Libertés en Petite santé

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Histoire

Représenter le travail, c’est du boulot... Les 24es Rendez-vous de l’histoire de Blois avaient pour thème le travail : l’Institut Cgt d’histoire sociale a invité des dirigeants syndicaux et des historiens à croiser leur regard sur la question « Représenter le travail, ambitions et expériences historiques du syndicalisme ».

« Le travail » était cette année le thème principal des Rendez-vous de l’histoire. Pendant quatre jours (6 au 10 octobre), l’événement a confronté les regards de chercheurs, universitaires, journalistes ou documentaristes, dans un cadre souvent exigeant mais toujours accessible – l’ensemble de ces rencontres, expositions, projection de film est gratuit et ouvert à tous. Depuis des années, l’Institut Cgt d’histoire sociale (lire encadré) dispose de son stand au Salon du livre d’histoire qui s’y tient, et d’une carte blanche pour organiser un débat, en partenariat avec l’Ihs régional. Les pistes d’introspection historique sur le travail foisonnent, et l’Ihs a proposé de réfléchir à ce que cela signifie de « représenter le travail » pour le syndicalisme, et d’interroger les expériences syndicales historiques autour de cette ambition. Pour les acteurs comme pour les organisations, le défi a en effet toujours été double : « Le syndicalisme se donne pour mission de représenter les travailleurs à partir de la représentation qu’ils se font de leur travail, et en articulant ces représentations autour du concept de travail », résume Gilbert Garrel, président de l’Ihs, qui introduit le débat devant une large assistance d’enseignants d’histoire, de salariés et militants, d’étudiants et jeunes chercheurs. Avant la loi de 1884 autorisant 46

les syndicats, des formes d’organisation de travailleurs ont déjà existé, souvent basées sur le métier, autour des salaires, des conditions de travail ou des besoins de formation, mais aussi pour organiser la solidarité – sociétés de secours mutuel sur la santé ou le logement –, comme le rappelle Michel Pigenet, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne et membre du conseil scientifique de l’Ihs. « La loi de 1884 essaie de cantonner les travailleurs à la défense de leurs intérêts professionnels pour restreindre leurs champs d’expression et d’action. Mais quand la Confédération générale du travail (Cgt) se crée en 1895, c’est avec l’ambition d’être le parti du travail face au capital, de représenter tous les travailleurs dans une organisation unitaire et dans un but d’émancipation collective dépassant le cadre du travail. »

Sans représentation syndicale, les sources manquent Le syndicat doit « parler et agir au nom de » mais ne peut faire autrement qu’« avec », à partir de comment les syndiqués se représentent leur travail et le monde du travail, et en les encourageant à s’exprimer. Sur les lieux de travail mais aussi au travers d’écrits (tracts, journaux) qui documentent aujourd’hui l’historiographie et témoignent notamment du souci

de respecter la diversité – la Cgt affirme son fédéralisme, sa volonté de ne soutenir aucun parti politique, et de mettre en avant l’action. « Il en résulte que nous disposons de beaucoup d’informations sur certains secteurs comme le bâtiment, les mines, les chemins de fer, où les syndiqués sont relativement nombreux et pèsent sur les représentations du travail, alors que toute une partie des réalités du monde du travail est beaucoup moins documentée, comme le travail des femmes, des étrangers, des fonctionnaires ou des ouvriers agricoles, plus nombreux que les ouvriers de l’industrie mais sans moyens d’expression directe. » Xavier Vigna, professeur d’histoire contemporaine à l’université ParisNanterre (Idhes-Cnrs), détaille comment se traduisent les représentations ouvrières du travail : « S’exprimer, cela n’est ni ordinaire, ni facile, et c’est souvent lors d’un conflit avec le patron. Les ouvriers sont très soucieux de bien s’exprimer, d’être crédibles et légitimes quand ils apportent l’expertise de leur vécu au travail et défendent leur vision de ce qu’il devrait être. Nous disposons de beaucoup de documents : enquêtes, autobiographies, photos, dessins et caricatures, où d’ailleurs on voit comment se construisent les identités et certains stéréotypes, de l’ouvrier (un homme mûr, fort, casquette vissée OPTIONS N° 670 / OCTOBRE 2021


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