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Au croisement des inégalités
psychologue pour 29880 étudiants, contre 1500 aux États-Unis ou 7300 en Autriche, très loin des recommandations internationales fixées à 1 Etpt de psychologue universitaire pour 1500 étudiants. Comment, « lorsqu’on est seul face à tant, envisager de soutenir une population en détresse?» s’interroge le collectif, en faisant explicitement référence aux résultats de l’étude I-Share, seule étude longitudinale d’envergure en France (20 000 étudiants): en 2019 déjà, 22% d’entre eux disaient avoir eu des idées suicidaires, indépendamment donc de la crise sanitaire.
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«Il n’est pas facile d’avoir 20 ans en 2020», reconnaissait Emmanuel Macron il y a quelques mois. Et après? Il ne suffira pas de recruter quelques dizaines de psychologues ou d’assistantes sociales supplémentaires pour prévenir et traiter les états de détresse psychologique. Ou, «si la situation sanitaire le permet», d’autoriser une reprise des cours «en présentiel» en ce début d’année 2021 pour répondre à la situation d’étudiants en grande vulnérabilité, après la concertation initiée par la ministre de l’Enseignement supérieur. « La crise de la santé mentale étudiante précède le Covid-19, elle ne s’éteindra pas avec lui », préviennent avec gravité les auteurs de la tribune. En amont, il faudra sérieusement s’attaquer à l’isolement des jeunes et à la précarité étudiante, puissants carburants de leurs multiples fragilités, matérielles, sociales ou psychologiques, comme le montrent notamment, année après année, les enquêtes de l’Observatoire de la vie étudiante (voir ci-contre). Il faudra aussi, dans l’immédiat et à plus long terme, remettre des moyens financiers, humains et matériels à tous les niveaux et à la hauteur des besoins: pour recruter des professionnels de santé universitaires, notamment des psychologues, sur des postes stables ; pour revaloriser les métiers et les carrières de manière à les rendre plus attractifs; pour s’appuyer sur des équipes administratives suffisamment dotées ; pour accueillir et soutenir les jeunes dans des locaux adaptés et mieux les informer sur leurs droits… C’est en consentant cet effort que l’État pourra assurer l’une des missions de l’enseignement supérieur, inscrite dans la loi de 2013: l’amélioration des conditions de vie étudiante, qui ne peut faire l’impasse sur une prise en charge sérieuse de la santé mentale des jeunes. ▼
en termes de fragiLités psychoLogiques, Les femmes, Les étudiants étrangers et boursiers ont été Les pLus touchés pendant Le premier confinement.
ppp AX XAVIER DE FENOYL/m
Soyons d’abord optimistes: si une part non négligeable des jeunes va mal, la grande majorité se dit heureuse, parfois ou souvent, voire calme et détendue (82 %). C’est un des enseignements que l’on peut tirer de l’enquête sur la vie d’étudiant confiné réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante (Ove). Elle repose sur l’analyse de 6 130 questionnaires auxquels ont répondu, entre le 26 juin et le 8 juillet, des étudiants inscrits en 2020 à l’université, en grandes écoles, écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art ou de culture, déjà contactés pour l’enquête «Conditions de vie». Trois grands chapitres la structurent: la santé pendant la pandémie, la situation financière et la continuité pédagogique. À y regarder de plus près, pourtant, les états mentaux déclarés à l’issue du premier confinement sont très inégaux au moins pour trois populations : les femmes, les étudiants boursiers et les étudiants étrangers. Plus nerveuses, plus tristes ou abattues, les étudiantes se sont aussi senties davantage épuisées que les étudiants. Pour autant, elles n’étaient pas – jamais ou rarement – à ce point découragées que «rien ne pouvait [leur] remonter le moral»: 70,9% étaient dans ce cas, contre 60,1% des hommes. Cette proportion tombe à 47 % pour les étudiants étrangers qui déclarent aussi, pour presque la moitié d’entre eux (contre 21% des étudiants français) une alimentation beaucoup moins satisfaisante. Presque un étudiant étranger sur trois n’est jamais ou rarement heureux (contre 18 % des Français). Ce n’est pas le cas des étudiants boursiers dont l’état psychologique s’est tout de même détérioré par rapport à celui des non-boursiers dans tous les items retenus pour l’enquête : la nervosité, la tristesse, l’épuisement ou le découragement. C.L. ▼