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Connexions 联 magazine de la

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de

Commerce

et d’Industrie

Fr a n ç a i s e

en

Chine

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Urbanisation de la Chine, utopie et réalité 中国的城市化:理想与现实

2010

中 国 法 国 工 商 会 双 月 刊

Focus : •le buzz chinois La croissance •réelle du PIB plan •surGros le Fujian

Vu d’ici « A Bird » par le photographe Naoya Hatakeyama 《一只小鸟》 摄影:畠山直哉



卷首语 EDITORIAL Forces et faiblesses de l’urbanisation

Jacques Leclerc du Sablon Directeur de la publication 出版经理:杨磊

Quand l’Europe du Moyen-âge, de la Renaissance et des Lumières était encore essentiellement rurale, les villes chinoises étaient déjà nombreuses et bien établies. Le repli sur les campagnes n’aura duré que peu de temps, entre les XIXe et XXe siècles. Il est déjà derrière nous aujourd’hui. Des inversions et évolutions aussi rapides qui concernent des masses humaines considérables sont génératrices d’un très fort développement économique. Mais elles en font payer une partie du coût aux masses en transit qui ne sont plus rurales et pas encore vraiment urbaines. Ces « forces et

城市化的优劣 当中世纪、文艺复兴和启蒙运动时期的欧洲还处 在农业社会的时候,中国已有数目众多的城市,并且建 设得比较完善。向农业经济的倒退只在19至20世纪持 续了很短的时间。今天,他们已经跟在我们的后面。 如此之快的转换和变化涉及数量可观的人口,它 们是经济巨大发展的助推器,但也使转移人口付出了 一部分代价,这些人不再是农村人,但又尚未成为真 正的城里人。城市化的优劣对于企业而言正是机遇所 在,这些企业不仅指那些建筑、市政设施和交通等企 业,还指那些为人和新的城市阶层提供服务的企业。 您即将翻开的《联结》专栏试着通过不同的侧面为您 解读城市化这一重要的社会、经济和文化现象。 随着这期《联结》杂志的出版,交接工作正在进 行。主编高丽安和出版主管Sophie LAVERGNE即将离开 中国,也将离开她们供职多年的中国法国工商会及其 会刊《联结》。我谨代表读者、中国法国工商会的会员 及理事会当选的理事、全体员工对高丽安和Sophie这 些年来卓有成效的工作表示由衷的感谢。这项非常专 业的工作,结合谢滨和阮征的能力,把《联结》做成了 为中法关系服务的出色工具,尤其是通过深刻、现实 地理解中国经济、社会和文化背景,在这种背景下企 业不断发展。 正是这种专业性保证了质量,通过把杂志交给新 的团队,中国法国工商会希望保持这种专业性。谢滨和 阮征继续负责图文设计和编译工作。记者赛迪成为主 编,龙丹妍担任出版主管。 这一交接得益于原团队创造的给予《联结》的巨 大活力、支持与关注的资源、能力与合作的网络。接手 的人也将带来他们的与众不同之处。我欢迎他们加入 《联结》!

感谢高丽安,感谢Sophie!

faiblesses » de l’urbanisation sont terrains d’opportunités pour les entreprises, celles de la construction, des équipements et des transports urbains… mais aussi celles des services à la personne et aux nouvelles couches urbaines. Le dossier de Connexions que vous allez découvrir tente de vous apporter un éclairage sous différentes facettes de ce phénomène social, économique et culturel majeur. Avec cette livraison de Connexions, un relais se fait. Anne Garrigue, rédactrice en chef, et Sophie Lavergne, responsable de publication, quittent leur fonction en Chine, à la CCIFC et à son magazine Connexions. Au nom des lecteurs, des adhérents de la CCIFC, des élus du Bureau et de l’équipe des salariés, j’adresse un grand merci à Anne et Sophie pour ces années de travail dont le fruit est prestigieux. Ce travail très professionnel, associé aux compétences de Xie Bin et Ruan Zheng, a fait de Connexions un merveilleux outil au service de la relation entre la France et la Chine, en particulier par une compréhension profonde et actualisée du contexte économique, social et culturel chinois dans lequel évoluent les entreprises. C’est ce professionnalisme garant de qualité que la Chambre a souhaité garder en passant le relais à la nouvelle équipe. Xie Bin et Ruan Zheng poursuivent leurs missions de graphiste et d’éditrice. Nicolas Sridi, journaliste, devient rédacteur en chef et Flore Coppin responsable de publication. Un tel relais bénéficie du bel élan donné à Connexions, du capital de sympathie et d’intérêt, du réseau de compétences et de collaboration que l’équipe a su créer. Ceux qui prennent le relais apporteront aussi leur différence. Je leur souhaite la bienvenue à Connexions. Merci Anne, merci Sophie !

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协助委员会

联 结

COMITÉ DE PATRONAGE

Connexions

Le magazine de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine 中国法国工商会双月刊

Directeur de la publication Jacques Leclerc du Sablon Responsable de la publication Sophie Lavergne Rédactrice en chef Anne Garrigue Edition des textes chinois / 中文编辑

Ruan Zheng 阮征 Graphiste / 美术编辑 Xie Bin 谢滨 Ont collaboré à ce numéro : Véronique d’Antras, Laurent Ballouhey, Pauline Bandelier, Any Bourrier, Antonia Cimini, Flore Coppin, Catherine Debeaumarché, Julie Desné, Hélène Duvigneau, André Loesekrug-Pietri, Virgine Mangin, Emmanuel Méril, Pierre Mongrué, Patrice Nordey, Manuel Rambaud, Christine Simon, Renaud de Spens, Nicolas Sridi, Emilie Torgemen, Alexandre Vincent. Photographie de couverture Noaya Hatakeyama « A Bird » Publicité / 广告招商 Pékin : Ruan Zheng 阮征 Tél. : (010) 6512 1740 # 14 Shanghai : Séverine Clément Tél. : (021) 6132 7100 # 114 Guangzhou : Hervé Lambelin Tél. : (020) 8186 8585 # 801 Imprimé par Versatra Graphics 富运达图文印刷 Toute reproduction même partielle des textes et documents parus dans ce numéro est soumise à l’autorisation préalable de la rédaction. La CCIFC décline toute responsabilité quant aux documents qui lui auraient été fournis, ou aux erreurs qui auraient pu échapper à son attention. Les propos tenus dans les articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

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A Tongzhou, dans la banlieue de Pékin, l’urbanisation en marche repousse les derniers ruraux. 在北京的郊区通州,不断推进的城市化赶走了最后的农村人。

focus : Le Buzz chinois 8 - 13 rendez-vous A la une des médias 14 Le dessous des chiffres 18 Tendances RH 20 L’état des lois 22 l’actualité L’agriculture chinoise bientôt en mode transgénique ? 24 Actualité entreprises 26 Safran : une stratégie toute en finesse 34 l’entretien Mingjun Sun : Developper les coopérations locales 36

Urbanisation de la Chine : utopie et réalité

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Un si grand élan Les chiffres du défi chinois Au fil de l’histoire Le casse-tête de la mairie de Pékin De “ville globale” à “ville monde” La nouvelle frontière de l’Ouest

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Shenzhen : l’irrésistible ascension d’un « remblai de rizières » 58 La Fabrication de la ville 62 Les incontournables Instituts de design 66 Urbanus, l’agence qui monte 68 L’immeuble pionnier de Legend 70 AREP en Chine : un succès bâti sur le dialogue 74 Le gigantesque terrain de jeu d’Arte Charpentier 80 Denis Laming Architecte : un theme park pour changer la ville 82 Le modèle Tongli 86 Le marathon des architectes en Chine 88 Obstacles : Les « trois frères » de la construction 90 Véolia : Aux premières loges de l’urbanisation chinoise 92 Accès aux marchés publics : Opportunités et obstacles 94 Air liquide : L’essor des zones industrielles 96 Transports urbains : Le challenge du gigantisme 100 Systra : dans l’ombre des rames du métro chinois 102 Logistique et sécurité, vers une ville intelligente 104


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Shenzhen : l’irrésistible ascension d’un « remblai de rizière». 深圳:不可抗拒的填海造地

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2010年七月号 第54期

L’association Rural Woman. “农家女”协会

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Eco-cités : entre utopie et marché 106 GDF Suez : climatisation efficace à Chongqing 108 Artelia au service du « vert » 110 CSTB : Des Français dans la maison du futur 112 Quand la poussière retombera… 114 Nouveaux urbains 117 Prix immobiliers : l’escalade 120 Real estate, une valeur sûre à long terme ? 121 Le rêve urbain chinois 123 Décoration, le nouveau « bon goût » 124 Les temples de la consommation 126 Marques urbaines : après l’ostentation, l’empathie ? 128 Opération « villes d’avenir » 130 régions jumelles Le Fujian, un décollage économique annoncé tourisme chine Des havres de paix dans de petits villages du Yunnan associations Du magazine Rural Women à la création d’une ONG active

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Connexions a 10 ans et se porte bien. Le magazine a été créé par Florence Gomez et Annick de Kermadec-Bentzmann en 2000. Quand Anne Garrigue en a pris la rédaction en chef en 2006, il cherchait encore sa pérennité et sa formule. La première étape a été de construire des dossiers de plus en plus solides, d’étoffer les rubriques. L’arrivée de Sophie Lavergne début 2008 a permis d’ancrer la formule dans une forme plus élégante et plus cohérente conçue avec Charlie Buffet. Une de nos priorités était de mettre Connexions sur Internet pour préparer l’avenir et le rendre accessible à un plus large lectorat. C’est chose faite. Après deux ans passés ensemble à interroger la Chine, la forme, le texte et l’image, nous partons heureuses du travail accompli. Nous remettons dans les mains de Nicolas Sridi et Flore Coppin — auxquels nous souhaitons bonne chance — un outil, au service de la CCIFC et des lecteurs, utile pour comprendre de façon nuancée la complexité chinoise. Nous avons eu la chance d’accompagner le magazine dans une période fantastiquement intéressante et nous remercions la Chambre de nous avoir fait confiance. Nous remercions aussi toute l’équipe de contributeurs rapprochés et nos collaborateurs quotidiens Patricia Ruan, Xie Bin et Séverine Clément. Nous remercions également les entreprises qui, par leur soutien, permettent à Connexions d’exister. Longue vie à Connexions !

culture Long Live Caochangdi L’esprit maison au coeur de Pékin lire

Anne et Sophie

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27 公司简讯 37 发展地方合作——专访中国法国工商会顾问孙明君 43 专栏:中国的城市化:理想与现实 67 从专业教育到设计实践 71 联想打造的写字楼先驱 77 建立在对话之上的成功 81 夏邦杰建筑设计事务所的巨大活动舞台 83 德尼斯·岚明:一座改变城市面貌的主题公园 93 中国城市化的最佳见证人 99 法国液化空气集团:工业区的腾飞 101 中国的城市交通,巨型城市的挑战 103 在中国地铁列车背后默默无闻的赛思达公司 107 生态城市与可持续城市规划: 在理想与市场之间 109 法国苏伊士环能集团在重庆安装空调系统 111 Artelia: 为绿色项目服务的法国联盟 113 CSTB: 法国参与建造的未来之家 125 家装流行趋势:格调高雅 127 新的消费殿堂 131 “明日之城 未来市场”活动 138 旅游:诺曼底海岸风情

联 结


FOCUS

聚焦

Les emissions les plus regardées

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2 000 chaînes, près d’1,25 milliard de téléspectateurs, la Chine est aussi l’empire de la télévision. Un Chinois urbain passe 3 à 4h par jour devant son poste, un Chinois rural 2h à 2h30.

« Laborieux tous les jours, tu progresseras » (天天向上 tiāntiān xiàng shàng) Une citation détournée du président sympathique et de meilleur goût de la Mao, puisque cette émission est con- « puissance douce » de l’empire du Misacrée aux trésors culturels de la pensée lieu. C’est aussi l’occasion d’entendre chinoise (et parfois étrangère), qu’elle enfin de la bonne musique chinoise vulgarise pour aider nos contempo- récupérant ce qu’il y a de meilleur dans rains à se parer de ses valeurs et de ses la tradition, et le fusionnant avec les apvertus. Les animateurs sont des idoles ports de la modernité internationale. branchées, la réalisation est moderne, jeune et efficace. C’est le visage le plus

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Emissions et feuilletons les plus regardés, stars du petit écran ou de la publicité, émissions et bloggeurs les plus populaires, ils font la une des médias et sont l’objet des conversations quotidennes. Pénétrer le royaume des people est aussi une clé d’entrée dans la psyché de la classe moyenne chinoise, ses préoccupations, ses passions, ses coups de coeur et ses coups de gueule. Voyage en culture populaire, avec notre guru des médias chinois, Renaud de Spens.

On sort ensemble ? ( 我们约会吧 wŏmen yuēhuì ba) Avatar de Tournez manèges, cette émission est directement inspirée de Take me out. 18 mâles bien campagnards cherchent à plaire à une bombe sexuelle, improbable célibataire. L’animateur, visqueux à souhait, fait redescendre périodiquement les « débats » un poil au-dessous de la ceinture pour gonfler l’audience. Morceaux choisis : (un candi

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dat en surpoids se présente) « je ne suis pas beau, mais je peux te protéger en te faisant un rempart de mon corps » (applaudissement des spectatrices dans les gradins) ; (l’animateur à la fille qui vient de danser) « elle est courte ta jupe, on a vu ta culotte », (la fille) « oh », (l’animateur) « c’est pas grave, elle était noire ».


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Le Buzz chinois 中国掠影

La maison du bonheur (快乐大本营 kuàilè dà běnyíng)

L’émission préférée des intellectuels : Le forum des cents (百家讲坛 báijiā jiăngtán) Un invité, souvent spécialiste d’histoire ou de littérature, donne un cours magistral. La réalisation est très sobre, on se croit à l’université. L’émission ne fait pas de records d’audience, mais son influence est grande dans les cercles académiques et intellectuels (CCTV10).

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Née en 1997, elle serait la plus ancienne émission de divertissement de la télévision chinoise. Elle est produite par Hunan Weishi, seule chaîne provinciale avec Dongfang Weishi (et bien sûr les chaînes de Hong Kong comme Phoenix) à pouvoir concurrencer la télévision centrale au niveau national. Les animateurs sont debout sur un grand plateau brillant de mille feux, chacun avec un microphone imposant tenu comme une sucette géante, et les plans alternent asynchrones entre leurs pitreries et des gros plans sur les spectateurs des gradins. Les plus grandes vedettes passent régulièrement à la « maison du bonheur » pour une expérience burlesque.

Quatre à cinq mâles se pavanent devant un panel de 24 femelles, qui vont éliminer les moins bons reproducteurs. Les mâles rescapés choisiront leur partenaire parmi celles qui n’ont pas voulu les évincer. Un « psychologue » fait de l’animation en analysant les couleurs préférées des candidats à la dissémination génétique. La scénarisation caricaturale de l’émission contribue à son très fort divertissement. Elle bénéficie d’une forme de culte transgénérationel, à la fois parmi les amateurs de premier degré, et aussi parmi le groupe de plus en plus important des spectateurs sarcastiques. L’un de ses épisodes les plus connus est celui où un candidat peu inspiré avait tenté de montrer son romantisme vieille école en déclarant son amour des balades amoureuses en bicyclette. Réponse de la « méchante de service » : « je préfère pleurer dans une BMW que rire sur un vélo ! »

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Pas sincère s’abstenir (非诚勿扰 fēi chéng wù răo)

Kangxi est arrivé (康熙来了 kāngxī lái le) Le fameux empereur Qing sert de prêtenom à cette émission de divertissement produite à Taiwan. Deux animateurs, une jolie femme et un métrosexuel en chapeau porkpie, discutent de tout et surtout de rien avec des invités parfois connus. Le président actuel de l’île rebelle,

Ma Yingjiu, y est notamment passé. Les illustrateurs sonores y ajoutent des « bips », « dings », « tagadas », des rires et des applaudissements enregistrés pour rythmer les chutes. C’est sur Internet que les Chinois branchés du continent suivent ce spectacle au débit mitrailleur.

Tendances Il y a trois ans, les émissions les plus à la mode étaient les concours de chant, comme « Super fille » (超级 女声), ou « Garçons heureux » (快 男). Celles-ci sont en passe d’être ringardisées aujourd’hui. L’attention des masses télévisuelles se tourne maintenant vers un phénomène très particulier : le transgenre. Dans une société chinoise si fortement sexuée, les femmes ressemblant à des hommes et les hommes ressemblant à des femmes fascinent. Une diffusion de « Garçons heureux » figurant un chanteur habillé en femme a été visionnée par plus d’un million d’internautes en mai (http://real.joy.cn/video/1597786. htm).

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FOCUS

聚焦

Les Feuillletons les plus suivis

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d’action rappellent les techniques bon marché des nanards des années 70, et les effets de zooms semblent tout droit sortis du feuileton japonais Sankukai. Si cette série a du succès, c’est en raison du goût des Chinois pour les histoires classiques en costume, dont elle est l’épitomé 2009.

L’histoire secrète de Yang Guifei (杨 贵妃秘史 yáng guìfēi mìshĭ) Le feuilleton aurait pu être croustillant, Yang Guifei étant l’une des « quatre beautés de la Chine classique », qui faisait perdre la tête à l’empereur des Tang. Mais le personnage principal de la série est une nunuche qui n’a que peu en commun avec son inspiratrice historique, passant le plus clair de son temps à pleurnicher en réponse à toutes les avanies que le scénario lui fait subir. La neige ou des pétales de fleurs tom bent pendant les moments romantiques, les ralentis pendant les scènes

La voie des hommes passe par la souffrance (人间正道是沧桑rén jiān zhèngdào shì cāngsāng) Non, ce n’est pas un soutra bouddhiste mais une citation de Mao Zedong, qui sert de titre à une énième chronique familiale, se déroulant de 1923 à 1949. On y retrouve les poncifs du genre : dialogues interminables, bons sentiments, gentils communistes et sempiternelles séances de pleurs. Cependant, l’image est esthétisante, presqu’à la Jeunet, le montage un rien plus dynamique que d’habitude, et le propos ne s’enterre pas dans la propagande. Des piques subversives se glissent dans les dialogues : l’épisode tabou des massacres de Yan’an (ordonnés par Mao) est évoqué ; des petites phrases promeuvent la liberté d’expression ; une tirade d’un personnage replacée dans le contexte actuel exprime le regret que le Parti d’aujourd’hui n’ait toujours pas tiré les leçons du déclin et de la chute du Guomindang !

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Maisons d’escargots (蜗居wōjū, en anglais Dwelling Narroness) Cette production est le phénomène télévisuel de la fin de l’année 2009. Toutes les générations, toutes les classes sociales en ont au moins entendu parlé. Les spectateurs chinois expliquent ce succès exceptionnel par le « réalisme » du feuilleton. Finies les références cryptées à l’actualité enfouies dans des dialogues entre deux fonctionnaires impériaux se caressant une moustache postiche : Maisons d’escargots traite des difficultés actuelles d’accéder au logement dans les grandes villes et reflète directement les préoccupations quotidiennes. Deux sœurs incarnent les deux visages féminins de la Chine d’aujourd’hui : l’aînée est une femme de tête, moderne, laborieuse et autonome ; la cadette est la petite princesse choyée par sa famille et par les hommes, traditionnelle, « adorable » (可爱) et dépendante. La première parviendra à trouver un appartement décent à force de travail. Elle passera par des moments de dépression, tombera dans l’alcoolisme, sera repêchée psychologiquement par un ami occidental, mais ne devra ce qu’elle aura obtenu qu’à elle-même. La seconde aura tout plus vite, et mieux, grâce à l’amour que lui porte un fonc-

tionnaire marié et dévoyé. Néanmoins, elle finira par perdre plus que ses gains : son amant mourra en route pour le tribunal qui allait le juger pour corruption, son fœtus sera perdu sous les coups de l’épouse outragée. Le message est clair : la voie du succès durable passe par l’accomplissement individuel et non par les réseaux vénaux traditionnels. Cependant, les forums Internet montrent que la morale du feuilleton n’est pas comprise par tous. La plupart des commentatrices s’identifient à la cadette, et espèrent rencontrer un amant aussi généreux. Pour elles, le dénouement final et le châtiment de la corruption ne peut être que de la fiction.

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Si l’on trouve d’innombrables séries sur les chaînes de télévision chinoises, un spectateur moyen n’en suit sérieusement qu’à peu près deux par an. Mais comme chaque feuilleton a pour cible une tranche d’âge ou une catégorie socioprofessionnelle particulière, certaines productions très connues pour certains groupes seront pratiquement ignorées par d’autres. La popularité de ces fictions se chiffre précisément sur Internet : de plus en plus de spectateurs utilisent des sites à la Youtube comme Youku ou Tudou pour suivre leurs histoires préférées à leur rythme.


Le Buzz chinois 中国掠影

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Nouveautés 2010

Téléphone mobile 电视剧《手机》剧照

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Le charme des femmes mariées (妻子的诱惑qīz de yòuhuò) Ces 129 épisodes produits en Corée et largement exportés dans le monde asiatique sont noirs, chics et cruels. Viol, mariage contraint et donc assassinat, usurpation d’identité, cruauté, suicides… Les méchants sont des ordures qui ne s’assument pas et qui ont recours au crime pour concilier face et désir. Mais la gentille victime naïve et soumise se transforme en Némésis fatale. Beaucoup détestent, beaucoup plus adorent, peu en tout cas sont indifférents à ce feuilleton coréen. Jeu d’acteur deux poils plus sophistiqué que celui des productions chinoises, mise en scène et montage plus légers, histoire moins convenue : ce feuilleton renouvelle le genre en Chine.

Les Trois royaumes

电视剧《三国》剧照

Prochain arrêt, le bonheur (下一站, 幸福xià yī zhàn , xìngfú) Cette série guimauve taiwanaise reprend tous les poncifs pavloviens du genre, dans des tons lumineux et pastels : l’orpheline pauvre et douée est la locomotive tire-larme et identificatrice de l’histoire, tandis que le jeune avocat héritier tiraillé entre le devoir (sa famille) et l’amour (pour la petite pauvre bien sûr) focalise les désirs. Les accidents, les médecins sont comme des dei ex machina d’une histoire sans aucune originalité mais rythmée, et portée par une tripotée de vedettes du moment, dont la popularité peut masquer la fadeur d’un jeu d’acteur très formaté et caricatural.

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Téléphone mobile (手机shŏujī), essaye d’engranger autant de succès que le film éponyme de Feng Xiaogang (2003), contant les mésaventures conjugales de trentenaires confrontés aux indiscrétions des nouvelles technologies de communication. Les Trois royaumes (三国sānguó) est la nouvelle série en costume et à grand spectacle, et L’ascension de Du Lala (杜拉拉升职记dù lālā shēngzhí jī) adapte le film lui-même tiré du livre à succès de 2009, narrant l’éducation professionnelle d’une jeune col blanc chinoise.

L’ascension de Du Lala

电视剧《杜拉拉升职记》剧照

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FOCUS

聚焦

Les têtes qu’on voit partout en chine

Les plus lus

Ils squattent la télévision, les magazines et les arrêts de bus, ils vendent des raviolis et s’affichent sur des campagnes de protection de la nature… impossible de vivre dans une métropole chinoise sans voir leur visage plusieurs fois par semaine.

Han Han (韩寒) Ce séducteur iconoclaste amateur de conduite sportive est le cyberchouchou de la presse internationale pour ses bras de fer avec la censure et ses appels à la démocratie. Son style provocateur et leste, est, d’après des millions d’internautes, « trop cool » (库 ku), « hardi » (牛 niu), et « viril » (爷们 yemen). Ses lectrices tombent en pâmoison, ses lecteurs s’en inspirent, et Zhongnanhai, (la Maison Blanche chinoise) est devenue incapable de le faire taire. Sa dissidence n’a en effet rien de personnel, elle est tout simplement dans l’air du temps, autant un moyen de tomber les minettes que d’affirmer son identité et sa liberté post-moderne. Ses articles ont régulièrement un million de lecteurs.

Le chauve mifigue mi-raisin, c’est Ge You (葛 优), le Yul Brunner chinois. Acteur infatigable, dont l’image s’est exportée en Occident avec son grand rôle dans Vivre de Zhang Yimou (1993), il est aussi très présent dans les publicités où il vend son image de comique sympathique (opérateurs mobiles, produits laitiers, voitures, spiritueux…). L’actrice Zhou Xun (周迅), assez connue en France pour son rôle dans le film de de Dai Sijie Balzac et la petite tailleuse, est partout en Chine : sa filmographie est abondante (mais son rôle dans « Confucius » n’a pas empêché le film d’être un échec), son air nature fait régulièrement la couverture des magazines, et a de nombreux contrats de publicité (shampoings, appareils numériques, boissons...).

Le joueur de basket chinois le plus connu au monde, Yao Ming (姚明), est une idole qui bénéficie d’un fort capital de sympathie, ayant 12 Connexions / juillet 2010

une carrière à succès aux Etats-Unis. Ses 2,29 mètres se retrouvent donc l’étalon d’à peu près tout : associés au lait (buvez pour grandir…), à la protection des espèces menacées, et même au Big Mac ! L’actrice et chanteuse Fan Bingbing (范冰 冰) alias « miss chirurgie esthétique » comme la surnomment les mauvaises langues, balade son museau retaillé dans un grand nombre de nanards chinois, mais aussi dans les publicités pour cosmétiques avides de grands yeux, peaux blanches et visages ovales (et accessoirement aussi pour des marques de chaussure, des spiritueux, etc). Le petit survolté au visage constamment plissé par un sourire jovial, c’est bien sûr Cheng Long (成龙 alias Jackie Chan), le « petit dragon », fils spirituel auto-proclamé de Bruce Lee, ardent défenseur des intérêts chinois, des boissons fraîches à base de thé, des barils de lessive, des scooters électriques, de l’anti-virus Kapersky, des appareils photo Canon, de chaînes de magasins d’électroménager, etc... Il ne produit plus beaucoup de films aujourd’hui, mais utilise son capital de renommée pour se faire un maximum de blé dans les publicités où il est le Chinois le mieux côté.

Hong Huang (洪晃) est devenue célèbre par deux  ruptures : son divorce avec le metteur en scène Chen Kaige, alors au zénith de sa gloire, et sa démission d’un poste très lucratif de représentante d’une grande multinationale. Cette indépendance d’esprit sans compromis a forcé le respect de l’opinion. Formée en partie aux EtatsUnis, aujourd’hui écrivain et femme d’affaire dans le domaine médiatique, elle raconte avec esprit ses voyages, et poste des billets sur les grands événements qu’elle côtoie. Elle a ainsi récemment écrit une analyse décapante sur l’exposition universelle de Shanghai. Ses articles les plus lus peuvent atteindre 100 000 visites.


Le Buzz chinois 中国掠影

des bloggeurs La Chine est un paradoxe difficilement compréhensible à travers son reflet dans les journaux télévisés occidentaux. Le « pays de la censure » est en effet le terreau fertile de l’expression Internet, et certains de ses bloggueurs sont des vedettes qui seront finalement peut-être plus influentes sur l’avenir du monde que les quelques intellectuels à la mode à Paris ou à New-York. Han Han et Xu Jinglei sont ainsi devenus deux personnages incontournables de la toile. Seuls les cyberpuceaux n’en ont jamais entendu parlé en Chine. Les autres blogueurs ont une audience plus spécialisée, mais une portée très grande dans certains cercles.

Xu Jinglei (徐静蕾) est une sorte d’antithèse complémentaire de Han Han, avec qui elle a d’ailleurs flirté dans la vie réelle. Cette actrice (c’est elle qui joue le rôle de Du Lala dans le navet tiré du roman à succès) cultive une image de fille qui pourrait être la voisine de tout le monde (邻家 姐姐), et émoustille particulièrement les trentenaires. Ses articles ne franchissent jamais la ligne rouge, mais contiennent un florilège de pensées réalistes qui s’inscrivent dans les tentations individualistes de la femme chinoise actuelle. Sa citation la plus connue pourrait être tirée de la philosophie Shadok : « Seules les choses que je peux décider me préoccupent, et je ne me soucie aucunement de ce sur quoi je n’ai aucune prise » (我 只对我能决定的事儿着急,我自己 不 能 决 定 的 事 儿 我 一 点 都 不 着 急 ). Ses billets attirent toujours plusieurs centaines de milliers de visiteurs.

Wang Xiaofeng (王小峰) pourrait être une sorte de grand frère de Han Han. Il a d’ailleurs écrit un billet très drôle intitulé « pourquoi faut-il tuer Han Han ? ». Son style est très similaire, rebelle, incisif, hilarant et volontiers grivois (une chronique lui a été consacrée dans Connexions 49). Il contient juste plus de références culturelles, Wang Xiaofeng n’étant pas rédacteur de Sanlian pour rien (la revue des bobos chinois) ! Moins connu à l’étranger, il suscite un enthousiasme très fort en Chine, certains de ses lecteurs le comparant à une addiction : c’est la première page que des myriades de chinois branchés regardent lorsqu’ils ouvrent un navigateur Internet. C’est également l’unique blogueur connu à avoir choisi une plateforme indépendante pour publier ses articles (wangxiaofeng.net) plutôt qu’un portail comme Sina. Cela lui permet d’être le seul à pouvoir contrôler le contenu qu’il poste. Il a eu pour cette raison quelques problèmes avec les autorités des télécommunications qui lui ont un temps bloqué le site (un particulier doit être enregistré pour pouvoir disposer d’un nom de domaine en Chine). Il a fini par gagner la bataille.

Zhang Wen (章文) est  aussi un  ardent démocrate, vif et spirituel. Mais il se situe sur un créneau plus élitiste. Journaliste, ayant travaillé dans toutes les grandes crémeries médiatiques de la Chine Populaire, du Huanqiu Shibao au Zhongguo Xinwen Zhoukan, sa spécialité est les relations internationales, naguère interdite aux commentaires non officiels. Ses attaques contre le nationalisme chinois et ses critiques de la position de soutien traditionnelle de la Chine à la Corée du Nord intéressent parfois près de 500 000 lecteurs, et sont également lues par les cercles du pouvoir. Il duplique tous ses billets sur plusieurs plates-formes de blogs, à la fois pour augmenter son audience et pour réduire le risque d’une « harmonisation » destructive (la censure est en général décentralisée en Chine, et il arrive que certains portails lui effacent un article, tandis que d’autres les gardent).

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头条新闻 A la une des médias

Par Renaud de Spens

Le professeur qui fait bouger la Chine

Ses vidéos ont été visionnées plus de 400 millions de fois, Il reçoit des prix de pédagogie du district de Haidian, des ses livres se sont vendus à plus de 600 000 exemplaires, et éditeurs s’intéressent à lui, et il est invité sur le plateau de le débat d’idées entre ses fans et ses détracteurs fait rage CCTV10 à la fameuse émission Le forum des cents (voir sur l’Internet chinois. Ce n’est qu’un simple professeur p.9). Sa notoriété commence à dépasser le cadre local. Il est d’histoire en lycée, pas très branché, ne regardant jamais interviewé par l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo en août la télévision, utilisant à peine Inter2009. Ses fans montent des sites internet. Yuan Tengfei semble sorti d’une net, où la plupart des commentateurs chanson de Jean-Jacques Goldman ; soupirent « Ah, si j’avais pu avoir des sa récente célébrité est involontaire, professeurs comme lui ! » et l’effraie presque. Et pourtant… Il confère sur toutes les périodes de c’est déjà l’homme de l’année en l’histoire. Ses leçons à la télévision et Chine, et il est bien parti pour avoir ses livres ne traitent que de l’histoire une popularité et une influence enancienne ou des pays étrangers. Cecore plus grande que Deng Yujiao pendant, dès le début, certaines vidéos Yuan Tengfei袁腾飞 en 2009 (voir Connexions 50). Pourpostées sur Internet s’attaquent de quoi ? Pour avoir pulvérisé le mur de l’autocensure, élevé front à des questions sensibles. Si son esprit rebelle provol’étendard de la liberté d’expression, et pour enfin « tuer le que sur de nombreux sujets (il affirme par exemple que « si père », en s’attaquant à la mémoire sacrée de Mao Zedong. le Dalai Lama a obtenu le prix Nobel en 1989, c’est à cause de l’invasion armée communiste au Tibet »), c’est surtout Désacralisation de Mao sa désacralisation de Mao Zedong qui remplit les Chinois Les racines de l’affaire remontent à la période du SRAS d’une stupéfaction souvent jubilatoire. en Chine, en 2003. Le confinement forcé était propice à la Morceaux choisis : « Certains intellectuels sans vergogne réflexion et à la création. Pour pouvoir continuer à prépa- affirment que Mao était un poète, un poète romantique. Ce rer ses élèves au baccalauréat, il commence à enregistrer ses genre de personne a en général des problèmes mentaux. En cours en vidéo. Son style iconoclaste suscite l’enthousiaste anglais, on appelle cela des IBM, International Big Mouth » de ses étudiants. Dans sa classe, il est permis de manger, « Mao était devenu un gourou… La leçon que l’ont peut voire de dormir. Sa pédagogie utilise l’humour, l’anecdote, tirer des trois tyrans du XXe siècle, Mao, Hitler et Staline, la mémoire associative, et stimule la réflexion. Pour décrire c’est qu’aucun régime dictatorial ne peut durer longtemps, la Terreur sous la Révolution Française, il raconte ainsi que parce qu’ils suppriment toutes les voix dissidentes, et qu’ils « Les Français ont beaucoup d’humour. Sur la tombe de n’écoutent donc que des paroles fausses et complaisantes : Robespierre, quelqu’un a écrit : passant, ne pleure pas ma longue vie à nos chers dirigeants ! Mais qui vit vraiment mort, si je vivais, tu serais mort ! » Il est vite remarqué par longtemps, à part les tortues (jeu de mot avec l’insulte ses collègues et son école, qui commence à mettre ses vidéos « rejeton de tortue » 王八蛋, équivalent de notre « salosur son site Internet en mai 2008. Un an plus tard, elles ont pard ») ? » « Hitler a assassiné d’innombrables étrangers, été regardées plus de 30 millions de fois. tandis que Staline et Mao ont surtout exterminé leurs

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头条新闻 A la une des médias

compatriotes. Mais alors que Staline a utilisé l’appa••• reil répressif de l’Etat, Mao a exploité les plus vils instincts des gens, permettant de tuer à qui voulait tuer » Pendant près de deux ans, le potentiel explosif des vidéos de Yuan Tengfei est resté quasi latent, étirant sans le rompre l’élastique de la ligne rouge chinoise. C’est la notoriété qui est à l’origine de la déflagration de début mai 2010, exposant le professeur à une ample critique des groupes nationalistes et à la censure, tout en le propulsant à une popularité sans précédent. Pleins feux sur le prof Le casus belli n’est pas clair. Il se pourrait que cela soit un contentieux avec son éditeur. La presse libérale chinoise, Nanfang Zhoumo, Nanfeng Chuang, Xin Jing Bao, Kan Tianxia, etc., a publié la chronologie des faits, tels qu’on peut les reconstituer avec les informations ayant circulé sur les forums Internet. Le 6 mai, la rumeur circule que Yuan Tengfei a été arrêté. Une partie de ses vidéos est en effet devenue inaccessible. Au matin du 9, une plainte anonyme est déposée sur le site des services de la municipalité du quartier de Haidian. Elle accuse le professeur d’histoire d’être « réactionnaire », « néfaste », et de « porter atteinte à l’histoire du socialisme ». Le même jour, la direction de l’école entame une procédure disciplinaire à son encontre, tandis qu’un groupe d’une dizaine de personnes, se présentant comme des membres d’une chorale de « chants révolutionnaires » tente d’entrer en force sur le campus pour contraindre Yuan Tengfei à s’excuser. Le soir, une vidéo postée sur le site de l’école le montre déclarant qu’il va très bien, et « qu’il fait confiance au Parti et au gouvernement de la Chine Populaire » ! Comble de l’ironie, le 14, la police de Pékin se croît obligée de publier un communiqué affirmant qu’elle n’a pas arrêté le petit professeur, tandis que Han Han (voir

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p.12) se saisit de l’affaire. Toute la machine de guerre de la blogosphère chinoise est alors en ordre de bataille pour défendre la liberté d’expression ; des pétitions circulent sur les réseaux sociaux. Le 17, une photographie de Yuan Tengfei en train de visiter l’exposition universelle de Shanghai rassure ses amis. Le professeur ne répond cependant plus à aucune demande d’interview et a résilié ses deux numéros de portable. Le 20, l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo publie deux pages en « une » sur l’affaire : « Quelle faute peut bien avoir commis un professeur d’histoire ? » Alors que les groupes nationalistes et la censure Internet tentent de minimiser le soutien des internautes à Yuan Tengfei, la majorité des éditorialistes s’engagent dans sa défense, se permettant même de donner des conseils au gouvernement chinois. Tao Duanfang, dans les colonnes du Xin Jing Bao, renverse le soupçon d’illégalité : « ceux qui demandent à Yuan Tengfei de reconnaître ses crimes n’ont aucun fondement juridique. Ce que le professeur Yuan a dit dans l’enceinte de sa classe appartient à la liberté d’expression normale des citoyens ». Wang Jiaxi, du Nanfeng Chuang, va encore plus loin : « Ce n’est qu’en rétablissant la vérité historique que le gouvernement pourra atténuer les séquelles causées par la terreur politique, et ce n’est qu’en assumant ses dettes historiques que le régime pourra résoudre les conflits sociaux ». Plus modeste, un commentateur du « Forum Grande Puissance », du site du Quotidien du Peuple, remarque : « Que Yuan Tengfei soit encore vivant témoigne du chemin que la Chine a parcouru… » Le petit professeur ne voudrait cependant pas se contenter d’être vivant. Il déclare espérer voir avant sa mort « le corps de Mao quitter son mausolée. Je vis dans la ferme conviction que c’est possible. C’est mon seul désir, que pourrais-je désirer d’autre ? »



数字背后 Le dessous des chiffres

Par Pierre Mongrué *

La croissance réelle du PIB chinois

14,2 %. Après deux révisions statistiques, c’est

performance est trop souvent hâtivement interprétée comme une contribution à la croissance du reste du monde. La le chiffre final publié en avril dernier de la croissance du PIB chinois en 2007 (d’abord estimée à 11,9 % en janvier Chine fait progresser le PIB mondial parce qu’elle produit 2008, puis réévaluée une première fois à 13,0 % en janvier plus, mais du point de vue de la demande — autre manière 2009). Ce sont ainsi plus de 1 600 milliards de Rmb de d’interpréter le PIB —, son économie a été dominée au cours des cinq dernières années par l’inproduction, essentiellement dans le secteur vestissement et les exportations. Or seule tertiaire, qui avaient échappé au Bureau naune accélération de la consommation et tional des statistiques (BNS) chinois lors de des importations chinoises pourrait vérises premières estimations. La révision porte « Dès 2007, tablement bénéficier au reste du monde également sur les deux années antérieures la Chine était (entendu de façon agrégée). et réévalue le taux de croissance de 2005 à Bien que le taux de croissance du PIB 11,3 %, celui de 2006 à 12,7 %. La révision devenue la de 2007 s’avère être le plus élevé depuis des chiffres du PIB en Chine est un proces- troisième 1984, la révision d’avril dernier est passée sus habituel mais d’autant plus nécessaire inaperçue, le BNS n’ayant pas souhaité que, malgré la taille du pays, le BNS publie puissance l’accompagner de communication offises premières estimations en un temps re- économique cielle. La discrétion des autorités reflète cord : deux semaines seulement après la fin mondiale .» peut-être un certain malaise devant le dyde la période concernée — quand le délai namisme insolent de l’économie chinoise est d’un mois aux Etats-Unis et d’un mois malgré la crise et alors que les inégalités et demi en France. intérieures continuent de progresser. PluCes nouveaux chiffres conduisent à un sieurs autres chiffres ont en effet été puconstat simple : depuis 2003, la taille de l’économie chinoise double tous les quatre ans. Dès 2007, bliés ces dernières semaines qui soulignent l’urgence d’une la Chine est donc devenue la troisième puissance écono- meilleure redistribution des richesses en Chine. La part mique mondiale devant l’Allemagne. Dès 2009, son PIB des salaires dans le PIB a continûment diminué depuis la plaçait encore au coude à coude avec le Japon mais, le 1983, passant de 57 % à 37 % aujourd’hui. Le coefficient chiffre étant encore provisoire, il y a fort à parier que les ré- de Gini, qui mesure les inégalités de revenus à l’intérieur visions statistiques ultérieures montreront qu’elle s’est déjà d’un pays, ne cesse quant à lui d’augmenter. La Chine était hissée au deuxième rang mondial. De surcroît, ces com- l’un des pays les plus égalitaires au monde au début des paraisons internationales étant effectuées en dollars amé- années 1980, elle est devenue en trois décennies l’un des ricains, la probable réévaluation du Rmb dans les années plus inégalitaires. Ces évolutions déséquilibrées donnent à venir accélérera cette montée en puissance chinoise. La la mesure des bouleversements profonds et brutaux que Chine apporte ainsi incontestablement la première contri- traverse la société chinoise et rappellent que tout n’est pas si « graduel » en Chine… à commencer par la croissance bution à la croissance du PIB mondial depuis plusieurs années. Mais, d’un point de vue macroéconomique, cette du PIB.

* adjoint au Ministre conseiller

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人力资源发展趋势 Les tendances RH

Par André Loesekrug-Pietri*

Brain Drain à la chinoise Après le pétrole, les terres rares, les usines, les introductions en bourse, verra-t-on à présent les talents du monde entier venir en Chine et contribuer à l’essor de la nouvelle superpuissance ? La question des talents est paradoxalement très récente, abordée pour la première fois dans le 10e plan pour 20012005, mais cruciale dans l’intégralité des axes stratégiques pris par la Chine : effort massif dans le système éducatif, volonté de repositionner l’industrie chinoise vers plus de R&D, de nouvelles technologies (notamment environnementales et santé), internationalisation des entreprises chinoises, explosion des dépôts de brevets… Tous requièrent une montée en gamme en terme de gestion des ressources humaines et de soft skills1, bien éloignée de l’image traditionnelle de l’industrie chinoise. Les étudiants chinois à l’international représentent l’essentiel de cette stratégie. 1,4 millions ont à ce jour fait leurs études à l’étranger. Près de 400 000 sont rentrés. Ce stock de talents est à présent une nouvelle ressource que le gouvernement entend systématiquement exploiter. Cette politique a d’abord émergé au niveau provincial : Shanghai — évidemment — a lancé son propre programme dès 1992. Nanjing a établi le premier parc industriel pour « tortues de mer » dès 1994. Et ça marche : 77% des présidents d’universités chinoises ont été formés à l’étranger, 84% des membres de l’Académie des Sciences, 75% de l’Académie des Ingénieurs ont une expérience académique ou professionnelle à l’étranger. Cela s’accélère même avec le programme-phare One Thousand Talent Scheme (qianren jihua) lancé en décembre 2008 qui prévoit d’attirer 2 000 scientifiques, professeurs d’universités — mais également, et c’est nouveau — des cadres dirigeants de multinationales et bancaires, ainsi que des entrepreneurs dans les nouvelles technologies. C’est donc son élite que la Chine veut encourager à rentrer au pays. Avec des moyens considérables : 80 incubateurs régionaux d’accueil, 1 million de Rmb de prime au retour (soit environ 110 000 euros), un engagement de salaire comparable pour le « returnee » et sa famille. Les résultats sont déjà là et devraient encore s’améliorer avec ce dernier programme massif. D’après une passionnante étude de l’Université de Singapour, ce programme

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avait déjà attiré, en 5 mois, 96 scientifiques, 26 entrepreneurs. 80 étaient détenteurs d’un passeport étranger dont— fait totalement nouveau — quatre n’étaient pas d’origine chinoise. Ce programme que les Chinois appellent « gain de cerveaux » (Rencai Yin Jin) répond au phénomène de montée en gamme et d’internationalisation des grands groupes chinois. Une étude McKinsey de 2005 relevait en effet que seuls 10% des diplômes chinois étaient au niveau pour travailler dans des groupes internationaux. Parmi les principales raisons citées : l’absence d’expérience professionnelle et le manque relatif de créativité. Le programme des 1 000 talents répond donc à ce besoin croissant de futurs dirigeants dans les groupes chinois qui bouleversent depuis quelques années les classements : groupes bancaires en premier lieu, mais progressivement toutes les grandes entreprises sous l’égide de la holding d’Etat, la SASAC. En troisième position, la Banque Centrale participe également activement au programme. L’homme derrière ce programme n’est autre que Li Yuanchao, patron du puissant département de l’organisation centrale du Parti Communiste Chinois — le « super DRH » ayant la haute main sur les nominations au sein de la structure de pouvoir. Lorsqu’il était Secrétaire du parti du Jiangsu, il a perçu le caractère stratégique des talents chinois à l’international. Et ce programme pourrait bien en faire un candidat sérieux pour être un des 9 membres du Politburo en 2012. C’est un élément-clé : après la « première révolution » industrielle de la Chine des années 80 et 90 qui l’a transformée en « usine du monde » durant la première décennie 2000, on peut s’attendre à un effet massif de cet influx de sang neuf, formé à l’international, connaisseur des pratiques mondiales. Dans un contexte de crise économique mondiale et de réglementation plus importante dans le secteur financier, on devrait assister à un réel brain drain au profit de la Chine.

* Gérant d’un fonds d’investissement sino-européen 1. Compétences des managers en communication et leadership.



法制天地

Par Emmanuel Meril et Alexandre Vincent*

L’état des lois

Optimisation fiscale Ces dernières années, la Chine a signé deux accords fiscaux avec Hong Kong et Singapour offrant un traitement fiscal préférentiel sur la remontée de revenus passifs (dividendes, intérêts, redevances) vers des sociétés localisées dans ces juridictions. En comparaison avec les autres conventions fiscales de non-double imposition signées par la Chine, ces deux accords offrent un régime fiscal très avantageux en matière de traitement des flux de revenus passifs de source chinoise vers des sociétés localisées hors de Chine. Par exemple, l’arrangement fiscal Chine-Hong Kong prévoit une retenue à la source plafonnée à 5% sur la remontée de dividendes si le bénéficiaire des dividendes détient au moins 25% de la société chinoise alors que cette retenue est plafonnée à 10% sur la remontée de dividendes vers une société mère de droit français en application de la convention de non double imposition signée entre la Chine et la France. Pour bénéficier de ce régime fiscal préférentiel, nombre d’investisseurs ont décidé de constituer une holding à Hong Kong ou Singapour pour investir en Chine. Une récente circulaire de l’administration fiscale chinoise du 27 Octobre 2009 (« Guoshuihan [2009] No. 601 ») apporte un éclairage nouveau sur l’efficacité au plan fiscal de tels montages. La circulaire définit la notion de « bénéficiaire effectif » en déterminant les personnes étant en droit de bénéficier du régime d’imposition préférentielle offert par les conventions fiscales internationales de non double imposition sur certains revenus passifs ainsi que la notion de « société écran » (« conduit company »), entité ne pouvant bénéficier d’un tel régime conventionnel. Le « bénéficiaire effectif » est une personne physique, une société ou autre structure juridique qui est propriétaire ou exerce le contrôle sur les sources de ses revenus. Un bénéficiaire effectif exerce typiquement une activité de fabrication, de négoce ou gestion d’activités. Une « société écran » est une société constituée dans le seul but d’éliminer ou réduire l’imposition ou de délocaliser des profits. Une telle société est enregistrée dans un pays dans le simple objectif d’y bénéficier des avantages fiscaux conventionnels et sans véritable intention d’y développer une activité substantielle. La circulaire précise en outre sept circonstances dans lesquelles on ne peut obtenir la qualification de « bénéficiaire effectif », notamment : l’intéressé est obligé de payer ou transférer tout, ou la majeure partie (par exemple : plus de 60%) de son revenu à un résident d’un pays ou d’une juridiction tierce dans une certaine période donnée (par

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exemple dans les 12 mois après avoir perçu le revenu) ; l’intéressé n’exerce aucune activité (ou très faible) à l’exception de celle consistant à détenir la propriété des biens ou des droits qui sont à la source du revenu ; le revenu n’est soumis à aucune imposition ou est soumis à un taux d’imposition relativement faible. L’administration fiscale chinoise peut désormais décider de qualifier des holdings pures à Hong Kong ou Singapour (ou dans d’autres juridictions à fiscalité faible) de « sociétés écrans » et par conséquent refuser l’application du régime fiscal préférentiel prévu par les accords fiscaux. Les investisseurs étrangers doivent donc désormais prendre en compte ce risque lorsqu’ils envisagent de créer une structure intermédiaire, en développant par exemple une activité substantielle au niveau de cette structure. L’imposition des plus-values sur les cessions indirectes

L’article 47 de la loi chinoise sur l’impôt sur le revenu des sociétés prévoit que dans le cas où « une entreprise met en place un montage uniquement destiné à diminuer le montant des revenus imposables, les autorités fiscales peuvent effectuer des redressements selon une méthode appropriée ». Sur ce fondement et celui de l’article 6 de la Notice de l’administration fiscale sur le renforcement de l’administration de l’impôt sur le revenu des sociétés relatif aux cessions de parts de sociétés non-résidentes, en date du 12 octobre 2009, l’administration fiscale chinoise s’autorise à imposer les plus-values de certaines cessions « indirectes », c’est-àdire dans le cas où des plus-values sont réalisées à l’étranger sur la cession des titres au sein d’une holding qui détient elle-même une filiale chinoise, si cette holding est implantée dans une juridiction à fiscalité très faible et n’a aucune activité propre. L’imposition des sociétés étrangères dites « résidentes » fiscalement en Chine Enfin, en ayant recours au concept de sociétés résidentes défini à l’article 2 de la loi chinoise sur l’impôt sur le revenu des sociétés, l’administration fiscale chinoise se réserve le droit d’imposer le résultat des sociétés implantées dans des juridictions à fiscalité avantageuse dont le siège effectif est en réalité en Chine, ce qui est parfois le cas pour les sociétés hongkongaises constituées en holding pur n’ayant qu’un seul bureau, en Chine.

* Emmanuel Meril, avocat associé & Alexandre Vincent, avocat CMS, China.


avec l’Equipe France de l’appui des entreprises en Chine

Une offre conjointe CCIFC/Ubifrance :

Un contact privilégié avec les autorités locales, aux côtés de l’Ambassadeur ou du Consul Général, avec le soutien du Service Economique de l’Ambassade Un retour d’expérience des entreprises déjà implantées dans ces villes. Des programmes individuels sur mesure : rencontres avec des entreprises chinoises et interlocuteurs ciblés, et/ ou visites de sites sélectionnés en fonction des projets.

Les villes choisies (programmées en 2010) Heilongjiang

天津 Tianjin

Jilin

Xinjiang

Mongolie Intérieure Pékin

Ningxia

Qinghai

Shanxi Shandong

Shaanxi

Tibet

Liaoning

Hebei

Gansu

Henan

Anhui Sichuan Chongqing Hubei

大连 Dalian

Jiangsu Shanghai Zhejiang

重庆 Chongqing

Guizhou Yunnan

Hunan Jiangxi

Fujian

Guangxi Guangdong Taiwan Canton Hong Kong

厦门 Xiamen

Hainan

Vos interlocuteurs du programme « Chine Villes d’Avenir » Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine www.ccifc.org Claire ZHANG Appui Commercial CCIFC Tél : (+86 10) 6512 1740 Courriel : zhang.claire@ccifc.org

Mission économique-Ubifrance en Chine www.ubifrance.fr Marion LESPINE Chef de pôle Intelligence Marchés, VIE, Communication Tél : (+86 10) 6539 1300 ext. 160 Courriel : marion.lespine@ubifrance.fr


© Imagine china

商务简讯 l’actualité / business chine

La récolte du riz dans la province du Guangxi.

广西水稻收割

L’agriculture chinoise bientôt en mode transgénique ? Pour doper sa production céréalière, la Chine s’oriente de plus en plus vers la production d’OGM. Pour répondre aux besoins d’une population croissante dont le niveau de vie s’améliore rapidement, la Chine entend augmenter sa production céréalière de 530,9 mds de tonnes en 2009 à 550 mds de tonnes en 2020. Le pays à décidé pour cela d’investir 3,5 milliards d’euros pour développer une gamme étendue d’OGM locaux en mettant l’accent sur la recherche sur le riz. Fin 2008, le Premier ministre chinois Wen Jiabao expliquait devant l’Académie des Sciences de Chine (CAS) que « pour résoudre les problèmes alimentaires, nous devons utiliser la science, les biotechnologies et les OGM ». Et qui dit alimentation dans l’empire du Milieu dit forcément culture intensive du riz. C’est donc autour de cette céréale reine que se concentre la recherche, mais également le débat local sur les OGM. Leader mondial avec 26% du total produit sur la planète, le pays a produit pas moins de 190 millions de tonnes de riz en 2009. La production chinoise augmente néanmoins de manière trop lente depuis 2005 pour atteindre l’objectif d’une croissance de 20% d’aujourd’hui à 2030, niveau requis pour satisfaire les besoins anticipés de la population. 24 Connexions / juillet 2010

La Chine développe ainsi depuis des années la recherche sur le riz OGM mais les autorités se sont toujours montrées prudentes pour passer à l’exploitation à grande échelle car l’incidence sur la biodiversité est encore mal connue. La Chine compte plus de 60 000 espèces de riz différentes. Grâce à ce patrimoine génétique ont pu être élaborées des espèces hybrides à haut rendement cultivées localement et qui assurent l’autonomie du pays. L’introduction massive de riz OGM risque d’entraîner la disparition d’autres variétés, en particulier les espèces sauvages déjà menacées par l’expansion des activités humaines. Bientôt dans les bols chinois Jusqu’à présent, six espèces développées localement étaient cultivées sur des parcelles expérimentales mais aucune n’avait encore obtenu une licence de commercialisation. Le ministère de l’Agriculture a passé fin novembre dernier une étape importante vers la commercialisation de deux espèces de riz OGM en délivrant les certificats de biosécurité. Les deux variétés concernées, le « Huahui N.1 » et un hybride « BT shanyou 63 », ont été élaborées par la Huazhong Agricul-

tural University. Il s’agit de riz dit BT conçu pour résister à des insectes nuisibles via l’expression d’une toxine produite à la base par une bactérie (Bacillus Thuringiensis). Selon les experts chinois, l’introduction du riz BT permettrait à terme de diminuer de 80% l’usage d’insecticides et d’augmenter la productivité de 8%. Pour Huang Dafang de l’Académie des Sciences Agricoles de Chine et membre du Comité sur la Biosécurité, « l’utilisation des technologies transgéniques est une tendance inévitable dans l’industrie agricole globale, y compris en Chine, et permettra au pays d’atteindre ses objectifs en vue de nourrir sa population. La commercialisation effective débutera d’ici 3 à 5 ans après les derniers tests à grande échelle et la multiplication des semences » Tous les scientifiques chinois ne soutiennent cependant pas l’introduction rapide du riz OGM à l’image de Jiang Gaoming, responsable de l’Institut de botanique de l’Académie des Sciences de Chine : « Les certificats ont été délivrés trop tôt. Quels seront les impacts sur la biodiversité et sur la sécurité alimentaire d’une telle introduction ? Autant de questions qu’il faut étudier


网络简讯 attentivement avant une potentielle commercialisation ». Des inquiétudes relayées vers le grand public par des ONG écologiques locales, en particulier Greenpeace China très active sur ce sujet des OGM. L’opinion publique chinoise semblait au départ plutôt mieux disposée sur le transgénique que ses consœurs européennes mais, échaudée par des scandales à répétition sur la sécurité alimentaire, elle se mobilise rapidement pour obtenir le droit de choisir et d’être informée. L’aspect « risque de perte des variétés locales » est également un argument qui sensibilise les paysans dans les zones de culture, anxieux de devenir totalement dépendants des producteurs de semences « High Tech ». Plus globalement, on cultive déjà en Chine du coton OGM (BT), des papayes et des peupliers. Une tomate transgénique a également été proposée sur le marché mais sans rencontrer de succès commercial. A l’opposé, introduit en 1996, le coton BT représentait 70% des espèces cultivées dans le pays en 2007. Selon Philippe Lessard, chercheur français spécialiste des OGM et travaillant à Shanghai pour l’entreprise Limagrain, le riz OGM devrait suivre la même trajectoire que le coton. Il représenterait donc à terme la majorité des variétés cultivées dans le pays. En même temps que les deux variétés de riz, un maïs OGM développé en Chine a également reçu son certificat de biosécurité. Il s’agit du premier maïs OGM autorisé au monde conçu pour produire de la phytase, un additif alimentaire pour animaux obligatoire en Europe et permettant de dégrader l’acide phytique contenu dans les plantes. Il devrait être accessible sur le marché d’ici deux à trois ans comme le riz OGM. Il ne fait finalement aucun doute que le transgénique s’implante durablement dans le paysage agricole chinois. Reste à voir l’évolution de la mentalité des consommateurs et agriculteurs locaux et comment le pays gérera l’ouverture aux semences OGM de grands producteurs étrangers comme le puissant groupe Monsanto. Signe de l’importance du marché chinois pour ce dernier, il a ouvert fin 2009 un centre de R&D au cœur de Zhongguancun, le quartier High Tech de la capitale. Nicol a s Sr idi

Un monde sans Google est-il possible ? Lundi 22 mars 2010, les internautes essayant de se connecter à la version chinoise de Google (google.cn) sont surpris d’être automatiquement redirigés vers une version non censurée du moteur de recherche. Ce sera la dernière pirouette de Google avant de quitter définitivement la Chine. Qui aurait pu imaginer un tel scénario ? La première société du Web claquant la porte du plus vaste marché au monde de l’Internet… Avec ses 400 millions d’internautes, soit deux fois la taille du web américain, la Chine est en effet devenu un véritable Eldorado du Net. Et ce n’est pas tout, car se prépare déjà un autre tsunami numérique, celui du mobile. Avec plus de 700 millions de d’aficionados, un autre record mondial, la Chine se prépare à finaliser la transition de son infrastructure Telecom vers les réseaux mobiles haut-débit 3G et 4G. Ainsi Google est non seulement privé du formidable potentiel de l’Internet chinois, mais également de celui, peutêtre plus important encore, que représente le marché du téléphone mobile. Une punition d’autant plus sévère si l’on réalise que depuis plusieurs années, le géant californien de Mountain View concentre tous ses efforts à la construction d’un nouvel empire fondé sur le marché de la téléphonie mobile. « Si le PC a permis au premier milliard d’internautes de se connecter à l’Internet, c’est par le téléphone mobile que nous atteindrons le second milliard ». La vision d’avenir des fondateurs de Google est claire : le futur de l’Internet sera mobile ou ne sera pas. Pour développer cette stratégie, Google a tout d’abord misé sur un cheval de Troie nommé Android, un nouveau système d’exploitation lui permettant

d’introduire tous ses services dans les téléphones mobiles. Plus récemment, le NexusOne (aussi appelé « Google Phone ») est venu renforcer les fondations de sa stratégie. De même qu’Apple a réussi à conquérir des pans entiers de l’industrie numérique en commençant par vendre des lecteurs (iPod, iPhone et désormais iPad), Google espère faire de même en commercialisant son nouveau téléphone NexusOne qui embarque par défaut tous les services de Google, sans avoir besoin de l’accord préalable des opérateurs télécoms ni même des constructeurs de mobiles. Avec la Chine, Google était sur le point d’abattre une troisième carte décisive. C’est en effet, dans l’empire du Milieu que le système d’exploitation Android a réussi à se développer le plus rapidement en proposant une véritable alternative aux technologies dominantes de Microsoft et Symbian. De quoi séduire les autorités chinoises ! Mais depuis « l’affaire Google », la bénédiction des autorités locales a disparu. Désormais, sous la pression du gouvernement, toutes les alliances stratégiques réalisées par Google avec les opérateurs télécoms chinois et les constructeurs sont en train de se défaire. China Unicom, fort de ses 150 millions d’abonnés a ainsi annoncé sa préférence pour coopérer avec des acteurs respectant les lois chinoises. Motorola a pour sa part annoncé que ses téléphones vendus en Chine n’embarqueraient plus le moteur de recherche de Google. Peu à peu, la Chine se prépare donc à vivre dans un monde sans Google.

Pat r ice Nor de y M a nagi ng Dir ec tor (A si a) L’At el i er BN P Pa r iba s

L’Atelier BNP Paribas est le centre de veille technologique de BNP Paribas. Dans le cadre du programme DIGITAL CHINA, L’Atelier BNP Paribas conseille les entreprises depuis son bureau de Shanghai dans leur stratégie e-commerce en Chine.

www.asie.atelier.fr Connexions / juillet 2010 25


公司简讯 l’actualité / entreprises Mondial Assistance et PSA PeugeotCitroën étendent leur partenariat en Chine

A partir du 1er juillet 2010, en plus de l’ensemble des véhicules importés Peugeot, Mondial Assistance assurera l’assistance automobile de la marque Citroën pour leurs véhicules importés en Chine, et ce pour une durée de 2 à 3 ans selon les modèles. Au plan global, Mondial Assistance reste le plus important assisteur de PSA Peugeot-Citroën, avec l’assistance routière de plus d’un million de véhicules du groupe automobile vendus dans le monde. La croissance de Mondial Assistance Chine a dépassé les 60% en 2009 avec, à la clé, un premier profit. En 2010, c’est un parc automobile de plus d’un million de véhicules que couvrira Mondial Assistance localement, avec plus de 250 000 dossiers d’assistance automobile prévus. C’est en proposant sur tout le territoire national des produits et services innovants tels que le suivi en temps réel du déroulement du cas d’assistance via l’envoi d’un sms auprès de chaque conducteur en difficulté, que Mondial Assistance accompagne le développement du marché chinois. Mondial Assistance Chine, qui compte déjà plus de 300 collaborateurs, vise à doubler son activité d’ici 2012 et ainsi asseoir son leadership en Chine en matière d’établissement des standards de l’assistance (Assistance Automobile & Voyage).

Air Liquide à L'Expo

Le leader français des gaz indutriels fournit le service logistique ainsi que le stock d’hydrogène d’appoint pour l’exposition universelle de Shanghai. Air Liquide a signé un accord avec le groupe chinois ENN pour la fourniture d’un service de livraison et d’un stock d’hydrogène d’appoint pour les stations de distribution d’hydrogène de l’Expo. La société française apporte ainsi tous les moyens logistiques afin de permettre une fourniture fiable en hydrogène pendant toute la durée de l’Expo. Environ 200

26 Connexions / juillet 2010

Une quarantaine de jeunes chinois diplômés de l’Ecole Polytechnique cette année L’Ecole Polytechnique ne cesse de confirmer son ouverture à l’international, en particulier vers la Chine. La célèbre école a ainsi conclu des accords avec plusieurs universités chinoises prestigieuses parmi lesquelles Tsinghua et Beida (Pékin), et Fudan (Shanghai).Elle accueille actuellement sur son campus plus de 150 étudiants chinois : une quinzaine de doctorants, une vingtaine de mastériens et près d’une centaine d’ingénieurs. Les ingénieurs, recrutés dans les meilleures universités chinoises, ont suivi le cursus complet de l’Ecole, souvent complété par une dernière année de spécialisation dans une école française ou un master/ doctorat. Pendant les quatre années de leur scolarité, ces environnements variés auxquels s’ajoutent les stages en entreprises renforcent leur connaissance de la culture française. Depuis 1997, ce sont 187 étudiants chinois que l’École

véhicules à pile à combustible utilisant de l’hydrogène sont en fonctionnement sur le site pour le transport des visiteurs et invités. Deux stations de remplissage sont opérées par le groupe ENN à proximité. Le CEO et président d’Air Liquide Chine, Rémi Charachon, se félicite de la signature de l’accord avec ENN. « L’hydrogène, affirme-t-il, est une solution alternative prometteuse d’un point de vue environnemental et économique. Air Liquide peut se prévaloir d’excellentes infrastructures pour l’hydrogène dans la région de Shanghai, ce qui lui permet de fournir les meilleurs services et de contribuer à la tenue d’une Expo Verte. » Air Liquide qui possède plus de 40 années d’expérience pour la production, le stockage, la distribution et l’utilisation de l’hydrogène est leader mondial dans le domaine des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement. www.cn.airliquide.com

a recrutés en Chine en coordination avec le PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur) ParisTech. Ils sont aujourd’hui ingénieurs de l’Ecole Polytechnique, rejoignant ainsi ceux qui passent par les classes préparatoires françaises. Les mastériens, issus de filières chinoises ou françaises, ont suivi leur première année de formation du master en commun avec les étudiants de 3e année du cursus ingénieur, ce qui garantit des compétences fondamentales de très haut niveau. Enfin, les étudiants chinois sont de plus en plus nombreux à effectuer un doctorat dans l’un des 22 laboratoires du centre de recherches de l’École. Au total, une quarantaine de jeunes Chinois sont cette année sur le marché du travail, avec un diplôme de l’École Polytechnique en poche. Ce nombre sera sans doute dépassé l’an prochain. Par la qualité de leur formation et leur maîtrise

Gailong International : une mission pour la région Ile-de-France

Gailong International organise du 3 au 10 juillet 2010 une mission PME à Shanghai pour la région Île-de-France et les trois pôles de compétitivité de la région parisienne, System@tic, Cap Digital et Advancity. La délégation de 25 personnes, formée par les dirigeants de ces pôles de compétitivité et de 15 PME de la région Île-de-France, visitera le parc technologique de Zhangjiang ainsi que plusieurs entreprises, universités et centres de recherche. L’objectif de cette mission est de développer la coopération francochinoise entre universités, PME, Startups et grandes entreprises, avec le soutien public des deux pays. Dans le cadre de cette mission, Gailong organise le 5 juillet 2010 au pavillon français à l’exposition universelle de Shanghai une conférence franco-chinoise sur le thème des « Technologies de l’information pour la ville


© DR

今年四十余名中国学生 从巴黎综合理工学大学毕业

Depuis 1997, l’école Polytechnique a recruté près de 190 étudiants chinois. 1997年以来,巴黎综合理工大学招收了近190名中国 学生。

de la langue française, ces jeunes diplômés « biculturels » intéresseront sans nul doute les entreprises françaises en lien avec la Chine. Site web : www.polytechnique.edu

蒙迪艾尔与标致雪铁龙扩大在中国的

巴黎综合理工大学一向坚持对外开

187名中国学生。他们现在成为巴黎综

放,尤其是对中国的开放。该校已同

合理工大学的工程师,与通过法国工

若干中国知名的高校如清华大学、

程师预备班入学的学生一起学习。来

北京大学、复旦大学等签署了合作协

自中国和法国的硕士研究生与拿工程

议。目前,巴黎综合理工大学有中国

师文凭的三年级学生一起上硕士一年

在校学生150人,其中有15名博士研

级的课程,这保证了他们具备高水平

究生,20名硕士研究生以及100多名

的基础能力。最终,越来越多的中国

工程师。

学生会在巴黎综合理工大学22个实验

从中国最优秀的大学中招收的工程师

室中的一个攻读博士学位。

修完了巴黎综合理工大学的所有课

今年,四十余名从巴黎综合理工大学

程,通常在一所法国学校补充最后一

毕业的中国学生进入就业市场。明年

年的专业课程或硕士/博士课程。在

可能将超过这个数字。接受优质教育

四年的学习中,这些丰富多样的环

并掌握法语的这些具有双文化背景的

境,再加上在企业里的实习,增加了

年轻毕业生无疑会吸引那些同中国有

他们对法国文化的了解。1997年以

联系的法国企业。

来,巴黎综合理工大学便与科研与高

www.polytechnique.edu

等教育集群巴黎高科合作,招收了

relations.publiques@polytechnique.fr

旅行保险的头把交椅。

液化空气集团拥有40余年氢气生产、 储存、运输和使用经验,是全球领先

合作关系 从2010年7月1日起,除了为标致在华

液化空气集团为上海世博会提供后勤

的工业、健康和环保气体供应商。

销售的所有进口车提供道路救援服

保障服务及备用氢源

www.cn.airliquide.com

务,蒙迪艾尔还将为雪铁龙在华销售

液化空气集团与新奥集团(ENN)就

的进口车按照不同的车型提供为期2-

2010年上海世博会氢能汽车加氢站的

盖龙国际有限公司组织巴黎大区的中

3年的道路救援服务。在全球范围内,

氢气运输及后备氢气供应项目签订了

小企业到上海考察

蒙迪艾尔是标致雪铁龙最大的汽车救

协议。上海世博会期间,液化空气集

盖龙国际有限公司将于2010年7月3日

援公司,为标致雪铁龙销往全球的上

团将提供一切后勤支持措施以保障安

至10日组织巴黎大区的中小企业及巴

百万辆汽车提供道路救援服务。

全可靠的氢气供应。世博园内投入了

黎 地 区 的 3 个 竞 争 力 集 群 System@tic.

2009年,蒙迪艾尔中国的业务增长超

近200辆以氢能为动力的燃料电池车辆

Cap  Digital和Advancity到上海考察。

过60%,并最终开始赢利。2010年,

为与会贵宾和游客提供运输服务。两

由这些竞争力集群和巴黎大区15家中

蒙迪艾尔在中国救援的汽车总数将达

座加氢站由新奥集团在世博园附近负

小企业领导组成的代表团一行25人将

到100多万辆,预计处理的汽车救援

责运行。

参观张江高科技园区以及一些企业、

将超过25万次。通过提供覆盖全国的

液空中国总裁兼首席执行官夏华雄先

高校和科研中心。此次考察的目的是

创新产品和服务,比如,通过给遇到

生非常高兴与新奥集团签署了上述协

借助两国政府的支持,开展中法高

困难的车主发短信的方式来实时跟踪

议,他表示:“氢能源无论是从环保

校、中小企业、新兴企业及大企业之

救援情况,蒙迪艾尔始终伴随着中国

还是经济角度都是前景广阔的解决方

间的合作。在此次考察中,盖龙将于

市场的发展。蒙迪艾尔中国目前已有

案。液空可以利用其位于上海地区的

2010年7月5日在上海世博会法国馆举

300多个合作伙伴,力求到2012年业务

完善的氢能基础设施来提供最佳的服

办一场以“信息科技与城市可持续发

实现翻番,并且坐上中国汽车救援和

务,并为打造绿色世博做出贡献!”

展”为主题的中法座谈会。本次座谈 Connexions / juillet 2010 27


公司简讯 l’actualité / entreprises

Dans le cadre de son redéploiement en Chine, le cabinet d’avocats Adamas a nommé Alban Renaud, Associé. L’avocat français, titulaire d’un DESS-DJCE en droit des affaires et d’un LLM en droit international des affaires, a complété sa formation à l’université de Tsinghua. Après des expériences au sein de différents cabinets d’affaires, Alban Renaud est désormais l’un des responsables du développement de l’activité du cabinet pour la Chine continentale. Pour cette mission, Alban Renaud s’appuie sur une équipe interne de juristes et d’avocats de différentes nationalités et sur un vaste réseau d’avocats libéraux chinois spécialisés, répartis sur tout le territoire. Robert Guillaumond, fondateur d’Adamas Chine, précise : « La Chine a eu un modèle de développement original et singulier de mise à niveau de son règlement. ll y a 20 ans, les litiges se réglaient dans un cadre juridique peu affirmé et

durable ». Cette conférence fait partie du programme officiel du « Pavillon des Sens et du Savoir ». Fondée en 2009 par Hervé Cayla, ancien CEO de France Télécom Orange Chine, l’entreprise Gailong International propose des conseils pour assister les entreprises étrangères souhaitant s’implanter en Chine et pour aider les compagnies et organisations chinoises à attirer des investisseurs et partenaires étrangers. Gailong est spécialisée dans les domaines des hautes technologies, des technologies de l’information et de la télécommunication. http://www.gailong.net/blog

Gide Loyrette Nouel conseille la Semmaris pour la création d’une JV en Chine

Gide Loyrette Nouel (GNL) a assisté la Semmaris pour la création de Shanghai Rungis Market Management, une joint-

28 Connexions / juillet 2010

les avocats chinois libéraux n’existaient pas. Aujourd’hui un maillage de juristes et d’avocats chinois compétents existe et s’avère extrêmement précieux pour pénétrer toutes les spécialités et toutes les villes. Nous avons tissé des partenariats, exclusifs pour certains, et disposons ainsi d’un réseau d’interlocuteurs fiables.» Présent depuis vingt ans en Chine, Adamas fut le premier cabinet d’avocats français à obtenir une licence chinoise. Créé au moment où se mettait en place le système juridique chinois actuel, le cabinet qui était, à l’origine, essentiellement spécialisé dans le règlement des litiges par voies de conciliation et d’arbitrage et a accompagné de nombreuses entreprises françaises pionnières en Chine, a développé des savoir-faire notamment en matière de propriété intellectuelle — Adamas est un des promoteurs de la voie pénale dans le règlement des litiges liés à la contrefaçon — de droit de l’environnement et des

venture avec la Shenzhen Agricultural Products Company. La Semmaris, en charge de l’exploitation du Marché International de Rungis, détient à hauteur de 33,4% cette nouvelle société franco-chinoise qui sera basée à Shanghai et qui aura pour mission de gérer de nouveaux marchés de gros alimentaires en Chine. Le premier marché dont Shanghai Rungis Market Management assurera la gestion est celui de Nanning, capitale de la province du Guangxi, en Chine méridionale. Cette société conjointe permettra en outre de développer les échanges commerciaux entre grossistes français et chinois. Le cabinet d’affaire international Gide Loyrette Nouel exerce son activité en Chine à partir de trois bureaux — Pékin, Shanghai et Hong Kong — qui réunissent une équipe de près de 120 personnes dont plus de 50 avocats et juristes occidentaux et chinois. http://www.gide.com

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Adamas Chine : nomination d’un nouvel Associé

Alban Renaud à la tête du redéploiement d’Adamas en Chine. Alban Renaud带领阿达姆斯 扩大在华的发展。

investissements. Le cabinet est également attentif à développer son portefeuille de clients chinois dans le cadre d’acquisitions en Europe et en Afrique.

J.-P. Raffarin lance un grand prix de la meilleure performance en Chine

L’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a annoncé lors d’une conférence de presse à Pékin le lancement du Grand Prix de la meilleures performance française en Chine. Le gagnant recevra un soutien financier et une œuvre d’art exécutée par un artiste français vivant en Chine L’objectif de ce prix est de donner un coup de projecteur à des projets qui se développent mais qui restent méconnus dans divers domaines, comme la culture, l’éducation et même la gastronomie. Jean-Pierre Raffarin a cité, entre autres exemples, la première promotion des élèves de l’Ecole Centrale en Chine ou le cas de Michel Plasson, le premier chef d’orchestre français convié à diriger un orchestre chinois. Le Grand Prix


Management)。这是塞马利公司与深

阿达姆斯在中国任命

圳农产品股份有限公司共同组建的合

一位新合伙人

资公司。 法 国 汉 吉 斯 国 际 批 发 市 场 ( Marché

为了扩大在中国发展,法国阿达姆斯

在,中国拥有一个非常能干的法律顾

International de Rungis)的运营者塞马

律师事务所任命阿尔邦.雷诺(Alban

问和律师网,更难能可贵的是他们遍

利公司持有合资公司33.4%的股份。

Renaud)为合伙人。这位法国律师持

布各个城市,涉足各个领域。我们

该公司设在上海,主要经营在华新建

有商法高等专业文凭和企业法律顾问

与一些律师事务所建立了合作伙伴

的食品批发市场。上海汉吉斯市场管

文凭以及国际商法法学硕士文凭,并

关系,其中一些是独家合作伙伴,

理公司经营的第一个批发市场位于广

且完成了在清华大学的进修。曾就职

因此,我们拥有值得信赖的合作对

于不同的法律事务所,奥尔本.雷诺

象。”

如今成为阿达姆斯律师事务所开发中

阿达姆斯进入中国已有二十年,它是

国大陆业务的负责人之一。为了完成

第一个在中国获准执业的法国律师事

这项使命,他将依靠由不同国家法律

务所。阿达姆斯在中国现行司法制度

顾问和律师组成的内部团队以及由遍

建立之时成立了办事处,当初的主要

律师和法律顾问。

布全国的中国专业自由律师组成的巨

业务是通过调解和仲裁解决诉讼,伴

http://www.gide.com

大网络。阿达姆斯律师事务所中国创

随众多的法国先锋企业在中国落户,

Guillaumond)

发展在知识产权(阿达姆斯提倡用刑

拉法兰启动最佳法国在华成就大奖

说:“中国法律制度升级的发展模式

事手段解决假冒仿造诉讼)、环境法

法国前总理让-皮埃尔·拉法兰(Jean

是独一无二的。二十年前,中国的法

及投资法领域的专长。阿达姆斯也十

Pierre Raffarin)在北京的新闻发布会上

律诉讼在不太确定的司法环境中解

分注重扩大在欧洲和非洲并购业务中

宣布启动最佳法国在华成就大奖。获

决,那时在中国也没有自由律师。现

的中国客源。

始人纪尧蒙(Robert

西省的省会南宁。这家合资公司还将 开展中法批发商之间的商贸往来。 基德律师事务所通过设在北京、上海 和香港的代表处开展在华的业务。三 个代表处汇集了一支由近120名人员组 成的专业团队,其中包括50多名中外

奖者将得到物质奖励和一幅在中国生 活的法国艺术家的艺术作品。 设立该奖项的目的在于引起众人对一

会是上海世博会法国馆官方活动日程

询公司。

的组成部分。盖龙国际有限公司由前

http://www.gailong.net/blog/

法国电信中国区首席执行官盖拉先生 于2009年创立,为协助那些想在中国

基德律师事务所为塞马利在中国成立

落脚的外国企业,并为帮助中国的企

合资公司提供咨询

业和机构吸引国外投资和合作伙伴提

基德律师事务所协助塞马利市场管理

供咨询服务。盖龙国际有限公司是高

公司(Semmaris)成立上海汉吉斯市

科技、信息技术和电信领域的专业咨

场管理公司(Shanghai Rungis Market

些正在发展但不为人所知的项目的关 注,这些项目涉及文化、教育、美食 等诸多领域。拉法兰特别提到了第一 届北航中法工程师学院的学生,还有 受邀担任中国国家交响乐团首席指 挥的法国著名指挥家米歇尔·普拉松 (Michel

Plassier)等。此项大奖是由

法 国 展 望 与 革 新 基 金 会 ( Fondation

Connexions / juillet 2010 29


公司简讯 l’actualité / entreprises Citroën révèle son concept-car Metropolis

a été crée dans le cadre des activités de la Fondation Prospective et Innovation dont le programme vise à sensibiliser des dirigeants politiques et économiques français aux problématiques chinoises. Jean-Pierre Raffarin conduisait une délégation d’une quinzaine de parlementaires et des personnalités de la société civile. Après Pékin, où ses membres ont eu des rencontres de haut niveau avec des dirigeants chinois, la délégation s’est rendue dans la province de l’Anhui, pour une visite d’entreprises dans la zone de développement économique et technologique. Elle a terminé son voyage en Chine par une visite de l’Exposition de Shanghai.

Xanadu Qutravel devient Travel-Stone

Xanadu Qutravel, agence de voyage créée en 2008 par Nicolas Berbigier et Serge Pierrard a récemment changé de nom pour devenir Travel-Stone. Depuis décembre 2009, un comptoir de vente a été mis en place à April Gourmet en face de la boucherie Michel, où les clients

30 Connexions / juillet 2010

2010年4月18日,雪铁龙发布Metropolis概 念车,这款新车于2010年5月1日至10月 30日上海世博会期间在法国馆内公开展 出。Metropolis概念车着眼于体现大都市 尊贵、活力和前卫的特征。为了更好地满 Metropolis, un concept-car entièrement conçu par l’équipe Citroën installée à Shanghai. Metropolis概念车的设计完全由雪铁龙驻

© DR

Citroën a révélé le 18 avril dernier les lignes de Metropolis, son nouveau concept-car qui sera exposé dans le pavillon français de l’Exposition Universelle de Shanghai du 1er mai au 31 octobre 2010. Metropolis veut incarner la grandeur, le dynamisme et l’avant-gardisme qui caractérisent les grandes métropoles. Pour répondre au mieux aux attentes du marché chinois, ce concept-car a été entièrement conçu par l’équipe de design internationale de Citroën installée à Shanghai depuis 2008. Bénéficiant des dernières innovations technologiques, la voiture est équipée d’une suspension hydractive et d’une nouvelle chaîne de traction hybride plug-in. L’Exposition Universelle

雪铁龙发布概念车 Metropolis

足中国市场的需求,这款概念车的设计 完全由2008年进驻上海的雪铁龙国际设计 团队操刀完成。运用最新的创新科技,

上海的国际设计团队操刀完成。

Metropolis概念车配备了液压悬挂系统和

de Shanghai est l’occasion pour Citroën d’affirmer son caractère international et de répéter, après 20 ans de présence en Chine, l’importance qu’elle accorde aux exigences de ce marché. La marque a réalisé une augmentation de 57% de ses livraisons dans le pays en 2009 et la Chine est désormais le deuxième plus grand marché de Citroën dans le monde. www.citroen.com.cn/

全新的plug-in混合动力驱动系统。上海世

peuvent remplir des questionnaires de demande ou venir les rencontrer en fin de journee (de 17h a 19h30) pour leur faire part de leur demande. Travel-Stone propose des services allant de la location de voiture avec chauffeur, aux vols domestiques & internationaux, aux hotels (dans toute l’Asie) et aux tours organisés.

Prospective

Séminaire Bienvenue à Pékin

结束了在中国的访问行程。

La CCIFC organise un Séminaire Bienvenue à Pékin d’une journée le vendredi 17 septembre 2010. Destiné à tous les nouveaux arrivants en Chine – seul ou en famille, en poste ou sans emploi – ces séminaires d’accueil permettent à nos compatriotes d’avoir des informations générales sur leur installation en Chine, de partager leur expérience avec d’autres Français sur place et de recueillir des conseils d’experts dans les domaines juridique, fiscal et interculturel.

博会对雪铁龙而言既是展示其国际特色的 良机,也是雪铁龙在进入中国市场20周 年之后再次表示其对中国市场的需求充 分重视的良机。2009年,雪铁龙在中国 市场的销量较2008年增长了57%,中国如 今已成为雪铁龙在全球的第二大市场。

www.citroen.com.cn/

et

Innovation)设立,用

于引起法国政治经济领导人对中国问 题的关注。拉法兰率领一支由15名议 员和企业高层人士组成的代表团访问 中国。在北京,代表团成员与中国领 导人进行了高层会晤。随后,代表团 赴安徽参观当地经济技术开发区的企 业。最后,代表团以参观上海世博会

爱嘉途更名为旅行石 爱 嘉 途 公 司 ( Xanadu) 由 Nicolas Berbigier和 Serge  Pierrard于 2 0 0 8 年 创 办 , 最 近 更 名 为 旅 行 石 ( Travel Stone)。从2009年12月起,公司在米 歇尔肉店(Boucherie

Michel)对面的

绿叶子食品店(April Gourmet)内设立 了销售柜台,客人们可以填写需求意 向表,或在晚上17:00至19:30来我们 这里告知他们的需求。 旅行石的业务范围广泛,包括租车 (配司机),预订国内外机票和亚洲 各国的酒店,以及安排行程等。



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Des modèles athlétiques, équilibrés et sensuels et un lion au design plus dynamique .

Le nouveau monde de Peugeot Peugeot et son partenaire chinois DongFeng Peugeot ont dévoilé lors d’une grande cérémonie la nouvelle identité de marque Peugeot en Chine. Cette évolution dans l’empire du Milieu a été présentée par le nouveau directeur de la marque Peugeot Vincent Rambaud, ainsi que par le directeur général de DPCA Liu Weidong Pour sa première apparition publique en Chine, Mr Vincent Rambaud a rappelé les trois grands défis : révéler ce qui rend la Marque unique, relever le challenge environnemental et développer une nouvelle mobilité. Pour Peugeot, conjuguer l’automobile au futur passe par un renouvellement de son identité. Xavier Peugeot, directeur Marketing et Communication de la marque a expliqué ce nouveau projet de marque à travers sa nouvelle signature de marque « Motion & Emotion », et son lion plus dynamique, moderne, jouant la métallisation bi-aspect en alliant le mat et le brillant. Gilles Vidal, directeur du Style Peugeot, a pu démontrer le manifeste du style 32 Connexions / juillet 2010

Peugeot de demain avec le modèle SR 1. Ce concept-car est athlétique, équilibré, sensuel, et incarne l’expression la plus forte, la plus extrême et la plus pure. De plus, la présence de la « 5 by Peugeot » a suscité un bel engouement. Une histoire forte de 200 ans ! Depuis 1810, Peugeot a apposé son nom puis son emblème, le lion, sur différents outils comme des moulins à café, vélos, véhicules, etc. Avec une histoire de 200 ans, la marque Peugeot se démarque sur l’expression de la passion, l’émotion et l’innovation. La force de Peugeot est

sa modernité, sans renier son passé, lui permettant d’avoir un réel coup d’avance pour affronter l’avenir. En 2012, les 10 000 points de ventes Peugeot dans le monde entier auront renouvelé leur identité visuelle pour exprimer fièrement ces nouvelles valeurs. Une période de lancement massif En Avril 2004, la première 307 de DongFeng Peugeot est sortie de l’usine de Wuhan. Après 6 ans de développement, DongFeng Peugeot possède déjà plusieurs modèles tels que la 307, la 207, et la dernière née, la 408. La gamme de prix de l’ensemble de ses gammes, comprise entre 70 000 et 170 000 Rmb, permet de satisfaire un grand nombre de consommateurs. La diversité de ses produits répond aux différentes attentes. Aujourd’hui, plus de 450 000 clients sont fidèles à une marque innovante et séduisante de par son style. Peugeot a annoncé en janvier dernier qu’elle lancera 14 nouveaux modèles entre 2010 et 2012, dont la 408 est le premier. Ce lancement 408 montre l’importance du marché chinois et une évolution dans


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硬朗、平衡的车型以及更具活力的商标设计

全新标识发布:标致迈入品牌新纪元 la stratégie de DongFeng Peugeot. Ce modèle, conçu prioritairement pour le marché chinois, est le premier d’une série attendue pour les années à venir. JeanJacques Etchart, Directeur Peugeot Chine Véhicules Importés, a annoncé l’arrivée de nouvelles silhouettes inédites pour la Marque en Chine dès début 2011. Une satisfaction client prioritaire D’après M. Zimmerman, directeur général de DongFeng Peugeot, l’année 2010 aura pour objectif d’établir des stratégies sur l’innovation, l’orientation client et l’évolution du marché, d’améliorer la prise en compte des caractères des consommateurs dans leur développement produit et de renforcer l’image de marque. « La transmission de nos valeurs profondes est fondamentale afin de créer une marque ayant du caractère et répondant aux attentes des consommateurs » a expliqué M. Zimmerman, pour qui la nouvelle image de la marque Peugeot est appelée à devenir l’une des images principales sur le marché chinois.

日前,标致暨东风标致在北京举行了盛 大的新品牌标识揭幕仪式。标致品牌新 任总裁朗博文以及神龙汽车有限公司总 经理刘卫东出席发布会。 对于新标识首次在华展示,朗博文先生 介绍了标致品牌面临的三大挑战:如何 保持品牌唯一性;环境问题;如何发展 全新移动策略。 标致市场与传播总监夏伟业先生通过全 新的品牌口号“Motion  & Emotion”诠释 了新的品牌方案。新标识中的狮子图案 更加简约、凝练、硬朗,更具金属质感 和现代风格。 承扬两个世纪的辉煌 自1810年以来,标致就已经开始把他的 名字和狮子商标应用于标致品牌的商品 之上,包括锯条、咖啡磨、自行车、摩 托车直至现在提供各种功能和用途的汽 车。200年不断的历史沉积将标致打造成 一个注重情感表达和不断自我创新,并 致力于融汇传统与现代的品牌。 2010年1月8日,标致在巴黎举行宏大 仪式,正式发布其全新品牌标识。拥有 200年历史如今十代传承的雄狮家族将迎 来品牌的新世纪跨越。随着新标识的发 布,到2012年,全球将有超过一万家标 致汽车销售服务网点焕然一新。 产品密集投放期启动 2004年4月,第一辆东风标致307在武汉

神龙工厂驶下生产线。经过6年的建设 和发展,东风标致从最初单一产品到目 前拥有207、307、408三大产品系列,数 十种配置组合的强大阵容,覆盖7—17万 元区间,能充分满足消费者对高品质汽 车产品的需求。东风标致已经拥有超过 45万忠实用户的认可和信赖。 标致品牌今年1月宣布在2010-2012年全 球投放14款全新车型,408即为第一款。 408在中国的首发上市昭示着东风标致 全新战略的启动,也标志着东风标致进 入新产品投放密集期。在接下来的几年 中,东风标致每年都将投放至少一款全 新重量级车型,新产品系列的覆盖面会 更宽、更广,且更多考虑消费者的实际 需求。 用户满意度工程精进 东风标致总经理齐默尔曼强调,“在全 新标识发布之际,东风标致也迎来了自 身发展的战略机遇期。” 用户满意度工程是一个需要不断优化的 体系,将成为东风标致坚持和精进的重 点战略,把用户作为产品研发和营销策 略的起点,一步步的将产品研发与消费 者进行沟通,把苛求细节的严谨态度和 传递情感的品牌内涵共同联系起来,打 造既满足用户的理性和感性需求的服务 品牌。这将成为今后能够代表东风标致 的典型形象之一。

Connexions / juillet 2010 33


© SAFRAN

公司简讯 l’actualité / entreprises

En Chine, le groupe Safran est implanté dans 14 ville et emploie 1 millier de salariés. 赛峰集团在中国14座城市设立了代表处,拥有近千名员工。

Safran : une stratégie toute en finesse Le leader français détient 60% des parts de marché des moteurs utilisés dans l’aviation civile chinoise. « Notre meilleure publicité, ce sont nos clients qui la font. Je pense en particulier aux pilotes de ligne, lorsqu’ils vantent la qualité de nos produits », se félicite Kening Liu, le chef de la représentation de Safran en Chine. Si le groupe français a volontairement opté pour une communication limitée, son développement lui, ne s’en est jamais trouvé bridé. Preuve, s’il en faut : l’enseigne ne détient pas moins de 60% des parts de marché des moteurs utilisés dans l’aviation civile chinoise. Décrypter les rapports de force Lorsqu’on lui demande quelles sont les clefs de ce succès commercial qui voit Safran gagner régulièrement de nouvelles parts de marché, Kening Liu élude, refusant de verser dans l’autosatisfaction, et préfère souligner sobrement que « rien n’est jamais acquis : nous sommes impliqués dans un combat permanent... ». Pour autant, lorsqu’il évoque l’implantation du groupe en Chine, Kening Liu se plaît à filer la métaphore guerrière. « Tout d’abord, il est capital de bien se connaître et de connaître les forces et les faiblesses 34 Connexions / juillet 2010

de nos adversaires et de nos alliés. Ensuite, lorsqu’on a bien étudié l’environnement, on peut commencer à prendre position, à élaborer des stratagèmes et éventuellement à entrer en guerre. » Pourtant, cet ancien banquier d’affaires est tout sauf belliqueux. Bien au contraire : selon lui, la bonne stratégie, c’est souvent de « trouver des intérêts partagés et d’éviter l’affrontement. ». Un code de conduite qui vaut tout particulièrement dans la sphère singulière dans laquelle le groupe fait des affaires. « Nos clients étant des sociétés étatiques, nous ne sommes pas dans une situation de compétition pure ». Aussi est-il capital de « savoir décrypter les rapports de force et de pouvoir parmi nos interlocuteurs. » Une tâche qui nécessite de la psychologie ainsi que le maintien d’un « contact étroit avec les décideurs. Et surtout, il ne faut jamais se fâcher avec personne, car l’équilibre des forces change en permanence... » Former des bons profils Fort de cette démarche circonspecte, depuis une trentaine d’années, le groupe

s’est implanté dans 14 villes chinoises, et emploie aujourd’hui un millier de personnes. Un chiffre qui augmentera sensiblement dans les années à venir, en particulier grâce à l’important partenariat signé avec l’avionneur chinois Comac pour la production de son futur moyen courrier C919. Une tendance qui devrait prochainement se concrétiser par l’apparition de nouvelles implantations industrielles. L’enjeu étant bien sûr de recruter des profils idoines pour accompagner le développement, la formation est devenue au fil du temps un axe stratégique majeur. Ainsi en 2003, Safran a financé 60 bourses pour que de jeunes Chinois aillent étudier à l’école Centrale de Lyon. L’objectif est de former des ingénieurs biculturels. « Cet aspect est fondamental, car nous devons éviter à tout prix les malentendus au sein de nos équipes de travail. Il en va de la sécurité des personnes. » Et plus récemment, la démarche s’est encore accélérée, avec la mise en place d’un partenariat étroit entre l’Ecole Normale et l’université d’Aéronautique et d’Astronautique de Pékin (BUAA), qui a donné naissance à ‘’l’école Normale de Pékin’’. « Dès l’an prochain, une centaine d’ingénieurs trilingues et formés aux méthodes françaises sortiront diplômés chaque année. C’est très important ; c’est une bonne manière de renforcer la coopération à long terme avec la Chine. » Dans ce contexte porteur, la branche « sécurité » de Safran, conduite par la Sagem, n’est pas en reste. « La Chine organise de plus en plus de grands événements, mais les limites de ses ressources humaines l’obligent à se tourner vers des solutions technologiques » : systèmes de contrôles au frontières, terminaux biométriques, interfaces cartographiques, systèmes de détection d’explosifs, etc. La gamme de ses produits et de ses compétences, qui en ont fait le leader mondial du secteur, répond toujours plus largement aux besoins chinois. Et pour assurer encore plus efficacement la pénétration de ses produits, le groupe prévoit prochainement, de mettre en place une « campagne marketing agressive. »

M a n u el R a mbau d


赛峰:策略性发展 赛峰中国代表处首席代表刘柯宁

集团一对一开展业务的情况下,这是一

标是培养具有双文化背景的工程师。这

先生欣喜地表示:“我们最好的广告

个特别有用的行为准则。“我们的客户

方面的投入是实质性的,因为我们要不

是由我们的客户来做的,尤其是那些飞

是一些国有企业,我们不是处于一种完

惜一切代价避免在工作团队里的误解。

机驾驶员,他们时常称赞我们产品的质

全的竞争的状态。”“学会在我们的对

这关系到人员的安定。”最近,随着法

量。”即使赛峰自愿采取了有限的公关

话方中破解力量与权力关系”也同样重

国中央理工大学和北京航空航天大学

策略,其发展也不会因此受到限制。如

要。这需要强大的心理,同时需要“与

的密切合作,双方共同创办了北航中法

果需要,证明便是:赛峰集团拥有不少

决策者保持紧密的联系。特别是绝不能

工程师学院,这一策略加快了实施的步

于60%的中国民用航空发动机的市场份

与任何人动怒,因为力量的平衡在不断

伐。“从明年起,每年将有近百名掌握

额。

改变……”

三种语言、接受法国教育的工程师从这

当我们向刘柯宁询问赛峰不断赢

由于这种审慎的发展策略,三十

里毕业。这非常重要,这是加强与中国

得新的市场份额的成功秘诀时,他有所

年来,赛峰集团在中国的14个城市设

长远合作的良好方式。”在这种前途光

回避,不愿沉浸在自满之中,并谦虚地

立了代表处,目前拥有近千名员工。在

明的背景下,赛峰集团旗下负责安全防

强调:“从未获得任何成功:我们一直

未来几年里,这个数字还将显著增加,

务业务的萨基姆公司不甘落后。“中国

在战斗……”同样,当刘柯宁提起赛峰

特别是与中国商飞公司签署了为其生产

组织的大型国际活动越来越多,有限的

在中国市场落脚时,他喜欢用战斗打比

C919中程客机的合作协议。集团未来

人力资源使其不得不寻求技术解决方

方。“首先,最重要的是了解自己,

的发展趋势即将体现在新工业基地的建

案”:边境安检系统、生物识别终端、

了解对手和盟友的优势和弱点。然后,

立。

人像识别、爆炸物检测系统等。令赛峰

当我们认真研究了环境,就可以开始

当然,关键在于招聘一些合适的

集团成为行业全球领先企业的系列产品

定位,制定计策,并在必要时投入战

人才来配合发展,培训逐渐成为一个重

和技能,总能更广泛地满足中国市场的

斗。”然而这位前商业银行家并非好斗

要的战略发展方向。因此,“2003年,

需要。为了更有效地保证其产品的深

之人。恰恰相反,他认为最好的策略往

赛峰提供了60个奖学金名额让中国的年

入,赛峰集团不久将展开“猛烈的市场

往是“寻找相互利益,避免冲突”。在

轻工程师赴里昂中央理工大学学习。目

宣传攻势”。

Connexions / juillet 2010 35


专访 l’entretien

Developper les coopérations locales Nommé “conseiller de la CCIFC” en mars dernier, Sun Mingjun aujourd’hui consultant indépendant, a d’abord été pendant près de 10 ans, haut fonctionnaire au ministère chinois du Personnel. Il revient sur son parcours, sa vision de son nouveau rôle et sur ce que sont pour lui les principaux atouts de la France en Chine.

Sun Mingjun a notamment été en charge des accords de où il a lui-même étudié. 孙明君协调过中国政府

Connexions : Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ? Mingjun Sun : Comme beaucoup de francophones, j’ai étudié la langue et la littérature françaises à l’université. Après je suis entré à la Banque Populaire de Chine à Pékin, au département des relations internationales. J’étais en charge des liens avec les pays francophones et les organismes internationaux dans les domaines financier et bancaire. J’ai fai mon stage à la Banque du Maroc, et travaillé à Abidjan à la Banque Africaine de Développement dans le cadre de ma mission, puis à la banque centrale de Chine. Après un court passage au département formation d’Air China, j’ai intégré le ministère chinois du Personnel. Ma principale mission était de coordonner les projets entre les gouvernements chinois et français dans le cadre de la coopération dans le domaine de la fonction publique (décentralisée). Pour finir, j’ai décidé de quitter la fonction publique et de m’installer comme consultant indépendant. Au ministère du Personnel, j’ai coordonné une vingtaine de projets en particulier la sélection de personnel francophone 36 Connexions / juillet 2010

destiné à suivre une formation à l’ENA, un modèle de l’ENA. Mais ce n’est pas à sens programme dont j’ai moi-même bénéfi- unique, Raymond-François Le Bris, direccié. J’ai fait des études à l’ENA en 97-98 ce teur de l’ENA qui a accueilli ma promotion, qui m’a permis de travailler à la réforme de nous a dit à notre arrivée : « Vous êtes vel’administration chinoise. Si cet accord in- nus en France pour apprendre des expétergouvernemental existe riences françaises, mais noc’est qu’il y a beaucoup de tre système vient aussi du « Le mode de points communs dans ce vôtre, le recrutement des vie français secteur entre nos deux fonctionnaires français est me semble la pays. calqué sur vos concours Au début de la réforme locomotive impériaux ». En 1999, cette administrative, dans les la plus coopération administrative années 90, le gouvernefranco-chinoise a pris de forte pour ment chinois a envoyé l’ampleur, elle est passée accrocher les des groupes d’études visid’un accord inter-ministéwagons des ter les administrations de riel à un accord inter-goudifférents pays pour par- indutriels. » vernemental. Des dizaines tager leurs expériences. de projets, principalement C’est la fonction publique pour la formation de hauts française qui nous a semblé la plus proche fonctionnaires chinois en France, ont vu de la nôtre et dont il nous a paru possi- le jour. ble de s’inspirer : pouvoir très centralisé, C. : Comment concevez-vous votre rôle de conseiller fonction publique forte, système sophis- de la CCIFC ? tiqué et complexe en particulier dans le M. S. : Pour commencer je veux dire que je domaine de la gestion de la carrière et de suis très heureux de cette nomination. Je l’évolution des fonctionnaires. L’Institut de suis prêt à participer à des missions très l’Administration de Chine a été créé sur le diverses : partage d’expertises, conseils,


发展地方合作——专访中国法国工商会顾问孙明君 今年3月份被任命为中国法国工商会顾问的孙明君,现为独立咨询顾问,曾在国家人 事部作为政府官员工作近十年;他讲法语,主要从事中国政府干部培训的对外合作, 特别是在法国国立行政学院的培训,他本人也曾在该学院学习过。他谈起了自己的职

© DR

业生涯、对担任中国法国工商会顾问的看法以及他认为的法国在中国的主要优势。

coopération pour la formation des cadres chinois à l’ENA 官员到法国国立行政学院进修的合作项目,他本人也是这个项目的受益人。

participation à des groupes de travail et de réflexion… Par ailleurs, les anciens élèves chinois de l’ENA se regroupent en une « association » non-officielle pour laquelle je fais office de secrétaire général. C’est un réseau d’entraide et de lobbying, ses membres sont pour la plupart haut placés dans l’administration chinoise. Nous nous réunissons plusieurs fois par an, souvent sur invitation de l’ambassade de France à Pékin, notamment à l’occasion de visites officielles. Nous n’organisons quasiment pas d’activités, mais nous avons un très fort le sens de la solidarité. Il me paraît clair que les liens entre ce réseau et les entreprises françaises en Chine vont se resserrer. Mon rôle de conseiller de la CCIFC c’est aussi de « faire passer des messages » aux entreprises françaises. Pendant longtemps, le cadre légal en Chine a été peu sophistiqué, mais le gouvernement essaye d’améliorer l’environnement juridique et social du pays et construit un cadre légal strict. Certaines entreprises étrangères en Chine ne se conforment pas à la loi : paiement de l’impôt sur

•••

《联结》:能否请您介绍一下您的职

的录用就是模仿你们的科举考试制

业生涯?

度。”1999年,这一中法行政领域的

孙明君:就像许多说法语的人一样,

合作提升到了一个新的高度,从两国

我的大学专业是法国语言和文学。毕

政府部门之间的项目合作上升到政府

业后,我到北京进入中国人民银行国

间的合作协议。数十项中国高级公务

际司工作,承担与法语国家和国际机

员赴法培训项目得以诞生。

构在金融和银行方面的联络工作。在

《联结》:您如何设想中国法国工商

央行工作期间,我曾在摩洛哥银行实

会顾问的角色?

习并在阿比让的非洲开发银行工作

孙明君:首先,我想说我对这一任命

过。之后,我在中国国际航空公司的

感到非常高兴。我已准备好参与各相

培训部门工作过一段时间后,进入了

关的工作:分享专业知识,提供咨询

国家人事部工作;我主要的任务是协

意见,参与工作小组活动和调研任

调中法两国政府在公务员制度领域的

务...…

合作。最终,我决定离开公职部门,

此外,法国国立行政学院的中国

作为独立咨询顾问继续我的职业生

校友聚集起来,有一个非正式的“校

涯。

友会”,我承担了秘书长的工作。这

在人事部,我协调过20多个中法

是一个互助提携和广泛联络的网络,

合作项目,其中包括选拔说法语的政

很多成员在中国行政部门里担任重要

府官员到法国国立行政学院进修,我

职务。我们每年相聚数次,经常受到

本人也是这个项目的受益者。1997-

法国驻华使馆的邀请,特别是在政府

1998年,我在该学院学习,这对我参

高级官员来华访问的时候。我们平时

与中国政府机构改革工作有很大帮

基本不组织活动,但是我们有非常强

助。中法政府间这项合作协议的存

的团结互助意识;我深切地感觉到这

在,是因为我们两国之间在这个领域

个网络与法国企业间的联系会日益密

有很多的共性。

切。

在上世纪90年代政府机构改革之

作为中国法国工商会顾问,我的作

初,中国政府曾派团调研不同国家的

用也是向法国企业“传递信息”。长

政府机构改革,分享他们的经验。法

期以来,中国的法制环境逐步改善,

国的公务员制度情况与我们最为接

中国政府不断完善国家的法律和社会

近,可以去借鉴:权力高度集中,公

环境,建设严格而公正的法制环境。

务员制度完备,制度完善且细致,

一些在华的外国企业在有些方面还未

尤其是在公务员的职业生涯管理和晋

能做到完全按法律办事,如缴纳个人

升方面。中国国家行政学院就是按照

收入所得税和使用签证与在华就业身

法国国立行政学院的模式建立的。但

份不符等。这些情况在今后是不能长

这不是单向的,法国国立行政学院当

久下去的。

时的院长雷蒙-弗朗索瓦.勒布里先生

《联结》:更具体些,您能否举一些

在我们那届学生入学时说:“你们来

您希望参与中国法国工商会发展的思

法国学习法国的经验,但我们的体

路或领域?

系也从你们那里取经,法国公务员

孙 明 君 : 我的工作领域主要是

•••

Connexions / juillet 2010 37


专访 l’entretien •••开拓中法之间的合作。我从进入

职业生涯开始就在作这样的思考。在 我看来,中法合作的发展有着明显的 演变过程,有三个合作层面:两个国 家政府之间的合作——这是最早的合 作形式,在中欧框架下的合作和权力 下放后两国地方之间的合作。在两个 国家政府合作层面, 我们已经做了很多 工作,我们与法国的合作比其他国家 都多。我认为,现在已到了发展地方 合作的时候了;这一层面的合作,对 企业而言是具有发展前景的。 我收到了很多地方政府在这方面 的合作需求,权力下放的地方合作为 愿意来华的法国企业创造了有利的发

© DR

展平台。 法国企业清醒地意识到说法语的

« Mon rôle de conseiller, c’est aussi de faire passer des messages.»“作为中国法国工商会顾问,

中国人对于地方合作和企业发展构成

我的作用也是向法国企业传递信息。”

的机遇,因此他们大力支持在中国的

••• les revenus et visa inadéquat no-

tamment… C’est une situation qui ne saurait perdurer. C. : Plus concrètement, pouvez-vous nous donner des exemples de pistes ou de chantiers que vous souhaiteriez développer avec la CCIFC ? M. S. : Mon expertise principale porte sur la coopération franco-chinoise. J’y réfléchis depuis le début de ma carrière professionnelle. Pour moi, l’évolution est évidente, il y a trois niveaux : le niveau national — le plus ancien— , le niveau Chine-Union Européenne et le niveau plus local de la coopération décentralisée. On a déjà beaucoup fait au niveau national, on a travaillé davantage avec la France qu’avec les autres pays. Je crois qu’il est temps de développer le niveau local qui est le plus prometteur pour les entreprises. Je reçois beaucoup de demandes dans ce sens de la part des gouvernements locaux. La coopération décentralisée crée une plate-forme favorable aux entreprises françaises qui veulent s’installer. Les entreprises françaises sont bien conscientes de l’opportunité que constituent localement des Chinois francophones, fertile terreau de francophilie, donc elles soutiennent les Alliances françaises en Chine. Elles auraient, je crois, tout autant intérêt à soutenir la coopération décen38 Connexions / juillet 2010

tralisée franco-chinoise. Voilà le type de projets que je souhaite promouvoir. C. : Quels sont d’après vous les principaux atouts de la France et des entreprises françaises en Chine ? M. S. : Le mode de vie français, incontestablement. C’est ce qui plaît le plus aux Chinois et c’est ce sur quoi les entreprises peuvent s’appuyer pour développer les affaires. Mais la plupart du temps, aujourd’hui, une entreprise française est une multinationale, elle a perdu son identité française aux yeux des Chinois. Il est primordial de redéfinir l’identité française et de repositionner l’image de la France. C’est là que la notion de mode de vie français intervient. Gastronomie, produits de luxe, voyages, pour les Chinois, le premier choix c’est la France. Pour la culture, l’enseignement c’est aussi la France. Le mode de vie français me semble la locomotive la plus forte pour accrocher les wagons des industriels. Pourquoi par exemple ne pas envisager de créer un centre de formation dédié à la vente et au marketing des produits de luxe français en Chine ? Derrière le mode de vie, il y a beaucoup de potentialités. Il faut être prêt pour de nouveaux champs.

• Propos r ecu eil l is

pa r Sophi e L av ergn e

法语联盟的成立和发展,这是一块培 育对法友好人士的沃土。我认为,法 国企业应该有很大的动力支持中法之 间的地方合作。这类合作项目是我所 希望极力扶持和推广的。 《联结》:您认为法国和法国企业在 中国有哪些主要优势? 孙 明 君 : 法国的生活方式,毋庸置 疑。这是最让中国人所喜欢的,法国 企业也能借助其发展在华业务。然而 现在大多数时候,法国企业如是一家 跨国企业,在中国人眼中失去了其法 国的身份特性。重要的是重新确立企 业的法国身份特性,并且重新定位法 国的形象。这正是法式生活理念可以 发挥作用的地方。 美食、奢侈品、旅游,对于中国 人来说,首选是法国。在文化和教育 方面,也是法国。我觉得法国的生活 方式是吸引工业企业的龙头优势。比 如,为何不考虑建立一个专门进行法 国奢侈品在华销售和市场营销培训的 机构呢?在法国生活方式的背后,有 着很多潜在的商机。必须为新的在华 发展领域做好准备。


Connexions / juillet 2010 39


dossier A Tongzhou, dans la banlieue de Pékin, aux portes du Hebei, l’urbanisation en marche repousse

专 栏 40 Connexions / juillet 2010

Urbanisation de la Chine Sommaire Un si grand élan, JeanFrançois Doulet p. 44 Les chiffres du défi chinois Au fil de l’histoire Pékin : Le casse-tête de la mairie De “ville globale” à “ville monde” La nouvelle frontière de  l’Ouest Shenzhen : l’irrésistible ascension d’un « remblai de rizières »

La Fabrication de la ville, Jérémie Descamps p. 62 Les Instituts de design Urbanus, l’agence qui monte L’immeuble pionnier de Legend AREP mise sur le dialogue Le terrain de jeu d’Arte Charpentier Denis Laming, les “theme parks” Patrimoine, le modèle Tongli Le marathon des architectes Obstacles : les “trois frères” de la construction


© Anne Garrigue

P

les derniers ruraux.

在北京的郊区通州——河北省的门户,不断推进的城市化进程赶走了最后的农村人。

: utopie et réalité Aux premières loges de l’urbanisation, Jorge Mora p.92 L’accès aux marchés publics L’essor des zones industrielles Transports urbains Systra : dans l’ombre du métro Vers une ville intelligente Urbanisme durable : entre utopie et marché GDF Suez à Chongqing Artelia au service du « vert » CSTB dans la maison du futur

Quand la poussière retombera, Jean-Louis Rocca p.114 Portraits de nouveaux urbains Prix immobiliers : l’escalade Real estate, une valeur sûre ? Le rêve urbain Décoration, le “bon goût” Les temples de la consommation Marques : après l’ostentation, l’empathie ? Opération « villes d’avenir »

our la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population de notre planète habite dans les villes. La Chine, qui est en train de vivre elle-même, à très grande vitesse, ce virage de l’urbanisation, a saisi toute l’importance de la ville du futur auquel elle consacre l’Exposition universelle de Shanghai sous le thème « Meileure ville, meilleure vie ». L’urbanisation est, en effet, un sujet central dans l’empire du Milieu. Les villages et les cantons chinois se vident et, depuis le début des années 80, les ruraux viennent par centaines de milliers travailler dans les cités, attirés par les lumières — et les salaires — de la ville. L’exode rural s’accélère et surtout se pérennise. D’à peine 20% à la fin des années 70, le taux d’urbanisation est passé à 47% — 625 millions de personnes — et il devrait dépasser le seuil des 50% en 2012-2013 . Avec deux milliards de mètres carrés construits chaque année et 40 milliards de mètres carrés à rénover, la Chine est devenue le premier marché mondial de la construction. Et les grandes métropoles n’hésitent pas à consacrer plus de 10% de leur budget à l’édification de leurs infrastructures . Pour ceux qui fabriquent la ville — planificateurs, urbanistes, architectes — les défis sont gigantesques et ils se succèdent à un rythme endiablé. Ils tiennent à la fois à la construction même de la ville et de ses infrastructures — au « hard » pourraiton dire —, et à l’intégration sociale de sa population urbaine — au « soft ». Il s’agit non seulement de nourrir une population qui croît très vite, de la former, de la soigner et de lui donner du travail, mais, de plus en plus, aussi, de la distraire et de la servir pour permettre aux grandes métropoles, à un terme plus ou moins rapproché, de s’intégrer au plus haut niveau dans le concert des « villes globales » en tirant la croissance vers des produits et services de plus en plus intensifs en valeur. L’urbanisation de la Chine est un sujet tentaculaire. Il exigeait de définir un angle. D’autant plus que nous avons publié récemment un dossier1 consacré à la préparation de la Chine au changement climatique — qui abordait en détail les questions de la construction et des économies d’énergie — et sans compter que le prochain numéro de Connexions portera sur l’eau. Nous avons donc choisi de resserrer le sujet principalement autour du

•••

Connexions / juillet 2010 41


DOSSIER

专栏

Glossaire La notion de ville issue de l’histoire occidentale ne colle pas toujours avec les réalités de l’urbanisation chinoise ni avec ses statistiques ou ses découpages administratifs. Définitions… Le découpage administratif de la Chine présente 4 niveaux hiérarchiques (par ordre décroissant) : province (省级), préfecture (地级), district (县级) et canton (乡级). Sous l’appellation « municipalité », on parle d’une unité territoriale qui peut avoir rang de province, de préfecture ou de district. A chaque niveau, correspondent des entités de statuts administratifs distincts. Au niveau de la province, on trouve des provinces (省), des régions autonomes (自治区) — Tibet, Xinjiang, Guangxi, Ningxia ou Mongolie intérieure —, des municipalités à rang de province (直辖市),— Pékin, Shanghai, Tianjin et Chongqing —, des régions administratives spéciales (特别行政区) — Macao et Hong Kong. Au niveau de la préfecture, on trouve des préfectures (地区), des préfectures autonomes (自治州) et des villes-préfectures (地 级市). Au niveau du district, on trouve les districts ruraux (县) ou urbains (市 辖区), des districts autonomes (自治 县), des villes à rang de district (县级 市), et même des bannières (旗). Au niveau du canton, on trouve les cantons (乡), les cantons ethniques (民族乡) et les bourgs (镇). Le statut d’urbain en Chine croise plusieurs notions, liées au lieu de naissance et de résidence, au temps de séjour ou à l’activité de l’habitant. Les chiffres de la population d’une ville peuvent varier selon que l’on parle de « population détentrice d’un hukou» de la ville en question, de « population permanente », présente physiquement dans la juridiction, de « population non agricole ». Le hukou créé dans les années 50, est un carnet de résidence attribué à la naissance à chaque Chinois. Il renseigne sur la date, le lieu de naissance ainsi que la catégorie sociale (urbaine ou rurale) du résident. Il permet de contrôler (de moins en moins strictement) la mobilité des ruraux. Parmi les résidents d’une ville, on oppose les waidiren 外 地人 ceux qui viennent d’ailleurs, aux bendiren 本地 ceux qui sont originaires de la ville.

42 Connexions / juillet 2010

Shanghai, illuminée, la vitrine de l’urbanisation.

point de vue de ceux qui sont les ••• artisans directs de l’urbanisation. Pour la construction de la ville, les autorités publiques à différents niveaux, les urbanistes, les architectes et les promoteurs immobiliers. Pour son fonctionnement, les entreprises spécialisées (eau, transport, sécurité, logistique…). Pour son animation, les habitants-usagers de la ville et les entreprises de consommation et loisirs, en nous centrant autour de quelquesunes des grandes questions que pose l’urbanisation en Chine. La première porte sur le lien, hier comme aujourd’hui, entre le développement économique de la Chine et son urbanisation. Comment la répartition géographique des villes (priorité à la façade maritime ou à l’intérieur des terres, équilibre des régions…) traduit des choix stratégiques de développement ? Comment surtout cette urbanisation est et sera — ou non — facteur d’intégration sociale et plus généralement de stabilité. Puis nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement à la place des

grandes métropoles chinoises dans la mondialisation. Comment Pékin et Shenzhen — la capitale historique et la nouvelle venue — se développent à toute vitesse pour devenir, à court ou plus long terme, ce qu’on appelle des « villes globales », voire des « villes monde ». Ensuite, nous nous sommes penchés sur la fabrication de la ville, du « hard ». Qui décide ? Quels sont les rôles respectifs et les relations entre gestionnaires de la ville, à différents niveaux, et experts — urbanistes, architectes ou bâtisseurs d’infrastructures. Comment ces acteurs de l’urbanisation voient-ils les choses ? Qu’imaginent-ils et que mettent-ils en place pour résoudre les équations difficiles que pose une urbanisation accélérée, dans un contexte de contraintes financières et d’aspiration à une meilleure qualité de vie et de bâti ? Comment voient-ils la ville et plus particulièrement leur ville ? Comment financent-ils cette urbanisation ? Nous avons voulu aussi montrer un échantillon de ce que la France et ses entreprises peuvent proposer en termes


L’urbanisation 城市化 城市化:理想与现实 作为人类历史的第一次,我们的地球上有 一半多人口居住在城市里。正在迅速经历 城市化转变的中国,已经意识到问题的重 要性,并把它作为上海世博会的主题。 的确,城市化是中国的中心问题。自20世 纪80年代初以来,中国的村镇开始空落, 受到城市的光芒及收入吸引,成千上万的 农民来到城里务工。农村人口的流失加 快,而且会不断延续下去。20世纪70年代 末,城市化比例将近为20%,现在已达到 47% ,相当于6.25亿人,到2012-2013年, 将跨过50%的门槛。每年建设用地达20亿 平方米,还有400亿平方米需要改造的土 地,中国成为世界建筑业第一大市场。各 大城市纷纷将超过10% 的财政预算用于 基础设施建设。

© Imagine China

对于那些城市的缔造者而言 — 计划制

灯火璀璨的上海,展示城市化的橱窗

d’idées et de solutions, tout en nous interrogeant sur les conditions d’accès au marché de la ville en Chine. Enfin, last but not least, nous avons voulu nous intéresser aux habitants des villes, à ces millions d’urbains dont beaucoup sont nouveaux. Difficiles à dénombrer dans une société en plein mouvement — physique par les migrations, social par l’enrichissement —, ils expérimentent à toute vitesse des changements d’habitudes, de styles de vie. Quelles sont leurs aspirations et leurs frustrations, comment vivent-il la ville, qu’en attendent-ils ? A quoi rêvent-ils ? Avec d’abord et surtout le rêve immobilier, s’acheter son chez soi et l’aménager, un rêve qui aujourd’hui symbolise à lui tout seul l’accession à la classe moyenne et du même coup le creusement du fossé entre ceux qui peuvent monter sur le pont — voire en première classe — et ceux qui restent à quai. Anne Garrigue

1.Connexions n°52 2. Jean-François Doulet voir p… 3. Qiu Baoxing, vice-ministre de la construction en 2009 4. China urbanizes, consequences, strategies and policies, de Shahid Yusuf et Tony Saich, Banque mondiale 2008 6. Connexions 55

定者、城市规划师和建筑师,挑战是巨大 的,并以急促的节奏接踵而至。这些挑 战不仅在于城市建设本身及其基础设施 —

即硬件,而且在于城市人口的社会融

合 — 即软件。这不仅涉及到养活迅速增 长的人口,为他们提供教育、医疗和工作 的机会,而且还要越来越多地为他们提供 娱乐和服务,使大城市在较短的时间内加 入到更高层次的“世界城市”的共同发展 之中,并且将经济增长引向高附加值产品 和服务。 中国城市化是一个触及多方面的问题,必 须确定一个角度。何况我们最近出版了一 期以中国应对气候变化为主题的专栏,详 尽讨论了建设和节能的问题,而下期《联 结》将以水资源为主题。 因此,我们决定主要围绕着城市化直接参 与者的观点集中探讨这一主题。对于城市 的建设,他们是各级政府部门、城市规划 师、建筑设计师和房地产开发商。对于城 市的发展,他们是城市居民-用户和提供

服务的企业,同时我们还专门思考了中国 城市化所提出的某些大问题。 第一个问题涉及存在于中国经济发展与城 市化之间的联系,从前也包括现在。城市 的地域分布(优先考虑沿海还是内陆,地 区之间的平衡等)如何反映发展的战略 选择?特别是城市化如何成为/不成为社 会融合与稳定的因素? 然后我们选择了着重介绍在全球化过程中 中国大城市的地位。北京和深圳 — 历代 首都和新兴城市,是如何在较短的时间内 迅速发展成为“世界城市”的。 接着我们探讨了城市的建设,即硬件。谁 作决策?城市各级管理部门与城市规划 师、建筑设计师和基础设施建设者等专 业人士,他们各自担当的角色以及他们之 间的关系是什么?这些城市化的参与者是 如何看待问题的?在资金有限却向往更高 生活质量和建筑质量的背景下,为了解决 加快城市化进程中遇到的各种难题,他们 又是如何设想的,并做了哪些事情?

们如何看待城市,特别是他们的城市?他 们如何为城市化筹集资金? 我们还希望展示法国及其企业在想法和 解决方案上能够提供的一些范例,同时探 寻进入中国城市市场的条件。 最后,我们把兴趣投向那些成千上万的城 市居民,他们中的很多人是新成员。在一 个瞬息万变的社会里

— 有形的人口流

动和社会的财富流动,很难数清有多少人 正迅速经历着生活习惯和方式的转变。他 们有哪些愿望又有哪些失望?他们如何 在城市里生活,期盼从城市里得到什么? 他们的梦想是什么?首先应该是房子的 梦想,买一套属于自己的房子并装修,如 今这是一个象征着自己跃入中产阶层的 梦想,于是,在登上甲板甚至头等舱的人 与仍旧待在码头上的人之间挖出了一道鸿

沟。

Connexions / juillet 2010 43


DOSSIER

专栏

Un si grand élan L’analyse de Jean-François Doulet, maître de conférences à l’Institut d’urbanisme de Paris et responsable du Programme Chine de l’Institut pour la ville en mouvement (PSA Peugeot-Citroën).

La vieille ville fortifiée de Xi’an témoigne de

Connexions : Pouvez-vous revenir sur les principales étapes de l’urbanisation en Chine ? Jean-François Doulet : Sous les Song au XIIe siècle, la Chine abritait, une population urbaine globalement plus importante que celle du reste du monde. Et, à Kaifeng, alors capitale impériale, dans la province du Henan, vivait plus d’un million d’habitants. Au XIXe siècle, le rapport s’inverse. Tandis que l’Europe, stimulée par la révolution industrielle, voit bondir son taux d’urbanisation moyen à près de 30%, celui de la Chine plafonne à 8%. Le XIXe siècle chinois reste une exception. A partir du tournant du XXe siècle, la Chine renoue avec une urbanisation stimulée 44 Connexions / juillet 2010

par la présence étrangère et le commerce international forcé qui font grossir les villes de l’ Est — de Dalian à Canton — ainsi que celles du Fleuve Bleu (Yangzi) comme Wuhan. Shanghai devient le prototype de la ville commerciale et proto-capitaliste, mixant des éléments financiers, industriels et entrepreneuriaux. Cet élan urbain est stoppé par Mao qui prône un repli vers le centre du pays, une industrialisation autocentrée et la création artificielle le long de la « troisième ligne de défense » de grandes villes industrielles, telles que Chongqing ou Shenyang. Cette émergence de centres industriels se fait sans gros déplacements des campagnes vers les villes, sauf pendant le

tout premier plan quinquennal. Et, à la fin des années 70, le taux d’urbanisation chinois ne dépasse toujours pas 20%, ce qui en fait un des plus faibles du monde, au regard de la taille du pays. Avec l’ouverture, s’amorce un nouveau un cycle. Deng Xiaoping et ses successeurs prennent le contrepied de la stratégie maoïste et tournent la Chine vers le monde. Dès le début des années 80, ils créent des zones économiques spéciales dans le sudest du pays (Guangdong-Fujian). Shenzhen, la plus dynamique, profite des investissements des Chinois d’outre mer et son modèle se généralise à toute la façade littorale puis à l’ensemble du système urbain


© Imagine China

© Imagine China

L’urbanisation 城市化

l’ancienneté des grandes villes chinoises.

chinois avec la création des zones de déve loppement économique et technologique (ZDET) pour les investisseurs étrangers. La quatrième étape démarre à la moitié des années 90. L’urbanisation s’accélère brutalement avec la valorisation foncière générée par la création, en 1992, d’un marché foncier fondé sur le transfert du droit d’usage -et non du droit de propriété — du sol. Ce marché dope l’extension urbaine et la croissance de l’économie en finançant la construction d’infrastructures. L’émigration des campagnes vers les villes est encouragée par un assouplissement du hukou qui tolère une certaine migration — sous fortes contraintes — à partir de 1994. Cette tolérance

西安筑有防御工事的古城证明了中国的大城市年代久远。

est interprétée comme une immense opportunité dans un contexte où l’écart de revenu entre les campagnes et les villes s’est creusé pour atteindre un différentiel de 1 à 3. La ville est devenue un eldorado, synonyme d’emploi et d’amélioration du niveau et du style de vie. Finalement si, à la fin du maoïsme, le taux d’urbanisation était encore de 18 à 20% — caractéristique d’une économie basée sur l’agriculture —, vingt ans plus tard, il a doublé pour atteindre 40%. Pour franchir la même étape, il avait fallu 120 ans à l’Angleterre en pleine révolution industrielle. Aujourd’hui, ce taux s’élève à 47%, avec une population urbaine d’environ 625 millions de personnes. On

estime que le seuil des 50% devrait être franchi en 2012-2013.

C. : Comment caractériser le système urbain chinois ? J.-F. D. : La population urbaine chinoise est répartie en plusieurs centaines d’unités urbaines. On en comptait 650 en 2005 avant la réforme de la statistique urbaine ; il y en aurait peut-être 850 aujourd’hui. Elles sont de taille très variable et ce réseau urbain est relativement déséquilibré avec, en haut de la pyramide, une dizaine de métropoles de plus de 5 millions d’habitants (cf. graphiques 1 et 2) — leur nombre devrait plus que doubler d’ici 2025 —, et en bas les villes entre 10 000 et 500 000

•••

Connexions / juillet 2010 45


DOSSIER

专栏

La population de la municipalité est celle de l’ensemble du territoire administratif qui inclut de la campagne. La population locale est la population de l’agglomération urbaine proprement dite, détentrice d’un hukou local. La population urbaine totale est celle de l’ensemble des résidents de l’agglomération, y compris les waidiren. Le recensement de 2000* est une

bonne référence pour évoquer les problèmes statistiques dans le calcul de la population des villes chinoises car il a permis de comptabiliser pour la première fois les populations de migrants. On remarquera l’écart extraordinaire entre la population de la municipalité de Chongqing et la population urbaine. Il faut en effet savoir que sur le territoire de la municipalité de

Chong-qing, de nombreux espaces sont consacrés à l’agriculture ou à des paysages naturels. Autre écart frappant, celui entre la population urbaine locale et la population urbaine totale pour Shenzhen et Dongguan. *Les chiffres compilés par J-F Doulet s’inspirent du recensement de 2000 et des travaux de Kam Wing Chan (Université de Washington).

habitants qui comptent pour près ••• de 80% du total. Par contre, la Chine

C. : Où en est le taux de croissance urbain annuel ? J.-F. D. : Depuis le début des années 90, le

en ville (voir graphique 1). Comme il est difficile d’anticiper sur les comportements migratoires, il est impossible d’affirmer la permanence de cette présence physique. Lors de la crise économique de 2008-2009, quelques millions de résidents urbains de la façade littorale sont effectivement retournés dans leur village natal. Mais ils en sont revenus. Et les experts indépendants estiment aujourd’hui que l’urbanisation chinoise est structurelle, avec un processus migratoire de plus en plus permanent. Certains d’entre eux récusent pourtant le terme d’ « exode rural » puisqu’il n’y a pas détachement total du monde rural et que les paysans migrants restent très attachés à leur village où ils envoient de l’argent, laissent leurs enfants et reviennent régu-

compte relativement peu de villes intermédiaires. Et les experts estiment que, dans le contexte chinois, trop d’entre elles n’atteignent pas une taille suffisante pour enclencher un cercle économique vertueux. Il est possible qu’à terme, la Chine connaisse une forte dichotomie entre des mégalopoles bien ancrées dans la mondialisation et le reste du système urbain à la traîne. C’est pourquoi, depuis les années 80, des stratégies politiques ont visé à rééquilibrer ce système urbain. La plus récente, qui date du début des années 2000, intitulée « Développement du Grand Ouest », cherche à valoriser les villes du centre et de l’ouest de la Chine. 46 Connexions / juillet 2010

taux de croissance urbain se situe entre 2,5 et 3% par an1, soit de 16 à 19 millions d’urbains supplémentaires par an — un tiers de la population française ou la population entière de la Roumanie. C’est un des taux les plus élevés du monde. Ce chiffre correspond au taux de croissance réel, établi grâce aux calculs critiques et scientifiques d’experts chinois et internationaux. Le chiffre officiel, lui, n’est que de 1%. Mais le recensement de 2000 a mis en évidence le grand écart entre les statistiques officielles, dont le critère est seulement l’acquisition ou non d’un hukou urbain, et la réalité physique de la présence des nouveaux urbains


L’urbanisation 城市化

Harbin Changchun Urumqi

Beijing

Shenyang

Hohhot Dalian

Taiyuan Tianjin Shijiazhuang

Xining Lanzhou

Zhengzhou Xian

Qingdao

Jinan

Nanjing

Shanghai

Hangzhou Chongqing

Ningbo

Nanchang Changsha Fuzhou

Guiyang Kunming

Dongguan

Un phénomène mécanique lié à la transformation du statut du territoire. Du jour au lendemain, des ruraux deviennent urbains parce que leur territoire est qualifié différemment, même si leur environnement et leur mode de vie n’ont pas — encore — changé. Mais en général la réalité les rat-

Population (en millions d'habitants) : > 10 5-10 2-5

Shenzhen

La Chine compte plus de trente villes multimillionnaires.

C. : Quelle forme prend cette urbanisation sur le terrain ? J.-F. D. : Trois phénomènes se superposent.

Noms des 10 plus grandes villes

Guangzhou

Nanning

lièrement. Quant à la thèse officielle, elle considère encore la migration de la population d’origine rurale dite « population flottante », comme provisoire. Ces divergences ont des conséquences lourdes sur les projections économiques. Les projections officielles tablent sur une population urbaine d’environ 850 millions d’habitants en 2050— pour un taux de croissance autour de 1% —, alors que les calculs des experts indépendants misent sur un taux de croissance bien plus élevé. Ainsi le McKinsey Global Institute, dans un rapport récent2, a prévu 1 milliard d’urbains chinois dès 2030.

Beijing

Hefei

Wuhan

Chengdu

CARTE DES VILLES MULTIMILLIONNAIRES

trape vite. Il y a ensuite les mouvements migratoires de villageois qui partent s’installer en ville. C’est le phénomène le plus massif. Il représente 80 % environ de la croissance urbaine. Il y a enfin ce qu’on a appelé dès le début des années 80, « l’urbanisation par le bas », avec l’émergence d’une petite industrie rurale qui a fait grossir très rapidement les bourgs et villages.

C.: Quelle place pour les villes chinoises dans la mondialisation ? J.-F. D. : Les métropoles chinoises ont largement profité de la mondialisation. La Chine post-Mao a choisi une stratégie de développement extravertie basée sur les exportations et les investissements étrangers (IDE). Les villes du littoral et du bord du Yangzi, au cœur des activités du commerce mondial, ont été intégrées dans les grands réseaux. Shanghai est devenue le premier port mondial en tonnage et en trafic. Avant la crise de 2008, sur les dix premiers ports mondiaux, sept étaient chinois. La Chine est la deuxième destination des IDE dans le monde, derrière les Etats-Unis et devant

中国有30多座人口达数百万的城市。

la France. Au total, elle en capte 10%, qui viennent se concentrer sur la façade littorale et le long du Fleuve Bleu… La Chine est aussi entrée dans les réseaux financiers avec l’augmentation de la capitalisation boursière de Shanghai et de Shenzhen. C’est un élément central dans le classement actuel des « ville monde » 3. Au-delà de l’intégration des métropoles chinoises dans la finance mondiale et le commerce international, la métropolisation de l’activité économique en Chine a enclenché un processus vertueux de concentration des capitaux dans les grandes villes, ce qui leur permet de consolider leur place dans leurs espaces respectifs. Autour des villesmondes potentielles, des méga-régions urbaines drainent l’ensemble des activités économiques et constituent progressivement d’immenses territoires intégrés techniquement et performants économiquement. C’est le cas des régions du delta de la rivière des Perles, du delta du Yangzi, et de celle de Pékin et du golfe de Bohai. Ces trois régions gagnantes ont

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Connexions / juillet 2010 47


DOSSIER

© Anne Garrigue

专栏

Un jeune couple, près de Tongzhou, sur le front de la vague urbaine.

••• une puissance formidable. Comme

tops mondiaux et les bourses très volala Californie par rapport aux Etats-Unis ou tiles abritent des entreprises aux comptes la Catalogne par rapport à l’Espagne, elles encore peu transparents. Les métropoles tirent la croissance de la Chine et con- chinoises logent encore très peu de sièges tribuent déjà à 50% de son PIB. Certains mondiaux de multinationales, plutôt des experts pensent qu’elles contribueront à sièges régionaux. Autre critère : en ce qui concerne la concentraterme à 70% du PIB, ce qui fait tion de services avancés craindre une dérive qui sé« Trois aux entreprises, qu’on parera ces trois méga-régions grandes appelle le « quaternaire », du reste du pays. C. : Les plus grandes villes chinoises régions tirent et qui comprend tout ce qui contribue à la créapeuvent-elles déjà être onsidérées déjà 50% de tion ou à l’innovation, les comme des « villes mondes » ? villes chinoises n’ont pas J.-F. D : Le problème de la no- la croissance encore atteint les niveaux tion de « ville monde », c’est chinoise . » les plus élevés. En termes qu’elle ressort du domaine des absolus, les villes chisciences sociales et que les noises ne sont donc pas classements évoluent en fonction des critères utilisés. Dans l’élaboration encore des « villes monde ». Mais elles sont de cette notion, les critères financiers en transition pour le devenir. au départ se sont diversifiés et étoffés4. C. : Peut-on parler d’un modèle chinois d’urbanisaGlobalement, on peut dire que les villes tion et que faut-il en penser ? chinoises ne sont pas encore pleinement J.-F. D. : Le modèle chinois d’urbanisation des « villes monde » au sens complet du est valorisé par les institutions mondiales. terme mais qu’elles sont en train d’émerger Un rapport de la Banque mondiale5 vante ses résultats en soulignant qu’il n’a pas avec un fort potentiel à court terme. Elles doivent encore progres-ser dans certains produit de bidonvilles et que ses stratédomaines : la capitalisation boursière de gies sont bien couplées avec des stratéShanghai ou Shenzhen reste en-deçà des gies de développement économique. Il 48 Connexions / juillet 2010

一对年轻夫妇走在通州附近的城市边缘区

est vrai que l’urbanisation en Chine a été utilisée comme un outil pour diffuser des richesses et les répartir. Il est indéniable que le revenu moyen chinois a énormément augmenté depuis trente ans et que le nombre de personnes en-deçà du seuil de pauvreté a fortement baissé. On peut dire (même si les chiffres prêtent à confusion) qu’une moitié des 625 millions d’urbains est aujourd’hui engagée dans un processus d’accumulation durable de capital. Mais on peut aussi nuancer ce bilan positif. En termes relatifs, le processus d’urbanisation chinois génère beaucoup d’exclusion. Et surtout, il s’appuie de façon structurelle et objective sur des écarts de revenus villes campagnes qui permettent de maintenir une armée de réserve de petites mains.

C. : On observe dans les villes chinoises à la fois une montée de la classe moyenne et un écart croissant des revenus. Cela peut sembler paradoxal… J.-F. D : C’est un phénomène que l’on retrouve partout dans le monde. Les richesses tendent à se concentrer dans les grandes métropoles où les écarts de revenus sont de plus en plus faramineux. La place de la classe moyenne est fragile à Paris, New York ou Londres comme à Shenzhen…

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L’urbanisation 城市化

Les chiffres du défi chinois

ronnement »1, organisé par l’Institut

(933 m2 par tête) avec une forte diminution annuelle ; 2,29 m3 d’eau disponible par tête

Veolia environnement et l’université de

très inégalement répartie entre la Chine

Pékin, Qiu Baoxing, vice-ministre de la

du Nord (6% de l’eau pour 33% de la

Construction et du Développement

population) et la Chine du Sud-ouest

urbain, esquissait les défis de l’urbanisa-

(46% de l’eau pour 20% de la popula-

dre des expériences et des échecs des pays développés, pour réformer la planification urbaine, économiser ses ressources et préserver l’environnement, rééquilibrer le système rural/urbain.

tion chinoise. La vague d’urbanisation chinoise — la

tion).

Le gouvernement veut identifier des

L

zones de protection écologiques et

Fin octobre 2009, lors du colloque « Commerce urbanisation et envi-

quatrième après celles de l’Europe, de l’Amérique du nord et des pays en voie de développement — se caractérise, a-t-il expliqué, par son énormité (entre 600 et 800 millions de personnes déplacées), sa rapidité (35 à 45 ans),

’urbanisation de la Chine (21% de la population mondiale) devra se faire avec 7 % des terres disponibles et 7% des ressources en eau. Les réserves énergétiques

agricoles ; choisir un mode d’urbanisation compact (contrairement aux Etats-Unis) ; promouvoir la réhabilitation de l’habitat rural pour contrebalancer l’exode rural ; renforcer l’efficacité énergétique avec la

chinoises sont faibles : 4% du gaz mon-

promotion de labels verts ; favoriser la

dans un contexte de fortes contraintes

dial et 11% du pétrole mondial alors que

bicyclette.

écologiques, un renchérissement des prix

la consommation augmente.

de l’énergie et des matières premières, al-

Les défis sont donc gigantesques. Il

ors que se conjuguent trois phénomènes

devrait y avoir entre 134 et 145 millions

complexes : l’industrialisation, la globali-

de voitures en 2020 (+9.5% par an),

sation et l’informatisation.

avec une montée de l’extension des villes

Les chiffres officiels de 2008 montrent un taux d’urbanisation

de 45,7% (+ 1%/an) ; un nombre d’urbains de 607 millions, avec 15 millions de ruraux qui arrivent dans les bourgs et les villes chaque année (déjà 140 millions en 2003, 3 fois plus

et des embouteillages. Il faudra

construire 2 milliards de m2 de logements neufs chaque année et rénover 40 milliards de m2 pour en renforcer l’efficacité énergétique. Il faudra développer les services,

Il entend investir 1 trillion

de Rmb en 10 ans dans les métros urbains et les systèmes BRT, développer l’énergie solaire (il subventionne déjà 20 Rmb /w, l’installation de 30 millions de chauffe-eau solaires soit les 2/3 des installations mondiales). A Ordos, en Mongolie intérieure, le gouvernement investit 5 millards USD dans une ferme solaire de 65km2 de panneaux solaires. Dans les 5 années

Les écarts entre niveaux de vie rural et

incidents de pollution de l’air et de l’eau. Il

urbain se creusent, alors que trois pics

faudra concevoir une planification

démographiques difficiles se profilent.

urbaine qui intègre des éléments locaux,

200 milliards de Rmb dans le traitement des déchets des petites villes. Il compte ren-

protéger les patrimoines naturels et

forcer la protection du patrimoine, con-

culturels, réorienter une régionalisation

struire des logements sociaux, contrôler

qu’en 1989).

En 2016, la population ac-

tive (15-64 ans) culminera à 1,01 milliard. En 2020, la popula-

construire des pipelines, remédier aux

qui viennent, il va dépenser

urbaine qui suscite une compétition

la pollution, construire des infrastructures,

tion de plus de 65 ans représentera

sauvage entre villes et une concentra-

des eco-city telles Tianjin Sino-Singapore,

11,2% des Chinois. En 2033, la popula-

tion croissante dans des mégalopoles

Caofeidian eco-city ou Tanshan City.

tion chinoise culminera à 1,5 milliard.

dominantes.

Un programme ambitieux dont le monde

Certaines difficultés sont propres à la

Chine : une faible quantité

de terres agricoles

Qiu Boaxing a décrit les grandes lignes stratégiques chinoises : appren-

entier attend les résultats et auquel il veut

collaborer.

A. G.

1  http://www.institut.veolia.org/fr/travaux/conferences/ 28-30 Octobre 2009 - Pékin, Chine.

Connexions / juillet 2010 49


DOSSIER

专栏

C. : Mais, à Shenzhen, on assiste à une ••• accession massive à la classe moyenne…

J.-F. D : Dans une économie en transition, la ville est là pour produire de la richesse, même si on sait que sa répartition laisse beaucoup à désirer. Le gouvernement, préoccupé par une meilleure redistribution et une consolidation de la classe moyenne, s’est désormais engagé dans la deuxième étape de son développement. Son souci est d’assurer aux classes moyennes urbaines les moyens de leur stabilité. C’est d’ailleurs devenu le principal point de son agenda : l’accès à la consommation et au crédit. Des politiques se mettent en place, dont il est trop tôt pour mesurer l’efficacité. Mais on sait déjà qu’elles sont là pour longtemps car l’urbanisation doit rester un vecteur d’intégration sociale. Depuis 2006, les questions sociales ont été décentralisées. Les villes gèrent la question du logement ou du transfert du hukou. Mais certaines manquent de moyens, et, pour ne pas imploser, préfèrent souvent maintenir une population flottante qui représente une variable d’ajustement. La catastrophe aux yeux des gouvernants serait que tout le monde obtienne un hukou ou réclame une protection sociale en même temps car les villes chinoises n’auraient pas les moyens d’assurer un accès à ces ressources pour tous, de créer suffisamment d’emploi ou de régler d’un coup la facture sociale.

C. : Pour les finances locales tous niveaux confondus, la valorisation des terrains est une importante source de revenus. Pourtant cette source de revenu n’est pas intarissable… J.-F. D : La valorisation des terrains n’est pas terminée. La première phase, qui consistait à accaparer des terrains à urbaniser, touche à sa fin et l’Etat central est intervenu récemment pour lutter contre la spéculation. Mais une deuxième phase se met en place. Les opérations immobilières de rénovation sont de plus en plus nombreuses. Elles pourront aussi renflouer les caisses publiques. La valorisation foncière extraordinaire du site de l’Expo de Shanghai 2010 va profiter à la municipalité.

C. : Et la protection du patrimoine ? Comment se conjugue-t-elle avec un développement économique souvent destructeur ? J.-F. D : Dans un cadre de réflexion économique, le patrimoine représente une plus-value. Dans cette nouvelle phase 50 Connexions / juillet 2010

de sa valorisation se jouent autant des enjeux économiques que sociétaux. A la volonté morale de sauvegarder une partie de l’existant s’ajoute le sentiment que cette valorisation est profitable. La concurrence entre les villes chinoises, notamment entre les villes du second cercle (Xi’an, Dalian, Hangzhou…), les encourage à valoriser leur identité. Aujourd’hui, la rentabilité du capital est moins bonne qu’autrefois et la mise en valeur du patrimoine peut faire partie du marketing urbain pour attirer les investisseurs. Dans une première phase, les investissements étaient orientés par des stratégies nationales. Aujourd’hui, avec la multiplication des acteurs et des villes, chacun peut tirer son épingle du jeu. L’impact sur le tourisme est aussi un élément de la croissance. Mais, quand l’argument du marketing urbain prime sur celui de la conservation du patrimoine, les résultats peuvent se révéler mitigés, comme le montre la rénovation du quartier Xintiandi à Shanghai. Pour conclure, je dois reconnaître que j’ai beaucoup apprécié le message clair et extrêmement positif du pavillon chinois. La ville y est considérée comme un fantastique réservoir de croissance et d’énergie, aux antipodes de la vision négative — associée à la notion de nuisances — qui prévaut trop souvent en Europe.

Propos recueillis par Anne Garrigue 1 Le taux de croissance dit « réel » est établi par les calculs critiques et scientifiques d’ experts chinois ou internationaux. Il prend en compte par exemple les mingong qui s’installent de façon permanente en ville indépendamment de savoir s’ils ont un hukou urbain ou non…(NDRL) 2 Preparing for China’s Urban Billion (2008) 3 et 4 voir pages 54-55 5 Shahid Yusuf et Tony Saich, China Urbanizes. Consequences, strategies and policies, Washington : Banque Mondiale, 2008

Sondage : Que peut-on attendre des villes chinoises ? Le site www.villeschinoises.com, dirigé par Jean-François Doulet, en partenariat avec l’Institut d’urbanisme de Paris, le Lab’Urba, le Centre francochinois Villes et territoires et la revue Urbanisme lance une enquête en ligne qui s’adresse à tous ceux qui, dans leur travail au quotidien, traitent des thématiques urbaines. Pour répondre, il suffit de suivre le lien suivant : www.surveymonkey.com/ s/villeschinoises

L’image du paysan lettré sur les panneaux d’une

Au fil de l’histoire

L’évolution des concepts culturels Les dictionnaires et les équivalences lexicales sont des raccourcis utiles qui permettent une vision générale des choses. Mais ils évacuent les particularités culturelles d’une langue et obscurcissent les finesses de la réalité. Les termes « ville », « campagne », leurs dérivés et leurs équivalents chinois ne décrivent pas des choses tout à fait semblables, et n’ont pas toujours le même contenu émotionnel et sémantique.


© DR

L’urbanisation 城市化

résidence de l’Anhui. 安徽一处民宅的墙板上刻着读书的农民。

de ville et campagne La ville est un statut en Chine, pas seulement un phénomène urbain Il y a en chinois classique deux caractères pour désigner la ville : 城 (chéng) qui désigne une agglomération entourée de rempart — équivalent au sens du mot « bourg » en France au Moyen-Âge, et 市 (shì), décrivant originellement une place de marché. Le mandarin actuel combine ces deux caractères et ces deux sens pour former le substantif 城市 (chéngshì), dont

l’acception est plus étroite que « ville » en instrument agraire, et renvoie donc à la français. figure de l’agriculteur, et cun désigne prim« Ville » vient du latin « villa » et désigne itivement un regroupement humain. un ensemble de maisons (à la fois au sens La « campagne » chinoise fait donc réarchitectural et au sens d’unité de produc- férence au village, aux paysans, au microtion), d’une échelle plus importante mais cosme, contrairement à la « campagne » pas d’une nature profonoccidentale qui joue sur les registres de la dément différente du « vil- « La ville, en nature, de la terre et lage » construit sur la même racine. Une chengshi est chinois, est des étendues. Une quant à elle d’abord une ré- d’abord une recherche d’images alité administrative (les muassociées aux termes railles renvoient originelle- réalité « campagne », « nongment à une administration administrative cun » et « xiangxia » sur militaire) et économique les moteurs de recheret un carrefour (carrefour commercial). Cela che français et chinois commercial.» explique pourquoi nombre montre bien cette difd’agglomérations chinoises férence. qu’un esprit français qualiVers la globalisation fierait de « petites villes » n’ont pas droit à des concepts cette appellation. La « ville » en Chine est La nature célébrée dans la peinture tradiun statut accordé par l’Etat. Une traduction tionnelle chinoise, les poèmes et la littéraplus exacte de chengshi en français serait ture est désignée par deux autres groupes donc « cité » (et donc en anglais « city » op- sémantiques : 田 (tián) représentant une terre divisée en champs — on est donc posée à « town »). La campagne n’est originellement très proche du concept occidental de qu’un cloisonnement local campagne, et 野 (yě), originellement écrit Le concept de « campagne » est encore avec deux arbres sur une terre, représenplus différent. En français, il renvoie à une tant les étendues inhabitées. Tian dans ce réalité physique et une géographie de sens est aujourd’hui tombé en désuétude, l’espace, les plaines cultivables (du latin et ye a pris des connotations négatives de « campus », champs, plaine) qui séparent la sauvagerie. Cependant, des prémices d’un rapprocheles villes ; en anglais et en allemand, il fait référence au « pays » (« country », « land »), ment avec les concepts occidentaux se territoire relativement vaste et en général dessinent aussi en Chine, bien qu’encore bordé de frontières plus ou moins naturel- minoritaires. Il y a d’abord une contagion les. On est donc dans une sémantique sémantique. Le terme Xiangxia est utilisé du paysage, du terroir. Le chinois utilise pour traduire les termes étrangers « coundeux termes : 乡下 (xiāngxià) et 农村 try » ou « campagne », et donc a tendance (nóngcūn). à s’élargir sous l’influence des produits culXiang est un caractère ancien (鄉 en tra- turels occidentaux. Il y a ensuite une prise ditionnel), qui représente originellement de conscience croissante des questions deux hommes en train de manger face à écologiques. Quand un jeune chinois face. Ce témoignage de l’ancienneté de citadin utilise la locution 去乡下玩 qù l’obsession alimentaire chinoise a rapide- xiāngxià wán, « aller à la campagne », il ment désigné la plus petite circonscription a de plus en plus l’idée d’aller respirer le de l’empire, en dessous du district (xian), bon air de la nature. Nong se colore aussi tellement petite qu’elle était en réalité in- des connotations de l’authentique sur fra-administrative (il n’y avait pas de fonc- les panneaux des restaurants ruraux qui tionnaires dans les xiang). Le xiang évoque affichent fièrement 农家菜 (nóngjiā cài donc un cloisonnement d’ordre atomique, cuisine familiale paysanne), et ye prend un quasi-insécable, familial et clanique, plus sens ludique dans le terme 野餐 (yěcān), proche de l’idios grec que du campus lati- pique-nique. Les modèles occidentaux et fundiaire latin. chinois fusionneront bientôt. Renaud de Spens Nong dessine un homme maniant un

Connexions / juillet 2010 51


DOSSIER

Sur la maquette du musée de l’urbanisme à Pékin, une vue du Nid d’oiseau et du Watercube. 在北京规划展览馆的模型上,看到的“鸟巢”和“水立方”。

Loger, transporter et abreuver les habitants, devenir une « ville monde », grandir à l’Ouest, tels sont les défis que doivent relever les dirigeants de la capitale.

Le casse-tête de la mairie de Pékin Liu Yumin, directeur adjoint du bureau de l’urbanisme (construction et planification) de la Ville de Pékin s’exprime sur la ville dont il planifie l’avenir.

à Paris. Avant de partir, je travaillais au plan d’occupation des sols de la ville de Pékin. Actuellement, je suis en charge de la délivrance des permis de construire et de l’agrément des bureaux d’architecture et des bureaux d’urbanisme à la mairie de Pékin.

Connexions : Pouvez-vous rappeler vos liens avec la France ainsi que votre rôle dans la ville de Pékin ? Liu Yu Min : En 2002, je suis allé en France un

C. : Vous avez dessiné en partie le plan d’occupation des sols de Pékin, notamment pour les JO. Comment avez-vous travaillé et comment voyezvous le futur Pékin ? L. Y. M. : Beijing est une ville historique, une

an pour faire un master de management public à l’Ecole des ponts et chaussées. J’ai passé la moitié du temps en cours, la moitié du temps à l’Institut de l’urbanisme

capitale qui a vocation à être un centre culturel et politique, une ville mondiale. Notre principal problème c’est de nous adapter à la croissance rapide de sa population. En

52 Connexions / juillet 2010

2005, la municipalité avait établi un objectif pour 2020 de 18 millions d’habitants maximum. Tous nos plans (circulation, transports, infrastructure…) avaient été calculés en fonction de ces objectifs Ce seuil est déjà dépassé. A vrai dire, nous ne disposons pas de moyens efficaces pour empêcher la croissance de la population. Nous ne pouvons pas empêcher les gens de venir travailler à Pékin, ou d’ y acheter un appartement même sans hukou. Sans compter que pour construire la ville, nous avons besoin des travailleurs migrants non-pékinois.

C. : Comment imaginez-vous une extension équilibrée de Pékin ?

© Imagine China

专栏


L’urbanisation 城市化

C. : Qu’allez-vous faire pour limiter la circulation des voitures ? L. Y. M. : Le gouvernement veut encourager les transports en commun sans limiter l’achat de voitures tout en espérant que les gens préfèreront les transports en commun. Nous avons pérennisé la circulation alternée initialement prévue pour les JO.

scients des défauts de la capitale. On a des beaux bâtiments (le Nid d’oiseau par exemple), mais aussi des choses moins belles. Le maire, Guo Jinlong, a demandé qu’on élève le niveau architectural des constructions pour en faire une « ville monde ». Pékin s’est déjà beaucoup développée mais il faut encore améliorer son architecture. La municipalité va continuer à faire appel à des experts étrangers pour progresser. Par exemple, le bureau d’urbanisme va inviter plusieurs instituts de design pour des projets dans le CBD. Et les contrôles sont devenus plus stricts pour la construction de logements. Un de nos problèmes majeurs est que nous manquons de temps pour réfléchir. Le développement va très vite.

C. : Et le « green building ». Est-ce autre chose qu’un slogan ? L. Y. M. : Ce n’est pas un slogan. Nous quantifions des objectifs. Quand j’étais vice-maire de l’arrondissement, j’étais aussi en charge de la protection de l’environnement. Nous devions respecter des objectifs à atteindre pour l’émission de CO2 avec des sanctions à la clé si nous n’y parvenions pas. Pour les nouveaux immeubles, les règles sur l’efficacité énergétique sont de plus en plus sévères. Il est indéniable que nous allons vers la construction de villes plus vertes sous différentes facettes.

« The Village» de Sanlitun.

北京的钟楼

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C. : Pékin a beaucoup changé depuis 2005. Beaucoup de belles réalisations ont été faites. Mais il y a encore, à cause du volume, beaucoup de constructions répétitives. Comment pouvez-vous forcer les promoteurs à construire des bâtiments de meilleure qualité, plus originaux ? L. Y. M. : Les leaders de la ville sont con-

La Tour du Tambour.

三里屯Village

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plans de plus en plus précis sur l’utilisation des terres. Le bureau de l’administration des sols organise des appels d’offre auxquels répondent des promoteurs qui choisissent l’architecte dont le design doit être approuvé par le bureau de l’urbanisme. Nous intervenons donc au début et à la fin du processus. C’est pareil dans tous les pays du monde sauf qu’ à Pékin, 100 millions de mètres carrés sont actuellement en construction, soit deux à trois fois ce qui se construit en Europe.

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C : Comment s’articule le travail entre le bureau de l’urbanisme, les promoteurs et les architectes ? L. Y. M. : Le bureau de l’urbanisme établit des

Un hutong à Gulou.

鼓楼附近的胡同

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fait par cercles concentriques autour de la Cité interdite. Nous sommes en train de construire le 6e périphérique. Il existe des plans pour construire un 7e périphérique mais rien n’est décidé. Pour désengorger le centre-ville, nous avons prévu de construire autour du 5e périphérique ce qu’on appelle des jituan — des quartiers résidentiels — rattachés au centre et entre lesquels nous créons des espaces verts pour contrôler le développement de la construction en limitant l’accès à certaines terres. Au-delà, nous avons choisi de développer des villes nouvelles comme Tongzhou par exemple. Dans l’idéal, nous aimerions que les résidents de ces villes nouvelles puissent aussi y travailler. Pour loger la population avec de faibles revenus, nous envisageons de construire des logements sociaux1 à l’extérieur du 5e périphérique et dans les nouvelles villes. Le marché de la location et de l’achat comprend trois grandes catégories : les jinjishiyong fan (le logements de classe économique), les gongzhufan (les logements publics) et les changdi fan (les logements au prix du marché). Pour les deux premières catégories, le gouvernement contrôle qui y accède et à quel prix .Au centre-ville, nous avons fixé un pourcentage de 10% de logements sociaux auxquels l’accès est strictement contrôlé. Une autre partie importante de notre planification est la construction accélérée de lignes de métro. D’ici deux ou trois ans, nous aurons fini de construire toutes les lignes qu’en 2005 nous avions prévues pour 2020 et nous sommes en train de préparer un plan pour de nouvelles lignes. Après 2013, nous avons le projet (non encore finalisé) de créer un lien ferroviaire entre chaque nouvelle ville et le centre. J’ai beaucoup appris des transports en commun de Paris. En 2002 quand j’étais à Paris, nous n’avions pas encore beaucoup réfléchi aux transports en commun à Pékin.

Les toits de la Cité interdite, vus depuis la Colline de charbon. 从景山上看到的故宫瓦顶

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L. Y. M. : Le développement de Pékin s’est

Propos recueillis par Anne Garrigue Dans la banlieue de Pékin.

在北京的郊区

Connexions / juillet 2010 53


DOSSIER

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专栏

LE CBD à Pékin, avec la tour de la CCTV construite par Rem Koolhaas et le plus haut building de la ville. 北京中央商务区,其中的中央电视塔由库哈斯设计,是北京市最高的建筑

De “ville globale” à “ville monde” Le regard d’experts étrangers sur l’attractivité mondiale actuelle de Pékin. En 2008, les Jeux Olympiques de Pékin ont donné à la Chine et à sa capitale une forte présence médiatique, véritable opportunité pour son image. Avec les Jeux, nombre de modifications architecturales et structurelles ont contribué à transformer la ville en la dotant d’équipements et de services de qualité internationale. D’autres facteurs, plus problématiques, coexistent avec ces réalisations : qualité de l’air, des transports, perception de la Chine, ouverture à la créativité culturelle et sociale… En d’autres termes, Pékin est-elle ce qu’on appelle une « ville monde » ou une « ville globale » ? Et comment jouent ses atouts et ses faiblesses pour enforcer ou amoindrir son attractivité internationale ? « Ville monde » et « ville globale », des espaces à géométrie variable Les acteurs du territoire et de l’intelligence économique parlent volontiers d’attractivité territoriale, car taille et nom54 Connexions / juillet 2010

bre d’habitants sont insuffisants pour qualifier une cité de « ville monde » ou de « ville globale ». Un territoire attractif est un espace dynamique articulant transports, communications et services, pour ses résidents et pour ceux qui passent. Vincent Golan, directeur de l’attractivité durable des territoires à l’Agence régionale de développement Paris Ile-de-France, explique que « L’attractivité d’un territoire peut se définir comme sa capacité, pour une période donnée, à attirer toutes sortes d’activités économiques et facteurs de production mobiles (entreprises, événements professionnels, entrepreneurs, etc.)1 ». En résumé, les urbanistes et géographes qualifient une ville en mesurant les paramètres suivants : évolution de la population ; trafic portuaire et maritime ; trafic aéroportuaire ; accessibilité de l’agglomération ; nombres de sièges sociaux de groupes internationaux ; im-

portance comme place financière ; nombre de nuitées touristiques, de foires et salons, de congrès annuels, de musées, de sites culturels et de grandes manifestations ; nombre d’étudiants, de revues scientifiques éditées et de réseaux de recherches2. Les villes déclarées « villes monde » sont actuellement au nombre de quatre : New York, Londres, Tokyo et Paris. Les villes dites « globales » sont, selon les études, environ trente-cinq. Signalons que ces études (et donc les indicateurs) sont d’inspiration anglo-saxonne et sont souvent issues des secteurs de l’immobilier et de l’économie. Ces villes remplissent donc des fonctions de contrôle et de stimulation des activités. En concentrant des services du tertiaire supérieur, elles sont des points de convergence de flux de capitaux, de flux de produits, d’informations et de personnes. Elles sont enfin des centres de décision : les sièges sociaux et les firmes multinationales surtout dans les secteurs bancaire et technologique s’y trouvent ainsi que les médias, stratégiques pour les échanges. En définitive, « la puissance d’une cité se mesure désormais à la variété et au nombre de ses connexions ».3 Cependant, chacune est une combinaison de fonctions et de connexions, ce qui permet de nuancer les dimensions de compétition. Les différents classements New York et Londres sont classées en tête par le Global Power City Index (GPCI)4, à l’exception des critères d’environnement et de qualité de vie, domaines dans lesquels Paris excelle. Tokyo est très bien placée sur le plan économique (2e) et environnemental (4e). Si l’on compare l’Asie et l’Europe, on note qu’en Asie, comme aux Etats-Unis, les villes sont d’abord fortes sur le plan économique alors qu’en Europe beaucoup de mégapoles (avec plus de sept villes européennes dans le top 10 pour ces catégories) sont particulièrement performantes en ce qui concerne la culture, l’écologie et la qualité de vie. Le GPCI classe 35 villes dites « globales » par groupe de performance, de A à E ; Pékin se retrouve dans le groupe D « Cities predominant in Economy and Research & Development » aux côtés de villes comme Bombay (10e), Los Angeles


L’urbanisation 城市化 (12e), Hong-Kong (13e), Séoul (20e), Boston (24e) ou encore San Francisco (31e). Ces villes sont toutes moyennes dans chaque catégorie, à l’exception donc de l’économie, de la recherche et du développement. Ainsi Pékin est classée au vingt-six sixième rang, toutes catégories confondues5 (voir figure 1). L’Actor specific ranking (GPCI 2009) — évaluation de l’accueil par catégorie de population : manager, chercheur, artiste, visiteur, résident — permet une approche plus fine de la capacité de ces cités à être des « villes globales ». Pékin, comme Shanghai et Hong Kong, est bien placée en termes de visiteurs accueillis et de taux de managers présents dans la cité, mais ces villes ont trop de faiblesses par ailleurs pour espérer figurer dans le haut de ce classement. Pour sa part, le GaWC (Globalisation and

World Cities)6 cartographie les villes du premier rang, dites « Alpha » (voir figure 2). Les villes Alpha sont les plus intégrées au système économique mondial. Pékin est classée Alpha+, ce qui la place parmi les dix villes les plus importantes du monde et parmi les six plus importantes d’Asie. Les limites visibles et invisibles Fascination et attrait, incompréhension et interrogations, en matière d’attractivité, la perception de la Chine et de Pékin à partir de l’Occident est double. Accueillir les Jeux olympiques a donné à Pékin un rang de « ville globale » d’une superpuissance émergeante, première étape pour accéder au rang de « ville monde ». Le maire Guo Jinlong a d’ailleurs indiqué que Pékin sera une « ville monde » en 2050 et accueillera les élites intellectuelles et économiques7. Pour cela, Pékin a encore besoin de renforcer son influence dans

l’économie, la politique et la culture où le nombre de sièges d’organisations internationales et de musées sont des facteurs importants dans les classements. Sur certains critères (capital humain, universités, patrimoine culturel), Pékin rejoint déjà certaines « villes monde ». Avec plus de trois quarts de son économie dans le secteur des services, elle a déjà atteint la norme minimale. En termes d’infrastructures, son aéroport est le quatrième dans le monde. Cependant, certains facteurs restent de réels blocages. Le secteur de la santé est loin d’offrir la qualité et les garanties nécessaires aux nouveaux arrivants. La formation universitaire reste aussi un point mitigé. Certes les formations gagnent en qualité et en maturité, mais le recrutement des étudiants étrangers demeure ciblé sur certaines formations. La ville doit progresser dans sa gestion de la pollution et

•••

Score total

Economie

Recherche et développement

Interaction culturelle

Qualité de vie

Environnement et écologie

Accessibilité

26ème

7ème

27ème

8ème

22ème

34ème

23ème

Classement Pékin

Figure 1 : Classement de Pékin dans le GPCI des 35 villes dites « globales ».

Stockholm

Toronto

NEW YORK

LONDON

Moscow

Warsaw

BEIJING

Brusseis Amsterdam

TOKYO

prague Chicago Los Angeles

Dublin

Frankfurt

PARIS

SHANGHAI

Vienna

Madrid

Budapest Bangkok

Zurich Lisbon

Mexico City Caracas

Seoul Taipei

HONG KONG Kuala Lumpur

Istanbul

MILAN

Sao Paulo

Rome

SINGRAPORE Jakarta

Athene Mumbai

Santiago

SYDNEY

Buenos Aires

Auckland

ALPHA++

ALPHA+

Alpha

Alpha-

Figure 2 : Positionnement de Pékin dans le GaWc (globalization and World Cities). Connexions / juillet 2010 55


DOSSIER

专栏

••• des transports, pour modifier une

image qui est encore comparée à celle de Mexico pour la pollution ou de Los Angeles pour les transports. Une ville est aussi le reflet de ses résidents, car ce sont leurs sentiments qui déterminent si leur ville est une cité dont chacun peut rêver. Malgré les efforts du gouvernement, Pékin reste surtout attractive dans ses dimensions économiques et de recherche (en d’autres termes, d’emplois). Comme le souligne The Wealth Report8, Pékin — capitale d’un pays à parti unique — n’a pas la créativité contestataire de Londres ou de New York. C’est un élément important qui risque de freiner son ascension sur le plan culturel et sur celui de la qualité de vie. Devenir une « ville monde », exige, au-delà de l’excellence sur le plan économique, d’être vecteur d’idées neuves afin d’attirer les esprits novateurs et créatifs. Enfin, le dynamisme de la société civile, porté par les modalités de déplacement, de rencontres et les technologies de communication, outils essentiels pour la vitalité du lien social9, est aussi un facteur important. Pékin, « ville monde » ou « ville globale » ? La capitale se développe dans tous les domaines et certains facteurs lui permettent d’être déjà classée dans les trente premières villes globales. Pour devenir vraiment une « ville monde », Pékin a encore besoin de se concentrer sur la qualité de vie offerte tant à ses citoyens qu’aux étrangers. Toute amélioration réélle ressentie par les habitants peut contribuer à renforcer l’attractivité de Pékin hors de ses frontières.

Olivier Arifon Maître de conférences en Sciences de l’information de la communication, Laboratoire FARE, Université de Strasbourg.

1 Gollain, V. (2008). « Attractivité et compétitivité : quelles définitions ? ». Retrieved 18/04/2010, from http://attractivitedes-territoires.over-blog.com/categorie10459674.html. 2 Rozenblat, Céline, Cécile, Patricia, Les villes européennes, analyse comparative, Documentation française, Paris, 2003. 3 Saskia Sassen, « L’archipel des villes globales », Sciences Humaines n°17, janvier février 2010, pp. 26-29. 4 Pour l’étude complète et les résultats : www.mori-mfoundation.or.jp 5 Idem. 6  Globalization and World Cities Research Network, Loughborourg University, UK, www.lboro.ac.uk/gawc 7  www.globaltimes.cn/www/english/metro-beijing/update/ top-news/2010-03/511285.html 8 www.knightfrank.com/wealthreport/ 9 Sur cette question voir Hermès n°55, Internet et société civile en Chine et Asie orientale. CNRS Editions, décembre 2009.

56 Connexions / juillet 2010

La nouvelle frontière de l’Ouest Culture, sport, écologie, high tech et services, les quartiers Ouest de Pékin se développent rapidement Une lecture rapide du plan d’urbanisme 21e Universiades (escrime), la réalisation à long terme (2004-2020) de la munici- de 5 des 30 sites de sports olympiques. palité de Pékin permet de compren- D’abord le tir au fusil et au pistolet au Beidre les objectifs comme les moyens du jing Shooting Range Hall, le meilleur de rééquilibrage mis en œuvre par les auto- Chine, qui inclut également l’un des prerités pour ressusciter et revigorer la partie miers champs de tir au pigeon du monde. Ouest de la capitale. Un acronyme, encore Ensuite, les courses cyclistes sur piste au peu répandu dans la population, est né- tout nouveau Vélodrome de Laoshan, le anmoins en train de faire son chemin : seul dans le pays à posséder une piste cirCRD — il faut lire Culture and Recreation culaire de 250m de développement. Le District. Car le CRD a de BMX ou Bicycle Moto Cross, grandes ambitions de « la « sport de l’extrême » venu développement et de construction tout droit de Californie il y a modernisation dans les moins de 20 ans et déclaré de sites domaines de la culture, « olympique » pour la predu sport, de l’écologie, olympiques à mière fois en 2008 à Pékin. des industries high-tech L’escrime, enfin, qui a dû l’Ouest a été et des services. partir du site des Arts Marfacilitée par Le pilotage de ce déveltiaux de Wukesong pour oppement, pratique- l’évacuation de rejoindre le 5e périphérique ment insoupçonné par Shougang.» derrière le quartier Bajiao. les résidents du centre Priorité à et de l’Est de la ville, a l’environnement été dévolu au district de Shijingshan. En Le choix de l’ouest pour la construction effet, malgré une superficie de 85 km2 de ces sites de sports olympiques a été seulement et une population de moins facilité par l’évacuation du complexe de 600 000 habitants, ce district, bordé Shougang. Fondée en 1919 sous l’ancien par la « rivière matrice » Yongding au sud- régime, l’usine dite Shijingshang Iron & ouest, possède de nombreux atouts pour Steel Factory produisait essentiellement réaliser un grand chelem dans les années de la fonte, une usine thermique lui étant à venir. accolée (voir Connexions n°52, p.84-85) Sous le signe des JO . A partir de 1958 — le Grand Bond en Lorsque le CIO a désigné Pékin en 2001 Avant — elle devient la plus grande usine pour organiser les Jeux Olympiques de capable de fabriquer de l’acier en Chine. 2008, et par souci d’environnement et Le premier haut fourneau chinois y est respectabilité, il a été immédiatement construit en 1964. Au début des années décidé par les autorités de transférer le 2000, la capacité de production atteint 16 groupe sidérurgique Shougang, connu M tonnes, la plaçant au 4e rang national. aujourd’hui sous le nom de Capital Steel Le choix de Pékin comme ville olympique Group, installé en ces lieux depuis 88 ans, en 2001 signe son arrêt de mort, les reloin vers l’Est1. Et d’attribuer à Shijingshan structurations s’enchaînent réduisant le et ses environs immédiats, déjà organisa- personnel de 200 000 à 10 000 actuelleteurs de certains événements pour les ment. 11e Jeux Asiatiques (haltérophilie) et les Mais le choix de l’Ouest a été également


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L’urbanisation 城市化

Culture et commerce, les deux faces du Cultural Recreation Building de Pékin.

déterminé par la topographie des lieux et par le fait que, depuis 1994, le district de Shijingshan était à la pointe sur le plan environnemental. 45% d’espaces verts dont 23% de montagnes et collines, soit 75m2 par habitant, en font le district « le plus vert de Pékin ». L’insertion des sites n’en était que plus facile. Et les très importantes améliorations apportées par la municipalité aux corridors de transit, tant routiers que ferroviaires, par la ligne N°1 du métro et les sorties du chemin de fer de la gare de l’Ouest, ont apporté l’élément de fluidité et d’accès supplémentaires nécessaires à la population de ces quartiers. Une zone pour se distraire En couplant les critères historique, culturel, touristique et sportif, en y ajou-tant ce fort pourcentage d’espaces verts encore accentué par les démolitions accélérées et continues d’usines et hauts fourneaux du géant Capital Steel Group, sans oublier pour les plus jeunes l’existence à la jonction de Shijingshan Lu et du 5e périphérique du Disneyland pékinois, le Bajiao Amusement Park, on imagine aisément les nombreuses pro-menades et randonnées possibles. Selon les plans directeurs du CRD, une partie des terrains libérés dans la prolongation de Chang An et Shijingshan Lu devrait d’ailleurs être consacrée, outre les parcs ou sites existants et à venir, à l’installation de laboratoires et entreprises dédiés à l’étude et

au développement des énergies renouvelables. Reconversion et commerce Transformer la forêt de barres d’habitations anciennes et vétustes en tours de 20 ou 30 étages plus modernes, y faire cohabiter des centaines de milliers de « retraités de Shougang » avec les nouvelles générations arrivant sur les sites reconvertis en entreprises de transformation et de services, fournir toutes les infrastructures nouvelles d’éducation, santé, accompagnement et logistique n’a pas été, et n’est toujours pas une mince affaire ! Mais les tours nouvelles poussent à vive allure qu’il s’agisse d’immeubles d’habitation, de bureaux ou encore de centres commerciaux gigantesques à l’instar du Wanda Plaza, trois étages avec des boutiques de marque, des restaurants, un Carrefour immense au sous-sol et un multiplex permettant de choisir entre 10 salles de cinéma dont une avec grand écran Imax. High tech L’un des points phares du plan de transformation urbanistique est la création, en plein centre nord de Shijingshan, d’une zone high-tech, filiale en quelque sorte de celle de Zhongguancun à Haidan avec laquelle des accords ont été signés dès 2008. Encore une ? Eh bien, non ! Car celle-ci aura une vocation bien particulière : elle a pour mission d’attirer des compétences pour développer deux activités de pointe : celle des énergies propres et

文化与商业,北京文化娱乐建筑的两面。

renouvelables — eau, éolien, solaire— et celle des technologies informatiques liées à l’imagerie, au cinéma, allant de la prise vidéo/son à la post-production en passant par le mixage, le doublage, la copie, la mise en ligne et les jeux. Les anciens marchés comme celui aux fleurs de Lugou Lu ou encore celui des antiquités de Babaoshan résistent encore, à la différence du centre et de l’est de la capitale, face à la montée des prix de l’immobilier et aux avances des investisseurs étrangers, notamment chinois de Taiwan et d’outre-mer. Mais pour combien de temps ? Aujourd’hui on peut encore apercevoir à l’horizon le soleil se refléter sous les piles du pont Marco Polo au sud-ouest ou tutoyer le sommet des collines du Nord Ouest avant de se coucher. Mais les immeubles qui jaillissent à vive allure, les transformations sociologiques et professionnelles en cours d’une population qui accompagne la mutation radicale de ces quartiers et la volonté politique d’une modernisation accélérée de toute cette zone réussiront-ils le pari d’une révolution en douceur ? La vision administrative et politique du projet ainsi que certaines cohérences, visibles ou intuitivement déduites, permettent de croire au succès de l’opération.

Any Bourrier

1 voir connexions numéro 52

Connexions / juillet 2010 57


DOSSIER

专栏

Ils vivent à Shenzhen… Chen Xueming, avocat GM de Guangdong Jingtian Law office « Je viens de Chongqing. En 1988, je suis allé à Shenzhen pour la première fois. J’ai été émerveillé par les parcs, la propreté des toilettes, les bus nonbondés. J’avais l’impression d’être à Seattle (USA), où j’ai passé mon doctorat. J’ai choisi d’émigrer de Chongqing où j’avais un beau poste universitaire, à Shenzhen. Mais il m’a fallu attendre deux ans pour obtenir l’autorisation officielle. J’aime vivre à Shenzhen. Pékin est trop grand, Shanghai trop commerciale. Shenzhen est juste bien. Il y a beaucoup d’opportunités pour gagner de l’argent. C’est une société de migrants, ouverte, où il n’est pas difficile de s’intégrer et où tout le monde parle le mandarin. Je ne pourrais plus vivre comme les gens de mon pays natal. Je me suis habitué au zhao cha (brunch de raviolis cuits à la vapeur) entre amis. Et le fait d’être loin du centre accentue la liberté dans les styles de vie et les manières de travailler. J’aimerais que ces marges de liberté augmentent encore. » M. Xu, chauffeur de taxi originaire du Hunan « Je suis là depuis vingt ans. Quand j’ai quitté mon village, je ne pouvais pas m’acheter une bicyclette. Aujourd’hui, j’ai acheté mon taxi et pour le nouvel an, je suis rentré chez moi en voiture, au volant. Dix-huit heures de route. J’y ai retrouvé mon fils qui fait ses études là-bas. C’est plus pratique puisqu’il doit passer son gaokao5 dans notre province natale. Je n’ai pas de hukou. Je n’en éprouve pas de besoin pour l’instant mais s’il le fallait, je me le procurerais. Ce n’est pas si difficile. » Teng Fei, artiste peintre, fondateur du café Yi Du Tang ( OCT), curateur d’une exposition au Dafen museum. « Je me suis installé à Shenzhen en 2006 après avoir vécu dix-sept ans en Allemagne. Je passais tous les ans par là mais longtemps, j’ai trouvé qu’il était trop tôt pour revenir. Il n’y avait

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Les petits villages de pêcheurs sont aujourd’hui encerclés de grattes-ciel au bord de l’eau. 水边的小渔村如今被高楼大厦重重包围。

Shenzhen : l’irrésistible ascension Shenzhen, ville des paradoxes. On y parle le mandarin dans une région où le cantonais domine. On y voit défiler gratte-ciels et parcs tropicaux le long de larges voies express, quand on attendait les usines et les fumées des ateliers de la Chine. On y visite de jolis villages de pêcheurs restaurés avec soin qui abritent des expositions de gravures (Guanlan), des quartiers d’usines transformés en loft branchés (Overseas Chinese Town), ou des villages d’artistes en devenir (Wutongshan …), alors qu’ on s’attendait à un « désert culturel ». On y sent l’air marin mais on ne voit — presque — jamais la mer le long des 60 kilomètres qui séparent Luohu (la première

zone de développement de Shenzhen) et Shekou, la bouche de serpent, où demeurent encore les familles d’expatriés et les riches Chinois, malgré la concurrence grandissante des nouveaux quartiers de Futian et de Nanshan. Dans ces deux quartiers, construits par certains des plus grands architectes mondiaux en quelques mois, se sont ouverts une trentaine de restaurants et une vingtaine de bars avec terrasses. Quand on vient du Nord, Shenzhen, à l’extrême sud de la Chine, apparait d’abord comme une ville frontière, un nouveau monde, un peu à la manière des villes américaines aux yeux des Européens du début du XXe siècle. Depuis sa fondation


L’urbanisation 城市化

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ni collectionneurs, ni expositions. Et puis, j’ai constaté que les gens avaient plusieurs appartements, que leurs enfants étaient devenus grands, qu’ils voulaient une qualité de vie et qu’ils avaient de l’argent pour financer du design, de l’art. Il était temps de revenir. »

d’un « remblai de rizières »1 ex nihilo par Deng Xiao Ping au début des années 80, la ville — au départ des champs de riz et quelques villages de pêcheurs —, a attiré des millions d’émigrants. Venus du Helongjiang ou du Hunan — prononcer « funan » avec l’accent du sud — en passant par le Sichuan et aujourd’hui Pékin et Shanghai pour la high-tech, ils ont quitté leur clan, leur village, leur famille pour venir vendre leur force de travail, faire fortune, ou développer aujourd’hui des activités de high-tech ou de design. A peine 20 000 dans les années 70, les habitants de la municipalité de Shenzhen sont désormais 14 millions2 dont moins de 20% possèdent le hukou de la ville, un hukou aujourd’hui

systématiquement urbain3. Mais Shenzhen c’est aussi une ville frontière au sens propre du terme, une vitrine collée à Hong Kong. Les plus anciens émigrants aiment raconter comment Deng Xiaoping monté en haut d’une des collines qui ponctuent le site aurait tracé un cercle imaginaire et décidé d’y édifier une cité qui montrerait à Hong Kong de quoi était capable la République Populaire de Chine. Encore aujourd’hui les deux villes se surveillent et se jugent. Longtemps Shenzhen fut la ville des usines, des prostituées, des deuxièmes femmes, une sorte d’arrière-cour, de back office. Mais aujourd’hui les jeux ont changé avec la croissance continue

•••

Karen Rule, auteur d’un guide sur Shenzhen à paraître, vit à Shenzhen depuis cinq ans après avoir séjourné à Hong Kong pendant 15 ans avec son mari. « Dans les années 70, il y avait seulement deux bus, des champs de riz et 20 000 habitants : des fermiers cantonnais et des pêcheurs Tanka qui vivaient sur des bateaux et qu’on appelait les « gypsies des mers ». Aujourd’hui, à Shenzhen vivent 14 millions d‘habitants et plus de post graduate que dans n’importe quelle ville de Chine. Un bus part toutes les trois minutes pour Canton. En cinq ans, toutes les usines ont été repoussées en banlieues et les ouvriers ont été remplacés par des cols blancs. Deng Xiaoping voulait une ville verte. Il était allé à Singapour dans les années 20 et avait été impressionné par les progrès quand il y était retourné dans les années 70. On accuse Shenzhen d’être un désert culturel, mais c’est une ville où les équipements sont de qualité : une bibliothèque de quatre millions de livres, une salle de concert dessinée par Arata Isozaki, la librairie « Shenzhen book city » une des plus grandes du monde et quand la Scala de Milan se déplace, on trouve sans problème des places près de la scène. » Stéphane Barbazan, general manager du Grand Mercure Oriental Ginza « Shenzhen a beaucoup évolué. Il y a un an, toute la vie nocturne pour les expatriés était concentrée à Shekou. Aujourd’hui, avec l’ouverture du Coco park, c’est à Futian que ça se passe. Chinois et Occidentaux se mélangent au Club Viva. Shenzhen est une ville de transit avec un gros turn-over de main-d’œuvre non qualifiée. Ce n’est pas une ville étudiante même s’il y a

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Matthias Daccord, fondateur du site www.baicaimag.com « Ce qui caractérise la ville, c’est le changement ultra-rapide et la mixité. On y trouve le plus grand magasin Vuitton du monde, des Ferrari, des signes extérieurs de richesses. On y rencontre aussi des migrants qui ne savent pas encore composter un billet. Qu’ils viennent du Hunan, du Heilongjiang, ou qu’ils soient Kejia de Canton, ils sont là pour réussir à tout prix. Ce n’est pas un environnement amical. C’est un lieu de compétition stimulant. La

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Claire Xie, diplômée de l’université de Shenzhen, 24 ans, originaire du Guanxi arrivée dans la ville à l’âge de six ans. « Je viens du Guanxi. Chaque fois que j’y retourne, je sens grandir le décalage avec mes cousins qui sont restés là-bas. Pour moi, Shenzhen c’est la liberté, avec des gens venus des quatre coins de la Chine. Tout le monde est égal, quelles que soient ses origines, ce qui n’est pas le cas à Pékin ou Shanghai où on fait bien la distinction entre waidiren et bendiren. J’ai la chance d’avoir un hukou, ce qui m’a permis d’entrer à l’université de Shenzhen qui donne droit à des bourses extrêmement intéressantes (10 000 Rmb par an). Je peux aussi aller facilement à Hong Kong alors que ceux qui n’ont pas de hukou doivent aller chercher une autorisation dans leur province natale. Je suis optimiste sur l’avenir de Shenzhen et je profite de tout : théâtre, transports, services publics. Mais honnêtement, je me sens encore du Guangxi, malgré les campagnes du gouvernement local qui organise des concours d’éloquence auprès de jeunes étudiants pour stimuler leur sentiment d’appartenance à Shenzhen. »

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des universités. C’est une ville industrielle de pointe, bien équipée, aérée et verte. Il y a cinq ans notre clientèle était domestique à 90%. Aujourd’hui elle est internationale à 45%. En trois ans, nous avons connu une augmentation de 60% du nombre de chambres d’hôtel et nous ne désemplissons pas. »

É

1,2 et 3 : La Shenzhen Public Plaza a été réhabilitée pour accueillir un musée d’art contemporain. 4 : A Luohu, la place de la porte de l’Est s’est transformée en une place très longue où l’on conserve des reliques dans une ambiance moderne. 5 : Dans le village de Guanlan

de Shenzhen— de 20% par an — ••• qui a comparativement peu souffert des derniers soubresauts de la mondialisation. Shenzhen guannei (intramuros) a déménagé toutes ses usines sur son territoire guanwai (en banlieue) pour s’inventer un avenir autour de la finance, des high-tech, et du design. Un pari qu’elle est en train de gagner avec le prix de la ville du design remis par l’Unesco en 2008 ou l’organisation des universiades en 2011 — olympiades étudiantes — pour lesquels elle s’équipe à grande vitesse d’un stade aux formes audacieuses. Trente ans après la création de la première zone économique spéciale, Shenzhen dite « la ville où le PIB

par habitant est le plus élevé de Chine » abrite une des deux bourses chinoises, deux des six banques chinoises cotées en bourse (la Shenzhen développement et la China Merchants), le siège social de la plus grande institution financière chinoise China Ping An et celui d’un des tout premiers promoteurs immobiliers, Vanke, le siège social et la R&D de deux des plus grosses compagnies d’électronique mondiale Hua Wei et ZTE. Son port de containers est le plus actif du monde. Shenzhen Airlines est la plus grosse compagnie chinoise aérienne privée… La rapidité de sa croissance, la jeunesse de sa population dont la majorité a moins


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L’urbanisation 城市化

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rénové a lieu une exposition de gravures. 1-3:罗湖公共艺术广场被改造为现代艺术博物馆。4:还是在罗 湖,东门广场被改造为一座长长的广场。在富有现代气息的环境里,这里保留了一些复制艺术品。 5:版画交易会在观澜村举办。

de trente ans, l’absence du poids des traditions et de la famille, font de Shenzhen surveillé d’un œil « bienveillant » par Pékin, un des laboratoires où s’invente un monde global qui s’asiatise. Les investisseurs et les touristes qui fréquentent Mission Hills, le « plus grand golf du monde », viennent plus de Hong Kong, du Japon, de la Corée, de Singapour de la Malaisie ou de la Thaïlande que du monde occidental. A observer cette ville chinoise sans passé, emportée dans une croissance vertigineuse, une question se pose : deviendra-t-elle une Californie chinoise abritant une classe moyenne croissante en pleine ascension sociale ou un haut lieu de division sociale,

marqué par la spéculation immobilière, où se creuse la barrière entre les « have » et les « have not », entre les « méga-riches » — on a dit du marché de l’électronique de Shenzhen Huaqiangbei qu’il produit un millionnaire par jour — et les travailleurs migrants en résidence provisoire qui supportent de plus en plus mal l’exploitation dont ils font l’objet ?

Anne Garrigue

1 Shenzhen veut dire étymologiquement « profond remblai de rizière » 2 En 2007 après la reforme du hukou, une annonce officielle déclarait que selon le Bureau de la recherche du planning familial, la population de Shenzhen avoisinait les 14 millions ce qui en faisait la troisième plus grande ville chinoise. 3 Tous les titulaires d’un hukou de Shenzhen sont urbains. 4 brunch de dumpings 5 baccalauréat

vie culturelle reste clairsemée. Il manque encore un métro dense pour relier les quartiers. Traverser en taxi cette ville toute en longueur coûte 60 Rmb. C’est cher pour un étudiant. En matière de vie artistique, on passe vite de l’underground au business. Beaucoup d’artistes se sont formés sur le tas. Ils n’ont pas le poids de la culture artistique ancienne chinoise sur les épaules comme à Canton. Les cultures urbaines subissent l’influence du hip hop et des graffeurs. La ville va très vite. Il y a encore trois ans entre Futian et Luohu, il n’y avait rien et les prostituées se shootaient ouvertement devant le poste-frontière de Luohu. » Un site culturel original : Baicaimag.com Créé il y a un an par Matthias Daccord et Brandon Zatt, le site est un magazine culturel, en anglais, sur Shenzhen et sa région. L’idée est d’offrir une plate-forme médiatique pour aller à la source de ce qui se crée dans la région, faire des portraits de gens étonnants, parler de voyages et de questions de société sans être esclave de l’actualité. A côté du magazine, le site organise beaucoup d’événements culturels surtout musicaux. Mise en page soignée et très graphique, bien rubriquée, c’est une fenêtre sur la vie culturelle. Selon Matthias Daccord, qui anime le site, il y a une vraie vie culturelle (peinture sculpture, art brut, conceptuel performances) mais elle n’est pas encore bien mise en valeur. D’autres magazines existent : Shenzhenhao.com ; That’s PRD (Pearl river delta) mais la ville manque d’organisateurs de spectacles ou d’expositions. « Shenzhen attire des gens pour la liberté qu’elle permet. Il n’y a pas le poids de la famille qui regarde ce qu’on fait ; personne ne demande des comptes ; cela favorise la créativité et la création, les individualités peuvent s’apnouir. C’est la loi du ventre politique, il y a une sélection naturelle de ceux qui aiment l‘aventure. Shenzhen est un des rares endroits où, quand on demande son avis à quelqu’un, il répond naturellement “je“ alors qu’à Pékin on dit encore souvent “nous”, “women zhongguo ren” ».

Connexions / juillet 2010 61


DOSSIER

专栏

La fabrication de la ville En matière de planification, qui fait quoi ? qui décide et comment ? Les réponses de Jérémie Descamps urbaniste et fondateur à Pékin de l’Atelier huitième périphérique.

Connexions : Comment caractériser l’urbanisation et, plus précisément, la fabrication de la ville en Chine ? Jérémie Descamps : Parler d’urbanisation en Chine, c’est parler d’accroissement de l’espace urbain autant que de la population urbaine. C’est aussi et surtout parler de planification, avec des stratégies et des politiques mises en œuvre à différents échelons — national, provincial et municipal — avec une multiplication d’acteurs qui ne sont plus seulement étatiques. Dans l’histoire ancienne et même récente, l’urbanisation chinoise était, si l’on peut dire, le fait du prince ; Pékin, fruit d’une planification rigoureuse à la base, en est un bon exemple. Cette donne évolue à mesure que les contraintes, en grande partie liées 62 Connexions / juillet 2010

au poids démographique, les influences économiques ou encore l’émergence d’une société civile, s’imposent sur le théâtre de la ville. Si les rythmes d’urbanisation et de construction ont varié fortement selon les ères politiques, on assiste, en même temps qu’à l’ouverture de la Chine à l’économie de marché, à une véritable explosion urbaine à une échelle inconnue. Cette urbanisation se déroule selon deux mouvements : une extension des villes déjà existantes et une transformation de zones rurales en zones urbaines. L’industrialisation des campagnes génère des zones au statut flou, qui sont peu à peu décrétées urbaines par le gouvernement.

C. : Concrètement, comment se fabrique la ville ? Comment s’effectue la planification urbaine ?

J.D. : La planification urbaine répond à des règles très précises dans les textes comme dans la pratique ; le système reste encore très centralisé et hiérarchisé au niveau des différentes administrations. Le ministère du Logement et du Développement urbain et rural (MOHURD), puis les commissions d’urbanisme au niveau provincial, les commissions d’urbanisme des villes relevant directement de l’autorité centrale (Pékin, Tianjin, Shanghai et Chongqing), les services de l’urbanisme des municipalités, enfin ceux des districts composent ce vaste système pyramidal. Les administrations à l’échelon de la province, en lien avec des instituts de projets provinciaux dressent des schémas directeurs3 d’utilisation des sols à l’échelle du territoire, en général d’une durée de


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L’urbanisation 城市化

Chongqing. La personnalité de cette gigantesque métropole à l’intérieur des terres s’explique par sa topographie accentuée, son fleuve et sa brume épaisse. 重庆,这座内陆巨型城市的特点体现在其高低不平的地势、河流和浓雾。

15 ans. Ils hiérarchisent les priorités entre les pôles urbains de la province, fixent les objectifs démographiques, industriels, économiques ou d’infrastructures publiques, de transport... Les services de l’urbanisme au niveau de la ville établissent les schémas directeurs municipaux, d’une durée de 20 ans. Le schéma directeur municipal s’efforce d’appliquer les directives venues d’en haut tout en prévoyant à court, moyen et long terme les orientations urbaines de la ville, qui concernent l’utilisation des sols, le système de transport, le système d’espace vert, les réseaux, les règlementations de protection du patrimoine…

C. : Qu’en est-il du rôle des universités ? J.D. : Les grandes universités chinoises —Tsinghua ou Beida à Pékin, Tongji à Shan-

ghai, Southeast à Nankin, etc. — jouent un rôle extrêmement actif dans la fabrication de la ville, car elles disposent d’outils institutionnels adaptés au développement urbain actuel, mariant recherche et pragmatisme. Des instituts de projets, parties intégrantes de ces universités, composés de chercheurs, professeurs, ingénieurs, architectes et urbanistes répondent en effet à des commandes réelles de projets urbains. Elles font aussi figurent d’experts nationaux dans la protection des centres anciens locaux, victimes de l’urbanisation tous azimuts. Elles produisent, pour ces municipalités, des inventaires du patrimoine, des plans de protection, et les conseillent dans les réglementations urbaines à mettre en place ou les nouveaux aménagements

nécessaires, autant que possible dans le respect des tissus urbains existants. Par exemple, l’université Tongji a mis en place à Shanghai un système élaboré de protection de 12 zones historiques, qui ont pu ainsi échapper aux multiples destructions que la ville a connues cette dernière décennie.

C.: Au fond qui dirige la fabrication de la ville ? J.D. : Les gouvernements municipaux et leurs services de l’urbanisme, mais ils sont soumis à des influences et contraintes externes ; des connivences entre public et privé dictent souvent les règles. La vente de terres aux développeurs immobiliers privés est extrêmement lucrative pour les localités, et permet souvent de financer les infrastructures publiques… Au-delà de cet aspect, d’autres éléments

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Connexions / juillet 2010 63


DOSSIER

专栏

l’Etat misent désormais sur les villes de l’Est déjà bien développées pour drainer l’économie nationale. Elles reçoivent des avantages concrets de la part du gouvernement, qu’il s’agisse d’avantages fiscaux ou de politiques favorables aux implantations. La mise en avant de trois grands pôles urbains que sont la région Pékin-Tangshan-Tianjin, le delta du Yangzi composé de 16 villes et le delta de la rivière des Perles fait partie de ce vaste plan. En aménagement, ces stratégies se manifestent dans les transports et la mobilité, avec des liaisons ferrées et routières ultra-rapides créées entre les villes (Shanghai-Hangzhou, Shanghai-Ningbo, Pékin-Tianjin, Shenzhen-Canton…), ou par l’implantation de parcs industriels et hightech, de nouvelles zones économiques ou de centres d’affaires, etc. L’accueil de gr ands événement s internationaux est aussi venu redéfinir ou propulser le développement urbain au niveau local, comme à Pékin et la tenue des Jeux Olympiques en 2008, Shanghai et l’Expo universelle ou encore Canton qui prépare les 16e Jeux d’Asie qui auront lieu cette année. De vastes zones sont aménagées à cet effet, accompagnées de transports intra-urbain performants, des nouveaux espaces publics et infrastructures sont construits, ces villes sont littéralement nettoyées à ces occasions. Les moyens mobilisés sont inimaginables, à

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d’ordre stratégiques définissent le ••• développement urbain. Des politiques de

Trois éléments récurrents : la rue piétonne (ici à Tianjin), le CBD (ici à Hanghzhou) et la friche industrielle (ici à Shanghai).

l’heure de la crise financière mondiale.

C : Y a-t-il un modèle des villes chinoises ? J.D. : Il est certain que le modèle actuel des villes chinoises reproduit, en beaucoup plus grand, nos modèles occidentaux que l’on tente aujourd’hui de remettre en cause (éviter l’étalement urbain, le mitage, favoriser la ville compacte, la mixité fonctionnelle et sociale, etc.). Pourtant, l’on perçoit nettement dans les discours officiels une volonté de promouvoir les économies de ressources, d’énergie, de terres… qui ne trouve

pas encore assez d’échos au niveau local. Dans les actes, l’adoption de longue date de l’Agenda 21 chinois, la refonte de l’administration en charge des questions environnementales en un ministère à part entière et le dopage de ses budgets, l’imposition de normes plus strictes de construction etc., constituent des signes forts. Il existe pour le moment un phénomène classique d’effet d’annonce sur les « villes durables », qui ne voient pas forcément le jour (Chongming Island proche de Shanghai),

Les collectivités territoriales au cœur des marchés publics Les collectivités territoriales jouent un rôle fondamental dans la vie socio-économique chinoise. Les gouvernements locaux représentent 77% des dépenses budgétaires totales, contre 32% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Ils sont donc pour les entreprises, un interlocuteur et un partenaire commercial de premier plan. La Chine est organisée en cinq niveaux d’administration, chacun généralement placé sous l’autorité du niveau supérieur : centre, provinces, préfectures, districts et cantons — une municipalité pouvant avoir rang de province ( Pékin, Shanghai, Chongqin et Tianjin) de préfecture ou de district (voir encadré p.44). Le partage des tâches confie des responsabilités importantes aux gouvernements sousprovinciaux, en matière de sécurité sociale, 64 Connexions / juillet 2010

d’éducation, de santé et de développement notamment. Le centre conserve toutefois des moyens de contrôle de l’action des collectivités. Ainsi, à l’inverse des dépenses, les recettes sont plutôt centralisées et rendent les collectivités locales dépendantes des transferts du niveau supérieur. Par ailleurs, les projets doivent recevoir de multiples approbations des niveaux supérieurs, jusqu’au Conseil des Affaires d’Etat pour les plus importants. Enfin, le gouvernement central et le parti évaluent la performance des responsables locaux et assurent la gestion de leurs carrières. Ces derniers sont donc personnellement incités à mettre en œuvre les priorités nationales, notamment en matière de développement économique qui peut représenter jusqu’à 60% de l’évaluation.

En ce qui concerne les finances locales, les gouvernements locaux ont quatre types de ressources : les revenus budgétaires, les transferts gouvernementaux, les revenus extra-budgétaires et les revenus « hors système ». Les revenus budgétaires sont principalement composés des revenus des impôts. Leur niveau varie fortement selon les provinces : les gouvernements locaux de Shanghai disposaient en 2007 de 11 165 Rmb par habitant contre 709 au Tibet. De fortes disparités existent également entre zones urbaines et rurales. Les revenus budgétaires sont enfin beaucoup plus centralisés que les dépenses : le centre recevait 55% du revenu total en 2004. Les transferts gouvernementaux ne compensent ces déséquilibres que de façon très limitée. Pour remédier à l’insuffisance de leurs revenus


经常出现的三个要素:步行街(天津),中央商务区(杭 州)

mais qui alimentent la réflexion sur le sujet et engendrent quelques actions. L’observation de certains projets urbains estampillés « durable » (la nouvelle ville de Jiangwan à Shanghai) montre que les aspects technico-environnementaux d’un projet sont largement privilégiés, au détriment des aspects économiques et sociaux, relégués au second plan ou inexistants.

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L’urbanisation 城市化

La célèbre «maison-clou» de Chongqing, symbolise la résistance des petits propriétaires. 业闲置厂房变身创意园(上海)。重庆有名的钉子户,象征着小业主的反抗。

préserver leur caractère propre ? J.D. : La planification, le développement

C. : Les villes chinoises ne sont-elles pas menacées par l’uniformisation ? Peuvent- elles

à coup d’investissements, l’utilisation systématique de la vente des terres pour se financer encouragent l’uniformité. On retrouve les mêmes centres d’affaires (CBD) même s’ils prennent des formes architecturales différentes, les mêmes rues piétonnes à Pékin (Wangfujing), à Shanghai (Nanjing lu), à Hangzhou (Zhongshan récemment réaménagée par Wang Shu),

budgétaires, les gouvernements locaux ont développé d’autres sources de financement. Les fonds extra-budgétaires sont principalement composés de frais imposés aux administrés tandis que les revenus « hors système » proviennent de la vente de terrains ou d’autres actifs et de redevances diverses. Ces derniers reposent essentiellement sur l’expropriation et la transformation de terres agricoles en zones de développement urbain, permettant la réalisation d’une plus-value à la vente. Ce mécanisme aggrave, au passage, l’étalement des villes au détriment des terres arables. Les revenus « hors système » sont par nature difficiles à estimer mais ils représenteraient entre 70 et 230% des revenus budgétaires. En ce qui concerne les dépenses, la priorité accordée au développement économique soutient l’investissement dans les infrastructu-

res, qui est, sans surprise, très élevé. Au total, il représenterait 10% du PIB, contre 3% en Inde et 2% au Brésil en 2006. Au contraire, une part encore faible du budget des collectivités territoriales est consacrée à l’éducation (2,8% du PIB), à la santé (1,8%) et à la sécurité sociale. Le développement des infrastructures représente ainsi entre 20 et 40% des dépenses des gouvernements locaux. Ceux-ci s’appuient sur des sociétés publiques ou semi-publiques, les compagnies de développement et d’investissement, pour financer, réaliser et exploiter les projets. Ces sociétés permettent notamment aux collectivités locales de contourner l’interdiction qui leur est faite de s’endetter. D’après des enquêtes de terrain, la dette serait composée d’emprunts auprès de banques, remboursés par de la vente de terre, mais aussi d’emprunts

sous une forme intéressante qui lie patrimoine et architecture contemporaine). On retrouve aussi des districts artistiques du type Dashanzi qui suscitent l’envie de toutes les villes dotées de friches industrielles, ou des zones de commerce haut de gamme comme The Village à Pékin ou Xintiandi à Shanghai qui drainent les foules autour de la consommation. Ce sont les éléments récurrents du puzzle. Pourtant, on a aussi des formes

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auprès d’autres entreprises publiques voire de retards de paiement de salaires ou de biens agricoles. Il semble que l’endettement total des collectivités territoriales soit très élevé. Sous l’effet des mesures de relance, l’endettement des plates-formes de financement locales aurait atteint 7,4 trillions de Rmb fin 2009, soit une augmentation annuelle supérieure à 70%, selon la Commission de régulation bancaire. Selon de nombreux économistes, ces chiffres sont sous-estimés. Victor Shih, dont l’estimation est la plus pessimiste, évalue l’endettement à 11,4 trillions de Rmb fin 2009, soit 34% du PIB. Roseline Legrand, Conseillère, Service économique de l’Ambassade de France en Chine (à partir notamment du travail de stage de Victor Combal-Weiss sur les collectivités locales en Chine)

Connexions / juillet 2010 65


DOSSIER

专栏

des personnalités très marquées par l’Histoire, dont on retrouve les traces dans la morphologie de la ville, dans la façon dont sont agencées les rues. Passer de Shenzhen à Chongqing, c’est quasi changer de pays. Shenzhen est une ville longitudinale collée le long de la frontière avec Hong Kong avec cette barrière maritime qui a favorisé un développement vers l’intérieur des terres ; ses différents centres sont reliés par des autoroutes spectaculaires et de nouveaux villages urbains4 (Xincun) engloutis par la ville et fortement densifiés ponctuent les paysages. La ville regorge d’espaces verts fantastiques, vastes parcs urbains en cœur de ville adaptés au climat local. La personnalité de Chongqing, s’explique par sa topographie accidentée, son fleuve et sa péninsule, sa brume épaisse. Une population de porteurs déambulent entre des escaliers qui passent d’immeubles en immeubles, de strates en states. J’ai été captivé par la puissance du caractère de cette ville et de ses habitants. J’ajoute qu’en Chine, il ne faut peut-être pas tout regarder par le biais de l’architecture. Les spécialistes occidentaux ont tendance à fixer leur attention sur le bâti, mais ici on apprend à observer la trace, ce que nous dit le sol, la géographie, l’agencement des rues, le caractère social d’un quartier. Ce sont des aspects essentiels pour comprendre la qualité des villes chinoises, leur tempérament. Ce qui est important en Chine, c’est l’organisation spatiale. C’est pourquoi quand les promoteurs cassent ces organisations originales, cela fait peur... Il me paraît primordial, pour respecter ces ressources existantes de prendre le temps, dans les programmations, de la concertation, enfin de marier les disciplines liées à la fabrication de la ville — urbanistes, ingénieurs, architectes, développeurs, mais aussi les métiers puisant dans les sciences sociales. Le défi est gigantesque.

Propos recueillis par Anne Garrigue

1 Créé dans les années 50, ce carnet de résidence est attribué à la naissance de chaque Chinois ; il renseigne sur la date, le lieu de naissance ainsi que la catégorie sociale du résident. Jusqu’aux années 80, le hukou contrôlait la mobilité des citoyens chinois des campagnes vers les villes. 2 En Chine, la ville renvoie à une notion de territoire. 3  Un schéma directeur fixe les grandes orientations stratégiques du territoire concerné et détermine sur le long terme l’utilisation des sols. 4 Voir les travaux de recherche de l’agence Uranus

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de villes totalement diverses. Shan••• ghai, Pékin, Shenzhen et Chongqing, ont

Un musée à Suzhou construit par l’Institut de design de Tsinghua. 由清华大学建筑设计研究院 设计的一处苏州文化馆

Les incontournables Instituts de design

Les Instituts de design et d’architecture des grandes universités conçoivent une grande partie des nouveaux bâtiments. Zhuang Weimin e s t doyen et architecte en chef de l’Institut de design et d’architecture de l’université de Tsinghua.

Connexions : Présentez-nous votre Institut… Zhuang Weimin : Notre institut, qui dépend de l’université de Tsinghua, a fêté ses cinquante ans l’an dernier. A la différence de l’Europe ou des Etats Unis — où une grande université ne peut pas créer une agence commerciale d’architecture —, en Chine, la plupart des facultés d’architecture disposent de leurs propres instituts de design architectural et de recherche. Ce système permet d’établir une plate-forme utile qui combine conception de projets réels et recherche théorique, et fait participer professeurs et étudiants à des projets concrets en architecture. Notre institut est un cabinet d’architectes qui fonctionne aussi comme un laboratoire. Nous som-

mes 350, une taille modeste pour la Chine, certains grands instituts comptant plus de 2 000 employés. Nous sommes certifiés de « classe A d’Etat », ce qui nous permet d’assurer la construction de bâtiments publics ou civils en tout genre en Chine. Une partie de nos architectes enseignent et guident des maîtrises dans le cadre de l’école d’architecture de Tsinghua. Les professeurs de l’école d’architecture peuvent également participer à la conception des projets réels dans le cadre de notre Institut.

C. : Dans quel esprit faites-vous travailler votre « laboratoire » ? Z.W.M : Nous avons pour mission d’aller au-delà de l’architecture publique et civile courante. Le plus important, c’est de concevoir de l’architecture durable. Nous avons une section dédiée « green architecture studio ». Sur l’ensemble de nos projets (une vingtaine par an) qui doivent maintenir un équilibre entre recherche et architecture commerciale, plus de la moitié relèvent en


L’urbanisation 城市化 partie de l’architecture durable. En Chine, l’architecture durable peut être comprise de deux façons. D’un côté, il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de logement en ville comme à la campagne en adoptant des techniques disponibles facilement qui combinent la protection de l’environnement et le développement durable. Dans les zones peu développées de l’Ouest, suivant notre conception, nous construisons de plus en plus d’écoles avec des matériaux locaux : briques, bambous, ou en utilisant l’énergie solaire. De l’autre côté, nous construisons, en ville, des bâtiments économes en énergie, écologiques, qui cherchent à réduire les émissions de CO2 qui font appel aux hautes technologies, et sur lesquels nous travaillons beaucoup.

C. : Comment jugez-vous la qualité de ce qui se construit actuellement en Chine ? Z.W.M. : J’aimerais voir encore progresser la qualité du bâti en Chine. Jusqu’ici, je dois reconnaître que la plupart des projets ne sont pas à la hauteur de mes aspirations personnelles. Plusieurs facteurs jouent : les coûts, mais aussi les différences de goûts entre client et architecte. Le déroulement de tout projet est basé sur une négociation. Certains leaders qui passent des commandes publiques sont surtout préoccupés par des questions de face. Il faut différencier les cas d’immeubles de bureaux officiels et ceux d’équipements culturels publics. Pour les bâtiments officiels, les gouverneurs ont des idées bien arrêtées et sont parfois difficiles à persuader, mais pour les bâtiments culturels, l’avis des experts est en général bien écouté et, dans la plupart des cas, des compétitions internationales sont organisées pour désigner les concepteurs. Quant aux clients privés, ils pensent à la créativité du design et, comme il s’agit de leur argent, habituellement, ils visent avec soin un excellent rapport qualité/prix, ce qui demande une très bonne la coordination avec les architectes.

C. : Que pensez-vous de la place des architectes étrangers en Chine ? Z. W. M. : La situation a changé rapidement. Il y a 15 ans, la plupart des bâtiments importants en Chine étaient conçus par des cabinets étrangers. Les concepts et les techniques venaient d’eux.

•••

从专业教育到设计实践

的差异。任何项目的进行都是一场谈判。

高等院校的建筑设计研究院 设计了一大部分中国的新建 筑。

必须区分政府办公建筑与公益文化设施

《联结》:能否请您介绍一下清华大学

性文化建筑,专家的意见基本能被倾听,

建筑设计研究院?

大部分是通过国际竞标来确定设计者。至

庄惟敏:清华大学建筑设计研究院隶属

于私人企业,他们非常重视设计的创意,

于清华大学,去年刚刚庆祝本院成立50周

因为是个人投资,所以他们通常刻意追求

年。与欧洲和美国不同,那里的大学不能

较高的性价比,建筑师与他们的配合就变

成立商业性质的建筑设计公司,而在中

得至关重要。

国,大多数有建筑学专业教育的高等院校

《联 结》:您认 为国外建 筑师在中国

都有自己的建筑设计研究院设计院。这种

的地位如何?

机制让我们能够建立一个实际项目设计与

庄惟敏:情况变化很快。15年前,国内大

理论研究相结合的有利平台,让教授和学

多数重要的建筑还是由外国建筑设计公

生一起参与建筑实践工作。清华大学建筑

司设计,理念和技术都是他们的。我们也

设计研究院是一家建筑设计公司,就像大

与国外设计公司合作过,比如与保罗.安德

学里的实验室一样运作。我院有工程设计

鲁合作完成了北京国家大剧院的可行性

人员350人,在中国不算大,有些大规模的

研究等等。情况从10年前开始改变,在国

设计院能达到2000余人。作为一家国家甲

内许多重要建筑的投标中,中标的中国建

级建筑设计院,清华大学建筑设计研究院

筑师越来越多,他们的理念也越来越被

能够承接各种类型的公共与民用建筑。院

业主和同行所接受。为北京奥运会建造

里的部分建筑师可以在建筑学院授课并

的“鸟巢”国家体育场,在造型创意及完

指导研究生,建筑学院的教师也可以在设

善阶段就是中国建筑师、艺术家与瑞士赫

计院参与实际项目的设计工作。

尔佐格和德默隆公司联手合作的。如今,

《联结》:你们“实验室”本着什么精

我们继续和外国公司合作,结合各自的长

神工作?

处。但中方设计公司会作为设计总包,可

庄惟敏:我们的使命不仅要设计各种类

以将设计中的一些高技术部分请国外的

型的公共与民用建筑,最重要的还要设计

工程师和建筑师来做。

绿色建筑。为此,我院专门设置了绿色建

《联 结》:你们目前正在 进行 哪些 项

筑工程设计研究所。我们每年设计的项目

目?

近200个,这些项目要维持学术研究与商

庄惟敏:我们年初刚刚完成北川新城的

业建筑设计之间的平衡,其中半数以上涉

一个展览馆,这是在2008年汶川大地震

及绿色建筑。

后建设的项目。我们设计的是城中心的一

在中国,绿色建筑可以从两方面来理解。

座公园里面的城市规划展览馆。我们还在

一方面是指采取适宜的技术,结合环境保

改造一座厦门市的老建筑,将它改建成一

护、可持续发展,改善城市和乡村生活居

座美术馆,还有其他许多文化、商业类项

住条件。在欠发达的地区,我们通过设计

目。

用当地的材料,诸如石头、竹子等盖起了

《联 结》:听 说中国的建 筑 师收 入不

越来越多的学校,并且使用了太阳能。另

高,要做很多项目来支撑。对此您有何

一方面,借助高科技的手段,在城市里建

看法?

造节能、生态、低碳、减排、环境友好型

庄惟敏:与西方国家不同,中国的建筑师

建筑,我们在这方面作了大量的工作。

的设计费不含项目管理和工地监理,建筑

《联结》:您如何评价目前国内建筑的

师通常只负责项目设计。他们的收入由于

质量?

所在不同的设计院而有差异,但建筑设计

庄惟敏:我希望看到中国建筑的质量不断

的取费标准是由国家统一制定的,再加上

提高。到目前为止,我承认大部分项目没

市场的调节,所以建筑师收入有差异。但

有达到我们的主观期望。这是由几个因素

尽管如此,一般认为建筑师仍属于社会中

造成的:成本以及客户与建筑师欣赏眼光

收入较高的人群。

负责公共项目的领导特别关注面子问题。 这两种情况。对于政府办公建筑,政府管 理者通常有自己执着的见解;而对于公益

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DOSSIER

专栏

••• Nous-mêmes avons collaboré avec

des cabinets étrangers — par exemple celui de Paul Andreu, pour les études de faisabilité du grand théâtre national de Pékin. Les choses ont commencé à changer il y a dix ans. Dans beaucoup d’appels d’offres pour des bâtiments importants en Chine, de plus en plus d’architectes chinois sont retenus et leurs concepts sont de plus en plus acceptés par les propriétaires et leurs collaborateurs. Pour les JO, le « Nid d’oiseau » est une combinaison d’architectes et d’artistes chinois1 et d’un cabinet suisse Herzog & De Meuron pour la création et le perfectionnement du design. Aujourd’hui, nous continuons à collaborer, à combiner nos points forts. Mais les cabinets d’architectes chinois sont entrepreneurs en chef pour la conception d’un projet et font appel à des ingénieurs et des architectes étrangers pour la partie high tech de la conception.

C. : Sur quels projets travaillez-vous actuel- lement ? Z. W. M. : Nous venons de terminer un musée pour la nouvelle ville de Beichuan, construite après le tremblement de terre au Sichuan en 2008. Il s’agit d’un musée d’urbanisme qui se trouve dans un parc au centre de la ville. Nous sommes aussi en train de rénover un ancien bâtiment à Xiamen pour en faire un musée d’art. Nous avons encore beaucoup d’autres projets culturels et commerciaux dans nos cartons.

C. : On dit que l’architecte en Chine ne gagne pas bien sa vie et doit faire beaucoup de projets pour tenir. Qu’en pensez-vous ? Z. W. M. : En Chine, les honoraires de conception des architectes ne comprennent pas le management de projet et la supervision de chantier comme en Occident. Souvent, ils se chargent seulement de la conception. Leurs salaires varient selon les instituts, mais les tarifs de conception architecturale sont décidés par l’Etat avec, en plus, un certain réajustement par rapport au marché. Si leurs salaires varient, la grande majorité des architectes appartiennent à l’échelon supérieur de la société en termes du salaire.

Propos recueillis par Anne Garrigue

1 Note de la rédaction : il s’agit en fait de l’architecte chinois Ai Wei Wei

68 Connexions / juillet 2010

Urbanus, l’agence qui monte Fondée par trois Pékinois, cette agence privée née à Shenzhen, plaide pour un urbanisme innovant et soucieux du bien commun. Urbanus est une agence d’architecture et d’urbanisme basée à Shenzhen et à Pékin, fondée en 1999 par trois pékinois Xiaodu Liu, Yan Meng, Hui Wang, qui ont étudié à Tsinghua et à Miami. Cette compagnie privée, qui a grandi à toute vitesse à Shenzhen a été récompensée par de nombreux prix prestigieux et apparait régulièrement dans les magazine d’architecture internationaux. Elle a conçu plus de 300 projets d’abord à Shenzhen, puis dans toute la Chine. Une cinquantaine d’entre eux ont été réalisés. Urbanus emploie 30 personnes à Pékin et 50 à Shenzhen. Née dans

Le « village de Gangxia » s’étend sur 17 hectares en plein cœur du business district ( CBD) de Shenzhen A l’origine Shenzhen était une mosaïque de petits villages autour desquels la cité s’est construite et les promoteurs ont édifié leurs gratte-ciel. Si les villages dirigés par des comités locaux ont jusqu’ici été relativement à l’abri des promoteurs, ils sont depuis quelques années sous forte pression pour être rénovés. Urbanus a mené de sa propre initiative en 2004 une recherche indépendante pour définir des pistes originales de réhabilitation. 岗厦村河园片区总用地面积17公顷,处于商务中心区的核 心。

une ville sans passé, Urbanus a construit une vision d’une architecture moderniste, très liée à son environnement dont l’objectif n’est pas uniquement commercial. « Quand on construit une nouvelle ville, il est facile de sombrer dans le purement commercial. explique Yun Zhang, directrice presse et publications. Nous, nous voulons créer de beaux environnements pour tout le monde pas seulement pour nos clients. C’est pourquoi nous faisons même de la recherche sans être commandité. C’est pourquoi aussi nous essayons de trouver une idée originale pour chaque projet. »


L’urbanisation 城市化

Sungang central plaza. Cette place de Shenzhen a été redessinée par Urbanus à la demande d’un promoteur qui avait fait construire un parking de 10 000 mètres carrés de deux étages en sous-sol. L’utilisation de lignes ondulantes qui évoquent un courant d’eau et de mini-îles de verdure cherche à créer un sentiment à la fois de dynamisme et d’intimité dans un espace environnant assez chaotique. 笋岗片区中心广场(深圳)

Tulou contemporain : Ce concept original s’inspire de l’architecture traditionnelle du Fujian. La commande vient du promoteur Vanke qui voulait faire de l’habitat social pour un public de résidents à faible revenu (450 RMB pour un deux pièces). L’idée est d’encourager les habitants à communiquer grâce à la forme ronde, le couloir circulaire interne et de nombreux espaces communs (boutiques, bibliothèque…). Il a été conçu pour être construit dans n’importe quel environnement. 土楼公舍(广州)

Musée d’art de Dafen. Ce musée est une commande publique après l’enquête qu’Urbanus a menée de sa propre initiative sur ce village spécialisé dans la copie industrielle de peintures à l’huile pour des commanditaires internationaux ( Wall Mart….). Le comité des villageois de Dafen gère le musée. La rénovation de Dafen est présentée à Shanghai 2010 dans le cadre de l’Urban best practices area. 大芬美术馆(深圳) Connexions / juillet 2010 69


DOSSIER

专栏

© Imagine China

© Imagine China

bureaux Raycom InfoTech Business Centre, qui fut son premier projet immobilier, reste sa « pièce » maîtresse. Cet ensemble situé au cœur de Zhongguancun, quartier de high-tech et d’universités le long du quatrième périphérique à Pékin abrite de nombreuses entreprises internationales et high-tech dont le français Orange. Son maître d’ouvrage, Wang Xiang, depuis 17 ans chez Legend, revient sur l’élaboration à partir de 2001 de cet immeuble précurseur.

Infotech Business Center est le « flagship » du groupe immobilier Raycom Real Estate 融科资讯中心是融科智地房地产开发有限公司的旗舰项目 development.

L’immeuble pionnier de Legend Dans un pays qui se construit à toute vitesse, certains grands groupes se diversifient dans la promotion immobilière. Wang Xiang est vice-président de Raycom Real Estate development co. La société Raycom Real Estate development Co. est une des cinq filiales1 du groupe Legend classée parmi les Top 500 Forbes, plus connue par sa filiale Lenovo. Le groupe entend devenir un groupe mondial « fiable et respectable », doté d’entreprises leaders dans plusieurs domaines. Son bras armé dans l’ immobilier, Raycom Real Estate co, aura 70 Connexions / juillet 2010

construit cette année près d’1 million de mètres carrés. La filiale de Legend bâtit progressivement sa marque aussi bien côté immobilier résidentiel (Pékin, Tianjin, Chongqing, Wuhan, Changsha, Hefei…) que commercial (Shenzhen et Canton, Chongqing et Pékin et 700 000 mètres carrés déjà développés). Depuis sa création en 2001 où elle était uniquement en charge de l’immobilier du groupe Legend (lui-même issu de l’académie des Sciences), la société s’est beaucoup développée. Le groupe d’immeubles de

Connexions : Comment avez-vous construit Raycom InfoTech Business Center ? Wang Xiang : En 2001, l’Académie des Sciences nous a demandé, en tant que bras immobilier de Legend, d’aménager une zone de 320 000 mètres carrés située à Zhongguancun dans Haidian qui faisait partie du parc immobilier qu’elle gérait. Le Raycom InfoTech Business Center était notre premier projet. Je l’ai suivi personnellement avec notre président Chen Guodong dès le coup d’envoi. Construire un parc de haut niveau, international, high-tech était l’objectif commun de l’Académie des Sciences et de notre société. Comme tout le monde le sait, Zhongguancun est la Silicon Valley chinoise qui attire non seulement les meilleurs diplômés de Pékin, mais aussi ceux de toute la Chine, et veut rayonner vers le monde entier. En créant un environnement de travail de qualité, la Silicon valley américaine avait réussi à engendrer un miracle mondial dans l’industrie high-tech. Nous voulions suivre ses traces en répondant aux besoins du développement de la Silicon Valley chinoise. Notre souci constant a été de créer une ambiance de travail agréable pour des entreprises à forte intensité intellectuelle, de construire un parc de bureaux de haut niveau — international et écologique — pour des leaders mondiaux de la hightech. A cet effet, nous sommes allés visiter les plus belles réalisations aux EtatsUnis et en France, en particulier la Silicon Valley et la Défense. Nous avions d’abord demandé à 13 instituts d’architecture chinois de nous faire des propositions, mais en 2001 il leur était encore difficile de répondre à notre exigence de positionnement. Finalement, nous avons fait appel au cabinet américain

•••


L’urbanisation 城市化 联想打造的写字楼先驱

个世界,地位显著。美国硅谷以人性化办

分土地一定年限的使用权。产权到期后,

公物业为主,造就了世界性高科技产业的

买房人可能需要与国家重新谈土地租用问

在一个全速建设的国家里, 一些大型集团业务多元化, 进军房地产领域。

奇迹,融科也要顺应中国硅谷— —中关

题。但这种情况尚未发生。

村的发展需求,为智力密集型企业提供舒

《联结》:融科智地将 在2010年开发

适的办公环境。所以融科在前期规划时,

100万平方米的房地产项目。当开发这

就明确定位,以建造世界级高科技龙头企

么多的房地产 项目时,如何能够 保证

王翔,联想控股全资子公司融科智地房

业的国际型高档办公生态园区为己任。为

质量?

地产开发有限公司副总裁

此我们去了美国、法国等国家参观学习,

王 翔 :在中国,有些开发商能够建造高

北京融科智地房地产开发有限公司是联

特别是美国的硅谷和法国的拉德芳斯。当

品质的建筑,另外一些则质量平平。这不

想控股(Legend Holdings Ltd.)的全资子

时我们请了13家国内建筑设计院参与园区

仅仅是因为成本,企业文化起了重要的

公司。联想控股(Legend Holdings Ltd.)

的设计方案竞标,结果方案均很难满足

作用。在联想,我们的原始行业是生产电

旗下现在主要有5家子公司:联想集团、神

我们的定位要求。最后,我们又邀请美国

脑,这要求对市场敏感,对工作精益求

州数码、联想投资、弘毅投资以及融科智

硅谷的设计公司SOM进行融科资讯中心

精。联想代表着责任感、务实、以人为本、

地。其中,联想集团(lenovo)是全福布斯

的规划设计。

有内涵、有实力的企业形象与工作风格。

全球500强企业。联想控股立志于成为一

《联结》:中国建筑院与美国SOM公司

赋予了融科在开发项目时对品质的极至

家值得信赖并受人尊重,在多个行业拥有

的设计方案有何不同?

追求,打造融科特有的产品艺术魅力。另

领先企业在世界范围内具有影响力的国际

王翔:当时,无论是工作还是看事物的方

一方面,高科技科研人员需要开放、安静

化投资控股公司。融科智地作为联想控股

式都不一样。SOM公司的方案富有创新

的环境,而且高科技企业的变化很快。因

旗下进军地产行业的主力军,立志成为中

性,设计的是一座向城市和社会开放的园

此,我们的大楼必须有很好的灵活性,可

国房地产行业中最具实力和品牌吸引力、

区,与社会共享我们的环境。与中国设计

以根据客户的需求调整,并且很舒适,比

基业常青的公司。

院设计的围合式禁止公众入内的方案完

如安装了网络地板,科研人员不用烦恼布

融科智地公司既从事住宅项目的开发建

全相反。我们遵循的是“先有园林、后有

线的问题了。其实建筑品质与成本不是绝

设(在北京、天津、重庆、武汉、长沙、合

建筑”的设计理念,通过大面积绿化及连

对的对应关系。装好一块石头不会比装坏

肥等多个城市形成战略性布局),也从事

接空间的创新设计,完成建筑与园林的充

一块石头更贵。我们也知道控制成本,比

商业地产项目的开发(在广东、深圳、北

分融合,为智力型企业提供舒适、轻松的

如外墙的石材,很多人以为是从国外进口

京、重庆等地已经开发了70万平方米的项

空间享受。这种开放使我们能够把科研

的,其实不是。我们是自己去找的石头,

目)。起初只负责联想自用物业开发的融

精英与社会很好融合在一起。现在,所有

然后委托一家供应商买下了一座山头,并

科智地于2001年成立,如今已成长壮大,

人都能进入这个海淀的高科技园区。在规

且按照颜色把石头编上号,以便区分色

羽翼渐丰。今年,北京融科智地房地产开

划中的第二个考虑是环境。我们牺牲了可

差。

发有限公司将开发100万平方米的房地产

作为商业化用途的写字楼底层,这部分空

我们的核心理念是国际化。为了让一座建

项目。融科资讯中心是公司商业地产开发

间可以卖出更好的价格,但是我们种上了

筑体现国际性,不仅需要国际化的合作伙

与经营的代表之作,是一座优美的国际化

绿色植物,可以让楼上客户站在窗前就能

伴,而且需要国际化的客户。从建设到经

写字楼园区,坐落在北京四环内中关村核

近距离欣赏绿色。第三个规划得比较好的

营,这是优先考虑的问题。在融科资讯中

心地区,这里聚集着众多高科技企业和高

地方是尊重自然条件。北京的冬天很冷,

心,70%的企业是国际企业,90%是高科

等院校。特别值得一提的是,法国电信也

夏天西晒,热得难受,造成很大的能源损

技企业,还有10家世界500强企业。为了

在融科资讯中心落户。让我们回顾一下这

失。因此我们尽量避免在写字楼西面开大

获得这样的成果,我们在国外企业和准备

座设计巧妙的甲级写字楼从2001年起的

面积窗户,并安装了遮阳板。(删除)我们还

出更多租金的国内企业之间做出了艰难的

开发过程。

没有绿色建筑标识,因为做这个项目时还

选择。我们决定保持当初的理念,牺牲一

《联结》:能否请您回顾一下融科资讯

不存在,但我们已经提出了申请。

些利益。

中心的规划建设过程 ?

《联结》:在中国,土地属于国家。房

《联结》:请您谈谈今后的发展?

王翔:我在联想工作了17年。2001年,受

地产开发商如何买卖土地?

王翔:在北京,融科正在完成四个写字楼

中科院委托,融科智地作为联想旗下的房

王翔:中国是一个全民所有制国家,土地

项目,其中融科资讯中心B座和D座项目,

地产公司开始规划这个位于海淀区中关

归国家所有,房地产开发商通常不能买国

另外两个一个在石景山创意产业区,一个

村、总规模达32万平方米的园区。融科资

家的土地,而是租地——工业用地租期为

在望京区域。另一方面,我们正在考虑二

讯中心是我们的第一个房地产项目。我们

30年,商业用地租期为40年,科研用地租

线城市的商务地产市场。目前,我们正在

的总裁陈国栋先生和我从项目一上马就亲

期为50年,住宅用地租期为70年,并且一

研究国际化写字楼的理念,也在探索将这

自监督。打造一座高档的国际化高科技园

次性签订合同。然后,开发商在这块地上

种理念推广到其他城市的可行性。如果市

区是中国科学院和我们共同的目标。众所

根据相关规定,尤其是关于用地规划进行

场能够达到一定模式与要求,我们的团队

周知,中关村是中国的硅谷,中关村所面向

建设。买房人买下了这块地的一部分,并

将准备好去建设。

的,不仅是北京,而是整个中国,乃至整

且根据与开发商签订的合同拥有对这部

Connexions / juillet 2010 71


DOSSIER

专栏

S.O.M, celui qui avait conçu la Sili••• con Valley.

W. X. : La Chine appartenant au peuple

entier, la propriété de la terre revient à l’Etat en général. Un promoteur n’achète pas la terre de l’Etat, il la loue pour des périodes fixes — 30 ans pour l’utilisation industrielle ; 40 ans pour l’utilisation comfaçon de travailler, ni de voir les choses. merciale ; 50 ans pour la recherche scienLe projet de SOM était tifique et 70 ans pour novateur. L’idée était de « C’était un des logements — et il construire un immeuble signe un contrat une ouvert sur la ville et sur concept aux fois pour toutes. Puis, la société, qui par-tage antipodes de il construit sur ce ternotre espace avec le rain en respectant les la conception public. C’était un condivers règlements, en cept aux antipodes de la traditionenelle particulier ceux qui conception chinoise trastipulent la destinachinoise. (…) ditionnelle de s’enfermer tion du terrain. Un derrière des murs et des L’idée était de client qui achète un gardiens et d’interdire construire un appartement achète l’accès au public. En suiaussi une partie du vant le concept « con- immeuble ouvert terrain pour une péristruire un jardin et après ode correspondant sur la ville et la un bâtiment », en créant au contrat du promode grands espaces verts, société.» teur. Une fois ce délai en reliant les espaces, écoulé, il devra proban o u s a v o n s p u r é a l i s e r u n e blement renégocier avec l’Etat. Mais c’est fluidité harmonieuse et confortable en- un cas qui ne s’est pas encore produit. tre le jardin et le bâtiment au bénéfice C. : Vous aurez construit en 2010 près d’un million des entreprises à forte intensité intellec- de mètres carrés. Quand on construit autant comtuelle. Cette ouverture nous a permis de ment peut-on maintenir une qualité ? connecter l’élite scientifique et le reste W. X. : En Chine, si certains promoteurs de la société. Maintenant tout le monde font de beaux immeubles, d’autre se peut accéder à cette zone high-tech contentent d’une piètre qualité. Ce n’est de Haidian. Notre deuxième souci dans pas seulement pour des raisons de coûts. la construction était l’environnement. La culture de l’entreprise joue un rôle Nous avons sacrifié délibérément des important. Chez Legend, notre culture espaces commercialisables au rez-ded’origine — fabriquer des ordinateurs chaussée qui auraient pu être vendus à — exige une sensibilité au marché et une un meilleur prix pour planter de la ver- précision dans le travail. Avoir le sens des dure, ce qui permet aux clients au-des- responsabilités, chercher à être réaliste, sus d’apprécier de près le vert devant s’orienter vers l’humain, avoir de la proles fenêtres. Nous avons aussi respecté fondeur et de la puissance constituent les conditions naturelles. A Pékin, il fait l’image de l’entreprise et le style de travail très froid en hiver et du côté ouest, la chez Legend. Cela pousse Raycom Real chaleur est insupportable en été. Pour Estate à rechercher la meilleure qualité éviter les pertes d’énergie en chauffage possible dans la construction de ses proet air conditionné, nous n’avons pas jets. Les chercheurs en high-tech ont bepercé de grandes ouvertures à l’ouest et soin d’un environnement ouvert, calme, nous avons installé des parasoleils. Nous permettant un changement très rapide n’avons pas le label vert car il n’existait pas d’environnement. Cela nous a poussés encore quand nous avons construit, mais à faire un produit flexible où les pièces nous avons déposé une demande. se modulent, assez confortable pour que C. : En Chine, la terre appartient à la puissance les chercheurs n’aient pas mal à la tête. La publique. Comment un promoteur (privé, public ou qualité n’est pas absolument liée au coût. semi-public) peut-il l’acquérir et la vendre ? Bien installer un parquet ne revient pas

C. : Quelles différences entre les conceptions des instituts chinois de l’époque et celles de l’agence S.O.M ? W. X. : Ils n’avaient pas du tout la même

72 Connexions / juillet 2010

plus cher que l’installer mal. Nous avons aussi su faire des économies : les belles pierres à l’extérieur du bâtiment ne sont pas importées comme beaucoup l’ont cru, mais viennent d’une montagne chinoise que nous avons identifiée et achetée. Puis, nous avons fait venir une entreprise pour traiter ces pierres que nous avons soigneusement fait numéroter en fonction de leur couleur pour jouer méthodiquement sur les nuances. Un de nos concepts-clés était l’internationalisation. Pour qu’un immeuble soit international, il faut un partenariat international mais aussi une clientèle internationale. De la construction à l’exploitation, ce fut une priorité. Dans Raycom InfoTech Business Center, 70% des compagnies sont internationale, 90% sont dans la high-tech. 10 entreprises figurent parmi les « top » 500 mondiales. Pour aboutir à ce résultat, nous avons eu des choix difficiles à faire, entre entreprises étrangères et entreprises chinoises prêtes à payer un loyer plus élevé. Nous avons choisi de maintenir le concept de départ en sacrifiant un peu les bénéfices.

C. : Et pour le futur ? W. X. : A Pékin, nous sommes en train de terminer quatre immeubles dont les deux bâtiments B et D au Raycom InfoTech Business Center et deux autres qui se trouvent dans une zone de création industrielle, à Shijingshan et dans le quartier Wangjing. D’autre part, nous réfléchissons au marché immobilier commercial dans les villes secondaires. Pour l’instant, nous sommes en train d’étudier le concept d’immeuble international et sa faisabilité dans d’autres villes. Si le marché atteint un certain seuil (modèle et exigence), notre équipe est prête à construire.

Propos recueillis par Anne Garrigue 1 avec Lenovo Group, Digital China, Legend Capital et Hony Capital

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DOSSIER

专栏

AREP en Chine

Un succès bâti sur le dialogue Etienne Tricaud, est directeur général délégué d’Arep, une filiale de la SNCF qui regroupe architectes, urbanistes, ingénieurs designers et économistes. Quatre cents personnes travaillent au siège (Paris) ainsi qu’en région ou à l’étranger, où Arep a deux bureaux permanents (Pékin et Hanoi). La Chine, un des premiers pays dans lequel Arep a mis le pied, représente 10% des activités du groupe ( moitié de l’international)

Connexions : Pouvez-vous nous présenter votre société et son activité en Chine ? Etienne Tricaud : Les liens entre Arep et la SNCF expliquent que notre cœur du métier tourne autour des transports et de l’urbanisme de la mobilité. Cela correspond à la moitié de nos activités, mais nous avons développé un savoir-faire sur de nombreux autres programmes : aménagement d’espaces publics, bâtiments à vocation publique, programmes mixtes de plus en plus agglomérés de façon dense autour des lieux de transport. Cette évolution se retrouve partout mais se passe différemment selon les pays. Au Japon ou dans certains pays d’Asie du Sud-est, l’aménagement de secteurs urbains importants est confié à des opérateurs privés. En France, les grands opérateurs sont publics (sociétés d’économie mixte) et aménagent des ZAC où interviennent des promoteurs privés. En Chine, c’est encore différent : les grands opérateurs chinois peuvent être publics, parapublics ou privés. Les chemins de fer ne participent pas (encore) au développement immobilier. En revanche, nous travaillons de plus en plus avec des sociétés de métro qui, à l’instar de ce qui s’est fait à Paris pour le quartier Seine Rive Gauche, veulent construire au-dessus des infrastructures ferroviaires. Nous travaillons sur des projets de ce type à Shenzhen, et à Hangzhou (Qibao). 74 Connexions / juillet 2010

C.: Comment se passe votre travail en Chine ? E. T. : Nous avons beaucoup travaillé jusqu’à

capitaux mixtes. Nous travaillons aussi avec des développeurs purement privés.

présent sur des bâtiments, des espaces C.: Pourquoi vos clients chinois vous choisis- publics, ou de nouveaux développements sent-ils ? urbains comparables à des ZAC françaises, E. T. : Alors que tous nos concurrents étaient chinois, le même si les surfaces bâmaire de Chengdu ties sont en moyenne « Tous nos a choisi notre projet dix fois plus importantes pour la grand place de en Chine. Nous réalisons clients nous Tianfu, parce que, nous également des études posent la même a-t-il confié, c’était à urbaines ou de grands son avis le projet le aménagements. Main- question : plus « chinois ». Il a tenant — et c’est assez comment apprécié que nous lui nouveau —, nous comparlions de la culture mençons à voir poindre articuler et de l’histoire de le souci de solliciter des culture sa ville. En revenant équipes d’architectes locale et aux sources, nous lui et d’urbanistes sur des avons proposé de faire projets plus larges : des mondialisation ? » de ce lieu hautement grands territoires, des symbolique, où vont provinces. Au Vietnam, nous travaillons sur des projets de ce type. se croiser les deux premières lignes de Le développement influence les esprits, et métro, non une « cité interdite » mais les autorités réfléchissent à de nouvelles un lieu très ouvert, conçu autour de la méthodes pour penser leur développe- culture, de l’agrément, d’un parc. Le maire ment territorial. Ils font appel à des équipes a été satisfait de cette manière d’écrire une nouvelle page de l’histoire de sa pluridisciplinaires. En Chine, on est un peu à l’aube de ce ville au profit de ses habitants et de son mouvement. Dans cet esprit, nous allons image. sans doute travailler sur le grand Wuhan. En fait, nous sommes choisis, je crois, Ces « grands territoires » constituent à cause de notre approche, fruit d’un un domaine de développement pour dialogue très poussé avec nos comnos projets. Reste que la plupart de nos manditaires et nos partenaires. Tous projets sont plus « classiques ». Jusqu’ici nos clients nous posent la même quesnos clients ont été soit de grands tion : comment écrire une architecture opérateurs de transports, — les chemins chinoise contemporaine ? Comment de fer pour plusieurs gares, le métro de articuler culture locale et mondialisaShenzhen, le métro de Hangzhou — tion ? Aujourd’hui, pour faire face aux soit des collectivités locales — étude énormes besoins en construction et en d’urbanisme sur Pékin et sur Tianjin aménagement urbain, la Chine importe notamment —, soit encore de grands des « modèles » architecturaux et urbains. opérateurs public, parapublics ou privés. Il n’y a pas de honte à cela. L’histoire de Ces notions évoluent en Chine, où l’on l’architecture s’est faite ainsi. L’architecture trouve de grands groupes qui prennent italienne a envahi toute l’Europe à la Reun statut privé, tout en étant financés naissance. Quand on se promène à Cracopar des capitaux publics. On voit aussi vie, on se croirait parfois en Toscane, et apparaître des développeurs avec des personne n’y voit rien à redire. Mais

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© DR

L’urbanisation 城市化

L’aire de la gare de l’Ouest à Xizhimen, Pékin. 110 000 m2 comprenant un hub ferroviaire, un centre commercial, des bureaux et un hôtel

Le Binkang transportation complex de Hangzhou. 杭州地铁滨康站交通综合体

© DR

© DR

北京西直门火车站。11万平米的场地包括一个铁路交通枢纽、商务中心、写字楼和酒店。

Le centre olympique et centre d’exposition de Hangzhou. 杭州奥林匹克体育 中心和国际展览中心

Connexions / juillet 2010 75


DOSSIER

© DR

专栏

La nouvelle gare de Qingdao.

il est important que cette importa••• tion de modèles se croise avec une vraie prise en compte de la manière dont se vit, dans chaque culture, la relation à l’espace, et la relation aux autres dans l’espace. Il y a une culture de l’espace propre à chaque civilisation, qui a d’ailleurs généré ses propres formes, ses propres modèles... mais qui est également capable d’en assimiler de nouveaux.

C. : Pourriez-vous nous dresser quelques traits de cette culture de l’espace, propre à la Chine ? E.T. : Prenons l’exemple de la relation public/privé : regardez comment est organisé le cheminement jusqu’à l’intimité d’une maison dans une ville chinoise traditionnelle. On part de l’avenue, on entre dans un hutong1, puis une ruelle, on passe par un porche, on bute sur un écran qu’on contourne, on arrive dans une cour avec un caractère semi-public, puis on entre enfin dans la pièce principale, et pas audelà... Ce n’est pas le cheminement dans une ville arabe ou dans un village français. Autre exemple : la façon d’être relié aux éléments diffère d’une civilisation à l’autre. Les Chinois ont une très forte relation aux 76 Connexions / juillet 2010

青岛新火车站

éléments, à la pluie, la neige, au soleil, aux orientations cardinales (est/ouest/nord/ sud). Ils ont cette carte mentale dans la tête. La culture de l’espace est également fortement déterminée par la relation à l’autre, avec une jouissance particulière de la foule dans la civilisation chinoise. La relation aux sons aussi n’est pas la même. Les sonorités joyeuses, en Chine, font partie de la qualité de la vie. Il y a en Chine une autre relation au calme, à l’ombre et à la lumière (traverser les ombres pour trouver la lumière), une autre relation aux matériaux…. Nous sommes convaincus que, même si le Chinois moderne prend sa voiture, roule sur une autoroute pour se rendre dans son bureau, malgré tout, il a développé une relations aux autres, dans l’espace, d’un type particulier, et qui peut se transcrire dans une architecture contemporaine. Nos clients chinois nous demandent de dialoguer avec eux et de leur apporter notre propre compréhension de leur rapport à l’espace, de leur procurer un peu de recul.

C.: En tant qu’entreprise étrangère, quelle part prenez-vous dans le résultat final ? E .T. : A par tir d ’un cer tain stade

d’avancement du projet, nous avons l’obligation de travailler avec un partenaire qui change en fonction des projets et des villes. Nous souhaitons toujours travailler avec ce partenaire dès la conception. A chaque fois, se pose la question de la répartition du travail. Les honoraires étant assez serrés, il faut bien définir les prestations de chacun pour garder une maîtrise du projet, de l’objet final, tout en limitant les moyens alloués au projet. En interne aussi, nous travaillons avec des équipes mixtes : un Parisien travaille en binôme avec un Pékinois. Nous avons en Chine une équipe de 30 architectes de grande valeur, très bien formés sur le plan technique et sur celui de la conception. Pour les études de maîtrise d’œuvre, les méthodes de travail en Chine suivent dans les grandes lignes les normes anglo-saxonnes, un peu différentes des françaises. C’est une adaptation mineure. Nous tenons à être très présents dans les phases de chantier essentielles pour la qualité de la réalisation finale et très instructives. Nous sommes conscients des difficultés. Nous définissons très en amont des prescriptions qui la plupart

•••


L’urbanisation 城市化 建立在对话之上的成功

阿海普设计的项目

铁凯歌是法国阿海普公司的总经理。阿海普是法国国家铁路 公司的一家子公司,旗下有建筑师、规划师、设计工程师和 估算师。400名员工在法国巴黎总部和地区或国外工作。阿海 普在国外有两处常设机构(北京和河内)。中国是阿海普在 国际上最早立足的国家之一,占公司总业务量的10%,国际 业务的一半。 《联结》:能否请您介绍一下阿海普公

火车站的铁路、深圳地铁和杭州地铁),

司及其在中国的业务?

或是地方行政机构(主要是关于北京和

铁凯歌:阿海普与法国国家铁路公司的联

天津的城市规划研究),或是一些大型国

系表明,我们的工作重心围绕着交通和城

有、准国有或私营运营机构。在中国,概

市机动性规划展开。这占据了我们一半的

念正在改变,我们可以看到国家投资的大

业务,但我们也在许多其它项目中开发我

型私营集团。我们还看到合资开发商的出

们的专长,如公共空间规划,公用建筑以

现。我们也和一些纯私营的开发商合作。

及在交通枢纽周围越来越密集的混合项

《联结》:中国客户为什么选择你们?

目。这种发展随处可见,但在各国情况不

铁凯歌:我们的所有竞争对手都是中国公

同。在日本或一些东南亚国家,重要的市

司,成都市市长选择了我们对天府广场的

政规划委托给私人机构运作。在法国,大

设计方案,因为,他向我们透漏,他认为我

型运营机构都是国有企业(混合经济公

们的设计“最中国化”。我们向他谈起成

司),负责整治“协商规划区”(ZAC),其

都的文化和历史,他对此深有感触。回到

中也有私营开发商介入。在中国,情况更

项目本身,我们建议把这个极具标志性的

加不同:大型运营机构可以是国有的,准

场所,两条最早的地铁线将在此交汇,不

国有的或者私营的。铁路尚未纳入房地产

是打造成一个“紫禁城”,而是一个非常

开发的内容。但我们越来越多地与地铁公

开放的、围绕着文化、休闲和公园主题设

司合作,和当年巴黎塞纳河左岸地区规划

计的场所。成都市市长对这种为了市民和

的做法一样,他们希望在地上建造铁路设

城市的形象,书写成都市历史新篇章的方

施。我们在深圳和杭州(七堡)做过此类

式非常满意。

项目。

其实,我认为我们被选中是因为我们的工

《联结》:你们在中国如何开展业务?

作方法,是与投资者和合作伙伴深入对话

铁凯歌:到目前为止,我们在写字楼、公

的成果。所有客户都会向我们提出同样的

共空间和类似于法国“协商规划区”的新

问题:如何书写中国当代建筑史?如何衔

型市政开发领域颇有建树,但在中国,建

接当地的文化和国际化?今天,为了应对

筑面积平均为法国的10倍。我们还完成了

大量建设和城市规划的需要,中国引进了

一些市政勘查和大型规划项目。现在,出

一些建筑和城市规划模式。这没有什么可

现了新情况:我们开始看到发动建筑师和

羞愧的!建筑史就是这样形成的。文艺复

规划师团队实施更大项目(大面积国土和

兴时期,意大利建筑风格蔓延至整个欧

省级规划)的困难显现出来。在越南,我

洲。当人们漫步在波兰的克拉科夫,有时

们正在做此类项目。发展影响思想,为了

会觉得身处意大利的托斯卡纳,人们对此

制定国土开发计划,政府正在思考新方

无可厚非。然而重要的是,模式的引进要

法。他们向多学科工作团队求助。

真正考虑到在每种文化中与所在空间、与

在中国,我们正处于这一变化的初期。在

空间中其他事物关系的表现手法。每一种

这种思想的支配下,我们可能会参与大武

文明都有特有的空间文化,并产生出自己

汉的规划。 “大面积国土”构成我们项目

的形式、自己的模式……但也能吸纳新的模

的一个开发领域。但不管怎样,我们的大

式。

部分项目都是“传统”型的。

《联结》:能否请您举出一些中国特有

到目前为

止,我们的客户或是大型交通部门(多个

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的空间文化的特点?

阿海普是法国国家铁路公司的一家子公 司,由集建筑师与工程师于一身的杜地 阳(Jean-Marie Duthilleul)与铁凯歌 (Etienne Tricaud)领导和主持业务。 2000年,阿海普在北京成立了阿海普中 国子公司。在于蓉总经理的带领下,阿 海普中国子公司在过去的10年里完成了 很多项目。 北京: 首都博物馆(2001年) 西直门火车站周边地区的开发 (2001年) 中国国航总部(2008年) 协和医院(2006年) 参与了奥林匹克公园(2002年杰出设计 奖)、中轴路(2002年由北京市委托项 目)及永定门地区(2003年国际竞标项 目)的规划研究 上海: 上海南站 (2001年) 上海银行数据中心 (2007年) 农业银行数据中心 ( 2003年) 上海期货交易所市场数据中心(2005年) 浦东机场APM系统(2004年) 天津: 天津经济技术开发区金融中心 (2003年)。 天津经济技术开发区三条主要大街的规 划(2003年) 天津经济技术开发区泰丰家园 (2002年) 意大利风情区的规划(2004年) 深圳: 在地铁周边的地块规划新区(2005年) 南京: 南京火车站(2001年) 成都: 成都天府广场(2003年),尤其是交通 中枢 成都地铁公司总部(2006年) 成都东站(2006年) 仁和商业中心(2006年) 法国外贸顾问委员会投资的白鹿诊所 (2008年) 参与了春熙路的规划研究(2005年,由 成都市锦江区政府委托) 都江堰: 都江堰市重建规划(2008年,汶川大地 震后) 青城山别墅区(2004年) 杭州 龙翔商业中心(2008年) 位于杭州东北部的地铁终点站(七堡) 商业区规划(2006年)。该项目投资 83亿元,占地50公顷,建筑面积83万平 米,包括住宅区、学校、列车停车场、 商业区、地铁调度指挥中心、商务办公 区和警察局。 苏州: 工业园区火车站(2007年)

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DOSSIER

专栏

Les projets de AREP Jean-Marie Duthilleul et Etienne Tricaud, ingénieurs architectes dirigent AREP. Une filiale AREP China a ouvert à Pékin en 2000 dirigée par Fleur des Diguères. Celle-ci a réalisé nombre de projets. A Pékin, le Musée de la capitale (2001), le développement du quartier autour de la gare de Xizhimen (2001), le siège de la compagnie Air China (2008), l’hôpital Xihe (2006). Arep a participé aux études d’urbanisme pour le Parc des JO (2002, prix d’excellence), l’axe Nord Sud (2002), le quartier de Yong Ding men (2003). A Shanghai, la gare de Shanghai-Sud (2001), les centres de données de la Banque de Shanghai (2007), le centre de données de la Banque de l’Agriculture (2003), le centre de données du marché à terme de Shanghai (2005), le Système APM de l’aéroport de Pudong 2004. A Tianjin, le centre de services financiers (2003), l’aménagement des trois avenues (2003), les logements Taifeng (2002), l’aménagement du quartier italien (2004). A Shenzhen, le nouveau quartier sur la dalle de métro (2005). A Nankin, la gare de Nankin (2001). A Chengdu, la grande place Tianfu (2003) et particulièrement le pôle d’échanges, le siège de la société de métro de Chengdu (2006), la gare Est de Chengdu (2006), le Renhe centre commercial (2006), un dispensaire à Bailu, investi par CCE (2008), a participé aux études pour l’aménagement de Chuxilu (2005). A Dujiangyan, le plan de réaménagement de la ville (2008), les villas Qingcheng (2004). A Hangzhou, le centre commercial Long Xiang (2008), l’aménagement du terminus des métros Qibao (2006). Le projet de 8,3 Md Rmb aura une emprise au sol de 50 hectares, pour une surface de 830 000 m², comprenant appartements, écoles, parkings de train, ommerces, centre de contrôle du métro, bureaux et poste de police. A Suzhou, Gare de la zone industrielle (2007).

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du temps sont bien prises en ••• compte, et peuvent même s’enrichir de l’apport de l’entreprise chinoise. Ce fut le cas par exemple à Pékin, pour Xizhimen ou à Shanghai, pour la gare, dont la charpente a été réalisée par une entreprise d’une extraordinaire compétence (les chantiers navals de la ville).

C.: Vous êtes en Chine depuis plus de dix ans. Techniquement, comment les choses ont-elles évolué ? E.T. : La technique est beaucoup mieux

les instituts nous donnent la capacité de développer des projets de très grande envergure. Mais il est dans nos intentions d’ouvrir de plus en plus un dialogue avec des agences plus petites qui font bouger l’architecture en Chine.

C.: De façon plus générale, comment voyez-vous évoluer l’architecture et l’urbanisme en Chine ? Le développement d’un nombre incroyable de villes donne le vertige. Êtes-vous optimiste sur la qualité ? E.T. : L’énergie mise dans le développement

maitrisée par les entreprises qu’il y a dix urbain est incroyable. Je vois des changeans. Aujourd’hui, on peut ments dans les pratiques. Les tout faire dans le bâtichoses bougent, les espaces ment en Chine, sans au- « Nous publics gagnent en qualité, tres limites que celles de souhaitons idem pour l’architectures. On la technologie mondiale. peut observer sur certains protoujours Il nous arrive cependant jets une qualité d’écriture, pas de constater que, pour travailler prétentieuse, beaucoup moins une ingénierie strucstéréotypée que ce qu’on a avec le turelle fine, nous avons pu voir pendant des années encore des choses à ap- partenaire — aluminium et verre fumé. porter, dans le dialogue. dès la Mais certains problèmes à très Parallèlement, certains grande d’échelle ne sont pas chantiers, à cause de leur conception.» résolus. En matière de mobitrès grande échelle, nous lité et de transport, on est loin conduisent à mettre en d’avoir des équipements à la œuvre des technologies très poussées. Par mesure des besoins. Les flux de voitures exemple, à Shanghai, nous avons réalisé croissent. On va au devant de grandes difune coupole de 180 mètres de diamètre ficultés. Le développement urbain durable pour la première ligne d’appui, ce qui n’est — faire que le « métabolisme » de la ville pas fréquent. soit satisfaisant — constitue un autre défi. C. : La compétition est-elle devenue plus rude ? Les infrastructures sont en bon état. Mais E.T. : Difficile à dire… Nous continuons à se pose la question de la façon d’habiter gagner des concours ! Le marché n’est pas la ville. Le modèle traditionnel — une ville fermé. Les grands clients chinois ont des très peu dense, où les gens vivaient en rezattentes et sont sincèrement intéressés de-chaussée — a volé en éclat, sans que par le dialogue. Ils n’attendent pas seule- se soit recomposées des organisations ment l’emprunt d’un modèle occidental spatiales satisfaisantes pour le logement. mais un véritable échange. Il arrive même Il n’y a pas de nouveau modèle chinois qu’ils nous sollicitent pour aller ensemble unique. En Chine, on trouve tout ; il y a ces ailleurs sur la planète…. plans d’appartements qu’on connaît par C.: Le monde de l’architecture en Chine est com- cœur et qui sont ensuite agglomérés par posé en très grande partie de grands instituts mais milliers ; au pied de l’immeuble où nous aussi d’architectes designers indépendants, dont avons nos bureaux, il y a un petit groupe certains ont un renom international. Avec qui pré- de maisons japonaises avec un modèle de férez-vous travailler ? vie pas désagréable. Tout cela, forme un E.T. : Dans les grands instituts, il y a souvent collage qui change en permanence, un des architectes un peu leaders — Cui Kai croisement d’influences dont le mélange par exemple pour IFC —, avec qui nous est, finalement, chinois… C’est en pleine établissons un dialogue comme nous évolution, et c’est passionnant… l’aurions fait avec de petites agences de Propos recueillis par Anne Garrigue créateurs. Jusqu’ici c’est plutôt cela que 1 une rue ancienne et étroite nous avons recherché car, par ailleurs,


L’urbanisation 城市化 真诚地希望对话。 他们不只期望借用西 方的模式,而是进行真正的交流。有时他 们甚至请我们一起去世界的其他地方设 计项目...... 《联结》:中国建筑界很大一部分由大 型设计院 组 成,但也有一些独 立的建 筑设计师,其中一些拥有国际声望。你 们更喜欢与谁合作? 铁 凯歌:在大型设计院里,经常有一些 领先的建筑师,例如中国建筑设计研究 院的崔凯,我们与他建立了类似于我们 与小型设计师事务所建立的对话。到目 © DR

前为止,这正是我们寻找的合作机构, Expansion de l’Oriental Hospital de Shanghai Pudong.

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铁凯歌:以开放/私密为例:在一座

中国传统的城市里,看看通往一所房屋内 部的路是如何设置的。我们从大街出发, 进入一条胡同1,然后是一条小巷,穿过门 廊,迎面是一道屏风,绕过屏风,走到一 个半开放的院子里,最后进入正房,就不 能再往里了......这不是一个阿拉伯城市或 法国村庄里的路径。另外一个例子:与环 境要素联系的方式在不同的文明中各不相 同。中国人与环境要素,雨、雪、阳光和基 本方位(东南西北)有着很强的联系。他 们在脑子里装着这张心里的地图。中国的 空间文化还很大取决于与其他事物的关 系,带有中国文化里特有的“众乐乐”。与 声音的关系也不同,在中国,欢乐的声音 是生活质量的组成部分。还有另外一种与 宁静、阴暗、明亮的关系(穿越黑暗重见光 明),与物质的关系......我们相信,即使一 个现代中国人驾车行驶在去办公室的高速 公路上,不管怎样,他已经在空间上发展了 与其他人特别的关系,这种关系可以通过 当代建筑表现出来。我们的中国客户要求 我们与他们对话,并向他们传达我们对他 们与空间关系的理解,使他们能够客观地 看待这种关系。 《联结》:作为外国企业,你们在最后 的结果中参与了哪些工作? 铁 凯歌:从项目进行到某个阶段开始, 我们必须与一个合作伙伴一起工作,他 会根 据 不同的项目和城市而变 化 。我 们希望从项目开 始 设 计就能与合 作伙 伴一起工作。每次都有分工的问题 。设 计费卡得很紧,我们必须定好每个人的

上海东方医院的扩建

津贴,以便保持对项目和最终目标的掌 控,并限定对项目的投入。在内部也是 如此 ,我们与混合的团队一起工作:来 自巴黎的某位同事和北京的某位同事 搭档工作。我们在中国有一支由30位高 水准的建筑师组成的工作团队,无论在 技术上还是设计上都受过非常好的专业 教育。关于工程 承包的勘查,在中国的 工作方法大致遵循英美标准,与法国标 准稍有不同。这是一个细微的调整。我 们坚持参与对最终工程质量非常重要、 非常有指导意义的施工阶段。我们清楚 地知道所要面对的困难。我们在很早就 确定了施工细则,大多数情况下会被采 纳,甚至会因为施工企业的协助而变得 充实。比如北京西直门交通枢纽和上海 南站就是这种情况。后者的构架是由一 家能力非凡的企业完成的(上海市造船 厂)。 《联结》:你们在中国已有十多年了, 在技术方面,事情是如何变化的? 铁凯歌:企业对技术的掌握比10年前强 多了。今天我们可以在中国的建筑里做任 何事情,除了世界技术难题不会有任何其 他限制。然而,有时我们发现对于精细结 构的工程,我们还有很多内容要带到对话 中。同时,某些工程由于规模巨大,致使我 们要采用非常精细的技术。比如在上海, 我们设计了一个直径为180米的穹顶作为 最长的承重线,这种情况并不常见。

因为设计院能够给予我们开发大规模 项目的能力。但我们也有意与推动中国 建筑发展的小型事务所更多地开展对 话。 《联结》:概括地讲,您如何看待中国 的建筑和城市规划的变化?数量惊人 的城市发 展让我们感觉眩晕。您 对质 量是否乐观? 铁凯歌:中国投入到城市发展中的精力 令人难以置信。我在实践中看到了变化: 事情在向前发展,公共空间甚至建筑的质 量有所改进。我们可以在某些项目中发现 了优质的设计,而不是自命不凡,远不像 我们在若干年前看到的那样刻板——铝 合金和烟玻璃。然而某些高层次的问题没 有解决。在交通出行方面,远远没有符合 需求的设施。汽车流量增加,人们将遇 到很大的困难。城市可持续发展— —让 城市的“新陈代谢”令人满意— —构成 另一个挑战。基础设施状态良好,但是 又出现了城市居住方式的问题。传统模 式— —在一个人口密度不大的城市,人 们住在平房里— —已经迅速消失,而住 房空间结构的重组还不令人满意。没有 中国独一无二的新模式。在中国,人们看 到一切;有大家熟知的楼房平面图,随后 成千上万地堆积起来;在我们的办公楼 下面,有一小排日式房屋,其存在方式没 有让人不舒服。所有这些拼凑在一起, 不断变化,各种影响交织,但混合的结 果最终是中国化的……变化如火如荼, 令人激动不已......

《联结》:竞争是否变得更加残酷? 铁凯歌:很难说......我们继续赢得竞标! 市场不是关闭的。中国大客户是有期望的,

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专栏

Aménagement de la presqu’île du pêcheur à Chongqing : 6 millions de m2.

重庆半岛规划:占地600万平米

Projet de rénovation des quartiers à Shanghai.

Le gigantesque terrain de jeu d’Arte Charpentier D’abord à Shanghai, de l’Opéra à la rénovation des quartiers de Luwan et Yangpu, puis à Chongqing, les urbanistes et architectes d’Arte Charpentier conçoivent à grande échelle nouveaux quartiers et immeubles. La démesure des villes chinoises s’accentue Le boom permanent chaque année. Un temps négligé, Premier français à construire en Chine, les l’urbanisme est revenu en grâce dans les architectes de Arte-Charpentier n’ont pas couloirs de nombreuses municipalités, qui tardé à embrasser le rythme de ce boom ont développé des approches différentes. permanent. Pour l’an 2000, ils doivent, par L’agence d’architecture exemple, réaliser l’avenue et d’urbanisme Arte- « Nous avons du Siècle, dans le nouveau Charpentier, installée à quartier de Pudong, en dixdû réaliser Shanghai depuis 2002 huit-mois. Une prouesse mais présente en Chine l’avenue pour la construction de cette depuis les années 1990, artère de 5,5 kilomètres de du Siècle à a bien vu cette évolulong et cent mètres de large. tion. Rendue célèbre en Shanghai « Son originalité est d’être Chine pour avoir conassymétrique. Côté nord, en dix-huit struit l’Opéra de Shanghai nous avons ainsi construit avec son toit concave en mois. » neuf jardins d’inspiration 1998, l’agence française chinoise pour donner une a toujours travaillé aussi échelle humaine », souligne bien sur des projets architecturaux que Pierre Chambron, directeur de l’agence sur des plans d’urbanisme, portée par le à Shanghai. Au milieu des innombrables développement économique des régions boulevards impersonnels des grandes agles unes après les autres. glomérations, Arte-Charpentier entend 80 Connexions / juillet 2010

avoir le souci du détail, comme pour cette avenue du Siècle pour laquelle l’agence a planché sur le thème du temps. Toujours à Shanghai, qui joue comme une implantation-phare pour les architectes français, Arte-Charpentier a dessiné le tronçon piéton de la rue de Nankin, qui part de la place du Peuple et s’arrête à quelques blocs du Bund. Terminée en 1998, elle suivait déjà un dessin assymétrique. « L’idée était de faire une ligne rouge sur laquelle serait rassemblée tout le mobilier urbain — cabines téléphoniques, poteaux, bancs... — de façon à libérer tous les côtés pour la circulation des piétons », précise Pierre Chambron. Très en vue dans la métropole chinoise, l’artère fréquentée par les touristes du monde entier, mais surtout des quatre coins du pays, a fait des émules et d’autres villes se sont réapproprié sa conception. Au-delà de Shanghai Longtemps cantonnée à Shanghai pour


L’urbanisation 城市化 夏邦杰建筑设计事务所的巨大活动舞台 首先在上海,从设计上海大剧院到改造卢湾区和杨浦区,然后在重庆,夏邦杰建

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筑设计事务所的城市规划师和建筑设计师们正在大规模地设计新的社区和楼宇。

de Luwan-sian mansion, au sud du centre-ville 在上海市中心以南,卢湾区的房屋改造规划

ses grands projets, l’agence profite aujourd’hui de la sortie de l’ombre des villes secondaires et y multiplie les projets, selon des contraintes très différentes. Taiyuan a, par exemple, fait le choix de se doter d’un nouveau centre-ville construit ex nihilo en bord de rivière. « Il s’agit d’une extension de la vieille ville pour recréer un centre administratif, culturel et un centre d’affaires », explique Zhou Wenyi, architecte-associée et directrice de l’agence Arte-Charpentier à Shanghai. Au total, cinq équipements culturels viendront animer ce futur quartier le long d’un canal de 2,5 kilomètres de long : un opéra — également signé par Arte-Charpentier, une bibliothèque, une galerie d’art, un musée municipal et un musée des Sciences. « Dans le cas de Taiyuan, il a fallu partir de rien, sans structure de la ville et apporter une idée de structure très forte », détaille Zhou Wenyi, qui attribue à l’accent mis sur les espaces publics, le succès de l’agence française au concours. Ce nouveau centre doit être relié aux quartiers plus anciens par des grandes diagonales, chargées de faire le lien. L’axe culturel devrait être achevé l’an prochain mais l’ensemble de ce projet d’envergure ne sera entièrement réalisé que dans dix ans. La responsable distingue d’autres types d’intervention urbaine

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中国城市化进程过快每年愈演愈烈。不 经意间,城市规划再次受到众多市政府的重 视,他们想出不同的方法。2002年在上海落 户的法国夏邦杰建筑设计事务所,早在20世 纪90年代就在中国开展业务,他们目睹了这 一变化。1998年,他们因设计建造上海大剧 院及其反向圆弧形屋顶在中国一举成名。这 家法国建筑事务所不仅致力于建筑设计,也 致力于城市规划,依托着一个接着一个地区 的经济发展。 持久的发展 夏邦杰建筑设计事务所是第一家在中 国进行建筑设计的法国公司,它的建筑设计 师们很快跟上了持久发展的步伐。2000年, 他们用了18个月的时间完成了长5.5公里,宽 100米的浦东世纪大道的建设,这的确是一 项壮举。夏邦杰上海公司的负责人向博荣 (Pierre Chambron)强调: “浦东世纪大道 的独到之处在于不对称的设计。在大道北侧 的人行道上,我们布置了九处具有中国特色 的花园,以便赋予一些人文的气息。”在大 城市无数缺乏特色的大街当中,夏邦杰事务 所能做到注重细节,就像为世纪大道所作的 设计,他们为其想出了时空主题。上海是法 国建筑设计师的重要据点,在那里,夏邦杰 事务所设计了从人民广场一直延伸到外滩的 南京路步行街。1998年完成的南京路步行街 已经采用了不对称的设计。 “我们的想法是 做一条红色的线,上面汇聚了所有的城市公 用设施— —电话亭、路灯、长椅等,以便腾 出所有的空间供行人通过。”向博荣明确地 说。上海南京路步行街已成为上海市的一道 景观,是世界各地,尤其是中国各地的游客 们经常光顾的大街,其他城市也竞相模仿。 上海之外 夏邦杰建筑设计事务所长期在上海完 成重大的项目,现在它也根据不同的要求, 趁着二线城市脱颖而出的时候,更多地在这 些城市里参与项目。例如太原决定从零开始 在河边建造一个新的市中心。 “这个项目是 要扩建老城区,打造一个新的行政、文化和 商务中心。”夏邦杰上海公司合伙建筑师/总 监周雯怡解释道。剧院(夏邦杰设计)、图 书馆、画廊、市政博物馆和科技馆五座文化 设施将赋予未来的市中心更多的活力,新的 市中心将沿着2.5公里长的运河而建。 “在太 原的项目里,要从零开始——没有城市的结 构并带来很强的结构设想。”周雯怡进一步 说明,她将事务所竞标的成功归功于对公共 场所的重视。新的太原市中心通过一些大的 对角线与老城区相连。文化项目将于明年竣 工,但整个项目要在十年后才能完成。 周雯怡还提到了夏邦杰事务所参与中 国城市规划的其他方式,比如与特定自然景 观结合的规划。重庆位于嘉陵江和长江交汇 处,在群山的包围之中。在重庆市,夏邦杰事 务所对一座半岛进行了规划, “那里的绿色 植被和农业保护得非常好”,周雯怡表示。 在这片占地600万平方米的土地上,他们建

议保留一个密度较大但结构严密的市中心, 尤其需要建造一些广场。可以在南部地区保 持很小的密度,充分发挥丘陵的山头和小河 的地形特色,规划一些绿色的走廊。周雯怡 说: “我们倾向于这种具有反差的解决方 案。”为了用图像表示这个在高低起伏地势 上的项目,夏邦杰事务所借助了3D模型和图 片。 “在所有的城市规划项目中,展示效果十 分重要。”尚博荣指出。市政府作为投资者, 希望对城市空间的变化有一个明确的了解。 在这个项目中,重庆市决定不损害现有的环 境。 改造的时代 时代的特征,其他的城市也开始保护自 己的老建筑。中国的城市以拆掉原来的建筑 再盖新的建筑闻名,夏邦杰建筑设计事务所 的建筑设计师们却发现有些城市更愿意改 造一部分建筑遗产。最令人印象深刻的例子 无疑是上海,她几乎在十年前就开始关注城 里的老旧房屋。现在如果我们将上海同中国 其他一些发达城市作比较,可以看到她的建 筑遗产主要是由建于十九世纪末至二十世纪 初原法租界和国际租界(典型的英伦风格) 的美丽建筑群组成。为了盖摩天大楼而被长 期遗忘,这些建筑群在区政府的支持下被 逐一改造。卢湾区的改造区域覆盖了很大一 部分在市区南面的原法租界,区政府委托夏 邦杰事务所重新规划复兴中路和思南路附 近的一排房屋。该项目占地5万平方米,其中 一半面积是旧房,现工程正在收尾,这是为 上海世博会所进行的改造项目。在规划中, 共有42幢改建的别墅,其中一部分将改成 酒店,具有典型的上海里弄风格,还有一些 新型住宅区和商业区。 “这是折射1915年到 1940年老上海建筑风格的万花筒。”尚博荣 详细地说道。目前,项目已决定扩建。在工 地的参观人员中有上海市市长韩正,他亲自 视察了施工现场。由此可见,这个新窗口工 程对上海市整体形象的重要意义。 “随着规 定的执行,上海新建筑的扩张呈现饱和,越 来越多的改造项目将展开。”尚博荣总结,他 还提到,法律规定上海市的每座建筑每天至 少保证两小时的光照。因此,新的高楼大厦 不能过多地遮挡周边的建筑。 活动舞台在扩大。在外滩以北的杨浦 区,一座近12万平方米的仓库已经被改造成 上海纺织集团的时装和纺织品区。 “我们尽 最大努力保存现有的东西。”尚博荣强调。 五月中旬,这些十九世纪二三十年代,以及 年代稍新的建筑开始陆续迎接工厂、商店、 咖啡馆、餐厅,以及一条直达黄浦江边的中

心步行街的到来。 其他的城市一直在探索他们的发展道 路,比如港口城市大连。如同很多中国城 市一样,大连就其海岸线的改造和规划进 行招标,但尚未作出最终决定。当二线城 市为吸引投资者展开白热化竞争的时候, 城市规划可能是突现其吸引力的重要论 据。

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专栏

en Chine, comme celle de la com••• position avec un site naturel particulier. Dans la ville de Chongqing, située au confluent du Jialing et du Yangzi, dans un paysage de collines, l’agence française a travaillé sur l’aménagement d’une presqu’île où « la végétation et l’agriculture avaient été bien conservées », selon Zhou Wenyi. Sur ces six millions de mètres carrés, ArteCharpentier a proposé de conserver un centre-ville assez dense mais bien structuré avec des places notamment, et de préserver une faible densité dans le sud de la zone tout en jouant sur le sommet des collines et la rivière pour aménager des « couloirs verts ». « Nous avons préféré cette solution contrastée », confie la responsable. Pour visualiser ce projet dans un site au relief accidenté, l’agence a eu recours à des maquettes et aux images en trois dimensions (3D). « Dans tous les projets d’urbanisme, il est important de montrer à quoi ça peut ressembler », note Pierre Chambron. Mairies comme investisseurs aiment se faire une idée précise de la transformation d’un espace urbain. Dans le cas de Chongqing, la ville a fait le choix de respecter son environnement immédiat. Le temps de la réhabilitation Signe des temps, d’autres commencent aussi à protéger leurs anciennes constructions. Alors que les villes chinoises ont la réputation de faire facilement table rase, les architectes de Arte-Charpentier distinguent une propension de certaines municipalités à réhabiliter une partie de leur patrimoine architectural. L’exemple le plus frappant est sans doute celui de Shanghai, qui a commencé à montrer un certain intérêt pour ses vieilles pierres il y a un peu moins de dix ans. Assez récent si on le compare à certaines villes prospères de la Chine impériale, le patrimoine de la capitale économique chinoise est essentiellement constitué de belles demeures de l’époque des concessions française et internationale (à forte présence britannique) construites entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Longtemps délaissés pour céder la place aux gratte-ciels, ces îlots sont peu à peu rénovés à l’initiative des distrcits. Celui de Luwan, qui couvre une large partie de l’ancienne concession française au sud du centre-ville, a 82 Connexions / juillet 2010

ainsi confié à Arte-Charpentier le réaménagement d’un pâté de maisons dans le quartier des rues Fuxing et Sinan. Le projet portait sur plus de 50 000 mètres carrés, dont la moitié de bâtiments anciens, et est en train d’être achevé, à la faveur de l’exposition universelle. Au programme, quarante-deux villas rénovées — dont une partie seront transformées en hôtels, des lotissements typiques de lilong shanghaiens et des logements et des commerces neufs. « C’est un catalogue de tout ce qui a pu se faire à Shanghai entre 1915 et 1940 sur le plan architectural », détaille Pierre Chambron. Une extension du projet a déjà été décidée. Parmi les visiteurs du chantier a figuré Han Zheng, le maire de Shanghai, qui est venu en personne voir le site. C’est dire l’importance de cette nouvelle vitrine pour l’ensemble de la ville. « Avec la règlementation, il y a à Shanghai une saturation dans l’expansion des bâtiments neufs et de plus en plus de projets de réhabilitation », résume le responsable, qui rappelle qu’une loi garantit deux heures d’ensoleillement minimum à chaque logement shanghaien. Les nouvelles tours ne peuvent donc plus faire trop d’ombre aux bâtiments alentours. Et le terrain de jeu s’agrandit. Dans le district de Yangpu, au nord du Bund, près de 120 000 mètres carrés d’entrepôts ont été réhabilités pour accueillir un quartier dédié à la mode et au textile sous la houlette du groupe textile local ShanghTex. « On a essayé de garder au maximum l’existant », souligne Pierre Chambron. Inaugurés mimai, ces bâtiments des années 1920, 1930 et d’autres plus récents abriteront progressivement des ateliers, des magasins mais aussi des cafés et des restaurants avec une voie piétonne centrale qui mène au bord de la rivière Huangpu. D’autres villes cherchent toujours leur voie, comme le port de Dalian. A l’instar de nombreuses municipalités chinoises, la ville du Liaoning a ouvert des concours pour réaménager son front de mer et repenser sa skyline, sans avoir encore tranché. Alors que la compétition fait rage entre villes secondaires pour attirer investisseurs, chinois comme étrangers, l’urbanisme pourrait être un argument de poids à faire valoir dans son attractivité.

Julie Desné

A Chengdu, le projet de création d’un quartier sur dité par un grand groupe de presse chinois .

Denis Laming Archi un theme park pour Comment donner du caractère à à toute allure Denis Laming, architecte français, célèbre pour la réalisation du Futuroscope à Poitiers, un village technologique regroupant un parc à thème, un Business Park high tech, un campus universitaire, une gare TGV, un palais des Congrès et des hôtels, travaille aujourd’hui à l’international, notamment en Chine. Son architecture futuriste s’accompagne d’une véritable réflexion sur l’urbanisme et, pour reprendre un concept chinois, sur l’harmonie entre concentration urbaine, qualité de vie et respect de l’environnement. Il est parfois appelé à conseiller des gouvernements en France et à l’étranger sur la politique du


L’urbanisation 城市化 建筑设计大师德尼斯·岚明:一座改变城市面 貌的主题公园 如何赋予正在全速建设的城市某些

题的活动,而且这个主题可以辐射到整

特性?德尼斯・岚明用他的独特设计来尝

个地区。他列举了以高科技为核心的普瓦

试回答这个棘手的问题。

捷“未来世界”的例子,它影响了某些该领

这位法国建筑设计大师因设计法国 普瓦捷的“未来世界”蛮声中外,这是一

© DR

在成都,由一家国内大型出版集团出资兴建的以文化和传媒为主题的园区。

tecte : changer la ville

des villes qui se construisent

成都的规划项目是私营的,投资者

校园、高速火车站、会议中心和众多酒店

是一家大型的中国出版集团。项目占地

的高科技乐园。德尼斯.岚明目前的工作范

200公顷,其中100公顷用于二期扩建。除

围遍布全世界,尤其在中国。

了围绕传媒、文化生活和艺术的主题公园

他的未来主义建筑伴随着对城市规

之外,这里还包括创意区、商业区、住宅

划的真正思考,用中国的理念来说,就是

区、商务办公区和影视放映中心等。项目

对城市人口集中、生活品质和环境保护三

设计展现了德尼斯.岚明城市规划的创意,

者之间和谐统一的思考。他时常被邀请为

尤其是功能的混合与密度的增加(最终目

法国和外国政府就城市规划的发展政策

标是超高密度),他希望能够致力于改变

出谋划策,就像他为武汉市政府所做的那

城市建设的思想观念。 现在,中国的城区是围绕着不断扩展

2007年,他还是第一位荣获中国建设

的道路交通网建起的平面,居住区、商业

部“阿波罗城市建设”桂冠的外国人,以

区和工业区等。德尼斯.岚明及其同事认为

表彰他在城市规划、可持续发展和建筑设

这样的区域划分起初就有很多弊端,尤其

计方面作出的杰出贡献,

是所有人都有同样的出行需求,导致交通

目前,他的巴黎岚明建筑设计事务所

•••

堵塞和高峰的出现。

主要负责成都一个重要项目的设计。他认

为了避免这些问题,他们建议不要从

为,这个项目是一种意愿的表达:建立一

平面而要从三维的角度思考,设计一个纵

些有意义的社区,提升这座二线大城市周

横交错的区域划分,里面各种功能混合,

边土地的价值。

相互之间离得更近。这是关于城市视角的

事实上,中国的城市面临着身份危机 和个性缺失。与它们的欧洲姐妹城市不

développement en urbanisme comme il l’a fait pour le maire de Wuhan en Chine. Il est aussi le premier étranger à avoir reçu à Pékin en 2007 le prix Apollo, un prix chinois prestigieux, décerné par le ministère de la Construction, qui récompense un travail en urbanisme, développement durable et architecture. Son agence, Denis Laming Architecte, est aujourd’hui chargée de la réalisation d’un important projet à Chengdu qui, selon lui, veut concrétiser sur le terrain une envie des commanditaires de « créer des quartiers ayant un sens et de valoriser les terrains à la périphérie de cette grande ville de second rang ».

户。

座云集了主题公园、高科技商务区、大学

样。 le thème de la culture et la communication, comman-

域的企业决定在园区附近而不是别处落

转变,从三维而不是二维的角度来规划城 市建设。

同,中国的城市不是随着时间的推移逐步

然而,这种观点不太容易被人接受。

变化,而是以疯狂的速度,受时间和数量

首先因为在三维空间内设计规划的困难,

的双重制约而发展起来的。由于数量需求

这个困难很多人都有,包括政府决策者,

还很迫切,朝着质量的变革变得很难。然

这让他们倾向于更好理解的、产生严密

而,德尼斯.岚明注意到中国政府近来颁布

而简化的行政决策/步骤的平面思考。其

的环境法规开始改变参与者的行为。

次因为在中国人的想象中,邻近意味着混

总之,要在极短的时间内安置好庞大

杂。 “十分遗憾,这种不好的看法是以前

的人口,这几乎没有给城市留出建立身份

失败的设计所造成的。现在有了一些解决

并相互区分的时间。德尼斯.岚明“主题公

方案让邻近与质量相互配合。对于政府来

园”理念的作用就在于此,它是赋予某个

说,通过作出实例来改变人们的这种看法

地方特性的方式之一。

才是关键。”德尼斯.岚明说道。比如成都

他认为主题公园不同于游乐园,它不

的项目,正在向高度密集的方向发展。德

仅是一个休闲娱乐的地方,更是一个能

尼斯.岚明很快会得到当地政府规划委员

够开发某个主题的公园,有符合这个主

会的最终批准。

• Connexions / juillet 2010 83


DOSSIER

专栏

architecture livres Dans la ville chinoise, regards sur les mutations d’un empire, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2008, 346 pages Ce livre est une somme qui aborde la ville chinoise sous neuf thèmes majeurs : Jardin, Caractère (calligraphie), Terre, Eau, Fengshui, Architecture, Familles, Destruction, Villes. Il fait écho à une exposition sur la ville chinoise qui avait été organisée par la Cité de l’architecture et du patrimoine On y trouve tissée à plusieurs voix une approche de la Chine urbaine et de ses bouleversements contemporains. Ruptures, permanences, antagonismes tant culturels que géopolitiques et sociaux sont évoqués dès l’introduction de Frédéric Edelmann, comme autant de questions ouvertes afin d’éviter toute vision simplificatrice et réductrice. Au sommaire : Dans la ville chinoise, Idéologie et transformation, La fascination de la grande échelle, Questions sur les mutations d’un empire, Des cinéastes et des villes. China Urbanizes, Consequences, Strategies, and Policies, Shahid Yusuf et Tony Saich, Banque mondiale en 2008. Cet ouvrage entièrement disponible gratuitement sur le Web est issu d’une étude approfondie de la Banque mondiale China’s Development Priorities, conduite par Shahid Yusuf and Kaoru Nabeshima, et préparée en étroite collaboration avec la NDRC (China’s National Developmentand Reform Commission). Tous les chapitres sont écrits par d’éminents spécialistes et présentent les différentes facettes de l’urbanisation en mettant l’accent sur des options et les défis de l’urbanisation : migrations, pauvreté, financement, gouvernance, utilisation de l’énergie et consommation d’eau. Elle permet de revenir sur le passé proche tout en offrant des perspectives à moyen terme. A. G. 84 Connexions / juillet 2010

En effet, les villes chinoises souffrent ••• d’une crise identitaire, d’un manque

mixité des fonctions et la montée en densité (sachant que l’objectif ultime serait de personnalité, car contrairement à l’hyper-densité), ce dernier souhaite qu’il leurs sœurs européennes, elles ne se contribue à faire évoluer les mentalités développent pas par sur l’organisation de mutations successives la ville. Aujourd’hui, « Les villes au fil des ans, mais à une les agglomérations vitesse folle, tirées par chinoises chinoises se contruisent une double contrainte : en surface autour souffrent le temps et le nombre. La de réseaux routiers mutation vers la qualité d’une crise tentaculaires, et en est rendue difficile car identitaire, zones — résidentielles, le besoin quantitatif commerciales, indusest encore pressant. d’un manque de trielles... Denis Laming et Denis Laming observe personnalité.» ses collègues pensent cependant que les règles que ce zoning est à édictées récemment par l’origine de nombreux le gouvernement central maux,notamment en matière d’environnement commencent la création des mêmes besoins de à modifier les comportements des déplacement pour tous, c’est-à-dire acteurs. d’heures de pointe et de transports Reste qu’il faut loger une population congestionnés. énorme dans des délais record, ce qui Pour éviter cela, ils proposent de ne laisse guère de temps aux villes de se raisonner, non plus en aplat mais en 3 forger une identité et de se différencier dimensions, et de concevoir un zoning les unes des autres. C’est là qu’intervient à la fois horizontal et vertical, où les le concept du « theme parc » (parc à diverses fonctions sont mélangées et thème), présenté par Denis Laming plus proches les unes des autres. C’est un comme « un des moyens de donner du changement de regard sur la ville, une caractère à un lieu ». vision en 3D plutôt qu’en 2D. Selon lui, le parc à thème, contrairement Toutefois, cette approche n’est pas au parc d’attractions, n’est pas seulement facile à imposer. D’abord à cause de la un endroit où l’on vient se divertir, mais difficulté qu’ont beaucoup de personnes, plutôt un parc sur lequel une thématique y compris les décideurs politiques, à est développée, avec des animations concevoir l’aménagement dans l’espace correspondant à ce thème qui vont en 3D, ce qui les fait pencher pour un « irradier sur la zone ». Il cite en exemple raisonnement en aplat plus intelligible le Futuroscope de Poitiers, centré sur et engendrant des décisions et des les hautes technologies, qui a influencé démarches administratives cohérentes certaines entreprises du secteur dans et simplifiées. Ensuite parce que dans leur décision de s’installer à proximité de l’imaginaire de la population chinoise, ce parc plutôt qu’ailleurs. proximité implique promiscuité. « C’est Le projet de Chengdu — privé puisque dommage, car cette mauvaise idée le commanditaire est un grand groupe est due aux précédentes réalisations de presse chinois — s’installera sur 200 malheureuses. Maintenant les solutions hectares de terrains publics, laissant 100 existent pour que proximité rime avec hectares en extension pour une possible qualité. C’est un enjeu pour les autorités deuxième phase. Il comprendra, outre que de faire évoluer cette idée en faisant le parc à thème tournant autour de la des exemples » rappelle Denis Laming. communication, de la vie culturelle et des Comme le projet de Chengdu, qui est sur arts, un village de créatifs, des commerces, le chemin de la forte densité. Ce dernier des logements, des bureaux, des centres devrait très prochainement recevoir de production sur le cinéma... l’approbation finale par le Comité Vitrine des idées de Denis Laming en d’urbanisme du gouvernement local. matière d’urbanisme, en particulier la Catherine Debeaumarché


L’urbanisation 城市化

Connexions / juillet 2010 85


DOSSIER

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专栏

Une maison de thé dans la ville d’eau de Tongli coquettement restaurée.

同里水乡一家悉心

修复的茶馆

Patrimoine

Le modèle Tongli Cette petite ville, à une heure de Shanghai, est un exemple concret de coopération franco-chinoise En 2002, Tongli obtenait le deuxième Face au développement urbain accéléré, prix national chinois de l’urbanisme et le l’idée était de mettre en place, à partir deuxième prix du comité du patrimoine d’un site réel, un modèle de protection du mondial de l’UNESCO pour l’Asie-Paci- patrimoine. La petite ville de Tongli, à une fique. Deux récompenses pour un projet heure de Shanghai, a été choisie. Située à expérimental visant à mettre en valeur le proximité du Lac Tai, née au Xe siècle, elle patrimoine urbain et paydevient une ville commersager tout en intégrant des çante à partir du XVIe siècle. mesures économiques et « Nous Traversée par des canaux, des projets d’architecture elle possède la beauté parsouhaitons contemporaine. C’est dans ticulière des villes d’eaux le cadre du programme de que Tongli et a conservé des rues et coopération pour la protec- reste des maisons anciennes, tion du patrimoine, initié ainsi que de jolis ponts en par le centre du patrimoine une ville pierre, pavillons et kiosques. mondial de l’UNESCO et le vivante. » Attirés par l’harmonie et ministère de la Construction la tranquillité de Tongli, chinois en 1998, que s’est enfonctionnaires à la retraite gagée cette coopération franco-chinoise et intellectuels en ont fait leur résidence. entre l’Observatoire de l’architecture de la Elle possède également une culture locale Chine Contemporaine et le Centre National riche et un artisanat diversifié. Depuis 1998, de Recherches sur les Villes Historiques Chi- Tongli a connu un développement tourisnoise (CNRVH) associé à l’Université Tongji, tique très rapide. De moins de 500 000 en à Shanghai. 1998, le nombre de touristes annuel est 86 Connexions / juillet 2010

La vieille ville de Kashgar menacée par sa restauration.

passé à 800 000 en 2000 pour atteindre plus d’un million en 2005. S’il a bénéficié au développement économique, cet accroissement considérable du tourisme a aussi entraîné la multiplication des boutiques pour tou-ristes qui représentent une menace pour l’authenticité et la tranquillité de Tongli. « Dés le début de notre coopération en 1999 » dit Shao Yong1, professeur au département d’architecture et de planification urbaine de l’université de Tongji à Shanghai, « nous avons insisté sur l’importance d’une protection intégrée. Nous souhaitons que Tongli reste une ville vivante. C’est pourquoi nous avons pris en compte à la fois patrimoine matériel et immatériel, c’est à dire le bâti, l ‘environnent naturel mais aussi les traditions locales » Un plan de sauvegarde et de mise en valeur a été mis en place, inspiré par le système français des Secteurs Sauvegardés2 et des ZPPAUP3. Suite à un inventaire très précis, des règlements ainsi qu’un ouvrage de recommandations ont été rédigés pour la protection des bâtiments, des ponts historiques, des canaux et des réseaux de ruelles. Une hauteur limite a été définie pour la construction de nouvelles habitations. Parallèlement, des enquêtes ont permis d’identifier les situations de précarité sociale et de chercher des solutions. La zone de protection a été élargie pour inclure l’environnement naturel autour de Tongli. A partir de 2000, des infrastructures ont


L’urbanisation 城市化

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Des quartiers historiques pour tous

受餐饮业威胁的喀什古城

été progressivement installées dans la ville ancienne. Illustration de cette volonté de promouvoir un patrimoine vivant, l’équipe franco-chinoise a travaillé pour redonner une seconde vie aux bâtiments historiques en les convertissant en maison d’hôtes, en maison de thé et en salles d’exposition pour les arts traditionnels locaux. Afin de sensibiliser les habitants et les touristes à la protection du patrimoine, une maison du patrimoine a été créée au cœur de la ville ancienne. « Elle est le symbole de notre démarche », dit le professeur Shaoyong, « Une construction moderne qui s’inscrit harmonieusement dans l’environnement traditionnel ». Parmi ses projets, la création d’une liaison avec les autres villes d’eaux grâce à la mise en place de réseaux de canaux et le développement des partages d’expériences pour la protection et la gestion du patrimoine. « La coopération engagée avec la France est atypique et très positive » conclut-il. « Atypique car elle s’appuie sur des réalisations concrètes, pas seulement sur des ateliers ou des échanges théoriques ». Pauline Bandelier

1 Francophone, Shao Yong qui a suivi pendant un an la formation post-concours de recrutement pour les architectes et urbanistes de l’Etat à Paris, vient de publier en chinois un livre sur les enjeux de la coopération franco-chinoise Equilibre et harmonie, protection et mise en valeur du patrimoine urbain et paysager en France. 2 La loi Malraux du 4 août 1962 permet de protéger un secteur urbain caractéristique lorsqu’il présente un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration ou la mise en valeur de tout ou une partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non 3 Les Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager Instituées par la loi du 7 janvier 1983permettent d’assurer la protection du patrimoine architectural et urbain.

« Comme dans de nombreux pays, la Tongji de Shanghai, avec notamment Chine est dotée de lois de protection les Prs. Ruan Yisan, Zhou Jian et Shao du patrimoine monumental et de sites Yong. D’autres partenaires ont été assoculturels, mais, dans les quartiers his- ciés depuis, tels que l’Ecole de Chaillot toriques et les villages, le contenu de (France) et l’Institut du Patrimoine monces protections, les aides financières dial pour la formation et la recherche qui les accompagnent et les modes - Asie et Pacifique2. de gestion courante sont bien moins Face aux transformations rapides des élaborés qu’en France », explique Alain villes chinoises et aux destructions Marinos1 architecte et urbaniste, qu’elles entraînent, l’équilibre est difficonservateur général cile à trouver, souligne du patrimoine, expert Alain Marinos. Si ceret professeur invité « On ne peut pas tains sites emblémade l’université Tongji répondre à la tiques justifient une de Shanghai depuis protection forte, il n’est 2005. Dans la seconde table rase pas possible de répondre à la « table rase » moitié du XXe siècle, la par la par la « muséification » France s’est en effet dotée d’outils d’urba- muséification. » de tous les lieux patrinisme spécifiques que moniaux, notamment sont les secteurs saulorsqu’ils sont habités. vegardés créés en 1962 et les ZPPAUP Le besoin de replacer les habitants au en 1983/1993, aujourd’hui utilisés dans centre de la problématique de la préla grande majorité des villes de France. servation du patrimoine conduit à l’enMenées conjointement par l’Etat et gagement, depuis 2006, avec l’univerles collectivités locales, ces politiques sité de Tongji, dans l’action menée par permettent de valoriser le patrimoine l’UNESCO: « Des quartiers historiques tout en résorbant des îlots d’habita- pour tous, une approche sociale et hution insalubres et en conservant pour maine pour une revitalisation durable ». les habitants le droit et la possibilité de Un guide à l’attention des professionrester sur place, grâce aux opérations nels de la ville a été créé ; un colloque programmées d’amélioration de l’ha- « Urbanisation/globalisation : les habibitat (OPAH), aux périmètres de restau- tants dans la ville » a été organisé3 qui ration immobilière (PRI) et à l’action des fait dialoguer sociologues, urbanistes et sociétés d’habitations à loyer modéré. décideurs politiques français et chinois En Chine, de tels outils sont encore en avec une approche interdisciplinaire, cours d’élaboration. des réflexions et expérimentations sur Collaboration franco-chinoise la fonction que peut exercer le patriLa coopération franco-chinoise est moine dans la recherche d’une évonée, il y a douze ans, de la volonté du lution « soutenable » des villes et des Centre national de recherches sur les territoires. P.B. villes historiques (Chine) d’engager un partenariat privilégié avec un pays 1Traduction française : « la tradition et le patrimoine ne signifient pas conserver les cendres mais garder la flamme européen. La Direction générale des allumée ». Membre de la Commission nationale des monuments patrimoines a participé activement à 2historiques, il travaille régulièrement comme expert dans cette coopération initiée par Françoise le cadre de coopérations internationales, notamment pour l’UNESCO. Depuis 2005 il est professeur invité de l’université Ged, aujourd’hui rattachée à la Cité Tongji de Shanghai. de l’architecture et du patrimoine. Les 34Voir rubrique « coopération avec la Chine sur le site < premiers partenaires chinois furent, http://alainmarinos.jimdo.com > outre le Centre national de recherche sur les villes historiques, l’Université

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DOSSIER

专栏

Annoncé à Shanghai en 1997 par Jacques Chirac, qui a répondu favorablement à l’appel d’un groupe d’architectes professionnels et de sinologues français, le programme a été mené jusqu’en 2005. Au départ prévu pour 50 architectes, il a été relevé à 150 en raison de son succès. Coordonné à Paris par l’Observatoire de la Chine contemporaine il avait pour objectif de faire venir dans l’Hexagone des jeunes diplômés d’architecture chinois ayant 5 à 10 ans de pratique professionnelle, pour compléter leur formation jusqu’à une durée d’un an et leur donner un aperçu de la pratique du métier en France. De l’avis général, le bilan est plutôt positif : le programme a créé de nombreux ponts, et donné naissance à un réseau d’architectes chinois francophones. Wang Yi, architecte à Pékin, se dit très content d’avoir eu « une fenêtre d’ouverture sur la France ». Pourtant, des voix critiques se sont aussi fait entendre côté chinois, certains participants reprochant au programme de renvoyer des professionnels avertis, souvent promis à des postes importants, sur les bancs de la fac, et de les envoyer en stage dans des entreprises soucieuses de récupérer des contrats en Chine. Zou Huan, professeur associé à Tsinghua, n’a jamais eu ce problème. « Je faisais partie de la première promotion et ça s’est vraiment bien passé. Il est possible qu’avec le temps, des agences aient changé de stratégie. » Pour un architecte français, qui souhaite rester anonyme, la France a manqué là l’occasion d’envoyer de jeunes diplômés français en stage ou en université en Chine. Aujourd’hui la coopération franco-chinoise s’est recentrée sur le développement durable, et un nouveau programme a été lancé l’an dernier : « 50 urbanistes chinois en France ». Trois volets ont été définis : formation en master pendant un an au cycle d’urbanisme de Sciences Po ou à l’école des Ponts Paris Tech, stage, ou court séjour d’étude pour les professionnels accomplis.. H.D.

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Trop souvent l’urgence conduit au « copié-collé ».

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Coopération : « De 50 architectes à 50 urbanistes »

急迫经常导致千篇一律。

Le marathon des architectes en Chine

Urgence des échéances et projets surdimensionnés rendent passionnant et difficile l’exercice du métier d’architecte

S’il y a un pays où les immeubles poussent plus vite que leur ombre, c’est bien en Chine. En 2007, la moitié des nouveaux bâtiments construits dans le monde le furent en Chine, et en 2018, le marché de la construction chinois aura dépassé celui des Etats-Unis, affirme le cabinet Global Construction Perspectives*. Le diesel de ce boom est évidemment l’urbanisation : en 30 ans de réformes, la population urbaine est passée de 19% à 46,6%. Peu développé il y a quinze ans, le métier d’architecte a depuis naturellement fait florès, et les cabinets étrangers se sont précipités sur la manne chinoise. Objectif : répondre à la fois à l’énorme besoin en infrastructures publiques, en logements et en constructions « cartes de visite » pour des villes à la recherche d’une identité visuelle, ce que Françoise Ged, directrice de l’Observatoire de l’Architecture de la Chine contemporaine à Paris, appelle le « marketing international des villes ». Quel constat peut-on dresser aujourd’hui dans un pays qui fait figure de paradis pour architectes ? D’abord que si les grands

cabinets étrangers, très attendus sur le terrain, ont réussi, en dix ans, à se faire un nom, une trentaine d’architectes chinois, tel Ma Quigyun et son agence MADA s.p.a.m.1, sont aussi devenus des vedettes, même si les bâtiments emblématiques telle la tour de CCTV restent l’apanage des étrangers. Des projets démesurés Ce qui fait courir les architectes en Chine, c’est d’abord la taille et le nombre de projets. « Quand je suis arrivé en Chine il y a 12 ans, c’était le Far West. Tout était possible et c’est encore vrai aujourd’hui », raconte Gabriel Delage, co-fondateur du cabinet Vector Design, à Shenzhen. Comme dans la France des années 50 et 60, en Chine, les architectes ont en charge de planifier rien moins que des villes. Alexandre Perrossier, directeur de projet au cabinet Valode &Pistre à Pékin, connaît bien le sujet : il travaille sur un projet de centre commercial de 100 000m², auquel se greffera un autre de 30 000m², deux ou trois hôtels de 30 à 40 étages, 200 à 300 villas étalées sur 1 million de m². Le tout


L’urbanisation 城市化 dans trois villes différentes. Autant dire que par rapport à la France, où un projet de 2 000 m² est déjà considéré comme un beau projet, l’aventure chinoise est plutôt grisante. Mais tous les architectes installés en Chine ne sont pas amenés à bâtir des bâtiments expérimentaux, fruits de leur fertile imagination. Comme l’explique Emmanuel Breffeil, directeur exécutif du cabinet Suda2, « les prouesses techniques ne représentent que 0,2% des nouveaux bâtiments construits en Chine ». Et à en croire Zou Huan, professeur associé au départementd’architecturedel’Université de Tsinghua, « si la liberté de créer est réelle au niveau des esquisses, elle n’est pas nécessairement respectée par le maître d’ouvrage, qui n’a pas toujours une grande culture architecturale et n’imagine pas qu’il est important de respecter le projet de l’architecte ». Ceci est encore plus vrai pour les cabinets étrangers. N’ayant pas de licence leur permettant de réaliser les plans de construction, à moins de passer l’examen en chinois, donc de connaître sur le pouce toutes les règles de construction en Chine, ils n’ont pas les moyens de vérifier que les plans d’exécution correspondent point par point à leur projet de départ. « Nous soumettons notre design à un institut qui réalise 60% de notre projet, explique Francis Jacquier, partenaire du cabinet Archiplein, à Shanghai. Il y a des problèmes de transformation du design car les architectes qui reprennent le projet, n’étant pas à la source, sont moins impliqués et ne réfléchissent pas au concept initial. » Là où le métier perd son charme L’architecte chinois (s’il n’a pas de licence) ou étranger n’intervenant pas sur les plans de construction, sa mission s’en trouve donc réduite au dessin et il n’a aucune responsabilité sur la qualité du bâti. « Les architectes sont considérés comme des exécutants voire des fairevaloir publicitaires par les promoteurs ; ils ont peu de marge de manœuvre sur le système », explique Andrea Destro, du cabinet sino-italien Studio Archea. « Les villes chinoises obéissent à un modèle qui veut que l’on détruise pour reconstruire plutôt que d’essayer

d’améliorer le bâti existant, poursuit-il. Au final, cela donne des villes sans vie, où l’espace libre est occupé par la voiture et les infrastructures. » A cela s’ajoute la difficulté de faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Gagner un concours ne se matérialise ainsi pas nécessairement par un contrat. « C’est la première fois que gagner en Chine nous permet aussi de construire », plaisantent les architectes du consortium AADI, qui ont réalisé le Pavillon Alsace à l’Exposition universelle de Shanghai. Le reste de leurs esquisses ayant fini entre des mains d’architectes chinois. Si le maître d’ouvrage juge qu’une idée est bonne, il n’aura en effet guère de scrupules à changer quelques détails et à la confier à un cabinet chinois, souvent plus compétitif. « En Chine, les promoteurs ont recours aux services d’un architecte des questions d’image, alors qu’en France on va chercher le savoirfaire », souligne Alexandre Perrossier. Le client est roi Résultat, l’architecte est souvent à la merci des desiderata parfois farfelus de son client, qui n’hésite pas à changer d’avis au dernier moment ou à prendre des rendez-vous du jour pour le lendemain. « Les architectes chinois talentueux ont du mal à s’exprimer du fait de la pression des promoteurs immobiliers qui considèrent qu’ils sont à leur service, analyse Zou Huan, de Tsinghua. Souvent, ils se contentent d’obéir et ne se reconnaissent pas dans leurs projets. » Gabriel Delage, de Vector Design, est aussi très critique : « L’architecture de tous les jours se résume à un travail de façade. Les architectes font du copié collé jusqu’à ce que le résultat plaise au client. » A la pression du client, s’ajoute un rythme de travail très soutenu. « C’est d’autant plus fatiguant que les délais de réalisation sont beaucoup plus courts qu’en France », souligne Zhou Wenyi, associée du cabinet Arte Charpentier à Shanghai. En moyenne, les architectes planchent jusqu’à deux mois maximum sur des projets de quelques dizaines milliers de m², contre le triple, voire plus, en France. Dans l’urgence, souvent entre deux avions, ils n’ont pas toujours le temps de peaufiner. Autre perversité

du système : les esquisses n’étant pas des mieux rémunérées, les cabinets ont intérêt à multiplier les projets pour faire du chiffre, et à voir si possible les choses en grand, la rémunération étant liée à la taille des projets. Difficile donc, dans ces conditions, de tabler sur une qualité optimale de construction. Comme les esquisses de départ sont peu détaillées, les plans de construction ne sont pas toujours très précis et beaucoup de choses se règlent sur le chantier. « On est souvent dans le bricolage, note Gabriel Delage. Il y a quelques années, il n’y avait plus assez de briques couleur orange sur un chantier. Voyant ma déception, le chef de chantier a demandé à des paysans de couper les briques restantes pour faire du placage. Voilà comment ça se règle. » Le grain de sable Les contraintes liées au pays sont aussi à prendre en compte : normes de construction différentes d’une province à une autre, mais aussi importance des relations personnelles, nouées dans les dortoirs de la fac, voire des « cadeaux » pour accéder à la commande ou faire baisser le prix des terrains. A contrario, l’absence de relations peut faire capoter un projet sans raison apparente. « Il suffit parfois d’un pion mal placé pour que tout s’arrête, dans la mesure où le responsable du projet n’est pas forcément celui qui a toutes les ficelles en main », témoigne Gabriel Delage. Si explosion urbaine ne va pas forcément de pair avec révolution architecturale, les talents ne manquent pas et la méthodologie chinoise est solide. « Demain, les architectes chinois seront certainement beaucoup plus présents à l’étranger », souligne Emmanuel Breffeil. En attendant, comme le note Alexandre Perrossier, « le défi est d’établir une relation avec un client pour lui faire comprendre que le bâtiment n’est pas qu’une réalisation constructive, mais aussi un peu de rêve et de poésie. » Alors seulement, le métier est intéressant.

Hélène Duvigneau

* voir connexions numéro 53 1 http://www.globalconstruction2020.com/ 2 Sustainable urban development & architecture 3 China Academy of Building research, http://www.cabr.com. cn/engweb/index.htm

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DOSSIER

专栏

Obstacles

Les « trois frères » de la construction

Choun Yon Lieu, ingénieur BTP, est fon- Connexions : En quoi consiste votre métier ? dateur et CEO de Global Management Choun Yon Lieu : L’OPCG (ordonnancement, Corporation (GMC), une société de pilo- pilotage, coordination et gestion), souvent tage des travaux qu’il a créée en France appelé « pilote » des travaux en BTP. Dans en 2000. Il a présidé, d’avril 2008 à mars la construction, plusieurs acteurs intervi2010, la commission construction de la ennent : le maître d’ouvrage (investisseur), Chambre de Commerce de l’Union Euro- le pilote qui aide l’investisseur à diriger péenne à Pékin. C’est en 2002 à Pékin et les travaux et éventuellement à rédiger en 2004 à Shanghai qu’il installe en Chine les contrats..., l’architecte, les bureaux ses filiales à 100% frand’études et d’ingénierie, çaises d’assistance à « Les sociétés le bureau de supervision la maîtrise d’ouvrage. étrangères (contrôle de qualité) et les Les débuts sont entreprises générales. En prometteurs. Sa so- n’ont remporté Chine, très récemment, ciété pilote les travaux que 2% des se sont ajoutés d’autres de construction des corps de métier tels que projets de magasins Carrefour les sociétés chargées du de Zhongguancun construction. » contrôle des coûts et celles (Pékin) et de Wanli habilitées à rédiger les ap(Shanghai), en 2002pels d’offres. A noter qu’en 2003, après avoir été Chine, les fournisseurs consultant pour la construction de plu- d’équipements et de matériaux doivent sieurs magasins Carrefour de Qingdao aussi répondre à une qualification partiet d’Urumqi. Il a travaillé également au culière. Tous ces intervenants constituent projet de traitement des eaux usées de l’ensemble du secteur de la construction : Veolia Water à Pékin, aux deux premiers un marché colossal en Chine et très conmagasins de Decathlon à Shanghai et trôlé par les pouvoirs publics. à Canton, aux deux premiers magasins C. : Pouvez-vous nous expliquer en quoi le fonc- de Champion à Pékin. Mais le marché tionnement du marché de la construction 100% chinois reste impénétrable. Huit en Chine peut défavoriser la plupart des entreprises ans après ses débuts, le ministère de la étrangères ? Construction chinois ne luia toujours pas C. Y. L. : En Chine, l’investisseur fait travailler occtroyé la qualification indispensable trois acteurs principaux que j’appelle les pour répondre aux appels d’offre. Choun « trois frères » : l’Institut de design, le buYon Lieu a choisi d’intervenir dans Con- reau de supervision et les constructeurs nexions pour s’exprimer, à titre privé, sur (entreprises générales). Le gouverneles différents obstacles à la pénétration ment homologue chacun de ces trois des entreprises étrangères sur le marché acteurs pour s’assurer que la construcchinois de la construction. Il plaide pour tion a bien été conçue et réalisée selon plus de transparence, un plus grand les normes locales et nationales et que respect de l’hygiène et de la sécurité sa qualité a bien été contrôlée. En resur les chantiers, pour le bien-être de vanche, en Chine, mon métier de maître ceux à qui on fait prendre des risques d’ouvrage délégué (pilotage), n’existe à inutiles. Il plaide aussi pour une plus proprement parler que depuis fin 2004. grande solidarité entre entreprises fran- Les autorités considéraient auparavant çaises et européennes afin de promou- que ce travail était effectué par les trois voir les savoir-faire internationaux, pour acteurs principaux. Le problème, c’est l’amélioration de la qualité, de l’hygiène, que, pour être habilitée à travailler sur le de la sécurité et de l’environnement des marché chinois, toute société, étrangère projets en Chine. ou non, doit répondre à des conditions 90 Connexions / juillet 2010

draconiennes, de fait, beaucoup plus difficiles à remplir pour les sociétés étrangères. Ces conditions portent à la fois sur le montant des capitaux immobilisés, sur le nombre des experts et des ingénieurs locaux qu’elle emploie et sur les expériences réalisées en Chine. Depuis 2004, le décret 155 exige la qualification pour répondre à des appels d’offres. Ma société GMC ayant été créée en 2002, donc avant la publication des lois concernées, j’ai immobilisé un capital de 350 000 euros, sans parvenir toutefois à maintenir un nombre d’ingénieurs locaux permanents suffisant pour être qualifié. Résultat : le MoHURD ne m’a toujours pas accordé ce sésame malgré mes états de services passés, y compris en Chine. Je ne peux plus répondre aux appels d’offre, même si j’ai toujours une licence, non reconnue officiellement, qui me permet de travailler de gré à gré. C. : En quoi le fait d’être une société étrangère vous a-t-il défavorisé ? C. Y. L. : En Chine, les sociétés chinoises trouvent, beaucoup plus facilement que nous, les moyens de remplir les conditions requises par le MoHURD, plus sévère envers les étrangers. De plus, la grande majorité des sociétés chinoises dans la construction sont liées directement ou indirectement aux pouvoirs publics et répondent donc forcément aux exigences. Je constate que, malgré l’adhésion à l’OMC, la Chine reste très protectionniste. C. : Quelles sont les restrictions, particulières à la Chine, qui handicapent les entreprises étrangères dans la construction ? C.Y. L. : Chaque corps de métier connaît des limitations. En Chine, le métier d’architecte est très récent. C’est l’Institut de design qui a toujours été l’acteur principal en Chine. Un architecte seul ne peut que concevoir l’enveloppe et la décoration. Il a, en outre, des obligations en matière de capital, de nombre d’employés qualifiés et d’expériences en Chine. Et les pouvoirs publics hésitent à donner plus de pouvoir aux archi-


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L’urbanisation 城市化

La sécurité sur les chantiers n’est pas assez bien assurée en Chine. 在中国,建筑工地的安全往 往没有保障。

tectes étrangers ou privés. Ils préfèrent s’adresser aux DSI locaux qui sont publics. Quant aux grands bureaux d’études étrangers, ils doivent s’associer avec des bureaux chinois sous prétexte qu’ils ne maîtrisent pas les normes locales. En ce qui concerne les bureaux de supervision, quelques sociétés étrangères ont demandé la qualification, mais très peu l’ont obtenue. C’est un secteur très sensible. Enfin le marché chinois est fermé aux entreprises générales de construction, notamment à cause des conditions de capital et de maintien d’experts et d’ingénieurs qualifiés. Pour des sociétés comme Vinci ou Bouygues, obtenir la qualification qui permet d’accéder aux gros chantiers demande d’investir 28 millions d’euros de capital sans visibilité d’obtention des contrats. C. : Croyez-vous au potentiel du marché de la construction chinois pour les sociétés étrangères ? C. Y. L. : A ce jour, non ! En Chine, les coûts prévalent, même pour des investisseurs français ou européens, au détriment de la qualité, de la protection, de l’hygiène, de la sécurité et de l’environnement. A part quelques immeubles de prestige, la qualité de la construction laisse encore à désirer. Le fait que nous fournis-

sions un service de qualité n’est pas vraiment pris en considération. Il faut savoir que l’ensemble de toutes les sociétés étrangères liées à la construction (hors Hong Kong et Taiwan) n’a gagné que 2% du nombre des projets en Chine. Et sur ces 2%, une grande partie du chiffre d’affaires va aux partenaires chinois et aux coûts de fonctionnement et d’opération en Chine. Les sociétés étrangères sont tenues de travailler avec des partenaires locaux ou nationaux, même sur des projets financés à 100% par les investisseurs étrangers. Quant au marché des investisseurs, 100% chinois, il reste très fermé. L’intervention d’une société étrangère est souvent réduite au minimum : assistance technique ou consultant spécialisé. Ces dernières années, même les investisseurs étrangers se passent de nos services pour diminuer les coûts. Et les maîtres d’ouvrage, les promoteurs, n’ont pas besoin de nous puisque le retour sur investissement des projets est tellement rapide qu’ils n’ont pas besoin d’être exigeants sur la qualité. Je m’interroge sur l’évolution des immeubles inoccupés, souvent de qualité médiocre. Les « trois frères de la construction » s’entendent tellement bien

— les autorités n’intervenant que lors de la réception finale —, qu’il est difficile, même pour un maître d’ouvrage, de mesurer la qualité du bâtiment. Je suis persuadé que la Chine a besoin de nous, sur le fond, pour réaliser des constructions de qualité et garantir un meilleur respect du bien-être des ouvriers. Aujourd’hui encore, le port des chaussures de sécurité n’est pas obligatoire sur les chantiers et la majorité des casques ont dépassé la date limite d’usage. La Chine a besoin de nous pour des projets verts et durables. Une société de construction européenne ou anglo-saxonne ne peut, par principe, s’autoriser ce non-respect des gens. Je voudrais aussi plaider pour que les sociétés françaises ou européennes choisissent davantage des maîtres d’œuvre ou des PME français ou européens, et promeuvent des fournisseurs français ou européens, malgré leur coût. C’est une vitrine précieuse pour nos entrepreneurs. C’est une question de solidarité. Et cela permet après la réalisation, d’être fier de présenter un projet, avec une qualité proche du « made in France » ou « made in Europe ». C. : Vous avez été, pendant deux ans, à la présidence de la commission construction de la Chambre de Commerce de l’Union Européenne. Que pensez-vous de l’action de l’Union Européenne dans ce domaine ? C. Y. L. : Depuis novembre 2009, la délégation de l’Union Européenne a répondu positivement à mon appel au soutien des sociétés de construction européennes. Ils nous aident à établir une meilleure communication avec les autorités chinoises, en vue d’une évolution des lois restreignant la pratique des entreprises étrangères de construction, et d’une pratique plus libre et plus transparente de nos métiers, qu’ils en soient remerciés. Je crois fermement que cette évolution permettrait l’accélération du développement durable en Chine qui ne peut que profiter, de manière naturelle et à l’amiable, de tous nos savoirfaire. Mon objectif reste une construction, meilleure et durable, des bâtiments et travaux publics en Chine. Propos recueillis par Anne Garrigue

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DOSSIER

专栏

Aux premières loges de l’urbanisation chinoise Eau, traitement des déchets, énergie, transports… L’aventure de Jorge Mora, CEO de Veolia environnement Chine, accompagne la poussée chinoise vers l’urbanisation.

La première usine du groupe Veolia en Chine,

Connexions : En quinze ans, la présence de Veolia s’est affirmée en Chine. En 1994, vous étiez arrivé seul. Comment êtes-vous parvenu à ce résultat ? Jorge Mora : D’abord une remarque. Les gens qui prétendent être arrivés en Chine pour apporter l’hostie aux populations sont des menteurs. Quand je suis arrivé, les villes chinoises n’avaient pas besoin de moi. C’est moi qui avais besoin des villes chinoises. Nous sommes venus en Chine prendre des parts de marché car nos propres marchés étaient saturés. Nous ne sommes pas venus nourrir la Chine. C’est la Chine qui nous nourrit. Deuxième remarque : l’accès au marché chinois n’est pas lié au fait que les Chinois ne savaient pas faire sans nous. Ils ont raté la première révolution industrielle mais 92 Connexions / juillet 2010

ils sont en train de nous rattraper. Et ils n’avaient pas attendu la venue de nos entreprises pour s’occuper de leur environnement urbain ou de leur eau. Ce qui se fait aujourd’hui est, certes, de meilleure qualité mais on oublie trop que, dans la France des années 70, le traitement des déchets était déplorable. Nous n’avons pas une telle avance.

C. : Pouvez-vous revenir sur l’histoire de l’implantation de Veolia ? J.M. : Le groupe, qui s’appelait alors encore la Générale des eaux, est arrivé en 1992 à Macao, à l’époque sous domination portugaise. En RPC, nous avons tenté un démarrage dès fin 1994, l’année où je suis arrivé en Chine. J’ai suivi cette installation de très près. Je suis parti seul à la suite

d’une conversation avec le président du groupe, à qui j’avais confié ma conviction que le siècle à venir serait chinois et qui m’avait proposé d’y aller. A l’époque, la Chine se plaçait aux environ de la 100 e position sur le classement mondial PNB. Mais les Chinois ne m’attendaient pas pour autant ! J’ai vite compris que ni les maires, ni les vices-maires ne me recevraient. Les opérationnels me parlaient de temps en temps, sans résultat. Je constatais que les villes fonctionnaient, distribuaient de l’eau, nettoyaient les rues, transportaient et chauffaient les populations. Je ne pouvais pas me contenter d’attendre. Alors j’ai battu la campagne. J’ai visité ce pays de fond en comble pour comprendre comment allaient se faire

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L’urbanisation 城市化

construite à Tianjin en 1997.

威立雅在中国的首家工厂,1997年建于天津

中国城市化的最佳见证人 水务、废弃物处理、能源、交通……威立雅环境中国首席 执行官穆桥石的经历伴随着中国城市化的推进。 《联结》:威立雅15年里在中国站稳脚跟。 1994 年,您只身来到中国。您是如何获得 今天的成就的? 穆桥石:首先要指出的是:那些自认为到中国 给中国人恩赐的人都在说谎。当我初来乍到时, 中国的城市并不需要我,而是我需要中国的城 市。我们来中国获取市场份额,因为我们自己的 市场已经饱和。我们不是来供养中国的,而是 中国供养我们。 第二个要指出的是,进入中国市场不是因为少 了我们,中国人就不知该怎么做。中国人错过了 第一次工业革命,但他们正在奋起直追。他们没 有期待我们的企业来管理他们的城市环境或 水务。的确,我们提供的服务拥有最好的品质,

但不要忘记,在20世纪70年代的法国,废弃物 处理情况还很糟糕。我们并非领先那么多。 《联结》:能否请您回顾一下威立雅进入中 国的历史? 穆 桥石:1992年,威立雅来到时为葡萄牙殖 民地的澳门,当时集团还被称为法国通用水务 公司。在中国大陆,我们是从1994年底开始起 步,这一年我来到中国,亲自负责驻华机构的设 立。在与集团总裁的一次谈话后,我只身前往 中国。我对他说,我坚信“下个世纪将是中国 的世纪”,他建议我来中国。那时,中国的国民 生产总值排在世界第100位。但中国人并未期 待我的到来。我很快明白无论是市长还是副市 长都不会接待我,办事人员不时地和我谈话,

然而没有任何结果。我注意到城市在运作,供 水、清扫街道、运输和供暖。我不甘于等待,于 是开始征战。为了了解中国的城镇人口如何迁 移,我彻底走遍了中国。我从西藏和新疆开始, 以锤炼个人的信念。3年里,我四处旅行没有签 任何生意。不过这一过程让我意识到中国将以 极快的速度城市化,我注意到城市对农村人口 的吸引力。20世纪80年代初,中国的城镇人口 只有2亿,如今已接近6亿,到2020年将会占中 国人口总规模的55%到60%。届时,城市将成 为真正的国家,有些甚至比法国还大。我在中 国的16年相当于在欧洲的一个世纪。渐渐地, 我发现自己越来越被关注。我在西装左胸口 袋里插着一块引人注意的袋巾,并朝着人们微 笑。有时我觉得自己变成了漫画人物,永远带 着一成不变的笑容。但我很快意识到这是我唯 一的武器。中国是个形象的国家。我们的文字 形成声音,代表一些理念。而他们的文字代表 一个形象。我相信,在中国要被理解和理解, 必须经常使用形象。如果我们仍如在西方一 样解释理念,往往会误导人。由于中国人不希 望让我们丢脸,他们不会对我们直说,但实际 上,深层的不理解会让他们对我们紧闭大门。 必须通过个人魅力进行交流。中国人有些搞个 人崇拜,图象、照片、男女都很重要,因为这些 是形象。毛主席的照片一直悬挂在天安门上, 这是形象的力量,是通过形象诠释理念。我认 为如果让我来介绍Compagnie générale des eaux(法国通用水务公司的法文说法)这个无 法用中文发音的字眼,向中国人介绍法国的模 式……他们是不会马上表示出兴趣的。但是,我 尽量做得让他们觉得我令人愉快、乐于再见到 我、信任我、觉得我为人真诚——这是中国式 的理念,以便让我在城市里被接纳,把我这个 野蛮人变成受人尊敬和自由的文明人。这需要 时间。为了被接纳,必须递交国书,让人们接纳 你、尊重你。为此,必须先尊重他们。只有你尊 重了他们,他们才会尊重你。 《联结》:接下来呢? 穆桥石:我们的业务遍布全国各地,经由北京 和上海,从深圳到天津,从重庆到哈尔滨,签 订了在水务、废弃物处理、能源、还有少量公 共交通(从2008年起,在南京的项目)领域为 期至少20年的合同。1997年,我们在天津获得 了在中国的第一个项目,天津是我们发展的摇 篮。一年之后有了在四川成都的第二个大项目, 真正开始是在2000年以后。 在水务领域,我们1997年在天津起步,1998年 进入成都,2002年来到上海。我们用了3年时 间获得第一份在天津的合同(天津凌庄水厂 20年经营和维护合同,为185万居民提供饮 用水),又用了1年时间获得第二份在成都的 合同(它是第一个BOT合同,为期18年,我们 与日本丸红株式会社合作,为266万居民提供 饮用水),4年后获得在上海浦东的一个大项 目(第一个允许国外企业提供完整供水服务 的合同)。此后合同接踵而来:2002年珠海, 2003年青岛,2003年深圳,2004年呼和浩特, 2005年常州,2005年昆明,2006年北京石化, 还有柳州、兰州、海口和天津等地。 在废弃物处理领域 ,我们于1 9 9 8 年

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DOSSIER

专栏

les transhumances. J’ai commencé ••• par le Tibet et le Xinjiang pour me forger une conviction personnelle. Pendant trois ans, j’ai voyagé sans signer d’affaires. Cela m’a quand même fait comprendre que ce pays allait s’urbaniser à très grande vitesse. J’observais l’attraction qu’exerçaient les villes sur les ruraux. Au début des années 80, seulement 200 millions de Chinois vivaient dans les villes. Aujourd’hui, on est à près de 600 millions et on sait que vers 2020, il devrait y avoir 55 à 60% de la population chinoise en ville. A terme, les villes seront de véritables pays — certains plus grands que la France. Mes seize ans représentent l’évolution d’un siècle en Europe. Progressivement, je me suis rendu compte que j’étais de plus en plus écouté. Je portais une pochette qui attirait l’œil et je souriais aux gens. Quelquefois j’avais l’impression de me caricaturer moimême avec mon sourire figé en permanence dont j’avais vite compris qu’il était mon seul viatique. La Chine est un pays d’image. Nos lettres forment des sons et représentent des concepts. Leurs lettres représentent une image. Je suis convaincu que pour être compris et pour comprendre dans ce pays, il faut utiliser des images en permanence. Développer des concepts comme nous pouvons le

faire en Occident, c’est souvent égarer les gens. Comme les Chinois ne veulent pas nous faire perdre la face, ils ne nous le diront pas mais de fait, il règnera une profonde incompréhension qui nous aura fermé la porte. Il faut communiquer par la personnalité. Les Chinois ont un certain culte de la personnalité. L’image, la photo, l’homme ou la femme, c’est important. Ce sont des images. Le président Mao toujours en train de surplomber la grande porte de la Cité interdite, c’est la force de l’image, du concept traduit par une image. Je me suis dit que si j’arrivais en parlant de la Compagnie générale des eaux, un nom imprononçable en chinois, si je leur parlais de modèle à la française…, ils n’allaient pas être intéressés immédiatement. Par contre, j’ai fait en sorte qu’ils me trouvent sympa, qu’ils aient plaisir à me revoir, qu’ils me fassent confiance, qu’ils aient l’impression que j’étais sincère — un concept à la chinoise — afin de me faire accepter dans la ville, afin de transformer le barbare que j’étais en citoyen athénien respecté et libre. Et cela a pris du temps. Pour être accepté, il faut présenter ses lettres de créance, que les gens vous admettent et vous respectent. Et pour cela, il faut d’abord les respecter. Les gens ne vous respectent que si vous les respectez.

« J’ai visité le pays de fond en comble pour comprendre 为了了解农村人口如何向城市转移,我彻底走遍了中国。

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Accès aux marchés publics : Opportunités et obstacles La compétition pour accéder à la commande des collectivités territoriales est généralement intense car la taille du marché chinois et la rapidité de sa croissance suscitent l’intérêt de nombreuses entreprises. Il convient aussi de bien mesurer l’effort de prospection qu’impose le grand nombre de maîtres d’ouvrage et l’insuffisance du cadre réglementaire qui limite l’accès à la commande publique. En effet, la Chine n’adhère pas à l’accord sur les marchés publics de l’OMC et, comme le souligne la Chambre de Commerce de l’Union Européenne en Chine dans son Position Paper 2009/2010, les procédures de mise en concurrence, d’analyse des offres ainsi que la prise en compte d’exigences environnementales ou qualitative dans le jugement des propositions méritent d’être améliorées. Le développement de partenariats public-privé est, quant à lui, limité par l’absence d’une réglementation nationale. Les entreprises étrangères s’inquiètent, par

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ailleurs, d’un regain de protectionnisme et sont parfois l’objet de discrimination dans l’accès à la commande publique, même lorsqu’elles produisent en Chine. Ainsi, dans le secteur de l’énergie, aucun constructeur étranger d’éoliennes n’a remporté de marché depuis 2005. Face aux critiques, la Chine a supprimé de son projet de réglementation destinée à favoriser « l’innovation indigène », les clauses qui écartaient les entreprises étrangères de la commande publique dans les hautes technologies. Et le Premier ministre Wen Jiabao a réaffirmé sa détermination à créer un environnement de concurrence loyale pour les entreprises étrangères et chinoises... Les faits permettront d’en juger ! Au-delà de ces difficultés, l’urbanisation massive en cours et l’émergence de nouveaux besoins, en particulier dans les domaines de la « ville durable », présentent de nombreuses opportunités pour les entreprises. Alors que la Chine prépare

le 12e plan quinquennal dans lequel devraient figurer en bonne place des objectifs de réduction d’intensité énergétique, de réduction d’intensité carbone et de protection de l’environnement, vingt provinces élaborent leurs stratégies de développement à faible intensité en carbone. L’efficacité énergétique, les services à l’énergie, le transport et la construction économes en énergie ainsi que le traitement de l’eau sont quelques exemples de savoir-faire que les collectivités territoriales devront mobiliser pour atteindre leurs objectifs. Coopération franco-chinoise en matière de développement urbain durable et lutte contre le changement climatique et le développement urbain durable sont deux thèmes majeurs de la coopération franco-chinoise, sur lesquels se concentrent les actions de l’Agence Française de Développement, des fonds FASEP (fonds d’étude et d’aide au secteur privé) et de la coopération


L’urbanisation 城市化

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建立了代表处。2000年,在香港获得第 ••• 一份合同,然后是广州的兴丰,2001年天津,

comment allaient se faire les transhumances ».

dans le domaine de la formation. A l’occasion de la visite en Chine du Président français fin avril, le ministre d’Etat Jean-Louis Borloo a signé avec le gouverneur du Hubei un accord faisant du Grand Wuhan un site témoin de cette coopération, où les deux parties s’attacheront à concevoir une stratégie de développement territorial durable. Le gouvernement du Hubei est intéressé par le savoir-faire d’entreprises françaises pour développer cette conurbation de 30 millions d’habitants désignée par le Conseil des affaires d’Etat comme l’une des deux zones expérimentales de « préservation des ressources et de protection de l’environnement ». Roseline Legrand, Conseillère, Service économique de l’Ambassade de France en Chine

2003年上海老港,2005年起又有许多项目。 我们的业务紧跟城市化发展的节奏,这让我们 的经验凸显出重要性。我们学会了保持耐性。 气 馁是企业家的敌人。 《联结》:在这些年的本地化实践中,您在 决策方面有什么体会?在中央和各省市之 间,决策权是如何分配的? 穆桥石:在我们的行业里,一般而言,每个城 市在城市化方面拥有很大的自主权。省里介入 两个城市之间的相互联系以落实某些投资,但 还是由市政府在中央的监督下作出决策,后者 颁布法律法规。中国不是美国大西部。决策者 在各大部委里,他们决定大政方针,各城市在 其权限范围内可以有所变通。 《联结》:作为企业家,如何促成决定? 穆 桥石:要被一个城市接纳,必须注意不要 来自一座竞争城市。正因为这样我们才驻在北 京,因为是首都所以不受约束。没人会指责我 们把总部设在北京,这里是金字塔的顶端。只 有在这里你才会被视为国家级企业,而不是省 级企业。但这不意味着只要见到国家领导人就 够了,然后自上而下疏通关系。我们常驻北京, 但必须去各个城市,并从一个合适的中间领导 开始,他便是主管市政基础设施的副市长,然 后向上疏通关系。如果他信任你,就会把你引 见给市长,市长又会把市委书记介绍给你,众 所周知后者是这个级别的一把手。市委书记会 让你结识省长,省长又让你认识省委书记,只 有经过这些步骤之后你才能见到副部长、部长 级别的高层领导。我就是这样进入中国这个有 着巨大商机的市场。反之是行不通的。如果我 去见一个部长,说是温家宝总理介绍我来的, 他会有被当成小孩的感觉。他会友好地接见 我,但不会有任何成果。如果我再去见市长, 他也不会愿意跟我合作。相反,如果我是通过 他一步步到达最高层,并因此对他表示感谢, 他会对我心存感激,因为我让他有面子。如果 你不给人面子,你在中国什么都得不到,尤其 是掌握城市发展规划的政府部门。必须牢记的 是,不论是哪个中国行政机构,政治依旧占主 导,而在我们西方国家,经济优先于政治。 《联结》:提一个敏感的问题,您为了拓展 业务是否要面对很多腐败问题? 穆桥石:不比其他地方多。在建筑界,腐败到 处存在。否认其存在就是不懂什么是人性,天 真地相信人的单纯。我们都有两面性。光滑 的、讨人喜欢的外表背后是毛躁、粗野的一面。 也就是说,在今天的中国,我认为责任感比其 他地方更强,当然也有过度和非法的事。 《联结》:您不担心将来中国人不愿意把供 水管理交给外国人吗? 穆 桥石:不担心。这种看法是错误的。在中 国,任何一家公司都不能拥有属于国家所有的 水资源。1982年中华人民共和国宪法第9页规 定,自然资源不能转让给任何人。我们满足于 提供在水务管理方面的专长,以便更好地利 用水资源,建立净水循环系统。如果将来中国 人对我们不满意,他们知道能够把我们拒之 门外。我们带来了专长和技术。但现在掌握它

们的是周小华(废弃物管理),栗浩(水务), 张泽明(能源),是他们成就了威立雅。而我自 己,我有想法,并解释如何建设基础设施。打 个比喻,我拥有画廊,但艺术家是他们。 《联结》:您认 为中国市场 是开放的市场 吗? 穆 桥石:和其他地方一样,这是场开放的竞 争,谁出价高谁就胜出。我们的未来必须经过 中国化。目前我们还被视为一家法国企业,但 我们的外籍员工已渐渐消失,他们将会被中国 员工取代。不过,中国化不意味着我们不去创 造经济流,以分红的方式使我们本国受益。大 多数买TOD’S鞋子的人并不知道它是意大利 的品牌,他们购买是因为喜欢。在中国,威立 雅开始像家乐福一样成为城市的组成部分。保 护主义到处都存在,无论是在中国或在西方。 我认为这种观念是错误的,因为我们只是直径 为4万公里的地球上的暂住居民。20世纪50年 代,从法国到中国旅游是件大事。而我现在每 个月往返两次。 我会走的更远。在欧洲,我们还没有走到头。 必须要学会分享。当我往返中国时,我总是看 到贫困。的确,我看到相当一部分人的生活有 了很大的改善,但仍有非常贫穷的地方,数亿 人仍然在巨大的贫困中挣扎。中国是世界第二 或第三大经济强国,但人均国民生产总值仍排 在100位之后。旅行使我觉得在城市——一个 人口众多的工业化环境里的人没有农村里的人 过得那么苦。 《联结》:在城市化方面,威立雅能帮助中 国迎接哪些挑战? 穆桥石:城市化必须发展宜居城市,建设可以 让大城市运行的市政基础设施。我们的责任是 找到运输、供暖、照明、处理并循环利用废弃 物,提供尽可能纯净的水和空气的方式。威立 雅在市政建设领域扮演着重要的角色。水是生 活必需品。无法想象到处都是汽车,必须避免 重新出现城市贫民区。 中国应该借鉴我们成功和失败的经验,建设自 己的城市。与其说我们带来自己的成功,不如说 是解释自身的失败。此外,还必须从社会角度 反思,如何让群居扩大,而不是分散和敌对。 城市里也出现了黑社会,他们不总穿着皮衣。在 环境优美的小区里也有一帮人,手拿文件袋、 身穿白衬衫,他们组织起来独享经济大潮的利 益。由于家族体系,中国拥有一些优势,在我们 失败的领域获得成功。但这个圈子的概念很 快瓦解。20世纪50年代,我们进行城市化的时 候,人们来到带厨房的两居室,把祖父母留在 村子里,今天的中国也在经历同样的情况。我 们已经开始“非文明化”。西方的城市是野蛮 的,圈子在收紧。然而谁是最危险的?是那些 来自没有人性的城市的人们,或者就是我们, 当我们拒绝分享知识的时候。如果我们要将一 切据为己有,不愿分享蛋糕,人们将从我们这 里把它拿走。保护主义保护的是我们已经不再 拥有的东西。我们不再拥有今天我们赖以生存 的基本资源就像我们目前生存的这样。我们处 在一个开放的世界,人们在屏幕上看到那些有 钱人。

Connexions / juillet 2010 95


DOSSIER

A la frontière du Hebei, des paysans trouvent des « petits boulots » dans le traitement des déchets. 在河北省的边界,一些农民捡废品贴补家用。

•••

C. : Et ensuite ? J. M. : Nous sommes un peu partout en Chine de Shenzhen à Tianjin, de Chongqing à Harbin en passant par Pékin et Shanghai avec des contrats d’au moins vingt ans dans l’eau, les déchets, l’énergie et encore — peu — les transports (Nankin depuis 2008). Nous avons traité nos premiers projets en 1997 à Tianjin qui est notre berceau. Il nous a fallu attendre une année supplémentaire pour d’obtenir le deuxième grand projet dans le Sichuan à Chengdu puis le début des années 2000 avant de vraiment démarrer. Pour l’eau, nous avons démarré en 1997 à Tianjin, 1998 à Chengdu, Shanghai 2002. Il a fallu trois ans pour obtenir le premier contrat à Tianjin (opération et maintenance pour 1,85 millions d’habitants contrat de 20 ans), un an pour le second à Chengdu (premier contrat BOT pour un service d’eau en partenariat avec Marubeni, contrat de 18 ans pour 2,66 millions d’habitants) , quatre ans pour gagner une énorme affaire à Pudong (le management complet d’un réseau de distribution d’eau confié pour la première fois à une compagnie). Ensuite ça s’est emballé : Zhuhai en 2002, Xintang en 2003, Shenzhen en 96 Connexions / juillet 2010

2003, Hohhot en 2004, Changzhou en 2005, Kunming en 2005, Sinopec Beijing en 2006, puis Liuzhou, Lanzhou, Haikou Tianjin… Pour les déchets, nous avons installé un bureau de représentation en 1998. La première affaire est venue de Hong Kong en 2000, puis Xinfeng à Canton, Tianjin en 2001, Laogang en 2003 en 2004, puis de nombreux projets à partir de 2005. Finalement nos affaires ont suivi le rythme de l’urbanisation qui a donné de l’importance à notre expérience. Nous avons appris la patience. Le découragement est l’ennemi de l’entrepreneur.

C. : Au cours de ces années d’expérience de terrain, qu’avez-vous constaté en matière de prise de décision ? Comment le pouvoir de décider est-il réparti entre le centre, les provinces et les municipalités ? J. M. : Dans les métiers qui nous concernent, et, d’une manière générale, en matière d’urbanisation, chaque ville jouit d’une très large autonomie. Les provinces interviennent dans les interconnexions entre deux villes, pour la mise en place de certains financements, mais ce sont les conseils municipaux qui prennent les décisions sous le contrôle des gouverne-

ments nationaux qui édictent les lois et les règlements. La Chine, ce n’est pas le Far West. Les décisionnaires sont dans les grands ministères. Ils décident les grandes orientations et les villes les déclinent dans leur espace de liberté.

C. : Comment, en tant qu’entrepreneur, parvenir jusqu’au point de décision ? J. M. : Pour être admis dans une ville, il faut faire attention à ne pas venir d’une ville concurrente. C’est pour cela que nous sommes basés à Pékin, ville franche puisque capitale. Personne ne nous reprochera d’avoir nos quartiers généraux dans la capitale, où se trouve le sommet de la pyramide. Il faut être là où vous serez considéré comme entreprise nationale et non provinciale. Mais cela ne signifie pas qu’il suffit de rencontrer les grands dirigeants du pays puis de redescendre. Nous sommes basés à Pékin mais il faut aller dans les villes en commençant par un bon niveau intermédiaire : le vice-maire en charge des infrastructures urbaines. Ensuite, il faut remonter. S’il vous fait confiance, il vous introduira auprès du maire qui vous présentera le premier secrétaire du Parti dont chacun sait qu’il est le numéro 1 à son niveau. Celui-ci vous fera connaître le

© Anne Garrigue

专栏


L’urbanisation 城市化 gouverneur de la province qui lui-même en place un cycle de l’eau propre. Si, devous permettra d’accéder au secrétaire du main, les Chinois ne sont pas satisfaits de Parti de la province et ce n’est qu’après nous, ils savent qu’ils peuvent nous metcela que vous pourrez envisager de re- tre dehors. Nous avons apporté un savoirmonter au niveau d’un vice-ministre, puis faire, des technologies. Mais aujourd’hui, du ministre. C’est ainsi ceux qui maîtrisent s’apque je m’inscris dans ce « Le pellent Zhou Xiaohua (déchets), Li Hao (eau), marché aux opportuni- protectionnisme Jiang Zemin (énergie). tés considérables. L’inverse ne marche pas. Si consiste à C’est eux qui ont fait je vais voir un ministre en protéger ce que Veolia. Moi j’ai eu une disant que c’est Wen Jiaidée et j’ai expliqué bao qui m’envoie, il aura nous n’avons comment construire l’impression d’être pris déjà plus. » une infrastructure. Je pour un petit garçon. possède la galerie mais Il me recevra aimableles artistes, ce sont eux. ment mais rien n’en sorC . : P e n s e z tira. Et si je reviens vers le maire, il n’aura vous que le marché chinois est ouvert ? pas envie de me faire travailler. Alors que J.M. : Comme partout ailleurs, c’est une si je suis monté au sommet grâce à lui et compétition ouverte et celui qui préque je vienne le remercier, il m’en sera re- sente la meilleure offre l’emporte. Notre connaissant car je lui aurai donné de la avenir passe impérativement par la siniface. Si vous ne donnez pas de la face aux sation. Pour l’instant, nous sommes engens, vous n’obtiendrez rien en Chine, en core considérés comme une entreprise particulier des pouvoirs publics qui ont française, mais notre personnel occidenla haute-main sur la ville. Il faut garder tal est une espèce en voie d’extinction. en vue que, quelque soit l’organisation Il sera remplacé par des Chinois. Mais le administrative de la Chine, le politique fait de se siniser ne signifie pas que nous continue à prédominer, alors que, dans n’allons pas créer des flux économiques nos pays occidentaux, l’économique a qui vont profiter à notre pays d’origine, pris le pas sur le politique. sous formes de dividendes. La plupart des C. : Une question délicate : devez-vous faire face gens qui s’achètent des chaussures Tod’s à beaucoup de corruption pour faire avancer vos ne savent pas qu’elles sont italiennes. Ils affaires ? les achètent parce qu’elles leur plaisent. J. M. : Pas plus qu’ailleurs. La corruption est Veolia, en Chine, commence à faire partie partout dans le monde de la construction. du paysage comme Jialefu (Carrefour). La Nier que cela existe serait ne pas com- vision protectionniste qui existe de touprendre ce qu’est l’être humain, croire tes parts, en Chine, comme en Occident, naïvement en sa pureté. Nous sommes me parait une aberration. Nous sommes tous des Janus. La façade lisse et aima- les occupants temporaires d’un village ble est adossée à une façade de brute. de 40 000 km de diamètre. Quand, dans Cela dit, en Chine, actuellement, je crois les années 50, on voyageait de France en que le sens du devoir est plus développé Chine, c’était un événement. Moi je le fais qu’ailleurs, avec bien sûr des excès et des deux fois par mois. J’irai plus loin. En Europe, nous ne sommes zones noires. C. : Ne craignez-vous pas qu’à terme, les Chinois pas au bout du tunnel. Il va falloir apprenhésitent à confier à des étrangers la maîtrise de dre à partager. Quand je sillonne la Chine, je vois toujours de la misère. Je vois des leur approvisionnement en eau ? J. M. : Non. Le croire serait une aberration. progrès importants pour toute une partie En Chine, aucune société ne possède de la population, mais la vraie misère, la l’eau qui reste la propriété de l’Etat chinois, grande pauvreté, touchent encore des selon la page 9 de la constitution de la centaines de millions de personnes. La RPC réécrite en 1982, qui stipule que les Chine est la seconde — ou troisième — ressources naturelles ne peuvent être cé- puissance économique mondiale mais dées à personne. Nous nous contentons en termes de PNB, par tête d’habitants, e d’apporter notre savoir-faire en termes de elle est encore au-delà du 100 rang. Mes gestion pour mieux utiliser l’eau et mettre voyages me conduisent à penser que les

gens sont moins misérables en ville dans un environnement industrieux avec une population nombreuse que perdus au fin fond des campagnes.

C. : Quels sont les défis que Veolia peut contribuer à relever en Chine en matière d’urbanisation ? J. M. : Il faut rendre l’urbanisation vivable, créer des infrastructures qui permettent à des villes immenses de fonctionner. A nous de trouver les moyens de transporter, de chauffer, d’éclairer, de traiter et recycler les déchets, de fournir une eau et un air aussi purs que possible. Veolia a un rôle important dans ce monde urbain. L’eau est vitale. Le « tout voiture » est impensable et il faut éviter de récréer les ghettos urbains. Les Chinois devront mettre à profit nos expériences réussies — et ratées — pour construire leur propre ville. Nous venons d’ailleurs moins pour apporter nos réussites qu’expliquer nos échecs. Il faut aussi une réflexion sur le volet social, comment réussir à vivre en bandes élargies plutôt que dispersées et antagonistes. Les villes créent des gangs qui ne sont pas tous vêtus de blousons de cuir. Il existe aussi des gangs dans les beaux quartiers qui portent pochettes et chemises blanches et s’organisent pour profiter exclusivement des grands mouvements économiques. A cause du système familial et clanique, la Chine a des atouts pour réussir là où nous avons échoué. Mais cet esprit de clan se désagrège très vite. Quand, dans les années 50, nous nous sommes urbanisés, les gens sont arrivés dans des deux pièces cuisine en laissant les grands-parents au village — situation que nous trouvons actuellement en Chine. Et nous avons commencé à nous déciviliser. La cité en Occident est brutale et les cercles se resserrent. Mais qui sont les plus dangereux ? Les gens issus des cités inhumaines ou nous quand nous ne leur permettons pas de partager la connaissance. Si nous voulons tout garder, si nous ne partageons pas le gâteau, on viendra nous le prendre. Le protectionnisme consiste à protéger ce que nous n’avons déjà plus. Nous n’avons plus les ressources élémentaires qui nous permettraient de vivre comme nous vivons actuellement. Nous sommes dans un monde ouvert où les gens voient sur l’écran ceux qui sont repus.

Propos recueillis par Anne Garrigue

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DOSSIER

L’usine d’Air Liquide dans la zone industrielle de Zhangjiagang à Dalian. 液化空气集团在大连工业区的工厂

L’essor des zones industrielles

Air Liquide, le leader mondial des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement, favorise le développement en équipant les zones industrielles qui jouxtent les villes. Rémi Charachon, président et CEO Chine d’Air Liquide, implanté dans près de 30 villes en Chine, revient sur les particularités du développement du groupe français. « Pour nous, l’urbanisation passe par l’industrialisation, synonyme de croissance. Nos produits servent un marché par nature local, le transport des gaz étant délicat et ne pouvant excéder des distances supérieurs à 250 kilomètres. Notre développement géographique suit celui de nos clients. C’est à partir d’un projet-client, un constructeur de semiconducteurs, une usine chimique ou agro-alimentaire dont le fonctionnement nécessite nos gaz, que l’ouverture d’un site de production est décidée ou non. En amont, nous faisons une étude de marché des besoins de la zone industrielle : évaluation du bassin industriel, de

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la solidité de l’investissement, des avantages du site choisi par le client, des infrastructures existantes. Nous examinons son potentiel : y aura-t-il d’autres clients à fournir ? Naturellement, nos grands pôles d’implantation suivent le mouvement et le rythme de développement des villes chinoises et de leurs infrastructures. Nous sommes partis de la côte et des grands centres urbains : Shanghai, le Jiangsu et le Zhejiang à l’est, Pékin, et Tianjin. Aujourd’hui nous nous déployons vers l’ouest sur l’arc du Yangzi (Wuhan, Chengdu) et vers le nord-Ouest (en particulier dans le « triangle du charbon » Shaanxi, Ningxia et Mongolie intérieure), enfin vers le sud (Guangdong) et le nord est (Liaoning et Heilongjiang). Ce déploiement s’est nettement accéléré ces dernières années. Notre activité qui a redémarré en 1990 avec une première

© DR

专栏 usine de production de gaz pour Philips semi-conducteurs, après une première présence plus ancienne, connaît une croissance exponentielle depuis 6 ans : nous sommes passés de 6 usines en 2004 à 31 en 2009 et près de 40 à la fin de 2010. Aujourd’hui, 65% de nos clients sont des industriels chinois — avec une part croissante — grandes entreprises d’Etat, comme Sinopec ou BOE , et compagnies privées (Shagang, le 4e plus gros aciériste chinois, Suntech un des leaders dans le photovoltaique). Bien que nous ne soyons pas directement de gros créateurs d’emplois nos usines étant très automatisées — une unité de production nécessitant 90 millions d’euros d’investissement emploie seulement 50 personnes pour la faire tourner, plutôt avec un haut niveau de qualification — les villes nous apprécient parce nous contribuons au développement du tissu industriel local à long terme. Au-delà de la fourniture d’un ou plusieurs gros clients par canalisation nous commercialisons et transportons par camion de l’oxygène ou de l’azote à des industries locales très variées. Cette activité crée aussi des emplois. Nos engagements de fourniture pour les grands contrats étant à 15 ans, nous servons en quelque sorte de “stabilisateur de développement” pour l’industrie locale. Pour notre secteur, la Chine présente des avantages notables. La politique industrielle a encouragé la création de “parcs” ce qui a structuré et rationnalisé l’offre industrielle. Les besoins sont fédérés géographiquement par secteur d’activité. La sécurité en est accrue et la possibilité d’alimenter plusieurs clients avec une seule unité de production crée des synergies et réduit la consommation énergétique par m3 d’oxygène. La limite de ce modèle est que chaque ville voudrait avoir son parc industriel! Nous sommes en train de passer à une nouvelle phase en interconnectant différents parcs industriels avec la mise en place de réseaux de canalisation, comme à Tianjin où nous sommes en train de construire un réseau de plusieurs centaines de kms pour le transport de l’oxygène, l’azote et l’hydrogène. »

Propos recueillis par Sophie Lavergne


L’urbanisation 城市化 法国液化空气集团:工业区的腾飞 全球领先的工业、健康和环保气体供

中国城市及其基础设施的变化和发展节

城市仍然感谢我们,因为我们促进了当地

应商液化空气集团积极参与城郊工业区的

奏。我们从沿海和中心城市起步:东部的

工业体系的长期发展。除了给一个或多个

发展

上海、江苏和浙江,以及北京、天津。如

大客户进行管道供气,我们还向各种不同

液化空气集团业务遍及国内30多座城

今我们的业务向西扩展至武汉和成都,向

的地方工业销售和用货车运送氧气和氮

市,其中国区总裁兼首席执行官夏华雄回

西北至陕西、宁夏和内蒙古形成的煤三角

气。这项业务也创造了就业机会。另外,我

顾了集团发展的一些特点。 “对我们而言,

地区,向南至广东,向东北至辽宁和黑龙

们的供气合同一般为期15年,在一定程度

城市化要经历工业化,而工业化是增长的

江。业务的拓展近几年明显加速。集团很

上我们维护了地方工业的稳定发展。

同义词。我们的产品从性质上看是服务于

早就来到中国,1990年重新开展业务,为

在我们的行业里,中国的优势明显。

本地市场的,因为气体的运输很敏感,输

飞利浦半导体建立了第一家气体生产厂,

中国的工业政策鼓励工业园的建立,从而

送距离不能超过250公里。我们的地域发

6年以来持续迅速增长:我们的工厂数

形成工业供应的结构并使之趋于合理。需

展遵循客户的地域发展,通过客户的项目

量从2004年的6家增至2009年的31家,

求按照行业分类完成了地域整合。安全性

来决定是否建立新的生产基地。客户可能

到2010年末将达到近40家。今天,我们

从而提高,而且通过一个生产厂供应数个

是半导体厂商,也可能是化工厂或食品厂,

65%的客户是中国的工业企业,其中包括

客户的可能性实现了协同工作,并减少了每

它们的运行需要我们的气体。

不断增加的大型国有企业(中石油、京东

立方氧气的能耗。这种模式的局限在于每

方)和民营企业(中国第四大钢铁企业沙

个城市都想拥有自己的工业园。

我们在项目之初先做工业区需求的市 场调研:对工业区、投资可靠性、客户选址

钢、太阳能光伏行业的龙头企业尚德)。

我们正在进入新的发展阶段,通过安

的优势、已有基础设施等作出评估。我们

由于我们工厂的自动化程度很高,所

装气体管道网将不同的工业园连接起来,

考察工业区的潜力,比如有没有其他可以

以我们不能提供大量的就业岗位— —一

比如在天津,我们正在建设一个数百公里

提供的客户。

个耗资9000万欧元的生产厂仅需50名高

的氧气、氮气和氢气输送网络。

当然,我们的大型生产基地也跟随

级技术人员使其运转。尽管如此,中国的

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DOSSIER

On construit actuellement en Chine plus de métros que dans l’ensemble du reste du monde.

© Imagine China

© Imagine China

专栏

中国在建地铁的数量超过世界其他地方的总和。

Transports urbains

Le challenge du gigantisme Coment permettre aux centaines de millions de citadins chinois de se déplacer rapidement et efficacement dans des villes en pleine expansion ? L’analyse de Daniel Cukierman, directeur général de Veolia Transport RATP Asie.

Connexions : Quelle est la situation actuelle en matière de transports urbains en Chine ? Daniel Cukierman : La première donnée à prendre en compte est le nombre de villes et leur taille importante. Le pays compte pas moins de 140 municipalités de plus d’1 million d’habitants dont certaines s’étendent sur des surfaces équivalentes à des régions ou des départements chez nous. Dans ces villes, les habitants bougent plus qu’avant avec la disparition de l’emploi à vie et le désir d’accéder à la propriété immobilière qui redirige la population loin des centres devenus trop chers pour la classe moyenne. La croissance du niveau de vie implique aussi une augmentation des déplacements de loisirs et au total une ville comme Pékin doit gérer plus de 50 millions de va-et-vient individuels par jour.

C. : Quelles sont les réponses apportées par les autorités publiques ? D. C. : La réponse basique à ces besoins croissants consiste à construire massive100 Connexions / juillet 2010

ment des métros. Une trentaine de villes pas de plan global de déplacement urbain. chinoises sont aujourd’hui lancées dans Le résultat est un système peu rationnel où de tels projets et bénéficient du plan de re- manquent des correspondances adaptées lance national très axé sur le rail en général. entre les moyens de transports et sans intéOn construit actuellement gration tarifaire du type en Chine plus de lignes de « carte orange ». S’ajoute métro que dans l’ensemble « Les citatdins une absence de mesure qualitative du réseau qui du reste du monde ! Il s’agit bougent d’une réponse assez logidérive sur du quantitatif plus avec la que puisque le métro est le mal pensé et à Pékin, transport de masse le plus disparition de malgré 600 lignes de efficace mais qui apporte bus en place, certains l’emploi à vie et aussi son lot de problèmes. axes restent continuelMême en atteignant son ob- le désir lement surchargés. Il jectif du plus grand réseau d’accéder à existe aussi un phémondial en 2015 avec plus nomène de fierté par la propriété de 500 km de lignes, Pékin rapport au métro qui restera encore en-deçà des immobilière.» fait que les municipalibesoins anticipés. Il se pose tés en veulent un à tout également un problème prix, quitte à délaisser la de densité du réseau sur mise à jour du réseau de une zone urbaine aussi étendue. Il y donc bus pourtant moins chère et plus efficace nécessité de mettre en place un mix des à court terme. moyens de transports en commun adapté Plus globalement se pose un choix politiet bien coordonné. que et économique sur le type de ville que C. : En quoi cela représente-t-il un défi pour le la Chine entend développer. Veut-on aller pays ? vers un modèle à la californienne de zones D. C. : Le principal souci est qu’il n’existe pas étendues avec des habitations individuelune seule administration responsable des les éloignées impliquant l’usage intensif différents modes de transports, principa- des voitures ? Préférera-t-on un modèle lement les bus et le métro, et il n’y a donc de ville dense à l’européenne nettement


L’urbanisation 城市化 plus adapté aux transports en commun ? Ce choix n’est pour l’instant pas clairement établi.

C. : Quelles sont les activités de Veolia Transport en Chine ? D. C. : Nous sommes présents dans le pays depuis quatre ans et nous misons actuellement sur trois grands projets. Nous avons mis en place une JV avec l’opérateur local Zhongbei pour la gestion des bus à Nanjing et dans quatre villes de l’Anhui, ce qui correspond à 6 500 salariés et plus de 2 000 bus. La difficulté sur ce type de projet est de ne pas se poser en donneur de leçon. Il faut faire preuve de pédagogie et amener les partenaires à avoir envie de changer les choses par eux-mêmes, par exemple en les amenant voir à l’étranger comment les choses se passent. Nous avons également racheté le tramway de Hongkong qui accueille pas moins de 230 000 passagers par jour. Actionnaire et opérateur unique sur ce projet prestigieux, nous comptons l’utiliser pour faire la démonstration de notre savoir-faire sur ce secteur d’avenir. La création d’un tramway à Pékin devrait en effet booster l’attrait pour ce mode de transport moins onéreux et plus simple à mettre en place que le métro. Nous attendons également les résultats d’un appel d’offre sur le réseau de bus à Macao où nous pourrions partir de zéro pour démontrer nos compétences d’opérateur.

中国的城市交通,巨型城市的挑战 如何让几亿中国人在全面扩张的城

部分线路仍然过分拥挤。另外,还存在一

市里快速、有效地流动?威立雅交通-巴

个现象,各个城市以拥有地铁为荣,争相

黎地铁亚洲首席执行官居骐迈给出的分

不惜一切代价修建地铁,导致一些从短期

析和可能的解决办法。

看更便宜、更有效的公交线路的改进被搁

《联结》:中国的城市交通现状如何?

置。

居骐迈:首先要考虑的因素是城市的数量

总体而言,要看中国想发展什么类型

及其庞大的规模。中国有不少于140座人口

的城市来作出政治和经济的选择。是向覆

超过100万的城市,其中有些城市的面积

盖面广、住宅分散,大量使用汽车的加利

相当于法国的大区或省。比如,像重庆这

福尼亚模式发展?还是倾向于更适合公共

样的超大城市,面积几乎与奥地利相当!

交通的欧洲密集型城市的模式?目前中国

随着职业终身制的打破和拥有房产

还没有明确作出选择。

的愿望致使人口搬离房价过高的中心城,

《联结》:威立雅交通在中国有哪些业

这些城市的居民比以往更具流动性。生活

务?

质量的提高也意味着休闲出行的增多。像

居骐迈:我们进入中国已有4年,目前在争

北京这样的城市每天有超过5000万人次的

取3个大项目。我们和南京中北集团成立一

出行。

家合资公司,拥有6500名员工,2000多辆

《联结》:公共管理部门提出了哪些解

巴士,为南京和四座安徽城市提供公共交

决方案?

通服务。这类项目的困难在于不能以说教

居骐迈:面对这些不断增加的需求,基本

者身份自居,而是给予建议,让合作伙伴自

解决方法是大量修建地铁。现在,30多座

己去改变。比如带他们到国外看看情况是

城市启动了地铁建设项目,并得到国家经

什么样的。我们还收购了香港电车,日客运

济刺激计划的扶持,总的来说经济刺激计

量不少于23万人次。作为这个享有盛名的

划的重心是放在轨道建设上。中国在建地

项目的唯一投资方和运营商,我们打算用

铁的数量超过世界其他地方的总和。

它来展示我们在这个未来行业的专长。有

这是一个较为合理的解决办法,因为

轨电车是一种比地铁更便宜、更易建立的

地铁是最高效的大众交通工具,但它也带

公交模式。在北京建设一条有轨电车线将

来一系列问题。尽管到2015年北京地铁总

激发对这种交通工具的兴趣。

C. : Que représente votre accord avec la RATP sur la zone Asie ? D. C. : Début 2009, nous avons conclu une

长将达到500公里,成为全球最大的地铁

我们还在等待澳门巴士网的投标结

网络,但仍然不能满足预先考虑的需求。

果。一旦成功,我们将从零开始充分展示

同时,在如此大的城区也提出了地铁网密

我们作为运营商的能力。

JV (50-50) avec RATP Développement sur l’ensemble de la zone Asie. L’idée est de créer des synergies entre l’expérience de Veolia à l’international et l’imposante expertise technique de la RATP qui débute tout juste ses activités en dehors de l’Ile de France. Le métro et le tramway parisiens représentent en effet une carte de visite unique et un symbole mondial d’excellence. Les capacités de design et construction de la RATP alliées à notre expérience d’opérateur constitueront un atout de choix dans le futur pour nous positionner très en amont sur les différents projets en Chine et ailleurs en Asie.

度的问题。因此,有必要建立一个各种公

《联结》:威立雅交通与巴黎地铁公交

交工具混合的体系,既适应需求,又相互

集团在亚洲发展的协议意味着什么?

协调。

居骐迈:2009年初,我们与巴黎地铁公交

《 联 结》:这 对中国 意 味着怎样 的 挑

集团各出资50%成立了在亚洲市场发展的

战?

合资公司,想把威立雅在国际上的经验与

居骐 迈:最大的问题是没有一个统一管

巴黎地铁权威的专业技术相结合,发挥各

理各种交通工具的政府部门,主要是公

自所长。巴黎地铁公交集团刚刚开始发展

共汽车和地铁的管理,因此没有一个城

在大巴黎地区以外的业务。巴黎地铁和有

市公交的总体规划。结果是公交体系缺乏

轨电车确实是独一无二的名片和杰出的世

合理性,不同交通工具之间缺乏适合的

界标志。巴黎地铁公交集团的设计和建设

换乘方案,也没有类似于法国橙卡(carte

能力结合威立雅交通的客运运营经验,将

orange)的多票价组合公交卡。再加上缺

构成今后选择的王牌,令我们在中国乃至

乏对公交网络质量的衡量而只注重数量。

亚洲其他地方的不同项目上尽早占据有

在北京,尽管设置了600条公交线路,但

利的位置。

Propos recueillis par Nicolas Sridi

• Connexions / juillet 2010 101


DOSSIER

专栏

Depuis près de vingt ans, cette filiale de la SNCF valide ou conseille des municipalités pour la construction de leur métro

Avec ses 450 km, le métro de Shanghai est un des plus longs du monde. 上海的地铁总长达到 450公里,成为世界上最长的地铁之一。

Systra : dans l’ombre des rames du métro chinois Avec des villes secondaires de plusieurs au cours de la dernière décennie à Pékin, millions d’habitants, la Chine a étendu Suzhou, Chongqing, Wuhan, Shenzhen son réseau à bien d’autres agglom- ou encore Tianjin. « Nous intervenons érations que les trois sur les tracés, les stations d’échange, les dimensions « grandes côtières », que sont Pékin, Shanghai et « Systra est d’une ligne, celles des Canton. Un développe- consultée sur modèles roulants et sur la ment que Systra, filiale signalisation », explique des points qui de la SNCF, suit de très Richard Sun, président demandent une près. Beaucoup de plans de Systra en Chine, à la de grandes villes de tête de l’entreprise depuis technologie Chine n’ont plus de seson implantation dans le cret pour ce spécialiste de particulière.» pays. l’ingénierie des transports A Shanghai, la filiale de la métropolitains et ferroviSNCF a notamment apaires, notamment les lignes à grande porté son expertise au moment de la vitesse. Depuis près de vingt ans, Systra montée en puissance du réseau métrovalide ou conseille des municipalités pour politain, qui a doté la capitale économique la construction de leur métro. La compa- de 450 kilomètres de métro en moins de gnie française a commencé avec Canton dix ans, soit un des métros les plus longs et Shanghai, mais a également travaillé du monde. « Ils ne savaient pas concevoir 102 Connexions / juillet 2010

un pôle d’échange à plus de deux lignes – souvent dessiné selon un simple tracé en croix. Nous leur avons conseillé de faire des noeuds avec trois ou quatre lignes », détaille Richard Sun. Systra a réalisé des études schématiques pour penser les connexions. Co m m e s o u ve nt l e s e nt re p r is e s étrangères, le Français est consulté sur des points qui nécessitent une technologie particulière. Le dernier projet en date est le passage de la ligne n°10 du métro de Shanghai en conduite automatique, prévu pour l’année prochaine. « Ce sera la première ligne de Chine sans conducteur », précise le président de la société. Une expansion sans limites L’expansion semble ne pas avoir de limites. Après avoir travaillé sur les lignes de Canton à la fin des années 1990, Systra, qui emploie aujourd’hui

•••


L’urbanisation 城市化

Systra a également participé à la construction de la ligne rapide Pékin-Tianjin.

Systra还参与了京津城际快铁的建设。

在中国地铁列车背后默默无闻的赛思达(Systra)公司 随着几百万人口的二线城市的出现, 中国已把特大城市的网络扩大到北京、上

细地说。赛思达已经完成了考虑衔接的地

项目的,有负责铁路项目的。 “有两类合

铁线路图规划。

同:工程监造和工程研究的审核。”孙辉

海和广州以外的城市。法国赛思达公司是

正如外国企业经常遇到的情形一样,

概括道,他同时强调公司2003年参与了京

法国国营铁路公司的子公司,它紧跟中国

赛思达被咨询到一些需要某种特殊技术

沪高铁的调研,还参与了京津城际快铁的

城市发展的步伐。许多中国大城市的规划

的问题。尽管法国对道路公交网也很在

建设。就像在诸多其他的领域,中国是破

对这家铁路和城市轨道交通(尤其是高

行,但中国很少就这个领域寻求帮助。 “对

项目记录的地方,例如武汉的铁路桥是

速铁路)的专业工程技术公司已不再是秘

于中国在这个领域所做的事情,赛思达没

第一座拥有6条铁轨的桥梁。在工程研究

密。近20年来,赛思达为很多城市的地铁

有太多的附加值”,孙辉说道。最后一个

的审核方面,外国顾问能够保证相应的质

建设提供审核和咨询。这家法国公司从广

高技术含量的项目是自动驾驶的上海地铁

量。赛思达做过上百个工程质量审计。 “铁

州、上海开始自己的业务,在近十年间也

10号线,预计明年投入运营。 “这将是中

道部希望外国公司参与。” 赛思达中国公

与北京、苏州、重庆、武汉、深圳和天津合

国第一条无人驾驶的地铁线”,孙辉明确

司董事长解释说,他强调建设领域的质量

作。 “我们的服务内容涉及地铁运行线、

地说。

问题一直是中国面临的一个难题。但市场

换乘站、地铁线和运行车辆的长度和信号

业务的扩大仿佛没有尽头。9 0年代

系统。”赛思达中国公司董事长孙辉解释

末参与广州地铁线的建设之后,如今拥有

说,自赛思达在华建立分公司他就是中国

百余名员工的Systra完成了广州市地铁的

赛思达让自己的团队适应中国市场的

公司的负责人。

新规划,将广州地铁网扩大并纳入郊区列

需求,这些需求随着不同的年代和决定的

车。

项目而变化。 “铁路和城市轨道交通各占

赛思达在上海大力兴建地铁的时候带

的开放程度依然有限,向外国公司招标更 多属于政府的决策。

来自己的专业技术服务,使上海在不到十

这家法国公司的专长不只限于地铁运

一半业务。今年,我们更多地投入到铁路

年的时间里地铁总长达到450公里,成为

行线和地铁车辆的研究,它还为上海地铁

项目的建设,但去年我们主要致力于上海

世界上最长的地铁之一。 “他们不知道如

8号线的设计了一个更经济、更美观的U型

地铁11号线的建设。情况经常变化。”孙

何设计两条以上地铁线的交通枢纽,往往

出口。

辉强调,他目前要管理正在进行的9个项

设计为简单的十字形线路。我们建议他们

谈到城市的发展,也要谈到城市之间

建立三、四条地铁线的交叉点”,孙辉详

连接的增加。赛思达的工程师有负责地铁

目。

• Connexions / juillet 2010 103


DOSSIER

专栏

104 Connexions / juillet 2010

Logistique et sécurité, vers une ville intelligente

Ponts et tunnels de Shanghai ont été équipés par Osmos et Citylog. 上海的桥梁和隧道装上了 Osmos和Citilog的监控设施。

Osmos Osmos est en train de former ses ingénieurs chinois qui installeront le petit bijou de technologie basé sur la fibre optique. La PME vend une corde optique spécialisée dans la surveillance des structures (ponts, tunnels, barrages,…). Elle fonctionne comme la boîte noire d’un avion et permet de donner des informations en temps réel sur les comportements des édifices. Osmos s’est associé à l’entreprise CEIS pour gagner le marché chinois. Elle a proposé gratuitement les services de sa corde optique dans le Qinghai touché par les séismes, comme elle avait offert sa technologie à la ville de New York après les attentats du 11 septembre pour sécuriser les bâtiments ébranlés par les explosions. Après six mois, la municipalité convaincue a félicité la PME française et a engagé ses services. Face à l’urbanisation galopante chinoise, Osmos peut surveiller les infrastructures existantes — la province du Hebei serait déjà intéressée — équiper la Cité interdite comme elle équipe déjà la tour Eiffel par exemple ; vérifier la stabilité de chantiers achevés parfois trop rapidement. « La technologie peut répondre aux problématiques de développement durable chère au

gouvernement chinois, explique Stanislas Verley, drecteur de développement de CEIS. Réhabiliter un pont plutôt que de le reconstruire permet d’économiser une tonne de Co2 ». Un argument de poids. L’œil vigilant de Citilog 100% des ponts et des tunnels de Shanghai sont équipés du système de monitoring de Citilog made in France. Il s’agit d’un logiciel qui, couplé aux caméras de surveillance, permet de détecter les incidents pour d’une part, sécuriser les routes en réduisant le temps d’intervention et d’autre part, réduire les embouteillages. La société, qui surveille entre autres le viaduc de Millau et le tunnel du Montblanc a déployé ses solutions à Pékin, Nanning, Wuhan, Nanjing mais aussi à Chongqing. Sur l’Expo universelle, ce sont les yeux électronique de la PME de 37 salariés qui sont chargés de la sécurité des sept chefs d’œuvre prêtés par le musée d’Orsay au pavillon français. Après sa solution de monitoring des routes et des tunnels, Citilog prévoit d’implanter un produit plus sophistiqué qui gère les données liées au trafic en temps réel. Il devrait être testé d’ici l’été prochin à Wuxi. « Sur 6 millions de chiffre d’affaire, nous en réalisons un tiers en Chine, un tiers en France et le dernier tiers dans le reste du

© Imagine China

métro de la ville du Guangdong, qui s’étend en incluant l’équivalent de trains de banlieue. L’expertise de l’entreprise française ne s’arrête pas au seul tracé des lignes et à l’étude des matériels roulants. Le Français a également travaillé sur le projet d’une sortie de métro en « U » sur la ligne n°8 à Shanghai, plus économique et plus esthétique. Garant de qualité Mais qui dit développement des villes, dit aussi multiplication des connexions entre agglomérations. Systra partage ses ingénieurs entre les projets de métro et les projets ferroviaires. « Il y a deux types de contrats : la supervision de l’organisation de travaux et la vérification des études d’ingénierie », résume Richard Sun, rappelant que Systra était intervenu sur les études de la ligne à grande vitesse reliant Pékin à Shanghai en 2003. Le spécialiste de l’ingénierie a également participé à la construction de la ligne rapide PékinTianjin. Comme dans beaucoup d’autres domaines, la Chine est toujours le territoire de projets record, comme ce pont ferroviaire bâti à Wuhan, qui est le premier à compter six voies. Dans la vérification des études d’ingénierie, les consultants étrangers permettent de garantir une certaine qualité. La filiale de la SNCF conduit certaines missions d’audit qualité. « Le ministère des Chemins de Fer veut une implication des sociétés étrangères », explique le président de Systra, soulignant que la qualité des constructions est toujours problématique en Chine. Mais l’ouverture du marché demeure restreinte, l’appel aux étrangers relevant davantage de la décision politique. La société française adapte ses équipes aux besoins du marché chinois qui varient selon les années et les projets décidés. « Notre activité se partage à moitié entre le ferroviaire et le transport urbain. Cette année, nous travaillons davantage sur des projets de chemins de fer, mais l’an dernier c’était plutôt sur le métro de Shanghai avec le projet de la ligne 11. Cela change souvent », souligne ainsi Richard Sun, qui doit aujourd’hui gérer neuf projets en cours. Julie Desné

© Imagine China

une cinquantaine de personnes ••• en Chine, a réalisé un nouveau plan du


L’urbanisation 城市化 后勤与安防,向智能城市发展

Citilog的视频监控系统

装监控光缆,就像在埃菲尔铁塔上安装

所有上海立交桥和隧道都装有法国制造

监控设 施一样;还能检测快速完工的

的Citilog视频监控系统。这是一种连接监

工程的稳定性。 “这项技术将帮助中国

控摄像头的软件,可以发现交通事故,保

政 府解 决一系列昂贵的可持续发 展问

证道路安全,同时缩短救援时间,减少交

题,”

通拥堵。

监Stanislas

监控 米洛高架桥和勃朗峰隧道的 Citilog公司已在北京、南宁、武汉、南京

欧洲战略情报公司业务发展总 Verley指出, “改造而不是重

建1吨桥梁可以减少1吨二氧化碳的排 放。”一个有分量的论据。

和重庆应用他们的解决方案。在世博会 © Imagine China

© Imagine China

上,这家有37名员工的中小企业生产的

Les embouteillages ont fait leur apparition dans les villes chinoises.交通拥堵出现在 中国的城市。

monde » explique Christian Girardeau le directeur général de Citilog, c’est dire l’importance du marché chinois. PSA Peugeot citroen réfléchit sur la mobilité « Meilleure ville, meilleure mobilité » c’est le thème qu’a retenu PSA pour sa participation à l’Expo universelle. En partenariat notamment avec l’université de Tongji et l’ambassade de France en Chine, la société a créé un prix pour identifier les pratiques innovantes en matière de mobilité. Les prix seront remis aux meilleures des solutions en septembre, trois lauréats verront leurs travaux exposés pendant l’Expo. En Chine, le groupe PSA Peugeot Citroen a exporté son Institut pour la ville en mouvement (IVM) depuis 2001. Ces actions sont tout aussi bien des conférences internationales à Chengdu, Pékin et Shanghai sur les grands enjeux actuels du développement des transports et des mobilités; des ateliers de villes à Shanghai, Wuhan, Canton et Chongqing mêlant sur le terrain experts européens et chinois autour de questions concrètes, ou le financement d’une chaire universitaire consacrée aux mobilités urbaines à l’université de Tongji qui reçoit des spécialistes internationaux E. T. trois fois par an etc.

电子眼负责保障奥赛博物馆借给法国 馆的7件国宝的安全。

标致雪铁龙思考城市机动性 “机动性,让城市更美好”,这是 标致雪铁龙集团参加世博会采用的主

继道路和隧道视频监控方案之后,

题 。在同济大学和法国驻华大使馆的

Citilog打算引进一种实时管理交通数据

大力协助下,标致雪铁龙设立了一个寻

的更高端的产品。到今年夏天,此产品

找 城市交通出行创新实践的奖项 。最

将在无锡测试。

终的评选结果将于9月公布,三个获胜

“ 在我们 6 0 0万 欧 元的营业额 里 ,有 1 / 3 在中国 实 现 ,1 / 3 在 法 国

团队将看到他们的作品在世 博会上展 出。

实现 ,最 后的 1 / 3 在世界 其他 地 方实

从2001年开始,标致雪铁龙集团资

现。”Citilog总经理Christian Girardeau解

助成立的法国动态城市基金会(IVM)

释道,这说明了中国市场的重要性。

在中国积极开展活动。这些活动包括在 成都、北京和上海 这些在交通和机动

Osmos

性发展问题上面临重大挑战的城市,组

Osmos正在培训中国工程师如何安

织国际论坛;在上海、武汉、广州和重

装光纤元件。这家中小企业销售一种专

庆组织城市工作室则将欧洲和中国的

门用于建筑设施监控(桥梁、隧道、大

专家联合起来,对具体问题进行探讨;

坝等)的光缆,其功能就像飞机的黑匣

此 外,在同济大学设 立 城市机动性教

子, 可以实时获取建筑物状态的信息。

席,每年3次邀请世界各地的专家到上

为了赢得中国市场,Osmos携手欧 洲战略情报公司(CEIS),向遭受地震灾

海举办讲座等。

害的青海省免费提供光缆服务,就像在 美国9.11恐怖袭击后,他们向纽约市提 供自己的技术,用于保障受到爆炸冲击 的建筑物的安全,6个月后,被其产品折

请登陆

服的纽约市政府对Osmos大加赞赏,承

www.connexions.ccifc.org

诺使用他们的服务。 面对中国 城市化 的飞 速 发 展 , Osmos能监控现有的建筑设施— —河

阅读电子版的 《联结》杂志。

北省已表现出兴趣,在承德避暑山庄安

Connexions / juillet 2010 105


DOSSIER © DR

专栏

La sino-singapourienne Tianjin ecocity est le fer de lance de la politique verte chinoise.

Eco-cités et urbanisme durable

Entre utopie et marché La Chine met en avant la création de nombreuses éco-cités. Projets vitrines ou véritables solutions ? L’urgence pour la Chine de maîtriser son urbanisation peut ouvrir des marchés aux entreprises françaises sur le secteur de l’urbanisation durable. « Cette source, qui est quelque peu en dehors de la cité, les gens d’Amaurote l’ont entourée de remparts et incorporée à la forteresse (…) De là, des canaux en terre cuite amènent ses eaux dans les différentes parties de la ville basse (…) Les rues ont été bien dessinées, à la fois pour servir le trafic et pour faire obstacle aux vents. Les constructions ont bonne apparence (…) Derrière les maisons, sur toute la longueur de la rue, se trouve un vaste jardin (…) d’une telle beauté que nulle part ailleurs je n’ai vu pareille abondance, pareille harmonie. » Lorsqu’il décrit sa ville idéale en 1515 dans son ouvrage Utopia, le philosophe anglais Thomas More ne se doute pas que près de six siècle plus tard, c’est peut-être en Chine que son message, empreint d’écologie avant l’heure, risque de rencontrer le meilleur écho. Depuis vingt ans, le pays connaît une révo106 Connexions / juillet 2010

lution majeure de son organisation interne avec le passage d’une ère très rurale à une intense concentration urbaine. De 132 villes en 1949, la Chine est passée à plus de 6501 dont près de 250 construites depuis 1990, et elle n’en prévoit pas moins de 400 de plus d’ici 2030. Derrières ces chiffres imposants, se cache la nécessité d’accueillir en à peine deux décennies près de 300 millions de nouveaux citadins. « Il n’est pas possible de faire comme sur les 20 dernières années un développement urbain sauvage » prévient Antoine Daval manageur développement urbain soutenable chez Sogreah, spécialiste français du secteur (voir encadré p.110-111) « les coûts liés aux gaspillages énergétiques et à la pollution, les défis sanitaires et climatiques sont désormais trop importants pour occulter la nécessité d’assurer un développement soutenable à l’urbanisme de

demain en Chine ». La pression sur l’environnement de villes créées à la va-vite est de fait très importante. L’eau, ressource rare en Chine, est lourdement contaminée par des rejets industriels et urbains mal retraités. Les émissions de CO2 culminent avec des milliers de tonnes de charbon brûlées pour assurer l’approvisionnement énergétique de mégapoles peu conçues pour se montrer économes, sans parler de l’asphyxiant trafic routier urbain qui ne fait qu’augmenter… Dans ces conditions, est apparu un engouement très prononcé des autorités locales pour le concept d’éco-cité, de ville verte. Les projets de développement urbain écologique, « zéro émission » ont explosé un peu partout dans le pays au début des années 2000 sans que la définition même du concept soit clairement établie.


L’urbanisation 城市化 生态城市与可持续城市规划: 在理想与市场之间 中国提出要建设众多的生态城市。 “面子工程”还是实际的解决方 案?中国掌控城市化的迫切需要能够为法国企业在可持续城市规 划领域打开市场。 “ 这 块 水源在 城外不远的地 方,

有,在荒凉或者靠着污染性工业项目的地

Amourote人在它周围盖起围墙,并纳入防

方建起,往往被视为营销宣传的陪衬,或

御工事……一些地道从这里将水引到下游

是展示从国外引进的“绿色”技术和专长

城市的各个地方......街道被规划得整整

的空洞橱窗。令人印象最深的例子是上海

齐齐,既服务于交通又能挡风。

附近的东滩,被视为2010年世界第一座生

建筑物

© DR

外观美丽......在房子后面,沿着整条大街,

中新天津生态城是中国绿色政策的矛头所指。

是一座广阔的花园......如此之美,我在其

纸面上雄心勃勃且富于创新,该项目

他任何地方都没见过像这里一样富足,和

一开始令国际媒体兴奋不已,但从2007-

谐...... ”

2008年开始,遭遇到中国某一层面的现实

1515年,当托马斯•莫尔在其作品《乌

问题,以及由此衍生出来的困难。规模超

托邦》中描写理想中的城市时,这位英国

大,政策混乱,追求短期效益的投资人和

思想家没有想到大约6个世纪之后,其带

开发商的撤离,东滩遭受多重挫折,如今

有超前生态印记的预言,可能在中国得到

已被无限期搁置。邻岛上建设的巨型造船

最好的响应。

厂更是给该项目总体的生态层面泼了一盆

2 0年来,中国内部组织发生了重大

Dongtan, l’échec salutaire Créés généralement ex nihilo sur des terrains vierges ou adossés à des projets industriels polluants, les éco-cités à la chinoise ont parfois fait figure de faire-valoir marketing ou de vitrines creuses pour des technologies et savoir-faire « verts » venus de l’étranger. L’exemple le plus frappant est celui de Dongtan près de Shanghai, censée devenir la première éco-cité du monde dès 2010 sous la houlette du cabinet d’ingénieurs anglais ARUP. Ambitieux et innovant sur le papier, le projet a, au départ, enthousiasmé la presse internationale mais s’est heurté à partir de 2007-2008 à une certaine facette des réalités chinoises et les difficultés que cela peut engendrer. Surdimensionnement, imbroglio politique, désertion d’investisseurs et promoteurs orientés sur du profit à court terme, Dongtan a connu de nombreux revers et est aujourd’hui mis en veille à durée indéterminée. Sans oublier la construction de chantiers navals géants sur une île voisine qui jette un froid sur l’aspect écologique du projet dans son ensemble. « Dongtan a agi comme une soupape de sécurité par rapport à un emballement sur les éco-cités en Chine et c’est

•••

态城,由英国ARUP公司担纲设计。

冷水。

的变化,从农业化的时代过渡到城市化

“对于生态城在中国的趋之若鹜,东

高度集中的时代。中国从1949年的132座

滩就像一个安全阀,这样很好!”Antoine

城市发展到今天的650多座城市,其中近

Daval解释, “与其投入到造价惊人且需要

250座是在1990年以后建设的,从现在到

在少有的空地上扩张的项目,倒不如开始

2030年,中国预计还会出现400多座城市。

试着重新审视现有的市政体系,使其更有

在庞大的数字背后,隐藏着在近20年内接

效,更紧密。这样做更合理。遵循这一学

纳约3亿新城市居民的要求。

习的曲线,我们将开发出一种本地的‘绿

“像过去20年那样的野蛮的城市发

色城市化’模式,无论如何不能与西方形

展已经不可取了。”法国该行业的专家索

成的模式雷同,因为城市化的规模及面临

格利公司可持续城市发展经理Antoine

的挑战都是不一样的。”

Daval预言, “能源浪费和污染的成本以及

法国在可持续发展的市场上占据有利

卫生和气候的挑战巨大,以致无法隐藏保

的位置

证中国未来城市规划可持续发展的必要

在立法方面,中国为了规制一种更好

性。” 仓促建立的城市,其环境压力的

管理的城市发展而迅速变化。她借鉴像美

确非常大。水,作为中国稀有的资源,被

国LEED这样的国外评估体系,现在推出自

处理不善的工业和城市废弃物严重污染。

己的绿色建筑评估体系(GBAS)。总的来

为了向几乎未经节能设计的大都市供应能

说,中央政府逐步建立了包括众多环境因

源,随着成千上万吨煤炭的燃烧,二氧化

素的城市“和谐发展”的指标。同时,中国

碳的排放量达到了顶点,更不用说令人压

在一些城市进行试点,制定更为严格的法

抑的城市道路交通,只增不减......

律,以便加快进程。 “问题在于地方开发

在这些情况下,出现了被地方政府经

商是否会付诸实施,”法国驻华使馆经济

常提及的生态城市,即绿色城市的理念。

处环境、能源和交通运输参赞孙若琳强

在21世纪零零年代初, “零排放”生态城

(Roseline Legrand)调, “经济效益和短

市的发展项目在全国各地突然兴起,而这

视行为经常凌驾于环境之上。因此,中国

一概念本身尚未明确定义。

能源的价格仍然太低,以致地方建筑企业

东滩,有益的失败

认为投资绿色产业没有收益。但这些情况

中国式的生态城市,通常是从无到

•••

会很快改变。”

Connexions / juillet 2010 107


DOSSIER

专栏

projets faramineux nécessitant une extension sur des terrains vierge rares, il est plus logique de commencer par tenter de repenser le tissu urbain existant pour le rendre plus efficient, de le densifier. C’est en suivant cette courbe d’apprentissage qu’on pourra développer un modèle d’« urbanisation verte » local qui, de toutes façons, ne ressemblera pas à ceux élaborés en Occident car les dimensions et les défis ne sont pas les mêmes». La France bien placée sur le marché du durable Sur le plan législatif, la Chine évolue rapidement pour tenter d’imposer un développement urbain mieux maîtrisé. Elle s’inspire des systèmes d’évaluation étrangers comme le LEED américain et propose aujourd’hui son propre système de notation « verte » pour les bâtiments (GBAS)2. Plus globalement, les autorités centrales ont mis progressivement en place un index de « développement harmonieux » des villes incluant de nombreux aspects environnementaux. Le pays mène également des tests en mettant en place des législations plus strictes sur quelques villes pilotes en vue de passer à la vitesse supérieure. « Le problème reste la mise en pratique au niveau des promoteurs locaux » souligne Roseline Legrand, conseillère environnement, énergie et transport au service économique de l’ambassade de France à Pékin « le volet économique et une vision à très court terme l’emportent souvent sur le volet environnement. Ainsi, le prix de l’énergie en Chine reste encore trop bas pour que les entreprises de construction locales estiment qu’il soit rentable d’investir dans le vert, mais les choses devraient évoluer rapidement à ce niveau ». Les villes vertes « made in China » font donc actuellement l’expérience de la réalité après avoir surfé sur une vague d’euphorie souvent démesurée. Un retour sur terre parfois pénible mais qui laisse peu à peu place à une urbanisation mieux réfléchie et plus durable, seule solution pour assurer le développement du pays dans son ensemble à long terme.

Nicolas Sridi

1. statistiques officielles datant de 2005( NDR 2. voir le numéro 52 sur la Chine se prépare au réchauffement planétaire

108 Connexions / juillet 2010

© Imagine China

très bien ainsi ! » explique Antoine ••• Daval. « Plutôt que de se lancer dans des

Réseau de climatisation et facturation basée sur la consommation sont les solutions du groupe français à Chongqing. 中央空调系统和按实际耗能收费是法国苏伊士环能集团为重庆带来的解决方案。

GDF Suez

Une climatisation énergétiquement efficace à Chongqing Raphael Schoentgen, directeur des opérations Chine pour GDF SUEZ revient sur le premier système de climatisation que l’entreprise installe à Chongqing, l’efficacité énergétique et sur le potentiel du marché chinois.

Connexions : C’est à Chongqing que vous allez démarrer votre premier réseau de chaud et froid en Chine. Selon vous, quels sont les défis concernant l’efficacité énergétique que doit affronter une municipalité comme Chongqing -- la plus grande du monde — et comment pouvez-vous y répondre ? Raphael Schoentgen : Notre PDG Gérard Mestrallet a l’honneur d’être le président du conseil des investisseurs étrangers de la ville. Chaque année, ce groupe discute avec le maire pour voir comment faire avancer l’urbanisation de la ville. La mairie nous a ainsi exprimé le désir de réduire l’utilisation des climatiseurs individuels qui augmentent la température de la ville de 3°C l’été et de trouver un système plus efficace. Nous sommes donc partis sur la mise en place d’un système de réseau de climatisation centralisé comme celui de Paris. Parallèlement, pour gagner en efficacité, nous faisons aussi évoluer le système de facturation. En Chine la facture de climatisation se fait encore souvent par rapport

à la superficie et non selon la consommation réelle. Basculer vers une telle approche améliore mécaniquement le bilan carbone de la ville, les clients devenant plus économes. Ce projet est développé en partenariat avec Chongqing Energy avec qui nous avons signé en novembre dernier un accord global sur l’efficacité énergétique qui prévoit aussi des services aux industriels.

C. : Pouvez-vous expliquer comment fonctionne ce système de climatisation et comment il s’appliquera à Chongqing ? R. S. : Nous devons d’abord évaluer les besoins du client. Dans ce cas précis le froid. Puis nous cherchons les sources d’énergies primaires pour y répondre. A Chongqing il s’agit ici de baisser la température par un échange thermique avec une source froide et l’on utilisera l’eau du fleuve Yangzi pour cela. Une usine de climatisation produira ensuite un réservoir d’eau glacée qui sera ensuite injectée dans notre réseau pour climatiser. Le projet commence en ce moment par le nouveau central business district (CBD) de Chongqing qui abritera la nouvelle tour de notre partenaire Chongqing Energy.

C. : Le réseau peut-il être élargi à d’autres zones ? R. S. : Bien évidemment. Plus le système est mutualisé, plus il est efficace. Ce type de projet n’a de sens que s’il est élargi. Nos par-


L’urbanisation 城市化 tenaires l’ont bien compris. La zone développée initialement est petite mais elle va croître rapidement et peut facilement être reliée à d’autres. Il y a un développement urbain explosif à Chongqing. Accompagner la ville nous semble la clef.

•••如果说法国在可再生能源方面不像 其他欧洲国家那样占据有利的位置,但她

法国的强项,拥有阿海珐和法国电力这些 不可或缺的企业。

拥有很多生态方面的优势。通过阿海普、

在能源效率方面,像施耐德这样的世

索格利和必维等知名咨询公司,法国在绿

界领先企业已经在工业领域表现颇佳。在

色工程、建筑和设计领域的业务遍及全世

建材行业有圣戈班及其子公司,以及拉法

C. : Pouvez-vous imaginer des solutions pareilles dans d’autres villes? Quels seraient vos clients potentiels ? R. S. : Les CBD sont des clients évidents. Il y

界。法国拥有享誉全球的企业,在水处理、

基,还有罗格朗的电气产品,他们在中国

废弃物处理和能源服务等市政服务领域铸

可持续城市规划的市场上都有牌可出。

“在水处理行业,像威立雅、苏伊

才能在未来的市场上找准位置,因此找到

a une forte densité humaine et beaucoup de tours qui ont besoin d’être climatisées et chauffées. Les hôtels ou centres de conférence aussi. Les loyers au centre-ville sont souvent très chers donc se relier à un réseau est bien plus rentable que de prévoir des systèmes de climatisation individuels (par habitation/ par tour) qui occupent de la place inutilement dans chaque bâtiment. Je pense aussi aux nouvelles zones urbaines. Le projet est plus simple à développer quand vous êtes sur la planche à dessin que lorsque la ville est déjà construite. Dans 5 ans, je pense que GDF Suez sera impliqué dans trois ou quatre villes.

士环能集团这样的大型法国企业以及他

各种试点项目并迅速加入就显得尤为重

们的子公司(OTV、得利满、达尔凯等)在

要。 飞速发展的二线城市也有利可图,因

中国参与技术上最复杂的项目。”孙若琳

为竞争没有大城市那么激烈,但需要做更

说。

重要的考察工作。” 孙若琳总结。

C. : La France vient de signer un accord avec la municipalité de Wuhan pour développer une zone verte qui couvre 9 villes et 30 millions d’habitants. Avez-vous des projets pour participer au développement cette zone urbaine ? R. S. : L’accord porte sur habitat, urbanisme et le traitement des eaux qui sont toutes des problématiques de GDF SUEZ. Nous y sommes déjà présents chez Wuhan Steel dans un projet de traitement des eaux réalisé par Degremont qui comporte la particularité de recycler une partie de l’eau traitée pour les besoins de l’aciérie. Il semble donc naturel que nous soyons présents pour le développement de Wuhan même si je ne peux pas encore dire dans quels domaines.

C. : La Chine peut-elle pour vous -- à la fois par la taille de ses projets urbains et sa volonté affichée d’une croissance verte -- être un terrain d’expérimentation ? R. S. : On se trouve confronté en Chine à des projets très ambitieux pour lesquels nous proposerons des solutions innovantes. On peut tout à fait imaginer que les solutions offertes ici deviennent des références pour nous et s’exportent en-dehors de la Chine.

Propos recueillis par Virginie Mangin

就了牢固的声望。

“我认为在中国必须掌握本地标准

本地蓬勃发展的城市交通领域对于

因此,在大肆推行理想的城市建设之

阿尔斯通或泰雷兹及其信号服务等制造

后, “中国制造”的绿色城市从现实中获

企业而言也是未来的市场。

得经验。回到原地有时是痛苦的,但可以

在能源生产方面,阿尔斯通能够提

渐渐让位于更加深思熟虑、更加持续发

供性能更高的热电厂解决方案和有害排

展的城市化,这是保证国家从整体上长

放气体的收集储存技术。无碳核电,也是

期发展的唯一方式。

法国苏伊士环能集团在重庆安装高效节能 的空调系统 法国苏伊士环能集团中国区总代表盛

开发的,双方于去年11月签署了关于能效

瑞金(Raphael Schoentgen)谈起了集团

的全面合作协议,协议还涉及为工业企业

在重庆安装的第一个中央空调系统,能效

提供服务。

问题以及中国市场的开发潜力。

《 联 结 》:您 能 解 释 一下这个 空 调 系

《联结》:你们将在重庆启动在中国的

统是如何运行的吗?在重庆将如何应

第一个供 热制冷系统。您认 为像重庆

用?

这样的城市— —世界上最大的城市,

盛瑞金:我们首先要评估客户的需求,这

在能效方面会遇到哪些挑战?你们将

里具体指制冷。然后我们寻找初级能源来

如何应对?

实现制冷。在重庆,就是把冷水源汇集到

盛瑞金:我们的总裁热拉尔·梅斯特雷(

热泵中转换,进行降温处理,我们将用长

Gérard Mestrallet)非常荣幸能担任重庆

江水作为冷水源。接下来,空调厂将建一

市外商投资委员会主席。每年,委员会都会

个冰水贮水池,然后将冰水引入我们的空

同重庆市市长讨论如何推动重庆的城市

调制冷系统。目前,该项目从重庆市的新

化进程。重庆市政府向我们表示希望减少

中央商务区开始实施,那里有我们的合作

每家每户空调的使用,否则会使夏季城市

伙伴重庆能源投资集团的新办公楼。

的温度升高3°C,同时希望我们提供更高

《联结》:该空调系统能够扩大到其他

效的空调系统。因此,我们采用了与巴黎

区域吗?

类似的中央空调系统。

盛瑞金:当然可以。系统越协同运作越高

同时,为了节能,我们改变了计费标

效。只有将其扩大,这类项目才有意义。我

准。在中国,空调的计费普遍按照面积计

们的合作伙伴非常清楚这一点。开发的区

算,而不是按照实际耗能计算。转换计费

域起初很小,但它会迅速增加,并且很容

方式能够从机制上改善城市的碳排量,客

易同其他区域联系起来。重庆的城市发展

户可以更加节能。

突飞猛进,伴随城市的发展对我们来说是

这个项目是与重庆能源投资集团合作

•••

关键。

Connexions / juillet 2010 109


DOSSIER

专栏

Si la France n’est pas aussi bien placée que d’autres pays européens en matière d’offre sur les énergies renouvelables, elle possède de nombreux autres atouts écologiques. Ingénierie verte, architecture et design sont des domaines où le pays est présent à l’international à travers des cabinets reconnus comme AREP, Sogreah ou Bureau Veritas. L’Hexagone s’est forgé une solide réputation en termes de services urbains comme le traitement de l’eau, des déchets et les services à l’énergie. « Sur l’eau, les grandes entreprises françaises comme Véolia, GDFSuez et leurs filiales (OTV, Degrémont, Dalkia,…) sont présentes en Chine sur les projets les plus complexes techniquement » précise Roseline Legrand. Le dynamique secteur local des transports urbains représente également un marché d’avenir pour des constructeurs comme Alstom ou Thales et ses services de signalisation. En matière de production d’énergie, on retrouve Alstom qui offre des solutions via des centrales thermiques plus performantes et des technologies de capture et stockage des émissions polluantes. Le nucléaire, libre de CO2, est également un secteur d’excellence pour la France avec des acteurs incontournables comme Areva et EDF. Sur l’efficacité énergétique, un leader mondial comme Schneider est déjà bien présent au niveau industriel. Saint-Gobain et ses filiales, Lafarge pour les matériaux de construction ou encore Legrand et ses produits électriques, tous ont une carte à jouer sur le marché de l’urbanisme soutenable en Chine. « Je pense qu’il est nécessaire de disposer d’une référence locale en Chine pour se positionner au mieux sur les futurs marchés. Il est donc important de repérer les différents projets-pilotes et de s’y associer rapidement. Les villes secondaires en plein essor sont aussi intéressantes car moins concurrentielles que les mégapoles mais nécessitent un travail de prospection nettement plus important » conclut Roseline Legrand. 110 Connexions / juillet 2010

N. S.

© Imagine China

La France bien placée sur le marché du durable

Bien implanté en ingéniérie de l’eau, le nouveau groupe va se positionner sur des projets de construction et transports verts . 新集团已在水处理工程领域站稳脚跟,它还将参与绿色建筑和交通项目。

Artelia

Une nouvelle alliance française au service du « vert » Sogreah, spécialiste français de la gestion directeur des branches internationales de projets environnementaux, et Coteba, du cabinet « La Chine est un marché un cabinet d’ingénieurs expert en construc- peu particulier puisque les régulations du tion, fusionnent. Le nouveau groupe, Arte- pays font que nous devons nous associer à lia, veut renforcer sa présence en Chine et des acteurs locaux pour pouvoir produire soutenir les efforts d’urbanisation du pays. concrètement du design ». Avec ses cent ans d’existence Une situation qui n’emet pas moins de vingt ans de pêche pas Sogreah de présence en Chine, Sogreah « La fusion participer à de nombreux est loin d’être un nouveau Sogreahprojets d’envergure en vue venu. Reconstruction post d’améliorer l’urbanisation Coteba va séisme dans le Sichuan, en Chine, notamment en conseils environnement permettre tant que conseiller technipour la construction des que auprès de la Banque au groupe futures centrales nucléaires mondiale. EPR à Tangshan… l’expertise d’offrir une A Shanghai, Sogreah s’est du cabinet d’ingénieurs est expertise largement impliqué pour vaste. Le marché chinois améliorer l’accès à une eau élargie .» représente déjà entre 15% potable alors que la qualité et 20% des activités internades eaux du Yangzi et du tionales de l’entreprise qui Huangpu ne cesse de baisa établi une filiale locale à partir de 2005. ser depuis les années 90. Concrètement, « Sogreah est surtout connu pour ses com- l’entreprise s’est associée à la municipapétences en matière de gestion et traite- lité pour la construction de la station piment de l’eau » précise Alain Guéguen, lote d’épuration de Bailonggang depuis le


L’urbanisation 城市化 design initial jusqu’à la formation des équipes opérationnelles locales. Sur le delta de la rivière des Perles, le groupe est également intervenu dans le design d’un développement urbain du bassin plus durable avec des systèmes d’évacuation des eaux usées de Guanzhou, Foshan et Shunde qui représentent près de 22 millions d’habitants. Il a conseillé les autorités locales pour produire un dossier adapté et obtenir une aide financière de la Banque mondiale pour la construction d’un centre de traitement des déchets toxiques rejetés dans la zone. « Il est très important de mettre en place des projets adaptés et dimensionnés aux besoins mais aussi aux compétences locales » insiste Gary Moys, directeur de Sogreah Chine « Au cours de ma carrière en Chine, j’ai vu des situations absurdes comme la construction mal pensée d’infrastructures pourtant performantes et totalement financées par les autorités centrales alors que les autorités locales n’avaient même pas les moyens d’assurer la simple mise en opération et la gestion au quotidien. C’est ce genre de chose que nous voulons absolument éviter à travers nos activités de conseil ici ». Si Sogreah est bien implanté en Chine en ingénierie de l’eau, l’entreprise était jusqu’à présent absente du marché de la gestion de projets de construction, transports en commun et infrastructures. La fusion avec Coteba permettra au nouveau groupe créé, Artelia, d’offrir une expertise élargie qui couvrira une gamme importante des besoins du pays en matière de développement urbain durable. « Sogreah est, par exemple, déjà présent à Wuhan pour le traitement de l’ensemble des eaux boueuses de la ville » souligne Antoine Daval, manager développement urbain durable de la filiale en Chine « mais Artelia pourra se positionner plus largement sur un important projet de futur écoquartier mené conjointement par la France et la Chine, ainsi que sur le green- building. C’est une évolution très importante pour nous puisque la Chine va devenir le plus important marché mondial pour l’urbanisme durable sur les 20 ans à venir » conclut le jeune expert français.

N.S.

•••《联结》:您认为其他城市是否可

盛瑞金:这项协议涉及居住、城市规划和

以采取类似的解决方案呢?你们有潜

水处理,这些都与苏伊士环能集团的业务有

在客户?

关。我们已经参与了武钢的水处理项目,由苏

盛瑞金:中央商务区是显而易见的客户。

伊士环境集团旗下的得利满公司完成,这个

那里的人口密度大,有很多办公楼需要供

项目的特点在于对一部分处理过的水再循

冷和供暖。酒店和会议中心也是如此。市

环利用,以满足炼钢的需要。因此,我们参

中心的租金通常很高,因此与空调系统的

与武汉市的发展也是很自然的事情,即使我

网络相联比每家每户安空调(按每户/每楼

还不能具体说出在哪些领域。

计算)的收益高,而且后者还会白白占用

《联结》:中国不仅有大型的城市规划

每栋楼里的空间。我还想到了新规划的城

项目,而且公 开表明绿色 经济增长的

区。正在规划的城区比已经建好的城市更

的意 愿。中国对你们来说能否成为一

容易开展项目。我认为五年后苏伊士环能

块试验田?

集团的业务将扩大到3至4座城市。

盛瑞金:我们在中国碰到了一些庞大的项

《联结》:法国刚刚与武汉市签署了一

目,我们将为这些项目提出创新的解决方

个覆盖9座城市、3000万人口的绿色区

案。我们完全可以想象所提供的这些方案

域 发 展协议。你们有参与开发 这块区

会成为我们日后的项目参考,传到中国以

域的项目吗?

外的其他国家。

Artelia: 为绿色项目服务的法国新联盟 法国环 境项目管理专家索格利 公

市,拥有近2200万人口。他们还协助地方

司(Sogreah)与专业的建筑工程事务

政府准备合适的材料,为修建当地一座

所 Coteba合并。由此而诞生的新 集团

有毒垃圾处理站取得世界银行的资金援

Artelia打算巩固它在中国的地位,并支持

助。

中国为城市化所做的努力。索格利拥有

“实施适应当地需求和能力的项目,

百年历史,来到中国也有20年,决不是一

因地制宜非常重要,”索格利中国经理茅

个初来乍到的新公司。参与四川震后重

易斯(Gary Moys)强调, “在中国的职业

建,为即将建设的台山EPR核电站提供环

生涯中,我曾看到一些荒唐的情形,比如

境咨询等,索格利的专业服务十分广泛。

未经思考建了一些性能良好、完全由中央

2005年,索格利在中国成立子公司,中国

政府投资的基础设施,而地方政府却没有

市场已占其国际业务的15%-20%。 “索

条件保证简单的运行和日常管理。这正是

格利尤以水处理和水务管理的能力而

我们在咨询工作中想绝对避免的事情。”

著称 ,”索格利国际分支的经理 Alain

如果说索格利已经在水处理工程方

Guéguen说, “中国市场有点特殊,因为中

面在中国站稳脚跟,但迄今它还缺席建

国法律规定,我们必须与本地机构合作才

筑、公交和基础设施项目的管理市场。与

能进行具体设计。”

Coteba的合并可以使新集团Artelia提供更

这种情况不妨碍索格利在中国参与众 多改善城市规划的大型项目,尤其作为世 界银行的技术顾问。

广泛的专业服务,覆盖中国可持续城市发 展需求的巨大范围。 “索格利已经在武汉参与整个污水处

在上海,索格利大量参与了改善居民

理工程,”索格利中国公司可持续城市发

饮用水的项目,而从20世纪90年代以来

展经理Antoine Daval强调, “而新成立的

长江和黄浦江的水质在不断下降。具体

Artelia集团将更广泛地参与一个中法共同

地说,从最初的设计到本地操作人员的培

开发的未来生态区的重要项目,例如在绿

训,索格利与上海市政府合作建设了白龙

色建筑的设计方面。对于我们来说,这是

港水质净化厂。

一个非常重要的变化,鉴于中国的需求和

在珠江三角洲,索格利还为该地区提

在未来20年里将要面对的挑战,中国有望

供可持续城市发展的规划设计。他们积极

成为世界上最大的可持续城市规划的长期

投身于广州、佛山和顺德废水排放系统的

市场。”这位年轻的法国专家最后总结。

改造,这三座城市是经济发展的龙头城

Connexions / juillet 2010 111


DOSSIER

© DR

专栏

L’éco-home de la municipalité de Shanghai est une vitrine pour les savoir-faire français. 上海市的“沪上·生态家”项目是展示法国技术的橱窗。

CSTB

Des Français dans la maison du futur Plusieurs technologies françaises de pointe sont présentées dans l’éco-home de la municipalité de Shanghai L’éco-home a le visage d’un immeuble à taille humaine, aux murs plantés de végétaux et au toit recouvert de panneaux solaires. Derrière sa façade sympathique, le pavillon installé dans la zone des meilleures pratiques urbaines est un condensé de technologie. Le projet a été dirigé par le SRIBS (Shanghai Research Institute) qui a décidé de s’associer à un organisme français le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). « Nous en retirons de l’image bien sûr, explique Bruno Mesureur, directeur du développement international du CSTB, c’est l’occasion de montrer que nous pouvons être présents en Chine. Scientifiquement et techniquement, cela nous permet aussi de créer un concept fédérateur. A l’étranger, et c’est bien normal, chaque acteur (industriel,

112 Connexions / juillet 2010

architecte, bureau d’études) a ses propres objectifs, le CSTB est légitime pour promouvoir l’assemblage, vendre un concept de bâtiment zéro émission. » Le projet a mobilisé 1,6 millions d’euros. La France a participé à hauteur de 620 000 euros via un Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP). L’ Eco Home a vocation à servir de modèle au-delà de Shanghai. Après l’Exposition universelle, le pavillon ne sera pas détruit et deviendra une vitrine pour le développement de l’habitat du futur en Chine et pourquoi pas à travers le monde. « Le SRIBS a l’intention de poursuivre sur cette lancée et ambitionne d’être un des pilotes du douzième plan quinquennal qui devrait insister sur l’aspect quartier/ ville » assure Bruno Mesureur. Bien sûr, un succès public serait appréciable mais

la municipalité de Shanghai veut attirer l’attention des pouvoirs centraux et des investisseurs. Si l’Eco Home peut faire partie de l’arsenal chinois pour lutter contre sa pollution, le pari sera gagné. » L’Eco Home vise la réduction de la consommation d’énergie et de ressources mais pas question d’y vivre une vie monastique. La maison verte doit aussi être une démonstration de l’art du bien vivre. Les architectes ont conservé des détails des constructeurs chinois : une porte de Xintiandi est installée sur l’une des façades, les fenêtres s’inspirent des formes traditionnelles…. L’institut de recherche chinois et l’organisme français ont collaboré via des ateliers, période intensive de travail en commun, pour échanger leurs méthodes ou leurs problématiques sur la construction innovante. De grandes entreprises françaises ont ainsi pu présenter leurs derniers produits en termes d’économie d’énergie et de qualité de vie. Cinq d’entre elle ont été retenues pour participer à l’Eco Home. Schneider Electric est en charge des « technologies intelligentes » sur le bâtiment. Le géant français a créé et mis en place le contrôle informatique de l’ensemble de la construction comme un moyen d’intégration de l’ensemble des informations de l’édifice. On peut savoir combien d’énergie l’ascenseur ou la télévision consomment, combien d’eau est tirée de chaque robinet par jour ou par semaine. Schneider se chargera aussi de contrôler ce système pendant toute la durée de l’Expo. Weber, la branche matériaux de SaintGobain, a participé à l’isolation des murs extérieurs avec un nouveau mortier Etics Façade System. En plus de ses propriétés thermiques (il garde l’intérieur chaud en hiver et frais en été), ce matériau empêche aussi la condensation et élimine ainsi les risques de moisissures sur les murs, problèmes récurrents dans les régions humides comme Shanghai. Les fenêtres ont profité des technologies de Saint-Gobain Glass. Son modèle “Planitherm 1.16II” renforce l’isolation toute en permettant une belle diffusion de la lumière. Le géant français participe


L’urbanisation 城市化 ainsi à la création d’un bâtiment à émission zéro de gaz à effet de serre. Les stores qui permettent de moduler l’ensoleillement sont made in France, par Dickson, la filiale française de Glenraven. Somfy fournit de son côté les moteurs et instruments de contrôle grâce auxquels le bâtiment profite de manière optimale des conditions naturelles : les protections anti-soleil et les fenêtres s’orientent au mieux pour créer un environnement sain, confortable et pratique en utilisant le moins d’énergie possible. Les murs intérieurs sont signés Lafarge. Ces plaques de gyspe plus fines que les murs traditionnels, offrent de meilleures performances thermiques et acoustiques. Petit bonus vert, le gypse utilisé est le produit de la désulfurisation de gaz dans des centrales électriques, ce procédé de fabrication limite la consommation de ressources épuisables. Les autorités chinoises ont fait appel à différents experts étrangers pour créer cet habitat du futur. Le hollandais Philips est par exemple le plus grand sponsor, avec un investissement de 1 million d’euros. Il a fourni un éclairage LED, une télévision 3D sans lunettes, ainsi qu’un lit capable de mesurer la pression artérielle. Cocorico ! Les entreprises françaises sont les entreprises les plus représentées dans ce pavillon. Emilie Torgemen

CSTB : 法国参与建造的未来之家 从上海看到的未来生活环境是一座

的方法和问题。一些大型法国企业因此能

人性化规模的建筑,墙面绿化,屋顶安装

够展示他们最新的节能和高品质生活产

太阳能板。在其赏心悦目的外观背后, “沪

品。有五家法国企业被选中参与“沪上·生

上·生态家”是一座浓缩了大量技术的展

态家”的建设。

馆,该馆建在上海世博园城市最佳实践

施耐德电气负责建筑物的“智能科

区。这个项目由上海建筑科学研究院领

技”。这家法国巨头为整座建筑制作并安

导,他们决定与一家法国机构——建筑科

装了一套信息控制系统,就像一种合成建

学技术中心(CSTB)合作。

筑物全部信息的手段。人们可以知道电梯

“我们当然要从这个项目中赢得声

或电视消耗了多少电能,每天或每周有多少

誉,”法国建筑科学技术中心国际发展部

水从每个龙头流出。施耐德还将负责在整

主任 Bruno Mesureur解释道, “这是一次

个世博期间管理这套系统。

表明我们能够进入中国的机会,从科学和

圣戈班集团建材业务分支— —伟伯

技术角度讲,这也能让我们创建一种联合

公司,通过一种新型的外墙外保温系统,

的理念。在国外,每个相关人员(企业、建

对外墙进行保温隔热处理。除了隔热性能

筑设计事务所和研究所)都有他们自己的

(保持室内冬暖夏凉),这种材料还能防

目标,这很正常;法国建筑科学技术中心

止凝结,从而消除了墙面发霉的可能,这

促进联合,推广零排放建筑的理念是合理

个问题在上海等潮湿地区经常出现。窗户

的。”

使用了圣戈班玻璃的技术,其Planitherm

项目动用了160万欧元的资金。法国

1.16II型玻璃在增强隔热效果的同时,能够

通过私营领域研究援助基金(FASEP)赞

能够保持充足的光线。由此,圣戈班参与

助62万欧元。 “沪上·生态家”的使命是作

建造了一座零温室气体排放的建筑。

为在上海以外和世博会之后的人居模式。

调节光照的卷帘是由格伦雷文公司

这座展馆不会被拆除,它会是中国和全世

(Glenraven)的子公司迪克森(Dickson)

界未来住宅发展的一块试金石。

在法国制造的。

“上海建筑科学研究院有意继续推

尚飞公司(Somfy)则提供调节窗帘

进这一行动,并立志成为“十二五”规划

的动力装置和器材,因此,建筑物能够最

Les pavillons des meilleures pratiques urbaines

的先进项目之一,十二五规划将着重解决

佳地利用自然条件:防晒保护,窗户的最

社区/城市问题。”Bruno

佳朝向,尽可能少用能源,创造一个干净、

L’Exposition universelle consacre une zone entière au thème « meilleures villes, meilleure vie ». Baptisée « zone des meilleures pratiques urbaines », on peut y admirer toute une série de réalisations originales de villes du monde entier, de La Mecque à Ningbo, de Hambourg à Macao ou Pondichéry. Ne manquez pas les pavillons Alsace, Rhône-Alpes et île de France situés dans cette zone. Quant au pavillon France de l’autre côté du Huangpu, s’il présente avec élégance notre art de vivre et notre romantisme, la qualité de son accueil est parfois, de l’avis général, insuffisante. A.G.

当然,公开的成功相当重要,但上海市政

Mesureur说。

舒适和方便的环境。

府想吸引中央和投资者的重视。如果“沪

内墙工程被拉发基签下。这些比传统

上·生态家”能够成为中国应对污染的武

墙壁更细致的石膏板,具有更佳保温隔音

器之一,其目的也就达到了。

效能。另一环保之处:所用石膏是一种采

“沪上·生态家”旨在减少能源和资 源的消耗,但绝非过清苦的生活,它应当

用发电站煤气脱硫技术制造的产品,这种 制造工艺能减少不可再生资源的消耗。

是舒适生活艺术的展示。建筑师们保留了

中国政府邀请了不同的外国专家来建

一些中国建筑的细节:楼房外的一侧装了

造这座未来的住宅。例如荷兰飞利浦公司

一扇‘新天地’大门,窗户汲取了传统样式

是最大的赞助商,共投入100万欧元。他

的灵感等。

们提供了一套LED照明系统,一台无需戴眼

上海建筑科学研究院和法国建筑科

镜看的三维电视,以及一张能够测量血压

学技术中心互相配合,通过小组讨论和集

的床。不管怎样,法国企业是“沪上·生态

中的工作周期,交流他们在建筑创新方面

家”里展示最多的企业。

Connexions / juillet 2010 113


DOSSIER

专栏

Quand la poussière retombera… Le point de vue de Jean-Louis Rocca, sociologue, professeur à Tsinghua, chargé de recherche au CERI (Sciences Po) qui vient de publier Sociologie de la Chine aux éditions La Découverte.

Connexions : Le nombre d’urbains explose en Chine et les migrations se multiplient. Comment s’effectue ce passage du statut de rural à urbain ? Et quel rôle joue l’Etat dans le contrôle de ce passage ? Jean-Louis Rocca : L’affaire est compliquée. D’un côté, des structures rigides depuis les années 70, continuent à assigner à chaque Chinois un certificat de résidence (hukou) dès la naissance, qui détermine à quel endroit il aura droit à des prestations sociales, des aides, une scolarisation. De l’autre, des directives dans les villes incitent à plus de souplesse et concrètement, l’enfant d’un cadre supérieur, voire d’un travailleur migrant (nongmingong) enrichi peut entrer dans une bonne école, si ses parents payent. Le système du hukou ne marque pas seulement une distinction rural/urbain mais une distinction waidiren/bendiren (venant de l’extérieur ou résident de souche). Ainsi un Pékinois de souche ne peut rester sans logement, il a droit à un filet social minimum, à 114 Connexions / juillet 2010

des recours légaux et moraux — ses voisins pékinois comme lui auront honte s’il ne peut pas se loger ; un système de revenu minimum lui garantit des subsides s’il est en-dessous du seuil de pauvreté, mais rien de tel n’existe pour le waidiren.

C. : A quelles conditions peut-on acquérir un nouveau hukou ? J.-L. R. : Dans les villes moyennes ou petites, on peut acheter un hukou si on est propriétaire d’un appartement, si on a monté un petit business. Mais à Pékin ou Shanghai, seuls les plus aisés peuvent prétendre à un hukou dont, de fait, ils n’ont guère besoin. Le vrai problème concerne les nongmingong moyens ou pauvres qui ne peuvent accéder à aucune aide et dont les enfants ne peuvent pas être correctement scolarisés.

C. : Y a-t-il des trajets types de migrations, passet-on directement d’un village à la grande ville, ou transite-t-on par des petites villes ? J.-L. R. : Il y a deux grandes voies. D’une part, une voie collective, le passage du statut

Dans les rues du centre de Tianjin.

de rural à urbain par l’évolution de tout un quartier. Ainsi le quartier de Taiyanggong que j’ai étudié, au-dessus du troisième périphérique nord de Pékin, était il y a 30 ans entièrement peuplé de paysans qu’on a déracinés en rachetant leurs terres. Jusqu’à 2005, ces paysans ont pu continuer à souslouer leur pingfang, petite maisons basses, non encore détruites à des nongmingong venus de loin (waidiren). Aujourd’hui ces paysans ont obtenu le statut urbain et les nongmingong ont disparu pour faire place à la grande ville hypermoderne. A Pékin, les compensations ont été plutôt correctes mais les cadres des régions suburbaines des villes moyennes peuvent se


© Anne Garrigue

L’urbanisation 城市化

天津市中心大街

montrer très avides et les choses peuvent assez vite dégénérer avec des émeutes et des morts… Et cette urbanisation rapide de terres agricoles prive aussi d’emploi les paysans devenus urbains qui ne peuvent trouver au mieux que des petits boulots, du gardiennage et vivent des situations précaires en restant assez « paysans » au niveau culturel. L’autre voie d’urbanisation est individuelle et très variée. La plupart de ces migrations individuelles sont intra-provinciales, voire intra-district (xian), et couvrent des distances courtes — de 20 à 50 km. On ne dispose pas d’études globales mais on observe souvent des sauts de puces

sans ordre systématique. Les migrants se déplacent pour suivre le marché du travail qui bouge lui-même beaucoup. On a trois types de migrants. Ceux qui travaillent dans la construction, à 90% des hommes, sont pris dans leur village, amenés par des intermédiaires sur des chantiers. Une fois partis, ils vont de chantier en chantier et reviennent éventuellement dans leur village sans avoir changé de statut. La deuxième catégorie part dans des usines dans le Guangdong ou le Fujian. Ils n’ont pas tendance à s’enraciner et le téléphone portable a énormément changé les choses. Ils commencent à adopter des comportements urbains, cherchent à progresser

socialement mais sans passer obligatoirement par un enracinement. L’urbanisation relève d’abord du domaine imaginaire. On part de la campagne parce qu’on s’ennuie, pour gagner plus l’argent, mais pas forcément pour fuir la misère. On entre dans un nouveau monde qui n’est pas forcément spatialisé. Globalement ces gens n’ont pas envie de rentrer à la campagne mais ne souhaitent pas forcément rester dans une grande ville. Ils peuvent rêver d’ouvrir une échoppe dans la petite ville voisine de la maison familiale, et rentrer régulièrement voir leur famille et gratter leur champ. Dans ces petites villes, les clivages deviennent assez poreux. La vraie

•••

Connexions / juillet 2010 115


DOSSIER

© Anne Garrigue

专栏

Des nongminggong dans une ruelle pékinoise. Le waidiren qui vient de l’extérieur se reconnaît à ses manières et à son accent. 在北京胡同里的外地人。可以通过举止和口音认出他们。

distinction passe au niveau de ••• l’emploi, entre ceux qui ont un travail fixe salarié qui donne droit à une protection sociale et ceux qui ne l’ont pas. Même à Pékin, plus de la moitié des gens n’ont pas de contrats de travail et disparaissent des statistiques. Dans cette économie informelle, on trouve aussi bien des titulaires de hukou que des waidiren. La troisième catégorie est celles des gens qui ne rentrent dans aucune catégorie et dont personne ne sait ce qu’ils font. Quand on va dans les « villages » recréés en ville dans les zones que les paysans pékinois ont délaissées au-delà du quatrième périphérique à Pékin, on retrouve des nongmingong sans statut, des écoles de nongmingong plus ou moins illégales qui naissent et meurent… des enfants qui s’arrêtent au collège, puis trainent dans les wangba, les cafés internet. Des sociologues chinois ont commencé à travailler sur ces migrants de la deuxième génération.

C. : La société chinoise apparaît très mobile. Comment fonctionne la promotion sociale et comment fait-elle naître de nouvelles cultures urbaines ? 116 Connexions / juillet 2010

J.-L. R. : Attention au mythe. S’il y a des possibilités de promotion très faciles à l’intérieur des blocs, on passe très difficilement d’un bloc à l’autre ! Le premier bloc regroupe paysans et nongmingong. Il vaut mieux être nongmingong que paysan. On a plus d’argent, on s’habille et mange mieux, on peut envoyer de l’argent à sa famille pour lui permettre de monter dans la hiérarchie sociale. Malgré l’exploitation, être migrant est le plus souvent vécu comme une promotion sociale et financière. Une paysanne dans une petite ville de Mongolie me disait que sa famille gagnait 200 Rmb (environ 20 euros) par an alors qu’elle seule, coiffeuse en ville à Chifeng, gagnait entre 1 000 et 1 500 Rmb par mois. Le deuxième bloc est constitué par le peuple urbain qui travaillait en usine dans les années 70 et qui a enfanté un rejeton unique dans les années 80 qui a pu faire des études et jouit d’un capital scolaire et social. En étant pékinois ou shanghaien, il a plus facilement accès à un travail. Les promotions sociales peuvent aller assez vite. Un fils d’ouvriers et d’employés peut entrer

à l’université Tsinghua ou celle de Fudan s’il travaille bien. Aller à l’université en Chine a une valeur énorme et les voies d’accès restent urbaines. Un jeune Pékinois a de fortes probabilités de finir à l’université alors qu’un rejeton de villes moyennes et encore plus un fils de paysans auront beaucoup plus de difficultés car il existe des quotas limitant l’accès à l’université des enfants de paysans ou d’habitants de petites et moyennes villes. Le troisième bloc c’est celui des « fils de princes », ces enfants de hauts cadres qui forment un club très exclusif. Un jeune étudiant brillant de Tsinghua qui monte sa société n’aura pas forcément le sentiment d’être au zénith parce que la détermination par la naissance et l’appartenance à une grande famille restent très importantes. Les places les plus élevées dans la hiérarchie sociale sont contrôlées par quelques grandes familles d’origine révolutionnaire. A noter que les signes d’appartenance au sommet ne sont pas encore très clairs. Les signes de distinction sont en train d’être créés alors qu’en France ils remontent souvent au XVIIIe siècle. On trouve encore des élites chinoises qui rotent à table. Le bouleversement des hiérarchies remonte aux années 80 et même 70. J’ai un collègue historien à Tsinghua qui était lycéen au lycée numéro 4 de Pékin avec tous les dirigeants actuels. C’étaient ses amis mais aujourd’hui il n’appartient plus à ce milieu. Il pourrait utiliser ce capital s’il faisait de la politique ou des affaires. Il y a aussi des quinquagénaires qui ont conservé des relations avec des gens avec lesquels ils avaient été envoyés à la campagne pendant la Révolution culturelle. On a donc encore du mal à faire une cartographie sociale en fonction des manières et des réseaux mais la coupure bendiren/waidiren ou rural/urbain est forte. Il faut observer la tête des Pékinois de souche quand ils voient débarquer dans le métro un waidiren. Il le reconnaissent à son ton de voix plus fort, son dialecte, son accent, même à sa façon de s’habiller…

C. : A combien évaluez-vous l’importance de la classe moyenne urbaine chinoise et comment la caractériser ? J.-L. R. : J’ai une vision constructiviste de la classe moyenne. Pour moi, a priori elle n’existe pas. Mais, dans toute société, à un moment donné, une société peut vou-


L’urbanisation 城市化 loir avoir une classe moyenne. Il y a une dimension objective : une croissance des revenus et de l’éducation, de nouvelles professions. Mais il n’existe aucun critère absolu d’appartenance à la classe moyenne. La Chine vit aujourd’hui ce qui s’est passé dans les années 30 aux Etats-Unis et dans les années 60 chez nous. Si la définition des classes moyennes, c’est de pouvoir se vêtir et se loger correctement, être éventuellement propriétaire de son logement, avoir une voiture, manger, aller au restaurant et au cinéma et avoir quelques économies, les trois quarts de la population des très grandes villes en font partie. Mais si on prend le critère du niveau d’études, les pourcentages sont plus faibles (autour de 20%). Si on parle d’un style de vie cosmopolite et branché, cela redescend encore plus. Et si on fait intervenir le critère de la prise de conscience critique, les niveaux sont très faibles. L’opacité des chiffres est renforcée par l’absence d’études fiables sur les revenus des Chinois. Plus de la moitié des gens n’ont pas de contrats de travail. Et il faut ajouter aux revenus officiels les primes, les deuxièmes et troisièmes boulots qui échappent à tout calcul. On peut seulement inférer en observant la consommation. Ces membres des classes moyennes urbaines ont des problèmes de riches. Les jeunes se plaignent de ne pas pouvoir s’acheter un appartement avant de se marier. On ne peut pas parler d’une culture urbaine très originale à la Chine. C’est un mélange. Le style de vie que vantent les magazines concerne un microcosme, un fantasme emblématique, une culture urbaine aspirationnelle de la sortie, du théâtre, du café, des voyages à l’étranger, du développement personnel (relire Confucius, faire du yoga, aller visiter les pyramides), mais les Chinois au quotidien n’ont pas obligatoirement envie de passer à l’acte.

C. : Comment l’urbanisation chinoise peut-elle être comparée à l’urbanisation du XIXe en France ou au XXIe siècle au Sénégal ? J.-L. R. : Cette urbanisation ressemble à ce qui s’est passé en France au XIXe siècle mais compacté. Et l’accélération change la donne. Les décisions politiques se prennent de façon très rapide. Les mentalités doivent évoluer à grande vitesse. Et aujourd’hui la réflexion

Nouveaux urbains Xiao Lu, 32 ans, vient de l’Anhui « Le manuel scolaire de l’école primaire s’ouvrait sur la leçon ‘‘Pékin, Tian’anmen’’ . J’ai toujours voulu y aller, depuis mon plus jeune âge, voir de mes propres yeux cette merveille dont on parlait ». C’est ainsi que, à son arrivée dans la capitale en 1997, Xiao Lu s’est directement rendue sur la place Tian’anmen. C’est le seul lieu où, encore aujourd’hui, elle vient se détendre et oublier les soucis de la vie en ville. « Quand dans le bus j’entends dire que Pékin est devenue insupportable à cause des migrants, je pense à sa beauté, à ses jardins, à la Cité Interdite et je me dis que j’ai de la chance d’être ici ». En effet Xiao Lu a, au cours des dix dernières années, réussi à se faire une place dans la capitale en ayant comme seul but celui d’entretenir sa famille à la campagne et d’offrir un meilleur avenir à son fils. Aussitôt son diplôme du collège obtenu la jeune fille prit le chemin de la ville. D’abord à Zhuhai, où elle a travaillé dans une usine de machine à fabriquer des hamburgers, un produit qu’elle n’avait auparavant vu qu’à la télévision. « J’ai trouvé des collègues gentils mais au bout d’un an je sentais que je voulais être plus libre, ne pas passer ma vie entre l’usine et le dortoir » raconte t-elle. Ainsi, Xiao Lu décida de rejoindre des membres de sa famille à Pékin, où elle a commencé par vendre de l’ électroménager, puis elle a travaillé en entreprise avant de décider de devenir son propre patron. « Je fais le ménage chez des étrangers à Pékin et j’apprends plein de choses ! » Habiter l’ouest de la ville, faire deux heures de bus pour se rendre au centre ville et travailler toute la journée ne sont pas un fardeau pour cette femme de 32 ans. « Tous mes efforts sont pour mon fils, je veux qu’il aille à l’école et trouve un bon travail. Depuis sa naissance, je l’ai laissé aux soins de sa grand-mère, mais l’entendre me dire qu’il m’aime, c’est ma plus grande réussite. »

Ge Youyuan, 31 ans, vient du Jiangsu Ge Youyuan n’est pas un nouvel adepte de la vie en ville, et pourtant a trouvé à Pékin son Amérique. Né à Xuzhou, au Jiangsu, Ge a étudié à l’Académie de Nanjing avant d’intégrer la troupe de théâtre de Canton. Depuis 12 ans il se déplace de ville en ville, « mais Pékin est le seul endroit où il est possible pour les artistes d’évoluer ». On étudie à Tianjin, on devient connu à Pékin et on gagne de l’argent à Shanghai, explique-til d’après un vieux proverbe. Ge Youyuan habite à la capitale depuis fin 2007 et aujourd’hui; à l’age de 31 ans, s’apprête à réaliser son premier film. « Ici on a toutes les ressources que l’on peut imaginer, associées à une atmosphère dynamique. Pékin est exactement le Hollywood chinois ! ». Il est venu la première fois à Pékin avec sa troupe de théâtre. Dans la capitale il a bénéficié au cours de son spectacle du soutien sans précédent de ses compatriotes de Xuzhou et de leurs amis pékinois. « Le public ici est fin connaisseur des arts, il pousse les artistes à améliorer leur niveau pour pouvoir survivre ». Ge Youyuan n’a pas hésité longtemps avant de décider de déménager à Pékin et aujourd’hui il est content de ce choix, qu’il voit comme un étape évidente dans sa carrière. Bien qu’il regrette l’air frais et la circulation fluide des plus petites villes, le manque d’intérêt de ses camarades de province le conforte dans son choix . « On se retrouve toujours à parler des maisons, du lait, des enfants etc. Alors qu’à Pékin je rencontre des amis pour discuter de manière créative et échanger des idées ». Pour la suite il n’attend que de devenir une star, mais gardant les pieds sur terre, il n’envisage pas de quitter Pékin pour Shanghai.

•••

Connexions / juillet 2010 117


DOSSIER

专栏

anticipe déjà les problèmes car ••• d’autres les ont connus, ce qui bouleverse les décisions. La Chine est sans doute un des pays au monde où l’on écoute le plus les sociologues. On travaille déjà depuis quelques années sur les migrants de la deuxième génération. Après, il faut tenir compte des décisions politiques et financières, des « magouilles » mais les réflexions autour de la ville sont très fortes. Il y dixquinze ans, on détruisait n’importe comment. Ensuite, on a parlé de conservation. Et maintenant, on en est déjà à parler du risque de « gentrification ». Tout va très vite. On est dans une phase où tout bouge, où tout est remis en question. Mais lors de la redescente, quand tout va se poser, que vat-il se passer ? Quand il n’y aura plus de terrain pour construire, quand il n’y aura plus d’endroits où les migrants pourront louer des appartements à 200 Rmb par mois (dans l’habitat moderne hors pingfang, le coût moyen de location d’un trois pièces est dix fois plus élevé), comment vont réagir

les gens ? Les problèmes sociaux sont pris très au sérieux ici. Il y a une telle angoisse de l’instabilité sociale que les riches et les puissants finissent par se dire qu’il faut faire attention. C’est une forme d’autocontrôle. Un des traits de génie de la Chine lors des destructions de l’emploi dans le Nord-Est dans les années 90 est d’avoir laissé leur appartement aux chômeurs qui en sont devenus propriétaires. On retrouve dans ce geste le souci du contrôle des populations, héritage des années maoïstes. Derrière tout capitaliste, il y a un bureaucrate qui veille et l’idée du contrôle social est omniprésente. Les gens aiment aussi se sentir en sécurité. Beaucoup d’étudiants de Tsinghua veulent devenir fonctionnaires. Dans les nouvelles résidences, il y a des grilles, des gardiens. Ce besoin de sécurité est lié aux périodes précédentes. Le fantasme qu’on s’occupe de vous avait été mis à mal pendant la Révolution culturelle. Cette aspiration à la sécurité est partagée par les dominants, les dominés et la classe moyenne urbaine

moyenne qui n’est guère aventureuse en général. Cette aspiration à la sécurité rejaillit sur les relations entre urbains et ruraux. Les ruraux se vivent comme des laissés pour compte, des outcast qui ont envie de devenir des urbains, ce que les gouvernants soutiennent aussi globalement tout en souhaitant maintenir un contrôle. Une sélection progressive se met donc en place : Canton va progressivement supprimer le hukou. On prend des mesures différentes selon les endroits, les gens… L’objectif est de créer progressivement une société de « braves gens » de bons citoyens éduqués, polis et respectueux de la loi.

C. : Dans cette accélération foudroyante voit-on apparaitre des « post urbains » ? Y-a-t-il des Chinois qui ne partagent plus le rêve aspirationnel de la classe moyenne urbaine? J.-L. R. : Il y a marginalement une « boboïsation » en Chine qui n’est pas une transgression. Il y a aussi le problème de Yizhu (le peuple des fourmis), ces étudiants qui ne trouvent pas de boulot et dont le

Le revenu des familles urbaines chinoises (2007) Les familles groupées par niveau de revenu très bas (10%)

bas (10%)

bas à moyen (20%)

moyen (20%)

moyen à haut (20%)

haut (10%)

très haut (10%)

Nombre moyen de membres de la famille

3,30

3,20

3,05

2,88

2,74

2,63

2,58

Nombre moyen de personnes avec un emploi

1,34

1,55

1,57

1,57

1,54

1,54

1,60

Revenu annuel moyen par tête (RMB)

4 604,09

6 992,55

9 568,02

12 978,61

17 684,55

24 106,62

40 019,22

Revenu annuel moyen disponible par tête (RMB)

4 210,06

6 504,60

8 900,51

12 042,32

16 385,80

22 233,56

36 784,51

Dépenses de consommation par tête ( RMB)

4 036,32

5 634,15

7 123,69

9 097,35

11 570,39

15 297,73

23 337,33

Pourcentage du revenu disponible économisé

4,13%

13,38%

19,96%

24,46%

29,39%

31,20%

36,56%

Source : China Statistics Annual (2008) fourni par le fiscaliste Pr Cui Wei, China University of Political Science and Law

118 Connexions / juillet 2010


L’urbanisation 城市化 désenchantement est lié à un échec. Il y a deux types de contestation urbaine en Chine, celle de la nouvelle classe ouvrière et celle de la classe moyenne en accord avec l’idéologie officielle sur la sécurité alimentaire, l’écologie, la protection des propriétaires… Du point de vue politique, tous les experts chinois semblent d’accord pour dire que, tant que la Chine n’aura pas une vraie classe moyenne moderne qui couvre l’ensemble de la population, la question d’élections nationales n’est pas envisageable. On est dans la problématique du XIXe siècle en Europe. Il faut accorder le droit de vote à des citoyens urbains, conscients et éduqués. Les paysans sont considérés comme capables de comprendre uniquement les problèmes locaux. Seuls, les urbains au sens étymologique, c’est-à-dire les gens vraiment civilisés, peuvent se prononcer sur les problèmes nationaux. La question n’est donc pas celle des élections, mais celle du respect du droit, des réformes sociales, du fonctionnement des contre-pouvoirs. Les élections semblent à mes interlocuteurs chinois au contraire affaiblir les pouvoirs, rallonger les délais, sans garantie sur la façon dont les paysans vont voter.

C. : D’où vient cette méfiance vis-à-vis des paysans, cette façon de marquer des gens au fer rouge ? C’est lié au hukou. Mais ce n’est pas vraiment un apartheid. Les paysans vont où ils veulent et le gouvernement valorise les interactions rural/urbain car il a besoin de cette main-d’œuvre rurale. La situation se rapproche plutôt de celle des ordres sous l’Ancien régime français. On appartenait à un corps, ce qui n’empêchait pas de bouger mais conférait une identité forte. On fixe une frontière pour que les migrants ne s’installent pas. On évite les problèmes de l’exode rural mais on bénéficie des avantages de la mobilité. Quant aux ruraux migrants, même s’ils sont exploités, ils peuvent mieux gagner leur vie qu’en restant dans leur village. Si on abolit le hukou, on risque une chute du prix du travail avec un marché du travail libéré. Et ce sera la fin des zones protégées pour les citoyens munis du hukou local. La suppression du hukou ne règlera pas tous les problèmes.

An Xin, 29 ans, vient du Shanxi Avant d’arriver à Pekin fin 2005, An Xin, tout juste diplômée en Anglais de l’Universite de Xi’an, craignait la vie en grande ville. Elle a vécu son enfance et son adolescence au Shanxi, dans un petit village composé seulement de deux routes, où tout le monde se saluait et bavardait dans la rue. « A mon arrivée ici je ne connaissais personne, mis à part quelques amis de ma province natale. Me déplacer d’un lieu a l’autre prenait des heures, les trajets de bus et de métro m’étourdissaient ». An Xin n’aurait jamais ressenti appartenir à ce lieu si elle ne s’était pas plongée dans le dynamisme de la capitale. Au bout de quelques semaines à Pekin, elle a décroché un emploi comme rédactrice dans un journal. Trois semaines plus tard, après avoir postulé auprès d’une maison d’édition de livres pour enfants, elle finit par saisir une opportunité auprès du bureau des relations internationales de l’Universite Tsinghua. « Je n’aurais jamais imaginé trouver autant d’opportunités d’emploi » dit-elle aujourd’hui. An Xin est d’autant plus épanouie aujourd’hui qu’ elle a trouvé un sens à donner à sa vie professionnelle. « A Pekin j’ai réalisé que je pouvais non seulement trouver un bon travail, mais aussi m’engager et apporter ma contribution à l’amélioration de notre société ». Depuis deux ans elle travaille dans une ONG locale consacrée à la protection de l’environnement, elle collabore avec des fondations étrangères pour élargir le cadre des activités et organise également des activités de mobilisation civique. « Aujourd’hui la ville ne me fait plus peur, je ne me balade pas une journée sans rencontrer quelqu’un que je connais ». Elle regrette seulement l’absence de sa famille. Pour cette raison An Xin envisage de quitter la ville à la fin de son parcours professionnel pour observer ses devoirs envers ses parents.

Liang Yin, 30 ans, vient de Wuhan Quand Liang Yin se remémore ses premiers jours à Pekin, la première chose qui lui vient à l’esprit est la découverte de la société de consommation. « Le premier salaire que j’ai touché je l’ai entièrement dépensé chez Kentucky Fried Chicken et Carrefour, au bout de deux jours je n’avais plus rien et j’ai dû demander de l’argent à mes amis pour pouvoir me rendre au premier festival de musique de ma vie, le Midi ». Liang Yin, qui aujourd’hui a 30 ans, est arrivé dans la capitale poussé par sa passion pour la musique et sous la pression de sa famille. A Wuhan sa ville natale, les offres n’étaient pas nombreuses pour un diplômé en sciences qui veut découvrir le monde. Quand son oncle lui a proposé un travail à la foire de Pékin il a sauté dans le premier train. « Je voulais écouter du rock, peu m’importait le boulot et de gagner de l’argent ». Ensuite Liang Yin a tout essayé, de la production video à la voyance, pour enfin au début de l’ année trouver sa vocation. « Je suis tombé sur un ami qui travaillait dans le commerce de collants pour filles et comme j’ai toujours rêvé moi-même d’en porter depuis que j’ai vu un ballet à l’école, j’ai donc décidé de me lancer dans ce business ». Aujourd’hui il approvisionne les boutiques de Nanluoguxiang, une des ruelles commerciales les plus à la mode de Pékin, et après 7 ans il n’a pas l’intention de quitter la ville. « A Pekin la vie est plus riche d’opportunités qu’en province, les gens ne sont pas enfermés dans une unique cage sociale comme à Wuhan. Mes camarades là-bas sont déjà mariés avec des enfants, ils s’amusent en jouant au mahjong et leur vie est déjà finie. Moi ici je fais de nombreuses expériences, je reviens toujours avec des histoires à leur raconter comme si je venais d’un autre monde ». A nton ia Cim i n i

Propos recuei l lis pa r A n ne Ga rrig ue 1

Ed. de la découverte, mars 2010

Connexions / juillet 2010 119


DOSSIER

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专栏

Les prix des logements n’ont cessé de grimper obligeant l’employé qui veut devenir propriétaire à aller vivre en lointaine banlieue. 房价不断攀升,致使想买房的公司职员只能到远郊生活。

Prix immobiliers : l’escalade Après être montés en flèche, les prix de l’immobilier, pilier essentiel de la croissance, s’infléchissent en réponse aux mesures anti-spéculation. Le Chinois moyen qui rêve de devenir propriétaire de son logement n’a généralement pas le choix. Il sait qu’acquérir un appartement l’obligera à des sacrifices financiers, parce que les prix ne cessent de grimper. Corollaire de l’achat : l’éloignement du lieu de travail. Durant la dernière décennie, en effet, les prix des logements n’ont cessé de grimper obligeant l’employé ou l’enseignant chinois qui veut devenir propriétaire à passer chaque jour beaucoup de temps dans les transports. « A Pékin, les prix des logements qui ne cessent de grimper ne sont plus à la portée de la plupart des habitants », expliquait, il y a peu, un analyste à l’AFP. 120 Connexions / juillet 2010

Le problème de la cherté du logement n’est évidemment pas circonscrit à la seule capitale. Dans les autres grandes villes chinoises, l’immobilier — pilier essentiel de la croissance en Chine — affiche souvent des montants assortis de taux de croissance annuels à deux chiffres. Les données récentes du Bureau national des statistiques en attestent : de mars 2009 à mars 2010, la hausse des prix des logements dans les grandes villes chinoises a été, en moyenne, de 11,7%. Quant au prix des terrains, il aurait, sur la même période, grimpé en moyenne de 25%, d’après le ministère des Terrains et des Ressources. Comparé au premier trimestre 2009, le produit intérieur brut de

la Chine a grimpé de 11,9% au premier trimestre 2010. Emballement Cet emballement des prix de l’immobilier n’a évidemment pas échappé à la Banque mondiale qui, fin mars 2010, conseillait aux autorités chinoises de calmer le jeu et de prendre rapidement une série de mesures visant à encadrer le crédit et à réguler certains taux d’intérêts. Un an auparavant, en période de sale temps boursier, la Chine, dans la foulée de son plan de relance, avait affiché, en moyenne sur toute l’année 2009, un taux de croissance de 8,7%. Durant le seul dernier trimestre 2009, la croissance tournait autour de 11 %. Soit un pourcen-


L’urbanisation 城市化 tage supérieur aux prévisions ! En instaurant début 2009, dans le cadre du plan de relance, une nouvelle politique monétaire ciblant le marché immobilier et assortie d’une injection de 763 milliards d’euros de prêts, la Chine avait vu juste. Le plan de relance chinois avait porté ses fruits, mais en 2010, les crédits ayant explosé et les prix étant repartis à la hausse (12,8% en glissement annuel, d’avril 2009 à avril 2010, dans les 70 villes chinoises les plus importantes), le gouvernement chinois a choisi de resserrer l’étau. Sale temps pour les propriétaires ? Tenant compte de la menace qui pesait sur l’économie chinoise mais aussi sur la stabilité sociale du pays, il a édicté une série de mesures draconiennes visant à enrayer la spéculation. Fin avril 2010, ces mesures anti-spéculation étaient mises en place. La première mesure « coup d’arrêt à la spéculation » visait les propriétaires d’au moins un logement et qui souhaitaient en acquérir un deuxième, voire un troisième. Cette catégorie-là s’est vu infliger des taux de crédits immobiliers supérieurs d’au moins 1,1% aux taux directeurs. En outre, contrairement aux primo-acquéreurs qui peuvent se contenter de verser 40% du prix, ceux qui sont déjà propriétaires doivent s’acquitter d’au moins 50% du prix d’achat. Enfin, à l’égard de ceux qui possèdent déjà deux propriétés et souhaitent en acquérir une troisième, le Conseil d’Etat invite les banques à être fermes en n’accordant pas de crédits à tout candidat multipropriétaire. Cette mesure s’applique aussi aux personnes qui veulent acquérir un bien dans une ville, mais qui, depuis un an au moins, n’y ont payé ni impôts ni cotisation sociale. A côté des mesures imposées aux propriétaires, le gouvernement chinois s’est attaqué aux entreprises publiques : 78 d’entre elles ont été contraintes de se retirer du marché de l’immobilier, parce qu’elles auraient participé à la hausse des prix. 65,4 millions de logements vides Quant aux promoteurs, ils ont été priés de ne pas accumuler les appartements dans leur portefeuille immobilier, mais plutôt de tenter de les vendre. Reste à savoir si les promoteurs ont vraiment l’intention de suivre ce conseil en mettant en vente sur le marché, d’un seul coup, les 65,4 millions de logements vides,

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Real estate, une valeur sûre à long terme ? Qu’il y ait une révision ou une réévaluation Les plus-values et les zones d’ombre du marché immobilier n’est pas faux, recon- Depuis plusieurs années, beaucoup de naît Guo Bai, attachée sectorielle économie biens neufs (appartements pour la plupart) et finance du service économique de l’am- sont vendus cash à des candidats propriébassade de France en Chine. taires qui n’ont nullement l’intention de s’y En 2009 et au début de 2010, la Chine a installer. Laissés vides, les appartements commencé à imposer des ajustements ne sont pas souvent mis en location, inréglementaires — pas si imsiste l’attachée sectorielle. perceptibles que cela — au Etonnant ? Non, celui qui secteur de l’immobilier, visant achète un appartement notamment une limitation du « Tout et le laisse totalement vide nombre de biens que peut appartement attend tout simplement acquérir tout propriétaire que le prix de revente laissé vide grimpe — ce qui s’est chinois. Reste que, contrairement à la n’est soumis passé ces dernières anpratique internationale, la pranées — afin de le recéder, à aucune tique chinoise ne calque pas assorti d’une solide plusle prix d’un bien sur sa valeur taxe .» value. Celle-ci n’est pas de location ou sur le niveau de la seule bonne aubaine vie moyen des ménages. En du vendeur : tout apparChine, les loyers d’une habitation n’ont pas tement laissé vide n’est soumis à aucune réellement bougé depuis des années, assu- taxe tandis que, par une sorte de règlement re Guo Bai. En revanche, le prix de vente des tacite, le futur propriétaire de l’appartement logements continue de grimper. Une aug- s’acquitte, en cash, de la transaction. Une mentation des prix de l’immobilier à l’achat zone d’ombre de plus pour la cote des vaou à la vente ne signifie pas nécessairement leurs immobilières… qu’une bulle est en train de se former ou Autre donne importante du marché de se formera, prévient l’attachée sectorielle l’immobilier en Chine : les acheteurs ne qui s’interroge sur la spéculation des prix de sont pas soumis à la loi d’airain, pourtant l’immobilier. Les prix vont-ils continuer de universelle, de l’offre et de la demande. Le grimper ou vont-ils, à un moment donné, fait qu’il y ait beaucoup de biens à vendre s’effondrer lamentablement ? Aujourd’hui, sur le marché, à Pékin ou dans une autre ville chinoise, n’engendre pas une diminution personne ne peut le prédire. Les optimistes ou ceux qui estiment que automatique des prix ! Au contraire, même. l’immobilier constitue un bon paravent Les Chinois ne manquent pas de liquidité et contre les risques d’inflation continueront le crédit est toujours bon marché. certainement d’acheter des biens, poursuit Quant aux fonctionnaires chinois attachés l’attachée. Dans les limites désormais impo- au secteur de l’immobilier, ils éviteraient sées. De nombreux riches Chinois, qui ci- tout simplement de tuer la poule aux œufs blent les placements immobiliers, affirment d’or. Selon l’un d’entre eux qui s’est exprimé cependant qu’à Pékin en particulier, il n’y a sous couvert de l’anonymat, l’administrapas (ou plus) de bonnes options d’investis- tion des biens immobiliers aurait aussi ses sement financier sur le long terme. Et, de zones d’ombre : les montants empochés leur côté, les investisseurs se demandent par les gouvernements provinciaux propour combien de temps encore le prix viendraient, à plus de 50%, des revenus des du mètre carré grimpera, en particulier au transferts immobiliers. Pourquoi changer cœur de Pékin. une méthode gagnante ?

Ch rist i ne Simon Connexions / juillet 2010 121


DOSSIER

专栏

Elivecity.cn, une agence chinoise de marketing online, a publié début 2010 un classement des villes en fonction du prix moyen du mètre carré. A noter que ce classement est antérieur aux mesures de restriction contre les multipropriétaires prises ces derniers mois par le gouvernement chinois. Shenzhen arrive en tête avec un prix moyen de 22 304 Rmb/m2; Shanghai en 2e position (20 186 Rmb/m2); Wenzhou (Zhejiang) en 3 e (20 050 Rmb/m 2). Pékin ne vient qu’au 4e rang, suivi de Hangzhou, Sanya, Ningbo, Xiamen, Guangzhou et Dalian. A noter encore que les prix immobiliers ont grimpé malgré la récession économique. Entre juillet et janvier 2006, des augmentations record ont eu lieu à Nanjing (+ 91%), Sanya ( + 66,5%) et Shenzhen (+ 51%). Pour établir cette étude de marché, Elivecity.cn a enquêté dans une centaine de grandes villes et agrégé les prix des experts, les prix réels observés directement, une analyse des tendances sur les principaux marchés immobiliers et des moyennes entre les districts . En effet dans des métropoles comme Pékin ou Shanghai, les prix moyens varient énormément selon les districts. A Pékin, dans le district de Pinggu, le mètre carré moyen se négocie 6,096 Rmb alors qu’à Xicheng il grimpe à 33 125 Rmb. A Shanghai, il varie entre 9 700 Rmb dans le district de Songjiang et 32 000 Rmb dans celui de Jing’an. A noter que si les prix de l’immobilier ont continué d’augmenter en mai en Chine, leur hausse s’est cependant modérée. Selon les statistiques officielles (BNS), les prix recensés dans 70 villes ont enregistré une hausse de 12,4% le mois dernier, soit 0,4 point de moins qu’en avril. Les 12,8% de hausse d’avril avaient représenté un record depuis les premières statistiques en mi-2005. AG

122 Connexions / juillet 2010

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Prix du m2 : Shenzhen, Shanghai et Wenzhou en tête d’un classement 2010

Le nombre d’appartements appartenant à une famille est désormais l’objet de vérifications strictes. 家庭实际拥有的住房数量今后将受到严格的审核。

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répertoriés dans 660 villes chinoises par The Economic Observer. Cela semble difficile à croire. En effet, l’abondance de biens sur le marché pèserait forcément sur les prix. En outre, simple question macroéconomique : qui, sinon les particuliers et les acquéreurs potentiels, aurait intérêt à faire subir à l’industrie de l’immobilier la plus sévère correction de son histoire, alors qu’en Chine, l’immobilier constitue un pilier essentiel de la croissance ? Selon plusieurs analystes, il semble cependant que, sous la pression, les promoteurs devront lâcher du lest, tout en continuant malgré tout à entretenir artificiellement une certaine pénurie pour garder des prix élevés. De janvier à avril 2010, selon Le Quotidien du Peuple, les promoteurs ont investi sur le marché, quelque 993,2 milliards de Rmb, en progression de plus de 36%. Dans le même temps, ils ont emprunté, auprès des banques chinoises, 455,2 milliards de Rmb en progression de 39,9% tandis que les prêts consentis aux particuliers achetant des logements ont grimpé de 102,1% (sur base annuelle toutefois). Début mai 2010, le vice-ministre du Logement et du Développement urbain et rural, Qi Ji, confiait au Quotidien du Peuple, sans toutefois fournir de données précises, que « la réaction des marchés aux mesures de contrôle était positive et que ces mesures avaient eu un effet en freinant

l’envolée des prix dans certaines villes ». Des logements sociaux Reste une donnée importante qu’il ne faut pas négliger : les marchés financiers chinois sont relativement peu développés, ce qui fait de l’immobilier une importante cible de placement1. Quant aux gouvernements locaux, ils ont participé eux aussi à la lutte contre la surchauffe, mettant notamment à disposition des terrains destinés à des bâtiments résidentiels, afin de construire des logements subventionnés. Un plan de construction de 7,5 millions de logements sociaux neufs a été lancé dans les zones urbaines défavorisées tandis que dans les campagnes, un plan visant la construction de 2,4 millions de logements sociaux est aussi mis sur pied. Enfin, au cours de cette année 2010, toujours selon The Economic Observer, une taxe annuelle visant les biens immobiliers des propriétaires chinois devrait être instaurée à l’essai dans quatre villes chinoises : Beijing, Shanghai, Chongqing et Shenzhen. Avant, semble-t-il, d’être étendue à d’autres villes. Le journal précise toutefois que ces taxes seraient imposées à des propriétés sur des bases commerciales. Le propriétaire d’un logement ne serait dès lors pas directement visé. Ch rist i ne Simon

1 Bulletin économique Chine, octobre 2009, Ambassade de France en Chine. (adresse internet)


© Imagine China

L’urbanisation 城市化

Devenir propriétaire est le symbole de la réussite sociale.

拥有房产是成功的象征。

Le rêve urbain chinois Devenir propriétaire est l’objectif de toute famille de classe moyenne et justifie tous les sacrifices. « Investissement : bénéfice », « Investissement : audace », « Investissement : clairvoyance ». « Emménagez ici, et profitez de la vie » … Si le ton des publicités immobilières chinoises peut sembler ringard, il n’a jamais freiné les ventes. Et pour cause, il n’y a pas un seul Chinois de Chine qui n’aspire pas à devenir propriétaire. A 33 ans, He Meng, salariée d’une société d’Etat, est plutôt chanceuse. Pour acquérir son appartement de 100 m² dans le centre de Pékin, elle a cassé sa tirelire juste à temps, en 2005. « J’avais 20 000 Rmb d’économies et j’ai emprunté 400 000 Rmb à la banque et 200 000 Rmb à ma famille ». Aujourd’hui, sa modique bourse ne le lui permettrait pas : le prix du m² a été multiplié par six tandis que son salaire a stagné à 4 500 Rmb. « Avant les réformes, chaque salarié avait un logement garanti à vie, mais aujourd’hui il faut vraiment se battre pour acheter. » Une aspiration commune Si le rêve ne fait pas bon ménage avec la fièvre immobilière, acheter reste le but. « Ne pas avoir d’appartement est une honte pour un Chinois. Inversement, devenir

propriétaire est un symbole de réussite sociale », explique Yu Chang Jiang, sociologue à l’Université de Pékin, au quotidien Southern Metropolis. Ce qui ne va pas sans conséquences : selon un sondage réalisé par l’Association des médecins de Chine, l’immobilier est la première cause d’anxiété chez 50% des personnes interrogées. Les jeunes ménages s’endettent généralement sur 30 ans, hypothéquant 40 à 50% — voire plus — de leur salaire annuel. En banlieue de Pékin, de jeunes diplômés d’université sont loin du compte : sans emploi, ils sont réduits à vivre en dortoir. On les surnomme les « fourmis » (yizhu). La chasse à l’appartement a même fait l’objet d’une série télévisée Wo Ju 蜗居 (Dwelling Narrowness, étroitesse du logement), qui a été censurée, victime de son succès, sans doute parce qu’elle brossait un tableau peu harmonieux des rapports humains. Elle parle des fangnu (房奴) ou « esclaves du logement », et plus exactement de Guo Haizao, 25 ans, qui a le choix entre travailler pour s’acheter un appartement et vivre avec son petit ami, ou devenir la

maîtresse de Song Siming, cadre municipal flamboyant, tout disposé à lui offrir un appartement en échange de ses faveurs (voir p. 10). Le sort des expulsés Quant aux propriétaires dont le logement a été réquisitionné, leur rêve a parfois été réduit en miettes. A Shanghai, Lan Gui Xiao, 59 ans, fait partie des moins chanceux. Propriétaire d’une maison traditionnelle, il avait le choix entre une compensation de 80 000 Rmb ou un relogement en lointaine banlieue. Apprenant que le prix du m² du bâtiment qui allait remplacer sa maisonnette serait sans doute bien plus élevé que ce qu’on lui avait annoncé, il a refusé le deal, et essayait encore de trouver un compromis quand les pelleteuses ont eu raison de sa maison. Pourtant, tous ne sont pas dans son cas. Qi Shi, 25 ans, dit avoir « perdu ses souvenirs d’enfance » le jour où la cour carré de ses parents a été démolie. Sa famille, elle, a gagné au change. « Nous avons été relogés au même endroit tout en restant propriétaires. Ma mère, qui ne voulait plus vivre sous l’œil des voisins, est très contente, et puis l’appartement a pris beaucoup de valeur. » Condition du mariage Comme l’illustre Wo Ju, devenir propriétaire c’est aussi multiplier les chances d’effectuer un bon mariage. Dans un sondage réalisé sur Internet à propos de la série, 46% des Chinoises interrogées choisiraient de sacrifier l’amour à l’appartement. « Les Chinois sont de plus en plus matérialistes, estime Bo Fei, 29 ans. Aujourd’hui, avoir un petit ami qui n’est pas propriétaire, c’est comme jouer au poker. Pour moi ce rêve est idiot, mais les Chinois sont comme des moutons. » Pourtant, dans un pays où la protection sociale est loin d’être universelle, acheter fait aussi figure d’assurance, et s’il est bien réalisé, l’investissement rapporte beaucoup plus qu’un placement bancaire. « On a moins peur de perdre un emploi quand on n’a pas de loyer à payer », souligne Dan, 30 ans, qui a acheté son premier appartement à 23 ans. A contrario, louer n’est pas de toute tranquillité : en Chine, les conflits avec les propriétaires finissent rarement à l’avantage du locataire.

Hélène Duvignaud Connexions / juillet 2010 123


DOSSIER

La décoration dure — le bricolage— s’oppose à la décoration douce — meubles et rideaux — dans les appartements livrées « brut de béton ». 在交付的毛坯房里,硬装(自己动手装修)与软装(家具、窗帘等)是相对的。

Décoration, le nouveau « bon goût » Entre version sinisée du château de Versailles et tradition fengshui remise au goût du jour, les citadins chinois se mettent doucement à l’aménagement de la maison. « Par rapport à la France, la grande différence est que l’habitat chinois est constitué d’appartements neufs, les jeunes générations n’ont pas vu leurs parents entretenir la maison » explique Fabrice Loison directeur du marketing de Leroy-Merlin Chine. Le spécialiste des peintures et des papiers peints, installé sur le marché chinois depuis huit ans, a ouvert deux magasins à Pékin. « Historiquement les Chinois ne sont redevenus propriétaires que récemment, ils n’ont pas de liens affectifs forts avec leur foyer.» continue Fabrice Loizon qui constate que les budgets consacrés à l’aménagement/équipement sont relativement faibles par rapport à l’investissement immobilier. Une explication, la part de la spéculation dans l’immobilier chinois. De nombreux clients pékinois de Leroy Merlin achètent des appartements neufs « bruts de béton » pour les louer ou les revendre, 124 Connexions / juillet 2010

dans ces conditions l’investissement senti- Maison arting. Implanté à Shanghai et mental est plus que limité. Wuhan, Shenzhen, Xian, etc. selon la disMais la tendance est de plus en plus au tinction chinoise, cette branche du groupe cocooning et les consommateurs chinois Saint Gobain vend aussi de la « décoration commencent à investir leur intérieur. Un dure », en France on dirait bricolage (matésigne qui ne trompe pas, riaux type peinture, revêteLeroy-Merlin qui ne venment, robinet, etc.) en op« La papier dait que des pots de peinposition à la « décoration ture blanche vend égale- peint rosé douce » (meubles, cadres, ment d’autres teintes, du etc.) Comme Leroy Merlin, avec cerises rouge et du rose en tête. elle propose le service de professionnels de la déco « La culture de la décora- blanches tion est encore naissante, ambiance à ses clients chinois. Le prix nous sommes à l’aube moyen pour est environ de 1 000 Rmb le m² mais d’un grand changement » château de veut croire Fabrice Loizon. campagne selon les matériaux l’addiEn Chine, sa compagnie tion peut monter jusqu’à ne se contente pas de marche très 5 000 Rmb le m². vendre ses produits, elle a bien. » « Le style européen classique est celui que préfèaussi crée une « decorating company », cabinet de dérent nos clients aisés. Le corateurs qui propose des solutions clé en modèle à suivre est le château de Versailles main plus ou moins personnalisées pour avec beaucoup de miroirs, de cuivres, des aménager son chez soi. motifs riches. Il faut tout de même avoir un Même stratégie chez La Maison et La grand espace pour ce type de décoration,

© Anne Garrigue

专栏


L’urbanisation 城市化 la classe moyenne choisit des gammes européennes modernes, plus sobres » explique Nicolas Nie, directeur de SaintGobain Building Distribution China. L’Europe a la cote mais ce n’est pas si simple, les équipes de Leroy Merlin ont multiplié les études de marché auprès de groupes test pour déterminer ce que pouvait bien être une décoration à l’européenne selon la vision de notre continent fantasmé depuis la Chine. Conclusion, les cheminés, le bois massif, le carrelage sont associés à l’image à la fois riche et rustique de l’Europe. Chez Leroy Merlin, le papier peint rosé avec des motifs de cerises blanches, ambiance château de campagne, se vend très bien. La French touch pourrait être un argument de vente en aménagement de la maison, Leroy Merlin préfère communiquer sur la qualité de ses produits. En Chine, la qualité est la première préoccupation avant le prix, avant le style. Chez La Maison on assure que tous les clients sont aujourd’hui concernés par la qualité de l’air, notamment dans le choix des peintures, les familles chinoises investissent également beaucoup dans des système de purification d’eau. « A revenu égal, la décoration des foyers chinois est en règle générale beaucoup plus chargée que celle des foyers occidentaux, estime Nicolas Nie qui a longuement vécu en France et aux Etats-Unis. Les murs décorés, ici on multiplie les jeux sur les faux plafonds ou les éclairages. » Peut-être aussi parce que le logement chinois est un fort vecteur d’image en Chine. Question importante pour les professionnels : qui choisit la décoration ? En Chine comme en France, ce sont les femmes les vecteurs de choix mais en Chine le rôle de la famille est plus important. Notamment pour les jeunes couples dont les parents financent le nouveau nid — voire s’installent ensemble dans leur nouveau logement. Autre différence culturelle, le fengshui est un véritable « argument de vente ». Même quand la demande n’est pas formulée clairement, les principes millénaires sont presque toujours pris en compte estiment les deux professionnels. Libre ensuite aux consommateurs de changer ou non l’orientation de leur portes pour profiter au mieux des énergies du vent et de l’eau.

• Emilie Torgemen

家装流行趋势:格调高雅 中国城市居民逐渐开始布置房子,风

格的装潢。效仿的例子是凡尔赛宫,有很

格介于中式化的凡尔赛宫与重新符合时

多的镜子、铜器、丰富的图案。这类装修要

下众人品味的风水传统之间。乐华梅兰

有很大的空间,中产阶级会选择稍朴实一

(中国)的市场部总监法布里斯·卢瓦松

些的欧式现代装潢系列。”圣戈班集团建

(Fabrice Loison)解释道: “与法国相比,

材分销部中国区总裁聂文江解释道。

最大的区别在于中国人的住房都是新房,

欧式风格在中国走俏,但没有这么简

年轻一代没见过他们的父母是如何维护

单,乐华梅兰的工作人员在测试人群中

房子的。”乐华梅兰是涂料和壁纸专家,

做了大量市场研究,来确定在中国人眼中

它进入中国已有八年的时间,在北京开了

的欧式装修究竟是什么样子。得出的结论

两个家装建材超市。

是:烟囱、大量木制品、石板砖,这些元素

“从历史上讲,中国人近些年才重新

是与欧洲富饶、田园形象联系在一起的。

成为业主,他们同自己的房子没有深厚的

在乐华梅兰家装建材超市里,带白色樱花

感情。”法布里斯·卢瓦松继续说道。他发

图案和乡村城堡氛围的粉色墙纸卖得很

现用于装修/设备上的预算与房地产投资

好。

相比相对较少。可以从中国房地产投机的

法式情调可以作为家庭装修的一个卖

角度来解释。乐华梅兰的很多北京客户买

点,乐华梅兰愿意宣传他们产品的品质。

了新的毛坯房用来出租或重新卖出,在这

在中国,质量是人们关心的首要问题,排

种情况下,感情投资非常有限。

在价格、风格之前。在美颂巴黎,所有顾

然而,现在的趋势是人们越来越居

客现在都很关注空气的质量,尤其在涂料

家,中国消费者开始对室内装潢进行投

的选择上,中国家庭在饮用水净化系统上

资。反映在仅销售白色油漆的乐华梅兰

也会进行很多投资。

也开始销售其它颜色的涂料了,排在前

聂文江在法国和美国生活了很长时间,他

面的是红色和粉色。法布里斯·卢瓦松认

认为: “在收入相同的情况下,中国家庭

为: “装饰文化还是新生事物,我们正处在

的装修一般比西方家庭繁琐。装饰墙,在

巨大变化的开端。”在中国,乐华梅兰不

吊顶和灯光上会花不少心思。”可能也因

满足于销售产品,还开了一家装潢中心提

为房子对中国人来说是很重要的形象载

供一站式的个性化装修方案。

体。

美颂巴黎和美颂雅庭也有着相同的

对家装专业人士来说一个重要的问题

策略,在上海、武汉、深圳和西安等地设

是:谁来决定装修的风格?在中国与在法

有分公司。按照中国的划分标准,圣戈班

国一样,妻子是做决定的人,但在中国,家

的这个业务分支销售“硬装”材料,在法

庭的作用越来越重要。尤其对于年轻夫妇

国称之为“自己动手装修材料”(如涂料、

来说,他们的父母资助他们建立了新家,

墙纸、水龙头之类的材料),这是与“软

甚至会一起住进他们的新房。另一个文化

装”材料(家具、镜框等)相对的说法。与

差异,风水是一个真正的卖点。两位专家

乐华梅兰一样,美颂也为中国客户提供专

都认为:尽管需求没有明确形成,千年的

业化的家装服务。装修的平均价格约为

传统法则基本都会被考虑到。接下来消费

1000元每平米,根据选择的材料,价格可

者可以自由选择是否改变门的朝向,让风

高达5000元每平米。

水能量得以充分发挥。

“经济宽裕的客户更喜欢欧式古典风

Connexions / juillet 2010 125


DOSSIER

专栏

© Imagine China

Deux enseignes françaises — gastronomie et sports — capitalisent sur les goûts des nouveaux urbains.

Le mall climatisé et illuminé est le centre de la vie citadine. Il s’en construit dans tous les quartiers. 有空调、灯火辉煌的大型购物中心是城市生活的中心,建在所有的地区。

Les temples de la consommation En Chine comme ailleurs, les villes sont des temples de la consommation et regorgent d’opportunités inexistantes à la campagne. On y trouve des enseignes de loisirs, qui misent sur le pouvoir d’achat des urbains et leurs besoins spécifiques. Pour ces commerces, l’exode rural et l’urbanisation accélérée de l’Empire du milieu sont une aubaine… à condition d’avoir la bonne stratégie. Ouh La La French Food Co., Ltd, créée par le Français Marc Fressange pour importer des produits alimentaires et des vins en Chine et Decathlon, présent en Chine depuis 2003 avec l’ouverture d’une première boutique à Shanghai, illustrent ce pari sur les nouveaux consommateurs. 126 Connexions / juillet 2010

Après une phase d’observation de la clientèle et d’analyse du marché, leur développement s’est récemment accéléré. L’art de vendre du vin L’aventure de Ouh La La French Food Co., a commencé en 2007 avec l’ouverture à Pékin de « Oh ! Marco », une cave à vins/ bistrot. « Ma clientèle est à 80% chinoise et se répartit en deux groupes, explique Marc. Fressange. Les 40-45 ans avec des postes et un pouvoir d’achat importants apprécient généralement le vin français et l’image qu’il renvoie. Les 25-30 ans sont eux tentés par des vins moins chers au marketing plus « moderne », comme ceux du nouveau monde. Mais la véritable valeur ajoutée de

mon entreprise réside plus dans la façon de vendre le vin — avec des animateurs, des dégustations proposées, etc. — que dans le simple fait d’importer ». Cette constatation a poussé Marc Fressange à développer son activité de distribution sous forme de franchise, en formant le personnel de ses wine cellars franchisés et en aidant à animer le réseau. Pour l’instant, cinq accords de franchises ont été signés à Pékin, Xiamen, Tianjin, Nankin et Ma Anshan (Anhui). L’objectif est d’en conclure dix d’ici la fin de l’année. Le réseau s’oriente sur les villes dites « de second rang » financièrement plus intéressantes puisque, à chiffres d’affaires équivalents, les loyers sont bien moins


L’urbanisation 城市化 élevés que dans les très grandes villes. Le sport en famille La clientèle de Décathlon, elle, est variée car l’enseigne vise tous ceux qui s’intéressent aux sports de la vaste gamme proposée. En Chine, une des spécificités de la clientèle tient à son côté familial, qui a poussé la marque à organiser des activités sportives divertissantes le week-end, notamment à destination des enfants. Le service de conseil offert avec les produits apporte également une valeur ajoutée importante et est mis en avant dans la stratégie d’approche des clients. Decathlon dispose à présent de 23 magasins en Chine, dont quatre ont été ouverts l’année dernière, et dix devraient ouvrir en 2010. L’enseigne a aussi choisi d’être présente dans des villes moyennes comme Tianjin, Chengdu, Suzhou... à cause de leur dynamisme, mais elle n’en néglige pas moins les métropoles de la côte Est où le pouvoir d’achat est plus élevé. Un nouveau magasin vient d’ailleurs d’être ouvert à Pékin et ceux de Canton et Shanghai ont été agrandis. La localisation Reste l’épineuse question de l’emplacement idéal dans ces villes. Décathlon privilégie des magasins indépendants répondant à sa stratégie de localisation : une vaste surface avec des terrains extérieurs ayant une bonne visibilité ainsi qu’un accès facilité par les transports en commun et une zone de parking. Pour Ouh La La, Marc Fressange recommande un bon dosage entre quartier résidentiel et d’affaires car la clientèle d’entreprises est importante. Il fait aussi le pari de se rapprocher de certains centres commerciaux dans les villes moyennes, en insistant sur la touche européenne que peut leur apporter une cave à vins d’inspiration française. S’il réussit, il a un emplacement assuré ainsi qu’une aide efficace pour trouver le candidat à la franchise. Il nuance toutefois les bienfaits de l’installation dans un shopping mall en expliquant: «Ils sont incontournables, même si ce n’est pas un endroit à privilégier à tout prix. On ne saurait s’en tenir trop éloigné puisque les villes, surtout celles de second rang, s’organisent autour de ces temples de la consommation ». Catherine Debeaumarché

新的消费殿堂 中国与其他地方一样,城市是消费的 殿堂,充斥着在农村里没有的商机。我们

营业额相同的前提下,在特别大的城市里 的店面租金要高很多。

尤其能发现一些押宝城市居民购买力及

至于迪卡侬的客户则呈现多样性,因

其特殊需求的休闲品牌。对于这些商家而

为该品牌的目标客户是所有对各种体育活

言,只要有正确的发展策略,中国的农村人

动感兴趣的人群。在中国,这些客户的特

口外流和城市化加速就是一次真正的机

性之一在于它的家庭因素,这促使迪卡侬

遇······

在周末组织一些休闲体育活动,尤其是针

由法国人马珂创立的进口法国食品和

对孩子们的活动。与产品配套的咨询服务

红酒的北京噢啦啦法式食品有限公司和

也带来了巨大的附加值,并在贴近客户的

销售体育用品的迪卡侬集团说明了这种现

策略中提出。迪卡侬目前在中国拥有23家

象。北京噢啦啦法式食品有限公司2007年

体育用品超市,其中4家去年刚刚开业,

在北京开设了“噢!马克”酒窖&咖啡厅,

2010年预计开10家。即使迪卡侬也选择在

迪卡侬集团则于2003年在上海开设了第一

天津、成都、苏州等中等城市开店,它更不

家专营店。

会忽视购买力更强的沿海大城市。另外,

经过观察客户和分析市场的阶段之 后,这两家企业近来发展加速。

迪卡侬刚刚在北京开了一家运动超市,它 在广东和上海的店面也扩大了。

马珂发现他的客户80%是中国人,分

剩下的问题就是在这些城市找到理

为两个年龄组:一组是40-45岁的中年人,

想的场地。迪卡侬优先考虑一些符合其选

有一定的地位和购买力,普遍都喜爱法国

址策略的独立商场:商场外有空地,视野

葡萄酒及它所反映的形象;另一组是25-

好,交通便利,带停车场。

30岁的年轻人,比如新新人类,他们一般

对于噢啦啦而言,马珂建议在居住区

受到比较便宜的葡萄酒的吸引,这些葡萄

和商务区之间选择合适的场地,因为企业

酒的市场营销方式更现代。他还发觉公司

客户非常重要。他也打算在一些中等城市

真正的附加值更多地取决于葡萄酒的销

里的商业中心附近开店,强调具有法兰西

售方式— —安排促销人员和组织品酒会

灵感的葡萄酒酒窖所带来的欧洲情调。如

等,而不是仅仅依靠进口。这种发现促使

果成功,他将得到可靠的场地,以及有效

马珂以特许经营的方式发展公司的销售

的帮助去找到特许经销商。然而他对在大

业务,提供加盟酒窖工作人员的培训,并

型购物中心里开店的好处有所保留,他认

帮助他们开发营销网络。目前,噢啦啦分别

为:那里不是首选的地点,但却不得不考

在北京、厦门、天津、南京和马鞍山签订了

虑,我们不能离得太远。因为中国的城市,

五个特许经营协议,目标是在今年年底之

尤其是二线城市,都是围绕着商业中心发

前签订十个协议。营销网络主要面向二线

展起来的,那里是消费的场所。

城市,马珂认为这样收益会更大,因为在 Connexions / juillet 2010 127


DOSSIER

专栏

Marques urbaines

Après l’ostentation, l’empathie ? Auteur en 2002 d’un livre sur les marques internationales Du Ricard dans mon Coca1, directrice générale de Sorgem international, responsable de la structure chinoise à Shanghai2, Catherine Becker commente une enquête menée l’été 2009 auprès de consommateurs de dix villes du second tiers, par Yann Viguier, sociologue, Chen Chen et Sizhang Kong, responsables du développement en Chine et elle-même.

Connexions : Pourquoi cette enquête ? Catherine Becker : Les marques mondiales ne racontent pas seulement la globalité mais aussi des histoires individuelles. Nous avons voulu observer de près ce que les consommateurs des villes chinoises du second rang retenaient de l’offre des marques. Toute marque internationale se fabrique sur trois fondamentaux : des valeurs fortes, une légende et de l’innovation. En Chine, de Nokia à Canon, les marques internationales qui sont devenues populaires ont su être amicales, s’intéresser à des modes particuliers de consommation et de rapport aux marques. Elles ont su aussi montrer leur capacité à s’ancrer dans le vécu des différentes communautés. Notre étude montre l’importance de l’empathie. Dans un monde qui change très vite, les marques peuvent servir à la fois de stabilisateur et d’accélérateur. Elles doivent répondre à un besoin de réassurance, d’ancrage, de « reterritorialisation », mais aussi elles doivent accompagner la mobilité. Il leur faut donc impérativement jouer entre ces deux systèmes.

C. : Pouvez-vous revenir sur votre méthodologie et vos résultats ? C. B. : Nous avons enquêté à Wenzhou, Changsha, Kunming, Baotou, Hohhot, Foshan, Xiamen, Sanya, Changchun, Xi’an et Dalian. Nous avons mené dix interviews qualitatives par ville, avec un échantillon précis. Cela nous a permis de classer les vil128 Connexions / juillet 2010

les et de dessiner des profils de consomma- tournés vers l’extérieur — et se construire teurs, chaque ville créant un contexte qui une identité personnelle, une biographie à renforce ou déprécie certains traits. Il y a les la fois publique et intime. C’est dans cette villes qui génèrent une grosse pression éco- tension, unique à la Chine, entre face et indinomique et sociale (Foshan et Wenzhou), vidualisme, qu’émergent des goûts de luxe, d’autres où la pression est plus mesurée exubérants, fashionista, mais aussi des choix (Xi’an, Changsha et Dalian), d’autres où il fait individualisés, émotionnels, culturels… bon vivre (Kunming, Baotou, Hohhot, Sa- Mais notre enquête va plus loin. Elle montre, nya, Changchun). Tous les facteurs jouent : chez certains intellectuels et certains corps l’existence ou non d’un coeur historique, de métier, l’existence d’un questionnement la sensation d’être loin du centre, de vivre moral sur la consommation ostentatoire et dans une ville dotée d’un art de vivre ou sans culture qui risque de déstabiliser la soorientée business. ciété. Attention, ce ne sont pas les marques Notre enquête a permis de construire une qui sont mises en cause, mais l’usage sans typologie très qualitative des consomma- mesure, ni culture, qu’en font leurs utilisateurs. Nous avons d’abord demandé à nos teurs. Ceux-là veulent revenir à des syminformateurs de se définir : étaient-ils plu- boles ayant un sens. Canon, par exemple, tôt extravertis, attirés par incarne à leurs yeux des l’extérieur ou introvertis, idées d’harmonie et de « Les Chinois attirés par les choses de contrôle, deux maîtresl’intérieur, y compris la n’ont aucun mots pour ceux qui veumaison ? Suivaient-ils les complexe lent créer, plutôt qu’imicodes ou voulaient-ils ter, à travers leurs achats, plutot décider librement avec la leur culture matérielle. Même chose pour les de leur consommation ? consommation.» En croisant ces axes cosmétiques. En Chine, (suiveur/acteur ingoing/ beaucoup de marques outgoing), nous avons mis d’achats à domicile se en évidence une ouverture des valeurs servent des consommatrices comme de fude consommation. On est passé dans ces tures représentantes, en leur offrant un fort villes d’une relation aux marques mettant soutien institutionnel et économique dans l’accent sur le politico-symbolique, privilé- leur quête vers l’individualisation et l’autogiant les formes institutionnelles de réussite nomie. L’existence de ces réseaux montre et traditionnelles du statut (la famille, la pa- que les marques ne sont pas seulement rentèle), à une relation plus individualisée et suivies, mais réappropriées et défendues, plus flexible. Or tout l’effort de marketing en même temps que les consommatrices des grandes marques globales consiste se transforment en productrices. J’ai été jusqu’ici à l’inciter à suivre des codes sta- frappée par le discours élaboré de ceux qui tutaires rigides, tournés vers l’extérieur, os- se disent « énonciateurs de leur marque ». tentatoires assignant une place dans une Tout en étant parfois assez critiques sur société de compétition où chacun conti- l’aliénation par les marques, ils s’inquiètent nue à marquer sa place. « J’achète des mar- des évolutions de la nouvelle génération ques internationales puisque je peux me le trop individualiste à leurs yeux. permettre ! » ; « J’affiche qui je veux être, C. : Ce qu’on observe en Chine est-il différent pour la face ! ». Or nous constatons que de ailleurs ? nombreux consommateurs jusque-là pas- C. B. : Les Chinois se servent davantage des sifs, veulent s’exprimer, se distinguer, choi- produits qu’en Europe. Les gens font plus sir plus librement leurs signes — toujours confiance aux marques, qu’ils instrumentali-


© DR

© Imagine China

L’urbanisation 城市化

Dans ses campagens publicitaires, Dior est passé de l’image de la femme fatale (ostentatoire) à celle de la jeune fille en fleur (empathique). 在迪奥的广告宣传中,女主角的形象从有着不可抗拒的诱惑力的女人(卖弄风情)变成了花漾少女(有亲和力)。

sent. Leur intelligence de la consommation ne porte pas seulement sur la régulation (meilleur rapport qualité/prix) mais aussi par la maîtrise du symbolique. Bref, ils n’ont aucun complexe avec la consommation.

C. : Pouvez-vous nous donner des exemples de réussite de marques internationales ? C. B. : Les Chinois que j’ai rencontrés lors de cette enquête attendent des marques qu’elles leur racontent une histoire. II sont sensibles aux marques pionnières. Ainsi, le fait qu’une marque ait été la première à « faire confiance » aux Chinois compte. C’est le cas pour Nokia, vénérée pour avoir été la première à commercialiser des portables dotés de caractères chinois ou de Vuitton pour avoir voulu très tôt vendre des sacs à toutes les Chinoises. Du côté de l’accompagnement dans la modernité, Nike est plébiscité. « J’ai le même confort à porter Nike que d’aller à la pêche », nous a-t-on confié. Dans toute la Chine, certaines marques permettent de se sentir bien, entier, en accord avec le monde moderne. Quant aux marques chinoises, Lining par exemple, elles sont plutôt considérées comme des copies et suscitent moins d’intérêt. « Quand je porte une marque chinoise, personne ne va me demander ce que c’est ; donc je n’intéresse pas. »

C. : Les marques nationales émergent-elles dans les villes du « second tiers » ? C. B. : Dans certaines villes, on adore l’idée que bientôt la qualité des marques nationa-

les sera aussi bonne que celle des marques internationales. « Ce sera la fin de la ségrégation contre le made in China », entendon. Si les signes extérieurs continuent d’être véhiculés par les marques internationales, les marques nationales sont massivement présentes dans la maison : produits blancs (Haier), alimentation et alcools. A la différence de Pékin et Shanghai, les alcools étrangers se boivent à l’extérieur dans ces villes, où nous avons observé une volonté de consommer chinois, une affection pour les marques nationales et locales les marques internationales étant plutôt réservées à l’ostentation formelle.

C. : Quelle marge de manœuvre ont les marques internationales dans ces villes ? C. B. : La marque internationale doit raconter de la nouveauté, de l’ouverture, de la culture, quelque chose en plus. Pour l’instant, les marques chinoises n’offrent rien de nouveau. Elles ne véhiculent pas ce supplément de sens par-delà le produit qui donne aux marques internationales une longueur d’avance. Mais celles-ci ne doivent pas s’arcbouter sur la qualité et l’ostentatoire. Elles doivent plutôt faire résonner leur symbolisme de façon subtile, spécifier leur luxe et trouver des passerelles entre les systèmes de valeurs chinois et occidentaux, mais aussi japonais, coréens, etc. selon les cas. Cela ne veut pas dire siniser ni mettre Confucius à toutes les sauces, mais faire de l’observation fine. Qu’est-ce qui

bloque ? Qu’est-ce qui amuse ? Qu’est-ce qui, après tout, n’est pas si différent ? Avec la montée en qualité des marques chinoises, seules les marques internationales empathiques avec la culture chinoise auront du succès. Celles qui se contentent de favoriser l’ostentation connaîtront des revers. Les marques internationales doivent pouvoir dire qu’elles sont à la pointe de la technique, de l’innovation, de la modernité et qu’elles reconnaissent la société chinoise. « Miss Dior » a réussi à plaire à des petites jeunes filles qui cachent leur parfum dans leur sac, parce que ce parfum raconte le côté un peu sulfureux du Dior international et que, en même temps, Sofia Coppola photographie, une très petite fille toute en rose qui « s’adresse à moi sans me prendre pour une nouille ». Pour réussir, les marques internationales doivent entrer en résonance avec quelque chose de chinois, de manière très contemporaine. Elles doivent proposer une belle échappée hors des contraintes du symbolique. Lorsque Lancôme sort le parfum « Miracle », ça marche parce que, comme nous le confiait une mère de 30 ans, qui vit avec ses beaux parents, « Miracle » évoquait une maison, avec un balcon d’où regarder au loin. « Magnifique », autre succès, table sur l’image de l’actrice Anne Hathaway, à la fois petite princesse et diable qui s’habille en Prada.

Propos recueillis par Anne Garrigue

Connexions / juillet 2010 129


DOSSIER

专栏

Chongqing, Qingdao, Tianjin, Dalian, le carré gagnant du sondage CCIFC Une centaine de PME et de grands groupes français implantés en Chine ont répondu au sondage de la CCIFC qui leur demandait de choisir, sur une vingtaine de noms, le Top 4 des « villes d’avenir ». Leur choix s’explique d’abord par leur stratégie d’implantation, mais les critères sont multiples. Les plus volontiers retenus sont la population, le dynamisme économique des villes et la qualité de leurs infrastructures, l’existence d’un port maritime ou fluvial (Chongqing), la proximité de Pékin notamment pour le BTP. Les grands groupes sont plus attirés par les villes côtières notamment Dalian, comme le sont aussi les entreprises de commerce et distribution, alors que les entreprises industrielles visent plutôt l’intérieur des terres pour sa main-d’œuvre meilleur marché. AG avec Lea Subileau

Villes proposées 1er Chongqing, 53 2e Tianjin, 47 3e Qingdao, Shandong , 47 4e Dalian , Liaoning 46 5e Xiamen, Fujian, 34 6e Xi’an, Shaanxi, 30 7e Changsha, Huan, 29 8e Kunming, Yunan, 27 9e Zhengzhou, Henan, 15 10e Nanjing, Jiangsu, 14 11e Urumuqi, Xinjiang 10 12e Yinchuan, Ningxia 4 Villes suggérées par les sondés 1er Yantai, Shandong , 2 2e Wuhan, hebei, 1 3e Sanya , hainan, 1 4e Zhuhai, Guangpong, 1 5e Changzhou, Jiangsu, 1

130 Connexions / juillet 2010

Opération « villes d’avenir » Les tournées de l’équipe France dans les villes qui montent Les entreprises présentes en Chine ont déjà pris le tournant : l’avenir ce sont les villes du second rang. Pour les aider et soutenir les nouveaux venus, Ubifrance et la CCIFC se sont réunis pour offrir en 2010 une porte d’entrée prestigieuse et efficace — selon les témoignages de l’ensemble des entreprises qui assistaient aux deux premières tournées à Xiamen et Tianjin — dans une série de ville dites « d’avenir » : Xiamen, Tianjin, Chongqing et Dalian. L’opération se poursuivra dans quatre autres villes en 2011. Ce programme conjugue trois types de services : un contact privilégié avec les autorités

locales aux côtés de l’Ambassadeur ou du Consul général, un retour d’expérience des entreprises françaises déjà implantées dans ces villes et un programme d’entretiens individuels sur mesure ou de visites de sites sélectionnés en fonction de projets. L’objectif est clairement pragmatique : déboucher sur des affaires concrètes ce qui est déjà le cas pour un certain nombre des entreprises qui ont suivi les premiers programmes. Hervé Ladsous, ambassadeur de France en Chine, revient sur la genèse et le sens de ces opérations « coups de poing ». Et nous vous offrons les résultats commentés du sondage — organisé par la CCIFC — qui a déterminé le choix des villes étapes de la tournée de l’équipe France.

« Il faut accentuer la présence française » Connexions : Pouvez-vous nous parler des opérations « villes d’avenir » ? Hervé Ladsous : C’est un concept que j’avais en tête dès mon arrivée en Chine : faire des opérations « coup de poing » en direction de villes de province un peu excentrées, en dehors des sentiers battus des très grosses métropoles mondiales. En juillet 2007, nous avions conduit une opération à Shenyang et Dalian et 54 entreprises m’avait accompagné. La CCIFC et Ubifrance ont repris le concept d’une manière intelligente en procédant à une consultation de la communauté des affaires pour identifier les villes à traiter en priorité et en mettant en valeur cette notion de « ville d’avenir », c’est-à-dire de villes dont l’urbanisation, les performances, le potentiel, requièrent une attention particulière.

C. : On parle de « villes d’avenir », mais aussi de villes du « second tiers », de « second niveau ».

Qu’est-ce qui se cache derrière ces appellations ? Quels sont les critères ? H. L. : Ils sont un peu confus. Retenons qu’il ne s’agit pas de très grosses métropoles comme Shanghai ou Canton, même si Chongqing se situe un peu entre les deux. Ce sont des villes qui se situent à un bon niveau du point de vue démographique, qui offrent des dimensions et des performances suffisantes pour intéresser nos entreprises. Dans une ville comme Wuhan que les Français connaissent bien, toutes les grandes marques de luxe sont présentes et ouvrent sans arrêt de nouvelles boutiques. Le niveau de vie est là et le marché est suffisant. Le sondage des entreprises a montré clairement un consensus. Ce sont des villes avec lesquelles les entreprises françaises peuvent et veulent travailler et pour lesquelles il est important d’accentuer la présence française.

C. : En quoi consiste cette opération ? H. L. : Je mène une délégation. Nous voyons


L’urbanisation 城市化 “明日之城 未来市场”活动 法国企业代表团巡回考察中国迅速崛起的城市 les autorités locales. Nous organisons une manifestation économique avec les entreprises et bien entendu celles-ci sont associées à un maximum de mes entretiens. Cela permet de nouer des contacts et de faire passer des messages. Je parle aussi à la presse locale. Les entretiens « one to one » permettent aux entreprises d’être opérationnelles très vite.

C. : Globalement dans ces villes d’avenir comment se porte la présence française ? H. L : Cela dépend des villes. A Wuhan, la France a une position unique en termes de parts de marché. La stratégie des pôles privilégiés a payé. A Tianjin ou à Dalian, la présence française se porte bien. C’est moins vrai à Xiamen. L’ouverture internationale du Fujian s’est faite plus tard, en synergie avec Taiwan, pour des raisons géostratégiques. De toute façon, même dans les villes où nous sommes déjà présents, nous pouvons faire mieux. Les villes d’avenir ont aujourd’hui les moyens d’injecter de la qualité. Elles veulent et elles doivent faire davantage de développement durable, mieux respecter l’écologie.

C. : De façon plus générale, dans ce fantastique développement urbain chinois, quelle place peut occuper la France ? H. L. : La Chine est au point de basculement entre population rurale et urbaine. Il faut améliorer l’existant et planifier des villes nouvelles. Nous avons un grand champ de coopération. Nous avons une bonne expérience, comme les Chinois, de l’aménagement durable de l’espace et nous pouvons avoir des idées ensemble pour préserver les ressources tout en améliorant la qualité de vie. Un des laboratoires de notre coopération franco-chinoise pour le développement urbain durable est la ville de Wuhan où nous allons coopérer à la demande de la municipalité pour l’aménagement de friches industrielles. A Wuhan, ils ont pour ambition de faire une galaxie de neuf villes qui groupées ne fer-

ont pas moins de 9 millions d’habitants. Propos recueillis par Anne Garrigue

2010年,法国企业国际发展署与中

的法国企业介绍经验,组织有针对性的对

国法国工商会联手在一系列被称为“明

口会谈或根据项目挑选一些企业参观。活

日之城”的厦门、天津、重庆和大连四座

动的目的非常务实,即达成具体的合作意

城市打开了一扇享负盛名、卓有成效的大

向,一些参加了前两轮考察活动的法国企

门— —据参加厦门站和天津站活动的法

业已经收到了实际效果。法国驻华大使苏

国企业表示。2011年,活动还将继续在其

和介绍了这一活动的由来及其意义。我们

他四座城市举办。这个项目包括三项内容:

还为您提供中国法国工商会征询调查的

由法国驻华大使或总领事牵头与地方政

结果,它确定了法方选择的考察城市。

府进行初步接洽,已在这些城市开展业务

“应加强法国企业的影响” 《联结》:能否请您介绍一下“明日之

《联结》:这项活动是如何开展的呢?

城 未来市场”活动的相关情况吗?

苏和:我率领一个法国企业代表团,拜会

苏和:这是我一到中国便产生的想法:以

当地政府,与企业一起组织经贸研讨会,

一些非中心城市为主,开展一些令人瞩目

当然这些企业要最大程度地参与研讨会。

的活动,而不是重复走国际大都市的老

这样可以建立业务联系,并传递信息。我

路。2007年7月,我们在沈阳和大连组织了

也同当地媒体进行交流。企业之间的对口

一场活动,共有54家法国企业陪同我考察

会谈也能很快让他们进入实质性合作。

参观。中国法国工商会和法国企业国际发

《联结》:从整体上看,法国企业在这

展署巧妙地借用了这种理念,征询法国在

些“明日之城”的表现如何?

华企业的意见以选定优先考虑的城市,充

苏 和:每个城市的情况各不相同。在武

分发挥“明日之城 未来市场”的概念,这

汉,法国在市场份额方面有着独一无二

些选定的城市其城市化水平、综合指标、

的地位。优先发展重点地区的战略得到

发展潜力都是特别值得关注的。

了回报。在天津和大连,法国企业的表现

《 联 结 》:我 们 称 这 些 城 市为“ 明日

良好。而在厦门就相对一般。出于地缘战

之 城 ”,也可以称 之 为“二 级 ”、“二

略的因素以及与台湾千丝万缕的联系,福

线 ”城市。在 这些 称谓背后 隐 藏着 什

建的对外开放实施较晚。然而,即使我们

么?评定的标准是什么?

已经入驻这些城市,我们也能够做得更

苏和:这些概念有点混淆。我们知道这些

好。 “明日之城”具备注入品质的条件。他

城市不是像上海或广州之类的大都市,尽

们希望并应该努力实施可持续发展,更好

管重庆的城市规模介于上海与广州之间。

地保护生态环境。

重要的是这些城市在人口上很有优势,它

《联结》:总体而言,在这一惊人的中

们的规模和综合指标足够吸引我们的企

国城市化发展中,法国占据什么位置?

业。比如法国人非常熟悉的武汉,所有的

苏和:中国正处于农村人口向城市人口的

奢侈品品牌都已入驻,并且不断在开新

转换之中。要改善现有的环境,并规划一

店。生活水平已经达到,市场也足够大。

些新城。在城市可持续发展中,中法合作

对法国企业进行的调查也表明了这一共

的空间很大。双方合作的试验场之一是武

识。法国企业能够并且愿意在这些城市开

汉,应武汉市政府的要求,我们将合作规

展业务,并应加强法国企业在这些城市的

划一些老厂区。武汉市政府还立志建设

影响。

一个9座城市组成的城市群,预计将容纳

900万人口。

Connexions / juillet 2010 131


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES

Le Fujian, un décollage économique annoncé La province du Fujian bénéficie du réchauffement des relations entre Pékin et Taipei et de la proximité des deux principaux moteurs de l’économie chinoise que sont les deltas de la rivière des Perles et du Yangzi. Par Alain Berder, chef du service économique de Canton

Une avalanche de nouvelles infrastructures En 2009, le PIB du Fujian a atteint 1 195 Mds de Rmb (+12%) pour une population de 36 millions d’habitants. Les IDE se sont élevés à 10,1 milliards USD. Le commerce extérieur a sensiblement reculé (- 6,4%) pour se stabiliser à 79,7 milliards USD. Les exportations ont enregistré une baisse de - 6,4% à 53,3 milliards USD contre - 5,8% pour les importations à 26,4 milliards USD. Le revenu par habitant des zones urbaines a progressé de +10,9% à 19 577 Rmb contre +10,1% pour les zones rurales (6 680 Rmb). La résilience de l’économie a résulté des investissements massifs dans les infrastructures. En 2008 un budget de 39 milliards Rmb a été alloué au réseau des transports. Il permettra la construction d’ici 2010 de 1 400 km d’autoroutes et des lignes ferroviaires entre Wenzhou (Zhejiang) et Fuzhou (Fujian), Fuzhou et Xiamen, et Shenzhen et Xiamen. En 2010, le trajet entre Fuzhou et Shanghai est de 5 heures, contre 18 en 2008. De132

Connexions / juillet 2010

Pékin

Shanghai

Fujian Canton Hong-Kong

Fujian en chiffres Superficie : 121 400 km² Population : 36 millions d’habitants PIB : 1 195 Mds de Rmb (2009)

puis le mois d’avril 2010 un train à grande vitesse relie Fuzhou à Xiamen en 90 mn, contre 3 heures par la route. Enfin, la ligne à grande vitesse Shenzhen-Xiamen sera également inaugurée en 2010. En 2020, la longueur du réseau ferroviaire de cette

province atteindra 5 000 km. Les quatre principaux aéroports du Fujian (Fuzhou, Xiamen, Quanzhou et Wuyishan) ont accueilli 6,5 millions de passagers en 2008 et 200 000 tonnes de frêt. Des projets d’extension devraient porter leur capacité à 20 millions de passagers en 2010 puis 40 millions en 2020. De 2000 à 2007, la capacité des ports du Fujian a connu une croissance moyenne de 19,5%. En 2008, le trafic portuaire de marchandises a atteint 270 millions de tonnes et 7,4 millions de conteneurs (EVP). Le Fujian exploite 107 routes maritimes vers plus de 210 pays. En 2010, l’activité des ports de la province devrait atteindre 330 millions de tonnes de marchandises et 11 millions d’EVP. Dans le secteur du nucléaire civil, le Fujian développe deux projets à Ningde (4 x 1000 MW) et à Fuqing (2 x 1000 MW) en utilisant la technologie CPR1000. Le premier béton de ces deux projets a été coulé en février 2008. La construction du troisième réacteur de Ningde a démarré en janvier 2010 et la mise en service de cette centrale


© Alain Berder

FUJIAN 福建

L’ouverture de liaisons aériennes directes avec Taiwan a dynamisé l’économie locale — les échanges commerciaux Fujian/Taiwan ont progressé de 101% au premier trimestre 2010. 与台湾直航的开通给福建经济带来了活力——福建与台湾之间的贸易在2010年第一季度增长了101%。

représentant un investissement de 50 milliards Rmb (6,8 Md USD), est annoncée pour 2012. Elle permettra de réduire la consommation de charbon de 27 millions de tonnes. L’année 2009 a par ailleurs été marquée par la mise en production du plus important complexe pétrochimique de Chine à Quanzhou. Représentant un investissement de 40 milliards de Rmb, ce projet associe Sinopec (50%), Exxon Mobil (25%) et Saudi Aramco (25%). Il permettra de satisfaire les besoins en produits pétroliers du Fujian et des provinces voisines (le Guangdong notamment). Il raffine du pétrole importé d’Arabie Saoudite et a une capacité de production de 7,5 millions de tonnes de produits raffinés. Ce projet qui revêt une importance nationale (il est mentionné dans les conclusions des travaux du dernier congrès de l’Assemblée Nationale Populaire qui s’est tenu à Pékin en mars 2010) souligne le nouveau rôle dévolu à la province du Fujian par Pékin : porte d’accès au marché intérieur, le Fujian a vocation à redevenir un centre économique régional en Asie.

La relation privilégiée avec Taïwan est renforcée depuis 2009 Il y a 30 ans le PIB de Taïwan représentait 14 fois celui du Fujian alors qu’il n’en représentait plus que le quadruple en 2009. La réduction de cet écart résulte notamment de la forte présence taïwanaise au Fujian (10 000 investissements représentant un investissement cumulé de 30 milliards USD). Les échanges entre le Fujian et Taïwan ont représenté 7 milliards USD en 2009. La relation avec Taïwan est au centre du développement économique de la province dont sont originaires 80% des Taïwanais. Les projets de coopération avec Taïwan se multiplient : la zone économique spéciale de Xiamen accueille de nombreux investissements taïwanais, quatre parcs d’activités sont réservés aux investissements taïwanais (Mawei (Fuzhou), Haicang, Xinglin, Jimei), deux zones expérimentales de coopération agricole entre les rives du détroit ont été créées à Fuzhou et à Zhangzhou, ainsi qu’une zone dédiée à la sylviculture à Sanming et deux parcs réservés aux entrepre-

neurs-agriculteurs de Taïwan à Zhangpu et Zhangping. En avril 2009, le gouvernement a annoncé 25 nouvelles mesures en faveur des investissements taïwanais afin de les aider à renforcer leur présence dans le Fujian. Le Conseil des Affaires d’Etat a approuvé en mai 2009 la création de la zone économique de l’ouest du détroit de Taiwan qui englobe le Fujian, le sud du Zhejiang, le nord du Guangdong et une partie du Jiangxi. Elle vise à faciliter l’intégration économique de cette région avec Taïwan. Centrée sur le Fujian, son principal atout réside dans sa localisation géographique entre les deux principaux pôles de croissance de l’économie chinoise : le delta du Yangzi (Shanghai) et celui de la rivière des Perles (Guangdong). Les récents développements et le soutien croissant du gouvernement central laissent penser que cette zone pourrait jouer un rôle-clef, sur le plan économique et politique, dans le futur. L’ouverture de liaisons maritimes et aériennes directes entre le continent et Taiwan en décembre 2008 a conduit à

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Connexions / juillet 2010 133


© Alain Berder

姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES

Le commerce extérieur de Xiamen représente 200% du PIB de la ville, ce qui en fait la deuxième vlle la plus ouverte de Chine après Shenzhen. 厦门进出口总值是其生产总值的2倍,这使厦门成为仅次于深圳的中国第二大开放城市。

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une réduction du rôle de Hong Kong dans les échanges entre les deux rives du détroit de Taiwan. En 2000, 21,5% des exportations taïwanaises se dirigeaient vers Hong Kong, contre 2,9% vers la Chine. En 2008, ce sont seulement 12,8% des exportations taïwanaises qui sont à destination de Hong Kong, contre 26,2% vers la Chine. Or, cette tendance s’accélère depuis le début de l’année 2009, avec une réduction des transits via Hong Kong de 39%. En 1991, 10,9% des IDE taïwanais avaient pour destination Hong Kong contre 9,5% la Chine. En 2008, la proportion a radicalement changé : Hong Kong n’en accueille plus que 2,2% alors que la Chine en reçoit 70,5% (même si les flux financiers continuent de transiter par Hong Kong qui reste une place financière de premier plan). Shanghai, et les provinces limitrophes du Fujian, du Zhejiang et du Jiangsu totalisent 62,4% du stock d’IDE taïwanais en Chine contre 24% pour la province du Guangdong. Au cours du premier trimestre 2010, les échanges commerciaux entre le Fujian et Taïwan ont atteint 2,349 milliards USD soit une progression de 101,3% par rapport à la même période en 2009. Xiamen, capitale économique et principal pôle de la présence française La capitale économique du Fujian compte une population de 2,49 millions d’habi-

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Connexions / juillet 2010

tants. Elle a réalisé en 2009 une croissance de 8% et un commerce extérieur de 43 milliards USD (- 4,6%) dont 27,6 milliards USD pour les exportations (- 5,9%) et 15,6 milliards USD pour les importations (- 2,1%). Son commerce extérieur représente 200% de son PIB ce qui en fait la seconde ville la plus ouverte de Chine après Shenzhen (2,8 fois le PIB) et devant Ningbo (1,9 fois). Le PIB par habitant de Xiamen est trois fois supérieur à la moyenne provinciale. En 2009, il atteignait 64 000 Rmb (6 957 euros). Du 6 au 9 septembre 2010, Xiamen accueillera à l’occasion de la Foire internationale chinoise sur le commerce et l’investissement (CIFIT), le second Forum mondial sur l’investissement organisé par la CNUCED et auquel une trentaine de ministres étrangers ont été invités. Le 26 avril 2010, Xiamen a inauguré le premier tunnel sous la mer chinois. D’une longueur de 8,69 km dont 6,05 km sous la mer, il permet de relier l’île de Xiamen au district de Xiang An situé à l’est de la ville et est destiné à accueillir les nouveaux investissements taïwanais et hongkongais. La durée du trajet a ainsi été raccourcie de 2 heures à 12 minutes ! Xiamen est également le premier port mondial du négoce de la pierre de taille secteur dans lequel elle a développé un avantage comparatif en particulier pour les pierres destinées à la voierie (place de

la gare de Rennes, tramways de Nantes et de Bordeaux,…). Avec ses 13 quais pour conteneurs, le port de Xiamen est le 8e port en eau profonde de Chine. Il a permis en 2009 le transit de 3 millions d’EVP. C’est également l’un des trois ports chinois capables d’accueillir des paquebots ce qui en fait une destination touristique de premier plan au niveau national et international. Trois secteurs représentent 75% de la production industrielle : la chimie, l’électronique et la mécanique. L’industrie représente 40% du PIB. Parmi les secteurs industriels ont peut citer notamment : l’automobile avec la marque Jinlong qui réalise un CA de 20 milliards de Rmb, l’ingénierie mécanique avec l’implantation de Linde (chariots élévateurs), la Société des Industries mécaniques de Chine (3 e fabricant chinois d’engins de travaux public), les T&D avec une très forte présence d’ABB (5 usines) et d’Areva T&D (2 usines), l’électronique avec les implantations de Dell, Kodak, Panasonic… A noter également les écrans plats (avec un CA de 4 milliards de Rmb en 2009), le éveloppement d’un « cluster » grâce à la présence de nombreux sous-traitants de donneurs d’ordres taïwanais (programme « Torch »), la maintenance aéronautique et la motorisation (présence de GE et d’Air France Industrie) et enfin, la construction navale (notamment dans la navigation de plaisance). Les services sont particulièrement dévelop-


FUJIAN 福建

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Le retour en force de la France dans le Fujian La province du Fujian est l’autre grande région de développement économique et de réformes après sa voisine, le Guangdong, en Chine méridionale. On y trouve en effet la Zone Economique Spéciale (ZES) de Xiamen qui, parmi les cinq ZES (Shantou, Shenzhen et Zhuhai dans le Guangdong, Haikou dans l’île provinciale de Hainan), est la seconde plus riche après Shenzhen. C’est aussi le centre économique de la province, Fuzhou étant, elle, sa capitale administrative et politique. Le Fujian a longtemps pâti des tensions dans le détroit de Taiwan 台湾海峡qui ont constitué dans une certaine mesure un frein à sa croissance. Ce n’est plus le cas depuis ces dernières années où l’on observe un très net réchauffement entre les deux rives 海峡两岸 qu’illustre notamment l’établissement de liaisons maritimes et aériennes directes avec l’île. La présence des investissements taïwanais est particulièrement forte à Xiamen (ainsi que dans le Delta de la Rivière des perles). Le gouverneur de la province du Fujian s’est rendu récemment à Taipei à la tête d’une forte délégation d’hommes d’affaires, ce sera prochainement au tour du gouverneur de la province du Guangdong de faire de même. La présence française dans le Fujian est

historique, nous y avions au XIXe siècle des consulats à Fuzhou (Fou-Tcheou où l’écrivain-diplomate Paul Claudel fut vice-Consul), et à Xiamen (l’ancienne Amoy). Elle se concentre aujourd’hui essentiellement à Xiamen, où réside une cinquantaine de familles. Cette présence est amenée à se développer avec l’accélération du développement économique de la province qui s’insère entre les deux plus grands pôles de développement chinois que sont Shanghai et Canton. Hervé Ladsous, ambassadeur de France en Chine, s’est rendu en mars dans les trois principales villes du Fujian (Fuzhou, Quanzhou et Xiamen) à la tête d’une importante délégation d’hommes d’affaires et d’industriels. La présidente de la CCIFC l’accompagnait. Au même moment, un colloque organisé par Ubifrance et la CCIFC a réuni de très nombreuses entreprises françaises et chinoises à Xiamen, désigné « villes d’avenir ». Concrétisant cette tendance, la société Reel, une PME française spécialisée dans les domaines nucléaire et aéronautique, vient d’inaugurer ses installations industrielles à Xiamen. J e a n -R a p h a ë l P e y t r e g n e t Consu l Génér a l

de

Fr a nce

à

C a nton

Ouvert le 26 avril 2010, le premier tunnel sous la mer chinois relie l’île de Xiamen au district de Xiang en 12mn (contre 2h). 2010年4月26日,厦门翔安海底隧道建成,两地之间的车程从原来的2小时缩短到12分钟。

© Imagine China

pés dans les domaines suivants : la logistique (Xiamen est le 19e port à conteneurs au monde), les salons (le CIFIT, investissements internationaux, a lieu chaque année le 8 septembre et le salon de la pierre de Xiamen, le 2e plus important au monde). Les services informatiques quant à eux ont représenté un chiffre d’affaires de 2,3 milliards de Rmb (230 M d’euros) en 2009 (+30%). On note également une forte présence taïwanaise dans l’animation et les jeux en ligne. Du côté des services financiers, 17 banques étrangères sont représentées à Xiamen dont 11 sous la forme de filiales proposant des services financiers aux entreprises locales et étrangères. Enfin, pour le commerce, Xiamen offre une porte d’accès privilégiée au marché intérieur chinois et le tourisme se développe avec l’’île de « Gu Lang Yu », une des destinations touristiques préférées des Chinois. L’Importance des IDE Les capitaux étrangers représentent 80% de la production industrielle et 65% du commerce extérieur. 150 pays ont investi à Xiamen qui accueille 48 filiales du Top 500 mondial. Le stock d’IDE (2000– 2009) s’élève à 20 milliards USD dont 1,7 milliard USD pour 2009. Indépendamment de son statut de zone économique spéciale (ZES), Xiamen bénéficie du même pouvoir d’approbation de projets d’investissement qu’une province (au même titre que Shenzhen, Ningbo, Xiamen, Qingdao et Dalian). Hong Kong et Taiwan représentent 60% des IDE (respectivement 40% et 20%). Viennent ensuite les Iles Vierges (10%), le Royaume Uni (6%) et les USA (5%). Le Japon y compte 260 implantations. Xiamen concentre les principaux investissements français dans le Fujian. Selon les statistiques de la province, le commerce bilatéral entre le Fujian et la France a atteint 997 millions USD en 2009 (- 3,6%). Les exportations du Fujian ont représenté 839,8 milliions USD (- 0,17%) contre 158 millions USD pour ses importations (-18,56%). Les entreprises françaises ont investi dans 63 projets au Fujian représentant un investissement de 221 millions USD dont 93,23 réalisés. Xiamen regroupe les principaux investissements français au Fujian

Connexions / juillet 2010 135


姊妹省份 RÉGIONS JUMELLES ••• (Areva T&D, Reel, CMA CGM,

V M Matériaux, Calyon, Carrefour, Schneider Electric, Décathlon, LVMH, SDV, Danone, Accor,…). Le groupe Reel a inauguré le 28 mai 2010 l’extension de son usine et démarré la production d’une nouvelle gamme d’équipements destinés au secteur électronucléaire chinois. En 2009, le commerce entre Xiamen et la France a atteint 517 millions USD dont 82 d’importations (dont 10 M USD de vins et spiritueux). La consommation de vin et de spiritueux (Cognac) est l’une des plus élevées de Chine. Les importations en provenance de l’UE ont représenté 1,4 milliards USD dont 600 millions USD pour l’Allemagne. Xiamen offre encore de nombreuses opportunités d’affaires et d’investissements à nos entreprises grandes et petites. Fuzhou, capitale administrative, se renforce dans les transports et l’automobile La capitale du Fujian s’est dotée en 2009 d’une nouvelle gare ferroviaire qui accueille depuis le mois d’avril 2010 le train à grande vitesse la reliant à Xiamen. Elle a reçu des autorités centrales chinoises l’approbation de se doter d’un réseau de 7 lignes de métro représentant un budget total de 100 milliards de Rmb, la première ligne devant être mise en service en 2015. Son commerce extérieur a atteint 17,8 milliards USD en 2009 dont 200 millions USD d’échanges avec la France. Plusieurs entreprises françaises se sont implantées à Fuzhou : Carrefour, Decathlon, Leroy Somer (groupe Emerson)… En 2009, Fuzhou est resté un marché dynamique pour les produits français (grands crûs de Bordeaux, Cognac Louis XIII, produits des marques LVMH et Gucci,…) particulièrement appréciés par la population locale et notamment des nombreux expatriés taïwanais. L’économie de Fuzhou repose notamment sur son industrie automobile qui regroupe 120 équipementiers autour des constructeurs Daimler AG, Mitsubishi, King Long (bus). Au mois d’avril 2010, la société Daimler Automotive Co. Ltd, partenariat entre Daimler AG, Fujian Motors Group et China Motors Corp. (Taïwan), a démarré la production des modèles de luxe Viano et Vito.

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Connexions / juillet 2010

Le Fujian, pierre angulaire de Xiamen Sanxiangda

Xiamen est la 1re place mondiale dans le secteur des pierres naturelles. 厦门是天然石材行业全球最大的贸易中心。

Il y a 15 ans, Roland Fath fut le premier à fournir au marché européen de la pierre naturelle venant de Chine. Depuis, sa société Xiamen Sanxiangda assure l’approvisionnement de dizaines d’importants chantiers à travers le monde : les tramways d’Orléans, de Nantes, de Montpellier et d’une vingtaine d’autres villes ; l’aménagement de buildings en Allemagne ou au Japon, où elle a aussi fourni le chantier du stade olympique de Yokohama ; les aéroports d’Alger, de Dubaï, etc. Lorsqu’il arrive en Chine, au début des années 1990, il « comprend immédiatement qu’il y a un gros marché » à saisir. Mais à cette époque, tout est à faire : « Les gisements n’étaient pas des carrières, mais de simples trous. » Alors, pour localiser les meilleurs sites, il commence à arpenter différentes provinces. Et c’est finalement dans le Fujian qu’il s’installe, convaincu par les « gisements inépuisables et de très bonne qualité ». Et plus précisément à Xiamen, « devenue la première place mondiale dans le secteur des pierres naturelles, avec quotidiennement, plus de 15 000 tonnes de produits finis qui quittent la ville par porte-conteneurs. » Aujourd’hui ce sont pas moins de 27 usines fidélisées qui assurent le débitage et la transformation des blocs de granit, marbre, schiste, grès, calcaire etc. Partenaires de longue date, « certains patrons sont devenus des amis », raconte Roland Fath, qui peut ainsi compter sur eux pour faciliter les relations avec certains propriétaires de carrières par exemple.

Les concurrents Chinois ? Ils ne lui font pas peur : « Ils m’ont toujours copié... Il suffit par exemple que je mette une étiquette ‘’Norme européenne’’ pour qu’immédiatement ils fassent pareil, alors qu’ils ne savent même pas ce qu’elle signifie. » Roland Fath assure son avantage concurrentiel sur la qualité, parce que « nous avons nos propres contrôleurs. » Une présence essentielle, car « les ouvriers, même s’ils sont très travailleurs dans le Fujian, ne sont pas habitués à œuvrer en fonction des normes de qualité européenne. » « Nos seules difficultés sont d’ordre logistique et climatique, avec des précipitations qui provoquent des éboulements en montagne, qui déforment les routes, etc », remarque Roland Fath, en précisant avoir désormais assez d’expérience pour « anticiper ces problèmes. » Aujourd’hui, Roland Fath amorce un virage professionnel : il vient de vendre son affaire à une entreprise vendéenne, et s’apprête à ouvrir cinq carrières de grès au Laos. Pour autant, pas question de quitter Xiamen, et « sa qualité de vie exceptionnelle : ses plages, ses espaces verts et ses plantations de flamboyants, son développement rapide mais harmonieux », qui permettent à quelques dizaines d’expatriés français de « mêler l’utile à l’agréable. »

A Xiamen, la Cofrad donne vie à ses mannequins

La Cofrad fournit les mannequins de plusieurs grandes enseignes de luxe. Cofrad为各大奢侈品牌 提供模特道具。

« Une étude a montré qu’un vêtement présenté sur un mannequin a dix fois plus de chances d’être vendu que s’il est sur un cintre », assure Antoine Odent, responsable de l’antenne chinoise du groupe Cofrad. Basée depuis une dizaine d’an-


FUJIAN 福建 nées à Xiamen, la société confie à deux usines locales la fabrication des mannequins destinés aux vitrines d’enseignes aussi prestigieuses que le groupe LVMH, Giorgio Armani, et de nombreux autres grands noms de la mode. Chaque pièce doit répondre aux spécifications très précises exigées par les clients : silhouettes plus ou moins athlétiques, poitrine, épaules, hanches et visages devant s’adapter aux tendances esthétiques du moment, etc. Bien loin, donc, des modèles simplistes et stéréotypés distribués à des millions d’exemplaires dans les grandes surfaces du monde. Vendue entre 300 et 1000 €, chaque pièce doit être dépourvue du moindre défaut. C’est là que le bât blesse : « Pour les ouvriers, c’est un gros effort d’atteindre le niveau de qualité requis. » Aussi Antoine Odent organise-t-il régulièrement des briefings pour marteler les consignes. « En général, à la troisième réunion, la qualité des produits remonte enfin. Mais, au bout de deux ou trois mois, elle recommence toujours à baisser... », déplore-t-il, admettant balancer régulièrement entre irritation et indulgence. « Nerveusement, c’est très éprouvant ; on a très peu de moments de relâche. » Heureusement, Antoine Odent travaille dans un environnement agréable. « A Xiamen, il existe une volonté délibérée du gouvernement local de privilégier le cadre de vie », assure-t-il en évoquant les sorties en mer sur des bateaux de pêcheur, les barbecues et autres réjouissances de ce « Monaco chinois ». Un moyen de « garder le moral plus longtemps ». Et puis, économiquement, travailler à Xiamen « est une bonne solution, en particulier pour une activité ciblée telle que la nôtre », qui peut s’appuyer sur un important trading local. D’autant que « les infrastructures logistiques et portuaires sont très bonnes ». Ainsi la Cofrad devrait en Chine en 2010 40% de plus que l’an passé. Un chiffre qui laisse Antoine Odent espérer à la fois « une diversification de la production », ainsi qu’un « renforcement de l’équipe »...

Le Groupe Duvarry Développement : une approche sur mesure de l’export

de la qualité d’Expressens. Expressens qui s’est vu décerner le prix de la créativité, au dernier salon Heavent à Paris, le salon des professionnels de l’événement de l’exposition et des congrès, a de quoi séduire de Paris à Xiamen.

APC by Schneider Electric galvanisé par le marché

Le marketing innovant de Duvarry récompensé à Paris. Duvarry创新的营销理念在巴黎获奖

Duvarry Développement a démarré une activité de sourcing de produits sur mesure de très haute qualité et manufacturés en Chine, « pour des sociétés souhaitant externaliser en totalité la chaîne import. Nous nous chargeons des contrôles qualité, du suivi de la fabrication chez les fournisseurs et de la livraison en France. » explique Bertrand Queval, responsable du bureau de représentation Duvarry Développement de Xiamen. Selon Bertrand Queval, résidant à Xiamen depuis 12 ans, la région présente de nombreux avantages pour les entrepreneurs. En particulier la présence de « fournisseurs locaux, une plate-forme logistique développée, des infrastructures de bonne qualité, moins chers que dans d’autres régions, ainsi qu’un potentiel d’affaires en évolution, dû à la fois à l’ouverture avec Taïwan et à la forte volonté de la ville de se développer. » Un tableau qu’il nuance quelque peu, rappelant la complexité des rapports avec les douanes locales et un important risque de « pillage des connaissances ». Depuis 2009, l’activité de l’établissement de Xiamen était essentiellement centrée sur un projet du groupe, « Expressens », un concept d’empreinte sensorielle. La démarche, novatrice, « permet aux entreprises de valoriser leur marque à travers un objet/symbole unique sur mesure. L’objet/symbole est un véhicule gustatif, olfactif ou tactile qui condense l’âme d’une marque ou d’un événement », explique Bertrand Queval, également en charge

« La Chine connaît un boom dans le domaine informatique, en particulier avec l’installation de nombreux serveurs », note Bertrand Chapuy, le directeur général d’APC (American Power Conversion) du groupe français Schneider Electric. Une évolution qui offre de belles perspectives de développement pour cette société qui construit des onduleurs pour le marché chinois. En plus des onduleurs mono et triphasés de 0,5 à 500 KVA destinés à protéger « tout ce qui est électrique » en assurant notamment la continuité de l’alimentation, l’usine basée à Xiamen produit des systèmes de refroidissement pour serveurs informatiques. Une zone d’implantation favorable, notamment parce qu’on y trouve « un bon réseau de fournisseurs de plastiques, de tôles et de câblage », relève Bertrand Chapuy en insistant sur la présence de « nombreux prestataires logistiques ». En outre, « avec l‘aide du gouvernement et grâce au développement des universités et à la notoriété grandissante de la ville auprès des Chinois, le recrutement d’ingénieurs expérimentés et de managers devient de plus en plus facile.» En s’attaquant au marché chinois, APC a choisi d’affronter frontalement une concurrence locale dont elle se distingue grâce à la qualité de ses produits, « et à notre catalogue très large et notre capacité à fournir des solutions complètes à nos gros clients.» Preuve que Bertrand Chapuy sait profiter de cet environnement favorable : son usine augmente très sensiblement ses chiffres, avec 100 millions d’euros de chiffre d’affaires prévus cette année, et probablement 120 millions l’année suivante.

Manuel Rambaud

Connexions / juillet 2010 137


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旅游 TOURISME

特鲁维尔港口和码头

Le port de Trouville et son quai

到翁弗勒尔、特鲁维尔和多维 诺曼底地区位于巴黎以西200公里,是巴黎人非常青睐的周末度假地,因为他们能够在这里呼吸到英 法之间的拉芒什海峡(la Manche)那带有海水味道的新鲜空气。 诺曼底是法国最具特色的地区之一。这里首先是一片富饶的乡野地区,黑白花纹的奶牛在苹果园中低 头吃着落下的果实:春天,每当苹果树花开之际,这里的美景不亚于日本的樱花盛开之时;海滨地区 绵延着长长的海滩,随处可见建于19世纪的一座座漂亮的海滨别墅:那时人们已经开始蜂拥而至诺 曼底地区,享受大海中的沐浴!多维尔(Deauville)和特鲁维尔(Trouville)因此而成为优雅迷人的海水 浴疗养胜地。几公里之外的翁弗勒尔(Honfleur)更像一座宁静的小港口:它的名声应当归功于为数众 多的艺术家,尤其是那些来到这里汲取灵感的画家。

如果您有兴趣阅读更多的旅游资讯文章可登陆www.michelin.com.cn本版文章及图片由“米其林地图和旅游指南”提供,版权专有。未经 米其林事先书面许可,任何个人或企业不得以复制、转载(包括网上转载)或其他任何方式使用其中的任何内容(包括文字和图片)。 米其林保留对任何未经授权的使用追究法律责任的权利。如需转载或发现文章中有不妥之处或有任何意见和建议,请发电子邮件至: map.guide@michelin.com

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本专栏内容由米其林旅游出版公司提供


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La Normandie 诺曼底

海滩

la plage

尔体验诺曼底海岸风情

衣室(游客们在这里更换泳装):每间更 衣室都冠以一位美国演员的名字,看一眼 这些房间的名字,您就会知道在“美国电 影节”期间有哪些全球闻名的明星和知名

如何前往

举办跑马比赛、世界马球锦标赛、帆船比

人士经常光顾此地了。海滩上,五颜六色

多 维 尔 和 特 鲁 维 尔 距 离巴 黎 2 0 2 公

赛、高尔夫球及网球巡回赛、嘉年华会、

的阳伞与帐篷可供出租,它们能够让您免

里 ,翁 弗 勒 尔 距 离 巴 黎 1 9 5 公 里 。

一岁纯种马国际交易集市以及每年9月初

受风吹日晒!

乘坐火车:从巴黎的圣 拉扎 尔火车站

的美国电影节等活动。如果您喜欢看人也

多维尔的另外一个上流社会出入之地是

(la gare St-Lazare)出发,每天有10班火车

喜欢被别人看,那么您将在这座充满欢

赌场(地址:2 r. Edmond-Blanc,电话:

开往多维尔和特鲁维尔,车程2小时。翁

乐氛围的城市找到许多乐趣。如果运气

02 31 14 31 14)。赌场里的325台老虎机

弗勒尔与多维尔之间有巴士连接:从卡昂

够佳,您在这里还能遇到明星。例如:可

深受欢迎,人们还可以在这里玩轮盘赌

(Caen)直达勒阿弗尔(Le  Havre)的

可·夏奈尔(Coco  Chanel)、伊丽莎白·泰

或21点。出入这个高雅之地您必须身着正

20路环保公交车,电话:0 810  214 214。

勒(Élisabeth  Taylor)、克林特·伊斯特伍

装。但是请留意您的钱包:因为赌博的狂

德(Clint Eastwood)就在您之前造访过这

热会迅速将您征服!

多维尔:明星云集的滨海小 城

里。

最后,多维尔还以其跑马场(地址:45 av.

多 维 尔 最 著 名 的 散 步 大 道 是“ 铺 板

Hocquart-de-Turtot,电话:02 31 14 20

1859年,多维尔由拿破仑三世的同母异父

道”(« planches »)。人们之所以这样称呼

00)而闻名遐迩。这里举办高水平的跑马

弟弟莫尔尼公爵(le duc de Morny)创建于

它,是因为这条大型海滩沿线的道路由热

比赛,世界最好的赛马在此争夺一系列

一片沼泽地上。从此这座海滨小城就成

带板材铺就而成,人们在上面漫步时沙子

尊贵大奖。比赛一般下午两点开始(具

为法国上流社会人士聚集的地方,经常

不会进入鞋里!铺板道两旁设置有多间更

体日期可咨询赛马场),之后,您就

•••

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旅游 TOURISME

诺曼底的美食精品

Les produits gastronomiques normands

•••可以下注了!您也可以跟随导游在周

疗养地的魅力。19 世纪 ,画家欧仁·布

的介绍文字,涉及这些典型的诺曼底海

日下午或者其他的比赛日来此参观。

丹(Eugène

Boudin)和古斯塔夫·库尔贝

滨别墅的风格、装潢以及外观。若想进

如果所有这些您还觉得不够过 瘾 ,那

(Gustave Courbet)曾经将他们的画架支在

入其中一栋别墅,只有一个途径:参观

就请您到让-梅尔莫兹路(rue

Jean-

海滩或者河堤沿岸进行艺术创作。和社

蒙特贝洛别墅(la

M e r m o z ) 上 的 诺 曼 底 酒 店( H ô t e l

交活动频繁的多维尔不同,在图克河的这

址:64 r. du Gén.-Leclerc,电话:02 31

Normandy)前面来 。这间豪华酒店所

一边,社交活动戛然而止:您将置身于一

88

在的城堡面向大海,距离赌场以及荟萃

座充满魅力的度假胜地,适于享受宁静。

的海水浴疗养地建筑,是一栋有些过度

知名商家(爱马仕 Hermès、路易威登

特鲁维尔拥有许多建于19 世纪末的漂

装饰的贵族别墅。在房间内,您将欣赏

Vuitton、朗塞尔Lancel等等)和一些艺

亮海滨别墅:其中最漂亮的位于海滩附

到造就特鲁维尔名声的油画、素描、版

术画廊林立的商业街仅有几步之遥 。

近。 “铺板道”(与多维尔的铺板道相

画(范·东根Van  Dongen、迪菲Dufy,

酒店门前停放着劳斯莱斯或者捷豹等

同)沿线及以外的地方,人们在诸多的

等 等),以 及长 期 定 居 特 鲁维 尔的雷

豪华轿车是在静候哪位名人呢?也许是

别墅中将会特别留意以下几座:西多尼

蒙·萨维尼雅克(Raymond Savignac,生

Johnny Hallyday、Catherine Deneuve或

亚别墅(la villa Sidonia,建于1868年, 气

于1907年)创作的极为漂亮的招贴画。

者Jean

Reno?耐心些,没准您能看到

势恢宏而风格多样,摆设精致)、一栋诺

他 们 走 出 酒 店,来 到了您 的 眼前 … …

曼底乡间别墅(建于1884年)、黑石酒店

翁弗勒尔:画家的天堂

(l’hôtel des Roches Noires,建于1868年,

翁弗勒尔是一座五彩缤纷、生机勃勃的

特鲁维尔:休闲漫步的好去处

新古典主义风格)、一栋波斯建筑(颇

美丽小港口。在这里可以看到很多渔船,

特鲁维尔与多维尔相邻,中间仅隔着一

具东方情调)以及海浪别墅(la villa Les

每天运来大批的鱼类和虾蟹等甲壳类动

条图克河(la  Touques)。然而两座城市

Flots,建于1875年,文艺复兴风格)。您

物;此外还有很多的游船甚至巨型游轮。

的风 格却截然 不同。特鲁维尔及其长

可以在旅游局索取一本介绍两条建筑漫

圣艾蒂安码头(Le quai Saint-Étienne)周

长的细沙海滩依然保留着往日海水 浴

步之旅路线的手册;您将读到一些有趣

围环 建 着漂亮的石筑 房屋;它们是 昔

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Connexions / juillet 2010

villa

Montebello,地

16 26)。这是第二帝国时期一栋典型


La Normandie 诺曼底 日富裕 船东的 住宅 。在对面的圣凯 瑟

以及灵感源于其作品的解说词,您将通

琳码头(le quai Sainte-Catherine),房屋

过一幅幅展品了解艺术家的生活片段。

诺曼底地区的特产 诺曼底人以喜欢吃好喝好的乐天随和性

则又高又窄,木制的外立面包有板岩作 为保护。如今,这些房屋的底层开设有

实用信息

格而著称。不得不说,诺曼底地区拥有

咖啡馆、餐馆、画廊或者纪念品商店。

翁弗勒尔的集市

各类优质产品。

离开港口向老城区走去,蜿蜒曲折的小

周六上午在圣凯瑟琳广场举办乡土产品

首先是海产品:贝类(扇贝、河蚌、牡

巷映入眼帘,两边坐落着典型的诺曼底

和渔业产品集市,一定要买利瓦罗干酪和

蛎)、甲壳类(虾、螃蟹)以及鱼类是

建筑— —木筋墙房屋:木筋墙是一种木

蓬莱韦克干酪。如果您的假期较长,可以

烹制诸多当地特色的基本食材,例如:

架构,由彩色(红色、蓝色、栗色)木梁构

在周三上午到位于壕沟林荫大道(cours

翁弗勒尔热虾(les

建,它们相互平行、垂直或者交叉,构成

des Fossés)的天然绿色产品集市看一看。

de Honfleur)或者诺曼底鳎鱼(la sole

crevettes

chaudes

normande),这道菜将鳎鱼与河蚌、

非常美丽的装饰效果。在圣凯瑟琳广场 (la place Sainte-Catherine)坐落着一座木

购买翁弗勒尔特产

牡蛎、蘑菇一起烹饪,并且浇上一种

制教堂:这是因为在建造教堂的15世纪,

诺曼底酒窖(La Cave Normande)

由白葡萄酒和奶油混合成的调味汁。

翁弗勒尔稀缺泥瓦匠和建筑师,居民们便

地址:13 r. de la Ville和12 quai Ste-

诺曼底地区还出产乡村特产,这方面可

决定让造船厂的“斧头师傅们”来建造教

Catherine

是奶制品的大聚会:黄油、鲜奶油和干

堂。教堂的钟楼建在旁边,这在法国颇为

电话: 02 31 89 38 27和02 31 89 49 28

酪,例如卡芒贝尔干酪(le camembert)、

罕见!钟楼也是木制建筑,其底座的小屋

这 是 一 个 能 够 买 到 上等 苹 果 烧 酒 的

蓬莱韦克干酪(le pont-l’évêque)以及利

里住的是负责每天整点敲钟的敲钟人。

好去 处 ,您可以将汽 车后备 箱塞 满苹

瓦罗干酪(le livarot)。不要忘记当地还有

翁弗勒尔是诺曼 底海滨最美丽也是最

果 酒、梨 酒以 及由未发酵的苹果 汁与

优质的牛肉、禽肉,在烹饪这些肉类时

迷人的小镇之一。这也难怪19世纪继欧

苹果烧酒勾兑的开胃酒( pommeau),

仁·布丹(Eugène

Boudin,1824-1898)之

那么 就 算回到中国,您 在漫长 的冬天

后,艺术家们结伴来到这里,将变幻莫

也 能 品 尝 到 上 好 的 诺 曼 底 美 酒 了。

测的光线和令人陶醉的美景涂抹在画布 骑马漫游特鲁维尔

Boudin,电话:02 31

特鲁维尔-维莱 维尔马术中心 ( Centre

54 00)坐落

中不可或缺。 您在诺曼底地区喝到的饮料主要是苹 果酒(le

cidre):这是一种由当地广泛

种植的苹果酿造出的低酒精度汽酒。

上。欧仁·布丹美术馆(Musée  Eugène 89

人们总会加入鲜奶油,它在各种调味汁

在翁弗勒尔的埃里克·萨蒂广场 ( place

équestre de Trouville-Villerville )

Erik-Satie)。馆内特别收藏有这位出生于

地址:Chemin des Terrois

翁弗勒尔的画家的8 9 幅油画及素描作

电话: 02 31 14 99 69

品,他被画家柯罗(Corot)称为“蓝天之

价格:20欧元/1小时

王”(« le roi des ciels »),并且深受诗人

特鲁维尔的海滩全天都对骑马漫游开放。

夏尔·波德莱尔(Charles

Baudelaire)赞

该俱乐部还组织在森林中或者悬崖上的

美。美术馆还展览一些曾经汲取当地灵

骑马游览活动,从悬崖峭壁上能够饱览多

感进行创作的19世纪画家作品,例如:

维尔、特鲁维尔、勒阿弗尔(Le Havre)美不

库尔贝(Courbet)、戎金(Jongkind)、莫奈

胜收的景致。

如果您偏爱酒精度更高的饮料,则一 定要尝尝也是用苹果酿造的苹果烧酒 (le calvados),按照“诺曼底洞”(« trou normand »)

这一传统,人们要在用餐

过程中的两道菜之间饮用这种烧酒:因 为喝上一小杯苹果烧酒能够让人重新 引起食欲,以便继续品尝美味的诺曼底 甜点! 苹果塔在诺曼底美食中占有重要地位; 人们甚至将它浇上苹果烧酒并且加上一 大勺鲜奶油烘烤而成……另外还有一种

(Monet)、瓦洛通(Vallotton)、迪菲(Dufy)。

名为“特尔古尔”( teurgoule )的特

翁弗勒尔还是音乐家埃里克·萨蒂(Erik

租赁特鲁维尔式自行车

Satie,1866-1925)

特鲁维尔自行车行(La Deauvillaise)

煮若干小时制成,并且加入桂皮增加香

建造的博 物馆不容错 过!这间博 物馆

地址:11 quai de la Marine

味。简直是地道的美味!

(地址:67 bd Charles-V,电话:02 31 89

电话: 02 31 88 56 33

最 后,如 果 您想 给朋友带回点小 纪

11 11)令人瞠目结舌、目不暇接、喜出望

您在这里可以租赁到著名的特鲁维尔自

念品,您可以选择黄油焦糖糖果( les

外,一如这位诞生于此非同寻常的怪才

行车( deauvillaise),这是一款既漂亮

caramels au beurre),伊西尼(Isigny)出产

音乐家本人。戴上一副解说耳机,人们

又适宜家庭的四轮脚踏车(最多可以3人

的最棒,切记!

可以尽情参观,伴着音乐家创作的音乐

骑行)。那些参加电影节的明星们

的故乡,为纪念他而

色甜点,这是一种甜米糕,在牛奶中烧

•••

Connexions / juillet 2010 141


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旅游 TOURISME

多维尔的诺曼底宾馆入口

•••都会自愿放弃他们的豪华轿车,而尝

le célèbre hôtel Normandy de Deauville

供应传统菜肴。天气晴好之日,餐厅缺少

格:20-30€

试这种有趣的交通方式。热爱远足的人士

露天座位的遗憾会因为提供的新鲜鱼类

这栋宾馆坐落在市中心一条安静的街道

也可以租赁山地自行车。

而显得无足轻重。

上,两座房屋之间由一个庭院隔开,夏季

翁弗勒尔老城餐厅

可以在院内摆放露天座位。客房简单朴

特色餐馆

(Au Vieux Honfleur)

素,但是收拾得非常整洁。临街的房间稍

马槽餐厅(La Table d’Auge)

地址:13 quai St-Étienne,翁弗勒尔

大,庭院一边的客房更为安静。小酒馆风

地址:Pl. du Marché,多维尔

电话:02 31 89 15 31

格的餐厅供应套餐。

电话: 02 31 88 30 58

价格:29-48€

欧特林酒店(Hôtel Otelinn)

价格:30-60€

这间餐厅坐落在老港,天气晴朗之日露天

地址: 62 cours A.-Manuel,翁弗勒尔

这间餐厅保证供应新鲜的虾蟹产品:它们

座位会沿着堤岸一字排开。无论是在露

电话: 02 31 89 41 77

根据需求直接捞自养殖塘。对海鲜过敏的

天咖啡座,还是冬天在暖意融融的饭店大

房间:50间

人士大可放心,可以品尝地道而且美味的

堂,您坐在装饰有小件古玩、招贴画或者

价格:49-57€,早餐价格:6.50€,餐厅价

乡土小菜。晚上如果天气晴好,最好选择

绘画作品的餐厅内,可以一边品尝诺曼底

格:14.50-18.5€

露天座位用餐。

菜肴及海鲜,一边享受船坞的美景。

这间酒店远离市中心,其最大的优势就在

摄政餐厅(La Régence)

于价格公道。客房虽小但却实用,令您惬

地址: 132 bd Fernand-Moureaux,滨海

我们推荐的酒店与民宿

意的摆脱旅途疲惫。另外,酒店还拥有一

特鲁维尔

希望宾馆(L’Espérance)

个花园和露天座位,您可以沐浴在诺曼底

电话:02 31 88 10 71

地址:32 r. Victor-Hugo,多维尔

和煦的阳光中品味美食。

价格:28-56€

电话:02 31 88 26 88

高雅的用餐大厅面向港口,内部装饰用的

房间:10间

彩色细木护壁板可以追溯到19世纪。餐厅

价格:48-71€,早餐价格:6€,餐厅价

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Connexions / juillet 2010


French Chamber of Commerce and Industry in China 2009-2010 Directory

ANNUAIRE CCIFC 2009-2010 Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine

Exposition universelle Shanghai - 2010

Pavillon de la Chine

中国法国工商会年鉴 www.ccifc.org

About 1 200 French companies all over Mainland China More than 3 500 contacts Bilingual French/English – Chinese

Contact : Patricia RUAN ruan.patricia@ccifc.org


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中国旅游 TOURISME CHINE

Respect de la nature (ici Yourantai au Xishuangbanna), de l’histoire (ici Loamadian) et des populations locales (ici minorité Dai) sont les credo des fond

Des havres de paix dans de petits villages du Yunnan Deux histoires, deux chemins de vie en Chine, deux couples étrangers qui se sont engagés dans la préservation d’une architecture d’habitat traditionnel, celle de la minorité Dai à Jinghong et de la minorité Bai à Xizhou. Outre la volonté de préserver un héritage culturel, ils contribuent à faire connaitre les coutumes ancestrales de ces peuplades qui vivent dans des villages hors des sentiers battus. Au début de leur entreprise, il y a d’abord eu le coup de cœur, celui qui change de façon impérieuse toute une vie. Ensuite, les deux couples se sont confrontés au long et laborieux apprentissage de la construction ou rénovation d’une maison en territoire étranger. Seules leur passion et leur détermination de réaliser la maison de leurs rêves leur ont permis de traverser les 144

Connexions / juillet 2010

embûches administratives et techniques. Chacun a fait appel aux charpentiers et artisans locaux qui connaissent encore le savoir-faire traditionnel. Sérénité sur les rives du Mékong Rien ne prédestinait Gérard et Lynn Burgermeister à venir s’installer au Xishuangbanna, région tropicale chinoise aux confins des frontières de Birmanie et du Laos. Ce couple helvèto-taiwanais s’est rencontré sur les bancs de l’Université du Colorado, avant de parcourir le monde. Leur carrière respective, comme botaniste et économiste, les emmène en Europe. Lynn se passionne pour la photographie et la fabrique du pain à Paris tandis que Gérard entre dans la diplomatie. Son dernier poste était en Chine. Passionné par les arbres et plantes tropicales, le botaniste parcourt les contrées du Yunnan

et du Sichuan et contribue à protéger la biodiversité par l’installation de jardins botaniques et de réserves naturelles. Les forêts d’arbres géants, la faune et la flore du Xishuangbanna séduisent le couple qui décide d’acquérir une plantation de caoutchouc sur les collines surplombant le majestueux Mekong près de Jinghong. Ils y construisent leur maison de rêve, des lodges en bois, dans le style d’architecture traditionnel Dai et replantent le domaine, de fleurs, de plantes, d’arbres d’essence rare, redonnant au lieu l’aspect des jardins tropicaux d’antan. La maison s’appelle Yourantai « terrasse de sérénité », s’inspirant d’un poème de Su Dongpo. Le domaine accueille ses premiers invités en 2006. Depuis, les éloges sont unanimes. Tous ceux qui séjournent à Yourentai se souviennent des conversations à bâtons rompus avec le couple sympathique, les mets organiques, la saveur du thé Puer, le pain de la boulangère, le coucher de soleil dans les brumes du Mékong, la fragrance des fleurs multicolores, les arbres


dateurs des ces maison d’hôtes d’un genre nouveau.

géants… Un moment de grande sérénité au pays des Dai, des Bulangs et des Hanis, ethnies qui habitent les villages des montagnes environnantes que je vous conseille de découvrir. Fort de leur expérience à Jinghong, le couple a rénové une autre maison d’hôtes charmante à Shaxi, un ancien comptoir sur la route du thé et des chevaux entre Dali et Lijiang. A ne pas manquer… Culture et Immersion à Xizhou A la différence des Burgermeister, la démarche de Brian et Jeanee Linden fut de rénover un lieu historique et d’y faire un centre dédié à l’apprentissage et à la découverte des traditions chinoises. Les Linden ont voyagé et travaillé en Asie pendant plus de vingt ans dans le domaine de l’art et cherchaient un lieu authentique pour y établir une maison d’hôtes où les étrangers pourraient mieux comprendre et s’imprégner de la culture chinoise, en contact avec les populations locales. Ils choisirent le village de Xizhou au pied de la chaîne des Monts d’Azur aux environs

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Yourantai 悠然台

尊重自然(西双版纳的悠然台)、历史(老马店)和当地居民(傣族)是客栈创办人的信条。

de Dali et rénovèrent la résidence de la Famille Yang. La rénovation de son architecture et de ses éléments décoratifs nécessita le labeur d’environ 60 à 100 ouvriers par jour pendant un an. Le couple américain s’y installa avec leurs garçons, heureux de bénéficier d’un climat printanier toute l’année dans la région. Ouvert depuis le printemps 2008, le Linden Center, appelé le « Xi Lin Yuan » reçoit des visiteurs du monde entier dans ses quatorze chambres. La rénovation des lieux s’est déroulée dans le plus strict respect des espaces de la maison originale. Les familles Bai vivent généralement dans une cour carrée entourée de trois bâtiments de deux étages et fermée par un haut mur peint. La base des bâtiments est faite de pierres trouvées dans les ruisseaux des environs. Les toits y sont recourbés, comme dans les temples Thai, et le patio des cours est rempli de fleurs. Élégance et charme se donnent rendez-vous au Xi Lin Yuan. Des programmes originaux et uniques de deux à trois semaines de découverte des

traditions du Yunnan y sont organisés par le biais de la peinture, la photographie, la médecine traditionnelle, la cuisine, l’écriture... Ces séminaires sont complétés par des voyages dans les régions environnantes où les voyageurs s’immergent avec les populations locales et s’initient aux anciennes traditions. Une expérience intéressante qui attire de plus en plus de voyageurs à la recherche d’authenticité ! D’autres aménagements de maison d’hôtes devraient progressivement s’installer en Chine, principalement dans des lieux historiques ou dans un espace naturel exceptionnel. Une affaire à suivre…

V é ro n i qu e

d ’A n t r a s

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协会 associations

Formation (le centre a formé plus de 10 000 femmes depuis son ouverture en 1998) et soutien psychologique pour les femmes rurales.

Centre de Développement Culturel des Femmes Rurales de Pékin

Du magazine Rural Women à la création d’une ONG active Depuis plus de15 ans, cette association chinoise s’engage pour l’amélioration de la condition des femmes rurales En 1993, une équipe de femmes engagées fonde, avec le soutien de l’influente Fédération des Femmes de Chine1, le magazine Rural Women qui a pour vocation de contribuer à l’évolution de la condition de la femme dans les campagnes en diffusant des connaissances sur la santé, le droit, les techniques agricoles, le commerce etc. Distribué dans une vingtaine de provinces le magazine est lu par plusieurs dizaines de millions de paysannes. Des reportages dressent le portrait de femmes qui confient leurs espoirs et leurs maux. Véritable fenêtre sur la situation des femmes dans les campagnes chinoises, la publication est soutenue par des mécènes comme la Fondation Ford qui a largement contribué à son financement. Forte de sa connaissance du terrain, Xie Lihua, la fondatrice et éditrice en chef de Rural Women, prend conscience de l’évolution rapide des déséquilibres villes-campagnes et mesure les conséquences engen146 Connexions / juillet 2010

drées par l’immense vague de travailleurs ruraux qui migrent vers les villes de la côte Est. Soutenue par la 4e Conférence Mondiale sur les Femmes de l’ONU (Pékin, 1995) ainsi que par des ONG internationales, elle décide d’ouvrir à Pékin le Club des Femmes Migrantes (CFM) en 1996 et le Centre de Formation Pratique pour les Femmes Rurales (CFPFR) en 1998. « Nous nous sommes rapidement rendu compte que les paysannes venues à Pékin pour trouver du travail sont souvent démunies et vulnérables. Sans éducation, elles ignorent leurs droits, ne sont pas formées aux métiers urbains et ont parfois besoin de soutien psychologique. Le club anime aujourd’hui un réseau de 2 000 femmes à Pékin. Depuis 10 ans nous en avons aidé plus de 10 000. Des activités régulières visent à sortir les femmes de leur isolement social, à les informer et conseiller sur leurs droits au travail, leur santé etc., via des ateliers ou notre hotline. De plus, le club a la

spécificité d’être géré par des femmes migrantes. », explique Wu Zhiping, l’actuelle secrétaire générale de l’association. Rapidement, une équipe de volontaires se constitue, les programmes se multiplient et le CFPFR diversifie ses activités : cours de management et de gestion de coopérative rurale, formation en garde de personnes âgées, couture, informatique… Le centre reçoit dans ses locaux de Pékin environ 1 300 étudiantes par an, venues de toute la Chine, et a formé plus de 10 000 femmes depuis son ouverture en 1998. Les stages sont gratuits et durent d’une semaine à trois mois. En 2001, afin de garantir l’indépendance financière et stratégique des activités, Xie Lihua décide de regrouper les deux entités et les différents programmes sous la forme d’une ONG2, la première en Chine dédiée aux femmes rurales ou migrantes : le Centre de Développement Culturel des Femmes Rurales de Pékin.


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为农家女提供培训(自1998年开办以来,中心培训了上万名妇女)和心理支持

Aujourd’hui, l’ONG emploie 60 personnes, et possède une équipe d’une centaine de volontaires parmi lesquels un réseau d’avocats bénévoles spécialisés dans le droit du travail. Les ressources financières proviennent pour moitié de l’étranger : subventions gouvernementales (Union Européenne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Australie…), fondations, mécènes… Actuellement, l’accent est mis sur la recherche de subventions d’entreprises. Le centre souhaiterait recevoir le soutien de pays étrangers pour l’aider à professionnaliser ses équipes afin d’améliorer la qualité des programmes et des formations. Des programmes pilotes Alarmés par les statistiques dramatiques concernant le suicide des femmes dans les campagnes, (selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la Chine est le seul pays dans le monde où le suicide concerne plus de femmes que d’hommes), l’ONG décide de mettre en place à partir de 2000 un programme pilote de prévention dans six villages de la province du Hubei où les taux de suicides, ou de tentatives, sont anormalement élevés. Selon Mme Wu « dans le petit village de Qinglong, 20 femmes s’étaient suicidées et 23 femmes avaient fait des tentatives de

suicide. Nous les avons réunies dans un groupe de prévention animé par des psychologues qui les ont accompagnées vers le retour à l’estime de soi. Nous nous sommes rendu compte que souvent la violence conjugale ou la pauvreté étaient la cause de leur désespoir. Ces 23 femmes vont beaucoup mieux désormais et aucune d’elles n’a de nouveau tenté de mettre fin à ses jours. Il faut dire qu’au départ nous avons été mal accueillis par les autorités locales qui avaient peur que nous accentuions leurs problèmes en nous mêlant de ce qui ne nous regardait pas, mais avec ces résultats positifs, les autorités sont désormais de notre côté. De même, nous avons petit à petit inclus les hommes dans le groupe de prévention et nous les avons aidés à prendre conscience de leurs erreurs dans leur relation conjugale. Certains maris sont devenus volontaires de notre ONG, c’est un vrai succès selon nous. ». Les projets de l’ONG évoluent à la vitesse de la Chine Les changements économiques et sociaux très rapides dans les campagnes contraignent l’ONG à adapter ses programmes aux nouvelles problématiques rencontrées par les femmes. Selon madame Wu : « Beaucoup de pa-

rents qui sont partis travailler provisoirement dans les villes décident de s’y installer et font venir leurs fils pour leurs donner une meilleure éducation. Mais les fillettes sont laissées dans les campagnes et sont élevées par les grands-parents, ou, dans bien des cas, livrées à elles-même ». L’ONG a initié des programmes de protection des droits de ces fillettes qui durant l’adolescence ne reçoivent pas d’éducation sexuelle et qui sont plus vulnérables aux abus. Désormais, les programmes s’élargissent également vers d’autres populations : programme de soutien psychologique pour des personnes âgées isolées dans le quartier de Dongcheng à Beijing ou dans les villages, campagnes de formation pour les femmes élues dans les villages3… Jusqu’à présent, l’une des actions les plus importantes du centre était le programme d’alphabétisation : plus de 350 classes pour femmes organisées chaque année dans les campagnes. « Aujourd’hui, les paysannes n’ont plus seulement besoin d’apprendre à lire, elles ont besoin de se cultiver, de lire pour apprendre des connaissances, d’aller sur Internet pour s’ouvrir et élargir leur regard. », dit Mme Wu. « C’est pour cela que nous avons créé en 2008 un programme de bibliothèques rurales qui sont non seulement des lieux culturels mais aussi des centres où créer un lien social. » Les bibliothèques rurales sont relativement simples à installer et ne nécessitent pas un gros investissement : 50 000 Rmb. « Nous avons déjà ouvert 40 bibliothèques rurales depuis 2008 et nous envisageons d’en ouvrir 80 cette année. Les bibliothèques sont tenues par des femmes qui reçoivent durant trois ans une formation dans notre centre de Pékin. Ce sont principalement des entreprises ou des mécènes qui financent ce type de projet, c’est un excellent moyen pour une entreprise étrangère de faire de la RSE en Chine. »

F lor e C oppi n

Site Internet : w w w.nongjianv.org/english/ 1 www.women.org.cn/english 2 Sur les ONG en Chine lire l’article publié sur le site de l’ambassade de France en Chine : http://www.ambafrancecn.org/Etat-des-lieux-des-ONG-chinoises.html?lang=fr ; sur le statut de l’ONG « Centre Culturel et de Développement des Femmes Rurales de Pékin » : http://www.nongjianv.org/web/ english/aboutus/askedquestions.html 3 Voir le site Internet Women Village Head (en chinois) : http:// www.nvcunguan.org/

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文化 CULTURE

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Long Live Caochangdi

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Festival photo Caochangdi 2010 / Arles à Pékin

Moment-clé de la coopération artistique franco-chinoise, le festival international de photographie Caochangdi PhotoSpring s’est tenu à Pékin du 17 avril au 30 juin dans le cadre de Croisements. Organisé depuis trois ans en partenariat avec « les Rencontres d’Arles », un des rendez-vous phare de la photo d’art contemporain, c’est la première fois que la programmation d’Arles est montrée hors de France, une opération qu’il est prévu de renouveler jusqu’en 2012. C’est au Three Shadows Art Centre, à l’initiative des photographes RongRong et Inri (fondateurs du centre) et de Bérénice Angremy (directrice de Thinking Hands et fondatrice du DIAF1) que le coup d’envoi a été donné, dans le quartier artistique de Caochangdi au nord-est de la capitale. Né en 2000, ce quartier aujourd’hui menacé de démolition est devenu un centre névralgique de l’art contemporain réu148

Connexions / juillet 2010

nissant trois cents entreprises culturelles, galeries, institutions artistiques et studios d’artistes, parmi les plus reconnus de Chine sur la scène internationale. L’annonce de la démolition du quartier, faite aux organisateurs par la municipalité à la veille de l’inauguration du festival, a suscité une forte émotion et un mot d’ordre « Long Live Caochangdi ». François Hebel, directeur des Rencontres d’Arles, présent pour l’occasion 2, s’est exprimé sur la nécessité d’un quartier comme Caochangdi : « Ces dix dernières années, accompagnant la transformation de la société, les photographes chinois ont sauté, à pieds joints, dans l’art conceptuel et la photo numérique, des galeries et des festivals, notamment celui de Pingyao, sont nés. Ce qui était intéressant à Pingyao les deux ou trois premières années, ou à Dashanzi il y encore quatre ou cinq ans, ce qui est intéressant aujourd’hui à Caochangdi, c’est qu’il y a vraiment des gens qui cher-

chent à proposer de nouveaux langages, de nouvelles approches, de nouveaux éléments pour regarder le monde, pour regarder l’art ou se regarder soi-même, en fonction des artistes. Il y a la place pour différents types de festival et d’espaces dédiés à la photo, dont ceux avec une fonction plus populaire. Mais ils ne font ni réfléchir ni avancer la photographie en tant qu’art. C’est pourquoi la survie de Caochangdi est nécessaire.» Le photographe chinois RongRong, fondateur du Three Shadows Art Centre1, a lui aussi mis en valeur le caractère unique du quartier et a ajouté « Je veux croire que dans ce monde il existe une place pour l’art, pour faire découvrir l’art et les artistes. L’art ne va ni contre le développement, ni contre la ville, mais s’intègre à eux. C’est pourquoi nous sommes là aujourd’hui.» Enfin Alexandre Ziegler, le conseiller culturel de l’ambassade de France en Chine a salué un des événements les

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Caochangdi Spring Festival 草场地

En haut à g. : l’inauguration du festival le 17 avril 2010. En bas à g. : extrait de la série “They” de Zhang Xiao, lauréat du prix Three Shadow 2010. Ci-contre : extrait de la série “Blast” de Naoya Hatakeyama.

© Naoya Hatakeyama

左上图:2010年4月17日,草场地摄 影季开幕现场 左下图:2010年三影堂摄影奖得主 张晓《他们》系列的一幅作品 旁边:畠山直哉《爆破》系列中的 一幅作品

« Blast » de Naoya Hatakeyama Naoya Hatakeyama est un des photo-

tées au public chinois à la Mizuma & One

thétique sont ici portées à leur plus haut

graphes japonais contemporains les

Gallery de Caochangdi (voir la couvertu-

degré — Naoya Hatakeyama utilise uni-

plus renommés de sa génération. Son

re du numéro). Ses stupéfiants paysages

quement de l’argentique et ne retouche

oeuvre, plusieurs fois primée au Japon,

de pierres et de poussière, saisis seconde

jamais son travail — alliant l’authenticité,

en France et au Royaume-Uni, est régu-

après seconde avec une précision

le moment décisif et le geste technique

lièrement exposée un peu partout dans

quasi-chirurgicale, suivent au plus près

parfait.

le monde — il a notamment représenté

le souffle explosif rendant d’autant plus

Mais il n’est pas seulement question de

le Japon à la 49e biennale d’art contem-

tangible toute sa violence et sa beauté.

« belle image » ou de « concept ». Par

porain de Venise. Invité plusieurs fois à

Le temps et le mouvement semblent

son travail, le photographe japonais

participer aux Rencontres d’Arles, Noaya

disséqués, figés. La netteté extrême des

interroge les relations entre les hommes

Hatakeyama était pour la première fois

projections minérales contraste avec le

et leur environnement et le spectacle de

exposé en Chine.

flou nébuleux de la poussière compo-

ces explosions fait immanquablement

Ce sont quatre séries de son travail

sant des images éclatées et abstraites

écho à d’autres traumatismes : bombe

intitulé « Blast », des explosions de pierre

d’une beauté prodigieuse.

atomique, séisme, crise économique…

dans des carrières, qui ont été présen-

L’expérience formaliste et la quête es-

Du grand art.

Connexions / juillet 2010 149


文化 CULTURE

Caochangdi Spring Festival 草场地 et puissant, humour noir et détresse dans un univers parfois fellinien : visages de fillette devant une tête de chèvre, crasse, télévision, carcasses d’animaux, vodka, hommes édentés à moitié nus évoquent la pauvreté et le désespoir, le déclin de la vie des campagnes depuis l’effondrement de l’Union soviétique et la désintégration de l’économie rurale locale. « Les campagnes lithuaniennes et chinoises ont-elle tant de choses en commun ? » s’interrogeait un spectateur chinois, à la fois surpris et ému. www.ccdphotospring.com

« Grimaces of the Weary Village » de Rimaldas Viksraitis, (1998). 立陶宛摄影师芮玛塔斯.维克迪斯(Rimaldas Viksraitis)的作品《乏味小镇众生相》(摄于1998年)

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plus « ambitieux » du programme Croisements 2010 et a précisé « Notre but est d’accompagner l’émergence d’un des arts les plus dynamiques en Chine et d’amener en Chine ce qui se fait de mieux dans le domaine, les Rencontres d’Arles ». Il a ajouté « Caochangdi est un merveilleux endroit. Ce lieu doit rester un des temples de la scène artistique chinoise, un lieu d’avant-garde. L’importance d’un lieu comme Caochangdi est cruciale. » Fusions L’objectif de Caochangdi PhotoSpring est de constituer une plateforme dédiée à la photographie qui permette aux artistes de rencontrer les professionnels et le public autour d’oeuvres chinoises et internationales de valeur. Bérénice Angremy précise : « il s’agit d’apporter l’atmosphère d’Arles à Pékin, de créer un espace de discussions et d’échanges entre professionnels et amateurs, entre la foisonnante scène photographique chinoise et les autres ». Pari réussi, malgré quelques couacs logistiques — oeuvres bloquées en douane et lieux d’exposition d’accès parfois difficiles. Ainsi, la semaine d’ouverture a été l’occasion de festivités dans toutes les galeries partenaires, vingt-cinq au total, mêlant des expositions, un symposium, des concerts, des projection de films documentaires (notamment Fairytale d’Ai Weiwei) et de slideshow3. Une première en Chine, une journée intitulée « Photo Folio review » a donné la possibilité aux photographes chinois de présenter leur travail à 150

Connexions / juillet 2010

des experts pour en recevoir les critiques et conseils. Grands maîtres de la photo tels Man Ray, Wynn Bullock, Harold Fernstein ou Naoya Hatakeyama (voir encadré), collectifs de jeunes talents (« Tora Tora Tora » avec 300 photos et vidéo de 70 jeunes artistes chinois), images urbaines de Mo Yi ou photos de Picasso par Lucien Clergue, performances sino-européennes, tirage vintage, photo digitale et polaroïd, le programme riche d’une cinquantaine d’expositions a reflété la diversité et la vitalité de la photo artistique. Temps fort du festival, l’attribution du « Three Shadows Photography Award » à Zhang Xiao qui s’est vu remettre la somme de 80 000 Rmb. Ex-photographe de presse pour le Chongqing Morning Post aujourd’hui free-lance, il s’est vu récompensé parmi deux cents compétiteurs par un jury international composé de critiques et galeristes — parmi la sélection exposée de ses travaux, des photos de la série « They » captant les hommes dans leur quotidien, incongru, dur ou beau, dans un jeu de couleurs singulier, une palette de teintes souvent douces et assez oniriques s’entrechoquant avec des tons plus vifs. Autre temps fort, l’exposition « Grimaces of the Weary Village » de Rimaldas Viksraitis, lauréat du prix découverte des Rencontres d’Arles 2009. Photographe lithuanien né en 1954, il sillonne à vélo la campagne, capte ses habitants et leurs coutumes qui semblent parfois d’un autre âge. A la fois brutales et émouvantes, ses images en noir et blanc concentrent réalisme cru

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S o ph i e L av e rg n e 1 voir Connexions n°43 p.90-94 2 Dashanzi International Art Festival de 2004 à 2007 3 François Hebel qui était également membre du jury pour le prix Three Shadows a aussi participé aux « Photo folio reviews » et au symposium.

Qi Hong : de Caochangdi à Wuhan Sélectioné par la galerie Three Shadows parmi les vingt photographes chinois participant au prix 2010, le travail de Qi Hong Intime Empire a également été présenté à Wuhan avec le soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine, ainsi que celui d’entreprises implantées à Wuhan telles que PSA Peugeot Citroën. Né en 1962 à Lhassa et dîplomé de l’école de journalisme et Sciences humaines du Sichuan, Qi Hong vit aujourd’hui à Chengdu comme photographe indépendant. Régulièment présenté dans les grandes villes chinoises et en Europe, son travail a déjà été primé au concours international de photographie journalistique organisé par le National Geographic. Dans la lignée des photographes humanistes, Qi Hong pose un regard sincère et proche sur ses concitoyens. A Caochangdi, « ses œuvres sur le thème de la vallée des trois gorges ont suscité l’intérêt du Ministre français de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand » se réjouissent les organisateurs.


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文化 CULTURE

A travers des conférences, des expositions et des rencontres, « Yishu 8 répond à deux besoins universels et essentiels : celui de se décaler,

L’esprit maison au cœur de Pékin Christine Cayol, philosophe1 et femme d’entreprise, a créé au cœur de Pékin, dans les anciennes douches d’une usine de câbles, Yishu 8 (ce qui signifie « Art 8 », le chiffre 8 étant un symbole positif), une maison magique et confortable, dédiée au ressourcement par l’art. Elle avait déjà fondé, à Paris en 1995, Synthesis, un cabinet de coaching pour entrepreneurs et ingénieurs prônant le détour par l’intelligence sensible pour plus d’efficacité managériale.

Connexions : Pouvez-vous revenir sur la genèse de Yishu 8 ? Christine Cayol : Depuis que j’enseigne la philosophie à Paris, j’ai toujours rêvé d’un lieu qui réunirait les mondes qui font partie de ma vie : celui des intellectuels, celui des artistes et celui des gens qui sont engagés dans l’action économique, sociale ou politique. J’ai voulu fonder un salon ou plutôt une maison, personnalisée, enracinée, où ces mondes puissent se rencontrer. Caroline Odinet m’a aidée à réaliser ce projet en imaginant une décoration simple et raffinée, loin de toute ostentation. 152

Connexions / juillet 2010

Tout a commencé quand j’ai eu la possibilité, grâce à de fidèles amis chinois, de visiter une grande usine de câbles électriques en partie désaffectée. Arrivée dans les douches des ouvriers, qui étaient affreusement sales et vides, j’ai été frappée par ces images d’un monde violent, arriéré, dur, qui n’était pas sans rappeler de terribles images… et j’ai voulu transformer cette horreur en un lieu de vie et de créativité. J’ai désiré créer un microcosme qui corresponde à ce qui, à plus grande échelle, était en train de transformer toute la ville, voire tout le pays. J’ai voulu répondre à une soif de culture et d’art. C’est ainsi que les anciennes douches se sont transformées, à la vitesse pékinoise c’est-à-dire en quelques mois, en un lieu d’art et de culture. C. : Vous aviez déjà créé le cabinet Synthesis à Paris. Y-a-t-il un fil rouge entre ces deux créations ? C. C. : Le fil rouge court entre art et entreprise. Synthesis, que j’ai créé en 1995, est un cabinet de conseil et de formation qui aide les responsables managériaux à penser et à se comporter plus efficacement en travaillant sur un mode sensible, plus créatif et plus humain. Notre méthode passe par le détour par l’art, par l’écoute de la musique, par le regard sur la photo, par l’expression à travers le chant. En gagnant

en sensibilité, en appréciant de subtiles variations, on apprend à percevoir les signaux faibles dans la vie, ce qui peut se révéler très utile pour développer des attitudes de vigilance au quotidien. Ainsi, par exemple, nous travaillons beaucoup pour le groupe Total en direction des employés des platesformes pétrolières. C. : Yishu 8 se trouve au cœur de Pékin. En quoi cet endroit répond-il à une demande en Chine ? C. C. : Yishu 8 répond à deux besoins universels et essentiels, celui de se décaler, de découvrir, et celui de se sentir chez soi. A travers des conférences, des expositions, des rencontres, il fournit des repères pour se sentir bien et en même temps pour découvrir des choses qui perturbent, qui font réfléchir, voire qui modifient notre regard. Cette maison a pour vocation l’ouverture et la rencontre. Mais, à la différence d’un club ou d’un réseau, l’idée n’est pas de réunir des gens ayant les mêmes intérêts professionnels. Au contraire, nous souhaitons que des gens différents se rencontrent autour de l’art. La richesse de Yishu 8 est intimement liée à la diversité des personnes qui s’y plaisent. Pour la décoration, l’exigence était l’élégance, la simplicité et l’esprit maison, soit


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Yishu8 艺术8

de découvrir et celui de se sentir chez soi.»

l’inverse d’un luxe ostentatoire et clinquant. Je voulais un lieu de culture, où culture et art de vivre ne fassent qu’un. Ma définition de la culture n’est pas élitiste. La culture, pour moi, est ce qui rend les gens plus humains et plus ouverts, plus dynamiques et plus vivants. La culture n’est ni un sujet de conversation pour diners mondains, ni un mode de reconnaissance entre personnes qui savent. C’est l’inverse, ce qui permet, sur un mode non conflictuel mais humain et sensible, de bâtir des passerelles et de nouer des liens. C. : Les hôtes de votre « maison » sont-ils plutôt étrangers ou chinois ? Que faites-vous pour favoriser l’échange entre cultures ? C.C. : Le premier effort porte sur la langue. A mes yeux, il était indispensable que l’équipe de Yishu 8, moi en premier lieu, parle les deux langues. C’est un vrai investissement, difficile à tenir, mais la rencontre passe par cet effort d’aller vers l’autre. Je suis en Chine. Je considère donc que c’est à moi de faire le premier pas. L’étranger doit — autant qu’il le peut — manifester à ses hôtes son envie de les découvrir et d’aller vers eux. Beaucoup de Chinois viennent à Yishu 8. D’abord parce que mon associé est chinois. On y organise des réunions entre gens du

design ou de la mode. Beaucoup de jeunes s’y retrouvent et s’y sentent — me disentils — à la fois en Chine et hors de Chine. L’équipe, en parlant chinois, ouvre la première porte. Mes hôtes perçoivent dans cette maison quelque chose qui les fait voyager sans les heurter ni les violenter. Ma maison se veut un lieu d’accueil et non de confrontation, un lieu où l’on se retrouve non sur nos différences mais sur nos aspirations. Les gens viennent ici chercher la paix, la tranquillité, un art de vivre. Ils s’y posent, s’y reposent… loin de la suractivité urbaine. C. : Concrètement, comment les entreprises peuventelles profiter de votre maison ? C.C. : C’est un lieu qui offre les avantages logistiques d’un grand hôtel dans un environnement artistique et culturel. Nous pouvons accueillir des séminaires, des séances de coaching individuel… C’est un peu comme si on partait à la campagne tout en restant en plein cœur de Pékin. Yishu8 offre une coupure assez radicale pour se ressourcer, respirer, innover. C. : Et sur le plan artistique, quelle est votre exigence? C.C. : Nous ne sommes pas une galerie commerciale, même si nous exposons des

œuvres que nous proposons à la vente. Mes choix sont dictés par des rencontres. Je veux présenter des artistes asiatiques en marge des tendances ultra-contemporaines (performances, installation et Pop art). Je cherche des artistes lettrés, avec une profondeur de pensée et de réflexion, qui renouvellent leur héritage. Des artistes liés sérieusement à leur culture et qui nous invitent à contempler, à nous interroger. Toutes ces œuvres ont en commun de ne pas être trop commerciales, ni faciles à aimer. J’ai aussi l’intention de faire venir à Pékin des artistes européens pour permettre aux Chinois d’entrer davantage dans notre culture. Une récente exposition consacrée à Michel Madore — un artiste québécois qui traite de la question du visage, du silence et de la présence — illustre bien mon dessein : faire en sorte que Chinois et Occidentaux se laissent questionner par les visages, mettent en question le rapport entre visible et invisible et transitent vers un monde invisible, vers un horizon spirituel. …

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ro p o s r e c u e i l l i s

pa r

A n n e G a rr i g u e

Auteur de « l’intelligence sensible » et « voir est un art » Ed. Village mondial 2 www.yishu-8.com/ 3 www.synthesis.fr 1

Connexions / juillet 2010 153


读书

Lire

Les trois sagesses chinoises, taoïsme, confucianisme, bouddhisme, par Cyrille J.-D. Javary, Albin Michel, 250 p. , 17 euros Cyrille Javary est un bon connaisseur de la Chine et singulièrement du Yi Jing. Dans ce nouveau livre, il a décidé de nous familiariser avec ce qu’il appelle « les trois sagesses chinoises : bouddhisme, taoïsme et confucianisme ». La clé — et le sel — de son livre, c’est un tableau très clair qui figure en fin de livre et qui établit une comparaison entre les caractéristiques des trois « sagesses », ce qu’elles apportent de plus fondamental aux Chinois et au monde. Ce tableau a le mérite, en distinguant ce sur quoi chaque « sagesse » met l’accent, de nous permettre de mieux saisir la cohérence interne de ces trois « sagesses » et leurs différences. En outre, ce livre raconte avec verve beaucoup d’histoires et introduit moult personnages. C’est donc un bon outil pédagogique. Mais il nous pousse aussi à nous interroger sur ce terme de « sagesse », aujourd’hui très galvaudé. Le confucianisme est plutôt une morale sociale et politique. Le bouddhisme est plutôt une religion ou une philosophie. Quant au taoïsme, il rentre particulièrement difficilement dans nos catégories occidentales. Utiliser le même mot de « sagesse » permet certes de contourner les difficultés de catégorisation mais peut aussi se révéler trompeur car il gomme des différences essentielles sur lesquelles il faut pouvoir continuer à s’interroger. A.G. Mongolia, Nomad Empire of eternal Blue Sky, Par Carl Robinson, 536 pages, 250 photos en couleurs, 14 cartes. Edité par Odyssey Books & Guides, Hong Kong 2010 Longtemps résident en Asie, d ’abord comme étudiant de chinois à Hong Kong, puis comme journaliste pour la presse américaine à Saïgon au Sud-Vietnam jusqu’à la fin de la guerre, Carl Robinson a depuis arpenté l’Asie sous toutes ses coutures et toutes ses latitudes, passant du Vietnam à l’Australie, puis à la Mongolie. Déjà auteur d’un beau guide de l’Australie où il vit depuis vingt ans, il a été sollicité par l’éditeur pour se lancer dans la redécouverte et l’exploration complète de la Mongolie extérieure dont il était déjà familier. Un long périple de vingt mille kilomètres effectué en mai

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Connexions / juillet 2010

Par Laurent Ballouhey

et juin 2008, les deux mois les plus favorables au voyage, au cours duquel il a utilisé tous les moyens de transport possibles comme le chameau, le poney, la jeep ou le train, lui a permis de parcourir de long en large cet immense pays grand comme trois fois la France mais peuplé de seulement trois millions d’habitants. Cet ouvrage exhaustif de 500 pages de textes très bien documentés et approfondis sur l’histoire, la géographie ou l’ethnographie des régions traversées est agrémenté de nombreuses photos aussi saisissantes qu’instructives pour le voyageur. C’est bien ce qui fait de cet ouvrage de grande qualité beaucoup plus qu’un guide, pour devenir un très riche compagnon de voyage autant littéraire qu’historique, retraçant les origines des royaumes nomades du IIIe siècle avant notre ère jusqu’à l’empire Kitan au XIIe siècle, précédant l’avènement de l’empire de Gengis Khan, « l’âge d’or » selon les Mongols, pendant lequel celui-ci a dominé la moitié du monde. Tous les ingrédients sont fournis pour que le voyageur puisse apprécier la force poétique et le sens de l’aventure que dégage la traversée des steppes mongoles. Les idées maîtresses de la culture chinoise, Par Liang Shuming, Introduction, traduction et notes par Michel Masson s.j. Editions du Cerf, 432 pages , 45 € « Sans la rencontre avec l’Occident, dans trois cents ans ou dans mille ans, la Chine serait encore sans électricité ni chemins de fer ». On se rend mieux compte aujourd’hui de l’aspect provocateur et à contre courant de cette forte et stimulante formule de Liang Shuming (1893-1988). Considéré par certains comme « le dernier confucéen » (la biographie de Guy Alitto), bien qu’il devint plus tard un sévère critique de cette idéologie pour embrasser la pensée bouddhiste, il s’engagea aussi dans les années 20 à 50 dans un projet de « reconstruction rurale » et dans la formation d’une troisième force entre le Parti communiste et le Parti nationaliste, qui échoua. Il continua à jouer les trouble-fête en 1949 faisant le constat pessimiste selon lequel la Chine restait une société sans classes sociales, sans véritable Etat, sans développement politique, et envisageant une période longue et dramatique avant de réaliser la modernisation du pays. Pour lui, l’éthique confucéenne faite d’obligations réciproques au sein de la famille, du clan, de la société avait


作品赏析Vu de l’esprit Par Anne Garrigue

eu pour effet de bloquer tout progrès de haut en bas de la société chinoise. Cet essai sur les idées maîtresses de la culture chinoise, jamais traduit depuis 1949, loin d’être un retour nostalgique sur le passé, est une étude critique des institutions et des valeurs confucéennes qui rejoint celle de Max Weber. « La Chine ne semble avoir fait aucun progrès au cours des deux derniers millénaires », écrit par exemple Liang Shuming, en attribuant ce phénomène à deux facteurs : l’absence d’organisations autres que familiales, et l’absence de classes sociales, au sens moderne du terme. A l’heure où la Chine tente de remettre au goût du jour certaines valeurs confucéennes, il est adéquat de redécouvrir l’importance des questions posées par ce grand penseur sur la culture chinoise. Elu à un poste honorifique après 1949, il eut le courage de tenir tête à Mao et de contester sa politique à deux reprises et le paya d’un long silence forcé jusqu’à sa mort. Ce livre constitue un remarquable document sur la vie intellectuelle en Chine juste avant 1949 et aussi une occasion unique de relire son passé et de réfléchir aux questions posées par Liang Shuming sur la modernité, sans avoir été écouté alors, mais qui sont devenues depuis les questions de la Chine du XXIe siècle. Histoire de la Chine, John Fairbank. Edition revue par Merle Goldman, Traduit de l’anglais par Simon Duran, Editions Taillandier, 750 pages, 32 € Une Histoire de la Chine complète, sur 4 000 ans jusqu’à aujourd’hui, racontée de façon vivante autant que savante et servie par une plume élégante, tel est le beau cadeau que le fondateur de la sinologie américaine moderne J.K. Faibank, offre au grand public dans ce maître ouvrage et qui méritait bien cette réédition en français. Dès son premier séjour en Chine en 1932, Fairbank s’était interrogé sur cet étonnant paradoxe qui ressortait de l’histoire du pays : malgré la variété et la complexité du paysage chinois, grâce à un mode de vie et à un système de gouvernement bien plus profondément enracinés dans le passé que les nôtres, le monde chinois avait su conserver son unité politique là où l’Europe n’y était pas parvenue. Soixante ans après, peu avant sa mort et alors qu’il achevait cette Histoire de la Chine qui était l’œuvre de sa vie, les faits lui donnaient encore raison, malgré

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Etre efficace en Chine, le management à l’épreuve de la culture chinoise, Chloe Ascension et Dominique Rey, Pearson Village mondial, 266 p. 25 euro Pour tout manager en Chine, qu’il soit occidental ou chinois, ce livre est tout simplement incontournable. Deux experts français proposent, après avoir longuement enquêté, conseillé, coaché, une réflexion systématique sur l’art de diriger des équipes chinoises. Le livre se divise en trois parties. La première parle de la culture chinoise en général en insistant sur ses particularités: la logique de la face, un style de communication implicite et indirect, la notion de guanxi, le rapport spécifique à la loi et au contrat, la méthode pragmatique. La seconde dresse le portrait de différentes formes de leadership dans les entreprises chinoises : le modèle, en voie de disparition, de la danwei publique, le paternalisme omniprésent dans le secteur privé ou le modèle « ultra-processé » de très grandes entreprises, telles que Huawei ou Haier. Sans oublier de revenir sur les aspirations des hauts potentiels chinois nés depuis les années 80. La troisième partie propose une nouvelle forme de management que les auteurs ont baptisé le « ren management » en référence aux deux homophones : renl’homme et ren-souvent traduit par « la bienveillance », un concept familier aux lecteurs de Confucius. Ce modèle insiste sur la relation managériale personnalisée, basée sur la confiance, l’équité et la réciprocité individualisée, dans laquelle le chef assure au subordonné un soutien personnel et opérationnel. On ne peut que recommander la lecture d’un tel ouvrage. Sa clarté, sa logique et sa cohérence en font un outil très pédagogique. Sa vision et ses propositions ont le mérite d’obliger un lecteur occidental à se décentrer quand il passe à l’action. Pour un manager de culture chinoise, c’est aussi un outil précieux pour observer comment des Occidentaux réfléchissent à l’adaptation du management — surtout sa dernière version le « modèle du leadership » — au contexte chinois. Seul bémol : une telle logique de réflexion qui isole les particularités chinoises en soulignant ses sources historiques lointaines, risque, à force de trop vouloir définir ce que sont les Chinois, de pousser à une logique « eux » versus « nous », qui ne tient pas assez compte des différences interindividuelles et des évolutions historiques et personnelles, bref de tout ce qui fait que la réalité sur le terrain est pétrie de métissages culturels.

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toutes les convulsions intervenues entre temps : la ••• continuité de la Chine et de son mode de gouvernement s’affirmaient bien au-delà des idéologies empruntées et des métamorphoses successives. La raison majeure et évidente selon lui est qu’ « aucun modèle étranger ne pourrait convenir au contexte chinois et de nombreux modèles seraient utilisés sans qu’aucun ne s’avère jamais adéquat ». En fin de compte, il tente à son tour de répondre à la grande énigme qui interroge toujours les intellectuels chinois comme les sinologues occidentaux : pourquoi la Chine, qui surpassait de loin et dans tous les domaines l’Europe à la fin du Moyen-âge et jusqu’aux années 1800, a-t-elle décroché et commencé à décliner ? Sans doute parce qu’elle avait trop d’atouts et d’avantages, dont l’un des moindres n’était pas justement sa cohérence politique… La révolution fourvoyée. Parcours dans la Chine du XXe siècle, Par Lucien Bianco, Editions de l’Aube, 230 pages, 22 € Lucien Bianco, le « Fairbank » de la sinologie française moderne, comme certains le surnomment, qui a succédé à Jacques Guillermaz à la direction du Centre d’études sur la Chine contemporaine, est l’auteur de deux ouvrages fondamentaux Les origines de la révolution chinoise 19151949 et Jacqueries et révolution dans la Chine du XXe siècle, publiés l’un à l’aube et l’autre à la fin de sa carrière universitaire. Mais il a aussi participé à un nombre important d’ouvrages collectifs et surtout publié de multiples articles de fond et de circonstances dans une variété de revues qui vont d’Esprit aux Annales, en passant par Etudes rurales, la revue Vingtième siècle ou le quotidien Le Monde. C’est une sélection de dix principales études qui est reprise ici en volume et qui constitue un pénétrant survol du parcours de la Chine à travers ce court et long vingtième siècle, qui la mène du succès du Mao révolutionnaire et fondateur de la République (1949) à l’échec personnel du Mao « grand timonier » et donc de son « maoïsme » durant les deux dernières décennies de sa vie (1956 à 1976), ce qui ne signifie cependant pas l’échec complet du régime chinois, comme le fait remarquer l’auteur. Les études et articles présentés dans ce recueil reprennent tous les thèmes de prédilection du sinologue qui sont : la place et le rôle des révoltes paysannes, la démographie (spécialité d’origine de l’historien) et notamment la politique de l’enfant unique, le maoïsme et ses déboires, et la révolution chinoise tout au long de ce siècle (1919 à

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la Chine des réformes d’aujourd’hui. Ils lui fournissent l’occasion de revenir au long de ces pages sur la question qui taraude le chercheur depuis le début : la révolution fut-elle vraiment une révolution paysanne, et les paysans en furent-ils les principaux acteurs et les bénéficiaires, comme l’affirme l’histoire officielle ? La réponse de Lucien Bianco est négative : la grande misère des masses paysannes et les nombreuses rébellions et jacqueries n’auraient pas suffi à renverser l’ancien régime si ces mouvements n’avaient pas été organisés et dirigés par les élites révolutionnaires regroupées au sein du Parti communiste, d’origine non pas majoritairement paysanne mais surtout intellectuelle et urbaine. Ecrites parfois avec la passion et l’engagement du polémiste — il fut l’un des premiers à démystifier le maoïsme et la révolution culturelle dans Regards froids sur la Chine et ici dans l’article La page blanche — mais toujours animées par le seul souci de la recherche de la vérité, ces études brillantes et pertinentes sont autant de repères, de points d’appui et d’éclairages puissants pour comprendre les origines et les ressorts de cette ébauche de « puissance émergente ». Matteo Ricci, le sage venu de l’Occident. Par Vincent Cronin, Traduit de l’anglais par Jane Fillion, Albin Michel, Spiritualités L’année 2010 ne pouvait ignorer le missionnaire jésuite italien, Matteo Ricci mort à Pékin le 11 mai 1610 après 28 ans passés en Chine où il avait pris pied à partir de Macao à l’âge de 30 ans, sans rien savoir encore de la langue ni de la culture chinoises, mais avec pourtant un projet insensé : évangéliser, seul ou presque, l’empire du Milieu. Prônant une entente des cultures plutôt que leur affrontement, il reste celui qui fut le premier à entamer le dialogue entre le monde chinois et le monde occidental et à découvrir la civilisation chinoise pour tenter de la faire connaitre en Europe. Son parcours relève presque de l’initiation : il met vingt ans pour monter de Canton à Pékin, apprenant un à un les caractères chinois, abandonnant sa première bure bouddhiste pour un costume de lettrés confucéens, découvrant qu’aucun mot chinois ne correspond vraiment au terme de « Dieu », provoquant l’étonnement des fonctionnaires du Palais impérial en leur révélant la perspective en peinture ou en leur montrant un prisme


图书精选Coup de coeur Par Anne Garrigue

en verre apporté de Venise. Mais l’essentiel de l’apport de Matteo Ricci est ailleurs : il incarne un comportement très peu répandu à l’époque, celui de l’écoute et du respect à l’égard d’une civilisation différente. Matteo Ricci est ainsi le premier passeur entre les deux cultures et les deux mondes, chinois et occidental, et reste étonnamment contemporain, quatre cents ans après son passage sur la terre de Chine où il est enterré. Vive le socialisme ! La véritable histoire d’une jeune Chinoise qui rêvait de liberté. par Zhang Lijia, traduit de l’anglais par Jean-François Chaix. Ed. Bourin, 406 pages, 23 € Le socialisme d’alors, celui de Zhang Lijia et des années 70-80, ne prêtait pas à sourire. Même le travail en usine se transmettait de parents aux enfants, comme pour les emplois de fonctionnaires dans les provinces. C’est ce qui arrive à la collégienne de 16 ans Zhang Lijia. Elle veut étudier et rêve d’apprendre l’anglais, synonyme d’ouverture sur le monde et de liberté individuelle. Mais sa mère, ouvrière dans une usine de Nankin qui produit des missiles pour l’Armée populaire de libération, trouve qu’il n’y a pas d’avenir plus glorieux pour sa fille que de lui succéder à son poste d’ouvrière d’élite. Contrainte de se soumettre mais toujours un peu rebelle, la jeune fille va connaitre les joies de la vie en usine, l’ennui en fait car elle est chargée de contrôler la pression des gaz, ce qui ne lui demande ni effort intellectuel ni peine physique. Elle découvrira les rivalités entre petits chefs, les jalousies entre collègues, mais commencera à respirer un nouvel air de libération de la parole et de la vie individuelle dans cette Chine en transition vers autre chose d’indéfinissable. Cette marche est quelque peu interrompue en 1989, où elle participe aux manifestations contre la corruption et l’inflation et prendra même la tête d’une grande protestation des ouvrières de son usine de missiles. Se voyant ensuite au fond d’un trou comme une grenouille au fond d’un puits, elle décide de s’échapper de l’usine en apprenant l’anglais toute seule. Sa vie en sera changée et le roman nous amènera dans un autre monde. Elle rencontrera un anglais avec lequel elle se mariera et aura deux filles, elle deviendra journaliste et voyagera dans le monde entier. Elle réside aujourd’hui à Pékin pour exercer son métier de journaliste et d’écrivain pour expliquer et donner à comprendre son pays

Fleuves et rivières couleront toujours, les nouvelles urbanités chinoises, Liane Mozère, Ed. de l’Aube , 180p. , 20 euros En se promenant dans les villes chinoises, tout visiteur devient le témoin de mille et un gestes quotidiens qui en disent long sur les « urbanités » chinoises, les habitudes de vie et les rituels de sociabilité des citadins. Bien peu de touristes, pourtant, peuvent faire la part des choses entre les habitudes et rituels issus de la longue histoire, ceux qui viennent de la période maoïste récente et ceux qui se sont installés avec l’entrée résolue et fracassante de la Chine dans la grande modernisation. Le passionnant petit ouvrage de Liane Mozère, sociologue de terrain, bonne connaisseuse de la Chine, permet de rentrer plus finement dans la généalogie des gestuelles, des salutations, des indifférences apparentes, des conduites paradoxales. Pourquoi les ménagères chinoises continuent-elles à faire leurs courses tous les jours alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à être équipée d’un réfrigérateur ? Pourquoi les personnes âgées adorent-elles fréquenter les parcs ? Pourquoi de nombreux Chinois conduisent de façon indisciplinée ? La première partie du livre de Liane Mozère retrace comment, durant la période maoïste, toute une population urbaine s’est retrouvée encadrée, avec de très faible marges de liberté au quotidien, pour se déplacer, profiter de son corps, de ses amis, entrer en relations. Mais elle démontre aussi, détails après détails, que des espaces d’illégalisme, de liberté parfois infime ont subsisté, que d’autres se sont ouverts à partir de la fin des années 70 pour permettre à chacun de gagner le droit à une vie un peu plus agréable. Dans une deuxième partie, elle montre que ce passage de plusieurs décennies par un système sous haute surveillance a laissé des traces profondes. Témoin, cette indifférence apparente des passants qui peut, d’un instant à l’autre, basculer dans un vrai intérêt parfois intrusif. En décryptant des scènes, vécues, racontées, lues ou visionnées, Liane Mozère nous aide à mieux comprendre la psyché de la rue chinoise. Un service précieux.

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Une sociologie de la Chine, JeanLouis Rocca, Ed. La Découverte, 9,50 euros, 128 pages Jean-Louis Rocca, dont nous aux Occidentaux. En anglais de préférence. Son ••• rêve de jeune fille idéaliste s’est enfin réalisé. Un authentique « succes story » à la chinoise. Wuhan Boiler Company Workers. Pierre Bessard est un photographe atypique. Il est l’un des rares chasseurs d’images qui a eu le courage de se rendre en Corée du Nord à dixsept reprises à la recherche de souvenirs d’un Royaume Ermite méconnu et coupé du reste du monde. Il en possède aujourd’hui une vaste collection, des images uniques et étonnantes. Il dévoile une autre facette de sa passion pour l’insolite avec « Wuhan Boiler Company Workers, » un livre de photos que le quotidien Le Monde a qualifié de « l’un des plus singuliers de 2010 ». En effet, partant d’une commande de l’entreprise Alstom, Pierre Bessard a réussi à photographier ce segment de la société chinoise voué à l’oubli dans l’urgence des réformes économiques en cours : le monde ouvrier. Après avoir racheté la Wuhan Boiler Company, productrice de chaudières pour centrales au charbon et après avoir décidé son transfert hors de la ville de Wuhan, Alstom a voulu garder un souvenir des lieux et du personnel. Pierre Bessard a été chargé d’être en quelque sorte le gardien de la mémoire de cette usine. « Wuhan Boiler Company » n’est pas seulement une réussite du point de vue formel et artistique. Les photos que ce livre contient sont un témoignage à la fois poignant et optimiste d’un monde condamné mais qui reste toujours vivant. Au-delà de la préservation de la mémoire des hommes et des machines, c’est l’énergie et la beauté que dégagent les quatre cents portraits de travailleurs sur fond gris mais sous une lumière éclatante qui émeuvent et font réflechir sur la Chine d’aujourd’hui. Any Bourrier

publions dans ce numéro une interview 1, est sociologue, professeur à l’université de Tsinghua (Pékin). Parfaitement sinophone, travaillant au cœur d’une des cathédrales du savoir chinois, au milieu d’un corps professoral de sociologues dont certains conseillent le gouvernement, il est un témoin de première main des évolutions de la société. Ayant travaillé aussi bien sur les migrants que sur les ouvriers ou les étudiants, fervent lecteur de Foucault et de Elias, fréquentant la Chine depuis longtemps, il est à même d’en analyser de l’intérieur les évolutions. Et il le fait avec maestria, concision et perspicacité. Sans jamais tomber dans l’écueil de l’exotisme ou du culturalisme. Au contraire ! Son parti pris est de voir non pas en quoi la Chine est différente mais comment finalement elle nous ressemble. Comment son entrée dans la modernisation — et singulièrement la création de nouvelles classes sociales, la montée des classes moyennes, l’évolution des styles de vie — ont beaucoup à voir avec l’Europe du XIXe et du XXe. On pourrait lui reprocher de faire — un peu — l’impasse sur ce que le Parti a de spécifique, de ne pas parler des minorités, d’être excessivement optimiste sur le recul de l’arbitraire et l’existence d’un pluralisme mesuré, mais sa capacité à décrire avec nuances, dans toute sa dynamique et ses contradictions, la montée des classes moyennes et l’essor des individualismes dans une Chine thermidorienne, sans projeter de fantasmes, suffit à recommander vivement la lecture de ces 128 pages qui se dévorent comme un polar. Cette lecture permet aussi de faire des liens inédits avec d’autres cultures modernes — y compris la japonaise — en évitant de s’enfermer dans un face-à-face paranoïaque entre la Chine et l’Occident. On y découvrira entre autres, que les classes moyennes montantes de Chine ont peur du désordre et de la violence dans une société en plein mouvement et très compétitive. On y verra comment elles se protègent avec leur épargne et leurs diplômes dans leurs résidences surveillées. On y comprendra pourquoi les prochains enjeux sont ceux d’un rééquilibrage par la fiscalité, une meilleure politique du logement et de la protection sociale et l’abolition du système de résidence (hukou). 1 p. 118

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