ÉCONOMIE MARITIME FOCUS
Le port de Roscoff a été inauguré le 28 juin dernier par Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense et ancien président du conseil régional de Bretagne. Roscoff est le berceau de l’aventure de la compagnie maritime Brittany Ferries (anciennement Bretagne-Angleterre-Irlande) lancée par Alexis Gourvennec et d’autres agriculteurs bretons soucieux d’exporter leurs légumes outre-manche. Aujourd’hui doté de trois ports complémentaires, commerce, pêche et plaisance, Roscoff affiche des résultats prometteurs : en 2013, le trafic de marchandises dépassait les 485000 tonnes et près de 540000 personnes avaient transité par sa gare maritime qui dessert l’Angleterre, l’Irlande et l’Espagne. La Criée, gérée depuis 1991, par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Morlaix, se développe de façon exponentielle avec une augmentation du volume de produits traités de 400%. Ouvert depuis 2012, le port de plaisance, doté de 625 places, atteint pour sa part un taux d’occupation de près de 80%.
PHOTO : CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MORLAIX
Le nouveau port de Roscoff
ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME Entretien avec VIANNEY DE CHALUS Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre
PHOTO : CCI LE HAVRE
« LA CROISSANCE BLEUE EST LE LEVIER DONT NOTRE ÉCONOMIE A BESOIN ! » Propos recueillis par Christophe Dubois à 70 % par la mer. 80 % des habitants vivent à moins de 100 kilomètres des côtes, 90 % des marchandises produites et consommées sont transportées par bateau, ce qui représente plus de 60 milliards de tonnes-kilomètres parcourues chaque année. Cette prédominance du transport maritime s’explique non seulement par son coût (le transport par la mer revient cinq à trente fois moins cher que celui par la terre) mais aussi parce qu’il est beaucoup plus respectueux de l’environnement. Ces chiffres, l’histoire et la géopolitique le montrent bien : la dimension maritime est et a toujours été le gage de l’expansion économique. L’activité portuaire est par conséquent celle qui, couplée à une filière logistique performante, doit permettre à nos territoires de capter une partie de ces flux maritimes et de profiter de la croissance mondiale. Et les CCI ont évidemment un rôle important à jouer en termes d’aménagement du territoire, d’optimisation des flux, de compétitivité des entreprises.
■ Les CCI consacrent leur prochaine « Université d’été » à la crois-
sance bleue. Pourquoi ce thème et pourquoi cette année ?
Les chambres de commerce et d’industrie françaises tiennent cette année leur université d’été sur le thème « Mer, terre d’innovation ». Une manière de rappeler leur lien historique avec la mer depuis la création, en 1599, de la première chambre destinée à organiser le commerce maritime depuis le port de Marseille, mais également de souligner leur très forte implication, aujourd’hui, dans l’économie de la mer à travers la gestion de nombreux ports, une intense activité de formation, l’accompagnement des entreprises du secteur, le soutien à l’innovation et donc à l’avenir.
La France et plus largement l’Europe traversent depuis plusieurs années une crise économique sévère. De nombreux indicateurs – chômage, PIB, dette publique… – sont au rouge, la croissance semble bloquée. On constate parallèlement une prise de conscience généralisée – des consommateurs, des acteurs économiques, des pouvoirs publics… – selon laquelle il est devenu nécessaire et souhaitable de s’orienter vers des systèmes de production plus durables et plus respectueux de l’environnement. Dans ce contexte, de nouveaux équilibres doivent être trouvés, de nouvelles voies de développement inventées. C’est toute l’ambition que porte l’université d’été des CCI de ce mois de septembre sur le thème de la « croissance bleue ». La « croissance bleue », c’est en effet une stratégie économique reposant sur l’idée que les mers et les océans offrent un potentiel énorme en matière d’innovation et de croissance durable. La « croissance bleue » représente aujourd’hui le levier dont notre économie a besoin!
■ Comment les CCI se voient-elles confier la gestion des ports et
comment cela fonctionne-t-il sur les plans juridique et financier ?
Les grands ports sont devenus étatiques avant la guerre. Les grands ports maritimes sont des établissements publics à directoire et conseil de surveillance, les ports autonomes sont quant à eux gérés par un conseil d’administration et un directeur général. Les chambres de commerce participent à ces instances dans lesquelles elles représentent les milieux économiques. Tous les autres ports relèvent depuis le 1er janvier 2007, en application des lois de décentralisation de 1983 et 2004, des collectivités locales ou territoriales : principalement des régions mais aussi des départements ou de syndicats mixtes pour les ports de commerce,des départements pour les ports de pêche, et des communes pour les ports de plaisance. Leur gestion est >>
■ Les CCI ont un ancrage historique dans le secteur portuaire.
Que représente aujourd’hui pour elles cette activité ?
Effectivement, c’est Henri IV qui a institué à Marseille, en 1599, les premiers députés du commerce, avec pour mission d’assurer la sécurité du transport maritime. Leur nombre est ensuite passé de quatre à douze, et l’institution est devenue indépendante du conseil de la ville en 1650 : la première chambre de commerce était née ! Les missions et le nombre de chambres se sont par la suite multipliés. Si l’acte de naissance des chambres est intimement lié au négoce maritime, le lien de l’institution à la mer est aujourd’hui encore très fort. La Terre est recouverte
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ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME actions en faveur du développement des entreprises, en matière de formation, d’aménagement et de dynamisation du territoire. Concernant plus spécifiquement les ponts, les recettes des péages servent à payer les frais d’exploitation et d’entretien des ponts, le remboursement des emprunts, la constitution des provisions pour gros travaux, et à constituer le fonds de réserve exigé par l’État dans le cadre de la concession.
Les recettes des chambres de commerce proviennent pour un tiers de ressources fiscales et pour deux tiers d’activités propres, notamment la gestion d’infrastructures : ports, aéroports, ponts… à l’image, pour la CCI du Havre, des ponts de Tancarville et de Normandie (photo) qu’elle exploite.
PHOTOS :PHILIP PLISSON
■ Quelle est, selon vous, la véritable nature du différend qui vous oppose actuellement au gouvernement ?
Dans le contexte économique actuel, il est légitime et nécessaire que chacun contribue à l’effort collectif à réaliser pour permettre à la France de retrouver le chemin de la croissance. Mais le gouvernement exige des
PHOTOS :PHILIP PLISSON
En France, la gestion des ports relevant des collectivités locales ou territoriales est en général confiée aux chambres de commerce et d’industrie. En Vendée, la CCI gère les quatre principaux ports de pêche du département : les Sables-d’Olonne (photo ci-dessus), Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Noirmoutiers-l’Herbaudière et l’île d’Yeu. Ci-contre, le port de Nice.
chambres de commerce un effort financier dix fois supérieur à celui demandé aux autres opérateurs de l’État ! Le réseau, en toute responsabilité, conscient des enjeux, accepterait de consentir un effort deux fois supérieur à celui demandé aux autres établissements de l’État, en poursuivant et en intensifiant la démarche engagée depuis plusieurs années de progrès, de mutualisation et de réduction des coûts. Mais la ponction telle qu’envisagée par le gouvernement risquerait de casser cet outil au service de l’économie et des entreprises, à un moment où ces dernières ont plus que jamais besoin de nous. Les conséquences seraient désastreuses pour les entreprises et les territoires : fermetures de CFA et réduction du nombre d’apprentis de 100 000 à 70 000 en trois ans, menace sur la pérennité d’aéroports, de ports de pêche, de ports de commerce, de parcs d’exposition, de zones d’activité, arrêt des formations en direction des demandeurs d’emploi, des jeunes en contrat de professionnalisation, des salariés en reconversion professionnelle dans les bassins d’emploi en difficulté… Rappelons que les chambres de commerce, pour 100 euros de ressources fiscales, génèrent 300 euros de chiffres d’affaires. Ce sont des outils pilotés par des chefs d’entreprises qui ont développé un modèle économique qui a fait ses preuves au service des territoires. Mais c’est un outil malheureusement mal compris par la haute fonction publique, un outil guidé par un esprit entrepreneur inhabituel dans le paysage institutionnel ; rares en effet sont les établissements publics de l’État pilotés par des chefs d’entreprise issus du privé.
■ La gestion de certains ports gagnerait-elle à être privatisée?
Il semble surtout important que les statuts et le mode de gouvernance permettent une bonne répartition des pouvoirs et un management de proximité pour plus d’efficacité. ■ Quelles sont aujourd’hui les ressources des CCI et à quoi sontelles globalement affectées?
De manière schématique, les recettes des chambres de commerce proviennent pour un tiers de ressources fiscales – environ 500 euros par entreprise et par an, il s’agit bien-sûr d’une moyenne, une grosse entreprise contribuera davantage, alors qu’un petit commerçant paiera 20 euros, et pour deux tiers d’activités propres, notamment la gestion d’infrastructures : ports, aéroports, ponts… Concernant, par exemple, les deux ponts exploités par la CCI du Havre, l’année dernière, 6,45 millions de véhicules ont emprunté le Pont de Tancarville (18 000 véhicules en moyenne par jour), et 6,96 millions le pont de Normandie (19 000 véhicules/jour en moyenne). Les recettes des ponts ont ainsi représenté en 2013 57,5 millions d’euros. Les ressources des chambres servent globalement à financer des
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compagnement aux mutations liées aux facteurs de modernité et notamment le numérique, le développement durable, la mondialisation… Un dernier rôle à ne pas négliger, c’est la capacité des chambres de commerce à structurer les réseaux et à fédérer les énergies. Être bon individuellement c’est bien, mais souvent insuffisant. Les CCI sont aussi des structures capables de développer des synergies, de proposer et mettre en œuvre des outils communs, d’organiser le collectif des entreprises et de leur apprendre à chasser en meute. Les CCI sont et restent plus que jamais indispensables pour permettre aux entreprises de pénétrer dans le futur, et aux territoires, en concertation avec les autres acteurs du développement économique, de développer toutes leurs potentialités. >>
■ Comment justifiez-vous l’existence des CCI à l’aube de ce XXI
siècle ?
Les CCI, dirigées par des chefs d’entreprise élus par leurs pairs, connaissent parfaitement le monde de l’entreprise. Porteparole et interlocuteurs privilégiés des entreprises, dont elles partagent les préoccupations, les besoins et ambitions, elles sont aussi des partenaires et experts incontournables pour les acteurs institutionnels (État, collectivités locales). Les CCI sont un outil essentiel pour soutenir localement la croissance et l’emploi : création d’entreprise, soutien du commerce de proximité, valorisation de l’industrie, formation, aide à l’export, expérimentation et soutien à l’innovation… Elles sont en capacité sur tous ces sujets d’apporter les solutions les plus adaptées, d’identifier les difficultés, de détecter les potentiels. Leur proximité avec le terrain leur confère légitimité et capacité d’action pour proposer et mettre en œuvre des projets pertinents sur les territoires; c’est le cas par exemple de la démarche ParisSeine-Normandie. Si les CCI sont là pour accompagner les entreprises à mieux vivre au présent, leur rôle est aussi bien sûr d’aider les entreprises à se préparer à l’avenir. Les chambres jouent à ce titre un rôle essentiel de veille, d’alerte, d’anticipation, d’ac-
Le siège de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre. « La proximité des CCI avec le terrain leur confère légitimité et capacité d’action pour proposer et mettre en œuvre des projets pertinents sur les territoires. » VIANNEY DE CHALUS
PHOTO : CCI DU HAVRE
>> fréquemment concédée aux chambres de commerce et d’industrie, pour leur compétence reconnue en la matière. La concession est ainsi le moyen juridique par lequel l’administration délègue pour un temps donné sa compétence aux chambres. Il peut exister différents types de concessions : concession commerce, plaisance, pêche, réparation navale. C’est alors la chambre, délégataire, qui gère les infrastructures, finance les investissements, réalise les travaux d’entretien et la gestion courante par le biais de perception de droits pesant sur les usagers : droits de port, redevances de stationnement et d’amarrage, tarifs d’outillage public…
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Du point de vue des entreprises que nous représentons, la construction de l’estuaire de la Seine est bien avancée. L’estuaire est en effet devenu, en l’espace de quelques années, la nouvelle échelle économique pertinente, un territoire économique à part entière, cohérent et dynamique. La nécessité de mieux gérer les flux et de renforcer l’hinterland du port du Havre avait conduit, dès 1959, à la construction du pont de Tancarville, mais c’est surtout celle du pont de Normandie en 1995 qui a per-
Trafic sur la Seine. « L’ambition du projet Paris-Seine-Normandie ® est de construire le territoire économique du Grand Paris, métropole maritime mondiale. » VIANNEY DE CHALUS
velopper des synergies basées sur une logique d’intérêt partagé, et cela fonctionne plutôt bien ! Une véritable gouvernance économique a été mise en place, en juin 2011, avec la création de l’association des CCI de l’estuaire, entre les CCI du Havre, de Fécamp-Bolbec et du Pays d’Auge, préfiguration de la future CCI Seine-Estuaire qui verra le jour en 2016 dans le cadre de la réforme de la carte consulaire, qui a pour objectif de partager, mettre en œuvre et promouvoir la même stratégie de développement économique à l’échelle de l’estuaire. Parallèlement, les acteurs politiques du territoire viennent de relancer le projet de Pôle métropolitain de l’estuaire en se constituant en association en juin dernier. ■ Le projet Paris-Seine-Normandie est le prolongement naturel de cette démarche entreprise autour de l’estuaire…
L’estuaire de la Seine représente le socle de la démarche Paris-Seine-Normandie. Le projet de développement Paris-SeineNormandie consiste, en reliant Paris à la mer, non seulement à donner à Paris une ouverture sur le commerce mondial, mais aussi à rapprocher la Normandie du plus important bassin de production et de consommation en France et en Europe, et ce faisant à permettre à la vallée de la Seine de profiter de tous les flux et de toute cette dynamique générés par le développement de cet axe majeur. L’enjeu est énorme, l’ensemble du territoire Paris-Seine-Normandie représente en effet 35 % du PIB de la France, soit l’équivalent du PIB des Pays-Bas; c’est la raison pour laquelle les CCI des trois régions Île-de-France, Haute et Basse-Normandie – porte-parole des 700 000 entreprises de la vallée de la Seine – ont été désignées par décret partenaires de l’État, et elles ont créé en juin 2013 l’association Paris-Seine-Normandie ®. L’ambition de Paris-Seine-Nor-
technologiques… Parmi les principales orientations stratégiques à privilégier, on trouve évidemment l’accompagnement des entreprises sur le volet innovation et l’aide à l’export à travers, par exemple, leur accompagnement sur des salons à l’international. Il est également de notre devoir de renforcer l’attractivité et l’« employabilité » de nos territoires, d’une part en permettant aux entreprises de trouver localement les compétences et la main d’œuvre qualifiée, d’où la nécessité de repérer les besoins en amont, d’identifier les secteurs en tension, d’adapter les formations existantes ou de mettre en place de nouveaux cursus ; et, d’autre part, en proposant des environnements propices à l’implantation et à l’investissement. Cela passe, par exemple, par le développement de l’économie circulaire et la mise en place de synergies qui peuvent permettre aux entreprises de gagner en efficacité et en compétitivité. Nous nous efforçons également de faciliter l’accès à l’information, de favoriser les mises en réseaux et les relations entre entreprises. Par exemple, nous organisons dans ce cadre des rencontres d’affaires dédiées, des rencontres en B to B. Nous sommes également amenés à développer des outils spécifiques et adaptés : nous avons par exemple déployé à l’échelle du Grand Ouest, pour les marchés de l’éolien offshore, un outil appelé « CCI Business », plate-forme collaborative proposée aux donneurs d’ordres afin de rendre leurs marchés plus visibles auprès des sous-traitants, et de contribuer ainsi à la valorisation des grands projets industriels du territoire et à la capacité des sous-traitants à y répondre. Plus de 1 200 entreprises l’utilisent actuellement.
mandie ® est de construire le territoire économique du Grand Paris Métropole maritime mondiale, caractérisé par l’excellence des flux, irrigué par son Gateway industriel et logistique, renforcé par la compétitivité de ses entreprises et son attractivité internationale. Paris-Seine-Normandie ® porte ainsi un grand projet national de relance économique, d’aménagement du territoire, de ré-industrialisation et de développement équilibré. C’est un véritable enjeu de sortie de crise. ■ Quels sont les autres grands axes de travail des CCI dans le secteur maritime ?
L’un des grands défis porte évidemment sur les énergies marines renouvelables et notamment l’éolien offshore. D’après l’OEA, le potentiel éolien offshore à 2030 serait en Europe de 150 gigawatts. Même si ce potentiel n’est pas atteint, les opportunités sont énormes. Nous nous réjouissons d’accueillir prochainement la construction de plusieurs usines sur le port du Havre et de voir ainsi se structurer une nouvelle filière industrielle pleine d’avenir, dont les retombées économiques profiteront à tout le grand ouest. Il paraît fondamental de développer une politique nationale de reconquête des espaces et des flux maritimes. Les entreprises françaises doivent s’inscrire dans une perspective internationale et mondialisée liée à l’insertion dans les grands flux économiques que leur permettent les portes d’entrée maritimes du pays et leurs relais continentaux. À ce titre, la logistique et le report modal font également partie des chantiers prioritaires des chambres de commerce. Lié au développement de l’Axe Seine, le projet de terminal multimodal que nous conduisons au Havre s’inscrit pleinement dans cet objectif. Les enjeux sont multiples, notamment en termes de rentabilité des transports grâce à la massification et la fluidification des flux, et bien sûr d’environnement grâce au développement du transport combiné. Nous avons développé par ailleurs un nouveau domaine d’activité au croisement de deux secteurs porteurs, le maritime et le numérique, et appelé la marétique. Parmi les actions et projets impulsés dans ce cadre, le salon international Seagital et le cluster marétique. L’objectif est de proposer des projets marétique d’intérêt général, de les expérimenter dans les territoires au plus près des besoins, et de faire émerger de nouvelles solutions pour répondre aux besoins non couverts des acteurs du monde maritime. Plus généralement, il convient de mettre l’accent sur l’innovation et la R&D, car ce sont elles qui permettront d’assurer la croissance de demain.
■ Quelles sont vos relations avec les Pôles Mer ?
Au niveau de la CCI du Havre, nous avons l’habitude de collaborer avec les pôles de compétitivité comme, par exemple, sur la thématique logistique avec le pôle Novalog. La coopération avec les Pôles Mer est surtout intervenue sur la problématique de la marétique. La réunion d’acteurs concernés par l’économie numérique maritime a permis d’élaborer le Livre bleu de la marétique, proposant de définir la stratégie du numérique lié au maritime, sur la base des enjeux et des besoins exprimés par les acteurs du monde de la mer, du transport maritime et de la construction navale. ■
PHOTOS : DR
mis de redéfinir la vocation de l’estuaire en rapprochant véritablement les deux rives de la Seine. Les échanges vont en effet aujourd’hui bien au-delà des seuls flux de marchandises. Nous avons su faire abstraction des frontières administratives – l’estuaire de la Seine met en présence deux départements et deux régions administratives – et naturelles pour ne plus envisager la Seine comme une ligne de démarcation mais comme un formidable atout, ce qui a permis de commencer à écrire une histoire commune. Nous avons su profiter de nos différences pour jouer la carte du collectif et de la complémentarité, dé-
■ Vous êtes président de la CCI du Havre, où en est le projet d’aménagement de l’estuaire de la Seine et du Grand Paris ?
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■ Comment aidez-vous concrètement les TPE et les PME du secteur à créer de la richesse et des emplois, tant en France qu’à l’export ?
En janvier 2014, la CCI du Havre s’est associée pour 0,1 million d’euros à l’État (28 millions d’euros), au Grand Port maritime du Havre (12,3 millions d’euros), à la région Haute-Normandie (9 millions d’euros), à la Communauté de l’agglomération havraise (6 millions d’euros) et à la Ville du Havre (2 millions d’euros) dans une convention-cadre définissant leur participation financière, échelonnée sur quatre ans, aux travaux d’infrastructure préalables à l’accueil de l’éolien offshore. Le développement de cette nouvelle filière industrielle devrait générer la création de 2 000 emplois nouveaux sur le territoire haut-normand et plus particulièrement dans la région havraise.
Il faut aider nos entreprises, y compris de petite taille, à se projeter, les décomplexer si nécessaire. Le rôle des chambres de commerce est de permettre aux TPE et PME de s’adapter et de saisir les opportunités liées aux mutations industrielles : aide au recrutement, appui en compétences, certification/label qualité, regroupement d’entreprises, mise en relation de partenariats
(Source www.lehavre.fr)
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Les chambres de commerce sont des acteurs traditionnels de l’économie maritime en France. La première est née sur le port de Marseille en 1599. Elle a lancé une histoire qui unit depuis quatre siècles le travail, le goût du risque et le sens de l’épargne de plus de treize générations d’entrepreneurs avec l’action de l’État pour le développement économique. Récit.
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e 5 août 1599, le Conseil de la Ville de Marseille choisissait quatre consuls parmi les hommes d’affaires apparents, dignes, suffisants et solvables pour former un bureau de commerce. Ces consuls ou députés du commerce auraient pour mission de porter la voix des négociants et de leurs intérêts auprès des autorités publiques municipales et du gouvernement royal. Il s’agissait d’organiser la protection des honnêtes navires marchands contre les pirates barbaresques qui infestaient la Méditerranée. Le Roi Henri IV et son ministre Sully venaient de mettre un terme aux guerres de religion en promulguant l’année précédente l’Édit de Nantes. Le premier souci du gouvernement était donc de rétablir la prospérité du Royaume et tout particulièrement dans cette ville de Marseille qui s’était longtemps refusée au pouvoir royal. En dehors de l’agriculture, ressource primordiale à toute époque, le grand commerce maritime était en train de devenir une activité économique prometteuse capable de générer une richesse et un capital nouveau. À l’aube des grandes entreprises coloniales de l’époque moderne, les pouvoirs publics prenaient connaissance du monde des
affaires qui commençait à disputer aux gens de guerre leur influence au sommet de l’État. La Chambre de commerce de Marseille est reconnue par lettres patentes du Roi le 15 avril 1600 avec le monopole, pour ses marchands, du commerce avec la Barbarie et les échelles du Levant 1 qui feront la fortune du port au XVIIe siècle.
Vue du port de Marseille, un matin de 1754, par Claude-Joseph Vernet. La première chambre de commerce a été créée ici en 1599.
LA CRÉATION D’UN RÉSEAU L’année suivante, en 1601, Paris et Rouen – une autre grande ville portuaire – sont dotées chacune d’un bureau de commerce, mais Marseille demeurera pour un siècle la seule véritable chambre de commerce de France avec un pouvoir indépendant du conseil
l’âge industriel. En 1789, le Royaume comptait onze chambres de commerce dont six dans des villes portuaires qui concentraient la population et l’activité économique.
RÉVOLUTION ET RUINE MARITIME Après avoir aboli les jurandes et les corporations de métiers avec la Loi le Chapelier du 14 juin 1791, les révolutionnaires, par le décret de l’Assemblée législative du 27 septembre, suppriment les chambres de commerce dont les privilèges blessaient les principes de la Constitution. Au nom de l’égalité et d’une volonté centralisatrice en partie héritée de Colbert, les Jaco-
PHOTO : DR
Par JEAN-STÉPHANE BETTON
de la ville. En 1670, elle se voit même confier la mission prestigieuse de former les interprètes de la diplomatie royale en Orient. Louis XIII, malgré la politique de Richelieu en faveur des entreprises coloniales françaises, échoue à réunir une chambre de commerce générale. C’est Colbert et Louis XIV qui, en 1664, instituent le premier Conseil du commerce permanent du Royaume, une instance consultative uniquement attaché à connaître et à procurer tout ce qui pourrait être le plus avantageux au commerce et aux manufactures du royaume, composée de trente-six représentants commerçants de dixhuit villes et ports dont trois siègent à Versailles auprès du Roi. En 1700, Pontchartrain, secrétaire d’État à la Marine prolongeant la volonté de Colbert, modifie la forme de ce Conseil du Commerce et lui donne vie. Ainsi, de 1700 à 1761, à l’exemple de celle de Marseille, un réseau de chambres de commerce indépendantes s’étend progressivement à dix villes du Royaume en dehors de Paris : Dunkerque en 1700, Lyon en 1702, Toulouse et Rouen en 1703, Montpellier en 1704, Bordeaux en 1705,
bins s’emploient rageusement à détruire tous les corps particuliers dans l’État qui sous l’ancien régime échappaient à l’administration générale. Cette politique brutale et chaotique provoque en moins de dix ans la ruine de l’économie maritime française. Pragmatique et plus soucieux d’économie que d’idéologie, Bonaparte, Premier consul de la République française, ne renoue pas avec les libertés
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Quatre siècles au service de l’économie en France
Lille en 1714, la Rochelle en 1719, Bayonne en 1726 et enfin en 1761, Amiens où siègent, aux côtés des négociants, les premiers fabricants qui préfigurent déjà l’âge industriel. Le siècle de Louis XV est celui de l’essor du grand commerce colonial et maritime à l’origine des grandes fortunes capitalistes françaises. Passés les orages de la révolution et de l’Empire, ce capital financera les activités nouvelles de
d’Ancien Régime, mais il charge son ministre de l’Intérieur, Jean Antoine Chaptal, de rétablir vingtdeux chambres de commerce sous le contrôle administratif de ses préfets départementaux. Dotées de ressources fiscales, ces nouvelles chambres de commerce doivent relayer la volonté de l’État dans le domaine économique et restent confinées dans un rôle technique et local dont celui du curage des ports et la navigation des rivières.
À gauche : le siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Lille créée en 1714. Elle est alors la huitième du Royaume après celles de Marseille (1599), Dunkerque (1700), Lyon (1702), Toulouse et Rouen (1703), Montpellier (1704), Bordeaux (1705). En médaillon, la CCI de Lyon.
L’ESSOR DE L’ÂGE INDUSTRIEL Avec l’âge industriel le réseau des chambres de commerce en France couvre rapidement tout le
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territoire jusqu’à la première guerre mondiale. De trente-six chambres en 1836, on en compte soixante-dix-sept en 1870, à la fin du Second Empire et cent soixante en 1914. Leur fonctionnement évolue dans le sens du libéralisme économique. Elles passent de la tutelle du ministère de l’Intérieur à celle du ministère des Travaux publics et du Commerce et peuvent élire leur président. Leurs prérogatives s’étendent. En 1851, elles sont reconnues comme des établissements d’utilité publique. Il devient obligatoire de les consulter dans certains cas et elles obtiennent la gestion de nombreux équipements publics. À la fin du XIXe siècle, certains milieux républicains craignant qu’une Fédération nationale des chambres de commerce n’en vienne à se transformer tôt ou tard en assemblée politique, concurrente du parlement de la République, tente de s’opposer à la faculté des chambres de commerce à s’assembler pour tenir des réunions nationales. Malgré cette opposition, la troisième République, par la loi du ministre du commerce, Henri Boucher, du 9 avril 1898, élargit et précise encore l’autonomie et le champ des compétences des chambres de commerce. Elles peuvent désormais contracter des emprunts, assumer la responsabilité des écoles professionnelles et être concessionnaire des ports maritimes et des voies navigables intérieures. En 1899, le Conseil d’État autorise la première tenue ponctuelle d’une réunion nationale de l’Assemblée des présidents de chambres de commerce qui deviendra en 1960, l’Assemblée des présidents de chambres de commerce et d’industrie et, depuis 2012, la CCI France. À la veille de la Première Guerre mondiale, les chambres de commerce sont au cœur du négoce en France et détiennent le monopole de la représentation des entreprises et du >> monde patronal. 1. Le Liban.
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Les CCI s’impliquent dans de grands projets d’infrastructures et de transports comme l’autoroute de la mer entre Gijon et Nantes lancée, en septembre 2010, avec le Norman Bridge (photo) de LD Lines.
sentation la Confédération générale de la production française qui deviendra en 1936, lors du Front populaire et des accords de Matignon, la Confédération nationale du patronat français 2. Après la libération, toutes ces organisations patronales se retrouvent impliquées dans la gestion paritaire de la Sécurité sociale et des caisses de retraites complémentaires nouvellement créées à partir de 1945. La IVe République occupée par la reconstruction et la modernisation du pays continue à diriger l’économie avec le ministère du Plan et en 1960, les chambres de commerce deviennent chambres de commerce et d’industrie (CCI).
nement autorise localement les chambres de commerce à émettre des monnaies de nécessité qui firent parties de la vie quotidienne des Français jusqu’à l’apparition du franc Poincaré. À la place de la mention République française il était inscrit sur des jetons troués en aluminium : Chambre de Commerce bon pour 1 franc. Des institutions concurrentes émergent comme les grandes fédérations de la métallurgie, de la chimie, du textile, des banques ou des grands magasins. L’artisanat s’organise, lui aussi, de manière autonome sous la forme de la chambre des métiers créée en 1924. Le patronat fonde en 1919 sa propre repré-
LE TOURNANT DE L’ÉCONOMIE MARITIME Établissements publics placés sous la tutelle de l’État, le réseau CCI de France s’adapte depuis 2012 pour trouver sa place dans une France aux territoires complètement transformés par une économie soumise aux contraintes de l’intégration européenne et de la mondialisation. Cette transformation brutale des paysages et du cadre de la vie est la conséquence de la maritimisation accélérée de l’économie mondiale. Les chambres de commerce et d’industrie qui sont nées de l’activité maritime à la fin du XVIe siècle renouent aujourd’hui avec la mer avec l’ambi-
tion de devenir acteur d’un nouveau développement de l’économie maritime. Leur action dans ce domaine se concentre aujourd’hui autour de trois axes : la logistique, le développement industriel et l’aménagement des espaces. Parmi les missions de service public et d’intérêt général qui sont les leurs, les CCI sont notamment habilitées à créer et à gérer des équipements portuaires et aéroportuaires. Dans ce cadre, elles s’impliquent dans les grands travaux d’infrastructure de transports routiers et ferroviaires comme l’autoroute de la mer entre Gijon et Nantes où encore dans les travaux d’aménagement de l’estuaire de la Seine et de son arrièrepays avec la construction de platesformes logistiques multimodales autour du Havre et de Fécamp. Par ailleurs conformément à une de leur grande mission traditionnelle, les CCI accompagnent et soutiennent de nombreuse PME et TPE de la construction navale qui travaillent par exemple en sous-traitance des chantiers STX de SaintNazaire. Dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, elles gèrent quarantetrois ports de pêche. Enfin, elles œuvrent dans une perspective de développement durable à la recherche d’un équilibre entre les contraintes économiques, sociales et environnementales comme cet aménagement expérimental de seize récifs artificiels immergés au large de Fécamp au pied d’un champ d’éoliennes pour former un habitat naturel pour la flore et la faune marine. Avec le deuxième domaine maritime mondial et une présence sur tous les océans, la France possède une richesse immense. L’exploitation respectueuse de ce potentiel exceptionnel qu’il faut protéger et défendre contre les convoitises qu’il éveille déjà contient une promesse de développement industriel et de renouveau économique. C’est ce défi stratégique que doit relever le réseau CCI ■ de France au siècle qui vient.
Du bateau au train La Chambre de commerce et d’industrie Bayonne-Pays Basque a initié, en 2012, un projet visant à développer une meilleure connexion « mer-fer ». Objectif : réduire l’acheminement par camion, au profit du train, du fret arrivé dans les ports. Explication. Par ANDRÉ GARRETA *
ntre 2000 et 2012, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises est passée de 16,6 % à 10 %. C’est pourtant un mode de transport plus écologique que le mode routier, plus sûr et pertinent sur de longues distances. Parallèlement, sept Opérateurs ferroviaires de proximité (OFP), créés depuis moins de quatre ans, se sont développés et ont transféré, de la route vers le fer, plus de deux millions de tonnes en 2013. Ces deux tendances opposées traduisent la complexité de la réalité du report modal de la route vers d’autres moyens plus respectueux de l’environnement. En réponse, et faisant suite à la seconde conférence pour la relance du fret ferroviaire, organisée le 12 février dernier, par le ministre Frédéric Cuvillier, les premières mesures concrètes pour relancer ce mode
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de transport de marchandises sont annoncées : les entreprises et les acteurs publics se sont répartis en cinq groupes de travail thématiques, l’un d’eux représentant le fret et les grands ports maritimes. Il est regrettable que les ports gérés par les chambres de commerce et d’industrie n’aient pas été associés à ces groupes de travail. En effet, les CCI sont au cœur du développement de l’intermodalité, clé de la mobilité durable des marchandises, à travers la gestion efficace et reconnue des équipements que sont les ports et les aéroports. Ainsi, elles sont indissociables d’un aménagement du territoire harmonieux et respectueux de son environnement. L’engagement contractuel des industriels. Les ports et aéroports sont des hubs logistiques où se retrouvent différents modes de transport permettant l’intermodalité. Exploitants historiques de ces équipements, les CCI sont impliquées dans la plupart des projets dans ce domaine, et notamment dans la mise en place d’OFP. Chaque OFP devant répondre à des besoins locaux par la mobilisation d’acteurs et de moyens de son territoire, les CCI sont donc non seulement légitimes mais particulièrement performantes pour prendre en charge ce type de projet ambitieux où l’intérêt général doit être mis au service des enjeux logistiques du secteur privé.
La CCI BayonnePays Basque a mobilisé les CCI de son hinterland régional (Pau, Tarbes, Mont-de-Marsan) ainsi que de nombreux acteurs économiques pour développer, à compter de 2015, l’acheminement, par le train plutôt que par la route, du fret maritime.
* André GARRETA est le président de la Chambre de commerce et d’industrie Bayonne-Pays basque.
2. Le CNPF devenu MEDEF.
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Ainsi, dès 2012, la Chambre de commerce et d’industrie BayonnePays Basque concluait un accord de coopération réunissant l’ensemble des CCI du périmètre opérationnel de son hinterland régional (Pau, Tarbes et Mont-deMarsan) sur le projet de mise en place d’un OFP Sud-Ouest qui repose sur l’optimisation des infrastructures existantes, dont le Port de Bayonne qui dispose d’embranchements ferrés sur l’ensemble de ses quais. Dès le début de l’étude de ce dossier, nombre d’industriels ont confirmé leur volonté d’engagement contractuel, à la fois en garantissant des volumes de fret mais également en souhaitant prendre une participation au capital de l’OFP. L’accueil fut tout aussi favorable de la part des différents partenaires susceptibles d’être associés à la démarche au niveau des points de contacts multimodaux : entreprises ferroviaires et autres OFP susceptibles de se mailler avec l’OFP SudOuest, gestionnaires de platesformes à la frontière espagnole, armateurs, transporteurs routiers, tous déjà en relation avec la CCI Bayonne-Pays Basque. Le démarrage de l’activité est désormais prévu courant 2015, associant toutes les plates-formes multimodales de la région et les principaux acteurs et sites industriels embranchés fer qui ont parié, depuis longtemps, sur le report modal et sont en attente de la mise en place d’un service opérationnel et compétitif. Sous l’impulsion de la CCI, le projet d’OFP Sud-Ouest est en train de voir le jour et de répondre de manière efficace à leurs attentes. ■ PHOTO :CCI BAYONNE PAYS BASQUE- BERTRAND LAPEGUE
LA FIN DU MONOPOLE Au XXe siècle, les deux guerres mondiales accélèrent l’exode rural et l’urbanisation. La géographie séculaire des terroirs du vieux pays s’efface. En quelques décennies, la France de l’ère des notables et des gros bourgs entre dans celle des masses et des métropoles. Les chambres de commerce perdent leur monopole. Avec la Première Guerre mondiale, l’État qui a mobilisé toutes les forces de production redevient interventionniste dans le domaine économique. Parallèlement, entre 1914 et 1927, la guerre ayant totalement ruiné le franc Germinal basé sur l’or et afin d’éviter l’effondrement total de l’économie monétaire, le gouver-
PHOTO : LD LINES
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PHOTO :CCI BAYONNE PAYS BASQUE- BERTRAND LAPEGUE
LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME
ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME mètres (11 mètres de tirant d’eau) et une station de déballastage complètent le dispositif. En 2013, soixante navires ont été carénés et/ou réparés à Brest. Brest est enfin un grand port de plaisance doté de deux marinas très bien équipées : le Port du Moulin Blanc (1460 places à l’année, 120 places visiteurs) et le port du Château, en service depuis 2009, doté de 1300 mètres de pontons d’amarrage pour 750 places, sur un plan d’eau abrité de onze hectares protégé par 650 mètres de digue.
PHOTO :PHILIP PLISSON
Le port de Brest, porte océane
aménagé et un nouveau, de 14 hectares, créé. La procédure administrative doit s’achever au printemps 2015. L’étude d’impact sera mise à disposition lors de l’enquête publique annoncée pour l’automne 2014. Les travaux s’effectueront en trois phases. La première, programmée entre 2015 et 2017 pour un montant de 68 millions d’euros, portera essentiellement sur la réalisation d’un « quai EMR » de 170 mètres de long et de 40 mètres de large. Il sera utilisé pour le chargement de pro-
La Chambre de commerce et d’industrie de Brest nstituée par décret le 31 mars 1851, la CCI territoriale de Brest est un établissement public administratif de l’État, rattachée à la Chambre de commerce et d’industrie de la région Bretagne. Sa mission est de contribuer au développement des entreprises et des équipements de la région brestoise. Elle est dirigée par une assemblée composée de chefs d’entreprise et de professionnels bénévoles élus par leurs pairs pour 5 ans. La CCI représente les 11 000 entreprises de la circonscription. Exploitant historique du port depuis 1881, la CCI de Brest assure sa gestion et son exploitation dans le cadre d’une convention de délégation du service public signée avec la Région Bretagne, autorité concédante du port de Brest depuis le 1er janvier 2007 suite à un transfert par l’État. Dans le cadre d’une politique générale d’aménagement portuaire, elle a pour mission de mettre à la disposition des entreprises utilisatrices du port (agents consignataires, manutentionnaires, transitaires…) les équipements et les installations nécessaires ; d’assurer l’entretien et le renouvellement de l’ensemble des ouvrages, outillages, équipements et terre-pleins ; d’assurer la gestion du domaine public, l’entretien et le développement des voies ferrées portuaires ; de réaliser et de financer les travaux ; d’assurer le remorquage dans les conditions prévues au contrat. La CCI de Brest gère trois concessions : le commerce (y compris les quatre petits ports décentralisées du Finistère Nord : Le Conquet, l’Aber Wrac’h, Lanildut et Landerneau), la réparation navale et la pêche.
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Brest est l’un des quelque quatre-vingts ports français gérés par une chambre de commerce et d’industrie. Largement connu comme port militaire, il est d’abord un grand port commercial et industriel, ouvert sur le monde et sur l’avenir, conformément à l’ambition qu’a depuis longtemps pour lui la CCI exploitante. Explications. Par JOSEPH LE GALL *
a Chambre de commerce et d’industrie de Brest qui assure l’exploitation du port de Brest depuis 1881 a toujours eu pour ambition d’en faire un port d’envergure européenne. Brest revient pourtant de loin. Totalement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, il lui a fallu des années
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pour se reconstruire et voir redémarrer son trafic, dans les années 1950. Ses atouts naturels et l’énergie de ses acteurs ne sont pas étrangers à cette renaissance. Situé au carrefour de nombreuses routes maritimes nord-sud et estouest, il dispose de « qualités nautiques » remarquables avec un accès aisé à toute heure de marée ainsi que de quais en eaux pro-
* Joseph LE GALL.Capitaine de frégate (H), ancien officier de renseignement à la DPSD.
fondes. Sa position en fait un site de choix, au cœur de l’arc atlantique, comme porte d’entrée en Europe. C’est aussi un port au service d’un hinterland constitué de la première région européenne pour l’industrie agroalimentaire, permettant ainsi aux industriels bretons d’exporter des produits à forte valeur ajoutée dans ce secteur. Le port est doté d’infrastructures et d’équipements modernes, terminal pétrolier, terminal à conteneurs, terminal multi-vracs (dont matières premières agricoles), plateforme multimodale (mer-ferroute), terminaux de marchandises diverses incluant quatre quais, 6 000 m 2 de magasin général, 50000 m3 de magasins à température maîtrisée, 10000 m2 de terres pleins… À noter que le port de Brest constitue le point d’entrée maritime le plus important de Bretagne pour l’importation de produits énergétiques (hydrocarbures liquides et gaz liquéfiés). En termes de trafic, le port est passé de
près de 2400000 tonnes en 2006 à près de 2900000 tonnes en 2013 avec un record historique de plus de 3 millions de tonnes en 2011. Depuis quelques années, il est devenu leader sur la façade atlantique pour les escales de paquebots de croisières. Quinze navires y ont fait escale en 2013 avec 13000 passagers. Quatorze escales sont déjà programmées pour 2014. Autre atout, son site de réparation navale 1 qui bénéficie d’un savoir-faire reconnu par les armateurs du monde entier. Le port de Brest dispose pour cela de trois formes de radoub : la première de 225 mètres sur 27 mètres opère une grue de 15 à 30 tonnes, la seconde de 338 mètres sur 55 mètres en met en œuvre trois de 5 à 80 tonnes. La troisième forme, 420 mètres sur 80 mètres, est la plus grande d’Europe disposant de 3 grues de 15 à 150 tonnes. Deux quais de réparation à flots, respectivement de 320 mètres (9 mètres de tirant d’eau) et de 400
Le port de commerce de Brest. De grandes ambitions, notamment dans les énergies renouvelables, dans le cadre de la nouvelle stratégie portuaire mise en œuvre par la chambre de commerce et d’industrie qui l’exploite.
QUELLE STRATÉGIE À L’HORIZON 2020? Dès 2015, dans le cadre d’une nouvelle stratégie portuaire mise en œuvre par la CCI de Brest, de nouveaux travaux d’infrastructures seront engagés sur cinq ans, avec un double objectif à l’horizon 2020. D’une part, accroître l’activité commerciale du port en améliorant son accessibilité maritime ; d’autre part, accueillir des activités industrialo-portuaires comme les énergies marines renouvelables (EMR). Un polder de 36 hectares doit ainsi être ré-
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duits de grande taille et de grande masse. Un espace pour les activités de stockage liées à l’éolien flottant est également prévu. La seconde phase qui aura lieu entre 2017 et 2018, pour un montant de 86,5 millions d’euros, sera consacrée à l’aménagement d’espaces au sol et à la création du nouveau polder, ainsi qu’aux opérations de dragage destinées à permettre aux navires spécialisés d’accéder aux >> 1. En mars 2012, le site exploité par la Sobréna a été repris par le groupe hollandais Damen.
ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME >> nouvelles infrastructures. La dernière phase s’étalera de 2018 à 2020, à hauteur de 54,4 millions d’euros, pour la construction d’un « quai en mer » de 150 à 210 mètres de long et de 40 mètres de large, d’une portance de 10 tonnes au mètre carré. LA BRETAGNE AU CŒUR DES ÉNERGIES MARINES RENOUVELABLES La France dispose d’un vaste potentiel naturel d’énergies marines renouvelables (EMR), tant en métropole qu’en outre-mer : vent en mer, houle et vagues, courants de marée, gradient de température entre surface et profondeurs… C’est particulièrement le cas en Bretagne largement servie en vent, houle, courants et marées.
L’État, la Région, le conseil gé néral du Finistère et Brest mé tropole océane conduisent un important programme d’investissement destiné à développer une véritable filière industrielle des énergies marines renouvelables sur le polder de Brest qui dispose de tous les atouts pour assumer son rôle d’acteur majeur de cette filière. Une enveloppe de 220 millions d’euros est déjà consacrée par la région pour promouvoir l’accueil sur le site des industriels liés à cette filière d’avenir. En dotant le port de nouvelles infrastructures adaptées, la Chambre de commerce et d’industrie de Brest contribue à imposer la région Bretagne parmi les leaders européens des EMR. De nombreux acteurs sont impliqués dans
188 entreprises sont positionnées dans le secteur des EMR en Bretagne.
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Ports de commerce et de pêche français
CARTE CCI FRANCE
Les chambres de commerce et d’industrie exploitent un réseau très étoffé de ports en France.
Ports de commerce CCI (source : enquête CCI mars 2014) Ports de pêche CCI (source : enquête CCI mars 2014) Autres ports non CCI (source : enquête UPF mars 2013)
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cet ambitieux projet. Le Pôle Mer Bretagne Atlantique tout d’abord qui réunit trois cents membres de grands groupes, de PME et de laboratoires. Depuis sa création en 2010, il œuvre pour le développement économique et durable des activités maritimes en agissant comme un « catalyseur » des innovations, labellisant de nombreux projets dans le domaine des EMR. L’Institut France énergies marines (FEM), ensuite, dont le siège est à Brest, a pour mission de stimuler la compétitivité française de la filière EMR, en apportant son soutien aux secteurs éolien offshore fixe et flottant, hydrolien, houlomoteur et thermique marin, et de coordonner les sites d’essais des différentes technologies EMR. Il regroupe un grand nombre d’organismes publics (Ifremer, Université de Bretagne occidentale UBO, CNRS, etc.), des groupes industriels (DCNS, Technip, Alstom, STX, EDF, Veolia, etc.) et des PME d’ingénierie (Nass and Wind, Sabella, etc.). Il est à noter que le groupe DCNS, installé à Brest, est le seul industriel intervenant sur les quatre technologies : éoliennes flottantes, hydroliennes, énergie thermique des mers, énergie houlomotrice. Le groupe a installé à Brest un incubateur permettant de regrouper et d’accroître les investissements de recherche et de développement sur ces technologies. Le troisième acteur est l’Institut d’excellence en énergies décarbonées (IEED). Coordonné depuis Brest par l’Ifremer, il travaille au développement des énergies marines renouvelables sur trois grands axes : la recherche, la coordination de sites d’essais en mer – avec un site consacré aux hydroliennes au large de Paimpol-Bréhat, et un site consacré à l’énergie houlomotrice au large du Croisic – et la création d’un centre de ressources et de formation. 188 entreprises sont à ce jour positionnées dans le secteur des EMR en Bretagne, re-
Le port de Brest, de 1917 à nos jours large part au ravitaillement du pays. Il est utilisé par les compagnies maritimes desservant l’Afrique du Nord (Schiaffino, Charles Le Borgne, CBVN, etc.), transportant des agrumes et du vin. En 1957, il devient un grand centre d’éclatement du charbon importé des États-Unis, lequel est transbordé sur des caboteurs pour être acheminé vers les autres ports français. Les années soixante sont un tournant. Le port s’agrandit de nouveau en gagnant sur la mer, le but est d’inciter de nouvelles industries à s’y installer, tout en confortant celles qui y sont déjà. En 1962, une première phase d’extension débute avec la création d’une zone industrielle portuaire. Brest souhaite alors disposer d’un outil performant dans le domaine de la réparation navale. Une nouvelle cale sèche sera construite entre 1963 et 1968. Inaugurée par le général de Gaulle, cette nouvelle forme de radoub va permettre d’accueillir en réparation des navires de 250 000 tonnes. Une troisième, plus moderne, sera construite en 1978, la plus grande d’Europe. Entre 1975 et 1981, l’expansion du port se poursuit par le comblement successif des plans d’eau. La zone industrialo-portuaire couvre aujourd’hui 250 hectares. On y trouve d’un côté une zone portuaire traditionnelle avec divers terminaux adaptés aux marchandises traitées à l’import et à l’export, un port de pêche (avec une criée), et de l’autre, une zone industrielle dominée par l’activité de la réparation navale.
ès l’entrée en guerre des États-Unis, le 6 avril 1917, le port de commerce de Brest est choisi par l’Armée américaine pour le transit des troupes, des matériels et des chevaux. Après la signature de l’armistice en 1918, les soldats américains rembarqueront à Brest. Ils seront 1 200 000 en 1919. Après la guerre, le trafic du port ne cesse de chuter passant de 1 195 000 tonnes en 1918 à 540 000 tonnes en 1921. Cette année-là, la chambre de commerce obtient la concession de la première forme de radoub afin de développer des activités de réparation navale. Grâce aux navires américains qui se ravitaillent en mazout à Brest, le trafic en hydrocarbures va passer de 10 000 tonnes en 1927, à 36 000 tonnes en 1929. Durant la période d’entre-deux-guerres la chambre de commerce prend à sa charge le service de remorquage. À la veille du crack boursier, en octobre 1929, le port de Brest se classe au 16e rang des ports français, avec 750 000 tonnes de trafic. Il se spécialise dans l’importation d’anthracite et de poussier de charbon. Durant la Seconde Guerre mondiale, la ville de Brest est aux trois-quarts détruite par les bombardements alliés. Elle est libéré le 18 septembre 1944. Dans le port, il n’existe plus ni ouvrage d’accostage, ni outillage portuaire, de nombreuses épaves encombrent la rade. Tout est à reconstruire. En 1946, la ville commence à renaître de ses cendres. Le port reçoit des cargos de plus en plus nombreux, contribuant pour une
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présentant plus de 32300 emplois. 35% d’entre elles sont déjà tournées vers l’international. 61 secteurs de compétences irriguent de leur savoir-faire la «chaîne de valeur EMR » : ingénierie, études techniques, mécanique industrielle, réparation et maintenance navales, construction de navires et structures flottantes, découpe et emboutissage, fabrication de structures métalliques, affrètement et organisation de transports, installations électriques, équipement hydraulique, etc. Autre atout, la Bretagne forme à tous les métiers de la mer et des EMR. Elle dispose d’un véritable savoir-faire dans les domaines maritime et aéronautique, et peut se prévaloir d’une connaissance des contraintes liées à l’environnement marin et de l’expertise d’un tissu industriel et scientifique apte à assurer l’exploitation et la maintenance de sites d’essais et de fermes en mer… Au cours de ces dernières années, Brest est ainsi devenu un véritable laboratoire des énergies de la mer où l’on trouve 50 % des compétences françaises en recherche et développement maritime (Ifremer, ENSTA Bretagne,
IUEM-UBO, etc.). La convention Thétis, consacrée aux énergies marines et placée sous le haut patronage du ministère français de l’Écologie, du Développement durable, des Transports, du Logement et de l’Énergie, fédère tous les acteurs de la filière, et crée de solides liens entre les acteurs européens, les grands donneurs d’ordre, les PME ainsi que les fabricants, les écoles et universités. Après Bordeaux en 2012 et Brest en 2013, la convention 2014 s’est tenue les 9 et 10 avril derniers à Cherbourg réunissant plus de 260 exposants et 3 500 participants venus de 15 pays. Acteur infatigable du développement de « son » port, la chambre de commerce et d’industrie est également un fervent promoteur, parfois même de manière originale, de la région qu’elle dessert. Il y a deux ans, associée à Brest métropole océane, et en partenariat avec la Marine nationale, elle n’a pas hésité à organiser à Rio, au Brésil, à l’occasion de l’escale du BPC Dixmude et de sa conserve la frégate Georges Leygues, une mission de promotion de la Pointe Bretagne à laquelle parti-
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cipaient des représentants de la collectivité des entreprises brestoises, du technopôle, de l’université de Bretagne occidentale et des grandes écoles. Le dynamisme au service d’une dynamique… ■
ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME
Les chambres de commerce et d’industrie ont lancé cette année une vaste opération de communication baptisée Ports d’attache. Son objectif : permettre au grand public de (re)découvrir le port, un espace aujourd’hui souvent fermé ou difficile d’accès. En juin dernier, avait lieu les Escales marines, escale bayonnaise de Ports d’attache. Récit. Par GILLES DANIEL *
ayonne, capitale du pays basque et du chocolat, ville fluviale et portuaire, revisite son passé mais regarde aussi vers l’avenir. La deuxième édition des Escales marines, co-organisées par
la Ville et la CCI, a permis d’ouvrir les portes du port aux bayonnais pour qu’ils découvrent ou redécouvrent l’histoire mais aussi les projets de développement économique de leur port, un port dans la ville et, le temps d’un week-end, port d’attache de ma-
Le siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Bayonne avec, en arrière-plan, le port ouvert au public en juin dernier à l’initiative de la CCI et de la Ville. Objectif : communiquer sur son histoire autant que sur sa place dans l’économie de la région.
Ci-contre, six mille personnes ont répondu, en juin dernier, à l’appel de la CCI de Bayonne et de la Ville à venir découvrir leur port.
PHOTO : GILLES DANIEL
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Une opération à port ouvert
gnifiques vieux gréements. Ambiances garanties. «Ça c’est la bonne question ! » encourage Didier Mundutéguy – ancien skippeur, aujourd’hui responsable de projet, en charge du dragage du port de Bayonne – en regardant l’écolier qui, devant la maquette, lui a demandé : « mais pourquoi le bateau prend du sable dans le port pour le déverser après ? » Et le responsable de la CCI d’expliquer le rôle du « Mellina », la drague 1 qui aspire le sable à l’embouchure de l’Adour et la vase du fleuve près du quai SaintBernard pour rejeter l’un sur les plages d’Anglet et l’autre au large. « Eh, Monsieur, on peut aussi aspirer des poissons avec ce bateau ? » Le sourire de Didier Mundutéguy et le rire des enfants donnent le ton de ces Escales marines qui se sont déroulées du 27 au 29 juin 2014. * Gilles DANIEL est responsable communication CCI France.
Opération Ports d’attache ar cette opération de promotion nationale, baptisée Ports d’attache, qui se déroule de mai à octobre 2014, les chambres de commerce et d’industrie veulent marquer leur attachement à l’activité portuaire mais également faire connaître l’importance stratégique et la richesse historique, économique et culturelle des ports fluviaux et maritimes qu’elles gèrent en propre ou en partenariat. Les Escales marines constituent l’étape basque de cette opération de communication nationale. Pour Anne-Sophie Peyran, responsable de la communication des ports de la Riviera (CCI Nice-Côte d’Azur), « ces moments festifs sont l’occasion pour les habitants de se réapproprier le port et de découvrir l’ensemble des activités économiques qu’il génère au quotidien ». Après Lille, le 17 mai dernier, Bayonne, les 27 et 29 juin, sept autres ports vont ainsi ouvrir leurs portes au grand public : Nice. 6 septembre 2014 (pour la fête du port de Nice). Toulon. Du 8 septembre au 31 octobre 2014 (10 opérations). Brest. 20-21 septembre 2014. Nord Isère (Vienne). 26 septembre 2014 (pour les 30 ans du Port) et octobre 2014 pour les Journées Portes ouvertes. Pays d’Arles. 3 octobre 2014 (pour les 30 ans du port). Saône-et-Loire. Première quinzaine octobre 2014. Elbeuf. Date non encore communiquée.
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botage, aujourd’hui, pour des balades côtières. Les visiteurs pouvaient également flâner devant les tableaux d’une dizaine de peintres-exposants ayant tous la mer pour inspiration. Des marines traquant le mouvement de l’eau, des navires de l’édition 2012 des Escales marines (ré)apparaissant comme sortis d’une BD d’Hugo Pratt ou des marins aux gueules burinées tout aussi fabuleux. Ledoeufre, auteur de ces portraits peints sur bois flotté raconte et savoure : « J’entends parfois les gens qui passent
Les vieux gréements au rendez-vous des Escales marines de Bayonne, en juin dernier.
Le port de Bayonne e port de Bayonne est le poumon économique du territoire basque. Propriété du conseil régional d’Aquitaine, il est géré par la CCI Bayonne-Pays basque. « Pour continuer à irriguer l’activité économique du territoire, explique son président, André Garreta, la CCI poursuit ses investissements et lance de nouveaux projets comme la création d’un opérateur ferroviaire de proximité en réutilisant d’anciennes voies ferrées. L’objectif est de réduire le nombre de camions sur la route afin de diminuer les nuisances mais aussi d’optimiser les frais de transport. » (Lire article page 41.) Le port de Bayonne en bref, c’est : - 3 500 emplois. - le 9e port de commerce de France. - le 2e port régional. - 56 entreprises en bord à quai. - le seul port français triplement certifiés « Qualité, Sécurité, Environnement ». - 530 millions d’euros par an d’impact économique en Aquitaine.
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PHOTO : GILLES DANIEL
Escales marines
En 2012, lors de la première édition de ces journées portes ouvertes, 4 000 visiteurs étaient venus découvrir ou redécouvrir le port, cet espace tout à la fois outil de développement économique et lieu chargé d’histoire. Cette année, ce sont 6 000 visiteurs qui ont déambulé sur le quai Edmond Foy entre le stand de la Marine nationale présentant ses métiers et ses carrières (et symboliquement les différentes façons de faire des nœuds de marin), celui de la Société nationale de sauvetage en mer ou celui de la Ville valorisant l’histoire du port et son intégration sur le territoire de cette commune, labellisée « Ville d’art et d’histoire ». Des peintres-exposants inspirés par la mer. Mais c’est d’abord vers les vieux gréements que les bayonnais tournaient leurs regards : vers le Marité, dernier terre-neuvier français, le plus grand voilier en bois de France, vers l’Étoile de France, une goélette à hunier, et vers le Mutin, un dundee, thonier à l’origine, devenu navire école de la Marine nationale. Les enfants ont appris les cinq vies du Marité, ce « fameux trois mats fin comme un oiseau » : des campagnes de pêche à la morue (cinq) de 1924 à 1929, la concurrence de la motorisation des navires, une année comme décor de l’émission Thalassa et puis le ca-
devant mes tableaux dire : des marins je ne pouvais plus les voir en peinture, mais là… » Une sorte d’analogie avec ces Escales marines de Bayonne : s’y arrêter c’est redécouvrir le port sous ses différentes facettes, porter sur lui un ■ autre regard. 1. Une nouvelle drague a été acquise par la CCI pour un montant de 13.8 millions d’euros. L’engin dont la livraison est prévue en 2015, permettra, à raison de deux dragages par an (400 000 m3 dragués en 2013), de maintenir toute l’année un niveau de profondeur suffisant pour la circulation des cargos dans le port de Bayonne.
ÉCONOMIE DOSSIER
L’enjeu de la formation Le réseau français des chambres de commerce et d’industrie est le deuxième formateur de France après l’Éducation nationale. De nombreuses CCI, en particulier sur le littoral, assurent ainsi diverses formations aux métiers de la mer, notamment dans le transport maritime et le secteur portuaire. Explications. Par JOSEPH LE GALL
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ar leur légitimité, leur expérience et leur proximité avec les entreprises locales, les CCI se sont vues confier par la loi une mission de formation professionnelle, initiale et continue. Elles gèrent ainsi, on le sait peu, 160 écoles supérieures, 28 grandes écoles de management, 11 écoles d’ingénieurs, 50 écoles intermédiaires de commerce et de gestion, 145 centres de formation d’apprentis, 188 centres de formation continue… 600 000 personnes sont
ainsi formées chaque année dans des établissements créés et gérés par les CCI, dont 170 000 dans l’enseignement supérieur. À titre d’exemple, le pôle « Formation continue-entreprises » de la CCI de Brest forme, chaque année, plus de 7 000 dirigeants ou salariés. Ces formations, proposées par les CCI, concernent notamment le transport maritime et les métiers du secteur portuaire. Et pour cause, en une décennie, le monde des transports, en particulier maritime, a connu un fort développement tant en termes de trafic, que de
Le campus de l’Essec. Les chambres de commerce et d’industrie financent ou cofinancent un très grand nombre d’écoles et, plus largement, de formations en France, notamment dans le domaine maritime.
techniques ou de gestion des ressources humaines. Les défis de la multimodalité, l’émergence de nouveaux risques et les impératifs du développement durable ont exigé et exigent encore, de repenser le rôle de chacun des acteursclés de la chaîne logistique globale (supply chain management) 1. Le MBA « Maritime Transport et Logistique » de l’École de management de Normandie illustre, à ce titre, cette prise de conscience et la volonté des CCI de coller, en termes de formation, aux réalités de l’économie (lire encadré ci-contre). L’École de management de Normandie, créée en 1871, sous le nom d’École de commerce du Havre est l’une des plus anciennes écoles de commerce françaises. Elle appartient aujourd’hui – avec l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche inauguré en 1977 par la CCI du Havre, le Grand Port maritime du Havre et l’École
nationale des ponts et chaussées – au groupe ESC Normandie, créé en 1982 par les CCI du Havre et de Caen 2. Son MBA « Maritime Transport et Logistique » est porté par un véritable pôle dédié : Logistique-Terre-Mer-Risque. Il s’adresse à des dirigeants d’entreprises, à des ingénieurs, des cadres de direction, des officiers de la Marine marchande, de la Marine nationale ou de l’armée de Terre souhaitant réorienter leur carrière professionnelle et développer leurs compétences dans ce domaine très spécifique. Formations spécialisées. En France, les métiers maritimes représentent 22 500 emplois et un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros 3. Pour satisfaire les besoins des divers acteurs du secteur et notamment du secteur portuaire, les CCI ont créé un grand nombre de formations spécialisées regroupées sous une appellation générique : « Exploitation des opérations portuaires et du transport maritime ». Ces formations concernent divers métiers à divers niveaux de responsabilité dont la liste illustre le potentiel et les attentes du secteur : chef de ligne maritime, responsable d’exploitation transport maritime, res-
ponsable d’exploitation de terminal portuaire, responsable d’exploitation de terminal à conteneurs, responsable opérations navires, coordinateur de parc conteneurs, ship manager, technicien exploitant navires, responsable d’escale transbordeur, assistant d’exploitation de terminal portuaire, assistant d’exploitation transport maritime, technicien planificateur manutention portuaire, chef de peloton livraison portuaire de l’armée, coordinateur d’opérations navires, technicien ship planner (planification du chargement), agent d’escale en gare maritime, agent de port de plaisance… La CCI du Havre assure, par exemple, une formation de technicien des services maritimes et portuaires. Elle forme des opéra-
En France, les métiers maritimes représentent 22 500 emplois et un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros.
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LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME teurs polyvalents (employés de transit, employés de consignation…), capables de s’adapter facilement et rapidement aux différents types d’entreprises acteurs de la chaîne du transport maritime. La CCI de Brest dispose pour sa part, depuis 1987, d’un centre de formations techniques (Cefortech) installé au cœur de la zone industrielle de réparation navale. Il assure notamment une formation de technicien supérieur en méthodes et exploitation logistique de niveau Bac+2, et dispense aussi une formation continue pour les personnels de la maintenance navale. Le centre accueille annuellement plus de 4 000 stagiaires pour des formations continues et >> 1. Le supply chain management est la gestion de l’ensemble des maillons (achats, approvisionnement, transport, manutention, etc.) qui constituent la chaîne logistique d’approvisionnement. L’objectif est d’optimiser les outils et les méthodes d’approvisionnement afin de réduire au plus bas les délais de livraison, les stocks et donc les coûts. 2. L’EM Normandie a une longue expérience en matière de formation au supply chain management (gestion de la chaîne logistique) et possède aujourd’hui un important réseau de relations à l’international. Plus de 8 000 cadres ont, par ailleurs, été formés par l’Institut portuaire d’Enseignement et de Recherche. 3. Source : FranceAgriMer 2010.
La plus-value des formations e témoignage de François-Xavier Piedfort 1 – alors directeur du marché cargo chez Groupama transport, aujourd’hui au même poste chez Helvetia Assurances SA – sur le MBA « Maritime Transport et Logistique » de l’École de management de Normandie conforte la démarche des chambres de commerce et d’industrie en faveur des formations à haute valeur ajoutée. « Ce MBA constitue, pour ce qui concerne les intervenants, un très bon mix entre « universitaires » et « professionnels », permettant d’aborder tant les aspects théoriques que pratiques de la formation. Celle-ci implique de nombreux déplacements sur le terrain avec la visite des ports du Havre, de Southampton, d’Anvers, de Rotterdam, de Dubaï, des aéroports de Roissy et de Dubaï, de l’Organisation maritime internationale (OMI) à Londres, de la Société de gestion de terminaux informatiques (SOGET) au Havre… qui permettent une réelle adéquation entre les informations et les concepts enseignés. (…) Le coaching en anglais est vraiment essentiel. Il permet un accompagnement personnalisé tout au long de l’année et constitue une véritable aide en vue de la soutenance finale devant un jury international. Le nombre de participants (Ndlr : sept) permet une confrontation très intéressante d’expériences, issues de milieux certes
différents (maritime, supply-chain, chef d’entreprise, douanier, administration publique), mais toujours liées au monde du transport. Grâce à ce MBA, j’ai pu acquérir de nombreux outils et concepts me permettant d’avoir une vision plus globale de mon activité, notamment dans la gestion de la supply-chain (management, procédures, sécurisation, organisation, énergie, développement durable). Mon mémoire-projet, consacré à l’impact de l’opérateur économique agréé (OEA) dans le domaine de l’assurance transport, m’a permis de faire des recherches passionnantes sur un sujet dont j’ignorais l’existence au début de la formation! S’il fallait en définir les deux « plus », ce serait sans conteste les nombreuses visites sur le terrain et les trois séminaires à l’international (Anvers/Rotterdam, Southampton, Dubaï), où nous avons été véritablement « immergés » dans une culture économique, financière et culturelle totalement différente de notre approche purement française. Quand on voit fonctionner des ports comme Dubaï ou Rotterdam, on en ressort réellement impressionné et avec une vision nouvelle ! »
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1. Source : www.ecole-management-normandie.fr/temoignage/mba-maritimetransport-et-logistique/etudiant/index.html
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MARINE&OCÉANS N° 244 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2014
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ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME
En savoir plus Formations proposées par les CCI : www.cci.fr/web/jeunes
Languedoc-Roussillon, former aux métiers du nautisme vec 215 km de côte, soixante-dix ports de plaisance maritimes, fluviaux et lacustres (en bord de lac) et la plus grande marina d’Europe, le tout offrant une offre globale à la navigation de plaisance de 30 000 anneaux, le Languedoc-Roussillon a clairement fait de la mer sa « terre d’innovation ». La région accueille plusieurs salons nautiques de référence, à Port-Camargue, à la Grande-Motte (multicoques) et au Cap d’Agde. La filière nautique constitue ainsi un atout majeur pour le développement économique du Languedoc-Roussillon. Près
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PHOTO :PHILIP PLISSON
>> qualifiantes. Pour le réseau CCI France, il est indispensable d’adapter l’offre de formation aux besoins du marché du travail et d’agir sur l’interconnexion entre acteurs de la recherche et acteurs de l’entreprise. Les CCI défendent pour cela plusieurs pistes : la création d’une structure unique d’orientation «accompagnement étudiants» au sein des universités, la diversification des compétences selon les profils des étudiants, une meilleure ouverture de l’enseignement vers l’entreprise et l’international, le rapprochement des entreprises des laboratoires publics, la création de « développeurs de l’innovation »… Des écoles de réputation internationale. L’université, estiment les CCI, doit poursuivre son ouverture sur le monde économique et renforcer la dimension « entrepreneuriale » de ses formations, intégrant la culture du résultat et la mise en pratique des connaissances. La France, expliquent-elles, doit susciter de nouvelles vocations et former de futurs créateurs/ repreneurs/ développeurs d’entreprises, préparés aux nouveaux enjeux économiques. Les CCI insistent sur la nécessité d’une période obligatoire en entreprise en dernière année de cursus (Licence 3 et Master 2), notamment sous forme d’alternance. Les écoles supérieures de management des CCI ont réussi, dans leur domaine, à se construire une réputation internationale reconnue dans des classements ou dispositifs d’accréditation prestigieux (Financial Times,AACSB, EQUIS…). Ces écoles emploient, à elles-seules, plus de 1 600 enseignants-chercheurs – dans les domaines de la gestion et du management et dans une moindre mesure, des sciences de l’ingénierie – dont les publications font autorité. Elles ont également
Port Camargue. La mer est autant une culture et un art de vivre dans le LanguedocRoussillon qu’une filière économique offrant de réelles perspectives de formations et d’emplois.
de deux mille entreprises représentant plus de six mille emplois travaillent dans le secteur. Les lycées de la mer de Canet-en-Roussillon et de Sète l’ont bien compris qui assurent un enseignement maritime de qualité ouvert sur de nombreux débouchés. Le secteur du nautisme offre en effet une diversité de métiers encore méconnue et recherchés : stratifieur, agent en aménagement intérieur, ouvrier voilier, sellier, mécanicien moteur, accastilleur-gréeur, responsable technique… Des compétences spécifiques sont encore insuffisamment satisfaites et l’on relève des besoins notamment dans le domaine de la maîtrise des technologies nouvelles, le service et la relation client. Pour répondre aux besoins des entreprises du secteur du nautisme, la Chambre de commerce et d’industrie de Perpignan a créé à SaintCyprien, l’Institut nautique de Méditerranée (INM), dont la mission est d’assurer des formations professionnelles sur mesures. L’INM fonctionne en partenariat avec la Fédération des Industries nautiques, la Fédération française des Ports de Plaisance, la Fédération française de Voile et de nombreux autres partenaires publics et privés. Il fait partie intégrante de Nautéa, le technopôle nautique de Méditerranée, qui a pour vocation de développer la filière nautique sur les sept ports de plaisance de la côte des Pyrénées-Orientales et sur l’ensemble de la plaine du Roussillon. Une façon de toujours plus et mieux exploiter la filière de «l’or bleu ».
développé des partenariats solides et durables avec des établissements prestigieux dans le monde entier, un succès sur lequel repose le fond de leur engagement en faveur d’une formation toujours plus qualitative. La réforme annoncée des CCI et
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de leur financement, aujourd’hui source d’une forte tension avec l’État (lire entretien page 33), pourrait cependant venir menacer ce bel ordre des choses en réduisant le support financier du réseau à l’ensemble des écoles qu’il soutient. ■