Libertés en Petite santé

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Sécurité sociale

sommeiller en des lieux homologués comme paradisiaques. Et après ? La fin du secret bancaire, l’échange automatique d’informations entre États sur les comptes des citoyens à l’étranger, toutes ces mesures apparaissent dérisoires. Voilà le ­lassant, voilà l’inacceptable. Alors ? Alors il est plus que temps d’aller au-delà de la simple rétorsion et de s’attaquer à la structure fiscale qui permet une accumulation de patrimoine telle qu’elle appelle la fraude en même temps qu’elle la permet. Le système d’imposition actuel apparaît surréaliste, totalement décalé de la réalité structurelle de la mondialisation financière et de sa production de richesse. D’où injustices et inégalités, adossées à des choix politiques qu’on pourrait assez facilement qualifier de choix de classe.

En toute(s) logique(s)

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2022 ne prend pas la mesure de la crise du Covid.

En fait, pour d’heureux chanceux, c’est Noël tous les jours. Ce curieux déplacement du calendrier vient d’être confirmé par un document a priori anodin puisqu’il s’agit du troisième rapport d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital. Ledit rapport est des plus officiels. Il est aussi des plus sévères. Résumons : l’objectif est de mesurer l’impact des mesures fiscales inspirées par l’actuel président de la République afin de relancer l’investissement et l’activité économique. D’une part en s’appuyant sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (Isf ) et sur une transformation aboutissant à exonérer le patrimoine mobilier. D’autre part en bricolant un bouclier fiscal chargé de protéger les revenus du capital. Ces deux mesures étaient justifiées par la théorie du ruissellement selon laquelle ce qui fait le bonheur des riches fait également celui des pauvres. Théorie séduisante mais malheureusement démentie de façon systématique par les réalités sociales. Pour couper court à tout suspense, disons tout de suite que ces mesures ont enrichi les riches. Pour ce qui est de l’investissement et de l’activité économique, c’est nettement moins clair. C’est le constat désolé que fait le rapport en termes policés : « L’observation des grandes variables ­économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. –, avant et après les réformes, ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes. En particulier, il ne sera pas possible d’estimer par ce seul moyen si la suppression de l’Isf a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises. » En gros, tout cela n’a pas servi à grand-chose, si ce n’est à favoriser la consommation de luxe, l’immobilier, et toutes activités aussi essentielles qu’improductives. Formidablement poli, le comité d’évaluation n’exclut pas, néanmoins que cela puisse marcher un jour. À Pâques, à la Trinité, ou l’un de ces Noël où « tomberont de là-haut des dindes de Noël avec leurs dindonneaux ».

L’examen, à l’Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) 2022 n’en est qu’à ses débuts, mais les premières tendances qui s’en dégagent ne sont pas de nature à rassurer. Pour la Cgt, il ne prend pas la mesure de la crise du Covid et de ses effets, alors que la Sécurité sociale a dégagé des ressources considérables pour faire face aux urgences, en assurant par exemple les conditions de la vaccination ou de l’accès massif aux tests. Cette inquiétude prend corps en particulier au sujet de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) qui donne le ton, chaque année, des efforts financiers consacrés à la Sécu. Hors « Covid » et hors « Ségur », dont les mesures sont d’ailleurs insuffisantes, son augmentation serait ainsi limitée à 2,7 %. Si ce taux reste en l’état, les parlementaires approuveraient donc une augmentation limitée à 0,7 %, compte tenu de l’inflation (2 % environ). Or la Cgt le rappelle dans un communiqué : selon les analyses de la Fédération hospitalière de France, l’augmentation de l’Ondam devrait atteindre au moins 2 % pour simplement maintenir l’existant, alors que 5 700 nouveaux lits ont été supprimés en 2020. C’est une des raisons pour lesquelles les conseillers Cgt de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) ont voté contre. Ce n’est évidemment pas la seule. Le Plfss 2022, en effet, poursuit, en l’amplifiant, la logique d’étatisation de la Sécurité sociale, remettant en cause le principe selon lequel la gestion est confiée à ses usagers. Concernant le droit à l’autonomie, le projet montre que la cinquième branche de l’assurance maladie, créée voici un an, est une coquille vide, dans un contexte où, en outre, le gouvernement a renoncé à sa réforme. La Cgt y oppose un droit à l’autonomie pris en charge par la branche maladie de la Sécurité sociale. Mais d’autres projets s’inscrivant dans cette logique suscitent l’inquiétude. Parmi eux : la centralisation du recouvrement des cotisations, notamment retraites, par les Urssaf. Si le sujet peut sembler technique, il tend pourtant à montrer que le gouvernement n’a pas renoncé à son projet de régime universel. C. L.

Pierre Tartakowsky OPTIONS N° 670 / Octobre 2021

Luc Nobout/maxppp

Dindes fiscales et dindonneaux du capital…

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