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Les livres du mois
enseigner savoir… accéder aux savoirs
L’avenir démocratique de nos sociétés apparaît suspendu à la généralisation de l’accès aux savoirs élaborés de la culture écrite, laquelle supposerait un changement profond des missions de l’institution scolaire, ainsi qu’une confiance du monde enseignant dans l’éducabilité de tous les élèves. Si la première de ces deux conditions est au prix d’une conquête politique et d’une décision d’État, la réalisation de la seconde se joue sur le terrain des pratiques quotidiennes. Bien des enseignants s’investiraient volontiers au service d’une réussite ambitieuse pour tous – car il en va de leur bonheur professionnel – si l’expérience pouvait les convaincre que l’entreprise avait quelque chance d’aboutir. Ils trouveront dans cet ouvrage collectif de quoi nourrir leur réflexion à cet égard. Ses auteurs, qui enseignent du Cp à l’université, y évoquent comment, au fil de leur expérience professionnelle, ils ont cherché à se doter des moyens de maintenir une véritable exigence intellectuelle vis-à-vis de publics réputés «difficiles». De disciplines très diverses, les treize enseignants qui livré ici leur témoignage n’ont d’autre point commun qu’un respect exigeant de leurs élèves, et la défense de l’intérêt et de la dignité de leur métier.
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Jean-Pierre terrail (coord.), Pédagogies de l’exigence, récits de Pratiques enseignantes en Milieux PoPulaires,
La Dispute, 2020, 240 pages, 16 euros.
Business À l’école des loups de la finance
«Entrez rêveurs, sortez manageurs»: telle était la promesse de l’Inseec en 2018, dans une campagne de publicité. Ce slogan, dont le cynisme a été raillé sur les réseaux sociaux, dit beaucoup du processus de formation des étudiants passés par ces grandes écoles de commerce : la conversion de bons élèves, consacrés par le système scolaire, aux impératifs de l’entreprise. D’une formation académique en classe préparatoire ou à l’université, ils glissent, le plus souvent sans mise en garde, dans un monde où rentabilité et efficacité sont les maîtresmots. Confrontés à l’indigence intellectuelle de leurs cours, ils se livrent bientôt aux plaisirs faciles de la vie étudiante, entre soirées d’excès, engagements associatifs et échanges dans des universités à l’étranger. Cette immersion au cœur d’une expérience dense et intense joue le rôle de catalyseur dans leur adhésion à un projet de formation – et de vie – qui pourtant répugne, de prime abord, à nombre d’entre eux. De Hec à l’Essec, en passant par Skema ou Neoma, l’auteur a rencontré plus d’une centaine d’étudiants dont il restitue les propos, les doutes, et leurs évolutions. Entrez rêveurs, sortez manageurs rend ainsi compte de toutes les étapes de cette transformation de bons élèves en manageurs efficaces. Et ce sans manquer de donner à penser les dérives (bizutage, sexisme, traditions…) si souvent décriées mais mal appréhendées, pour mieux comprendre le système de formation voire de formatage de ces futures élites, qui sont l’incarnation de l’esprit du capitalisme néolibéral.
Maurice Midena, entrez rêveurs, sortez Manageurs. ForMation et ForMatage en école de coMMerce,
La Découverte, 2021, 256 pages, 20 euros.
B-a, Ba lire, c’est (une) pratique…
L’institution scolaire a pour fonction de transmettre les éléments de la culture écrite. Elle y parvient aujourd’hui de façon trop inégale : ses échecs sont de plus en plus problématiques, et il n’y a aucune bonne raison de les accepter. Entrer dans l’écrit de manière satisfaisante, permettant de mener des études longues, serait-il hors de portée des élèves en difficulté? Plutôt que d’invoquer une fois de plus les prétendus déficits socioculturels des familles, Jean-Pierre Terrail interroge ici les ressources cognitives des élèves. En mobilisant les acquis de l’anthropologie et de la linguistique, il démontre que la pratique du langage chez l’enfant, quel que soit son milieu familial, devrait suffire à assurer une scolarité réussie. Tous capables d’entrer dans la culture écrite : ce constat invite donc à revenir sur les principes et pratiques qui président depuis quatre décennies aux apprentissages élémentaires de l’écrit, dont il est urgent d’améliorer l’efficacité démocratique.
Jean-Pierre terrail, entrer dans l’écrit. tous caPables?
La Dispute, 2013, 219 pages, 18 euros.
Monde araBe un si long printemps
Bertrand Badie le souligne dans sa préface : on retrouve la révolution au centre même de l’histoire et de l’imaginaire propres au monde arabe, comme composante de la pensée et comme vecteur de l’action. Elle s’est construite dans un rapport à l’autre, extérieur, fait d’emprunts, de fascination parfois, de rejet aussi. De par sa localisation, de par son histoire et sa situation de carrefour culturel, l’espace arabe a été un lieu privilégié d’élaboration d’une pensée révolutionnaire, d’effervescence des idées contestataires. On ne s’étonnera pas que, dans un contexte de mondialisation, il devienne un espace privilégié de production révolutionnaire et que le « Printemps arabe » ait ainsi très vite gagné ce statut de laboratoire d’idées et de formes de mobilisation renouvelée.
collectiF, il était une Fois… les révolutions arabes,
seuiL/institut Du monDe arabe, coLLection araborama, 2021, 272 pages, 25 euros.