Topgear #02

Page 1

PEUGEOT LÈVE LE VOILE SUR LA 308 GTi magazine

magazine

Juillet•août 2015

NOUVEAU N°2 002

magazine

E M I T L U P I R T D A LE RO

CAYMAN

GT4

TESLA MODEL S

P 85D

3’:HIKQTJ=ZUY^ZZ:?a@k@a@c@k";

M 06995 - 2 - F: 4,95 E - RD

BEL/LUX : 5,90€ - DOM/S : 5,90€ - CH : 9,30 FS - CAN : 11,25 $CAD

MUSTANG

MUSTANG LE ROAD TRIP ULTIME • Peugeot 308 GTi • Porsche Cayman GT4 • Tesla Model S P 85D • Mercedes-AMG GT3 • Honda Civic Type-R • Mini JCW • Renault Espace V • Jaguar XE • Opel Corsa OPC...

magazine


MUSTANG vs USA

esque r p u o ( 0 États 5 , s n a 50

...)

S E T A T S D E T I N U OF

G N A T S MU

s déjà, i o m s e u ng quelq a t a s u y l i M , e e r g privilè premiè e a l ue. l q u i e t e d n a t a l n r t a a l A e o v outre TopG ur au e o g t a t d n n o a haud a m c a r e u g a d n s n u e e i n e î b rique de fair es cha o d t s e nce i i t a h r r p F o i s r n t 5 e d 1 g a 0 modèle 2 s avons gardé ce ro rrivée de la Mustan es États d Nous vou omme il se doit l’a : traverser chacun t rc pour fête is de juillet ! Le bu d’origine. ys en ce mo de son pa x, non ? Ambitieu LE, NCAST N HOR RNER A U W T O IE R S : CHARL , IM A G E N O T L E IG H J U S T IN


LE DÉBUT

TEXTE : PAT DEVEREUX •LOÏC DEPAILLER

ÉTAPE 1

Non mais, sérieusement. Vous imaginez la logistique qu’il faut pour préparer un road trip passant à travers chaque État américain ?

G

KM : 2 588,6 Jours : 2.5 États à visiter

1. MAINE 2. NEW HAMPSHIRE 3. VERMONT 4. MASSACHUSETTS 5. CONNECTICUT 6. RHODE ISLAND 7. NEW YORK 8. NEW JERSEY 9. PENNSYLVANIE 10. DELAWARE 11. MARYLAND 11B. DISTRICT DE COLUMBIA 12. VIRGINIE 13. VIRGINIE OCCIDENTALE 14. OHIO 15. KENTUCKY 16. TENNESSEE 17. CAROLINE DU NORD 18. CAROLINE DU SUD 19. GÉORGIE

Comment éviter une prune dans la grande pomme : acheter une Mustang millésime 2015 !

THE START 060

NEW HAMPSHIRE Sa devise : Vivre libre ou mourir

Je transpire ! Les vitres sont fermées et la climatisation est réglée à fond, mais je sue autant que dans un sauna. Il faut dire que l’air chaud et humide circulant dans l’habitacle est déjà tellement saturé de particules d’eau qu’il ne peut pas absorber celui qui s’échappe de tous les pores de ma peau. Face à moi, le terrain de jeu favori de tout bon fan de Muscle Car américain qui se respecte : une piste de dragster... Et l’épaisse couche de gomme sur le tarmac est tellement surchauffée qu’on pourrait s’en servir comme papier tuemouche ! Histoire de me faire transpirer encore un peu plus, les tribunes sont bourrées à craquer d’une foule attendant impatiemment un moment historique. Un gros type affublé d’une barbe format XXL me fait signe d’avancer. J’enclenche la première avec en fond sonore le claquement sec du différentiel Torsen et me dirige doucement vers la ligne de départ. Dehors, des haut-parleurs poussés à fond laissent échapper une voix tout droit sortie d’une bande-annonce de blockbuster : « Mesdames et messieurs, veuillez accueillir comme il se doit la première Ford Mustang 2015 ! » Et, alors que la foule s’exécute avec entrain, j’écrase l’accélérateur, lâche d’un coup l’embrayage et me retrouve catapulté en avant. C’est le tout premier “run” de l’histoire sur une piste de drag réalisé avec une “nouvelle” Mustang. Comment je le sais ? Parce que tout ce qu’on a fait jusque-là, et que nous continuerons de faire durant les deux prochaines semaines, est une première pour le millésime 2015 de la Mustang. Vu que nous avons récupéré la première machine jamais sortie des chaînes de montage, tout ce qu’on pourra faire avec elle – un plein, un excès de vitesse, manger des chips, renverser un café dedans, n’importe quoi – sera une première mondiale. C’est bien évidemment un énorme privilège qui nous a été accordé, mais ça n’a pas été sans mal. D’abord, nous devions trouver une idée

de sujet à même de convaincre Ford de nous confier son tout premier exemplaire pour célébrer l’arrivée de la Mustang en Europe. Nous avions plein d’idées ! Certaines brillantes… d’autres moins, puis finalement nous sommes tombés d’accord pour faire le truc qui nous a semblé le plus évident. La Mustang a 50 ans. Et les États-Unis comptent 50 États. Pourquoi ne pas tous les traverser histoire d’introduire dans son habitat naturel le dernier-né d’une longue lignée de Pony Car, catégorie qu’elle a d’ailleurs inventée. Le problème, c’est que Ford a dit “oui”. Là, il nous a fallu peu de temps pour réaliser que, à moins de passer deux mois au complet là-bas, cette idée de rêve était en réalité un vrai cauchemar logistique. Après nous être usé les yeux sur Google Maps, les oreilles au téléphone et fait imploser quelques calculatrices (quelle distance sépare l’Alaska du reste des États-Unis ?), le tracé définitif de notre itinéraire ressemblait à s’y méprendre à ce qu’aurait pu tracer une araignée trempée dans de l’encre après un triple shoot de Guronsan-VodkaRed Bull. Avec le Maine sur la côte Est comme point de départ, notre route zigzague un peu dans tous les sens avant d’atteindre notre destination finale, la Californie, et plus précisément l’hôtel Sunset Marquis à Los Angeles. Distance totale à parcourir ? 18 000 km à vue de nez. En combien de temps ? Grosso modo, deux semaines. Liste des problèmes potentiels ? Nous avons manqué de papier. Un road trip inoubliable ? Y’a des chances... Coupé ou cabriolet ? V6, 4 cylindres turbo Ecoboost ou V8 ? Boîte automatique ou manuelle ? Nous avons laissé le choix de notre monture à la discrétion de Ford. A posteriori, la configuration idéale aurait été une GT et son V8 5.0 l, équipée des sièges les plus confortables et des suspensions les plus souples, le tout accolé à une boîte automatique histoire de s’économiser dans les embouteillages (et il y en a eu plein). Sauf que chez Ford, ils ont plutôt imaginé notre trajet comme

C’est toujours comme ça au début. On en reparlera dans 17 000 kilomètres.

Des fois, y a des endroits incontournables à photographier.

MARYLAND Il est illégale d’emmener un lion au cinéma.

061


LE DÉBUT un remake du Cannonball. Du coup, ils ont équipé notre Mustang avec tout ce qu’il y a de plus radical dans leur catalogue d’options. Nous avons pris livraison d’une GT (qui dit GT, dit V8) à la livrée Rouge Racing dotée de baquets Recaro et d’un pack Performance spécifique au marché US incluant de plus gros freins, des barres antiroulis de plus gros diamètre, des suspensions plus raides, des jantes de 19 pouces élargies et un rapport de pont court (0,373) couplé à un différentiel Torsen. Nous aurions sauté de joie si notre mission avait été de faire des ronds sur un circuit, mais pour notre marathon routier, c’est loin d’être la panacée. Nous ferons avec... De votre côté, trouvez-vous un canapé moelleux et de quoi boire vu que notre périple s’étale sur pas moins de 32 pages. Bouclez votre ceinture, contact, c’est parti ! « Regardez-moi dans les yeux... J’ai dit les yeux », disait un célèbre mannequin pour le lancement d’une non moins célèbre marque de soutiensgorge. Eh bien, se balader au volant de la nouvelle Mustang provoque exactement le même effet ; partout ; tout le temps ! Ça a commencé dès le premier jour, lorsque nous avons récupéré ses clefs chez Granite Ford à Rochester (New Hampshire). Et une fois le choc passé, la palette d’émotions et d’attitudes s’élargit presque à l’infini : doigt pointé, sourire, éclat de rire, ébahissement, d’innombrables high-five (nous, on dit tape m’en cinq), certains ont même chanté. Bref, cette nouvelle race de Mustang a le don de susciter l’allégresse à son passage. Quand on y réfléchit, c’est un peu perturbant. Qu’un fana d’automobile lève le pouce à notre passage, c’est logique. Mais ici, tout le monde a reconnu et apprécié la Mustang au premier coup d’oeil, comme si sa photo avait été imprimée au dos de tous les paquets de céréales. Hommes, femmes et même enfants tirant frénétiquement sur la manche de leurs géniteurs savaient immédiatement que c’était une Mustang, comme

si elle faisait partie intégrante de la conscience collective américaine. De ce côté de l’Atlantique, l’automobile est bien plus qu’un moyen de transport, c’est un art de vivre, voire pour certains une religion. Chez nous, quand quelqu’un commet une infraction au volant d’une automobile, les témoins se souviennent de la couleur. Ici, ils vous déballeront sans réfléchir la marque, le modèle et même l’année de fabrication. Surtout si c’est une Mustang. C’est le cas de Kim, charmante maman jouant avec ses enfants sur une plage du Maine au moment où nous effectuons notre premier arrêt. Le moteur est à peine coupé que les marmots ont déjà tous lâché pelles et seaux pour courir voir la bête d’un peu plus près. Kim sait que c’est la nouvelle Mustang, vu qu’elle travaille dans la concession Ford du coin. Les enfants aussi le savent, même s’ils sont bien incapables de l’expliquer. « On sait, c’est tout », lâchent-ils surexcités. Après avoir farfouillé dans tous les coins de l’habitacle en laissant du sable un peu partout puis fait des selfies depuis le siège passager, le verdict tombe : « Elle est super cool ! » C’est court mais plutôt de bon augure pour la carrière à long terme de cette nouvelle Mustang, vu que ce sera presque un modèle de collection quand ces mouflets seront en âge de conduire. Fin de la pause, faut pas traîner vu qu’il nous reste encore 18 États à traverser en moins de 48 heures. La première étape de notre périple nous fait traverser le Maine (1), à l’extrême nord-est des USA, puis serpente le long de toute la côte Atlantique (inspirez profondément !) : New Hampshire (2), Vermont (3), Massachusetts (4), New York (5), Rhode Island (6), Connecticut (7), New Jersey (8), Delaware (9), Maryland (10), Pennsylvanie (11), Virginie (12), Virginie-Occidentale (13), Ohio (14), Kentucky (15), Tennessee (16), Caroline du Nord (17) et du Sud (18) avant de faire halte à Atlanta en Géorgie (19),

Même de très loin, tout le monde reconnaît la nouvelle Mustang.

VIRGINIE OCCIDENTALE Vous pouvez manger tout ce que vous écrasez sur la route. Légalement.

06 2

OHIO Il est interdit de faire boire de l’alcool aux poissons.

TENNESSEE Sept Etats sont visibles depuis le sommet de la montagne Lookout près de Chattanooga.

063


LE SUD PROFOND

ÉTAPE 2

G

KM : 6 038,2 Jours : 5 États à visiter

Moche, pas mais très popratique je vous prés pulaire, un “donk” ! ente

lieu où la deuxième équipe prendra le relais. Bref, à part pour mettre des images en boîte, interdiction de flâner, d’autant que nous allons devoir naviguer à vue plutôt qu’au GPS intégré qui a la fâcheuse tendance à vouloir tirer au plus court. Pas pratique quand on a l’obligation de traverser 19 États. De toute manière, notre GPS est fâché avec notre accent. En mouvement, nous ne pouvons communiquer avec lui que par la voix et après avoir tout essayé (parler lentement, plus fort, imiter l’accent yankee...), rien n’y a fait. Après nous être finalement arrêtés pour débloquer la programmation manuelle, ce qui s’est affiché à l’écran nous a donné des sueurs froides : d’après lui, il n’y a pas 50 États mais 66 ! Des nœuds dans l’estomac à l’idée que notre sujet vient de tomber à l’eau, nous avons regardé plus en détail la liste puis poussé un soupir de soulagement. GPS local oblige, il intègre tous les territoires sous pavillon américain comme Puerto Rico, les îles Vierges, Guam, les îles Samoa et douze autres régions habitées. Et c’est pas fini ! En effet, vous pouvez encore rajouter à ce chiffre neuf autres destinations inhabitées, comme l’île Baker, portant le total à 75 ! Le système de navigation n’a pas été notre seul problème. La boîte manuelle à six rapports, qui nous a donné du fil à retordre dans les embouteillages de Boston et de New York, semblait anormalement ferme et bruyante.

Besoin de rodage ? C’est ce que nous nous sommes dit, mais après quelques milliers de kilomètres, consistance et fond sonore sont restés identiques. Du coup, nous nous sommes fendus d’un petit coup de fil à l’usine pour savoir si notre boîte n’avait pas un problème. Réponse de Ford : « Non, c’est comme ça tout le temps. » Le pack Performance dédié à la GT V8 a presque été développé avec une seule idée en tête, battre les chronos de la Boss 302 de 2013, variante la plus efficace de la précédente génération. Ford nous assure que c’est le cas, ce qui, au demeurant, est très impressionnant. Mais il y a un prix à payer, notamment en ville. Avec une démultiplication finale plus faible, tous les rapports sont plus courts, voire trop dans le cas de la première. Dans le même ordre d’idées, le Torsen motrice beaucoup mieux qu’un différentiel à glissement limité classique mais donne l’impression que les cardans ont un jeu excessif quand on roule aux vitesses légales. De toute façon, ce Torsen ne fait pas partie de la dotation des versions européennes, pourtant équipées d’office d’un pack Performance. Ne vous sentez pas floué, à moins d’être un pistard acharné, vous n’en voudriez pas. Et c’est tant mieux car cette singularité ne doit surtout pas éclipser un aspect majeur : cette Mustang est infiniment plus aboutie que sa devancière. D’abord il y a le design qui modernise tous les éléments de style du modèle originel sans en perdre l’âme. Et puis il y a l’intérieur s’inspirant de l’aviation avec ses cadrans très… Bell&Ross, la grosse bande de métal barrant le tableau de bord, ou encore les basculeurs permettant d’ajuster l’assistance de direction et les modes de conduite. Il y a bien encore quelques endroits où le plastique aurait mérité d’être de meilleure qualité,

GÉORGIE Premier producteur de cacahuètes, de noix de pécan et de pêches.

064

notamment dans la zone autour du frein à main, mais la finition et les ajustements ont fait un énorme bond en avant. Et puis, surtout, il y a le châssis, qui a définitivement bazardé son antique essieu rigide au profit de suspensions indépendantes. Au volant, cela se traduit par une voiture qui semble plus lourde, comme “posée” sur le bitume, spécialement à l’arrière. Mais ce n’est qu’une illusion puisque que cette nouvelle architecture n’ajoute que 25 kilos sur la balance. Autre dommage collatéral des suspensions modernes, on a l’impression de rouler moins vite. Avec les anciennes Mustang, l’arrière devenait de plus en plus baladeur à mesure qu’on haussait le rythme. Ici, le comportement de cette Ford demeure homogène y compris quand on la pousse dans ses derniers retranchements, et même au-delà. Le gain en efficacité est spectaculaire, et c’est un ancien propriétaire de Mustang qui vous parle ! En Europe, Ford a toujours eu la réputation de produire des voitures qui tiennent la route et ce millésime 2015 de la Mustang en est une nouvelle démonstration. Cette impression ne fait que se confirmer à mesure qu’on se rapproche des montagnes de Blue Ridge. Malgré l’oppressante présence des policiers – un job visiblement très en vogue dans la région – la Mustang trouve ici un terrain de jeu bien plus à sa mesure qu’un centre-ville embouteillé. Et malgré la fatigue, je regrette presque de devoir passer le relais à la deuxième équipe pour la suite de notre road trip. À Atlanta en Géorgie, nous avons choisi comme point d’échange un Holiday Inn situé juste à côté de l’aéroport. Sur le papier, ça avait l’air d’un coin parfait. Le genre d’endroit où il ne se passe jamais rien. Grave erreur...

20. ALABAMA 21. FLORIDE 22. MISSISSIPPI 23. LOUISIANE 24. ARKANSAS 25. TEXAS 26. OKLAHOMA 27. KANSAS 28. MISSOURI 29. ILLINOIS 30. INDIANA 31. MICHIGAN 32. WISCONSIN 33. MINNESOTA 34. DAKOTA DU NORD 35. DAKOTA DU SUD 36. IOWA 37. NEBRASKA 38. WYOMING 39. COLORADO

Un autre État, un autre sticker. Piers Ward va finir par manquer de place.

Après une première étape plutôt calme, Dan prend les rênes pour la suite du périple qui s’annonce moins évidente… La dernière fois que je me suis baladé dans l’Amérique profonde (celle du Sud), j’ai bénéficié d’une remise à niveau accélérée sur le droit constitutionnel, notamment le deuxième amendement qui garantit à tout citoyen américain le droit de porter des armes. Mon instituteur du moment, un biker probablement agacé par mon dépassement optimiste, m’a rafraîchi la mémoire à l’aide d’un Colt 45, pointé d’une main experte sur mon genou. Rassurez-vous, tout s’est bien terminé. Après quelques paroles apaisantes (j’ai supplié), il m’a laissé partir en promettant de ne jamais remettre les pieds dans le comté.

Si on devait juger le Sud uniquement à ce qu’on voit sur le bord de ses routes, la faune locale se résume à une bande de mâles obèses amateurs de feux d’artifice (si, si) passant leur temps à 1 : chercher des noises aux autres mâles obèses (ou non), et 2 : régler ça devant un juge. Dès les premiers kilomètres de cette deuxième étape, la forêt de panneaux publicitaires géants donne le ton. Le cowboy Marlboro a été remplacé par des avocats bon marché et des messages rappelant que le Seigneur nous regarde et que tuer – ou avorter – c’est mal. Et entre chaque panneau, des boutiques de feux d’artifice ponctuent notre

FLORIDE Le point le plus élevé au dessus du niveau de la mer est de seulement 95 mètres.

065


LE SUD PROFOND parcours aussi sûrement que des bornes kilométriques. Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien fêter par ici ? Pour voir autre chose, il faudrait probablement aller musarder au-delà des stations-service jalonnant les Interstate (autoroutes reliant chaque État). On aimerait bien, ne serait-ce que pour manger autre chose que des hamburgers qui feraient passer un Big Mac pour un plat étoilé au Michelin, mais on n’a pas le temps ! En quittant Atlanta, le compteur de la Mustang affiche déjà 2587 km, mais il devra indiquer 8530 quand nous tendrons les clefs à l’équipe qui nous attend à Denver. Et d’ici là, le côté droit de notre monture s’ornera des 19 autocollants supplémentaires, soit un pour chaque État restant à traverser. Tout ça en cinq jours. Présentée comme ça, la balade a l’air sympa. Mais ce sont nos prédécesseurs qui ont eu droit aux plus belles sections. Pour nous, ce sera tout ce qu’il y a au milieu de la carte, pour l’essentiel des États produisant des céréales. Sincèrement, entre le massif des Appalaches à l’est et les Rocheuses à l’ouest, le paysage oscille entre herbe, blé, maïs et quelques autres trucs qui ont bon goût une fois mélangés avec du lait. Honnêtement, il y a également plein de coins incontournables recommandés par les guides touristiques mais nous allons presque tous les rater. C’est le seul aspect négatif de notre

Un de nos 32 pleins. Au total, la Mustang aura consommé 1 630 litres d’essence. Les panneaux Fo rd sont omniprésents. Aux “States”, c’est presque une religion.

Une petite pointe ? Non, trop de policiers... Ici le moindre excès de vitesse se traduit par une amende.

066

ARKANSAS Le 27ème plus gros État des USA.

En contrepartie d’un volant plus léger à tourner, la quantité d’informations remontant dans le volant est moindre mais cela se révèle plutôt un avantage dans notre cas. Premièrement, cela limite les coups de raquette dans le volant au passage des innombrables nids de poule. On est très loin de la qualité du réseau Hexagonale. Et bien que l’Interstate bordée de pins coupe en ligne droite dans les marais, elle se révèlera une alliée précieuse lors de nos nombreuses manœuvres d’évitements pour épargner la faune locale. Visiblement, les gens du coin ont moins de scrupules que nous. Si vous aimez chasser, ou que vous êtes prêt à ramasser les dépouilles à moitié écrasées jonchant le bas-côté, vous pourrez vous faire un succulent barbecue à base de steak de tatous, de blancs de tortues et de côtes de ratons laveurs. Ensuite, nous enchaînons avec la visite de la Floride (21) la plus rapide de l’Histoire (voir la carte p. 63) avant de couper à travers le Mississippi (22) pour rejoindre la Louisiane (23), terrain de jeu favori de Mère Nature. Là-bas, tout ce qui est au-dessus du niveau de la mer est monté sur pilotis, routes incluses. Le gouvernement local a même pensé à indiquer sur de petits panneaux verts tout ce qui a été enseveli par les eaux. Et si ces panneaux ne vous donnent pas envie de foncer pied au plancher vers le prochain État, le nom des bleds locaux vous en convaincra peut-être. Dans le

“VOUS VOULEZ VOIR À QUOI RESSEMBLE UN REVOLVER DE LA POLICE ? FAITES UN EXCÈS DE VITESSE...”

ues ou Essaim de moustiq au relents habitacle parfumé s ? nt de mâles domina ustiques... Piers choisit les mo

MISSISSIPPI Lieu de naissance d’Elvis Presley.

parcours : pour traverser dans les temps les 50 États, nous devons suivre un chemin bizarre et sinueux qui évite la plupart des endroits intéressants. Et même quand nous y passons, c’est juste pour y faire le plein et avaler le plat du jour dans un Truck Stop local. Pendant les jours qui suivront, nous passerons en coup de vent devant La Nouvelle-Orléans, Saint Louis, Chicago et plein d’autres villes remplies de gens cultivés et bien nourris. Bref, nous sommes pressés... Mais je grille les étapes. D’abord, nous devons quitter la Géorgie et nous diriger au sud-ouest, vers l’Alabama (20) et les marécages du littoral sud, là où le golfe du Mexique vient suinter jusque dans les terres. La police locale manquant terriblement d’humour, le régulateur de vitesse de la Mustang est sagement réglé sur 70 mph (112,6 km/h). C’est l’occasion de bricoler un peu avec les différents commutateurs au tableau de bord. Côté mode de conduite, on a le choix entre Normal, Sport +, Track ou Snow, chacun ajustant le niveau d’assistance de la direction, la réponse à l’accélérateur et le degré d’intervention du contrôle de stabilité. Un autre commutateur permet également de régler indépendamment le degré d’assistance de direction selon trois modes (Normal, Sport ou Confort). Notre choix se portera sur le mode conduite Normal et une assistance de direction typée confort.

KANSAS Il est illégal de mettre une boule de glace sur une tarte à la cerise.

ILLINOIS Le tout premier McDonald a été érigé à Des Plains.

067


LE MIDWEST nord-ouest, les colons ont baptisé leurs terres de noms pleins d’optimisme. Ici, beaucoup moins : Murder Creek (le ruisseau du meurtre) ; Gashland (la terre balafrée) ; Turkey Foot (la patte de dinde). D’ailleurs, si on se fie aux panneaux d’information devant les églises locales, le seul espoir de la population locale est que Jésus revienne pour mettre de l’ordre dans tout ça. S’il adopte le style local, il débarquera en surfant pieds nus dans les bayous, vêtu d’une simple salopette, une clope vissée au coin de la bouche. Rien qu’à cette idée, notre arrêt dans la banlieue de la Nouvelle-Orléans se transforme en ravitaillement type F1 et le reste de notre traversée s’effectuera de nuit, ce qui n’est finalement pas plus mal. En remontant vers le nord-ouest sur l’Interstate 49, nous faisons un autre arrêt éclair près d’Alexandria (trois minutes sont amplement suffisantes pour se faire attaquer par une horde de criquets enragés) avant de passer la nuit, ou ce qu’il en reste, dans la ville de Texarkana, à cheval entre deux États. Dix points à ceux qui devinent lesquels. Ça fait six États de plus, soit 25 au total. Allez, plus que 25. En écartant les rideaux le lundi matin, les marais ont été remplacés par des ranchs, nous sommes désormais au pays des cowboys. Accessoirement, la température est plus agréable. Même le V8 de la Mustang semble apprécier le fait que le thermomètre soit passé de 38 à 27 °C. Oui, on sait qu’un quatre cylindres turbo est également

disponible, mais ce choix judicieux pour le portefeuille ne remplacera jamais les gargarismes syncopés d’un gros V8 au ralenti. Sur ses terres natales, un autre choix aurait été déplacé. Et puis ici, même si l’essence est de mauvaise qualité, au moins elle n’est pas chère. Nous passerons la plus grande partie de la matinée dans l’Arkansas (24), État dont le natif le plus célèbre est Bill Clinton. D’ailleurs, c’est la seule célébrité du coin. L’endroit est charmant avec des vallées boisées à perte de vue, chacune abritant une ferme proprette et une grange rouge. Avec un peu d’imagination, nous pourrions nous croire dans un épisode de La Petite Maison dans la prairie. Les panneaux publicitaires ont presque tous disparu et nous nous disons que, finalement, le cœur de l’Amérique est un endroit plutôt agréable. Notre route nous fait sortir un temps de l’Interstate en empruntant une route serpentant doucement au creux des vallées et, miracle, nous trouvons même quelques vrais virages. Calé en mode Sport, la direction se raffermie juste comme il faut. Les remontées d’informations sur le grip disponible ne sont toujours pas au niveau de ce qu’on trouve de plus sportif dans la production germanique mais le guidage du train avant est remarquablement précis et votre fessier calé dans le bacquet Recaro est parfaitement informé de ce qui se passe aux quatre coins de la Mustang. Les réglages spécifiques des amortisseurs du pack Performance apportent la

bonne dose de fermeté pour limiter les gros transferts de masse sans trop dégrader le confort général. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les versions européennes en seront équipées d’office. Le compromis général donne à la Mustang des airs de GT dynamique, laissant à la future GT 350 le rôle de sportive plus radicale. Nous piquons à gauche pour traverser un coin du Texas (25) puis entrons en Oklahoma (26) avant de monter pour traverser le Kansas (27). Ensuite, nous bifurquons sur Joplin, Missouri (28), pour emprunter une portion de la vieille Route 66. À l’époque, c’est là que vous auriez trouvé l’Amérique authentique, celle des wagons de train reconvertis en restaurants et des motels roses, leurs parkings bourrés à craquer de Hudson et de Studebaker. Nous aimerions bien ajouter la Mustang à la liste mais elle n’est arrivée que bien plus tard, en 1964. Le président Eisenhower avait déjà lancé son grand programme de construction des Interstates, scarifiant le paysage des longs bandeaux de bitume qu’on connaît aujourd’hui et tuant au passage tout un pan de la culture automobile américaine... mais donnant un cadre et une trame géniale pour l’un des meilleurs longs métrages Pixar. Dans ce cadre chargé d’histoire, la Mustang raccourcit les distances avec entrain. C’était hier ou presque que nous quittions Atlanta. Aujourd’hui, nous traçons à travers le Missouri direction nord-est et nous nous apprêtons à

affronter le pire orage que j’aie jamais vu. Le ciel, noir de nuages, bat au rythme des éclairs électriques blanc et pourpre frappant frénétiquement la terre ferme. Suivant la distance de l’impact, l’ambiance alterne entre rave party et Photomaton géant... Puis c’est le tour de la pluie. Diluvienne, forcément, et les incessantes projections des camions arrivant en sens inverse sont d’une telle puissance qu’elles rendent nos essuie-glace inopérants. Le seul moyen de ne pas finir dans le bas-côté consiste alors à se guider au son des cat’s eyes (yeux de chat) : des catadioptres insérés régulièrement au milieu de la chaussée. Ça durera jusqu’à ce qu’on passe en Illinois (29). La voiture s’est plutôt bien accommodée de ce traitement. Nous beaucoup moins. Dormir, vite ! À l’aube de notre troisième jour, nous nous réveillons à Terre Haute [en français dans le texte], Indiana (30), patrie de Ron Burgundy et ville voisine d’Indianapolis. Et si nous allions jeter un coup d’œil ? Une fois arrivés devant le fameux Motor Speedway, une charmante vieille dame nous autorise à entrer sur le site des 500 Miles le temps de prendre quelques photos et d’étaler notre carte sur le capot pour faire le point. Nous aurions bien aimé faire quelques tours de l’anneau, mais nous manquons de temps. À la place, nous faisons un crochet de 290 km pour un bref arrêt là où est née la Mustang, dans le Michigan (31). Là-bas, les sobres messages sudistes ont été remplacés

par des publicités vantant les attraits du sexe et des jeux de hasard. Ah ! l’Amérique... Mais nous n’avons pas le temps pour cela non plus. Avant de nous coucher, nous allons successivement : être coincés dans les embouteillages de Chicago, perdre une carte de crédit dans une station-service, nous en rendre compte 50 bornes plus tard, faire demi-tour, revenir et enfin traverser les frontières du Wisconsin (32) et du Minnesota (33). Quatrième jour. Dakota du Nord (34) et du Sud (35) ? OK ! Ça ressemble au Canada. Logique, ce sont les voisins du dessus. Beaucoup d’herbe, quelques bisons. Il est temps de piquer sur l’Iowa (36). L’auteur local Bill Bryson a écrit un jour : « Je viens de Des Moines. Il fallait bien que quelqu’un se sacrifie. » Ces propos obscurs prennent tout leur sens une fois que l’on arrive dans le coin. L’ambiance(ou son absence) est telle que j’ai posé mon carnet de notes jusqu’à ce qu’on arrive dans le Nebraska (37). Là-bas non plus, c’est pas la joie. Les locaux disent qu’ici, si votre chien s’enfuit, vous pouvez le voir pendant trois jours entiers avant qu’il ne disparaisse à l’horizon... C’est un peu exagéré mais ça vous donne une idée du paysage. Notre dernier stop se fait dans la ville de Grand Island. Curieux comme nom, il n’y a pas d’île ici, et la ville est toute petite. Mais nous avons choisi cette destination car elle a été frappée par

plusieurs ouragans en juin 1980. Cet événement est aujourd’hui connu sous le nom de “la nuit des tornades”. Six personnes ont été emportées et deux cent de plus ont été blessées. Ceux qui avaient réussi à rejoindre un abri avaient découvert en sortant que leur maison n’était plus dans sa ruezd’origine. En guise de monument en souvenir des disparus, ils ont empilé tous les débris dans un parc en bordure de la ville et l’ont baptisé Tornado Hill. C’est le cœur un peu serré et le ventre vide que nous sommes partis à la recherche d’un bon petit déj’ avant de reprendre la I-80, droite commeun i justement, pour atteindre notre destination finale : Denver. Le fait que cette autoroute trace une ligne parfaitement droite n’est pas la seule particularité de ce tronçon surnommé Lincoln Highway. C’est également la toute première voie de ce genre jamais construite aux États-Unis. Elle longe le “chemin de l’Oregon”, une vieille route en terre empruntée par les pionniers pour rallier l’Est à l’Ouest. Des milliers de chariots passèrent par là, les uns derrière les autres, traçant des sillons si profonds qu’ils sont encore visibles aujourd’hui. Traverser l’Amérique à l’époque était autrement plus périlleux. Cet endroit n’était pas le plus sauvage de l’Ouest, mais si les bandits et les Indiens ne vous attrapaient pas, les hivers particulièrement rudes avaient encore une chance d’avoir votre peau.

“L’ESSENCE N’EST PAS CHÈRE, MAIS IL NE FAUT PAS ÊTRE TROP REGARDANT SUR LA QUALITÉ”.

INDIANA Santa Claus, ville d’Indiana recoit 1,5 million de lettres par an.

06 8

MICHIGAN La ville de Colon est le premier fabriquant mondial d’accessoires de magie.

MINNESOTA L’agrafeuse a été inventée à Spring Valley.

DAKOTA DU SUD Le sculpteur Gutzon Borglum a immortalisé les présidents sur le Mont Rushmore.

069


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.