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ÉNERGIE
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La fission nucléaire
La fission nucléaire
LA FUSION NUCLÉAIRE
Nos futurs besoins en énergie sont incertains, et les scientifiques se tournent vers les réactions à l’intérieur des étoiles pour trouver une source d’énergie plus économique et plus propre.
lors que plusieurs pays dans le monde s’accordent pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, l’électricité du futur devra être produite par des ressources renouvelables et nucléaires. Mais à cause des risques associés à la fission nucléaire et du fait que les énergies renouvelables ne sont pas encore suffisantes pour satisfaire la demande, il va peut-être falloir se tourner vers la fusion nucléaire pour réellement révolutionner la production d’électricité. La fusion nucléaire est une réaction dans laquelle deux ou plusieurs noyaux atomiques entrent en collision à très grande vitesse et s’unissent pour former un nouveau noyau, libérant du même coup de l’énergie. Dans les étoiles, cette fusion se produit entre des atomes d’hydrogène pour former de l’hélium. La fusion est réservée aux éléments plus légers que le fer dans le tableau périodique, alors que la fission nucléaire utilisée dans nos centrales nucléaires résulte de l’énergie libérée par la désintégration des éléments les plus lourds. La fission nucléaire est exploitée depuis les années 40 tandis que la fusion est nettement moins avancée.
Cela vaut-il la peine de poursuivre dans cette voie ? David Ward, responsable de l’unité de technologie de centrale au CCFE (Centre d’énergie de fusion à Culham), a déclaré que les dépenses totales du Royaume-Uni sur la fusion représentent moins de 1 % du budget de recherche et développement d’une société telle que Toyota : « Une source d’énergie globale vaut des trillions de dollars par an. Si elle peut être développée pour quelques milliards, c’est un bon investissement. » On estime qu’un seul kilogramme de combustible de fusion pourrait produire la même quantité d’énergie que 10 millions de kilogrammes de combustibles fossiles. L’estimation actuelle suggère que le coût d’une électricité sans fin produite par fusion serait à peu près comparable au coût de
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LA MÉTHODE TOKAMAK Lancé dans les années 1960, le tokamak est la base des centrales à fusion de demain. Le confinement magnétique est un moyen établi pour contrôler le gaz chaud, ou plasma, nécessaire à l’énergie de fusion. L’appareil le plus prometteur est le “tokamak”, un acronyme russe pour chambre magnétique en forme d’anneau. La forme torique, ou tore, est nécessaire pour contrôler les ondes du champ magnétique, qui se déplacent en hélice. Le tokamak compresse le plasma avec de puissants aimants, et cette compression le chauffe. Un courant est envoyé à travers le plasma qui est alors chauffé encore davantage par un procédé appelé “injection de neutres”. Là, des atomes d’hydrogène neutres sont envoyés à grande vitesse dans le plasma, ionisés et piégés par le champ magnétique. Quand ils sont ralentis, ils transfèrent leur énergie au plasma et le chauffent. Une autre méthode utilise des ondes magnétiques à haute fréquence pour chauffer le plasma. Des courants à haute fréquence sont induits dans le plasma par des bobines externes. Les fréquences sont choisies dans les régions où l’absorption d’énergie est très élevée. De cette façon, de grandes quantités d’énergie sont transférées au plasma.
A
QUEL FINANCEMENT ?
Situé près d’Oxford, le Joint European Torus (JET) est actuellement le plus grand site au monde d’expérimentation de fusion nucléaire par confinement magnétique.
l’électricité obtenue de la fission, des énergies renouvelables et des combustibles fossiles. La fusion a donc un rôle-clé à jouer sur le marché de l’énergie du futur, avec le potentiel de produire au moins 20 % de l’électricité mondiale d’ici à 2100. La fusion a été plus difficile à stabiliser en expérimentation, mais les éléments requis pour la fission sont bien sûr limités. L’uranium-235, utilisé dans la plupart des réacteurs nucléaires commerciaux, est une ressource non renouvelable qui finira par s’épuiser, tout comme les combustibles fossiles. Les ingrédients de la fusion (isotopes d’hydrogène tels que le deutérium et le tritium) sont disponibles en quantité infinie et ont un rendement énergétique potentiel plus important. Le deutérium peut être extrait de l’eau et le tritium est produit à partir du lithium, qui se trouve en grande quantité dans la croûte terrestre. Il n’y a pas
Une image infrarouge de l’intérieur du tokamak JET, au Royaume-Uni, montrant l’intensité de la chaleur sur les murs.
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ÉNERGIE
ÉNERGIE
La fission nucléaire
La fission nucléaire
non plus de danger radioactif, car les combustibles nécessaires sont utilisés dans de très petites quantités et les déchets radioactifs sont très faibles. Tous les sousproduits et déchets peuvent être recyclés en cent ans.
DES DÉVELOPPEMENTS PROMETTEURS
Cette image composite montre comment le plasma est généré dans un tokamak. Seuls les bords “froids” du plasma sont vus ici car le plasma est si chaud qu’il irradie seulement dans l’ultraviolet.
Terminé en 1983, le tokamak JET représente une étape majeure vers l’amélioration de la méthode de fusion au deutérium-tritium.
Une vue en coupe du tokamak ITER en construction en France. Il fera près de 30 m de hauteur et produira 500 MW d’électricité.
La salle de contrôle à distance du tokamak JET, où les mises à jour sont installées à l’aide de bras articulés.
L’AVENIR DE LA FUSION Les machines à fusion expérimentales ont à présent produit plus de 15 MW d’électricité, mais une nouvelle machine en construction en France, appelée ITER, sera capable de produire 500 MW d’énergie de fusion. ITER devrait commencer à fonctionner en 2019 mais il ne sera fonctionnel qu’en 2026. Mais malgré sa taille à l’échelle d’une centrale électrique, il faudra des décennies pour résoudre les problèmes technologiques avant la production d’une électricité stable et fiable. C.H.
La fusion nucléaire naturelle dure depuis des milliards d’années, mais l’exploitation de cette énergie est une bataille difficile pour l’humanité.
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L’essence de la fusion
En 1920, le physicien britannique Francis William Aston découvre que quatre atomes d’hydrogène sont plus lourds qu’un atome d’hélium, ce qui suggère que de l’énergie peut être libérée en combinant les atomes d’hydrogène pour former de l’hélium. Cela a fourni les premiers indices sur l’origine de l’énergie des étoiles.
Le Z-pinch
En 1946, un brevet américain est délivré aux physiciens George Paget Thomson d’Angleterre et Moses Blackman d’Afrique du Sud qui ont développé le concept de striction axiale, ou Z-pinch. Ce système de confinement du plasma utilise un courant électrique dans le plasma pour générer un champ magnétique qui le comprime.
Essais d’armes à fusion
Après la Seconde Guerre mondiale, les essais d’armes nucléaires continuent et se tournent vers la fusion. Le premier dispositif de fusion réussi est la bombe à “fission dopée” testée lors de l’opération Greenhouse en 1951, suivi par de vraies bombes à fusion lors des tests Ivy Mike (1952) et Castle Bravo (1954).
Le ZETA
Les programmes “pinch” britanniques ont mené au ZETA, le premier dispositif de fusion à grande échelle. En 1957, il enregistre des émissions de neutrons (premiers signes d’une réaction de fusion). Mais les températures ne sont pas encore suffisantes pour la fusion et les neutrons sont finalement expliqués comme étant juste des sous-produits du combustible.
© CCFE
Petite histoire de l’énergie de fusion
© BERND VDB
© UK ATOMIC ENERGY AUTHORITY
RARES SONT CEUX QUI CROIENT À DES CENTRALES ÉLECTRIQUES À FUSION COMMERCIALES AVANT 2040 AU PLUS TÔT.
Le stellarator
Les expériences de compression du plasma continuent partout dans le monde, et une nouvelle approche est tentée à l’université de Princeton : le stellarator, qui confine avec succès le plasma chaud et les champs magnétiques qui en résultent. Le nom se réfère à la possibilité d’exploiter la source d’énergie du Soleil.
Le tokamak
Des espions russes, dont Klaus Fuchs, ont passé des secrets à propos des projets nucléaires américains, et, à la fin des années 60, le tokamak T -69 est dévoilé, combinant des dispositifs du stellarator et les premiers aspects pinch dans un appareil qui améliore la performance. La plupart des recherches actuelles sont basées sur l’approche tokamak.
© ITER
Exploiter l’énergie de la fusion est très compliqué et même encore maintenant, bien que quelques résultats soient très prometteurs, rares sont ceux qui croient à des centrales électriques à fusion commerciales avant 2040 au plus tôt. Cependant, une découverte majeure a eu lieu en octobre 2013, lorsque des chercheurs américains ont finalement réussi une réaction de fusion qui a produit une quantité d’énergie plus importante que celle absorbée par le combustible. C’est un tournant décisif pour le développement commercial des centrales à fusion, mais le point où la fusion serait autonome n’est pas encore atteint. « Un dispositif de fusion génère toujours plus d’énergie qu’il n’en consomme, parce que la chaleur introduite n’est pas détruite et qu’elle s’ajoute à l’énergie produite par la fusion », a déclaré David Ward. Mais étant donné que transformer cette énergie en électricité n’est pas efficace à 100 %, il faut une énergie de
fusion bien plus importante que l’énergie de chauffage du système pour une centrale. « Un appareil comme JET, l’appareil européen installé au Royaume-Uni, peut rendre presque deux fois la quantité d’énergie introduite dans le combustible, mais il a besoin de beaucoup d’énergie supplémentaire, par exemple pour activer les aimants, donc il ne pourrait jamais être une centrale électrique. » De récentes expériences au National Ignition Facility, en Californie, ont utilisé les 192 rayons du laser le plus puissant du monde pour chauffer et compresser une petite capsule d’hydrogène jusqu’à ce qu’une réaction se produise. C’est une approche différente de celle du “confinement magnétique” , où des champs magnétiques puissants sont utilisés pour contenir le combustible de fusion à 100 millions de degrés dans une chambre appelée tokamak. Malgré la physique incroyable derrière l’énergie de fusion dans un tokamak, obtenir de l’électricité d’un tel système dépendrait toujours de la production de vapeur pour actionner des turbines.
JET et MAST
Le Joint European Torus et le Mega Amp Spherical Tokamak sont installés au Centre d’énergie de fusion à Culham (CCFE), près d’Oxford. Les deux projets ont réussi plusieurs étapes importantes dans les recherches sur l’énergie de fusion et JET détient le record du monde de la fusion avec 16 MW.
ITER
En construction en France, ITER est le nouveau grand espoir mondial en recherche sur la fusion : il projette de produire un rendement d’énergie énorme et de résoudre de nombreux problèmes concernant la construction de la première centrale à fusion. Il testera également la technologie des aimants supraconducteurs nécessaire pour une centrale à fusion complète.
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