Institut d’Urbanisme de Paris
MASTER « URBANISME ET AMENAGEMENT »
Mention « URBANISME » Mémoire 1ère année
Christelle DERI
La Smart City à l’épreuve de l’action publique locale
Directeur de mémoire : Jean-François DOULET
2015
REMERCIEMENTS
Merci à mon directeur de mémoire, Jean-François Doulet pour m’avoir suivie dans la rédaction de ce travail ainsi que pour ses conseils judicieux. Merci ensuite aux différents professeurs de l’IUP pour leurs enseignements qui ont pu alimenter et influencer d’une façon ou d’une autre la réflexion de ce mémoire. Un grand remerciement pour la Fondation Internet Nouvelle Génération, et plus particulièrement à Marine Albarede et Matthieu Gouret, pour l’intérêt porté à ce mémoire ainsi que pour le temps qui m’a été accordé lors de notre entretien. Grand remerciement également au M. Wang Hongyang pour son point de vue éclairé
Merci enfin à : Mes parents, pour leurs corrections et leur aide ; Mes grands-parents, pour leur accompagnement ; Marc-Antoine, pour son soutien et son esprit rationnel ; Mes amis et colocataires, Christopher et Adrien, pour leurs conseils graphiques et leur écoute ; Ma fanfare, pour les moments de détente passer à leur côté ; Enfin à mes amies et amis, de l’ENSA-V ou de l’IUP, pour leur écoute et soutien tout au long de ce mémoire.
SOMMAIRES INTRODUCTION ........ P.07
PARTIE 1 - LA SMART CITY: DE L’UTOPIE AUX MODELES URBAINS........ P.10
1.1 La “Smart City” : une nouvelle utopie .......... p.12
1.1.1 La genèse de l’idée d’une “ville intelligente” .......... p.12 1.1.2 Les précurseurs de la Smart City .......... p.12 1.1.3 Les imaginaires de la Smart City .......... p.15
1.2 La Smart City : un nouveau modèle urbain .......... p.17
1.2.1 La genèse du modèle .......... p.17 1.2.2 Les composantes du modèle .......... p.18 1.2.3 Un ou des modèles ? .......... p.23
PARTIE 2 - LES APPLICATIONS DU MODELE DE SMART CITY EN FRANCE .......... P.31
2.1 Le contexte français .......... p.32
2.1.1 Genèse de la ville française et du numérique .......... p.32 2.1.2 Les acteurs de la Smart City .......... p.33
2.2 Le « paradis numérique » de Issy-les-Moulineaux .......... p.42
2.2.1 2.2.2 2.2.3 2.2.4
Grand Paris Seine Ouest : un pôle économique majeur de l’innovation numérique .......... p.42 Une politique publique locale de développement des outils du numérique aux services des habitants et des usagers .......... p.46 Issy Grid, à la recherche d’une ville durable .......... p.50 Une politique publique trop locale et fortement médiatisée .......... p.51
PARTIE 3 - VERS UNE SMARTER CITY .......... P.57 3.1 Les limites de la Smart City en France : de possibles moteurs de changement .......... p.58 3.1.1 La question de la Big DATA .......... p.58 3.1.2 La question de la fracture numérique .......... p.59 3.2 La ville intelligente et innovante “d’envbas” .......... p.60 3.2.1 La ville collaborative .......... p.60 3.2.2 L’innovation venue d’en bas .......... p.61 3.3 Vers une nouvelle gouvernance de la “Smart City” .......... p.63 3.3.1 La villes des intelligences .......... p.63 3.3.2 Entre top-down et bottom-up : la « Smarter city » .......... p.64
CONCLUSION ........ P.67
ANNEXES ........ P.72
BIBLIOGRAPHIE ........ P.82
INTRODUCTION
Le choix du sujet et les questionnements qui prennent place dans ce travail font suite à un premier mémoire réalisé à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles qui s’intéressait aux outils numériques d’internet, et les stratégies collectives qu’ils permettent, comme des vecteurs de développement d’une conception collaborative de la ville. Ce travail initial avait permis une première approche de la question d’un renouveau de la ville et de sa gouvernance au travers des technologies de la communication et de l’information (TIC). Néanmoins, sa vision avait été essentiellement techniciste, dans une volonté de définir l’interface internet et ses différentes composantes (cartes interactives, mises en récit, forum, système de régulation) favorisant une participation citoyenne accrue et plus efficace. L’enjeu de ce nouveau mémoire est alors d’approfondir la question de l’utilisation des technologies du numérique comme outil de gestion, mais aussi de renouveau et de création de la ville, au travers du concept de la « Smart City », du point de vue des politiques publiques. Depuis maintenant quelques années, mais avec une recrudescence particulière au cours des deux dernières, un nouveau terme émerge dans les médias spécialisés, ou non, pour définir ce qui semble être un nouveau concept urbain : la « Smart City » et sa traduction française la « ville intelligente ». Pas un jour ne se passe sans un nouvel article ou bien des reportages sur le sujet. Certains l’annoncent comme une nouvelle utopie, d’autres comme un véritable renouveau dans les manières de penser, de faire mais aussi de vivre la ville. D’autres encore sont plus alarmistes et voient dans certaines des composantes technologiques du modèle, des outils de contrôle et de surveillance. Mais peu importe les points de vue, le constat se fait : la « Smart City » questionne. Qu’est ce donc alors qu’une « Smart City » ? Comment rend-t-on la ville intelligente ? Selon un sondage, mené par la société m2ocity, près de la moitié des français ignore le sens de ce nouveau concept urbain1. Certains par exemple le définissent à tort comme un lieu où seraient regroupés étudiants, chercheurs et professionnels autour de thématiques communes. Mais force est de constater que les professionnels (urbanistes, ingénieurs, sociologues etc.) eux-mêmes ne peuvent apporter une seule et unique définition claire de la notion de « Smart City ». Lors des séminaires sur le sujet, le débat revient sans cesse opposant des conceptions du modèle réellement différentes, certaines plus technicistes d’autres plus sociologiques. Certaines personnes interrogées avouent même ne pas pouvoir définir réellement la « ville intelligente ». Cependant, malgré l’absence d’une définition claire, de principes et règles propres au concept urbain de la « Smart City », cette dernière, à l’inverse de nombreux autres concepts, fait projet. 1 Etude m2ocity, « Ville de demain 2015 : regard citoyen, villes intelligentes initiatives durables : les municipalités déconnectées de leurs citoyens ? », novembre 2014 Disponible sur : http://www.m2ocity.com/
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On voit progressivement se multiplier, en France comme à l’international, des villes nouvelles « intelligentes » ou encore des projets de villes ou de quartiers résolument tournés vers le concept de « Smart City ». Comment alors se mettent en place ces projets en l’absence d’un modèle clair ? Existe-il d’ailleurs un ou des modèles de « Smart City » ? Peut-on, finalement, parler de modèle ou, comme le propose Wang Hongyang, Professeur au département d’urbanisme de l’université de Nankin, d’un mouvement global2 face à des enjeux urbains toujours plus nombreux et complexes ? En France, les initiatives de développement de « villes intelligentes » se multiplient sur le territoire. Les grandes et moyennes métropoles, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice etc., succédant à de plus petites villes pionnières de la région parisienne et de la province, se sont tour à tour lancées dans l’élaboration de projets de ville résolument orientés « smart ». Un doute toutefois se forme devant l’importante médiatisation de l’ensemble de ces projets : s’agit-il véritablement de projets de ville ou bien la « Smart City » constitue-t-elle un argument marketing fort pour attirer les investisseurs et les populations dans un contexte de compétitivité des territoires ? La littérature sur le sujet démontre d’ailleurs une dominance d’actions locales sans réelle synergie plutôt qu’un véritable programme national comme on peut l’observer dans d’autre pays. Les « Smart Cities » en France seraient donc, majoritairement, le fruit de politiques publiques locales. Face à ce constat, et devant l’impossibilité de définir un concept clair de la « Smart City », une question surgit qui sera la problématique centrale de ce mémoire : comment l’action publique locale se positionnet-elle face au modèle flou de la « Smart City » pour en retirer des objectifs et des orientations pour le développement de véritables projets de ville ? De cette problématique découlent d’autres questionnements auxquels nous tenterons d’apporter une réponse au cours de ce mémoire : Quels sont les outils aux mains de l’action publique dans l’élaboration de tels projets ? Quelles en sont les modalités de gouvernance? Dans des contextes politiques, économiques ou même géographiques différents, l’action publique locale s’approprie-t-elle le modèle initial de la « Smart City » pour créer son propre modèle en accord avec la politique qu’elle mène ? L’abondante bibliographie consacrée à la « Smart City » permettra par une synthèse de littérature, de tenter de définir le modèle urbain initial de la « ville intelligente ». Dans une première partie de mémoire intitulée « La Smart City : de l’utopie aux modèles urbains » nous cheminerons alors au travers de la littérature de science-fiction mais aussi d’ouvrages spécialisés afin de comprendre le concept de la « ville intelligente », dans un premier temps par les utopies urbaines l’aillant précédées et influencées, et dans un second temps par ses enjeux et ses composantes techniques admettant d’y répondre. Ainsi nous établirons le champ lexical propre à la « Smart City » qui servira de base à l’élaboration d’un schéma de synthèse de ses différents domaines d’intervention. Nous démontrerons alors la complexité du modèle initial, complexité qui semble rendre difficile l’appropriation totale de ce modèle pour en faire un projet de ville sur un territoire existant. Suite à cette étude, nous nous intéresserons, dans un deuxième temps, aux « Applications du modèle de la Smart City en France ». Il s’agira alors d’établir, grâce à une synthèse de littérature sur 2 entretien avec M. Wang Hongyang, Professeur au département d’urbanisme de l’université de Nankin, réalisé le 02/04/15 10
des exemples de projets « Smart City » français, la liste des différents acteurs de la « Smart City » en France et de cerner leur rôle respectif mais également de mettre en place le contexte du numérique en France. Puis, nous nous focaliserons sur un cas précis : la ville d’Issy-les-Moulineaux. Le choix de ce site, pour une étude approfondie des conditions de mise en place d’un projet de « ville intelligente » sur un territoire, n’est pas le fruit du hasard et va au delà de la proximité géographique. En effet, comme il sera démontré plus en détails dans la seconde partie de ce mémoire, Issy-les-Moulineaux fait, d’une part, figure de pionnière en France dans l’utilisation des outils du numérique en lien direct avec la politique publique locale et, d’autre part, la commune prend place dans un pôle de développement majeur de l’industrie numérique en Île-de-France dont elle est l’élément central. De plus, le projet de « Smart City », mis en œuvre sur son territoire, semble multithématique avec un fort pour le service aux habitants mais aussi pour le développement d’une meilleure mobilité et de réseaux d’énergie intelligents. Nous nous servirons alors des nombreux articles de presse écrits sur le sujet, de par la forte médiatisation de cette « Smart City » francilienne, mais aussi des différents sites internet et autres applications consacrés aux projets (site de la ville, plateforme open data d’Issy, site d’Issy Grid etc.) pour définir les composantes du modèle de « Smart City » d’Issy-les-Moulineaux et pour les comprendre. Nous tenterons ainsi d’établir les modalités d’appropriation du concept initial de la « Smart City » par l’action publique locale mais aussi de cerner l’importance d’autres facteurs (acteurs économiques du territoire, présence d’un écosystème en lien avec l’industrie du numérique etc.) dans l’établissement d’un modèle de « ville intelligente» propre à un territoire. Le cas d’Issy permettra également de s’intéresser aux rôles des élus locaux dans l’élaboration de tels projets au travers de la figure de son maire, André Santini, véritable initiateur d’une politique publique locale tournée vers le numérique et ses innovations. Enfin, la proximité géographique d’Issy-les-Moulineaux sera l’occasion d’un véritable travail de terrain afin de tester les différentes applications et autres composantes de cette « ville intelligente » en temps réel. La troisième partie de ce mémoire est un peu plus particulière et personnelle. Elle découle des différentes recherches menées au fur et à mesure dans les parties précédentes mais aussi d’un entretien mené auprès de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) laissant entrevoir un renversement de la problématique initiale. En effet, la « Smart City », de par les outils numériques qu’elle met à la disposition de l’ensemble des acteurs du territoire, et en particulier des habitants, et de par les attentes et les craintes qu’elle suscite, semble s’inscrire dans une logique au croisement des dynamiques bottom-up et top-down et préfigurer un changement de la régulation politique dans la conception de projet de ville. Ainsi s’est progressivement formulé une nouveau questionnement : comment les projets de « Smart Cities », à leur tour, peuvent-ils influencer l’action publique locale et peut-être provoquer un renouveau des modalités de gouvernance ? C’est à cette dernière question que nous essaierons de répondre dans cette troisième partie sur la « Smart City ».
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PARTIE 1 : LA SMART CITY: DE L’UTOPIE AUX MODELES URBAINS En urbanisme, les concepts, des prémices de leur définition à leur réalisation, semblent suivre un chemin similaire. Ils naissent souvent d’une vision utopiste, fruit d’une observation de la société urbaine, suivi d’une volonté d’opposition ou d’anticipation. De cette utopie, cette vision « sans-lieu » par étymologie, découle ensuite un concept urbain nouveau, à l’image des Cités Jardins d’Ebenezer Howard, avec ses représentations, ses règles propres et ses adeptes. Le concept est amené à être appliqué tel quel au sein d’une ville nouvelle qui en revêtirait toutes les caractéristiques, ou à s’adapter à un environnement urbain préexistant. Dans cette première partie, nous nous intéresserons à l’évolution du concept de la « Smart City », la « Ville Intelligente », au travers d’une synthèse de différentes lectures sur le sujet et par l’apport de références personnelles. Contrairement à de nombreux concepts urbains, la « Smart City » n’est pas l’œuvre d’un créateur unique. En effet, elle n’est pas issue de l’imagination d’une seule personne mais semble découler progressivement de visions multiples, parfois différentes, mais complémentaires. Cette idée d’apports multiples est d’autant plus vraie que la « Smart City » se retrouve au croisement de l’évolution de l’urbain et des nouvelles technologies qui ont un jour été imaginées avant d’être véritablement créées. Dans l’optique d’une meilleure compréhension du concept de la « Smart City », nous saisirons les prémices de l’idée d’une hybridation de la ville et des nouvelles technologies de la communication et de l’information au sein de la littérature de science-fiction et en particulier dans les romans d’anticipation. Nous nous intéresserons également à certains imaginaires mis au point par des architectes en quête d’un renouveau de leur profession. Ainsi, nous tenterons de définir l’utopie à l’origine de la « Smart City » et de ses composantes technologiques imaginées . Cette utopie, comme toute autre utopie, se nourrit de ses prédécesseurs. On tentera alors de présenter certaines utopies l’ayant précédée dont les caractéristiques se retrouvent au sein même du concept de « ville intelligente », et ce, afin de mieux en comprendre les différents aspects. Une fois les bases de l’utopie posées nous tenterons d’expliquer le modèle urbain qui en découle et ses composantes technologiques. On se posera alors la question de l’existence d’un unique modèle ou bien de plusieurs modèles « dérivés » dépendant d’un lieu ou d’un acteur en particulier.
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1.1 LA « SMART CITY » : UNE NOUVELLE UTOPIE
1.1.1 Genèse de l’idée d’une « ville intelligente » A l’image d’Antoine Picon dans son livre « Smart Cities : théorie et critique d’un idéal autoréalisateur »1 , il s’agira, pour saisir les prémices d’une idée de « ville intelligente », de se plonger dans la littérature de science-fiction. Les auteurs du genre ont su, avant qu’émerge seulement le concept de « Smart City », entrevoir les possibilités d’une hybridation des nouvelles technologies avec la ville que nous connaissons. Ils ont prophétisé l’émergence d’une ville autonome au service de ses habitants, d’une ville omnisciente et omniprésente capable de s’auto-analyser et d’agir en fonction. Bien que leurs visions servent alors une critique de la société voir une mise en garde sur ses possibles évolutions, ils restent les précurseurs d’idées qui, d’une façon ou d’une autre, ont menés vers le concept de « Smart City » et les attentes qu’il suscite. Ce prédéterminisme Picon le qualifie de caractère auto-réalisateur, un caractère qui selon-lui accompagne l’évolution du numérique. Les architectes du siècle dernier, en quête d’un renouveau urbain et architectural, ont également, à leur façon, annoncé la venue de cet hybride qui se cherchait, et se cherche peut-être encore un nom.
1.1.2 Les précurseurs de la Smart City
a) La « Ville Omnisciente »
« Une ville devient intelligente dès lors qu’elle sait exploiter ses données. »2 L’exploitation des données, leur collecte par l’intermédiaire de capteurs, et leur traitement sont des composantes essentielles de la Smart City. La ville devient omnisciente, capable de mesurer son propre pouls et de s’adapter en temps réel aux différents disfonctionnements qu’elle rencontre. Partout dans la cité, les caméras et autres types de capteurs récupèrent des informations en permanence pour les renvoyer vers des centres de traitement de données qui sauront apporter la réponse adéquate. Ce flot de données porte un nom : la Big Data. Et l’imaginaire de suivre. Les amateurs de science-fiction reconnaissent dans cette description mais surtout dans cette appellation un nom qui leur est familier : Big Brother, le chef du parti au pouvoir dans le roman « 1984 »3 de George Orwell et 1 PICON, Antoine . « SMART CITIES : Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur ». Edition numérique B2, Octobre 2013, Collection Actualité, 120 pages 2 PARIENTE, Pierre, de Villemandy, Arthur. « Une ville devient intelligente dès lors qu’elle sait exploiter ses données : interview de Joerg Firnkorn » sur : http://www.atelier.net/trends/articles/une-ville-devient-intelligente-lors-qu-sait-exploiter-donnees_435431, consulté le 19 mai 2015 à 12h30. 3 ORWELL, George. « 1984 ». Gallimard, 16 novembre 1972, Folio 14
sa matérialisation technologique au travers du « télécran ». Ce télécran, présent dans tous les foyers, à la fois capteur et émetteur, observe les mouvements des habitants. Il renvoie alors les informations captées dans un centre de télésurveillance. Le principe de « télécran » se retrouve également dans le roman « Fahrenheit 451 »4 de Ray Bradbury. Egalement émetteur et récepteur, l’écran s’adapte à la personne située en face de lui pour lui proposer des émissions en accord avec ses goûts et son humeur du moment. La publicité également est intelligente dans la ville de Bradbury, captant le passage d’un piéton, des slogans se mettent à retentir en s’adaptant à la personne en question. La ville intelligente et omnisciente est décrite au mieux dans sa complexité au sein du roman « The accidental time machine »5 de Joseph William Haldeman, comme nous le précise Antoine Picon6 . Dans ce roman, une intelligence artificielle, La, contrôle la ville de Los Angeles. Elle capte et adapte les millions d’interactions entre la ville, ses infrastructures et ses citoyens. Elle peut également apparaître face aux habitants pour les aider dans certaines tâches telles que le paiement des impôts. Au delà du caractère totalitaire et de la volonté de contrôle des masses, présents dans ces trois romans, on retrouve, dans ces différentes technologies imaginées, les prémices d’une idée occupant une place prépondérante dans le concept de « Smart City » : le rapport individualisé entre la ville et chacun de ses occupants. Une ville capable d’adapter l’offre à la demande mais aussi d’offrir à ses usagers une expérience optimale au quotidien. On retrouve également la notion de e-services poussée à leur maximum dans l’idée d’une interface holographique venant en aide aux citoyens.
b) La « Ville Machine »
Dans l’imaginaire de René Barjavel, Paris, à l’horizon 2052, est une ville machine où tout est automatisé7. Les hommes ne travaillent presque plus remplacés par des machines qui font vivre et fonctionner la cité. Les voitures circulent le long de couloir automatique à chaussée lumineuse, les gens se déplacent à bord de bus aériens automatiques, les ambiances intérieures peuvent être entièrement contrôlées à l’aide de petits cadrans, les actions humaines du quotidien sont relayées ou remplacées par des actions électriques. Paris 2052, est une ville autarcique et autonome placée sous la bénédiction de la fée électricité qui rend toutes ces technologies possibles. Les architectes de Superstudio rejoignent dans leur description de la « ville machine », un des « Douze villes idéales»8, la vision de Barjavel. Dans leur imaginaire, « Les habitants vivent dans la machine, entrainés sans arrêt par des bandes transporteuses à noria, par des glissières à conduites pneumatiques […] La machine pourvoit à tout. Le long des innombrables parcours qui 4 BRADBURY, Ray. « Fahrenheit 451 ». Paris, Gallimard, 1953, Folio SF 5 HALDEMAN, Joe. « The accidental time machine ». New York, Ace Book, 2007 6 PICON, Antoine . « SMART CITIES : Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur ». Edition numérique B2, Octobre 2013, Collection Actualité, p. 10. 7 BARJAVEL, René. « Ravage ». Paris, Gallimard, 27 septembre 1972, Folio 8 FRASSINELLI, Piero, de SUPERSTUDIO « 12 villes idéales ou Douze contes d’avertissement pour Noël : Prémonitions d’une Renaissance Mystique de l’Urbanisme »,1971 sur : http://www.rosab.net/horizon-evenements/spip. php?article4, consulté le 19 mai 2015 à 18h 15
se croisent, s’unissent et se séparent selon les incompréhensibles programmes de la machine les habitants trouvent la nourriture… » . Cette vision se retrouve également en image dans le travail de Ron Herron de l’agence Archigram et sa « Walking City », ville machine intelligente par excellence capable de se déplacer selon ses besoins en ressources diverses (voir document 1 ci-dessous). La ville machine, de par la notion d’automatisation, notamment en ce qui concerne les modes de déplacement et leur synchronisation, se révèle être une des utopies ayant précédé et influencé le
Document 1 : La Walking City de Ron Herron Source : https://www.studyblue.com/notes/note/n/architecture-since-1945-final/deck/1107149
concept de « Smart City ». Cette influence se traduit notamment dans les nombreuses recherches et expériences in-situ entreprises sur l’utilisation des NTIC comme un nouvelle outil de gestion des flux. La ville machine facilite également le quotidien de ses habitants de multiples façons. La Smart City se dirige dans ce sens multipliant les applications mobiles de gestion à distance et de réalité augmentée. On peut également voir dans les cadrans d’intérieur de Barjavel, les prémices des systèmes domotiques. Ainsi la Smart City découle d’un imaginaire ancien en lien avec la rencontre de deux paradigmes : la ville et les technologies. En résulte un prototype hybride où le minéral rencontre et fusionne avec les réseaux électroniques et autres composantes technologiques. L’interdépendance nait alors entre ces différentes composantes physiques de la « Smart City ».
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1.1.3 Les imaginaires de la « Smart City » Au delà de ces visions chimériques, la « Ville Intelligente » fait également appel à d’autres imaginaires et à d’autres concepts urbains indépendants les uns des autres mais qui se réunissent alors pour la composer. Afin de les expliciter, nous nous appuierons sur la réflexion de Dominique Boullier dans son ouvrage intitulé « L’urbanité numérique : essai sur la troisième ville »9 . L’auteur y considère la « Ville Numérique » comme la troisième phase de l’évolution des villes après la « Ville Place Forte », à vocation défensive, et la « Ville Marchande » à vocation économique et d’échange. Sans expliciter une seule et unique vocation nouvelle de la ville numérique, il y distingue cependant quatre composantes qui sont tout autant de concepts urbains avec leur vocation propre : - La « Ville Plastique » s’adapte aux contraintes (bruit, régulation thermique etc,) mais aussi à l’exigence de ses habitants (flexibilité des logements, des bureaux etc.). Une ville transformable qui prend en compte l’obsolescence. Elle est le fruit essentiellement de l’action de ses habitants qui peuvent se l’approprier pleinement. - La « Ville Mobile » voit la fin de la propriété unique du véhicule pour laisser place au partage (biens collectifs, autopartage, covoiturage etc.) tout en se dirigeant vers une expérience plus individuelle des transports en commun, plus appropriable et adaptée aux besoins de chacun. Dans cette ville, la mobilité des marchandises aussi est modifiée pour limiter les lieux de stockage et répondre de manière plus immédiate à la demande - La « Ville Mémoire » est la ville du stockage et du traitement des informations. Une ville qui se numérisera jusque dans ses formes. Elle est la ville de la mémoire car elle sauvegarde ses propres données sur son passé et son présent, et les donne à voir. Ainsi est-elle également connectée en permanence à ses habitants ou ses usagers afin de leur transmettre toutes sortes d’informations. - La « Ville Créatrice » est celle de l’émergence des connaissances et des savoirs qui sont partagés ou bien naissent du fruit d’un travail coopératif. Elle permet la capitalisation des connaissances. De la description de ces différentes villes ressortent des idées et des volontés qui sont à la base du concept de la « Smart City ». On retrouve notamment dans chacune d’entre elles la coexistence de la notion personnalisation de l’expérience urbaine. Boulier aborde également l’amélioration des mobilités, notamment individuelles, mais aussi l’adaptabilité de l’espace public comme des enjeux de l’évolution des technologies du numérique. Il émet également l’idée d’une ville didactique en interaction perpétuelle avec ceux qui la parcourent. Ainsi pose-t-il par cet essai sur la « Ville Numérique » écrit en 1999, d’importantes bases définissant ce que pourrait-être une ville intelligente. 9 BOULLIER, Dominique. « L’urbanité numérique : essai sur la troisième ville ». Paris : l’Harmattan, 1999, 183 pages 17
L’énumération de l’ensemble des précurseurs de la « Smart City » pourrait faire à elle seule l’objet d’un mémoire. Il faudrait évidemment, pour la compléter, poursuivre dans la direction du mouvement de science-fiction, notamment dans le domaine du cinéma, ou bien encore rechercher du côté de l’ingénierie les prémices d’innovation des TIC (encadré) en lien avec la ville. L’objectif de cette première partie de chapitre était de définir des bases théoriques, de dévoiler des concepts et idées qui permettent une première approche simplifiée de la notion de « Smart City ».
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1.2 LA SMART CITY : UN NOUVEAU MODELE URBAIN Nous allons désormais dans cette seconde partie de chapitre définir les composantes du modèle urbain. Ces dernières sont multiples et touchent dans leur diversité de nombreux aspects de l’urbanité allant des transports à la consommation d’énergie en passant par la citoyenneté ou encore la culture. Devant cette complexité d’enjeux liés à la « Smart City », nous nous poserons la question de l’existence de plusieurs modèles et dérivées dont les différences s’expliqueraient alors par la diversité des acteurs de la « Ville Intelligente » mais aussi, dans son caractère international, des lieux dans lesquels elle prend place.
1.2.1 La genèse du modèle Contrairement à de nombreux modèles urbains tels que la Cité Jardin de Howard ou encore l’Aérotropolis de John Kasarda, celui de la « Smart City » ne connaît pas de concepteur unique pouvant se revendiquer de son existence. La genèse même du modèle est difficile à définir tout autant que sa définition. Elle prend place dans un contexte mondial de croissance démographique exponentielle qui se traduit par une augmentation permanente de la population urbaine (environs 60 millions de nouveaux urbains par an10 ) et crée de nouvelles problématiques urbaines. Repenser les modes opératoires de production et de gestion de la ville deviens alors nécessaire. La pensée du renouveau de ces modes opératoires a été permise par l’explosion de la Big Data. La ville au contact de ses propres données, devient intelligente, évolutive et capable de s’adapter. Dès lors, de nombreux écrits émergent cherchant une définition, une conceptualisation de ce nouveau paradigme qui voit se coupler l’urbain et les NTIC. La bibliographie sur le sujet s’étoffe et les appellations depuis le milieu des années 90 se multiplient. Certaines se focalisent sur l’innovation et les nouvelles technologies : « City of bits » (1995) ou «E-topia » (2000) de Mitchell jusqu’à la « Ville 2.0 » (2009) de Eychenne pour la FING. Tandis que d’autres appellations retiennent les notions de durabilité ou encore de connaissances : « Ville Intelligente », ou encore « Eco-city » jusqu’à la « Smart City », appellation la plus employée. Cette multiplication des termes démontre la complexité de ce concept émergeant. Néanmoins, comme le rappelle l’étude « Mapping Smart Cities in E.U » 11 du Parlement Européen, des thématiques communes existent entre ces différents écrits qui peuvent être classées selon six catégories : - Mobilité Intelligente ; - Mode de Vie Intelligent ; - Environnement Intelligent ; - Habitant Intelligent ; - Economie Intelligente ; - Gouvernance Intelligente. 10 World Health Organization (2013) 11 Mapping Smart Cities in the E.U », Etude pour le Commité de l’Industrie, de la Recherche et de l’Energie du Parlement Européen, S.L : Policy Department A, 2014. 19
1.2.2 Les composantes du modèle La synthèse de littératures entreprise pour l’élaboration de ce mémoire a permis d’établir un champ lexical en lien direct avec la « Smart City ». Un schéma a alors été établi afin de démontrer l’étendu et la diversité de ce champ (voir schéma 1 ci-contre). Certains termes ou notions sont propres à la « Smart City » et il s’agira dans cette partie de chapitre de les définir. D’autres appartiennent à un champ lexical plus large mais entrent dans les nombreuses composantes du concept de « Smart City». Afin de tenter de clarifier ce dernier, ces composantes seront classées selon les six thématiques citées précédemment.
mobilier urbain
emprunte numérique
énergie verte
TECHNOLOGIES
systèmes de pilotage
agriculture urbaine
Développement Durable compteurs
GESTION
Architecture et Urbanisme
collective
capteurs
DATA
domotique
personnalisation
culture
numérisation
expériences
codes QR/NFC
gouvernance
santé réalité augmentée
économie
Smart Grid RESEAUX
Big Data start-up
Open DATA
signalétique
applications
participative
géolocalisation
PARTAGE
internet plateforme
algorythmes
sans-contact
territoires numériques
MOBILITES
Espaces collaboratifs cyber-espace
Open source
offre/demande
INNOVATION
smartphones
wifi
automatisation
e-services social
FabLab
OPTIMISATION
transport en commun autopartage
trafic
Schéma 1 : Le champ lexical de la « Smart City » Réalisation : Christelle Déri
a) Mobilité intelligente
La mobilité intelligente repose sur l’utilisation des NTIC pour faciliter les déplacements dans la ville. Elle se travaille à deux échelles différentes qui sont celle de l’individu et celle des réseaux de transports afin de répondre à des problèmes urbains tels que la congestion des infrastructures routières ou encore les inégalités liées à la mobilité.
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A l’échelle de l’individu, la mobilité intelligente repose essentiellement sur l’utilisation d’applications mobiles. Elles permettent, en travaillant sur l’intermodalité, de prévoir un itinéraire en limitant les ruptures de charges et les temps d’attente. Ces applications autorisent également le règlement des frais de transport ou de stationnement par l’intermédiaire de la technologie du sans-contact NFC. La mobilité intelligente est alors un travail d’individualisation des modes de déplacement en ville et d’optimisation de cette mobilité urbaine. Néanmoins, cette mobilité peut également se baser sur des actions collectives voyant la mise en commun des véhicules motorisés le temps d’un trajet, c’est le concept du covoiturage, ou pour des périodes beaucoup plus longues, on parle alors d’autopartage. A l’échelle des réseaux de transports, la « Smart City », par l’intermédiaire de multiples capteurs permettant la réception de données diverses et variées, prévoit la gestion des flux et des infrastructures de transport en temps réel. Elle permet notamment une possibilité de faire correspondre l’offre et la demande dans le cadre des transports en commun.
Lexique : . NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication . Applications mobiles: Une application mobile est un logiciel applicatif développé pour un appareil électronique mobile, tel qu’un assistant personnel, un téléphone portable, un « smartphone », un baladeur numérique, une tablette tactile, ou encore certains ordinateurs fonctionnant avec le système d’exploitation Windows Phone.1 . Sans contact NFC : Technologie de communication sans fil à courte portée et haute fréquence, permettant l’échange d’informations entre des périphériques jusqu’à une distance d’environ 10 cm. 2 . Covoiturage : Le covoiturage est l’utilisation conjointe et organisée (à la différence de l’auto-stop) d’un véhicule, par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet commun.3 . Autopartage : L’autopartage est un système dans lequel une société, une agence publique, une coopérative, une association, ou même un groupe d’individus de manière informelle, met à la disposition de « clients » ou membres du service un ou plusieurs véhicules.4 1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Application_mobile 2 Agence d’Urbanisme et de Développement de la Région de Saint Omer, I Solutio, « Construire la ville numérique durable », 2013, PDF, p.26 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Covoiturage 4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Autopartage
b) Mode de vie intelligent
La notion de mode de vie intelligent questionne une vision plus durable des modes de vie urbains. Elle s ‘intéresse notamment à la problématique de la gestion des énergies mais également aux questions en lien avec la cohésion sociale. Le Smart Grid est l’un des composants essentiels de cette thématique de la « Smart City ». Basé sur l’utilisation de technologies telles que les compteurs et capteurs intelligents ainsi que 21
la domotique, il prévoit une gestion optimale des énergies à l’échelle d’un ou plusieurs quartiers. Alliés à des systèmes du type domotique, ils permettent également une meilleure gestion par le consommateur lui-même. Le Smart Grid est également un outil d’information et de pilotage nécessaire pour une distribution de l’énergie répartie en fonction des besoins et un lissage des pointes de consommation qui peut concerner également les équipements publics. Les notions de collaboration, de participation et de cohésion sociale sont également au cœur de cette thématique.
Doc 2 : Schéma Smart Grid source : http://www.bouygues-immobilier-corporate.com/
Lexique : . Smart Grid : dénominations d’un réseau de distribution d’électricité « intelligent » qui utilise des technologies informatiques de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation et qui a pour objectif d’optimiser l’ensemble des mailles du réseau d’électricité qui va de tous les producteurs à tous les consommateurs afin d’améliorer l’efficacité énergétique de l’ensemble.1 . Domotique : Ensemble des techniques de l’électronique, de physique du bâtiment, d’automatisme, de l’informatique et des télécommunications utilisées dans les bâtiments et permettant de centraliser le contrôle des différents applicatifs de la maison (système de chauffage, volets roulants, porte de garage, portail d’entrée, prises électriques, etc.).2
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Smart_grid 2 « Construire la ville numérique durable », Op. Cit., p. 20
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c) Environnement intelligent
L’environnement intelligent est essentiellement un travail sur l’espace public et ses différentes composantes. Il connecte la ville à ceux qui la pratiquent par l’intermédiaire des bornes wifi et des codes QR : on parle alors de réalité augmentée. Les smartphones, et autres tablettes, deviennent de véritables récepteurs d’informations sur la ville. La signalétique et le mobilier urbain ont vocation à devenir également intelligents modifiant l’expérience du service urbain. On peut ainsi imaginer des abris-voyageurs interactifs, des plans de ville tactiles, des boîtes aux lettres numériques, etc., un mobilier délivrant des informations et permettant leur partage. Lexique : . Code QR : type de code-barres en deux dimensions constitué de modules noirs disposés dans un carré à fond blanc. L’agencement de ces points définit l’information que contient le code. QR (abréviation de Quick Response) signifie que le contenu du code peut être décodé rapidement après avoir été lu par un lecteur de code-barres, un téléphone mobile, un smartphone, ou encore une webcam.1 . Réalité augmentée : Superposition d’une image virtuelle (2D ou 3D) sur une image réelle en temps réel.2 . Smartphones : téléphone mobile disposant des fonctions d’un assistant numérique personnel. Il fournit des fonctionnalités comme l’agenda, le calendrier, la navigation sur le web, la consultation du courrier électronique, de la messagerie instantanée, le GPS, etc.3 1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_QR 2 Construire la ville numérique durable », Op. Cit., p.60 3 « Construire la ville numérique durable », Op. Cit., p.34
d) Habitant intelligent
La «Smart city» est la ville des intelligences et de la mise en commun des connaissances. Les habitants en sont une de ces composantes essentielles. Elle repose sur leurs actions, individuelles ou collectives, et sur la circulation des informations entre ces acteurs majeurs de la ville. Le cyberespace, autre composante technologique de la «Smart City », devient alors une extension de l’espace public, un lieu de dialogue et de concertation. Cette ville des intelligences donne également naissance à de nouveaux espaces collaboratifs, des lieux de co-working (les fab labs ou les pépinières de startups proposent plus qu’un simple lieu de travail partagé, ils prônent la synergie entre différentes connaissances et savoirs faires qui se rencontrent). Lexique : . Cyberespace : ensemble de données numérisées constituant un univers d’information et un milieu de communication, lié à l’interconnexion mondiale des ordinateurs.1 . Fab Lab : lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d’outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d’objets.2 1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberespace 2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab
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e) Gouvernance intelligente
L’utilisation des outils du numérique est à la base d’un véritable renouveau des services publics. L’e-service permet désormais à certaines démarches auprès des municipalités de se faire en ligne limitant ainsi les déplacements et occasionnant une certaine rapidité dans la réalisation du service en question. Les collectivités territoriales, dans cette thématique de gouvernance intelligente, mettent en place des plateformes en ligne permettant la diffusion d’informations et de données auprès du grand public : on parle alors d’Open Data. Les plateformes numériques mises en place par les autorités locales sont également l’occasion d’une gouvernance plus transversale : la participation des citoyens est facilitée par l’intermédiaire de sondages, de forums et autres cyber-lieux de discussion et de concertation. Lexique : . E-services : toutes sortes de services à la personnes proposés sur des sites internet par une entreprise, un particulier ou encore une municipalité. . Open Data : donnée numérique d’origine publique ou privée. Elle peut être notamment produite par une collectivité, un service public ou une entreprise. Elle est diffusée de manière structurée selon une méthode et une licence ouverte garantissant son libre accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière. 1 . Plateforme numérique : désigne un ensemble d’outils en ligne qui agrège l’information et permet un accès à distance de ressources numériques.2
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Donn%C3%A9es_ouvertes 2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_num%C3%A9rique_de_travail
F) Economie intelligente
A l’instar de la politique publique locale, le commerce, de biens ou de services, se voit révolutionné par les outils du numérique. Les NTIC changent les relations clients et suscitent un renouveau dans de nombreux domaines liés à l’économie tels que le marketing, la communication ou encore le service clientèle etc. Le e-commerce et le e-business révolutionnent également les moyens de productions et de distributions des biens en se basant sur un mot d’ordre : rapidité. Ces changements permettent d’envisager de plus en plus un travail sans lieu d’attache, sans locaux ni bureaux : le télétravail. L’économie intelligente trouve également sa part dans l’émergence d’un mode de pensée plus collaboratif (ex : crowfunding). A une échelle plus importante, l’économie intelligente se traduit par l’émergence de clusters thématiques qui voient réunis dans un même lieu les connaissances et les savoirs propres à un domaine en particulier.
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Lexique : . E-commerce : Le e-commerce ou commerce électronique regroupe l’ensemble des transactions commerciales s’opérant à distance par le biais d’interfaces électroniques et digitales. 1 . E-business : ensemble des techniques, des activités et des processus administratifs et commerciaux d’un individu, d’une entreprise ou d’une organisation, mettant à profit les fonctionnalités et les ressources des réseaux télématiques, de l’Internet et/ou du Web. 2 . Crowdfunding : est une expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet. Ce mode de financement se fait sans l’aide des acteurs traditionnels du financement, il est dit désintermédié.3 . Télétravail : organisation du travail qui permet d’exercer une activité en dehors des locaux de son employeur ou de son client grâce aux technologies de l’information et de la communication (Internet, téléphonie mobile, fax, etc.). Le télétravail peut s’effectuer depuis le domicile, un télécentre ou de manière nomade (lieux de travail différents selon l’activité à réaliser). 4
. Cluster : un cluster est une unité urbaine, un bloc urbain dont les activités sont homogènes. En économie, un cluster est un regroupement, généralement sur un bassin d’emploi, d’entreprises du même secteur.5 1 http://www.definitions-marketing.com/Definition-E-commerce 2 http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/e-business-241382.htm 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Interm%C3%A9diation#La_tendance_.C3.A0_la_d.C3.A9sinterm.C3.A9diation 4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_du_travail 5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Cluster
L’énumération de l’ensemble de ces thématiques et de leurs composantes est révélatrice de la complexité d’un projet de « Smart City » globalisant. Un tel projet est-il réellement possible dans une ville déjà existante ou bien le modèle de la « Smart City » dans sa globalité nécessite-t-il, à l’image de nombreux autres modèles urbains, une nouvelle page blanche ? De plus, les géants des technologies de la communication et de l’information proposent progressivement des projets « tout inclus » promettant la mise en place d’une ville « entièrement intelligente ». On peut alors se poser la question de l’existence de plusieurs modèles de « Smart Cities », qui ne seraient plus de simples modèles urbains, mais de véritables modèles économiques et technologiques exportables.
1.2.3 Un ou des modèles ?
a) La «Smart City » entre ville nouvelle et projet de ville
Certaines « Smart Cities » emblématiques et globales sont créées de toute pièce, permettant de penser la conception de la ville en parallèle de l’incorporation des nombreuses technologies nécessaires à une ville intelligente. La ville née «smart», elle n’a pas à le devenir. Ainsi l’élaboration d’un Smart Grid est facilitée par cette « tabula rasa ». Les réseaux d’énergies sont ainsi pensés à l’échelle de la ville. Les technologies y sont directement incorporées évitant d’importants travaux sur d’éventuels réseaux existants qui nécessiteraient des coupures dans 25
la distribution des énergies. Ces réseaux sont d’ailleurs pensés dans leur complémentarité dans une optique d’optimisation et non en juxtaposition. Les immeubles bâtiments, HQE (Haute Qualité Environnemental) sont incorporés lors de leur construction à cet immense réseau entièrement dirigé depuis une plateforme de gestion centrale. Les habitants sont amenés à gérer leur consommation tandis que la ville assure l’optimisation des ressources. Il en va de même pour les systèmes de transports en commun qui sont ainsi élaborés selon un unique plan projet, en amont de la conception de la ville même. Il lie de cette façon les différents modes de déplacement de manière efficace en proposant les transports collectifs, ou les transports doux, comme de véritables alternatives aux véhicules individuelles. Les NTIC permettent la gestion intégrale des flux depuis un centre de commande unique. La ville de Songdo, en Corée, est la ville de tous les modèles. A la fois aérotropolis, éco-city et ville intelligente, elle est présentée comme un laboratoire des nouvelles technologies au service d’une ville durable. Cette « ville compacte » est entièrement aménagée à l’échelle du piéton et l’ensemble des réseaux qui la composent est contrôlé par l’intermédiaire de l’utilisation de nouvelles technologies. Un pass unique permet aux habitants une multitude d’actions : le contrôle de la domotique de leur maison, le paiement des transports en commun mais aussi de n’importe quel achat, l’accès à une salle de gym etc. La vie quotidienne, sous l’étendard du sans-contact, se simplifie mais dépend entièrement des technologies. Ce modèle de ville nouvelle, entièrement conçu par l’architecte Stanley Gale12 se veut reproductible et exportable, s’appliquant sur n’importe quel territoire vierge. La « Smart City » est ainsi pensée comme un modèle « prêt-à-l‘emploi », « all included » et reproductible à l’infini. D’autres villes intelligentes sont ainsi entièrement créées tout autour du globe appliquant directement des modèles de « Smart City » sur un territoire vierge à l’image du travail entrepris par Cisco pour Dubaï (voir document 3 ci-contre). Ces modèles reproductibles posent néanmoins de nombreuses questions. Ils semblent, à la lecture de leurs sites internet de présentation, ne pas tenir réellement compte des enjeux sociaux d’une ville intelligente. La question par exemple de l’utilisation des données des habitants n’est pas connue et suscite des interrogations. De plus, de tels modèles ne pourraient s’appliquer à une ville établie où les réseaux de transport de passagers, de marchandises ou d’énergies sont déjà existants. Comment alors rendre ces villes intelligentes ? Les grandes entreprises internationales semblent avoir cerné le marché représenté par les NTIC qui sous-tendent les projets de villes intelligentes (39 milliards de dollars à l’horizon 201613 ). Elles proposent à leur tour des modèles adaptables aux différents territoires et aux volontés politiques locales. 12 http://www.galeintl.com/projects/ 13 sources : EVENO, Emmanuel, MESTRES, Jean-Michel, « Villes numériques villes intelligentes », dans la revue « Urbanisme », n°394, d’automne 2014 26
Document 3 : La Smart City de Cisco pour Dubaï sources: courtesy-Cisco Systems
b) Les modèles des Géants des TIC
Les « Smart Cities » émergentes sur des territoires urbains préexistants sont souvent le fruit de la collaboration, voir de la signature de contrats, entre deux grands acteurs : les politiques publiques locales et les grandes entreprises internationales des TIC. Ainsi l’entreprise IBM s’associe-t-elle à Montpelier « pour développer la ville intelligente » , qui comprend l’élaboration et le test in situ d’une plateforme, « Intelligent Operation Center », en lien avec la gestion de l’eau, du trafic et des risques. Mais Big Blue compte également mettre au point des contrats similaires avec d’autres villes françaises telles que Toulouse. Le modèle proposé par IBM se focalise ainsi sur des questions liées à la gestion des flux. La métropole de Lyon, quant à elle, multiplie les partenariats travaillant sur de nombreuses thématiques de la « Smart City ». Elle s’est ainsi également associée à IBM pour son travail sur la mobilité intelligente, mais aussi à l’entreprise japonaise Toshiba dans le cadre d’un contrat « Lyon Smart Communities » passé avec NEDO, une agence japonaise de soutien à l’innovation. Ce projet d’ampleur envisage de faire de Lyon « Le » quartier exemplaire en matière d’efficience énergétique . En évoluant, il a mené à de nouvelles collaborations avec notamment Veolia et Bouygues Immobilier. Le géant Orange possède également son propre secteur de développement et d’accompagnement
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des villes dans l’élaboration d’une Smart City. A l’image des forfaits téléphoniques, plusieurs « bouquets » sont disponibles s’intéressant à diverses thématiques telles que les transports en commun, les bâtiments ou encore les services publics (voir documents 4 et 5). L’entreprise a dans ce cadre déjà travaillé avec la ville de Strasbourg et sa compagnie de transport, mais aussi la municipalité de
Document 5, et 6 : Les services « Smart City » de Orange Source : http://www.orange-business.com/fr/smart-cities-expertises-services-urbains-innovants
Golf-Juan. Apparaissent ainsi, par le biais de divers facteurs, des modèles différents de « Smart Cities » allant des villes-témoin, à la fois modèle école et modèle expérimental en Europe, aux villes intelligentes globales des pays émergents.
Cette première partie de mémoire nous a permis de montrer mais aussi de mieux cerner la complexité du modèle urbain de la « Smart City ». Elle a démontré qu’il s’agissait en vérité d’un modèle multiple qui touche à de nombreuses problématiques en lien avec la ville et son urbanité. Ce modèle peu néanmoins se résumer en quatre domaines d’intervention que sont : - La Nature et le Développement durable ; - Le Vivre ensemble et les nouveaux espaces collaboratifs ; - L’Innovation, l’architecture et l’urbanisme ; - La Mobilité et les territoires numériques. Ces domaines amènent chacun son lot de thématiques et de notions propres ou non à la Smart City qui sont résumées dans le schéma ci-contre. Ce schéma, synthèse de cette première partie, servira de fil conducteur pour définir les différents modèles de « Smart Cities » prenant place sur le territoire français.
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Schéma 2 : Les domaines d’intervention de la «Smart City » Sources : http://www.smartcity.fr/europe/presentation Réalisation : Christelle Déri
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Cette synthèse de littératures et de sources diverses sur la « Smart City » nous amène également à la formulation de deux hypothèses qui serviront de trame pour la suite des recherches de ce mémoire. La première hypothèse s’intéresse à la place mais aussi au positionnement de l’action publique dans les projets de « Smart Cities » en France. En effet, face à un modèle urbain d’une grande complexité, comment se positionnent alors les acteurs de la politique publique à l’échelle locale ? Comment se réapproprient-ils le modèle ? S’agit-il alors de stratégies marketing ou de véritables projets de ville ? Cette première hypothèse est donc la suivante : L’action publique locale conditionne le modèle initial de la « Smart City » afin de l’adapter à son territoire et créer de nouveaux modèles. Pour apporter des réponses à cette hypothèse, la seconde partie de ce mémoire portera dans un premier temps sur une étude de l’historique, du contexte et des acteurs de la « Smart City » en France. Dans un second temps, elle se basera sur un travail de terrain mené sur les villes d’Issyles-Moulineaux et de Nice afin de définir leur modèle respectif de ville intelligente et les différents facteurs ayant mené à leur mise en place. La seconde hypothèse s’intéresse à la « Smart City » en France dans un contexte plus global. Elle vient quelque peu ¬à contre courant de la première hypothèse et questionne l’influence du modèle de la « Smart City » sur l’action publique : La « Smart City » en France est la possibilité d’un changement de paradigme dans l’action publique locale. Elle permet la mise en place d’une gouvernance plus horizontale qui s’appuie notamment sur des dynamiques au croisement de logiques « top-dowm » et « bottom-up ». Nous travaillerons alors dans une troisième partie sur l’évolution des politiques publiques et de la gouvernance des territoires en lien avec la « Smart City ». Cette évolution sera abordée tant par la démonstration de changements déjà opérés que par l’énumération de ceux qui sont en cours ou à venir. On constatera alors la possible émergence d’un nouveau modèle non pas d’une ville intelligente mais PLUS intelligente, une SmartER City.
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PARTIE 2 : LES APPLICATIONS DU MODELE DE SMART CITY EN FRANCE Nous dresserons, dans un premier temps, dans cette deuxième partie de mémoire, le contexte tant économique que politique de la « Smart City » en France. Nous nous intéresserons ainsi aux différents acteurs liés à la mise en place du modèle sur un territoire réel et ce afin de comprendre l’importance de chacun et les connections qui s’établissent entre eux. Un parallèle sera ainsi fait tout au long de cette première sous-partie avec le contexte chinois. Nous mettrons alors en évidence l’opposition qui existe entre les dynamiques propres à chacun de ces deux pays dans le processus d’élaboration des « Smart Cities » : Un processus plutôt ascendant d’un côté, issu de l’empowerment des élus locaux avec la décentralisation, face à un processus descendant de redéfinition des pratiques de l’urbanisation, par l’intermédiaire du modèle de la « Smart City », initié à l’échelle nationale en Chine. Ainsi seront mis en exergue le poids et l’importance des politiques locales en France dans la réalisation de « villes intelligentes ». Dans un second temps, l’étude de cas basée sur l’expérience « Smart City » d’Issy-lesMoulineaux permettra l’observation de l’appropriation du modèle sur un territoire réel. Il s’agira alors de définir le modèle de « ville intelligente » propre à Issy-les-Moulineaux et de tenter de l’expliquer par le contexte tant économique, que géographique et politique de cette ville pionnière dans le domaine.
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2.1 LE CONTEXTE FRANCAIS 2.1.1 Genèse de la ville française et du numérique Le rapport entre les villes françaises, notamment au sein de leur administration, et les TIC remonte réellement à l’invention du minitel dans les années 80. Les possibilités offertes par le minitel poussent alors les collectivités territoriales à se saisir de cette nouvelle technologie afin d’améliorer leurs services. Néanmoins, l’informatique urbaine est perçue à l’échelle nationale, en France, comme un des enjeux fondamentaux de la modernisation de l’administration publique dès les années 601. A cette époque et pendant plus de deux décennies le gouvernement multiplie les plans envers l’innovation (plan de rattrapage des télécommunications, plan télématique, plan câble, plan informatique pour tous) A la fin des années 80, le réseau mondial Internet arrive en France mais sa diffusion massive et son utilisation par le grand public ne seront réellement effectives qu’à la fin des années 90 et au début des années 2000. A cette époque, face à la révolution industrielle des TIC, les gouvernements mondiaux se dirigent vers un aménagement numérique de leur territoire par l’intermédiaire des « autoroutes de l’information », ou leur version européenne la « société de l’information ». La France n’est pas en reste. En 2002 le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin met en place un plan baptisé « Pour une République Numérique dans la société de l’information » qui fait de l’accès à Internet une priorité d’action. Ainsi début 2004, plus de 30% des ménages français ont alors accès à Internet tandis qu’au début de 2005 ce pourcentage a quasiment doublé grâce au développement du Haut Débit et notamment de l’ADSL largement supportée par les pouvoirs publics. Les administrations se servent alors de ce nouveau support pour communiquer avec les habitants. Il ne s’agit à ce moment que d’information mais on peut voir ici les prémices de la « ville numérisée ».
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Entre temps, à partir de 1995, est menée à Parthenay, dans le département des Deux-Sèvres, une première expérience de « ville numérique » volontairement dirigée par l’action publique locale vers la notion de citoyenneté active. L’idée de participation des habitants, notamment à l’aide des TIC, voit alors le jour en France dans cette commune de 12 000 âmes. Dès lors, au tournant du nouveau siècle, plusieurs collectivités locales ambitieuses vont se lancer dans l’expérience de la « ville numérique » puis, en continuité de leurs actions, dans celle de la « ville intelligente » : Metz, la communauté urbaine du Grand Nancy, Castres Besançon ou encore Brest et Issy-les-Moulineaux. Elles s’imposent alors comme le groupe pionnier du numérique en ville.
1 Source : EVENO, Emmanuel, « Comment l’intelligence vînt aux villes » dans La Revue Urbanisme, n° 394, automne 2014 2 Source : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01139/les-debuts-d-internet-en-france.html 34
2.1.2 Les acteurs de la Smart City en France
a) Les acteurs industriels
« La ville intelligente est d’abord le fait d’acteurs industriels majeurs : opérateurs et équipementiers de télécommunication, constructeurs informatiques, intégrateurs de systèmes d’information, opérateurs de réseaux électriques, distributeurs d’énergie, entreprises de travaux publics, promoteurs immobiliers, entreprises de transport … »3 Les TIC constituent depuis un certain temps déjà une source de développement pour les grands acteurs industriels qui y voient un marché en constante expansion. Ils ont su les premiers saisir la portée des outils numériques, en les incorporant notamment à leurs systèmes de production et de distribution, et ont ainsi développé des secteurs de recherches et de développement en lien direct avec ces problématiques. La course à la 4G de 2013, entre les quatre grands opérateurs de téléphonie mobile français, est révélatrice de l’importance de ce marché. Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free ont ainsi, depuis l’obtention de leur licence pour l’exploitation du réseau de 4G en France, sans cesse amélioré leurs offres en tentant de proposer une couverture totale du territoire et ainsi attirer un plus grand nombre d’utilisateurs (voir doc.7).
Document 7 : La couverture 4G des opérateurs de téléphonies mobiles en France Souces : http://arcep.fr
3 Source : EVENO, Emmanuel, « Comment l’intelligence vînt aux villes » dans La Revue Urbanisme, n° 394, automne 2014 35
Avec le déploiement des TIC et l’émergence du nouveau modèle urbain de la « Smart City », le marché des technologies en lien avec cette dernière a été estimé à 39 milliards de dollars en 2016 alors qu’il n’en représentait encore que 10 il y a 6 ans . Les grands acteurs industriels se sont donc massivement insérés dans ce nouveau domaine de l’innovation. Ils sont tant des entreprises en rapport direct avec le développement urbain tel que Veolia, des spécialistes des énergies à l’image de Total ou Général Electrique, que des géants du monde de l’informatique telle que IBM. Certaines compagnies se lancent même dans la maitrise de l’ensemble des domaines en lien avec la « Smart City », c’est le cas de Bouygues dont l’ensemble des filiales (immobilier, télécommunication, etc.) est parfois présent sur certains projets de « ville intelligente ». Elles mettent parfois aussi leurs compétences en commun afin de proposer des services complets tant aux collectivités qu’aux particuliers. Ainsi les sociétés Cisco, Bosch et ABB vont-elles s’associer autour d’une filiale commune dédiée à la création d’une plateforme logicielle ouverte consacrée à la maison connectée et destinée aux constructeurs de matériels domestiques4. Les Start-Ups du numérique sont également un des acteurs importants de la « ville intelligente ». Elles proposent leur propre solution pour l’utilisation des TIC dans la ville ou bien développent des applications en lien avec la mobilité, la collectivité, ou encore la citoyenneté. Certaines de ces start-ups sont même impliquées directement dans des projets complexes de smart grid ou de développement d’une plateforme d’applications sur des territoires donnés. Ces différents acteurs du monde économique ont une place aujourd’hui majoritaire dans le déploiement de l’accès et des pratiques du numérique sur les territoires. Ils se dirigent, dans leur volonté de développer toujours plus leur marché, vers les collectivités territoriales et leurs représentants afin de les accompagner vers la mise en place de projets de « villes intelligentes ». De ce fait, leur conception de la « Smart City » est essentiellement servicielle et repose ainsi sur des partenariats public-privé. « Se dessine ainsi une ville « tout-intégré » où les grands industriels détiennent le monopole de l’ensemble des installations liées à la ville intelligente. Cette Smart City ne tient pas compte des dimensions sociales, culturelles et politiques et s’inscrit dans une démarche descendante. »5 Néanmoins progressivement les modèles des industriels se modifient au grès des expériences menées sur des territoires réels. Cette présence majeure du secteur privé dans le processus de mise en place de la « Smart City » pose également d’autres questions. Leurs intérêts économiques ne donnent pas par exemple une garantie de leur investissement dans des secteurs moins denses tels que les milieux ruraux et donc une égalité des territoires.
4 Source : « ABB s’associe avec Bosh et Cisco autour de la maison connectée » sur http://www.bilan.ch/, décembre 2014 consulté le 06/06/15 à 11h 5 Entretien avec Mme. Marine Albarente, employée de la FING, réalisé le 02/04/15 36
Le contexte chinois :
En 2008, IBM, lors de son forum « Lighting the smart planet constructing the smart China », propose
alors un programme : « Breakthrough of Smart City in China », afin de développer le concept de « Smart City » sur le territoire chinois. Sont alors choisies, au début des années 2010, cinq grandes villes : Shanghai, Beijing, Shenzhen, Hangzhou et Wuxi, afin de servir de territoires pilotes pour les premières expérimentations de « villes intelligentes » en Chine. Ainsi, par l’initiative du secteur privé au travers d’un acteur économique unique, émerge en Chine les prémices d’un important mouvement de développement à l’échelle nationale du concept de « Smart City ».
b) La commune et ses élus Dans le domaine de l’urbanisme, la portance politique est garante de la mise en place et de la bonne continuité des projets quelles que soient leurs échelles. Pour la « Smart City », en France, elle est essentielle. Les territoires pionniers de la « ville Intelligente », cités précédemment, se retrouvent dans un trait commun majeur : un investissement direct et majeur de leurs maires ou présidents d’intercommunalité qui ont su se montrer visionnaires. Ces différents élus locaux ont ainsi fait de l’intégration des TIC et autres technologies aux différents services publics de leur ville une priorité mais aussi un véritable atout pour le développement de leurs communes. A leur image, les communes françaises sortent peu à peu de l’idée reçue d’une utilisation d’internet seulement comme un outil d’information. Les e-services se développent en parallèle de services urbains innovants. Les territoires se modernisent sous l’action des politiques locales. On assiste, dans le domaine de la « Smart City » à un véritable empowerment des élus locaux. L’exemple de la ville de Parthenay, dans le département des Deux-Sèvres, est révélateur de l’importance des élus locaux dans les projets de « Smart Cities ». Dans les années 70, la ville, alors dans un contexte de crise économique, met en place une stratégie politique de développement économique locale mais aussi d’accentuation de sa politique envers la citoyenneté. Elle crée alors un véritable réseau entre les différents acteurs du territoire s’appuyant notamment sur l’important tissu associatif local. Dans une volonté de continuer cette politique publique salvatrice pour le territoire, la municipalité de Michel Hervé saisit l’opportunité donnée par le développement des TIC pour élaborer, en 1995, un projet de « ville numérisée ». Ainsi la municipalité modernise-telle son organisation et renforce-t-elle sa politique de citoyenneté active, internet permettant une participation du plus grand nombre. Pour financer son action, elle va notamment s’appuyer sur d’importants programmes européens (MIND, IMAGINE) mais aussi s’associer à différents acteurs privés, multipliant les expériences numériques au sein de son territoire avec toujours comme mot d’ordre la participation citoyenne. En 96, l’Etat Français reconnaît le caractère innovant et
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l’importance de l’expérience menée à Parthenay. Le projet est alors désigné par le Ministère de l’Industrie comme « d’intérêt général »6. En 2001, l’équipe municipale à l’initiative du projet de « ville numérisée » n’est pas réélue. La nouvelle équipe en place mène alors une politique moins accès sur la participation citoyenne. De plus, les aides de l’Union Européenne sont fortement diminuées. Peu à peu, le projet de « Ville Numérisée » est abandonné, et bien que la ville reste encore de nos jours une « ville numérique » exemplaire, elle a cessé toute innovation et initiative permettant une modernisation par les TIC de son action publique locale. On retient de l’expérience de Parthenay, l’importance de la place et de la politique des élus dans les projets de « villes intelligentes ». L’Etat au début de la mise en place des « villes numériques », puis des « Smart Cities » en France ne fait que reconnaître et encourager les initiatives mais n’en est pas l’instigateur. Mais, peu à peu, depuis environs 5 ans, face aux enjeux économiques et sociaux représentés par ce nouveau modèle urbain, la politique publique nationale intègre les problématiques de la « Smart City ».
Le contexte chinois :
La ville de Zhenjiang se situe dans une région d’importante croissance économique et est devenue de
ce fait une plaque tournante pour le transport régional de marchandises notamment grâce à sa proximité avec la Rivière Yangtze et avec le Grand Canal. Afin de soutenir et d’encourager cette croissance, la ville, en collaboration avec IBM a mis en place au tout début de l’année 20121 le programme « Smarter Zhenjiang, smarter tourist », vaste programme d’amélioration du réseau de bus public par une gestion en temps réelle. La ville de par cette réalisation fait alors figure de pionnière en matière d’utilisation des NTIC en ville bien que cette démarche s’inscrive à l’intérieure du programme national des « Smart Cities ». Elle se démarque néanmoins par une véritable adaptation du modèle de la « ville intelligente » aux besoins de son territoire. On voit cependant au travers de cet exemple l’importance de l’industriel IBM dans la mise en place de projet de ville en rapport avec le modèle de la « Smart City » en Chine. 1 Source : www-03.ibm.com
c) L’Etat Malgré son retard, face aux collectivités locales, l’Etat perçoit progressivement l’intérêt des TIC pour le développement du territoire français dans de nombreux domaines. Ainsi, depuis septembre 2012, le Gouvernement Français entreprend-t-il une action de modernisation de son administration et de son organisation. Dans ce sens, l’Etat rejoint en avril 2014 le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, cette initiative internationale qui réunit plus de 65 pays ainsi que des ONG autour des questions de la transparence de l’action publique et de la gouvernance ouverte. En 6 VIDAL Philippe, « La permanence d’une politique publique TIC : De Parthenay « ville numérisée » à Parthenay « ville numérique » », Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 21, 2007. 38
septembre 2014, Thierry Mandon propose également devant le conseil des ministres un projet de « transformation de l’Etat » par l’intermédiaire du numérique. Les outils du numérique sont alors entrevus à l’échelle nationale comme un nouveau support contre la crise de la démocratie. Dans la même année, la France est désignée, par une étude des Nations Unies, 4ème mondiale en matière de e-gouvernement et première en matière de e-services notamment grâce au site internet service-public.fr. Cet intérêt progressif pour le numérique comme outil de renouveau verra son aboutissement dans le courant de l’année avec la présentation par le Gouvernement de la Loi sur le Numérique. Le Gouvernement dirige également désormais des actions en faveur de l’industrie du numérique qui représente aujourd’hui une part de 5,5% du PIB7 français, part qui pourrait s’accroître considérablement d’ici 2020 grâce à la transformation numérique progressive des entreprises françaises. En 2013 est lancée, par Fleur Pellerin au sein du Ministère de l’Innovation et de l’Economie Numérique, l’initiative « French-Tech » qui vise à favoriser la croissance et le rayonnement international des entreprises numériques françaises, notamment des start-ups. Cette initiative s’inscrit en continuité des actions pour « Une République numérique » du Gouvernement Raffarin, et s’engage pour faire « du développement et de la diffusion des technologies et usages numériques un atout économique et une source de progrès social »8. Cette action politique voit sa concrétisation par la création du label « Métropole French Tech » attribué aux territoires les plus propices au développement d’entreprises du numérique, et la mise en réseau de ces derniers (voir document ci-dessous). Afin de poursuivre cette action, un partenariat a été passé le 16 février 2015 entre l’Etat et l’entreprise Cisco qui s’est alors engagée à investir 100 millions de dollars dans la « French Tech ». Au travers donc de la « French Tech » ou encore de Contrats de Développement Territorial (CDT), l’Etat devient progressivement un acteur de la « Smart City », non en tant qu’initiateur mais en temps que accompagnateur.
Document 8 : les Métropoles « French Tech » Source : http://www.magazine.grandlyon.com
7 Source : http://www.gouvernement.fr/9-chiffres-qui-vont-vous-etonner-sur-la-france-et-le-numerique 8 Source : http://www.gouvernement.fr/action/la-french-tech-une-ambition-collective-pour-les-startups-francaises 39
L’Union Européenne constitue également un acteur important des projets de « villes intelligentes » notamment en matière de financement. Les programmes pour le développement du numérique dans la ville se sont ainsi succédés depuis 2006 avec la mise en place du cadre stratégique I2010 qui encourage l’innovation numérique dans une volonté de relance de la croissance et de création d’emplois. Cette même année le projet « Living Lab » est également lancé afin d’encourager les initiatives locales liées aux TIC et de permettre une mise en réseau de ces différentes initiatives. Enfin, en 2012, est créée the European Innovation Parternship on Smart Cities and Communities qui rassemble villes, industriels et citoyens autour de l’amélioration de la vie urbaine par des solutions intégrées et durables. Le contexte chinois :
Suite au forum d’IBM, le Gouvernement chinois voit dans le développement de « Smart Cities » en
Chine une opportunité de redynamiser son développement économique après la crise de 2008, de moderniser son secteur industriel et de régénérer la compétitivité des territoires. Le modèle de la « Ville Intelligente » se voit également considéré comme un renouveau pour l’urbanisation de la Chine, urbanisation jusqu’à maintenant trop rapide suite à un très important exode rural durant les dernières décennies (environs 20 millions de départ par an du monde rural vers le monde urbain1 ) et qui est encore aujourd’hui en cours. Dans ce contexte urbain et économique particulier, le 12ème plan quinquennal, qui guide notamment la politique économique chinoise jusqu’en 2015, prévoit alors le renforcement du secteur des TIC en lien avec le développement urbain.
En 2011 est ainsi lancé par le MOHURD (Ministry of Housing and Urban and Rural Development),
un programme national pour le développement de projets de « villes intelligentes » sur l’ensemble du territoire chinois. La première phase de cet important programme voit la mise en place en 2012 de 90 cités-pilotes orientées par le « National Pilot Smart City Indicator System », sorte de guide de la « Smart City » présentant différentes étapes et grades à atteindre. La deuxième phase de 2013, voit le nombre de cités monter à 193 et la troisième phase de 2014 à 277 cités-pilotes. Néanmoins comme en témoigne la carte de situation géographique et d’évaluation des villes intelligentes en Chine en 2013 (voir document ci-contre) la répartition de ces cités sur le territoire chinois est inégale et favorise la façade maritime au détriment du centre du pays.
Parallèlement, en 2013, le groupe China Smart City Industry Alliance reçoit du MIIT (Ministry of
Industry and Information Technology) une aide financière pour ses recherches à hauteur de 50 milliards de yuan soit 8 milliards de dollars tandis que la Commission Nationale du Développement et de la Réforme (NDRC) crée la Smart City Development Aliance. Face à cette multiplication des initiatives au sein des différents ministères, le gouvernement central tente désormais d’apporter une cohérence de groupe afin de « diriger et de standardiser le développement des smart cities en Chine »2 . 1 JOHNSON, Don, « Smart city development in China », dans China Business Review, 17 juin 2014 consulté sur : http://www.chinabusinessreview.com, le 6 juin 2015 à 14h20 2 JOHNSON, Don, op.cit
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Document 9 : Répartition des villes pilotes de la Smart City en Chine en 2014 Source : Professeur Zen Feng de Nanjing University, power point de présentation au Séminaire de la Smart City en Chine à l’EUP, le 26 mai 2015
d) Les habitants
« Réduire la ville intelligente à la rencontre d’industriels et des pouvoirs locaux serait pourtant caricatural. Dans cette mutation vers une ville plus « agile » les citoyens ont aussi leur mot à dire »9 Les habitants sont, en France, l’acteur central de la « Smart City ». En effet, les actions publiques locales de développement des TIC dans la ville font de l’expérience facilitée de l’urbanité une des prérogatives principales des projets de « villes intelligentes ». Ainsi l’exemple de la « ville numérique » de Parthenay, cité précédemment, était essentiellement dirigé vers la problématique d’une citoyenneté active. Cette nouvelle citoyenneté inclut la prise en considération de leurs opinions dans les décisions importantes concernant la ville, débat public qui peut désormais se faire par l’intermédiaire des outils d’Internet, mais également leur participation à l’élaboration des projets de « Smart Cities ». Le projet de Smart Grid d’ERDF est révélateur de cette double implication des habitants. D’un côté, la modernisation du service de distribution, outre l’enjeu de durabilité, se dirige essentiellement vers l’expérience client. Les compteurs intelligents assurent désormais une gestion 9 Source : EVENO, Emmanuel, « Comment l’intelligence vînt aux villes » dans La Revue Urbanisme, n° 394, automne 2014 41
facilitée des consommations d’énergie par les consommateurs eux-mêmes. Ils peuvent ainsi, grâce à des systèmes domotiques intégrés, programmer le lancement de leurs appareils ménagers durant les heures creuses de distribution de l’énergie. D’un autre côté, le retour d’expérience et les nombreux échanges entre les utilisateurs et les techniciens d’ERDF permettent une amélioration constante du projet de Smart Grid. On comprend ainsi l’importance des habitants à la fois comme premier destinataire de la « Smart City » mais également comme moteur d’amélioration de cette dernière. Enfin, les initiatives citoyennes sont parfois une véritable source d’inspiration pour les politiques publiques en lien avec la « ville intelligente ». Leurs actions locales et non-officielles dans un premier temps se voient par l’action publique pérennisées et généralisées. On peut citer en exemple les projets de développement d’applications mobiles pour l’autopartage ou encore l’échange de biens initié par certaines collectivités territoriales, projets qui trouvent leurs racines dans des dynamiques locales déjà existantes. Ainsi progressivement, les communes mettent à disposition des habitants des outils afin de développer, par l’intermédiaire des TIC, les initiatives locales de coopération, d’échange ou de partage.
e) Les associations
Pour terminer ce tour d’horizon des acteurs de la Smart City en France, il faut désormais s’intéresser au tissu associatif, local ou national. En effet, certaines grandes associations telles que La FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) ou l’association Ville Internet ont su voir depuis de nombreuses années l’intérêt du développement des outils numériques pour les villes et les territoires. L’association Ville Internet accompagne, depuis maintenant plus de 15 ans, les collectivités territoriales dans la mise en place et dans l’appropriation des outils numériques pour le développement de leur territoire dans de nombreux domaines. Elle met ainsi en réseau les acteurs de la politique publique locale et les professionnels des TIC afin de développer des projets numériques cohérents. Leur démarche auprès des collectivités passe notamment par la création d’un Label « Ville Internet » qui récompense d’un ou plusieurs @ les villes pour leur investissement numérique et leurs initiatives locales. La FING quant à elle dirige son action, également depuis plus de 15 ans, vers l’ensemble des acteurs du territoire et vient en aide aux entreprises, aux institutions, aux universités ou encore aux associations afin d’anticiper et de gérer les mutations liées au développement des technologies du numérique et de leurs usages. Ainsi la fondation propose-t-elle une série d’ouvrage avec diverses thématiques en lien avec les outils numériques mais également avec une vision participative de la ville : « Guide de l’innovation centrée-usagers », « Fab Lab l’avant garde de la nouvelle révolution industrielle » ou encore « Bien vieillir grâce au numérique ». A une échelle plus locale, les associations de riverains ou de commerçants constituent également un outil important de la « Smart City ».
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On a vu dans la partie précédente la place importante dans la définition d’un modèle de « Smart City » sur un territoire donné des grands industriels. Ce début de partie vient néanmoins tempérer ce propos en laissant apercevoir la place de l’ensemble des autres acteurs du territoire dans les projets de « villes intelligentes ». Ils viennent, chacun à leur manière, modifier le modèle initial pour l’accorder avec les besoins réels du territoire. Néanmoins, tant en France qu’en Chine, le secteur privé reste souvent à l’initiative des projets de « Smart Cities ». Un premier élément de réponse a été apporté ici à l’hypothèse 1 de ce mémoire. La place de la collectivité territoriale, au travers des élus et notamment des maires, est prépondérante dans la mise en place d’une « Ville Intelligente » en France. En effet, à l’opposé du système chinois où le développement des « Smart Cities » découle d’un programme national et se base à l’échelle locale sur un volontarisme des politiques publiques locales, les élus locaux français sont quant à eux les initiateurs des projets de villes intelligentes. Ils en définissent les enjeux spécifiques qui mèneront à des modèles uniques de « Smart City » tandis qu’en Chine une volonté de standardisation domine malgré les différents contextes et échelles de réalisation des projets. On a vu notamment dans l’exemple de Parthenay que l’utilisation des outils du numérique venait en continuité et en complémentarité d’une politique locale déjà existante. Les élus s’approprient ainsi dans certains cas les composantes de la « Smart City » non pour faire un projet de ville mais pour poursuivre et améliorer des politiques déjà en place. Pour d’autres collectivités territoriales françaises le choix d’une politique orientée « Smart » reste néanmoins moins évident à comprendre. La multiplication des initiatives locales de plus ou moins grande ampleur laisse planer un doute sur la possible pérennité de tous ces projets. Face à une constante communication sur les projets de « Smart Cities », tant de la part des industriels que des collectivités, la question de l’argument marketing prenant le pas sur un véritable projet de ville se pose alors. Entre objet et objectifs la « Smart City » vacille. De plus, dans cette « course à la Smart City », certains territoires semblent plus favorables, de par une multitude de facteurs, à l’élaboration d’une ville intelligente. Précurseurs de l’utilisation des TIC en ville ou territoires d’innovation numérique, ces collectivités ont su réunir les divers éléments existants de leur territoire afin d’ancrer leurs « villes intelligentes » dans la durabilité et leur dynamique territoriale. Nous allons désormais nous intéresser à une de ces collectivités territoriales particulières en France : Issy-les-Moulineaux en Île-de-France. Cette étude de cas nous permettra d’une part d’étudier une politique publique locale résolument tournée vers l’innovation et la volonté de faire référence en matière de « Smart City » mais aussi d’évaluer les conditions favorables à la création d’une « ville intelligente ».
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2.2 LE “PARADIS NUMERIQUE” D’ISSY-LES-MOULINEAUX
« Une véritable cité digitale est en train de naître dans le sud-ouest parisien. Son défi : inventer les futurs usages des nouvelles technologies. »10 Issy-les-Moulineaux est une commune française du département des Hauts-de-Seine, en région Île-de-France. Par la volonté de son maire, André Santini, initiateur d’une politique locale résolument tournée vers l’usage des NTIC aux services des habitants, cette ville moyenne de 65 326 habitants11, a su progressivement s’élever d’un rôle de pionnière de la « ville numérique » au statut de laboratoire de la « Smart City » mondialement reconnu. Elément central d’un pôle économique majeur de l’innovation numérique en Île-de-France, la ville d’Issy-les-Moulineaux a su dynamiser un secteur déjà présent sur son territoire pour en faire un véritable écosystème où grands industriels et start-ups travaillent ensemble à l’élaboration des nouvelles technologies de la ville de demain.
2.2.1 Grand Paris Seine Ouest : un pôle économique majeur de l’innovation numérique La commune d’Issy-les-Moulineaux fait partie depuis 2010 de la Communauté d’Agglomération Grand Paris Seine Ouest (GPSO) qui réunit huit communes de l’ouest parisien : Chaville, Marnes-la-Coquette, Meudon, Sèvres, Vanves, Ville-d’Avray, Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux. GPSO a connu dans les dernières décennies une croissance économique très forte, caractérisée par l’arrivée d’entreprises de haute technologie, de centres de recherches et d’activités liés à la communication et aux médias. La communauté d’agglomération est ainsi devenue un moteur essentiel de la compétitivité économique de la métropole parisienne. GSPO accueille également désormais plus de 22 000 entreprises et commerces grâce, notamment, à la création d’environ 9000 entreprises depuis 1999. L’offre territoriale de la communauté d’agglomération se distingue par une importante concentration d’entreprises à forte valeur ajoutée qui font de GPSO, en grande partie par l’intermédiaire d’Issy-les-Moulineaux, un pôle majeur de la révolution numérique française (voir document ci-contre).
10 GONGUET, Jean-Pierre, « Le paradis numérique existe, et on peut le voir de la ligne C du RER », dans : la tribune.fr. Consulté le 31/05/2015 à 15h48 11 source : INSEE 2011 44
Document 10 : répartition des grandes entreprises du numérique sur le territoire des Hauts-de-Seine Source : inconnue
a) Le CDT du Grand Paris Seine Ouest : la ville numérique comme objectif
En réponse à cette mise en place progressive d’un véritable pôle d’innovation en IDF au sein du territoire de GPSO, et suite à la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, un Contrat de Développement Territorial (CDT) a été élaboré entre la Communauté d’Agglomération et l’Etat afin de développer un véritable projet territorial autour de ces dynamiques préexistantes. Le CDT de GPSO, signé depuis le 13 novembre 2013, se formalise autour de trois thématiques que sont la ville numérique, la ville durable et la ville créative. Autour de la problématique de la ville numérique, le CDT prévoit principalement un renforcement du pôle économique territorial dédié à l’innovation numérique. Dans le développement de ce secteur spécifique, le contrat préconise notamment une dynamisation de l’innovation ayant pour vocation d’optimiser la gestion de l’énergie et des ressources. Une approche expérimentale sur site et auprès des habitants sera alors préférée dans l’utilisation future de ces nouvelles technologies. Cette partie du CDT est l’un des moteurs de la mise en place du projet de « Smart City » sur la commune d’Issy-les-Moulineaux Le CDT a également pour volonté de renforcer la vocation de GPSO d’un territoire d’accueil d’entreprises en création mais aussi de grandes entreprises internationales. Cette attractivité du territoire est à renforcer par la mise en oeuvre de services innovants aux entreprises. Enfin, il préconise le développement d’une véritable synergie, au travers de partenariats entre 45
les différents acteurs du territoire, afin que ce dernier se conforte dans sa position de leader de l’économie numérique. Dans cette optique, GPSO a créé l’agence numérique Seine Ouest Digital qui assure la promotion et la mise en valeur du pôle d’innovation de l’Ouest Parisien. L’agence participe notamment à la mise en réseau des différents acteurs territoriaux par la création de lieux d’échange entre les responsables d’agglomération de Seine Ouest Entreprise et les acteurs économiques. Seine Ouest Digital s’inscrit dans la dynamique régionale de développement du secteur numérique qui se matérialise en Île-de-France par la création du pôle de compétitivité Cap Digital. 12
b) Issy-les-Moulineaux un des berceaux de l’industrie du numérique en Île-de-France
Issy-les-Moulineaux, au sein de GPSO, se trouve à l’initiative de la stratégie territoriale de développement d’un pôle d’innovation numérique. En effet, plus de la moitié des 1430 entreprises et start-ups installées sur la commune sont issues des secteurs de la communication et des technologies (voir document 10) de même que 37% des emplois salariés privés du bassin d’emploi (voir graphique 1). Parmi ces entreprises, de grands noms internationaux ont installé leur siège sur le territoire de la commune. Leur implantation est pour certaines d’entre elles très récente et s’explique par l’environnement très favorable qu’elles trouvent sur le territoire : immobilier attractif, services aux entreprises développés, main-d’œuvre qualifiée, proximité aux autres grands pôles économiques de l’Ile-de-France et une desserte en transport efficace. C’est le cas, en 2009, de la société Microsoft qui a réuni les 1700 collaborateurs de ces différentes filiales françaises au sein d’un unique bâtiment dans le quartier d’affaire de Val de Seine, en bordure de Paris. A leur côté, de nombreuses PME et Start-Ups bénéficient du rayonnement international de Issy-les-Moulineaux en matière d’innovation numérique mais également de services importants d’aides à la création et à l’implantation notamment au sein de pépinières d’entreprises spécialisées ou encore au sein du « Cube » qui propose des espaces de co-working et des réunions mettant en lien les différents professionnels du monde numérique. La communauté d’agglomération GPSO a également élaboré une « stratégie régionale d’intelligence économique » permettant la formation des entreprises à la protection de leurs données et à la lutte contre le pillage technologique. Dans une volonté de dynamisation du secteur de l’innovation numérique, Issy-les-Moulineaux a travaillé à la mise en place d’un véritable écosystème entre ces différents acteurs. Start-Ups, PME et grandes entreprises se retrouvent notamment en collaboration pour le développement des différents projets sur le territoire isséen en lien avec la « Smart City ». Le contexte économique, encouragé par le CDT de GPSO, de la ville d’Issy-les-Moulineaux constitue un terreau favorable à la mise en place d’un projet de « Smart City ». Les acteurs du territoire travaillent en collaboration à la réalisation de ce projet ambitieux et la ville a su, selon André 12 source : Contrat de Développement Territoriale de GPSO, op.cit 46
Santini, « envoyer un message positif aux investisseurs et aux entreprises qui voient Issy comme un laboratoire »13 . Une véritable dynamique se crée alors entre la volonté d’innover des entreprises du territoire en matière de TIC et les ambitions de la politique locale de faire référence en matière de futures usages des technologies au sein de la ville. Le CDT préconise un usage de ces technologies au « service du mieux vivre » s’inscrivant alors en continuité d’une action publique menée depuis plus de 20 ans par le maire d’Issy-les-Moulineaux, André Santini. Nous allons désormais nous intéresser à cette politique publique locale résolument innovante afin de tenter d’expliquer par son intermédiaire le modèle de « Smart City » propre à Issy-les-Moulineaux.
Graphique 1 : répartition employés du secteur des tic en nombre par entreprises Source : graphique réalisé à l’aide de la plateforme Data.Issy.com`
Graphique 2 : répartition des domaines des entreprises des TIC à Issy-les-Moulineaux Source : graphique réalisé à l’aide de la plateforme Data.Issy.com
13 source : http://andresantini.fr/ 47
2.2.2 Une politique publique locale de développement des outils du numérique aux services des habitants et des usagers Issy-les-Moulineaux porte son projet de « ville numérique » depuis le début des années 90 sous l’impulsion de son maire André Santini. Ce projet d’une ville innovante et intelligente se matérialise, par une première étape, lors de l’ouverture dans les médiathèques de la ville d’un accès gratuit à l’internet. Ce premier acte symbolique semble préfigurer alors une volonté d’une ville intelligente tournée vers ses habitants et leurs besoins.
a) André Santini, un « maire visionnaire »
André Santini, au côté d’autres maires ou responsables de collectivités territoriales, fait partie de cette « génération d’hommes politiques locaux pour qui internet représentait une priorité et un atout »14 . Maire d’Issy-les-Moulineaux depuis 1980, ce docteur en droit et diplômé en sciences politiques, a, dès le début de son mandat, démontré une volonté forte de renouveau de la commune. Le travail de sa politique locale sur les outils du numérique commence dès les prémices d’internet en France avec notamment en 1999 la généralisation de l’ADSL sur l’ensemble de son territoire, suivi en 2006 par l’installation de la fibre optique. La ville reçoit ainsi dès 1999 le fameux label « ville internet » et se voit récompensée de quatre @ pour sa politique d’un Internet pour tous et au service de tous. « A cette époque, nous étions les seuls, mais il faut toujours être en avance »15 précise l’homme politique sur son site internet dévoilant sa vision ambitieuse à long terme pour la ville qu’il gouverne. Ainsi, malgré ce début de reconnaissance, l’action locale dirigée vers l’utilisation du numérique ne tarit pas. En 2009, l’Intelligent Community Forum (ICF), un think thank newyorkais consacré à l’étude de la croissance économique mondiale, consacre la politique locale menée pendant deux décennies par André Santini en le nommant « Intelligent Community Visionary », le visionnaire de l’année 2009. Puis c’est au tour de la France de reconnaître le travail de l’action publique locale isséenne en décernant à son maire une « e-toile d’or » pour l’ensemble de sa carrière en faveur du numérique. Encore aujourd’hui, les projets se multiplient pour faire d’Issy une « ville intelligente ». Dans un écosystème favorable à la réalisation d’un tel projet, des expériences in-situ se mettent progressivement en place, travaillant sur les nombreuses thématiques de la « Smart City » (mobilité, e-gouvernance, smart grid etc.). La commune devient en quelques années, sous l’impulsion de sa politique locale, un territoire d’accueil des entreprises des TIC mais également un véritable laboratoire de la « Smart City » en France : « Plus nous investissons dans les nouvelles technologies, plus nous améliorons notre capacité à répondre efficacement aux attentes des habitants. C’est le sens 14 Source : EVENO, Emmanuel, IRIBARNE, Alain, « D’un modèle européen à des villes modèles » dans La Revue Urbanisme, n° 394, automne 2014 15 SANTINI, André, « Issy-les-Moulineaux doit toujours être en avance », 20 mai 2015 disponible sur : http://andresantini.fr/ consulté le 8 juin 2015 à 11h31
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de notre action et l’esprit d’innovation nous habite »16. Telle est l’action publique en marche pour la ville d’Issy, une portance politique forte pour un projet ambitieux vecteur d’un renouveau du territoire, une action résolument tournée vers les habitants que nous allons maintenant approfondir aux travers de la présentation de projets emblématiques.
b) Data.Issy.com : la data pour tous
« L’open data va permettre de répondre aux attentes des usagers mais aussi celles des entreprises locales, tout cela dans une logique de transparence de l’action publique »17. Laurence Lafont directrice division secteur public de MicrosoftFrance. En matière d’e-gouvernance, la ville d’Issy-les-Moulineaux, avec la ville de Parthenay, fait figure de pionnière en France. En effet, la commune instaure, dès 1994 et les débuts d’internet, la première version d’un e-gouvernement afin de partager des informations avec l’ensemble de ces citoyens. En 2012, la municipalité met également à la libre disposition du grand public certains jeux de données concernant son territoire sur le portail national data.gouv. Cette volonté de transparence de la politique publique locale trouve son aboutissement au cours de l’année 2015 avec le projet de Data.Issy.com, grande plateforme d’open data accessible depuis le site de la ville et qui met à disposition des citoyens de nombreuses informations concernant leur ville. La création de la plateforme de données ouvertes d’Issy a été rendue possible grâce au système de Cloud du groupe Microsoft, qui permet le stockage et le partage d’importantes quantités d’informations, mais également grâce au système « prêts à l’emploi » proposé par un autre acteur du territoire isséen : OpenDataSoft. Ainsi la ville a-t-elle pu mettre à disposition du public un nombre plus important de jeux de données, disponibles sous forme de tableaux, mais pouvant être aussi traitées, selon les besoins de chacun, sous forme de graphiques personnalisables (voir le graphique cidessous réalisé à partir du portail avec les informations et les couleurs désirées). Ces données, triées sous forme d’onglets facilitant la navigation (commerces, calendrier, famille, culture, équipements publics etc.), peuvent alors être téléchargées et sont libres de toute utilisation. Un calendrier des évènements géolocalisés à venir sur la commune est notamment accessible depuis le site. A terme, l’ouverture de contenus supplémentaires, tels que des données de transports mises à jour en temps réel, est prévue. L’ensemble des informations contenues sur le portail sont téléchargeables au format API afin d’encourager l’appropriation de ces données pour la création d’applications mobiles ou internets. Cette nouvelle plateforme permet également à la ville de rendre son action publique plus compréhensible et transparente. Les budgets provisoires, les dépenses en matière d’équipements (voir graphique 3 page suivante), les comptes administratifs de la commune ou encore la répartition de la dette par préteurs, sont librement consultables sur le site de Data.Issy.com. 16 SANTINI, André, op.cit 17 source : http://www.issy.com 49
Graphique 3 : répartition du budget des équipements publics de la commune d’Issy-les-Moulineaux en 2015 Source : graphique réalisé à l’aide de la plateforme Data.Issy.com
c) Révolutionner le e-service : le projet Smart City +
La démarche d’une gouvernance facilitée par les outils du numérique est inaugurée, à Issy, en 2002, avec l’instauration du vote par internet lors des élections des conseils de quartier (94% des votants avaient alors utilisé ce nouveau système). Cette volonté d’e-gouvernance se poursuit désormais avec l’accessibilité à de nombreux services municipaux directement depuis internet, sur le site de la ville (Issy.com), ou sur de nombreux sites annexes spécialisés. Les Isséens peuvent ainsi effectuer les demandes de place en crèche ou de rendez-vous avec les conseillers de quartier directement sur le site de la mairie. Ils peuvent également s’inscrire aux différents services d’alerte SMS (culture, loisir, prévention etc). D’autres sites internet et applications, également mis en place par la mairie, viennent compléter cette offre de service : .Issycommevous.com : plateforme numérique sociale dédiée aux isséens pour le partage de petites annonces ; .Teliss.ville-issy.fr : site annexe de la ville permettant aux parents l’organisation des activités extrascolaires de leurs enfants ; .Zenbus (voir document 11) : plateforme internet pour la gestion de la mobilité individuelle en bus (géolocalisation en temps réel des autobus) . Paybyphone : application de paiement en ligne du stationnement automobile ; . Mobexplore : application proposant des parcours ludiques des principaux lieux d’Issy.
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Document 11 : géolocalisation en temps réel des autobus sur le territoire d’Issy-les-Moulineaux Source : http://zenbus.zoomzoomzen.com/zenbus/issy
Néanmoins, la multiplication des services crée progressivement un véritable mille-feuilles d’applications et de sites internet au milieu desquels il est difficile de naviguer. Afin de remédier à ce problème, la ville d’Issy travail actuellement à la création d’une véritable plate-forme numérique d’agrégation de contenus et de services de proximités : Smart City +. Le projet Smart City +, soutenu par la Caisse des Dépôts et Consignations à hauteur de 5 millions d’euros, réunit 8 partenaires emblématiques du numérique autour de la conception d’une plateforme numérique multicanal des services de proximité : GPSO, la CDC, Issymedia le Cube, le groupe de conseils en innovation et ingénierie Altran, les formations de Estri France, ENSCI les ateliers, Telecom SudParis, les pôles de compétitivité Cap digital et Systématic, ainsi que la Startup locale Navidis, chef de file du projet. La plateforme permettra une véritable structuration des données recueillies sur l’ensemble du territoire notamment par la création de cartes de données denses et concrètes. Elle mettra également en réseau les nombreux acteurs du territoire (associations, entreprises, habitants, collectivités) afin de renforcer la cohésion territoriale, prônant une dynamique de l’hyperproximité (services entre particuliers, échanges citoyens, informations locales, e-services). La zone d’expérimentation de la plateforme, actuellement encore en cours de réalisation, s’étendra sur l’ensemble du territoire de GPSO, un territoire comprenant 500 000 usagers potentiels pour Smart City +. Le projet de Smart City + fait ainsi entrer l’action publique locale d’Issy-les-Moulineaux dans l’échelle plus large de la communauté d’agglomération, changement d’échelle nécessaire dans une optique de « Smart City ». En effet, la question se pose de la pertinence d’une action publique orientée « smart » qui se limiterait à l’échelle locale stricte. Une telle action est-elle alors pérenne ?
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2.2.3 Issy Grid, à la recherche d’une ville durable Le concept de « Smart City », comme nous l’avons démontré dans la première partie de ce mémoire, revêt des enjeux en lien avec le caractère durable de l’urbanisation. Il pose ainsi la possibilité d’une gestion des ressources et d’optimisation de la production d’énergie par l’intermédiaire des TIC et la mise en place de Smart Grid. Issy-les-Moulineaux, dans sa course à la « Smart City », et grâce à la présence sur son territoire de grands industriels bénéficiant de pôles de recherches en lien avec les villes intelligentes (Bouygues, Microsoft, Alstom etc.), a initié en 2011 un programme de Smart Grid sur son territoire. Divisée en deux pôles, le quartier d’affaire Seine Ouest (voir photo ci-dessous) et le nouvel écoquartier du Fort d’Issy, la zone d’expérimentation permet ainsi la mise en place des différentes composantes du Smart Grid dans des contextes urbains différents. En effet, ces deux terrains d’expérience proposent pour l’expérimentation du concept : 94 logements, des tours de bureaux HQE et des bâtiments tertiaires (soit 2000 employés au total). Les appartements de particuliers sont ainsi des lieux de tests in-situ des compteurs intelligents d’EDF, favorisant une meilleure gestion de leur consommation par les habitants et une meilleure adaptation offre/demande de la part du distributeur. Le quartier d’affaire, quant à lui, est le terrain d’expérimentations à une plus grande échelle du partage d’énergie entre différents bâtiments mais aussi d’un mobilier urbain intelligent. Un centre d’analyses multi-énergies de données en temps réel recueille les informations générées par les deux terrains concernant le comportement énergétique des infrastructures et des groupes d’individus. A terme, il permettra une véritable compréhension des besoins énergétiques et donc l’optimisation de la gestion de ces besoins.
Photo 1 : le quartie d’affaire Seine Ouest Source : personnelle
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Ce projet ambitieux, à l’image de Smart City +, réunit lui aussi 10 des acteurs économiques importants du territoire autour de la ville d’Issy-les-Moulineaux : les grandes entreprises Alstom, Microsoft, ERDF, EDF, Total, Schneider, les différentes filiales de Bouygues (énergies services, immobilier et télécom), mais aussi trois startups locales : Embix, Ijenko et Navidis (déjà présentes dans le projet de Smart City +). On retrouve une nouvelle fois dans ce projet la volonté de création d’un écosystème autour du projet de « Smart City » de la ville d’Issy. Ainsi la plateforme de gestion de l’énergie a elle été mise en place par Embix mais avec le gestionnaire de flexibilité de Alstom (e-terra DRBiz Net). Certains de ces acteurs tels que Bouygues et Microsoft contribuent également au projet en y intégrant les bâtiments siège de leurs entreprises. Des conseils de pilotage aux occupants du quartier ont été créés afin d’aider les particuliers dans l’optimisation de leurs dépenses d’énergie et leur impact environnemental. Des conseillers sont ainsi à leur disposition afin que les habitants s’approprient le concept de smart grid et travaillent avec eux à de potentielles améliorations du système. La ville d’Issy démontre également une volonté de développer des applications liées au Smart Grid pour favoriser cette appropriation citoyenne jusqu’à aboutir à un « social grid » de l’énergie.
2.2.4 Une politique publique trop locale et fortement médiatisée La ville d’Issy-les-Moulineaux ne semble pas s’inscrire dans la lignée des communes pour qui la « Smart City » constitue plus un argument marketing pour attirer les investisseurs sur son territoire qu’un véritable projet de ville. La « ville intelligente » s’inscrit dans cette commune en continuité d’une action publique locale préexistante. Néanmoins, la médiatisation autour de la « Smart City » isséenne reste extrêmement présente. En effet, chacun des sites internet en lien avec les projets que nous avons présentés oscille entre une véritable présentation du projet et un simple outil de marketing qui multiplie les phrases accrocheuses et de vidéos que l’on pourrait qualifier de publicitaires. Ainsi sur le site de Smart City + peut-on regarder une vidéo qui réunit l’ensemble des composantes de l’imaginaire d’une ville ultra-connectée auxquelles s’ajoutent des slogans tels que « la ville comme vous ne l’avez jamais vue, parce que chacun d’entre nous est un acteur de la Smart City » ou encore « La ville dans la main : Smart City + ». Sur le site internet de la ville on peut également trouver cette accroche : « A Issy, le numérique se met au service des habitants pour vivre pleinement la ville. Pratique, accessible, utile et convivial :) ». Cette communication s’intensifie sur les réseaux sociaux où Issy-les-Moulineaux est très active avec un compte Facebook et un compte Twitter où les twittes se comptent parfois par vingtaine dans la journée. André Santini lui-même par l’intermédiaire de son site internet assure une partie de la communication autour de son projet de « ville intelligente ». Cette médiatisation importante, qui passe également par les médias locaux traduit une volonté de faire référence et ne correspond pas toujours la réalité de la « ville intelligente » d’Issy-les-Moulineaux. 53
Les journées passées dans la ville ont permis d’observer de plus près les différentes composantes de ce projet de « Smart City ». A l’exception des parcmètres permettant le téléchargement de paybyphone et la présence d’un unique écran tactile, au niveau de l’hôtel de ville, mettant à disposition de tout un chacun des informations sur la ville, la présence d’une « ville intelligente » n’était pas forcément évidente et n’a pas permis d’éviter certaines errances. Bien que le projet de « Smart City + » ouvre progressivement la politique locale de « ville intelligente » à une échelle plus importante, force est de constater que pour l’instant cette politique s’adresse uniquement aux habitants et non aux usagers d’Issy-les-Moulineaux qui, dans une ville accueillant une part importante d’entreprises, sont majoritaires. Cette « Smart City » pour les isséens est en accord avec la politique menée par André Santini mais ne semble pas correspondre réellement au modèle initial qui tient compte de l’ensemble des usagers dans une volonté de durabilité.
Cette dernière observation ainsi que les différents projets qu’y ont été présentés sont révélateurs d’une véritable appropriation du concept de « Smart City » par la politique publique locale d’Issy-les-Moulineaux. Les projets viennent ainsi en continuité d’objectifs préexistants tournés vers la communication et le bien-être des habitants. Ils poursuivent une volonté politique forte et menée sur le long terme d’utilisation des technologies du numérique pour modifier et surtout moderniser les modalités de gouvernance, les services publiques mais également faciliter la vie quotidienne des isséens. La place d’André Santini comme initiateur de cette politique publique particulière est révélatrice de la nécessité d’une importante portance politique à l’échelle locale dans la mise en place d’un véritable projet de ville autour du concept de « Smart City ». Elle témoigne d’un progressif empowerment de certains élus locaux nécessaire à la réalisation de tels projets. Ainsi la ville d’Issy-les-Moulineaux, sous l’impulsion de son maire visionnaire, a-t-elle créé son propre modèle de « ville intelligente » comme le montre le schéma ci-contre qui s’intéresse aux composantes de ce nouveau modèle isséen. Un modèle en accord avec les différents enjeux territoriaux et les objectifs de la politique publique locale. Le cas d’Issy-les-Moulineaux vient conforter l’hypothèse première de ce mémoire qui définissait l’action publique locale comme un outil d’adaptation du modèle initial de la « Smart City » à un territoire réel créant ainsi de nouveaux modèles. Néanmoins, il permet également de tempérer cette hypothèse. L’écosystème des d’entreprises liées aux technologies du numérique, présent sur le territoire isséen et dans l’ensemble des projets présentés, est lui aussi un des moteurs de la mise en place d’une « ville intelligente » propre à Issy-les-Moulineaux. On peut reconnaître l’attraction suscitée par la réputation internationale d’Issy-les-Moulineaux comme terre d’innovation et laboratoire in-situ du concept de « Smart City » pour les investisseurs et grandes entreprises. Toutefois, certaines étaient présentes sur le territoire avant l’élaboration même du projet de « Smart City » isséen et ont contribué à sa mise en place, si ce n’est à son impulsion. Ainsi ce projet de ville complexe et cet écosystème s’entretiennent-ils mutuellement et s’enrichissent l’un l’autre mettant en place les conditions nécessaires à la réalisation d’une véritable « Smart City ». Un tel contexte 54
Schéma 3 : Les domaines d’intervention de la «Smart City » d’Issy Réalisation : Christelle Déri
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est également observable au sein de la métropole niçoise qui bénéficie également d’un écosystème très performant autour de l’innovation numérique et met progressivement en place, en collaboration avec les acteurs de cet écosystème, des projets en lien avec la « Smart City ». Les écosystèmes, et les entreprises qui le constituent, apportent leurs propres composantes aux nouveaux modèles de « villes intelligentes » qui se mettent en place sur ces territoires innovants. Néanmoins, un projet de ville, particulièrement quand il est orienté vers une problématique de « ville intelligente », peut-il seulement être le fruit d’une politique locale efficace et d’un système dynamique d’acteurs économiques ? Les habitants, premiers destinataires de ces projets, ne prennentils pas à leur manière part à la mise en place et la transformation des modèles de « Smart Cities » ? Par leurs attentes, leurs craintes et la nécessité d’une égalité de tous face à l’émergence d’une « ville intelligente » dépendante des nouvelles technologies, le modèle de la « Smart City » évolue et avec lui les politiques locales qui l’ont instauré. C’est à cette évolution progressive que nous allons désormais nous intéresser.
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PARTIE 3 : VERS UNE “SMARTER CITY” Nous avons, dans la seconde partie, tenté de définir les modalités d’appropriation par la politique publique locale du modèle initial de la « Smart City ». Nous avons ainsi vu, au travers de l’étude du cas d’Issy-les-Moulineaux, comment ce modèle complexe pouvait venir en continuité d’une politique déjà existante pour la renforcer, l’action publique préférant alors telle ou telle composante de la « ville intelligente » à une autre. Nous avons également constaté l’atout que constituait la présence d’un écosystème lié aux technologies du numérique dans la création de projets de ville en lien avec la « Smart City ». Les acteurs de cet écosystème viennent ainsi apporter leur savoir faire et leurs technologies au service du projet en question qui se modifie à leur contact. Néanmoins, en France, où la notion de citoyenneté est historique, il serait réducteur de limiter les acteurs de mise en mouvement des projets de « Smart City » aux seuls décideurs publics et autres industriels. Les habitants, mais aussi les associations, face à l’émergence de ce concept flou d’une ville qui serait rendue intelligente par l’intermédiaire des technologies, révèlent progressivement des attentes et des craintes, sources de changements importants dans l’élaboration de « Smart Cities ». Ils se saisissent également parfois des outils mis à leur disposition par la multiplication des technologies de communication et d’information pour s’organiser, s’entraider ou tout simplement échanger. Leurs initiatives sont alors reprises par les politiques publiques et pérennisées. On entre alors dans une logique de conception de la « Smart City » plus transversale, voir « bottom up », où l’action publique à tout à gagner en favorisant ces initiatives citoyennes. C’est à ce changement de paradigme progressif dans les modalités de la gouvernance, au travers d’une volonté d’aller vers une ville pas seulement intelligente mais plus intelligente, que nous allons nous intéresser maintenant. Nous démontrerons, dans un premier temps, comment certaines limites à la concrétisation des projets de « Smart City », limites en grande partie dues aux habitants, peuvent se révéler être des moteurs de renouveau du modèle initial de la « ville intelligente » et par conséquent des politiques publiques locales. Ensuite nous nous intéresserons à certaines initiatives, à l’origine citoyennes, qui sont devenues des composantes à part entière ou qui ont été incorporées d’une certaine manière dans les nouveaux projets « Smart City ». Enfin nous nous questionnerons sur les actions publiques qui ont été ou peuvent être mises en place afin d’encourager ces initiatives et faire de la « ville intelligente » la ville des intelligences. Il s’agira alors de montrer comment, d’une manière parfois inattendue, l’appropriation des TIC par l’ensemble des acteurs du territoire permet une mise en mouvement du modèle d’origine de la « Smart City » vers une logique moins techno-centrée mais plutôt mobilisatrice, et par ce biais, un changement de paradigme dans la gouvernance de projets de ville complexes tels que la « ville intelligente ».
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3.1 LES LIMITES DE LA SMART CITY EN FRANCE : DE POSSIBLES MOTEURS DE CHANGEMENT
3.1.1 La question de la Big DATA La « Smart City » questionne et inquiète. Selon un sondage, « Ville de demain 2015 : regard citoyen », mené par la société m2ocity, 48% des personnes interrogées (sur un panel de 1000 participants) ignoraient le sens à donner au concept de « ville intelligente »1. Pour les autres, une majorité ne reconnaît pas, dans les projets menés sur leur ville, la description donnée de la « Smart City ». Certains expriment leurs inquiétudes face à la montée en puissance de ce nouveau modèle urbain. Parmi ces inquiétudes, la question de la Big Data et de la sécurité des données personnelles est très présente. Dans une ville, qui multiplie les capteurs et autres appareils de collecte d’informations, le spectre de Big Brother n’est jamais loin. Ce sujet est d’autant plus d’actualité en France avec la récente mise en place de la loi sur le renseignement. Dans une ville analysée et surveillée, où les capteurs s’invitent dans les maisons, où commence véritablement la vie privée ? Cette méfiance, légitime de la part des habitants, constitue souvent un frein à la réalisation de certains projets liés à la « Smart City » tel que les smart grids qui nécessitent la pause de capteurs et compteurs au sein des ménages. « Les habitants restent les cobayes plus ou moins volontaires de l’expérience et sont gênés par une conception trop descendante »2. Face au refus et aux craintes suscités par la Big Data et l’utilisation des données collectées par les seuls professionnels ou acteurs du pouvoir public, apparaît alors une nouvelle notion : celle de l’Open Data, l’ouverture massive des données et la libre utilisation par tous de leurs informations et avec elle de suivre la question d’une plus importante transparence dans les politiques. On a vu précédemment qu’à Issy-les-Moulineaux, le portail de données ouvertes, data.issy.com, a ainsi été un outil pour la politique publique locale afin de se clarifier aux yeux des citoyens. Ainsi de la Big Data à l’Open Data, la « Smart City » a-t-elle permis un changement dans les modalités de gouvernance vers toujours plus de transparence. Dans cette optique, le projet européen « Citadel on the move » accompagne les collectivités locales vers l’ouverture progressive et intelligente de leurs données ; une ouverture qui permet une véritable réappropriation des informations par le plus grand nombre. La Fondation Internet Nouvelle Génération (la FING) a également œuvré à la réalisation d’un guide, « Guide pratique de l’ouverture des données publiques territoriales, guide à l’usage des territoires et de leurs partenaires », qui met en garde les collectivités contre les dérives liées à l’ouverture de leurs données mais qui leur apporte également les clés en main pour une dynamisation réelle de cette ouverture au travers de leurs différentes actions publiques. 1 Etude m2ocity, « Ville de demain 2015 : regard citoyen, villes intelligentes initiatives durables : les municipalités déconnectées de leurs citoyens ? », novembre 2014 disponible sur : http://www.m2ocity.com/ 2 entretien avec Mme. Marine Albarente, employée de la FING, réalisé le 02/04/15 60
3.1.2 La question de la fracture numérique « La pénétration des TIC dans la société semble certes inéluctable mais on peut néanmoins s’interroger sur la place d’éventuels réfractaires ou exclus des technologies. »3 La « Smart City » est dépendante de certains outils numériques tels que les smartphones, les tablettes, ou tout simplement les ordinateurs, qui ne sont pas accessibles, en termes de connaissances ou de moyens financiers, à l’ensemble de la population. La fracture numérique est générationnelle mais aussi sociale. Une ville pourrait-elle être alors considérée comme intelligente si elle renforce ces inégalités. Dans sa volonté de développement d’une « Smart City » égalitaire, la métropole niçoise s’est trouvée confrontée à cette problématique majeure. Elle a ainsi, avec la collaboration du réseau Cyberbase (label français géré par la CDC), mis à la disposition de ses habitants cinq Espaces Publics Numériques (EPN), couvrant ainsi une bonne partie du territoire niçois. Ces nouveaux espaces partagés, accessibles à tous pour la somme symbolique de 10 euros par an, mettent à la disposition des citoyens un accès libre à internet ainsi que des ordinateurs et tablettes. Des ateliers (environ 70 par mois4) et des animateurs initient ceux qui le souhaitent à la manipulation et l’appropriation des outils du numérique tels que les réseaux sociaux ou encore les e-services. Un tel espace est également présent sur le territoire de la ville d’Issy-les-Moulineaux au sein du « Cube ». Parallèlement à ces initiatives locales, un programme national, Ordi 2.0, lutte également pour réduire la fracture numérique. Ce programme se propose ainsi de munir chaque foyer « d’un équipement informatique lui permettant d’accéder à Internet »5 notamment grâce à la récupération et la réparation d’anciens ordinateurs personnels. De ce fait, les projets de « Smart Cities » deviennent-ils également des outils locaux pour le développement d’une véritable culture du numérique pour tous ; culture, comme nous le montrerons dans les chapitres à venir, est nécessaire à la mise en réseau et la mobilisation de l’ensemble des intelligences. Ainsi, nous avons vu une première étape dans le changement des modalités de gouvernance lié à la mise en place de projets de « villes intelligentes ». Une gouvernance un peu plus transparente et égalitaire. Les problématiques initiales se muent en moteur de changement. Elles permettent progressivement de donner aux habitants les clés de l’appropriation du concept de « Smart City ». Nathalie Blanc le précise dans son ouvrage « Vers une esthétique environnementale », « l’appropriable est une des dimensions du durable »6. Au delà de cette appropriation, les outils, mis à leur disposition par les politiques publiques, font progressivement des habitants des acteurs clés du renouveau du concept de « Smart City ». Des initiatives locales et citoyennes voient alors le jour ou se pérennisent grâce aux nouveaux outils du numérique. Libre alors à l’action publique de laisser vivre ces initiatives ou même de les renforcer pour faire vivre cette « ville intelligente d’en bas » 3 4 5 6
VIDAL, Mathieu, « Habiter la ville intelligente », dans la revue Urbanisme n°294, automne 2014 Source : brochure augmentée « Innovation numériques » de la métropole Nice Côte d’Azur source : http://ordi2-0.fr/ BLANC, Nathalie, « Vers une esthétique environnementale », Nancy, Edition Quae, 2008, p.21 61
3.2 LA VILLE INTELLIGENTE ET INNOVANTE D’EN BAS « Le numérique doit favoriser les dynamiques d’interaction sociale et d’intercréativité dans les domaines de la culture, de l’éducation, de l’économie, de la solidarité et des initiatives citoyennes» Nils Aziosmanoff, initiateur du projet Smart City +
3.2.1 La ville collaborative Avec le web 2.0, les réseaux sociaux, les sites de discussions et de partages mais aussi les blogs personnels se sont multipliés permettant une circulation des informations de plus en plus efficace entre les utilisateurs de la ville, les plaçant dans une position centrale indispensable dans le processus de « Smart City ». Loin de distendre les liens, le web 2.0 les a démultipliés, complexifiés créant de nouvelles formes de collaboration, d’échanges et de rencontres. Les actions urbaines collectives via le net, sont de plus en plus nombreuses et diversifiées comme l’organisation d’évènements, la mise en commun ou l’échange de biens et de services. Les réseaux sociaux sont désormais à toutes les échelles, ils se territorialisent et permettent d’envisager une vie communautaire plus efficace et même plus simple. Mais les modifications sur les usages urbains ne s’arrêtent pas là. Grâce à des outils numériques dits « interactifs » (cartes, forums, systèmes de notation etc.) de plus en plus nombreux qui permettent à chacun d’échanger de bonnes adresses, de partager un événement spécial, les gens n’ont de cesse de donner leur avis, de faire part de leur expérience de la ville afin que d’autres en profitent. Ces outils offrent aux utilisateurs une possibilité de se réapproprier leur ville découvrant ou redécouvrant certains lieux mais aussi de la partager. Les réseaux sociaux urbains de par leur diversité et l’internet lui-même favorisent une expérience individuelle mais surtout collective de la ville programmable et modifiable par ses usagers. Cette nouvelle mouvance citoyenne Howard Rheingold lui a donné un nom : les smart mobs, les foules intelligentes7, composante à priori primordiale d’une « ville intelligente ». Ces nouvelles dynamiques citoyennes autonomes, l’action publique locale doit s’en saisir pour leur offrir une plus grande lisibilité et une appropriation par le plus grand nombre. Avec le projet Smart City +, c’est ce que tente de faire la ville d’Issy-les-Moulineaux. Reprenant des dynamiques locales existantes ou en créant de nouvelles pratiques d’échanges via les outils numériques, le projet actuellement en cours d’élaboration propose la création d’une plateforme unique qui réunirait l’ensemble de ces démarches collaboratives afin de les simplifier et de les pérenniser. Smart City + rend possible également, dans une volonté de « renforcer les dynamiques participatives entre les habitants et les acteurs de la ville et d’améliorer la qualité du vivre ensemble »8 , l’entrée de ces actions citoyennes dans une démarche plus globale profitable à tous. 7 RHEINGOLD, Howard, Foules intelligentes : la révolution qui commence, Paris, M2 éditions, «les livres pour éclairer les métamorphoses des années 2000», 2005 8 source : http://www.smartcityplus.com/projet.php 62
Favoriser l’action collective citoyenne, en créant pour les habitants les outils numériques, autorise l’action publique, en lien avec la « Smart City », à rentrer dans une démarche de mise en mouvement du modèle. S’inspirant de ces initiatives existantes, elle adapte le concept à la demande réelle des habitants et non plus seulement à une volonté politique. Mais cette démarche est susceptible d’aller encore plus loin dans la redéfinition du modèle de la « ville intelligente » en donnant aux habitants les outils et les compétences nécessaires pour créer eux-mêmes de nouvelles composantes (numériques ou non) du projet de « Smart City ».
3.2.2 L’innovation venue « d’en bas » « La ville innovante « d’en bas » doit faire sa place aux côtés de la Smart City et de la ville durable.»9 L’ouverture des données par simple souci d’équité et de transparence envers les habitants ou encore les entreprises, bien qu’elle constitue un premier pas vers un changement de paradigme dans les modalités de gouvernance, n’est pas une démarche dynamique de mise en mouvement de la « ville intelligente ». Comme le précise Karen Le Chenadec, responsable du Département Développement Numérique des Territoires : « l’open data n’est pas magique. Il faut animer la communauté des entreprises qui ont un intérêt à développer les services »10. Les entreprises, en particulier les startups, mais aussi les habitants, sont une source de savoir non négligeable favorable à une innovation autre. Les collectivités doivent alors, en plus de la diffusion d’une culture du numérique, favoriser l’émergence d’une culture de l’Open Data et des possibilités qu’elle offre. Dans le cas d’Issy-lesMoulineaux que nous avons étudié, une première démarche a été initiée vers cette transmission des possibilités de concevoir des outils de la « ville intelligente » aux citoyens et aux entreprises locales. En effet, les informations disponibles sur le portail de data.issy.com sont sous-forme de données API réutilisables dans la création de logiciels et de cartes interactives. De plus, afin de dynamiser la réappropriation de ses données, la ville s’est ainsi impliquée dans quatre projets européens en lien avec cette problématique. Le premier, Citadel on the move, en plus de l’aide apportée aux collectivités dans l’ouverture de leurs données, propose sur son site internet des conseils d’utilisation de l’open data pour la création d’applications en tout genre à dominance servicielle. Dans une même optique, Opentransport.net met à disposition des utilisateurs et entreprises un logiciel autorisant le traitement des données API sous forme de cartes interactives dans le but de faciliter la création de services numériques en lien avec la mobilité urbaine. Ce projet européen est lié à L’European Cloud Marketplace for Intelligent Mobility (ECIM) qui vise la création de plateformes uniques agrégeant différents services de mobilité. Enfin, Issy travaille également en coopération avec le projet Radical dont les problématiques sont beaucoup plus générales (data journalisme, urbanisme participatif, réalité augmentée ou encore écosciences) mais toujours avec la volonté de regrouper des applications favorisant les pratiques urbaines au sein d’une même plateforme. Cependant, bien que la volonté soit là, l’animation réelle de la démarche manque, et les habitants ne s’approprient 9 entretien avec Mme. Marine Albarente, employée de la FING, réalisé le 02/04/15 10 LE CHENADEC, Karen, « Le numérique permet de regarder les sujets autrement », dans la revue Urbanisme n°394, automne 2014 63
que très peu ces outils mis à leur disposition. Patrick Genoud, membre de l’observatoire technologique de Genève, préconise, dans son rapport « Vers une participation citoyenne augmentée »11 , une action publique locale plus incitatrice. Celle-ci passerait par l’organisation de concours et d’appels à idées, ouverts à tous, des ateliers créatifs rassemblant différents acteurs du territoire, la mobilisation des savoir-faire étudiants autour de projets novateurs, la mise en place de séminaires d’échanges entre les différents innovateurs et enfin une véritable valorisation des projets les plus aboutis par l’intermédiaire d’expositions afin de leur assurer une visibilité mais aussi de susciter peut-être des engouements. La FING s’inscrit en continuité de telles démarches et propose ainsi, au travers des InfoLab, une « formation » des collectivités à la transmission de la culture Big Data. Par la mise en place et l’animation de lieux de médiations sur des territoires volontaires, les infolab de la FING favorisent l’actionnement du levier de la big data qui est aujourd’hui « un puissant vecteur de développement économique et de capacitation des citoyens »12 . Un prototype de cet InfoLab a ainsi été élaboré à Rennes en continuité d’une volonté de l’action publique d’une « Smart City » plus participative. Face à une réalisation parfois trop techno-centrée de la « Smart City » qui ne serait le fruit que du travail entre les professionnels des nouvelles technologies et les politiques publiques locales, la mobilisation citoyenne semble dessiner, de manière parfois inattendue, de nouvelles façons de fabriquer la « ville intelligente » et par ce biais une nouvelle conception de la gouvernance locale face à de tels projets de ville. Au delà d’un urbanisme participatif ou d’une concertation publique, on entrevoit ici les possibilités d’un véritable empowerment citoyen et d’une mobilisation de l’ensemble des connaissances et des savoir-faire pour une ville des intelligences. C’est d’ailleurs la démarche soutenue par la Commission Européenne lorsqu’elle a créé le label de « Living Lab » pour promouvoir cet esprit de co-création active de la « Smart City ».
11 GENOUD, Patrick, « Vers une participation citoyenne augmentée », rapport commandé par le département de l’Intérieur et de la Mobilité du canton de Genève, janvier 2011 Disponible sur : http://fr.slideshare.net/patgen/vers-une-participation-citoyenne-augmente 12 Source : http://fing.org/?-Infolab64
3.3 VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE LA « SMART CITY » « La ville de demain sera notre troisième ville. Je pourrai l’appeler (...) « la ville de la connaissance»13 Les différentes parties de ce dernier chapitre ont démontré qu’un changement peut s’opérer au travers des projets de la « Smart City ». Ce changement concerne tant le concept initial de la « ville intelligente », que nous avons décrit dans la première partie de ce mémoire, que la gouvernance locale conduisant à son élaboration. Bien que favorablement orienté par un poids historique de l’opinion publique en France et des politiques nationales et locales, qui se tournent vers la participation citoyenne, le renouveau des modalités de gouvernance, lié à la démarche de la « Smart City », dépasse certaines attentes. Derrière le concept de la « ville intelligente », certains théoriciens et philosophes voient la montée d’un nouveau paradigme urbain basé sur le savoir et les connaissances : la ville des intelligences.
3.3.1 La ville des intelligences Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture et des projets du Grand Paris, du développement et de l’attractivité, répondait en août 2014, lorsqu’on l’interrogeait sur le devenir du projet de « Smart City » parisienne, que « L’intelligence d’une ville est l’intelligence de ses habitants »14. Mais elle est également celle de l’ensemble de ces acteurs, nécessitant un accroissement des points de vue disciplinaires mais aussi personnels, la mise en œuvre de pratiques interdisciplinaires et l’émergence d’un nouveau mode de production des connaissances, celui du partage. Le concept servant de base à la « Smart City » se retrouve déjà par sa nécessaire dimension techniciste dans une dynamique interdisciplinaire. Les changements, que nous avons décrits dans ce chapitre, et qui dépassent le cadre initial de ce concept, démultiplient cette interdisciplinarité et l’emmènent vers la prise en compte, non pas seulement d’un nouveau type de savoir, mais aussi de nouveaux outils de production de la ville : ceux des citoyens. Certains voient dans la traduction en français de l’appellation « Smart City » par « ville intelligente » une erreur, mais si l’on considère cette intelligence non pas comme uniquement celle d’une ville mais de l’ensemble des acteurs et des politiques qui y prennent place, alors la traduction choisie prend tout son sens. La « Smart City » devient alors, au delà du concept, un mouvement mobilisateur. Il donne finalement la place à l’initiative et la production citoyenne, au delà de la simple participation, comme un outil pour « faire la ville » et laisse entrevoir les possibilités d’un urbanisme encourageant plus le laisser faire. 13 BOULLIER, Dominique. « L’urbanité numérique : essai sur la troisième ville ». Paris : l’Harmattan, 1999, 183 pages 14 BARBAUX, Aurélie, GATEAUD, Pascal, « Smart City : l’intelligence d’une ville est celle de ces habitants », interview de Jean-Louis Missika pour Usine Digital Disponible sur http://www.usine-digitale.fr/, consulté le 11/06/2015 à 15h10 65
Néanmoins, cette nouvelle vision d’un urbanisme réellement coopératif repose pour beaucoup sur le volontarisme ; un volontarisme qui est tant celui des politiques publiques que des autres acteurs de la ville ou même du monde rural. Au croisement de dynamiques ascendantes et descendantes quel renouveau de l’action publique locale permet-il ?
3.3.2 Entre top-down et bottom-up : la « Smarter city » A Toulouse, un Laboratoire des Usages15 a été créé par la FING après une demande de la collectivité territoriale. Il vient en continuité de la réflexion menée par la fondation au travers de sa publication « Alléger la ville : kit urbain d’articulation des dynamiques ascendantes et descendantes ». Ce Laboratoire des Usages constitue un nouveau type de tiers-lieux où des innovateurs, par la proximité et les échanges, font émerger des idées nouvelles notamment selon un processus de conception avec et pour l’usager. Ce tiers-lieu, à mi-chemin entre un espace de co-working et un atelier participatif, constitue un nouvel espace de frictions des acteurs du territoire favorable à l’émergence de stratégies et de projets provenant d’en bas. Ils ne sont pas le fruit du travail des politiques publiques locales mais ces dernières, sensibilisées, sont alors amenées à devenir des acteurs dynamisant de ces initiatives citoyennes. Leur soutien serait alors d’un tout autre ordre: un financement en amont du tiers-lieu, une reconnaissance et une mise en visibilité des projets innovants mais surtout un nécessaire suivi tout au long de la vie de ces projets. On voit au travers de cet exemple toulousain, un possible changement dans l’interventionnisme politique. L’action publique met ici en place dans un premier temps des espaces favorables à une innovation top-down en coopération entre des professionnels et des usagers, donc au plus proche des besoins réels de ces derniers. Elle vient dans un second temps dynamiser les projets innovants par une aide financière et une plus importante mise en visibilité. Néanmoins, son travail ne s’arrête pas à cette aide en début de projet et c’est là que figure le réel changement dans la régulation politique des innovations top-down. En effet, comme le précise Marine Albarente, employée de la FING, beaucoup d’innovations issues du travail des habitants ou des startups locales, notamment les applications développées lors de concours ou d’appels à idées, ne sont pas pérennisées de par le manque de suivi et d’investissement de la part des politiques locales. Lors d’un workshop, organisé dans le cadre des journées de la créativité de la Belle de Mai à Marseille, les conclusions apportées sur les limites de la « Smart City » vont dans ce sens et dénoncent un manque de lisibilité et de visibilité des initiatives citoyennes mais aussi un manque de reconnaissance par les collectivités des nouveaux espaces de fabrique urbaine et créateurs de valeurs tels que les Fablabs. Ainsi les participants ont-ils posé la question des modalités d’incorporation des dynamiques bottom-up dans les processus de projets urbains et de ville mais aussi les possibilités de changement des politiques urbaines de droit commun au travers de ces initiatives citoyennes .
15 entretien avec Mme. Marine Albarente, employée de la FING, réalisé le 02/04/15 66
Pour faire sens, la mise en place d’une « Smart City » devra trouver un équilibre entre les dynamiques top-down et bottom-up. Nous l’avons vu précédemment la portance politique à l’échelle locale est essentielle, en France, dans l’élaboration d’un ville intelligente. Néanmoins, les outils et stratégies numériques que cette dernière met à la disposition de l’ensemble des acteurs du territoire, en particulier des habitants, laissent émerger progressivement des modes nouveaux de co-création de la ville. « Ces innovations provoquent une crise de la régulation politique que l’on peut espérer salutaire ». Une ville qui ne sera pas seulement rendue intelligente par la captation et le traitement de ces propres données mais une ville où le numérique est au service de l’ensemble des intelligences présentes sur le territoire : une ville plus intelligente donc une « Smarter City ».
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CONCLUSION
Si le modèle urbain de la « Smart City » reste, et resteras, complexe et flou, la volonté de ce mémoire de l’étudier du point de vue de l’action publique locale au travers de deux hypothèses formulées en fin de première partie a néanmoins permis d’apporter, pour nous, des éléments nouveaux de réponses à la question : qu’est ce qu’une Smart City ? Ainsi avons nous, dans la première partie de ce travail, établi les composantes du modèle au travers notamment de l’évolution de l’idée d’une hybridation de la ville et des technologies depuis les ouvrages de science-fiction jusqu’à l’abondante littérature qui depuis une dizaine d’années traite du sujet de la « ville numérique » et de la « ville intelligente ». Cette synthèse bibliographique a modifié notre approche de la « Smart City » comme étant uniquement un modèle urbain. Face à la multitude de champs d’interventions de cette dernière force est de constater que la « ville intelligente » oscille notamment entre objet et objectif. Un objet de par sa forte composante techniciste qui voit au cœur de l’urbain s’accroître les technologies de la communication et de l’information sous des formes diverses et variées. Un objet donc sur lequel les industriels ne cessent de travailler afin de proposer aux collectivités territoriales des solutions clés en main et all-included de « Smart City à la carte ». Un objet, enfin, qui colle à l’imaginaire populaire, relayé par la littérature et le cinéma de science-fiction et d’anticipation, d’une ville machine autonome où les technologies sont aux services de la population. Un objet donc en partie fantasmé et qui suscite des attentes mais aussi des craintes. Mais la « Smart City » est également un objectif, voir des objectifs : l’objectif de rendre la ville intelligente et plus accessible par la captation et le traitement de l’ensemble des données qui la compose qu’il ait trait aux transports, à l’environnement ou encore à sa politique ou ses acteurs ; des objectifs qui tiennent quant à eux à la volonté d’apporter des réponses et des solutions nouvelles aux nombreux enjeux urbains émergents avec l’accroissement toujours plus important de la population urbaine et les problématiques environnementales qu’il suscite. La « Smart City » serait alors un changement de paradigme, une vision plus technologique de la « ville durable », qui se retrouve désormais tant dans les discours de la politique nationale que dans de nombreuses actions publiques locales. Vient alors la question qui a conduit à l’élaboration de ce mémoire et qui voit également osciller la « Smart City » entre projet de ville et argument marketing dans un contexte de compétitivité des territoires. La deuxième partie, notamment au travers de l’étude du cas d’Issy-les-Moulineaux, a également apporté des éléments enrichissants pour la définition de la « Smart City ». On a alors vu
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que le concept initial pouvait être approprié par l’action publique locale et venir ainsi en continuité d’une politique publique existante. Dans le cas d’Issy-les-Moulineaux, la « Smart City » succédait à ce que l’on appelait alors une « ville numérique » par une politique locale délibérément orientée vers l’utilisation du numérique au service d’une vie quotidienne améliorée et d’une plus grande transparence politique. Le concept de la « ville intelligente » n’est alors plus modèle mais outils, non plus but mais moyens. Il met à la disposition de l’action publique ses composantes technologiques et ses nouveaux outils numériques (réseaux sociaux, applications, data etc.) comme autant d’outils d’aide au développement d’un véritable projet de ville s’inscrivant dans la continuité de la politique locale menée. Cette appropriation est donc notamment permise par une portance politique forte mais également grâce à un travail de l’action publique mené en étroite collaboration avec des écosystèmes de développement de l’innovation numérique présent sur son territoire. Le projet de « Smart City » et cet écosystème s’enrichissent alors l’un l’autre, le projet amenant de nouveaux investisseurs et grands industriels de l’économie numérique qui y voient un véritable laboratoire. Ainsi apportions-nous un élément de confirmation de l’hypothèse première de ce mémoire qui questionnait les modalités d’appropriation du modèle de la « Smart City » par l’action publique locale tout en tempérant cette hypothèse par la définition de facteurs nouveaux entrant dans la redéfinition du modèle pour sa mise en application sur un territoire donné. Néanmoins, cette seconde partie, bien qu’elle ait permis un changement de vision de la « Smart City » non plus comme un projet de ville en elle-même mais comme un ensemble de moyens menant à la réalisation de ce projet de ville, n’a pas éliminé pour autant le doute de l’utilisation de l’appellation « Smart City » comme un argument marketing. En effet, bien que la politique numérique menée à Issy-les-Moulineaux puisse être considérée comme exemplaire, la réalisation d’un travail de terrain à la rencontre de la « ville intelligente » isséenne a notamment montré les limites de ce projet. Un projet fortement médiatisé mais dont la vision, essentiellement centrée sur les habitants et non réellement les usagers de la ville d’Issy-les-Moulineaux, suscite une légère remise en cause du caractère « Smart » du projet de la commune. De plus, de nombreux projets, pourtant fortement médiatisés et dont les nombreuses présentations, sites internet compris, laissent peser le doute sur leur effectivité, et ne semblent être encore qu’au stade d’élaboration. Toutefois, ces propos critiques auraient été enrichis et peut-être tempérés par la réalisation d’entretiens avec les différents acteurs, tant politiques que industriels de la « Smart City » d’Issy-les-Moulineaux, entretiens sollicités mais n’ayant jamais obtenu de réponses favorables. Enfin, les recherches concernant la seconde hypothèse de ce mémoire : La « Smart City » en France est la possibilité d’un changement des modalités de gouvernance dans l’action publique locale, qui donne corps à la dernière partie de ce mémoire, ont elles aussi changé l’approche initiale de la « Smart City » en tant que modèle urbain. Nous avons alors démontré que la « Smart City » apportait de manière inattendue, par les craintes et attentes citoyennes qu’elle suscite, de véritables changements dans la politique publique à son initiative. Elle l’a dirigée ainsi, par exemple, au travers du passage de la Big Data à l’Open Data, dans une volonté d’équité pour l’utilisation des données 70
de la ville, vers toujours plus de transparence mais aussi vers un progressif empowerment citoyen. La « Smart City » pouvait alors être envisagée comme une stratégie menant à une dynamique au croisement des logiques bottom-up et top-down : une politique publique moins interventionniste mais plus accompagnatrice qui dynamiserait les innovations venues « d’en bas » permises par l’appropriation des outils du numérique de la « Smart City » par l’ensemble des acteurs du territoire. La « ville intelligente » est alors repensée comme un outil de renouveau de la gouvernance locale vers plus d’horizontalité et de transversalité : une ville que nous avons qualifiée de « Smarter City », une ville plus intelligente qui s’enrichit de l’ensemble des intelligences qui la composent. Mais si l’on revient finalement à la « Smart City » comme concept urbain ou même comme mouvement global menant à un projet de ville, quelles sont alors ses propres modalités de gouvernance et les outils qui lui permettront de faire sens ? Quels outils propres au modèle faciliteront une participation du plus grand nombre à son élaboration ? Ainsi, à son aboutissement ce mémoire fait-il réellement écho au premier mémoire réalisé qui questionnait les possibilités de l’utilisation d’internet et de ses outils comme un moteur de développement d’une conception collaborative de la ville. Un premier mémoire donc qui serait un premier élément de réponse à cette nouvelle problématique : Quels outils de la « Smart City » rendent-ils la Ville réellement plus intelligente ?
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ANNEXES Entretient réalisé avec : Marine Albarente et Mathieu Gouret
1. La Smart city et la ville 2.0 . La FING emploie généralement pour parler des terrains de recherches concernant la ville et les NTIC le terme de « ville 2.0 ». Qu’évoque pour vous le concept de la Smart City ? Le concept de la Smart City était, pendant longtemps, essentiellement porté par les acteurs industriels du numérique. Il s’agit, selon leur(s) vision(s), d’une ville où le numérique est au service d’une meilleure gestion des flux, des aléas climatiques (visions de IBM ou de CISCO). Ce concept de Smart City dessine alors une ville « tout-intégré » où les grands industriels détiennent le monopole de l’ensemble des installations liées à la « ville intelligente ». Cette Smart City s’incarne dans des partenariats publics-privés et selon une démarche descendante (aller voir: centre de contrôle de Rio). Ce concept de Smart City porté par les industriels ne tient pas compte des dimensions sociales, culturelles, politiques. Il s’agit essentiellement d’une vision servicielle où les citoyens sont passifs et ne participent pas à la mise en mouvement de leur ville. Ils sont parfois même les cobayes de ces nouvelles technologies au service d’une ville plus intelligente. IBM a néanmoins depuis peu tempéré cette vision en incorporant à son discours la notion d’open data, l’information par tous mais aussi pour tous, les donnés de la ville accessible à tous. Le concept industriel de la Smart city se modifie peu à peu au grès des différentes expériences menées sur des territoires réels, avec des habitants mais surtout des politiques publiques ayant des attentes et une vision qui leur est propre de la Smart city : Nice = Smart City à l’ancienne, « ville sans contact, NFC ». Issy = mélange Smart City et ville durable (un modèle n’impliquant pas la disparition de l’autre) Lyon = vision très business, villes des partenariats public-privés internationaux Chaque acteur du territoire a sa vision de la Smart city bien qu’elle se traduise le plus souvent comme un outil de marketing. Nous constatons également un certain « fantasme » des acteurs sur la possibilité d’une mise en place facile, sans réelle nécessité de portage politique, des outils décrits par la FING. Sans action et sans implication les pratiques que nous décrivons peinent à se mettre en place. Un travail du PUCA (Plan Urbanisme Conception Architecturale) illustre l’évolution du concept. Désormais on observe plus d’intégrations des pratiques citoyennes comme des différentes volontés
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des acteurs du territoire, de l’ensemble des producteurs de données. Peu à peu même certaine politique publique (exemple de Rennes) tiennent compte des nouvelles pratiques de contribution qui voient le jour de manière spontanée mais aussi de nouveaux lieux où convergent participation, innovation et outil du numérique (FABlab, labs en tout genre) et des nouvelles pratiques collaboratives ascendantes. On peut également parler du fantasme des Smart Grid et des compteurs intelligents qui ont en vérité le plus souvent été refusés par les habitants et les associations. Ces refus s’expliquent le plus souvent par le soucis de la question de la collecte des données privées mais aussi par l’approche plutôt descendante des expérimentations. L’initiative vient le plus généralement des grands distributeurs d’énergie et les expériences ne sont pas réellement mise en place en concertation avec les habitants, qui restent alors des cobayes plus ou moins volontaires de l’expériences. Les distributeurs se sont ouverts, face à ces échecs, à la possibilité d’une mise en place de ces projets de Smart Grid en véritable collaboration avec les acteurs du territoire (associations, entreprises, habitants etc.) . Ce concept de Smart City est il en accord avec la « ville 2.0 complexe et familière » que décrit la FING ? La vision FING de l’utilisation des outils et technologies du numériques est avant tout une utilisation qui vise à optimisé le développement durable. La Smart City a ses limites car elle se concentre essentiellement sur la gestion des flux et des réseaux (gestion qui contribue à la ville durable mais qui ne suffit pas). Le numérique peut offrir de nouvelles pratiques de la ville qui sont décrites dans « la ville 2.0 complexe et familière. La FING ne s’intéresse pas réellement à une Smart City, ni à une ville intelligente mais plutôt à une ville des intelligences, une ville gérée de manière plus « horizontale », qui utilise le numérique à bonne escient et s’ouvre à l’innovation ascendante. La FING dans cette recherche d’une ville 2.0 propose essentiellement des outils de réflexions en amont de la conception d’un projet de ville intelligente. Il s’agit essentiellement de recherches prospectives, de pistes d’actions, plus que des recommandations spécifiques à certains acteurs. La FING n’est pas un cabinet de conseil pour les collectivités territoriales . Quelle est la place de l’Open DATA dans la possibilité de créer une ville 2.0 ? L’open data est un des grand axes de recherche de la FING notamment dans sa volonté de conception d’un « manuel de l’élaboration de l’Open data ». Ce manuel pose notamment la question de l’utilisation de ces données pas seulement pour l’amélioration de services publics ou urbains mais aussi pour la création de services de particuliers à particuliers, ou encore d’application du type servicielle. La ville de Lyon a ainsi voulut inciter ses habitants à concevoir eux-mêmes les applications facilitant la vie quotidienne dans leur ville. Des applications en effet été créées mais seulement dans le cadre de concours. Elles ont ensuite peu à peu péricliter. Cette absence d’appropriation du sujet par le plus grand nombre s’explique par un 73
manque d’animation de la part de la ville de Lyon, d’initiation du plus grand monde à l’utilisation de l’open data. Actuellement la FING travail sur InfoLab. Ce nouveau concept propose la mise en place de formation à la culture de la donnée pour pérenniser l’appropriation de la data par tous et la création de service par les habitants ou les entreprises du territoire eux-mêmes. Il est nécessaire pour les collectivités territoriales de suscité la motivation citoyenne (ex : carto-party de Rennes où les habitants étaient invités à créer avec d’autres acteurs de la ville des cartes sur des sujets divers et variés tel que les cartes-wiki de territoire, véritable mémoire collective). La problématique de la vie privée à tenir en compte dans la ville intelligente. La FING de promouvoir une approche pour une Big Data un peu plus citoyen, un peu plus éthique.
2. Les « villes 2.0 » et la FING . Le site mentionne un travail sur les « villes 2.0 » ayant donné naissance à de nombreux projets de villes, pouvez-vous m’en dire plus sur ces projets de villes ? La FING a notamment travaillé en collaboration sur le GPV de Bordeaux sur une possible application sur e territoire bordelais des outils présentés dans « la ville 2.0, complexe et familière ». Ces outils ont également été repris à Rennes où des personnes proactives de la politique publique voulait développer cette vision participative et collaborative. Rennes est selon moi un emblème de cette autre « Smart City » plus participative et collaborative. . Ces projets de villes sont-ils dus à une initiative d’acteurs publics ou privés ou bien la FING se trouve-t-elle à la base de ses projets ? Les projets de ville autour du concept de Smart City sont spécifiques à chaque ville, ils sont issu du volontarisme des politiques publiques locales et des volontés de développement de leurs outils des géant des NTIC. La FING n’est pas à la base de ces projets si ce n’est la rédaction d’un « manifeste de la ville 2.0». C’est la vision de la Ville qui va déterminer le périmètre d’action des acteurs privés et le type de gouvernance qui sera mis en place pour l’élaboration du projet. Les grands acteurs du web 2.0 (GAFA) sont également à prendre en compte, ils n’ont pas tous pour l’instant une volonté d’agir sur les infrastructures mais ils apportent un couche servicielle non-négligeable. Google commence d’ailleurs à s’investir dans des questions et des projets ayant trait à la mobilité. . Pouvez-vous me donner des exemples de projet de villes numériques qui ont été menés en collaboration avec la FING ? La FING n’a pas participé à la conception de projet de ville à proprement dit du fait qu’elle ne constitue pas un cabinet de conseil. Néanmoins un travail avec la ville de Rennes a été entrepris pour tester l’émergence de pratiques collaboratives, mais aussi à Bordeaux autour des réseaux, des 74
associations et des collectivités. A Toulouse, un laboratoire des usages a été créé notamment grâce à un travail entre les politiques publiques locales et la FING. Il s’agit d’un endroit où des innovateurs, par la proximité et les échanges, pourraient faire émerger des idées nouvelles notamment selon un processus de conception avec l’usager, une expérimentation qui se trouve adaptée aux problématiques urbaines. Il s’agit d’un nouveau lieu de friction des acteurs du territoire pour faire émerger des stratégies et des projets venant d’en bas. La collectivité territoriale, à l’époque encore Grand Toulouse, est à l’initiative de ce projet et a ainsi demandé à la FING de collaborer à sa mise en place
. Pouvez-vous détailler le rôle de la FING dans le jeu des acteurs de la ville numérique ? Sur de tels projets comment acteurs publics et privés collaborent-ils ? La FING n’est pas un cabinet d’études. Elle a pour but plutôt d’organiser des « expéditions » réunissant des acteurs publics et privés autour d’un sujet afin d’en tirer des pistes d’actions. Ex : réflexion sur « Alléger la ville » pour aller plus loin que la « ville 2.0 » dans la nécessité d’une articulation des dynamiques ascendantes et descendantes. Ce travail général s’est ensuite appuyé sur des problématiques de l’île de Nantes et de la ville de Paris afin d’établir des stratégies propres à chaque lieu. Il en est ressorti des pistes pour la conception de lieux partagés collaboratifs et citoyens qui pourront être dynamiser par les acteurs publics et non créés par eux. Ainsi a été notamment créé le kit d’innovation urbain donnant aux collectivités des outils afin de motiver les citoyens et de les faire participer à l’émergence de stratégie numérique. Les collectivité soutiendraient alors différemment les projets, avec un financement en amont mais aussi un suivit tout au long de la vie du projet (ex : crowfounding urbain).
. Pouvez-vous également me parler de la 27ème région ? Il s’agit d’un projet incubé à la FING, mené conjointement avec l’association des régions de France et qui a désormais pris son indépendance. Il s’inscrit dans une volonté d’innovation dans les politiques publiques. La 27ème région questionne la place du design (de service, de l’expérience usager) au coeur de la façon de penser les services notamment publics. Des designers travaillent ainsi selon une certaine méthodologie en collaboration avec les acteurs du territoire et sur des lieux précis pour l’évolution des services publics. Ces designers sont alors envoyés en résidence sur les lieux. L’idée repose essentiellement sur la possibilité de faire émerger de nouvelles formes de services au public par la friction entre un regard extérieur et les acteurs locaux. Ce projet, bien que issu de la FING, n’est que très peu numérique. Son ambition est d’innover en matière de politiques publiques et non de moderniser l’action publique. 75
. Est-ce un outil pour les collectivités territoriales afin de développer des projets de villes intelligentes ? Pas vraiment . Existe-il un périmètre idéal pour le développement de la ville intelligente ? Autrement dit « la ville intelligente » doit-t-elle émerger d’initiative locale ou bien nécessite-t-elle une articulation des démarches à une échelle plus importante ? (Exemple de Issy qui est à la base une initiative locale mais qui s’est vu englober dans les enjeux métropolitains du Grand Paris par l’intermédiaire du CDT) La Smart city implique un effet d’échelle de par sa volonté de mutualisation des réseaux. Les villes intelligentes sont surtout des grandes villes (enjeux économiques pour les industriels). Les lieux partagés par exemple ont besoin d’une densité pour fonctionner. Néanmoins, toute ville peut être intelligente si l’action publique est volontariste, les logiques seront différentes.
3. La ville 2.0, un possible empowerment des institutions locales ? . Avez-vous observez de la part des politiques locales, en ce qui concerne la « ville intelligente », une véritable demande ? Il y a effectivement une demande mais elle oscille entre une véritable volonté de développement d’une ville intelligente au service de la ville durable et une stratégie marketing utilisée par les territoires afin d’attirer des investisseurs.
. N’y a t-il pas parfois une confusion entre l’objet de la ville intelligente et l’objectif lui-même de créer une ville « plus intelligente » ? Les projets qui ont été menés jusqu’à maintenant sont plus du marketing que autre chose. Ex : Lyon et sa communication essentiellement sur les partenariats publics-privés. Ces « coups de marketing » ont suscité au sein des institutions publiques de véritables tensions entre la vision partenariale et la dimension de la ville intelligente au service du développement durable. . Qu’elle est selon la FING la place de la France dans les innovations liées à la ville intelligente (en retard, en avance) ? En France, le poids historique des acteurs publics contribuera à faire en sorte que les projets ne soient pas que des projets techniques, la dimension politique sera toujours présente et la Smart City restera le fruit d’une collaboration. 76
La France n’est pas en retard, si par exemple on considère les start-up ou encore les consommations collaboratives. La France de l’innovation et de la collaboration citoyenne se porte bien (ex : blabla car). En terme de pratique collaborative venant du-bas la France est même en avance. Néanmoins les politiques publiques locales, mais aussi globales, peinent dans la prise en compte des cette dynamique ascendante bien que l’on observe de plus en plus de tentative de « faire les choses » à l’échelle locale. En cela, la France est en retard en comparaison de certains pays tel que le Canada.
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Reportages photos à Issy-les-Moulineaux source : personnelle
Borne inscription Autolib
Autolibs
Médiathèque
Le Cube
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Application Paybyphone sur un parcmètre
Le Cube
Pub pour Issy.com
Accès écran tactil PMR
Pub pour Issy.com
Zenbus sur l’écran tactil
Issy c’est Ici
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Quartier Seine Ouest
Autolibs
Siège Social de Bouygue
Villes jumelées
Siège Social de Bouygue
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Quartier Seine Ouest
Quartier Seine Ouest
Siège Social de Microsoft
Siège Social de Safran
Luminaire urbain “intelligent”
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Quartier Seine Ouest
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Sources . Revue Urbanisme,n°394, automne 2014 . http://www.smartcity.fr/ . http://fing.org
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mobilité
participative
collective
start-up
domotique transport en commun
cyber-espace
signalétique
Open source
social culture
open innovation
FabLab
géolocalisation
trafic
autopartage
numérisation Open DATA
codes QR/NFC
internet
automatisation plateforme
OPTIMISATION
INNOVATION
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SMART CITY
PARTAGE
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