés d’adeptes de tout âge. Accrochés avec harmonie sur des falaises escarpées, temples et monastères s’étalent sur un massif montagneux de 400 km2 qui compte 72 pics, dont le point culminant, le « Pilier du Ciel » (Tianzhu), s’élève a 1.612 m d’altitude, dominant la réserve naturelle de Shennonjia, où sont censés vivre quelques yétis (Yehren). Nommés selon la cosmogonie chinoise « le toit de la Chine centrale », les Monts Wudang abritent d’innombrables sanctuaires et ermitages taoïstes datant du VIIe siècle, ainsi qu’un ensemble organisé de temples et de monastères construits sous la dynastie des Ming. Haut lieu du Taoïsme Inscrit au Patrimoine culturel mondial de l’Unesco en 1994, le site culturel et historique de Wudangshan acquit sa célébrité à partir de la dynastie des Song, lorsqu’un culte à la divinité taoïste ZhenWu (le « Guerrier véritable »), souverain du royaume mystérieux de Jingle, pays de la Pureté et de la Félicité, s’y développa. ZhenWu est représenté souvent dans une pose très martiale, épée à la main, cheveux défaits et pieds nus foulant une tortue ou un serpent. Un autre personnage important de Wudangshan est l’ermite taoïste errant, Zhang Sanfeng, qui y aurait vécu en ermitage avec ses disciples à la même époque ou sous les Yuan. Même si sa biographie est légendaire, Zhang Sanfeng, souvent représenté en tenue de moine avec un chapeau de paille à large bord dans le dos, serait à l’origine des arts martiaux internes de Qi gong, de l’école taoïste de Wudang. Les empereurs Ming lui donnèrent le titre de divinité et dès le XIXe siècle, il fut considéré comme le patron fondateur du Tai chi chuan. De86

Connexions / février - mars 2009

puis, les Monts Wudang sont devenus le lieu de pèlerinage privilégié de tous les pratiquants d’arts martiaux internes*. Ses monastères sont réputés comme centres de recherche d’apprentissage et de pratique de la méditation, des arts martiaux et de la médecine traditionnelle chinoise, ainsi que des pratiques de l’agriculture et des arts liés au taoïsme, attirant des adeptes du monde entier.

gong), situé au pied d’un des pics, est le complexe le mieux conservé et le plus important du site de Wudangshan. Le monastère est très actif : scènes de combats de maîtres et adeptes, et cérémonies taoïstes sont quotidiennes. Le temple a d’ailleurs servi de cadre au tournage du film Tigres et Dragons. On s’attend presque à voir voler les pratiquants dans l’espace. L’ambiance y est puissante et envoûtante. Continuons notre ascension vers le sommet « Le Pilier Un patrimoine historique et culturel du Ciel ». Visite du Temple du Rocher du bien conservé Sud (Nanyuanggong) datant des Yuan, enAu milieu du XIVe siècle, vers la fin des tièrement en pierre et abritant les 500 staYuan, la plupart des édifices ont été dé- tues des fonctionnaires célestes. Rencontre truits par la guerre. En 1412, pour hom- sur l’autel Long Tou Xiang, plate-forme mage au dieu Zhen Wu, protecteur des rocheuse surplombant la falaise, avec les Ming, l’empereur Xuantian de pèlerins qui viennent prier la dynastie Ming fit construi- « un haut-lieu pour faire exaucer leurs vœux. re à Wudangshan, en même du taoisme et le Empruntons ensuite les 1 080 temps que le Palais impérial marches qui mènent au Temberceau d’un des de Pékin, un ensemble de dix ple de l’Harmonie Universelle temples, trente-six monastè- arts martiaux (Taihegong). Des cadenas dores, soixante-douze grottes et chinois les plus rés et argentés sont arrimés à la douze pavillons. Aujourd’hui, chaîne qui double la rambarde connus, le Taiil en reste quelque-uns très bien jusqu’au sommet. Si vous voupréservés et restaurés malgré chi-chuan » lez prouver votre attachement les aléas de l’Histoire. Si vous à quelqu’un, achetez deux carecherchez les immortels, empruntez la denas et liez-les dans un même maillon, Voie des Dieux (Shendao) qui serpente les puis jetez les clés dans le ravin, pour sceller Monts Wudang sur 35km. Surtout, évi- à jamais vos destins… En route, vous apertez à la porte d’entrée du site, le complexe cevez lacs, sources thermales et rochers de hôtelier récemment construit, mais grim- méditation au milieu des azalées et rhopez doucement à travers un paysage de dodendrons sauvages avant d’atteindre le plantations de thé parfaitement alignées, Pavillon d’Or ( Jindian). Là-haut, comme séparées par de précieux bosquets de sé- dirait un voyageur sous le charme, « La quoias et de mélèzes. Les premiers temples montagne nous entoure à perte de vue, Ming que l’on aperçoit sont le Temple du dans des dégradés de verts et de gris-bleu Pur Esprit (Yuzhenggong), dédié à Zhang vers l’horizon, le soleil est doux à l’ombre Sanfeng, et le Temple de l’Harmonie uni- de l’arbre sacré, les papillons multicolores verselle (Yuangheguan). Beaucoup plus qui se livrent sous nos yeux à des vols nuploin, se trouve le complexe du Temple tiaux étourdissants, frémissent d’extase de la Vérité éternelle (Taizipo), un petit autour de nous… Un bel endroit pour la bijou architectural aux murs pourpres et méditation... C’est dans un état total de tuiles vertes vernissées. Prenez le temps plénitude et d’euphorie que nous entreprede le contempler et vous aurez la chance nons la descente de ce lieu où nous avons sans doute d’assister à une représentation senti la vibration de l’Univers. » V e ro n i qu e d ’A n t r a s de Tai qi des jeunes adeptes de l’école du Temple. * Basée sur les principes taoïstes du Yin et du Yang, l’école de

Comme dans Tigres et Dragons Le Temple des Nuages Pourpres (Zixiao-

Wudang a développé toute une série de rituels de combat destines à combattre les démons, les influences néfastes intérieures et les obstacles dans l’existence de l’adepte. Par comparaison, les arts martiaux de Shaolin (Kung Fu) sont externes et basés sur les principes bouddhistes.


© Imagine China

WUHAN ET LES ENVIRONS 武当山

湖北武当山道士习武

© Imagine China

Une représentation de Tai-Chi-Chuan par les jeunes adeptes de l’école du Temple.

Temples et monastères s’étalent sur un massif montagneux de 400 km2.

湖北武当山风景名胜区

Connexions / février - mars 2009  87


© Michelin

旅游 TOURISME

梅花广场上的喷泉

葡萄酒之都——波尔多 享誉世界的葡萄酒之都——波尔多,以其独一无二的建筑遗产和原汁原味的生活 艺术而备受旅游者的青睐。在波尔多,酒庄诱人的葡萄藤似乎总在向游客招手,邀请大 家来品尝世界葡萄酒之乡的美味佳酿。 几个世纪以来,波尔多都是繁荣的贸易中心,各地商客络绎不绝。随着时间的推移, 城市的各方面都迅速发展,吸引着越来越多来自世界各地的游客,波尔多也逐渐成为 繁华的现代化城市,交通极为便利:游客可以搭乘高速火车,或在左岸的码头乘船取 道水上。加龙河右岸地区的发展让这里更加迷人。这座城市承载着悠久的历 史,而她的未来也将同样精彩。

本版文章版权专有。未经米其林事先书面许可,任何个人或企业不得以复制、转载(包括网上转载)或其他任何方式使用其中的任何内容(包 括文字和图片)。米其林保留对任何未经授权的使用追究法律责任的权利。如需转载或发现文章中有不妥之处或有任何意见和建议,请发 电子邮件至: jennifer.kong@michelin.com.cn

88

Connexions / février - mars 2009

本专栏内容由米其林旅游出版公司提供


© Michelin

Bordeaux 波尔多

波尔多的酒库

老城漫步

色骏马,马鬃飞扬,后脚直立,马蹄高抬,

波尔多老城区的夜晚同白天一样绚丽,在

拉着共和国凯旋车(靠近大剧院一边)和

灯光的照耀下,这座城市丰富的建筑遗产

PARIS

协和凯旋车(靠近公园一边)在奔驰。靠

更加显示出其独特的魅力。经过大规模的

近大剧院一边的地面上有3个悲剧人物雕

修复运动,这里建成了约5000座18世纪

像,这并非象征吉伦特党人,而是代表着 罪恶、无知和谎言。

风格的建筑,其材料则是附近采石场出产 的美丽赭石。

Bordeaux 波尔多

旁边的歌剧院广场可以让您领略到18世

您 可 以 从 梅 花 广场 ( E a p l a n a d e   d e s

纪大剧院(Grand Théâtre)的风采,这是法

Quinconces)开始您的漫步之旅。广场建

国最美丽的建筑之一,大剧院有12根女神

于19世纪,从前这里是军号城堡的所在 地,由查理七世于百年战争之后所建,后 来路易十四又对城堡进行了扩建。那时广 场上栽种了很多树,并以梅花形状排列, 这也就是“梅花广场”名称的由来。如今, 广场的一部分已经改作停车场,但是吉

城市简介: 面积:49,36 平方公里 人口:232 260 旅游局网址: www.bordeaux-tourisme.com (网址的全部内容已译成中文)

像巨大柱廊(就像很多古代寺院一样), 其建筑风格属于新古典主义。 如果您想购物,不妨来总督府路上转一 转,那里有许多奢侈品店和高级时装店。 途中您还会路过圣母教堂(Eglise  NotreDame),这是波尔多最宏伟的建筑之一, 属于巴洛克式建筑风格。

伦特纪念碑(Monument aux Girondins)的 建成挽救了广场的命运。这座纪念碑为

1792年被罗伯斯庇尔送上了断头台。纪

从横穿波尔多的加龙河往回走就到了交

纪念吉伦特党人而建,寓意深刻。这一政

念碑上的浮雕生动而传神。 “自由挣脱镣

易所广场(Place de la Bourse),如果说来

治团体在法国大革命期间非常活跃,但于

铐”的雕塑就建在两座喷泉之上:几匹褐

到波尔多有个地方一定要去的话,

•••

Connexions / février - mars 2009 89


旅游 TOURISME 最后是圣-皮埃尔小广场(PlaceSt-Pierre),

波尔多和葡萄酒

这里的教堂及周四全天开放的生态市场

葡萄最初由罗马人传入波尔多,在那时

让整个广场显得充满生机。中午您也可

这是神圣的事物:谁如果偷了一串葡

以在此就餐:坐在帐篷下,就着白葡萄酒

萄就会被割掉耳朵。葡萄酒(以前被称

品尝海鲜(纯天然)、牡蛎等做成的特色

作“claret”— —英国人称法国波尔多

菜,别有一番风味……一些艺术家经常来

红葡萄酒的用语)的质量是经过重重检

此聚会。

验的:事实上,会由六个品酒员对葡萄

如果您六月底来到波尔多就会赶上在河

酒进行品尝和检验,如果没有经过品尝

岸举行的两个重大节日之一:葡萄酒节( 偶数年)或河流节(奇数年)。根据节日的

和认证,任何酒吧老板不得装瓶出售。

波尔多的葡萄酒

如果酒商往酒里掺水或是箍桶匠制作

罗马时代和18世纪酿制法酿制的葡萄

的酒桶不合规定都会受到惩罚。如今,

酒,其口味会让您大吃一惊。

波尔多依然是全世界葡萄酒爱好者的

如果想要多了解一些关于葡萄酒和

圣地,也是一个大型的葡萄酒交易中

葡萄园的知识,那么就要回到市中心

心。

的波尔多葡萄酒行业委员会(Conseil

沙尔特龙区(Chartrons):这个老街区曾

interprofessionnel du vin de Bordeaux;

是葡萄酒仓库,它阐释了波尔多和葡萄

地址:1 cours du 30-Juillet)去。您不仅

酒之间的特殊联系。

可以了解到很多有关葡萄酒的知识,在

沙 尔 特 龙 博 物 馆 (Musée des

专家的建议下买些葡萄酒,还可以在

Char trons):位于一处装饰豪华的商

这里参加品酒活动和葡萄酒工艺培训

店中,商店于1720年由爱尔兰人弗朗

班。

兹·贝克建成。这是本地区唯一一座酒

我们 还 建 议 您去参观当地 美丽的

库建在高处的商店。沿着装饰有锻铁栏

葡萄园,尤其是上梅多克地区(Haut

杆的优雅楼梯拾级而上,就来到了从前

Médoc)的葡萄园更是不容错过:世界

的酒瓶包装室,这里如今已被改建成

上最负盛名的葡萄酒生产地— — 著

博物馆,陈列着有关酒桶制作和葡萄酒

名的玛歌酒庄(Châteaux

酿制的工具。博物馆还通过展示各种酒

穆 顿·罗 特 席 尔 德 酒 庄 ( M o u t o n

瓶、石印标签和商标再现了葡萄酒包装

Rothschild)和拉菲特·

和交易的历史进程。

庄(Lafite  Rothschild)都坐落于此,这里

几步之外的维诺拉马(Vinorama)则是一

的酒窖全部对外开放。

个关于葡萄酒本身历史发展的博物馆。

如果您没有足够的时间来此游览,也可

通过13个由蜡像人物构成的场景,游客

以乘坐游船(阿列诺尔号游船,从波尔

可以了解从高卢-罗马时期一直到19世

多出发)泛舟吉伦特河,这样一来,您

纪波尔多葡萄酒的制作工艺和商品交易

不仅能够领略沿岸美景,也能欣赏到波

的发展历史。最后,这里可以品尝到仿

尔多葡萄园的迷人风光。

不同,可以品尝到不同的波尔多葡萄酒和 产自大西洋的海产品。无论哪个节日,您 都有机会欣赏到众多的音乐会、参加各种 舞会,还可以观看加龙河帆船比赛…… 现在让我们再次回到这 座富有魅力的 城市中,沿着圣卡特琳街(Rue  SainteCatherine)漫步,街道两旁是各式各样的 店铺、商场、时尚商店、酒吧、饭店……这 里是波尔多重要的生活和聚会场所。 在维克多·雨果街(与圣卡特琳街相交) 上, 可以看到大钟门(Porte de la Grosse

Margaux)、 罗特席尔德酒

Cloche)。波尔多人对他们的“大钟”感情 深厚,这座大钟原来置身于一座15世纪 象征城市权力的钟塔之中,钟塔被破坏 后,大钟幸免于难,完好地保存了下来。 以前,国王想要惩罚波尔多时,就派人搬 走这座大钟和城里的其他钟表。 如果您想听到波尔多心脏的跳动,就要到 维克多·雨果广场(位于圣卡特琳街尽头)。 这里是年轻人和大学生聚会的地方。十多 间酒吧和咖啡厅里永远都在举行音乐会 和主题晚会。其中有以特殊气氛闻名的El Bodegon和大学生必来的Plana。夜晚巴 鲁达特岸边的酒吧和迪斯科舞厅里尽是 被热闹的气氛吸引到这里来的年轻人。凌 晨三点钟的景象更为壮观:人群是如此拥 挤,以至于只有侧起身子走路才不会被挤

•••那就是这里了。这座马蹄形的广场建

显然,波尔多人完全有理由为这座城市众

到水里去。

于18世纪,面朝加龙河。广场四周路易十

多且富有特色的广场而自豪,例如附近就

推荐酒吧:经常举办爵士舞曲音乐会的

五风格的建筑和谐有序,其风采令人难以

还有一座美丽而宁静的小型广场:议会广

爵士柜台(Comptoire du Jazz)和烧酒厂

忘怀。广场北面是交易所宫,南边是古老

场(Place du Parlement)。站在广场上,就

(Distillerie),后者因其上好的威士忌而闻

的费尔姆府邸。广场中间是三女神喷泉(

仿佛回到了路易十五时代:广场的中心依

名。

建于1860年)。

然像从前一样是碎石铺砌的地面。

至此您的波尔多之行也画上了一个美丽的

90

Connexions / février - mars 2009


Bordeaux 波尔多 •

句点。

实用资讯 如何前往 乘高速列车(TGV)从巴黎出发,到达波尔 多的圣让火车站(gare St-Jean)约需3个小 时。火车站通往市内的班车每10分钟一 趟。 餐饮 面包之桌(La Table du Pain) 地址:议会广场6号(6 pl. du Parlement) 电话:05 56 81 01 00 营业时间:8:30-18:30,圣诞节和新年期 间不营业 平均消费:8-17€ 室内金色的石墙、古老的楼梯和松木的油 漆家具都让人倍感舒适和亲切,店内提供 多种口味的面包和沙拉。

波尔多的卡内雷斯蛋糕

Les canelés, spécialité culinaire bordelaise.

(4 cours Georges-Clemenceau)

营业时间:周一至周六8:30—19:30

电话:05 56 52 98 98

这家店位于伟人市场(Galerie des Grands-

布鲁南之家(Chez Brunet)

营业时间:12月后有15天不营业

Hommes)内,制作并出售波尔多特色美

地址:孔代街9号(9r. de Condé)

45间客房

食——美味可口的卡内雷斯蛋糕。这种蛋

电话:05 56 51 35 50

价格:26-38€;早餐4.50€

糕表皮呈褐色,细腻粘稠,吃起来外酥里

营业时间:周二至周六10:0 0-14:0 0,

如果您想步行游览波尔多,不妨选择这家

软。而且,蛋糕根据铜制模型的形状不同

17:00-22:00,一月的第一个礼拜不营业,

建于18世纪的旅馆。这里的房间简洁舒

而外形各异。

八月也有3个礼拜不营业

适,并配有空调。享用早餐的餐厅风景优

平均消费:10-20€

美, 可以俯瞰整个城市。

在这家小饭馆里,游客可以吃到当地的特 色菜:牡蛎烤肠拼盘。

Darricau甜品店 地址:甘必大广场7号(7 pl. Gambetta)

派斯宾馆(Hôtel Presse)

电话:05 56 44 21 49

地址:第柔门街6号

网址:www.darricau.com;

钱币酒吧(Bar Cave de la Monnaie)

(6 r. de la Porte-Dijeaux)

营业时间:周一至周五10:00-19:00,周

地址:钱币门街34号

电话:05 56 48 53 88

六11:00-19:00, 节假日不营业

(34 r. Porte-de-la-Monnaie)

营业时间:12月25日至1月2日期间不营业

从1913年起,这里就成为了美食家的乐

电话:05 56 31 12 33

27间客房

园。甜品店因其波尔多方块(一种加有酒

营业时间:周日不营业

价格:46-82€;早餐7.50€

浸葡萄干的杏仁巧克力糖)、瓶装巧克力

平均消费:午餐7€,晚餐12-28€

这座好客的小旅馆位于老城的商业步行

酱和一种名为“尼尼仕”的糖果(用黑巧

这间酒吧成功的秘诀在于:24小时营业,

区内;有时汽车不能进入。这里的房间方

克力制成)而闻名遐尔。店内的巧克力都

供应炒蛋、沙拉、传统小菜,晚间有特别

便而舒适,通往各个房间的楼梯上都铺着

由店主亲自制作,原料除了生可可外还有

菜单;杯装、瓶装的西南部葡萄酒;价格

胭脂红的地毯。

从世界各地带回的香料和香草。

公道;气氛热烈而轻松。

购物 住宿

巴亚德兰·卡内雷斯

克列孟梭宾馆(Hôtel Clemenceau)

(Baillardran Canelés)

地址:乔治·克列孟梭街4号

电话:05 56 79 05 89 Connexions / février - mars 2009 91


© DR

协会 associations

方芳女士和她扶助的孩子们

©DR

Françoise Grenot-Wang entourée de « ses filles ».

En dix ans plusieurs milliers de petites filles ont trouvé des parrains et le chemin de l’école. 在十年里,几千名女童找到了资助者并获得上学的机会

92 Connexions / février - mars 2009


© Ling Fei

Hommage à Françoise Grenot-Wang, fondatrice de l’association Couleurs de Chine, qui nous a quittés en décembre dernier.

J

Une femme Miao par adoption pa r

F r a n ç o i s C au w e l

uillet 2004, première rencontre avec Françoise Grenot-Wang1. Elle est grande, les épaules carrées, de longs cheveux noirs toujours lâchés. Elle porte un costume de coton teinté à l’indigo avec de magnifiques broderies miaos sur les manches, le col et le plastron qui recouvre la poitrine. Aux pieds, des chaussures de la Libération, baskets en toile kaki de l’armée munies de crampons en caoutchouc, qu’elle me recommande pour parcourir la montagne sur les sentiers de rizières boueux à flanc de montagne. Françoise ne fait pas de folklore, elle est une femme Miao par adoption. Je tourne un reportage sur Couleurs de Chine, l’association humanitaire qui finance la scolarisation des petites filles Miao à 3000 km au sud de Pékin dans les montagnes du Guanxi. Nous sommes devant une école en bois qui accueille une soixantaine d’élèves. La classe est arrêtée. L’instituteur apprend à Françoise que les plus grandes de ses élèves veulent partir travailler dans le sud du pays pour gagner de l’argent et se trouver un mari. Françoise est furieuse et la colère l’emporte. « Qu’est ce que vous avez ? Vous ne pensez qu’à vous marier ! Vous marier !! Alors que vous êtes si petites. Ce n’est pas encore le moment à votre âge. C’est le plus heureux des âges et si vous vous mariez, vous serez maman tout de suite. Et vous n’aurez jamais profité de votre jeunesse, vous serez déjà des vieilles, c’est ça que vous voulez ? Hein, c’est ça que vous voulez ? Il faut réfléchir un peu, vous serez malheureuse toute votre vie alors que si vous étudiez vous pourrez trouver un bon travail. Vous pouvez apprendre plein de choses et comme ça trouver un très bon travail. Ça vous rendra plus heureuse. Puisque, si vous voulez partir travailler en usine, vous serez comme des machines, pam, pam, pam à faire des boutons

r é a l i s at e u r

pression et ce sera toute la vie comme ça, toute une vie comme ça ! » Françoise est démunie face aux illusions de vie « urbaine » qui animent les adolescentes rêvant d’un peu de superflu. C’est peut-être son plus dur combat, celui de convaincre coûte que coûte les filles des montagnes du Guangxi de rester étudier au village pour ne pas être exploitées à la ville. Il y a un mois, Françoise est partie dans la province du Guangdong, à plus de mille kilomètres de Danian, rechercher « ses filles » travaillant 10 heures par jour, 6 jour sur 7, dans une usine de boutons pressions. Les filles fuient le village et abandonnent les bancs de l’école pour gagner quelques dizaines d’euros par mois. Je découvre l’ampleur de son travail, convaincre les autorités locales qui l’ont chassée dix ans plus tôt par peur de l’étrangère aux idées subversives, convaincre encore vous et moi de financer des écoles et les livres d’études trop chers pour les habitants d’une centaine de villages éparses situés à des heures de marche du premier bourg. Enfin, convaincre les familles miaos que seule l’école peut ouvrir aux filles l’accès à une vie meilleure. Françoise est une personne engagée et elle milite tous les jours auprès de ceux qu’elle aime pour préserver leur identité culturelle. « Les Miaos, me dit-elle, sont un peuple martyr, mais eux personne n’en parle ». Françoise n’est pas une activiste contrerévolutionnaire, elle ne fait pas de politique, elle n’est pas en croisade contre le gouvernement chinois. Son but ultime, offrir une éducation scolaire aux petites filles des minorités Miaos, Dong et Yao. Pourquoi aux filles ? Parce que leurs parents sont d’une extrême pauvreté. Chaque famille vit en autarcie, de l’élevage de quelques canards, d’un ou deux cochons noirs et de la culture de riz gluant. Ici, il n’y a pas

de retraite ou d’assurance sociale. Seuls les garçons peuvent assurer aux parents un toit et de quoi manger lorsqu’ils seront trop vieux pour travailler aux champs. Les filles se marieront et iront vivre dans la famille de leur époux. C’est pour cela que Françoise a créé son association humanitaire Couleurs de Chine. Elle a trouvé dans ces montagnes qu’elle appelait « son paradis » un sens à son existence, être utile aux autres. En dix ans plusieurs milliers de petites filles ont trouvé des parrains et le chemin de l’école. Françoise a donné aux minorités ethniques du Guangxi le droit à la connaissance et de fait à la parole, l’accès à l’école pour stopper l’exclusion. Jusqu’à ce 9 décembre 2008 (date où Françoise a disparu dans l’incendie de sa maison) je pensais que rien ni personne ne pouvait entraver l’élan de ses coups de gueule et de ses efforts. Dans tous les villages que nous visitions les enfants nous accueillaient avec le même enthousiasme, la même spontanéité, les mêmes sourires et toujours accompagnés de « bonjours » (en français). Les enfants criaient, entouraient Françoise, lui prenaient la main. Les familles nous invitaient à partager leur repas avec bonheur. Françoise restait très émue par leur hospitalité. Il n’était pas question de remerciements ou de politesses, mais de moments d’échanges et de respect. Le contraste bouleversant d’une profonde joie de vivre agrafée à la désolation. « Dans le dialecte miao le mot “merci” n’existe pas, parce que pour eux c’est normal de rendre service. » Les Miaos ont perdu une femme décidée, têtue et courageuse, une résistante contre l’assimilation des cultures par une Chine qui n’aime pas les différences, et pour tous ceux qui la connaissaient, nous avons perdu une amie. www.couleursdechine.org

1. auteur de Au coeur de la Chine, Albin Michel 2007

Connexions / février - mars 2009 93


文化 CULTURE

Guo Pei et Eric Constantino : défilé en duo Elle conçoit les tenues haute-couture, il invente les coiffures et les maquillages qui les accompagneront au mieux. Guo Pei et Eric c’est la rencontre de deux talents, une histoire d’amitié et de complicité.

D

ashanzi, la D zone, un espace réservé au design dans le principal district artistique de Pékin. C’est là qu’officient côte à côte deux créateurs qui sont aussi d’excellents managers. La chinoise Guo Pei et le français Eric Constantino. La première est une des meilleures designers de haute-couture de Chine. Elle habille toutes les stars chinoises. Elle a dessiné les robes des hôtesses des JO ou celles des invités du gala de printemps de la CCTV. La plupart des célébrités de l’empire du Milieu, Zhang Ziyi en tête, ne jure que par elle. Quant à Eric le coiffeur, que la communauté d’expatriés connait bien, il a monté depuis son arrivée en 1995, un petit empire qui prend soin des chevelures des happy few dans des salons haut de gamme, mais aussi des têtes moins fortunées dans une chaine low cost, « salon 88 ». Quatre cents personnes font voler les ciseaux dans une quarantaine de salons installés dans six villes (Pékin, Shanghai, Shenyang, Suzhou…). Le salon V-VIP de Dashanzi, dernier-né du cerveau de ce marseillais hyperactif couvre un espace de 1200 m2, — avec école de coiffure 94

Connexions / février - mars 2009

et rooms privées dessinées par le cabinet Spoon-design —, conçu comme un spa, pour passer un moment de détente absolue avec une équipe à la carte et des soins sur mesure. Connivence Mais ces deux-là ne sont pas seulement des voisins qui s’entendent bien. Ils sont aussi des alliés depuis 2006 qui portent haut la collaboration artistique francochinoise. Cette histoire d’amitié et de goûts partagés sort de l’ordinaire. Leur collaboration a commencé avec le défilé de Guo Pei pour la China Fashion week de 2006 autour du thème de Marie-Antoinette. Ce fut un tel succès que le chroniqueur de mode Godfred Deeny, saluait à l’époque sur fashionwiredaily.com « la plus authentique des designers de hautecouture en Chine », « une sorte de Dali métissé de Sofia Coppola revisitant Marie-Antoinette ». Cet expert, notait aussi la qualité de la coiffure et du maquillage réalisés par Eric, qui donnaient aux modèles — lèvres marron, paupières noires et fantastiques extensions — « des airs de Lady Mac Beth rock and roll ».

•••


高级时装

© DR

Haute couture

Défilés hautecouture. « Il y a à la fois du vaporeux et du rigide, du doré et des transparences, un tombé raffiné et fluide et un travail de

© DR

sculpteur. » 高级定制时装秀。既有 轻柔的风格,又有刚硬 的气质, 既有金黄色,又有透 明,既有精细、 流畅的剪裁, 又包含雕塑家 的工作。 Eric Constantino et Guo Pei, séance de travail.

艾力克和郭培

Connexions / février - mars 2009 95


文化 CULTURE

••• Ce défilé aurait valu à ses créateurs, à Paris comme à New York, une « ovation debout d’au moins deux minutes », concluait l’arbitre en élégance qui chronique régulièrement pour la grande presse anglo-saxonne,. Le souci de la perfection Mais les succès médiatiques n’ont pas tourné la tête des complices. Guo Pei, petite brune toute en finesse, aux allures d’elfe, préfère attendre d’avoir « atteint la perfection » pour défiler sur les podiums de Paris ou New York. « Peut-être à Milan bientôt, pour voir… ». Et Eric est au service de Guo Pei. Dans ses locaux de Dashanzi où sont exposées ses robes les plus splendides, la créatrice me raconte l’histoire de sa passion. « J’ai fait des études de stylisme en Chine entre 1982 et 1986. A cette époque la mode n’existait pas. On faisait des vêtements 96

Connexions / février - mars 2009

pour s’habiller. » Après quelques années dans le sud, elle entre à Tian ma (cheval du paradis), une compagnie d’Etat, un des labels les plus populaires de Chine au début des années 90. Elle y reste six ans pour apprendre le métier, puis part une année chez Milano, une JV américano-taïwanaise. Mais très vite, dès 1996, elle établit sa propre société Meiguifang (fleur de mai) pour faire ce qu’elle aime. « A l’époque, je ne mesurais pas la différence entre couture et haute-couture mais je voulais fabriquer des vêtements que j’aime. Ce sont les autres qui, en voyant mon travail, ont déclaré que c’était de la haute-couture. ». Aujourd’hui, outre les commandes particulières, elle conçoit chaque année, une collection — une seule — autour d’un thème : MarieAntoinette, le Japon, les roses….. Féérie chinoise et cosmopolite Visiter l’exposition de ses robes au rez-

de-chaussée de son immeuble de Dashanzi est un voyage féérique, une fête sacrée. Tout est raffiné, plissé, retravaillé à la main avec une quête de perfection presque excessive. Les chaussures en bois de santal sont entièrement recouvertes de perles. Les bijoux sont réalisés par elle, les tissus venus d’Europe sont brodés par des équipes qu’elle a formées elle-même. Les influences sont multiples : celle de la Chine ancienne, bien sûr, sous toutes les dynasties, de ces circonvolutions et de ses dorures, mais aussi des influences cosmopolites : française (Dior), japonisante (les kimonos Heian), hispanisante (les toreros), voire arabisante (les mille et une nuits). Il y a à la fois du vaporeux et du rigide, du doré — beaucoup — et des transparences, un tombé raffiné et fluide et un travail de sculpteur. Sa « master-robe » ressemble à une cloche bouddhique. Entièrement brodée d’or, elle


a demandé 50 000 heures de travail. Cette quête de la perfection donne à certains de ses vêtements quelque chose de sacré. « Je puise mon inspiration dans ma vie — Guo Pei a créé des vêtements de femme enceinte juste avant de devenir mère — , mais aussi dans des paysages ou des œuvres d’art. » Ses exigences l’ont éloignée de la mode où elle avait très bien réussi et réservent ses vêtements à quelques centaines de clientes, dont beaucoup sont devenues des amies, qui peuvent dépenser jusqu’à un million de Rmb pour une robe de mariée. C’est le prix de son objectif : « Je veux être une artiste qui crée des choses qui dureront après ma mort et que l’on ne puisse pas copier. Je ne vise pas la mode immédiate. La grande muraille ou la Cité interdite ne se sont pas faites en un jour…». Coup de foudre Elle qualifie sa collaboration avec Eric

高级时装

© DR

© DR

© DR

Haute couture

Constantino, de « coup du destin ». « Je ne cherchais pas un coiffeur mais un artiste. J’ai eu la conviction immédiate et intime que c’était lui le bon. On parlait le même langage. J’aimais ce qu’il faisait. Les autres avaient du mal à comprendre mes idées, disaient toujours que ce n’était pas possible. Pas lui ». Et Eric de se souvenir comment lors du premier défilé, elle lui avait demandé de grandir les modèles. « Une fois coiffées, elles atteignaient des tailles inhumaines : 1,80 m, plus 25 centimètres de talon et 70 centimètres de coiffure ! » Eric explique la façon de collaborer : « Je suis là pour servir les idées de Guo Pei. L’idée de départ c’est elle. Le dernier mot, aussi. Elle arrive avec des dessins et des échantillons de tissu, trois mois avant le défilé. On parle, on dessine côte à côte. Je lui fais des propositions ». Eric sort ses cahiers tout griffonnés de textes et de

dessins, à la manière des carnets d’artiste. Je devine des architectures, des lignes de forces. « Les cheveux doivent entrer dans un triangle un peu asymétrique. Tu vois là…». Il a déjà fait pour elle des queues de cheval de deux mètres. Il lui ramènerait la lune, si elle le voulait. « Après les croquis, je fais des postiches. Je dessine des bases sculptures, puis je coupe dans des cheveux au mètre que je monte sur ces bases ». Leur prochain défilé aura lieu en novembre pour la China fashion week. Les deux complices ont déjà commencé à réfléchir et à dessiner. Mais chut… le thème est top secret. Gageons que nous serons encore une fois éblouis et transportés et que nous réentendrons parler de ce duo qui devrait entrer dans le cercle fermé des grands couturiers.

A n ne G a r r igu e

Connexions / février - mars 2009 97


文化 CULTURE

Le photographe à la une

封面摄影

A gauche : Oazo building (Marunouchi district), Tokyo. Ci-dessous : Lionel Derimais 左图:东京丸之内 大厦

© Ling Fei

© Lionel Derimais

下图:摄影师黎磊

Un globe-trotter à Pékin

C’

est avec sa paye de vendeur chez Arma, une boutique d’appareils photo coincée entre un vieux café et une boite de nuit, rue du Faubourg du Temple à Paris, que Lionel Derimais s’offre son premier Minolta, “un SRT 101” précise-t-il. Lecteur assidu de Photo, Grand Angle et Zoom, il s’intéresse très tôt à la photo de rue, aux travaux de Robert Frank, William Klein et plus tard à ceux de Josef Koudelka. Il fait pourtant ses premiers pas professionnels sur des rallyes automobiles, aux côtés de Claude Saulnier, photographe spécialiste de sport auto. En 1980, il s’envole pour New York, suivre des cours à l’International Center of Photography, l’école de Cornell Capa, et deux ans plus tard il s’installe à Londres où il travaille comme assistant dans un célèbre studio du moment. Le nombre de magazines foisonne dans la France des années 80, Lionel Derimais rejoint l’Hexagone et entre à la toute jeune agence Mobapress qui fédère une équipe de jeunes talents. Devenu photographe de presse, il travaille régulièrement pour Libération, Jeune Afrique, l’Echo des Savanes ou encore Le Nouvel Economiste. 98

Connexions / février - mars 2009

1987, nouveau départ, direction l’Asie cette fois, atterrissage à Tokyo “la seule ville de la zone où l’on pouvait alors s’installer”. Au club réservé à la presse internationale, il côtoie les vieux briscards qui ont couvert le Vietnam. Mais le démon du voyage le reprend. S’enchaînent un an à Londres, où il travaille plus que jamais pour la presse internationale Le Sunday Times, Fortune, L’Express, la “belle époque”, un petit arrêt à Barcelone en 89, trois années à Nantes et une à Bruxelles, puis un long retour en France. L’envie de repartir à nouveau se fait sentir. Pourquoi pas en Chine ? En août 2005, le voilà à Pékin. Un reportage sur les bateaux-hôpitaux avec Dominique Lapierre paru dans le National Géographic France, un sujet sur la santé réalisé pour le magazine mutualiste Viva, Lionel Derimais parle volontiers de son métier. Il travaille beaucoup à la commande pour la presse, la grande et l’autre, moins prestigieuse, qui lui a aussi donné l’occasion de sujets dont il garde un souvenir fort. Humilité ? Pudeur ? Quand on l’interroge sur ses travaux personnels et sa démarche, il esquive, évoque le manque de temps, les contraintes et les contingences.

Seule sa série de portraits « avoir trente ans en Chine en 2006 », un travail qui interroge la génération née à la fin de la Révolution culturelle, sera mentionnée. Pourtant, à se balader sur son site, un sujet central saute aux yeux : la ville, les grandes villes, plus précisément, celles d’Asie en particulier. Leurs contrastes et leurs décalages, leur surréalisme aussi — le cliché du marchand “à la tête de pamplemousse” jonglant avec un fruit qui lui cache presque entièrement le visage rappelle immanquablement un tableau de Magritte — leurs carrefours, leurs passants affairés comme les habitants de quartiers tranquilles. Et des scènes de rue de Montmartre à celles de Pékin, ressort le sens fort des clairsobscurs ou, au contraire, celui des subtiles nuances de gris comme un rendez-vous entre la brume pékinoise et les cieux parisiens. Du pont de Cheviré à Nantes, au building Oazo de Tokyo (ci-dessus), en passant par la Bibliothèque Nationale de Pékin, le même goût des lignes pures et des compositions graphiques. www.lionelderimais.com

S o ph i e L av e rg n e


读书

Lire

Par une nuit où la lune ne s’est pas levée. Par Dai Sijie, Editions Gallimard, coll. Folio, 2008, 370 pages, 7,40 € En 1978, une jeune Française se rend à Pékin pour étudier le chinois. Elle rencontre un jeune Chinois, dont le père est un sinologue réputé qui lui fait découvrir les complexités de la culture chinoise. Il lui révèle sa préoccupation qui est aussi sa mission secrète et en grande partie initiatique : retrouver la partie disparue d’un mystérieux manuscrit, rédigé dans une langue inconnue dont il n’a pu jusqu’ici que déchiffrer la première ligne qui commence ainsi : Par une nuit où la lune ne s’est pas levée… Ce manuscrit se présente sous la forme d’un rouleau de soie qui selon la légende aurait été transmis par Bouddha lui-même jusqu’à sa confiscation sous le régime maoïste. Les multiples péripéties au travers des siècles de ce demi-manuscrit sur rouleau de soie forment le fil conducteur de ce roman aux récits habilement organisés. C’est aussi pour le lecteur l’occasion, en compagnie de ces deux étudiants, de revisiter l’histoire de la Chine et celle du bouddhisme et d’accéder aux créations les plus subtiles de la culture chinoise, en particulier à la langue écrite, à ses caractères et à sa calligraphie qui sont omniprésentes dans ce troisième roman de Dai Sijie. La mélopée de l’ail paradisiaque. Par Mo Yan Traduit du chinois par Chantal Chen Editions Seuil, Points, 428 pages, 2008, 8 € Il s’agit de la réédition d’un des premiers romans de Mo Yan traduits en français. Il s’inspire d’une chronique sociale retraçant des faits réels qui se sont déroulés en Chine en 1897 mais qui restent d’une étonnante actualité avec la multiplication de ce qui est appelé pudiquement des « événements de masse ». Dans un district non précisé du nord-est de la Chine, les paysans vivent de la monoculture de l’ail. Frappés par la mévente de leur production, ils partent manifester devant le siège du gouvernement local et pénètrent dans les bâtiments officiels qu’ils ont l’intention d’occuper. Cette action exceptionnelle et jugée comme subversive sera durement réprimée, comme c’est devenu le plus souvent le cas aujourd’hui. A ce fond de drame social s’ajoute une histoire d’amour contrariée entre Gao Ma et Jingju dont les

Par Laurent Ballouhey

familles refusent l’union car ils ont au préalable arrangé un autre mariage pour leurs rejetons. Les quarante-et-un coups de canon. Par Mo Yan Traduit du chinois par Liliane et Noël Dutrait Editions du Seuil, 260 pages, 2008, 24 € Les rôles sont inversés. Ici c’est le jeune Luo Xiaotong, aspirant à la sagesse, qui raconte son expérience et sa vie au vieux moine Lan, dans un ancien temple délabré. Dans le même temps, il lui décrit ce qui se passe à l’extérieur, dans le monde contemporain, y ajoutant ses commentaires sur l’évolution de la société chinoise. Tout au long de ces quarante-et-une historiettes et de deux chronologies, il met en scène les personnages les plus originaux mais aussi les plus représentatifs de ce bourg rural vers la fin des années 1980, c’est-à-dire dix ans après le début des transformations radicales de la société chinoise. L’auteur fait le choix de mettre en exergue pour les condamner les dérives de la nouvelle société chinoise, qui nourrit le cynisme, la domination de l’argent, et avant tout l’absence de valeurs qui émerge de cette nouvelle époque. L’empire du désir : une histoire de la sexualité chinoise. Par Liu Dalin, Traduit du chinois par JeanClaude Pastor, Editions Robert Laffont, 208 pages, 2008, 23 € L’auteur Liu Dalin, professeur de sociologie à l’Université de Shanghai, est considéré comme le plus célèbre sexologue chinois, et fut le fondateur du premier et encore unique musée entièrement consacré au sexe en Chine. Dans cet ouvrage à la fois très savant et très divertissant, il explore et explique les quatre mille années de la longue histoire de la sexualité chinoise. Il se propose de nous livrer les clefs de la théorie et de la pratique du sexe, à commencer par les liens qui existaient dès le début entre la philosophie du yin et du yang ou celle de l’aspiration à la longévité d’origine taoïste et l’érotisme chinois. Il nous éclaire aussi sur le sens d’expressions suggestives mais restées mystérieuses comme « l’art de la chambre à coucher », ou celui de « la clochette chatouilleuse ». Il retrace l’origine encore largement débattue de la coutume Connexions / février - mars 2009 99


读书

Lire

des pieds bandés, appelés « lotus d’or ». Agrémentée de riches illustrations et d’extraits inédits de la littérature érotique chinoise, L’empire du désir a toutes les chances de devenir l’ouvrage de référence sur l’histoire de la sexualité en Chine, prenant place aux côtés, sinon au-dessus, du classique aujourd’hui un peu ancien du sinologue hollandais Robert Van Gulik, auteur du remarquable ouvrage La vie sexuelle dans la Chine antique, publié en 1962 et traduit en français en 1971. La Chine : journal de Pékin (1963-2008). Par Pierre-Jean Rémy, Editions O. Jacob, 846 pages, 2008, 35 € L’auteur, diplomate et grand voyageur en Chine dont il est un passionné depuis longtemps, nous livre un témoignage exceptionnel et de première main sur les profondes transformations qui ont marqué la Chine depuis ces quarante-cinq dernières années. Rares en effet sont ceux qui ont pu comme lui arpenter la Chine de Mao depuis 1963 avant donc les soubresauts de la Révolution culturelle jusqu’à la Chine de la période actuelle postérieure aux réformes de Deng Xiaoping. A travers les nombreux voyages, les observations, les analyses d’un homme d’action bien introduit auprès des dirigeants chinois d’alors, mais aussi d’un romancier attentif aux hommes et aux situations, il fait le constat de la lente évolution, non sans crises ou ruptures parfois violentes, qui conduit la Chine à devenir l’un des plus grandes puissances du monde. Les Juifs de Shanghai : XIXe-XXe siècle. Par Isabelle Martinet, Editions Romillat, 258 pages, 22 € Durant toute cette période du XIX e au XX e siècle, Shanghai devenue la principale métropole de l’Asie est un carrefour humain où se retrouvent toutes les nations du monde. Les Juifs, de toutes origines géographiques ou ethniques, ne font pas exception et y développeront même une présence toute particulière. Heureux d’échapper à leur triste sort en Europe — chassés de Russie d’abord par les pogroms antisémites du Tsar puis par la révolution bolchevique, ou encore persécutés par la vague de répression nazie qui s’abattit contre eux dans l’Allemagne de Hitler — les Juifs

100

Connexions / février - mars 2009

mèneront à Shanghai une vie très mouvementée et souvent dramatique. Ils alterneront les fortunes rapides ou les faillites soudaines, au gré des événements internationaux qui frappaient toujours Shanghai de plein fouet. Eloignés de leur pays d’origine, Sépharades et Ashkénazes, les uns venant du Proche-Orient et parlant anglais, les autres ayant fui l’Europe et parlant allemand ou polonais, ne développent guère d’affinités réciproques. Les premiers venus pour s’enrichir et faire fructifier leurs affaires n’estiment ni ne prêtent attention aux seconds arrivés sans le sou en fuyant les persécutions en Europe. Pourtant, ils seront forcés de partager le même sort, pris entre les Chinois qui se révoltent contre le pouvoir impérial des Qing et contre les Occidentaux qui se livrent à tous les trafics en particulier celui de l’opium. Piégés dans le monde en guerre de la moitié du XXe siècle, ils seront même, sans distinction, retenus comme prisonniers dans le seul ghetto juif d’Asie que les occupants japonais ont créé, en application des ordres de leur allié nazi, sans aller cependant jusqu’à l’extermination ou la solution finale. Mais pendant les années qui suivront la fin de la guerre, ils seront forcés à repartir à nouveau pour les Etats-Unis, l’Australie ou Israël, et de quitter définitivement Shanghai, où il ne reste aujourd’hui guère de traces de leur présence longue pourtant de plus d’un siècle. Le Lao Tseu, suivi des Quatre Canons de l’empereur Jaune. Traduction et commentaires de Jean Lévi Editions Albin Michel, 230 pages, 2009,14 € Le Tao Te King, le Livre de la Voie et de la Vertu, attribué à Lao Zi et composé à l’origine sous la forme d’un long poème en 5 000 caractères, est l’un des grands classiques chinois. Ce livre fondateur du taoïsme est une clé indispensable pour pénétrer la pensée chinoise. La tradition, celle des savants chinois et des sinologues, a toujours séparé le texte en deux parties, le premier plus philosophique traitant de la « Voie », le second plus politique et pratique explicitant la « Vertu » et son application au bon gouvernement et à la gestion de la société. Or à deux reprises, en 1973 à Mawandui et en 1993 à Guodian, on découvrit lors de fouilles archéologiques deux nouvelles versions plus anciennes de ce texte, calligraphiées sur soie et sur bambou, sur lesquelles l’ordre de ces deux parties était inversé.


作品赏析Vu de l’esprit Par Jacques Leclerc-du-Sablon

La Méditerranée asiatique. Villes portuaires et réseaux marchands en Chine, au Japon et en Asie du Sud-Est, Le sinologue Jean Lévi, spécialiste du confucianisme et du taoïsme dans la Chine ancienne, et auteur d’ouvrages décapants tant sur Confucius que sur Zhuang Zi, propose ici une nouvelle traduction inédite en français de ces deux versions dans l’ordre inversé, accompagnées d’un autre texte Les Quatre Canons de l’empereur Jaune. Cette traduction est précédée d’une longue préface de Jean Lévi qui dégage les nouvelles interprétations ainsi ouvertes et qui renouvellent la compréhension de la pensée taoïste. Ces deux versions du Lao Tseu, tant en 1973 qu’en 1993, étaient accompagnées de quatre textes jusqu’ici inconnus. Certains savants chinois ont cru pouvoir identifier ces quatre chapitres qui précédaient le texte du Lao Tseu comme étant Les Quatre Canons de l’empereur Jaune, un traité jusqu’alors perdu, mais dont le titre avait été consigné dans les Annales officielles de la dynastie des Han en fin de liste des ouvrages taoïstes. La manière dont le pouvoir a été à la fois pensé et exercé en Chine à l’époque des Royaumes combattants repose sur les représentations émanant du principe cosmique qui gouverne l’univers — le Tao — et les caractéristiques qui lui ont été prêtées. Et ce sont elles qui ont façonné la conception de la souveraineté comme la pratique du pouvoir tout au long de l’histoire de Chine. C’est pourquoi il est important d’interroger le Lao-tseu pour comprendre le fonctionnement de l’Etat chinois et de lire les Quatre Canons pour cerner, à travers la pratique de la Voie du bon gouvernement, le fonctionnement des choses orchestrées par le Tao dans la sphère humaine et sociale. L’Occident de la Chine : Pékin et la nouvelle Asie centrale (1991-2001). Par Thierry Kellner, Editions PUF, 632 pages, 38 € La disparition de l’URSS en 1991 a bouleversé l’environnement régional de la République populaire de Chine, en particulier le long de sa frontière du nord-ouest. Cinq nouveaux Etats, frontaliers de la région autonome du Xinjiang, sont en effet apparus du jour au lendemain au cœur de l’Eurasie. Cette transformation profonde de l’Asie Centrale a ouvert à la Chine des perspectives et des opportunités nouvelles dans les domaines politique et commercial. Mais elle a aussi été source de menaces et de défis inédits pour le pouvoir chinois le long de cette même région

XVIe – XXIe siècle. François Gipouloux, CNRS Editions, Paris, 2009. 480 pages. Peut-être d’autres lecteurs de Connexions partagent-ils cette question que je me suis posée dès le début de mes études et lectures sur la Chine : à partir du XVIe siècle environ, pourquoi les Chinois sont-ils restés sur la terre ferme alors que les pays occidentaux prenaient la mer pour satisfaire notamment un besoin qu’ils avaient en partage avec les Chinois : le besoin d ‘espace ? Nous avons aujourd’hui de la Chine une image terrienne, continentale, finalement assez absente comme actrice des aventures de globalisation des cinq derniers siècles. Qu’en est-il réellement ? La Chine a-t-elle été absente des mers et des échanges maritimes dans cette partie du monde après ses aventures transcontinentales au long cours précédant cette période (l’Amiral Zheng He a navigué aux XIVe et XVe, un siècle avant Christophe Colomb) ? En utilisant la métaphore méditerranéenne dont la légitimité est en débat, François Gipouloux nous ouvre à une complexité maritime et asiatique remarquablement documentée et organisée dans son ouvrage. Il permet de réhabiliter la Chine maritime durant cinq siècles au sein de ce grand bassin qui va de la mer du Japon à celle des Célèbes en passant bien entendu par la mer Jaune et la mer de Chine du Sud. Les outils de ce travail sont ceux de la géographie et de l’analyse économique sur les échanges, sur les organisations portuaires, sur les statuts des villes autour de ce couloir maritime. Comme un chercheur rigoureux, l’auteur ne cède pas à la facilité d’analogies qui laisseraient croire à un modèle commercial maritime reproduit à travers le monde. Il va cependant chercher à positionner son étude asiatique en vis-à-vis d’autres « méditerranées », celle des républiques maritimes, celle de la Baltique, etc. Ce livre vient à point nommé pour comprendre que l’« émergence » chinoise dans la globalisation actuelle ne vient pas de nulle part mais de plusieurs siècles de pratiques globalisées dans sa zone maritime. On a tort finalement de s’étonner de la sortie en haute mer de navires chinois en surveillance dans le Golfe d’Aden, comme s’il s’agissait d’une entorse à une attitude chinoise pluri-séculaire de cantonnement continental. Une étude fouillée pour une thèse audacieuse qui fera sans doute débat entre sinologues. Mais un livre dans lequel le lecteur non spécialiste plonge avec grande curiosité !

Connexions / février - mars 2009 101


读书

Lire

turcophone et musulmane du Xinjiang, importante pour sa situation stratégique et riche d’énormes ressources naturelles (pétrole, gaz naturel et minerais rares). Dans ce nouveau contexte régional et international, Pékin a dû élaborer une politique étrangère adéquate, en direction de ses nouveaux voisins d’Asie Centrale. Cet ouvrage s’attache donc à analyser cette politique étrangère et à décrire sa mise en œuvre. Grâce aux jalons qu’elle a posés, non sans difficulté, au cours de cette décennie, la République populaire aura réussi à s’imposer comme un nouvel acteur international majeur et un partenaire commercial non moins important au sein de cette nouvelle configuration géopolitique de l’Asie Centrale. La Chine de la psychanalyse. Par Philippe Porret Editions Campagne Première, 306 pages, 2008, 22 € Cet intitulé recouvre deux idées bien différentes, mais qui s’enrichissent l’une de l’autre. Le livre traite d’abord de l’arrivée de la psychanalyse, cette invention occidentale moderne dans un pays de culture ancienne, où Mencius (372-289 avant notre ère) est considéré comme le fondateur de la psychologie. Mais si la Chine s’y intéresse de plus en plus, et commence à la pratiquer à sa façon — à Chengdu, Shanghai et Pékin, très peu de psychanalystes chinois sont formés à la démarche lacanienne, comme ce fut le cas de Huo Datong en France. Celui-ci essaie de frayer la voie à un lacanisme à la chinoise prenant pour fondements la culture chinoise et non plus seulement la culture occidentale. Mais ce livre traite aussi de l’idée que se font de la Chine les psychanalystes européens, et avant tout francophones, qui sont attirés, comme hier le furent les Jésuites par son histoire, sa culture et les perspectives de développement de leur discipline dans un contexte non occidental. L’auteur, psychanalyste et romancier, interroge les conditions de possibilité, l’actualité et l’avenir de cette pratique en Chine à partir de questions simples mais essentielles : existe-t-il une spécificité de l’inconscient chinois ? La pensée chinoise est-elle perméable à la théorie freudienne, bien ancrée dans le contexte judéo-chrétien d’origine européenne et qui a eu jusqu’ici du mal à vivre ou survivre dans d’autres cultures que l’occidentale, malgré sa prétention à l’universalité ? Quel est le rôle de l’écrit — en particulier des caractères chinois — et de la parole dans

102

Connexions / février - mars 2009

la pratique analytique chinoise ? Le relatif effacement de la religion en Chine et l’absence de la notion de faute ou de péché et l’inexistence de la pratique de la confession à un tiers — différente de l’aveu exigé face à un juge ou un supérieur — ne sont-ils pas des obstacles insurmontables à l’essor de la psychanalyse en ce pays ? Philippe Porret retrace ici le chemin tortueux de l’introduction de la psychanalyse en Chine, tout en décrivant comment les psychanalystes européens rêvent leur Chine comme l’ont rêvée hier tant d’autres intellectuels avant eux. Pourtant l’avenir leur appartient si l’on en croit l’affirmation du principal psychanalyste chinois Huo Datong selon lequel « l’inconscient est structuré comme l’écriture chinoise ». Portraits chinois, par Jacques Penhirin, Diane DroinMichaud, Anaïs Martane Edition Snoeck, 95 pages, 2008, 25 euros « Qu’est-ce en général qu’un voyageur ? C’est un homme qui s’en va chercher un bout de conversation au bout du monde ». La citation de Barbey d’Aurevilly ouvre ce beau livre de textes et de photos concocté par trois fins observateurs de la Chine, qui y vivent depuis plusieurs années. Il donne la parole à 38 Chinois(e)s. Les interviewés ne sont pas représentatifs, les entretiens ne sont pas calibrés. Il s’agit simplement de témoignages de personnes — choisis tout au long de voyages, amis d’amis… — , qui s’expriment sans mise en scène, de façon authentique, sur leur vie, leurs rêves, leurs visons du monde et de la Chine. Paysans, artistes, employés, commerçants, inspectrice des impôts… ils dressent par petites touches un portrait chinois d’une Chine à multiples faces. Jacques Penhirin écrit : « N’imaginez pas un pays unique ; comparez plutôt la diversité de la Chine à celle de l’Europe ou des Etats-Unis ». Le livre fonctionne efficacement comme un portrait chinois. Et si c’était un médecin aux pieds nus musulman ; et si c’était un acteur de cinéma… Les textes sont ciselés. Les photos intelligentes et respectueuses. De la belle ouvrage.

• AG




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.