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par le Syndicat des avocats de France. En ce début d’année 2021, l’agenda social est chargé. À côté de la réforme de l’assurance chômage, de l’emploi des seniors et du travail détaché, deux dossiers importants vont retenir l’attention. L’emploi, tout d’abord, avec en filigrane les effets à rebours de la diminution progressive, annoncée, des fonds alloués au dispositif de chômage partiel. Le gouvernement pourrait certes faire comme en Espagne ou en Italie, et conditionner l’aide à l’activité partielle à l’arrêt des licenciements. Mais rien de cela ne se profile. Droit dans ses bottes, le pouvoir maintient sa stratégie : encourager mais ne surtout rien imposer aux employeurs. Pas question donc de restaurer le droit des instances représentatives du personnel à contrôler les restructurations, ni que les salariés puissent limiter les licenciements sans cause réelle et sérieuse en prétendant à des indemnités en cas d’abus. La négociation sociale, oui. Mais avec des partenaires sociaux dotés d’un «esprit de responsabilité», a résumé la ministre du Travail, Élisabeth Borne, le mois dernier lors d’une rencontre avec la presse sociale.
Avec des partenaires sociaux responsables
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C’est sur cette base aussi que sera géré l’avenir des travailleurs des plateformes, sujet sur lequel le gouvernement compte «aboutir» au printemps. Pas question de légiférer autour de l’avis de la Cour de cassation de 2018 requalifiant en salariés les travailleurs de TakeEatEasy. On le sait déjà, la question de la représentation de ces personnels sera envisagée sans contrainte et à l’aune du droit de la concurrence… «Abandonner la contrainte et la loi, c’est se priver de toute capacité à prévenir et à protéger », rappelait Valérie Labatut, inspectrice du travail et secrétaire générale de la Cgt-Tefp lors du colloque organisé par le Saf. C’est aussi se priver de toute capacité à développer des politiques publiques. Le pouvoir pourrait comprendre, ces prochaines semaines, dans quel piège il est tombé. Pour avoir privilégié les recommandations et autres «guides de bonnes pratiques» au lieu des dispositifs législatifs et contraignants, il ne maîtrise plus grand-chose. Même plus sa politique sanitaire, puisqu’un avis du Conseil d’État a mis en lumière, à l’automne, qu’il ne pouvait même plus contraindre les employeurs à passer leurs salariés en télétravail total… Il n’en a plus les moyens juridiques. ▼
EntrEpriSE exit Le Code du travaiL ?
questioNs à damieN boNdat, juriste, maître de coNféreNces à l’uNiversité de touloN.
– Options: En brouillant les repères spatiaux et temporels de l’exercice du contrat de travail, le télétravail ne risque-t-il pas de fragiliser le droit qui lui est attaché?
– Damien Bondat: Prudence. Même au temps de la grande usine, ces deux éléments ne se sont jamais totalement imposés. Et il n’a pas fallu attendre la pandémie pour que de nombreux salariés échappent au cadre classique du bureau ou de l’atelier et au pouvoir direct de la hiérarchie. Exemple s’il en est: le cas des salariés en forfait-jours, sur lesquels peuvent ne peser que des objectifs à atteindre. Par l’autonomie et l’isolement qu’il engendre, et que renforcent plus encore les réseaux, ce dispositif synthétise parfaitement deux des caractéristiques du télétravail qui font craindre aujourd’hui une perte de ces repères collectifs que consigne le droit du travail.
– Et qu’en est-il?
– Les salariés qui exercent en distanciel restent des salariés, et c’est essentiel. Nul ne peut savoir de quoi demain sera fait ni ne peut prédire si le télétravail ne finira pas par masquer la réalité du lien de subordination qui lie un salarié à son employeur. Mais force est de constater que, malgré les turbulences, le statut salarié demeure et, avec lui, l’unité de destin qui en découle. Et, à ce jour, tout laisse supposer que les juges ne sont pas prêts à revenir sur ce point.
– Diriez-vous que l’Ani télétravail conforte cet aspect essentiel du droit? – Quelles que soient les critiques qui peuvent lui être adressées, ce texte garantit expressément aux télétravailleurs le statut de salarié avec les droits et les modalités de représentation afférents. Bien sûr, il va y avoir des zones de frictions. En matière de santé et de sécurité tout particulièrement puisque, plus que tout autre, le Code du travail organise ces thèmes autour des références de temps et de lieu de l’exercice du travail. Il va appartenir aux juges de régler les problèmes. Et peut-être que ce sera l’occasion de préciser les nouveaux risques que le droit considère mal ou peu. Tout particulièrement ceux liés à l’usage du numérique, du contrôle qu’il permet et des nouvelles sources de risques psychosociaux qu’il fait émerger. ▼
Propos recueillis par M. H.
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