LES OUTILS ET LES STRATEGIES
D’INTERNET AU SERVIce d’une
conception PARTICIPATIve dE LA VILLE
Christelle DERI
Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Versailles Année 2012-2013 Art,philosophie et espace urbain M.ANTONIOLI / V.JACQUES
SOMMAIRE 6
introduction
Partie 11: les outils de l’espace numérique au service d’une conception participative de la ville
Partie 1: Les stratégies participatives dans l’espace urbain
1.1 stratégies participatives dans l’espace urbain : 12 historique et présentation 1.2 de l’habitant à l’action collective
16
1.3 de la démocratie représentative à la démocratie co-productive
24
1.4 UNE expérience avec ses limites
32
II.i lA ville et l’internet
36
I1.2 QUELLE(s) INTERFACE(s) POUR une conception PARTICIPATIve de la ville ?
42
conclusion
54
Bibliographie
58
ANNEXES
18
INTRODUCTION 1
« Faire la ville c’est mettre ce débat sur la place publique »
problématiques
urbaines
à
solutionner
jusqu’à
la
construc-
écrit Patrick Norynberg dans son livre Faire la ville autrement.
tion du projet et même parfois après dans son suivi. Une
L’espace public n’est plus désormais le seul lieu du débat mais aussi le
telle conception de l’urbanisme et de la gérance de la ville
sujet de celui-ci, son enjeu. La ville ne peut désormais plus être réflé-
semble être l’avenir de l’urbanité durable de demain. Elle implique
chie et se faire sans non seulement l’avis mais aussi la participation
une modification des échelles de réflexions et de conception de
active de ses habitants, de ses usagers, de ceux qui la pratiquent. Ils
projet vers toujours plus de local afin de mobiliser toujours plus de
sont les experts de leur ville, de leur quartier, de leur environnement
citoyens sans pour autant faire fi d’une dimension globale de la ville.
et en détiennent ainsi de nombreuses clés indispensables à leurs
Chaque projet, bien que mené indépendamment vient enrichir
compréhensions. Leur implication est d’autant plus nécessaire que les
la ville toute entière dans une toute nouvelle dynamique de
systèmes déléguaires et représentatifs ont depuis longtemps montré
création de cette dernière. Néanmoins de nombreuses limites
leurs limites. Il faudra toujours plus de délibérations mais surtout de
persistent et constituent un frein au développement d’une telle démarche.
co-productions afin de faire naitre des projets d’avenirs pour une ville aux qualités spatiales mais aussi sociales. « L’appropriable est
Face à cette nécessité grandissante d’un urbanisme nouveau
une des dimensions du durable 2 ». Peu à peu émergent dans l’es-
s’ajoute un constat. L’évolution des technologies de l’informatique et
pace urbain des « expériences » de projets participatifs voyant
de la communication a modifié de façon conséquente voire radicale
la collaboration du triptyque élus/professionnels/habitants tout au
notre quotidien, changeant les modes de consommation, d’organisa-
long du processus de conception, c’est à dire de la recherche des
tion du temps et les pratiques sociales. Le numérique fait désormais
1. Patrick Norynberg, Faire la ville autrement, 2ème édition revue et augmentée, éditions Yves Michel, Gap, Mars 2001 2. Nathalie Blanc, Vers une esthétique environnementale, Nancy, Edition Quae, 2008, p 21
6
partie intégrante de nos vies et se révèle être une nouvelle couche
la plupart une certaine pérennité. Ils permettent l’échange de
de l’espace urbain, dont on doit désormais tenir compte pour la
biens, d’information, d’astuces etc. Ses stratégies participatives (libres
compréhension de la ville mais aussi dans sa conception. Le monde
encyclopédies, sites d’échanges de particulier à particulier etc.) aussi
physique et le monde numérique ont fini par se fusionner et se
multiples qu’elles soient, ont désormais fait leurs preuves et continuent
coordonner pour devenir indispensables et indissociables l’un de
sans cesse de s’améliorer dévoilant toujours plus de mécanismes pour
l’autre: le premier permet l’enracinement et la concrétisation du
assurer leur longévité et leur crédibilité face à un monde numérique
deuxième, tandis que celui-ci en peut rendre plus facile la lecture, la
du constant renouvellement. La nouvelle conception de gérance de
description voir l’appropriation. Ainsi émerge peu à peu une « ville 2.0
la ville et d’urbanisme qui voit le jour, dans sa volonté de démarche
», une «ville augmentée » avec ses nouvelles caractéristiques induisant
collaborative pourrait alors apprendre et s’aider de l’outil d’internet
des nouveaux modes de vie et de consommation de l’espace urbain.
afin de d’améliorer peut-être son pouvoir d’action. L’internet pourrait devenir un catalyseur et serait alors une interface permanente entre
De plus l’internet est le lieu où se fait désormais en premier et
tous ce que l’avenir de la ville intéresse. Déjà les individus mais aussi
en majorité le débat public au travers des réseaux sociaux et
les collectivités s’appuient de plus en plus sur les outils et réseaux
autres forums. Les sujets de discussions sont illimités et l’échange est
numériques pour résoudre des problèmes locaux. C’est le cas par
permanent. Il présente ainsi un pouvoir fédérateur et omniprésent.
exemple des réseaux de quartiers qui recréent un lien parfois fragile
Mieux, on voit peu à peu naitre des systèmes de collaboration basés
voir inexistant, et augmentent les capacités d’échange indispens-
sur la libre participation de chacun et ayant atteint aujourd’hui pour
able à l’action collective. Mais les capacités d’internet ne s’arrêtent
7
pas à l’échange de simples informations. Le potentiel quasi
récapitulatif des liens qui unissent désormais la ville physique et la
illimité du net permet et permettrait la multiplication des pratiques
ville numérique, la volonté de ce mémoire sera dans un premier temps
pour en faire une interface efficace, interactive et en constante
d’établir un bref inventaire des statégies participatives en lien avec
évolution entre les habitants, les élus et les professionels de la ville.
l’espace urbain déja présentes sur le net mais aussi de définir les
Une interface qui serait alors un des outils du processus de projet
chemins possibles vers une interface pertinente de la conception
participatif et qui l’inscrirait dans une démarche toujours plus itérative.
collaborative de la ville et les outils et mécanisme qui la rendront pérenne.
C’est cette possibilité d’un internet au service de la conception participative
de
la
ville
qu’il
s’agit
de
tenter
d’explorer dans ce mémoire. Elle passe tout d’abord dans un premier chapitre par la compréhension de ce qu’est le projet urbain participatif dans sa méthode, dans ses volontés. Après un bref historique, il s’agira
d’en
dévoiler
et
d’en
expliquer
les
processus, les différents moyens de sa mise en place et les diverses formes qu’ils peut revétir au travers d’exemples concrets d’expériences collaboratives
menées dans l’espace urbaine
mais aussi d’en cerner les limites. Dans la deuxième partie, après un
8
pARTIE 1
LES STRATEGIES PARTICIPATIVES dans l’espace urbain
1.1
lE PROJET URBAIN PARTICIPATIF: Historique et présentation
Il s’agira dans ce premier chapitre de comprendre la véritable nature
nouvelles stratégies liées aux évolutions des mentalités et des moyens
du projet participatif et de cerner différents mécanismes qui le ren-
mis en place mais aussi des nouvelles technologies de les repousser ?
dent, quelque soit son échelle d’application, possible afin d’en saisir les points essentiels, que ce soit dans l’implication des habitants ou
Le passage d’une conception et d’une création de la ville, mais
dans les changements que cela implique au niveau des institutions
aussi de prise de décision la concernant, essentiellement menée par
politiques et professionnelles. Il faudra poser les bases d’une évolution
des professionnels et des spécialistes vers une participation active
de ce processus, qui remonte aux années 1960, tant dans l’idéologie
de tous ne s’est pas faite de manière spontanée. Il est le fruit d’une
ou dans les modèles politiques qui l’ont prédéfinis que dans les diffé-
évolution progressive vers toujours plus de concertations, d’échan-
rentes formes qu’il a pu revêtir. Comment c’est progressivement mis
ges et de coproductions même si néanmoins certains freins demeurent.
en place la participation citoyenne telle que nous la connaissons
Les premières stratégies participatives en ville voient le jour aux
aujourd’hui ? Le but étant aussi de saisir ce qui fait défaut aux
Etats-Unis, dans les années 1960, sous la forme d’une mobilisa-
stratégies participatives, non dans une optique de remise en questions
tion citoyenne ayant pour visé la prise de contrôle des principales
des différentes méthodes appliquées, aussi diverses que variées avec
décisions
néanmoins une visée commune, mais dans une volonté d’optimisation
politiques en places. Elles sont alors essentiellement portées par des
de son application et d’amélioration de son impact. Quelles sont les
non-professionnels qui s’inquiètent de l’avenir de leur ville dans un
caractéristiques communes ayant fait leurs preuves ? Quelles peu-
mouvement principalement contestataire. En France, dans cette
vent-être les limites et leurs raisons ? Est-il possible en envisageant de
même période la question est soulevée au contraire par des hommes
12
par
les
habitants
et
non
par
les
institutions
politiques essentiellement de gauche, tel que Pierre Mendes France
d’institutionnaliser ces nouvelles démarches. Face à leur échec, cumulé
du parti radical-socialiste, qui relèvent la nécessité de passer
à la crise et la montée du chômage, les années 1980 voient le déclin
progressivement vers une démocratie participative et non plus
de ces différentes volontés d’implication. Le débat manque égale-
représentative. Dans le courant des années 1960-1970, cette
ment alors d’une certaine codification qui permette de cerner les
nouvelle conception de la démocratie voit son premier essor avec
possibilités d’une démocratie participative mais aussi de l’organiser
la création de nombreuses associations de quartier et d’ateliers
de manière cohérente et efficace. Cette codification n’arrivera dans
d’urbanisme. Les GAM (Groupes d’Action Municipale), constitués
l’Hexagone que dans les années 1990 et permettra d’en identifier les
essentiellement de militants cherchant des réponses plus appropriées
principes essentiels tel que le droit à l’information ou à l’initiative des
aux différents problèmes sociaux de l’époque que celles proposées
habitants. Cette institutionnalisation progressive sera principalement
par les différents partis politiques, adoptent eux aussi une vision
rendue possible par la création d’une association mondiale s’intéres-
partagée de la réflexion urbaine mais il s’agit alors plus d’une lutte
sant à la collaboration publique, l’AIP2 (Association Internationale
pour la participation et une volonté de contestation qu’une réelle
pour la Participation Publique) fondée en 1990. Celle-ci pourvu
volonté de collaboration avec les différentes institutions en charge de
d’un conseil d’administration international va peu à peu établir des
la ville. Les habitants, poussés par ses différents mouvements qui voient
règlements et des politiques favorisant le débat entre les institutions
le jour, s’emparent de la notion de démocratie ainsi que des instruments
et les habitants tout en montrant les bienfaits d’une telle concer-
associatifs afin de faire entendre leur voix aux pouvoirs locaux en
tation surtout si l’avis du publique prédomine sur toutes décisions.
place. En 1977, les municipalités d’union de la gauche tentent même
En matière d’urbanisme et d’architecture ces démarches font
13
également leur chemin et ouvrent le dialogue sur la ville aux cita-
projet urbain participatif est en train de se modifier pour se
dins. L’échange se fait peu à peu notamment en Amérique du nord
diriger vers un véritable dialogue urbain où il n’est plus question de
où s’applique le « sociological survey » qui voit la collaboration de
relation de pouvoir entre les différents acteurs mais plutôt d’une forte
ces derniers avec des techniciens. Cependant le débat est essen-
volonté d’échange. De nombreux théoriciens, tel que Jean-Jacques
tiellement rendu possible par un médiateur expert et ne se fait pas
Terrin, tentent peu à peu de théoriser un processus de collaboration,
directement entre les différents acteurs ce qui n’assure pas le respect
ou d’interactions qui n’ont pas forcément pour but la mise au point d’un
de la volonté de chacun. En France, le problème est différent et
projet. L’échange se fait alors petit à petit et tend à se démocratiser.
est encore d’actualité de nos jours, l’échange entre professionnels
De nos jours l’urbanisme participatif implique une participation du plus
et habitants ne se fait pas toujours dans le cadre de projet précis
grand nombre peu importe sa profession ou son savoir concernant
et les premiers ne sont alors pas toujours ouvert au dialogue avec
le projet. Néanmoins de nombreux auteurs d’essais ou de comptes
les autres d’autant plus que l’intermédiaire y est assuré par d’autres
rendus d’expériences sur ce genre d’urbanisme soulèvent le problème
non-professionnels issus de diverses associations. Le but de cette
de la difficulté à susciter de l’intérêt chez les principaux concernés :
logique est une certaine émancipation des habitants qui n’est pas
les habitants. Ainsi Patrick Norynberg, écrit dans son livre Faire la ville
toujours évidente à mettre en place. Ces deux logiques bien que
autrement, l’incompréhension qui peut avoir lieu sur les problématiques
différentes ont pour viser commune une prise de décision et non
relevée par les professionnels de l’espace et les élu, les habitants
forcément une conception concertée du projet et peinent donc à
« n’écoutent pas les réponses aux questions qu’ils ne se posent pas ».
se pérenniser. Cependant depuis les années 2000, l’idéologie du
De nombreuses autres raisons tel que la peur de ne pas être écouté, 1. Patrick Norynberg, Faire la ville autrement, 2ème édition revue et augmentée, éditions Yves Michel, Gap, Mars 2001, p12
14
de ne pas trouver les mots reviennent également comme frein à leur
parler d’un système représentatif. Celui-ci a depuis longtemps montré
libre expression. Chacun veut faire entendre sa voix, poser des mots
ses limites qu’il s’agisse d’un point de vu politique ou urbanistique. Il
sur son mécontentement oubliant l’intérêt de tous. Parfois même il est
ne s’agit pas de laisser toutes libertés de conception et de créa-
question d’un désintérêt total. Cependant, progressivement les médi-
tion aux habitants mais de se diriger ensemble vers une démocratie,
ateurs (élus, représentants etc.) parviennent à créer le débat, à mo-
plus que participative, co-productive. Qu’est ce que cela implique
biliser de plus en plus d’habitants, à les sensibiliser à l’avenir de leur
alors comme changements pour les institutions locales mais aussi
quartier jusqu’à obtenir des actions de groupes réellement efficaces
pour les professionnels de l’espace urbain ? Cela ne sous-entend-t-il
allant même jusqu’à une certaine émancipation vis à vis des profes-
pas une proximité accrue et donc nécessairement un changement
sionnels. Quels processus permettent cette volonté d’amélioration de
de l’échelle d’actions politiques et urbaines vers plus de localité ?
son environnement ? Ne s’agirait-il pas pour répondre à cette question de comprendre ce qu’implique le fait d’être un habitant et même ce que signifie être un habitant, d’un immeuble, d’un quartier, d’un ville ? Cette action collective, si elle est rendue possible par la volonté et l’implication des habitants nécessite également pour perdurer une adaptation importante des différentes institutions professionnelles 1 en charge de la mise en place du projet urbain. Du moment que
leur participation devient efficiente et volontaire on ne peut plus
15
1.2
De l’habitant à l’action collective
« Habiter est le trait fondamental de l’être, en conformité duquel les
de plus en plus forte et les nombreuses mobilisations de
mortels sont » écrit Heidegger. « L’habiter » est primordiale à l’homme
syndicats d’habitant lors d’opération d’urbanisme. Ainsi, depuis 1980, à
car il implique la notion d’un chez soi autant intérieur (le domicile)
Paris, chaque projet sur l’espace urbain a généré une association
qu’extérieur (le quartier) nécessaire non seulement à un sentir être
de défense du quartier qui se manifestait sous forme de protesta-
et à une construction de sa personnalité mais aussi à l’existence
tions allant même jusqu’à des contre-propositions. Les citoyens ont
en tant que personne dans la société. L’être occupe un lieu, il vit
désormais conscience de leur droit et de la dimension sociale de
quelque part et est donc un « habitant de » ce qui défini une part
leur lieu de vie. La nature de l’humain en fait un être naturellement
de son identité qu’il affirmera en tant que tel. Par son appartenance
individuel et social mais face aux pouvoirs en place et aux décisions
à une ville, un quartier, un immeuble, il revendique des droits et des
prises, les habitant s’allient et naissent alors de véritables solidarités
devoirs notamment concernant les décisions qui concernent son lieu
locales afin de revendiquer une légitimité sociale d’autant plus
de vie. Ainsi l’habitat impact sur l’habitant mais le contraire est aussi
forte qu’elle est de groupe. « L’habitant doté d’un environnement est
vrai. L’usage et les pratiques de tout un chacun qu’il soit seul ou en
pourvu d’une esthétique et d’une éthique qui le conduit à agir, éven-
groupe vont venir modifier par leur appropriation les espaces et
tuellement de se mobiliser, car la beauté est l’art de porter un jugement »
les lieux de façon parfois surprenante. L’habitant est le « everyday
Les habitants ont ainsi désormais de nouveaux pouvoirs politiques
maker » (celui qui fait le quotidien) qui anime le quartier, lui donne
définis dans les textes de l‘AIP2 (Association Nationale pour la
une vie et une raison d’être en concrétisant sa dimension sociale.
Participation Publique) allant du droit à l’information jusqu’à l’action
Ce lien étroit et cet échange continu expliquent alors l’implication
directe en passant par le droit à la parole. Ils sont de nouvelles
16
figures politiques au delà de l’image souvent mal considéré de l’habitant opposant et contestataire. Il faut alors pour les institutions et
#Mise en valeur des savoirs locaux et création de biens communs
les professionnels de l’espace apprendre à travailler avec cette nouvelle
Connaissant le lien étroit entre l’habitant et son territoire il serait
figure et savoir tirer le meilleur de leurs savoirs et de leurs compétences.
erroné de ne pas le considérer comme une force productive pour le projet urbain, comme le concepteur le plus pertinent de ses propres conditions de vie. Ses savoirs non-experts sont autant de facteurs supplémentaires à la conception d’un projet complet dont il faut tenir compte. Depuis un certain temps l’avis et les idées des habitants sont tenus en compte lors d’enquêtes préalables au projet qui restent néanmoins limitées par des questions trop fermées, pas assez précises 1
ou peu pertinentes. Patrick Norynberg, dans son livre , rapporte les expériences menées avec les habitants des différentes cités où il est intervenu et l’autocréation par ces derniers de questionnaires réellement efficaces. Dans un premier temps, avec une équipe de professionnel, Norynberg est allé à la rencontre des habitants avec une première série de questions permettant de dégager les problèmes de fond. Une fois cette première prise de contact réalisée, 1. Patrick Norynberg, op.cit. , p 6
17
les médiateurs sont partis à la recherche de personnes réellement
afin de réellement toucher la population concernée au travers
concernées et motivées pour faire évoluer l’avenir de leur quartier.
des vrais problèmes qu’elle se pose. Principaux décisionnaires, les
L’idée était alors de constituer une équipe mixte de professionnels
habitants ont ainsi défini les questions qui pour eux étaient
et d’habitants capables de mettre en place un deuxième question-
primordiales. Ils ont pu ensuite procéder eux-mêmes à la réalisation
naire plus pertinent et efficace qui puissent permettre de trouver de
des entretiens assurant ainsi un meilleur échange basé sur l’écoute
véritables solutions en accord avec l’avis général des occupants
et la compréhension et une volonté d’échange plus forte avec leurs
du quartier. Les critères de recrutement pour cette équipe étaient
voisins et connaissances. A la fin de ces entretiens, grâce à l’aide de
essentiellement basés sur la motivation, mais avaient aussi pour but
l’équipe mise à leur disposition, ces habitants ont établi une synthèse
d’offrir à des habitants au chômage une possibilité de renouer avec
précise sous forme de problématiques à solutionner et d’objectifs
la vie professionnelle et peut-être même de découvrir une nouvelle
futurs qui fut présentée lors d’une réunion débat à l’ensemble du
vocation. Ainsi, il a été proposé à ces derniers de suivre une forma-
quartier et des professionnels. Ainsi pouvait commencer la réflexion
tion rapide sur les intérêts et le fonctionnement d’un questionnaire de
collective à plus grande échelle sur différents projets en rapport
sociologie mais aussi sur la bonne réalisation d’un entretien. Une fois
avec cette enquête préliminaire. En parallèle de ces recherches
cette formation réalisée et l’équipe formée, Norynberg a pu mettre
réalisées par un petit groupe d’initiés, Norynberg rapporte l’impor-
en place des groupes de discussions afin d’isoler des probléma-
tance de susciter l’intérêt d’un maximum de personnes et de parvenir
tiques fortes (issues des entretiens ou rapportées par les habitants
à les faire intervenir dans la réflexion et dans le processus de projet.
de l’équipe eux-mêmes) et de les restituer sous forme de questions
C’est dans cette optique que le médiateur à établis un processus de
18
collaboration avec cette fois-ci l’ensemble des habitants du
aux futurs projets. Ce processus d’implication du plus grand nombre
quartier sur la mémoire d’un lieu à la cité des quatre tours, aux
a permis de lier de véritables liens et de concevoir un échange
Blanc-Mesnil dans le 93. Après une assemblée générale expliquant les
plus humain entre les techniciens de l’espace, les élus locaux et les
objectifs d’un tel dispositif et les formes qu’il revêtirait, les habitants
habitants. Il a également aidé à incorporer certains des habitants, les
par groupe de travail ou individuellement ont été chargés d’établir
plus impliqués, devenus alors des éléments indispensables à l’équipe
progressivement l’historique officiel et non-officiel de leur quartier
de projet de par leur connaissance du lieu mais aussi leur caractère
qui tienne compte de ses dimensions sociales et humaines. Ainsi par
de médiateur. Cette création de postes en lien directe avec les
l’intermédiaire de recherches, notamment réalisée dans les écoles du
habitants du quartier donne une dynamique et une raison d’être supplé-
quartier sous forme d’exposés, ou à l’aide d’anecdotes et d’expé-
mentaire à la démarche de projet participatif à l’échelle d’un quartier.
riences personnelles relatées au travers de récit, de lettres ou
D’autres
de photos chacun venait apporter sa pierre à l’édifice. Une fois
tiques et esthétique cette fois, relatent du pouvoir d’impli-
l’assemblage de toutes ces données accompli, les habitants ont fait
cation
expériences,
des
habitants
dans
lorsqu’il
des
s’agit
dimensions
de
leur
plus
artis-
environnement.
preuve d’une réelle émancipation mue par une volonté commune et, à l’aide des professionnels les entourant, ont procédé eux-mêmes à l’organisation de l’exposition et sa présentation. L’exposition alors, mieux qu’un simple lieu de rencontre et de discussion, est devenue une véritable ressource de données “non-expertes” mais essentielles
19
#Le participatif artistique dans l’espace urbain
Dans l’espace urbain, naissent de plus en plus des démarches faisant ainsi appel à la participation des habitants mais dans une optique plus artistique, esthétique. Elles les mobilisent pour rendre une œuvre interactive, ludique, ou pour susciter une réflexion sur leur ville, sur leur quartier ou encore pour aboutir à de véritables projets d’échange qui viennent redynamiser parfois tout un quartier et lui donner une nouvelle synergie. Ces interventions d’artistes deviennent alors de véritables supports à la mise en place de la parole publique.
Ernest Zacharevic, jeune artiste issu du “street art”, a voulu créer une interaction ludique entre son œuvre d’inscription murale ayant pour thème le vélo et les habitants du de l’état de Penang en Malaisie à l’occasion du festival George Town. Une fois son dessin réalisé sur un des murs de la ville, l’artiste a demandé aux habitants d’immortaliser des moments les mettant en scène autour “Pint it” street Art réalisé par Ernest Zacharevic + photos réalisées par les habitants source: page Facebook de Ernest Zacharevic
20
de l’œuvre et de les poster ensuite sur sa page Facebook. L’artiste a pu ainsi réunir une série de photographies réalisées par les habitants eux-mêmes comme continuité de sa réalisation de base.
Candy Chang, jeune architecte urbaniste, est considérée comme l’ambassadrice du “street art” participatif. Dans la ville de la Nouvelle Orléans où elle a élu domicile depuis quelques années la jeune femme n’a de cesse de concevoir des interventions qui mettent en intéractions les habitants et leur ville mais aussi les habitants entre eux. Dans son projet I wish I was Candy Chang détourne les étiquettes des meeting ( « Hello my name is » ) afin de permettre aux habitants d’apposer leurs idées et rêves pour le futur de leur quartier en collant ces étiquettes sur des magasins et espaces vides en attente d’une nouvelle enseigne. Ainsi chacun vient proposer son idée, parfois réaliste parfois utopique, et de manière imprévue naît un véritable dialogue entre les habitants où l’un propose de financer l’ouverture d’une boulangerie si quelqu’un accepte d’en entreprendre la gestion “I wish I was” projet réalisé par Candy Chang source: candychang.com
21
et de véritables projets se mettent alors en place permettant aux habitants de créer leur propre ville. L’artiste a également créé un site du nom de Neighbourland où les habitants sont libres de se connecter afin de partager leur idées et ambitions pour l’avenir de leur ville par l’intermédiaire de la phrase « I want … in my neighborhood ».
Enfin dans une démarche co-productive entre les habitants d’un lieux et un artiste on peut citer le projet de Musée Précaire d’Albinet mis en place par Thomas Hirschhorn dans le quartier d’Albinet à Aubervilliers. Ce projet, réalisé en 2004, avait pour vocation de recréer un lien fort entre les habitants et l’art mais aussi entre les habitants entre eux en leur offrant un lieu de rencontre et de discussion tourné vers l’esthétique. L’idée était d’aider les habitants à organiser et gérer des expositions temporaires hebdomadaire sur des artistes internationales (Dali, Mondrian, Duchamps etc.) autour desquelles pourrait se greffer des ateliers pour les enfants, des conférences et des repas de discussions. Un lieu pour abriter ses expositions n’existant pas Musée Précaire D’Albinet source: http://archives.leslaboratoires.org/content/view/144/lang,fr/
22
22
tions n’existant pas dans le quartier, le musée avec sa salle modulable,
Toutes ces expériences prouvent la capacité des habitants
sa bibliothèque, son atelier et sa buvette ont été construit avec des
à prendre part aux prises de décisions importantes concernant
matériaux recyclés par des habitants du quartier rémunérés. Certains
leur quartier, mais aussi les possibilités multiples de leur implication
d’entre eux ont également pu suivre une formation afin de pouvoir
dans l’espace urbain. Par leur coopération avec des professionnels
s’occuper des grandes œuvres (transports, entretiens etc.) prêter par
mais aussi entre eux, les citoyens parviennent à la mise en place
le centre George Pompidou. L’ouverture en avril 2004 a ainsi attiré de
de véritables “biens communs“ qui recréent une véritable dynamique
nombreux habitants mais aussi des visiteurs extérieurs et a permis au
dans la vie de leur quartier et renforcent les liens entre voisins.
quartier de faire parler de lui et de casser les préjugés à son propos.
Cependant de telles démarches ne peuvent être exclusivement un travail de la part des habitants et impliquent des changements importants dans le système de fonctionnement des institutions locales en place et dans la synchronisation entre les professionnels, les habitants et celles-ci.
1.3
De la démocratie représentative à la démocratie co-productive
#Démocratie participative
tion faite aux citoyens afin d’éviter un désintérêt grandissant (seulement
70% de participation aux législative de 2007 pour 80% en 1958).
La notion de démocratie participative fait son apparition en France, des le début des années 1960 devant le constat des limites de
La démocratie participative se veut être un partage et un exercice
la démocratie représentative. En effet, face à la décentralisation
du pouvoir fondé sur la participation des citoyens à qui est donné
puis à la régionalisation les élus locaux se sont peu à peu dirigés
un pouvoir nouveau et indispensable. Cette démocratie reconnaît
vers toujours plus de professionnalisation entrainant une coupure
l’expertise citoyenne sans remettre en cause le savoir politique des
grandissante entre leurs électeurs et eux. Est apparu alors une
experts et élus. Elle est basée tout d’abord sur une transparence de
certaine omniscience des experts dans les prises de décisions
l’information envers les habitants que défini la convention Aarhus de 1998
politiques allant contre le principe même de démocratie qui se
mais aussi sur leur implication à différents niveaux de la prise de décision
revendique comme une activité collective de mise en place de la
politique. Cette implication citoyenne peut revêtir différents aspects :
société. De plus, le système électoral en place ne permet pas aux élus de réellement penser sur le long terme, devant toujours prévoir lors de leurs campagnes des objectifs avec une réalisation rapide qui permettent
La
de constater des changements à l’échelle de leur mandat. La décen-
mission
tralisation devrait, de part les échelles locales de décisions qu’elle
forcément la prise en compte de la voix populaire. Elle peut
permet, faciliter les processus de concertation et accentuer l’informa-
s’établir par exemple sous la forme d’une enquête publique.
24
consultation:
elle
d’informations
a et
pour
vocation
l’échange
principal
mais
la
n’implique
transpas
La concertation: beaucoup moins libre que la consultation, la
cette collaboration avec les citoyens l’une abordant des questions
concertation est soumise à une charte qui impose des proces-
économiques et l’autre la mise en place d’un projet urbain d’ampleur.
sus en amont de la mise en place comme une transparence to-
.
tale des données, la mise en place de débat et une favorisation de la participation du plus grand nombre. Néanmoins le pouvoir décisionnel reste dans son cadre aux mains des autorités publiques.
La co-élaboration: elle reprend les règles appliquées aux autres types de participation en terme de circulation de l’information mais implique également un respect de l’avis des citoyens basé sur la prise de décision à la majorité avec une obligation de justifications en cas de non respect de ce dernier. Cette co-élaboration tend à se démocratiser surtout en ce qui concerne la gestion de la ville et les prises de décisions importantes qui la concerne tant économiques et sociales que matérielles. Pour l’instant sa mise en place n’est qu’au stade d’expériences plus ou moins indépendantes et nous allons faire ici exemple de deux stratégies de mise en place de
25
#BUDGET PARTICIPATIF: L’exemple de porto ALEGRE
manquent pas pour ponctuer les débats. Les jeunes eux aussi sont
Porto Alegre est une ville de 1,3 millions d’habitants située au sud
impliqués et certaines assemblées leur sont entièrement dédiées afin
du brésil. Ville majoritairement pauvre, elle a vu en 1988, suite à
de s’orienter plus vers les secteurs de l’éducation ou de la culture.
l’élection d’une coalition de gauche dominée par le parti travailleur aux municipales, se redéfinir sa politique de gouvernance vers plus de
Afin d’assurer une organisation réellement efficace de la mise en place
participation citoyenne. Ainsi est né le projet d’un budget dit
de ces budgets, le système qui l’accompagne est très structuré. Tout
participatif
d’abord il fait le lien entre différentes instances qui discutent tout au
de
la
citoyens
où
une
mairie dans
partie
est les
des
laissée
décisions
ressources à
la
concernant
budgétaires
décisions sont
des
long du processus et dépendent les unes des autres pour la prise
attribution.
de décision finale : l’Exécutif représenté par Maire et le vice Maire ainsi que l’administrations qui les entoure, le Législatif représenté par
Tout repose d’abord sur une éducation populaire par l’intermé-
l’assemblée municipale élue mais aussi la Société Civile par
diaire de manuels simples qui assure la transmission de l’information
l’intermédiaire de la libre participation des citoyens. Afin de faciliter
concernant la mise en place de ces budgets, le fonctionnement des
leur dialogue, une pyramide participative a été imaginé permettant
assemblées et différentes instances de décisions ou encore un retour
de travailler à différentes échelles et d’assurer la circulations des
sur les budgets des années précédentes. Tout est mis en place pour
informations le tout synchronisé par un calendrier commun à tous.
stimuler la participation des habitants. Ainsi tandis que les adultes
Ainsi après présentation par les représentants du pouvoir Exécutif du
délibèrent, des ateliers sont organisés pour les enfants afin d’éveiller
budget attribué à la réflexion participative en mars, le débat
leur conscience civique et les fêtes, dans la tradition du pays, ne
commence à la micro échelle locale au cours de réunion de groupes,
26
d’immeubles puis de quartier
où la structure participative est
Les décisions sont alors présentées lors d’une assemblée générale
entièrement autogérée par les habitants qui organisent eux-mêmes les
qui conclue un travail collectif de longue allène. Chaque année, à
forums de discussion, choisissent leurs représentants et mettent au point
Porto Alegre, 10 000 à 15 000 personnes, souvent les plus pauvres,
leur compte rendu. Ils ont alors jusqu’au mois de juin pour formuler et
participent ainsi de leur plein grès à cette action participative forte.
justifier leurs demandes concernant le budget. Ensuite les représentants élus se réunissent durant les mois de juin et juillet selon des assemblées
Par l’intermédiaire de ce processus, la municipalité a su recréer le
sectorielles (par quartier ou groupement de quartiers) ou théma-
lien parfois effacé entre les habitants et les institutions locales tout
tiques (éducation, culture, sécurité, hygiène etc.) et tiennent compte
en mobilisant un sens nouveau de la citoyenneté et une culture
du statut de chaque quartier, des difficultés qu’il rencontre et des
nouvelle de la démocratie. Elle a également pu orienter de manière
situations d’urgence afin d’établir une liste de priorités de distribution
pérenne les ressources publiques en direction des plus pauvres.
des ressources budgétaires. Enfin de juillet à septembre certains de
Suite à l’expérience menée par Porto Alegre, ce mode de gouver-
ces représentants élus pour un an ainsi que le conseil du budget de
nance participatif s’est répandu au travers du pays puis dans le reste
la mairie se rassemblent afin d’assurer la transmission des informations
du monde. En 1992, seulement 12 municipalités avaient adhéré au
de la société civile vers la municipalité. Ils établissent ainsi des plans
principe de budget participatif, en 2000 elles étaient 140 et tendent
d’attributions du budget pour l’année selon des logiques majoritaires
à approcher des 200 de nos jours avec plus de 85% d’entre elle au
(respect des décisions concertées prises par les habitants), distribu-
Brésil. Cependant la démarche comporte tout de même quelque limite
tives (prise en compte du nombre d’habitants par quartier et de ses
que son potentiel d’adaptation et d’innovation tente peu à peu de
ressources) mais aussi techniques (priorités sanitaires par exemple).
solutionner : tout d’abord la participation quantitativement limitée
27
par les espaces de réunions, une décision sur le budget seulement à
#Des outils au services des institutions locales
cours terme pour solutionner les urgences mais ne tenant pas ou peu
Dans
compte du long terme et surtout une difficulté à susciter chez les jeunes
de la participation des citoyens dans la
mais aussi chez les plus pauvres un intérêt pour une telle démarche.
politique des médiateurs sont parfois indispensable afin d’assurer la
ce
partage
du
pouvoir
fondée
sur
le
renforcement
prise de décision
compréhension entre les différentes instances. C’est le rôle notamment des En France, le budget participatif n’existe que dans très peu de
associations qui permettent de maintenir les citoyens actifs et surtout
commune comme à Grigny ou dans le Poitou-Charentes mais la
informés et de lutter contre leur désintérêt. Mais d’autres médiateurs
démocratie participative fait peu à peu son chemin par l’intermé-
existent également et assurent un encore meilleur lien de par leur
diaire de divers expériences et projets qui voient peu à peu le jour.
caractère réellement professionnel : c’est le cas des entreprises culturelles.
Les entreprises culturelles peuvent également être des outils alliant efficacité d’action et autonomie financière au services des institutions locales. Ces entreprises sont basées sur la valorisation culturelle et la création de biens privilégiant la création artistique aux performances économiques de rentabilité financière. Bien que n’ayant pas comme but premier la réalisation de bénéfices importants, ces entreprises sont néanmoins capables d’assurer une sources des données: http://www.carold.ca/publications/BLGD/CaseStudies/7_Porto_Alegre_Rebecca_Abers_ fr.pdf http://cooperation.epfl.ch/files/content/sites/cooperation/files/shared/publications/urbanews/UrbaNews_7_fr.pdf
28
maitrise budgétaire et commerciale due à leur spécialisation sur certains marchés (cinéma, édition etc.) mais aussi de proposer une action sociale forte fédérant des individus autour de projets créatifs valorisant.
C’est à ces outils quelque peu à part dans le tissu économique que la mairie de Dijon a fait appel lors d’un projet d’envergure réalisé sur un ensemble d’immeubles et de leurs environs proches, rue Boutaric, considérés comme vétustes et voués dans un premier temps à la démolition. Ces logements sociaux partiellement vides comptent néanmoins une population de 300 habitants issus de la classe pauvre et condamnés à rester. Le conseil d’administration de l’OPAC de Dijon en accord avec la mairie a ainsi décider de donner une seconde chance à ce quartier dans l’idée d’un recyclage immobilier important comportant une éco-réhabilitation mais aussi une redéfinition des programmes présents dans une volonté de diversité des usages. Une véritable pépinière a ainsi été créée afin d’accueillir une trentaine d’entreprises culturelles avec comme un objectif une 1. Immeuble et esplanade boutaric 2. Bureau d’une entreprise culturelle
29
véritable
coopération
via
notamment
une
mutualisation
des
moyens et la mise en place de projets communs visant l’amélioration de l’environnement en accord avec les habitants. C’est ainsi qu’en 2007, s’est installé la première de ces entreprises, Zutique production, ayant pour activité principale l’organisation d’évènements culturels à visé de diffusion et de création et offrant une gamme de services aux artistes leur permettant de développer leur travail (logements, communication etc.). Elle a ainsi pu développer son activité dans des locaux aménagés au sein des immeubles mêmes tout en commençant un travail de médiation et de création de lien avec les habitants. Par leurs actions est né un projet culturel urbain mené avec les habitants et ayant pour but de lier l’artistique à une dimension sociale et à une démarche économique. Cette collaboration a notamment permis la mise en place du festival Casbah Boutaric prenant place sur l’esplanade au pied des immeubles. Cette première expérience réussie, d’autres entreprises ont suivi et ont pu installer leurs activités culturelles et artistiques au sein des 1. Habitants de l’immeuble Boutaric lors du projet d’aménagement de l’esplanade 2. Festival de la Casbah Boutaric
30
immeubles avec comme mission d’améliorer le cadre de vie du
ileur permettant de réaliser eux-mêmes les travaux de transformation
quartier. Dans une volonté de dynamique efficace elles se sont
et la création du mobilier. Ainsi petits et grands ont travaillé ensemble
ensuite réunies en une plus grande association du nom de Coursive
à la mise en place des potagers lors d’une première étape et ont
Boutaric, du nom du quartier, afin de mettre en place de réel projet
pu découvrir les joies du jardinage tout en acquérant des connais-
ayant pour but la participation majoritaire des habitants. Ainsi a
sances multiples tel que l’aménagement d’un espace. Le projet se
émergé l’idée d’une transformation concertée de l’esplanade encore
modifie sans cesse et ces objectifs se multiplient au fil de sa réalisation.
à l’état de terrain vague par eux et pour eux basée sur les notions de
Lors de la découverte de l’ancienne maison des gardiens par exemple,
natures et de biodiversité alliant l’action sociale à une véritable. Des
l’idée a été trouvée de la transformer en un local qui serve de lieux de
professionnels tel que Raphaël Galley, plasticien ou encore Fabienne
réunion mais aussi d’atelier de création pour le futur mobilier urbain.
Meline, paysagiste ont alors été solliciter afin de rendre concrète les
L’objectif final du projet de quartier pour 2014 est d’accueillir une
envies des occupants du quartier. Dans un film postée par l’associa-
trentaines d’entreprises culturelles travaillant ensemble à la mise en place
tion Coursive Boutaric sur l’hébergeur de vidéo « Viméo » ont peu ainsi
d’une plate-forme artistique mais aussi la construction d’un restaurant cul-
voir le dialogue qui s’est instauré entre les techniciens et les habitants
turel accessible à tous, et d’un théâtre des verdures au sein de l’esplanade.
autour de la création de potager partager et individuel mais aussi
Ce genre de projets, délégués à des entités spécialisées permet-
d’un mobilier urbain qui permettent à l’esplanade d’être plus qu’un
tent la mise en place d’une véritable dynamique d’échange et
lieu de passage, un lieu de vie. Plus qu’une simple discussion l’action
d’action avec une véritable possibilité d’implication, et combinent une
consisté à rendre les habitants créateur de leur environnement en
dimension
Vidéo sur: http://vimeo.com/25402606
sociale forte
à
une visée ludique et
formatrice.
source images: http://reseauculture21.fr/wp-content/uploads/2011/09 /Coursive_Boutaric_Photos__liens.pdf source des données: http://reseauculture21.fr/wp-content/uploads/2011/09/Coursive_Boutaric_Présentation.pdf
31
1.4 Les
une expérience avec ses limites
projets
participatifs
dans
l’espaces
urbain
restent
trouver un juste milieu entre le droit à la participation et le devoir
encore à l’étape d’expérimentation et ne sont pas soumis à une
du citoyen ? Il s’agirait plus alors d’une sensibilisation doublée d’un
réglementation précise qui permettrait d’accroitre leur poten-
certain apprentissage qui permettrait de rendre accessible à tous
tiel d’action et surtout de les voir peu à peu se généraliser vers
les processus de mise en place de projet et ce qu’ils impliquent. En
une conception commune de la ville. Ces projets présentent de
effet, beaucoup de citoyens justifient leur abstention par le problème
par ce fait de nombreuses limites qu’il s’agit de comprendre ici.
du langage qui crée une frontière en les professionnels et eux. En effet, les mots techniques liés à l’espace urbain et à sa conception
Le problème principal est lié à la désaffection civique. La cause n’en
mais aussi les notions économiques et politiques qui y sont liées ne
est pas unique et s’explique de nombreuses manières. Tout d’abord
font pas forcément parti de leur connaissance et quand l’échange
les démarches participatives de par leur caractère expérimental ne
doit se faire les habitants ne savent pas trouver les mots, mal assurés
sont pas un automatisme ni pour les professionnels et élus ni pour
devant la puissance public et les techniciens. Et l’incompréhension
les habitants. Leur intégration au processus de projet se fait de
se fait aussi dans l’autre sens, lors des réunions, des conférences
manière progressive et tâtonnante et tous les mécanismes n’en sont
les mots employés ne sont pas toujours à leur porté. Une formation
par encore définis. Nombre d’habitants ne se sentent pas encore
mais surtout une sensibilisation à une démocratie participative, par
concerner ou capable d’intervenir dans les décisions sur l’avenir de
l’intermédiaire de manuel du citoyen comme ceux mis à la dispo-
leur quartier. Certains spécialistes parlent alors d’une éducation à
sition des habitants de Porto Alegre, mais aussi une initiation par
la participation mais ce parti pris semble trop autoritaire. Comment
exemple au vocabulaire l’espace urbain et de l’architecture pour-
32
rait être envisagé afin que toutes les couches de la population (et
d’un lieu à un autre ou même encore ses visiteurs sont tout autant
non plus les initiés) aient accès et puissent participer à la réflexion.
d’usagers qui ont leur propre expérience du lieu et peuvent donc
L’accès
en offrir d’autres visions. Comment les inclurent alors dans le débat ?
de
tous
est
également
souvent
limité
par
des
problèmes quantitatifs. En effet, la volonté d’un échange réellement efficace mais aussi les capacités d’accueils des salles où sont
Une dernière limite à soulever est celle de l’impact de ces
organisés les rencontres limite trop souvent le nombre des parti-
expériences. Réalisé le plus souvent, par soucis d’efficacité et de
cipants qui, se sentant alors exclus du projet dès les débuts de sa
pertinence, à une échelle locale, généralement celle du quartier, elles
conception, ne souhaitent ensuite plus y prendre part. Parfois
ne font pas écho sur le reste de l’environnement afin de permettre une
même la présence d’un certain nombre d’habitants se fait par
dynamique général. Les projets sont réfléchis en accord avec la zone
l’intermédiaire d’un tirage au sort n’assurant pas la présence des plus
d’action et son environnement proche mais ne tiennent pas compte
intéressés. Ne faudrait-il alors pas mettre en place une plate-forme
des quartiers ou communes limitrophes qui pourrait eux aussi béné-
d’échange (réelle ou virtuelle) qui puisse permettre à chacun d’avoir
ficier de telles stratégies. Comment faire correspondre de manière
un retour et d’assister au débat qu’il a manquait, le problème des
efficaces les différents acteurs de ces expériences afin qu’elles
horaires des réunions jouant aussi dans l’abstention de beaucoup ?
s’enrichissent mutuellement autrement que par le biais de conférence
On peut également se poser la question de ce que l’accès à tous
? Par quel moyen faire entrer le processus participatif dans une
signifie. Les usagers d’un espace urbain ne se limite pas à ses seuls
véritable dynamique qui lui permettrait de s’étendre de plus en plus ?
habitants. Les gens qui y travaillent, ou y passent pour se rendre
33
pARTIE 1I
LES OUTILS DE L’espace numérique au service d’une conception collective de la ville
11.1
LA VILLE ET L’internet
#La ville augmentée
connaissance et un pratique de la ville limitée, surtout pour ses visiteurs.
La ville a vu s’ajouter à sa dimension matérielle, physique, historique, politique et sociale une couche numérique, flux de
Désormais l’information est partout et permet de naviguer face à
données constant qui en fait désormais partie intégrante. La tech-
l’hyperchoix qu’offre la vie urbaine. La ville devient navigable grâce
nologie est partout, elle relève à chaque instant le pouls de la ville (flux
au monde du numérique qui communique désormais avec son
automobile, pollution de l’air etc.) la traduisant, mais aussi la contrôle
environnement et permet à tout moment de la pratiquer à son gré,
et la pilote Cette nouvelle couche à une réalité matérielle visible dans
de la comprendre, de la connaître, de s’y orienter etc. Elle devient
la ville de part les moyens techniques de sa mise en place tel que des
progressivement lisible et livre ses ressources à ses observateurs par
câbles, des sondes ou des bornes wi-fi mais elle est surtout impalpa-
l’intermédiaire d’une borne numérique, d’un code barre à scanner
ble et nécessite d’être capter par l’intermédiaire d’appareil tel que
ou d’un plan à télécharger. Le téléphone mobile est l’objet clé de
les téléphones portables de types smart phone qui tendent de plus
cette connexion permanente, il devient la télécommande de son en-
à plus à se démocratiser. Par ces intermédiaires physiques l’urbanité
vironnement pouvant même permettre de régler certain service ou
tend de plus en plus vers une connectivité et un échange constant
comme au Japon d’accéder à certain lieu telle une clé. Des
avec ceux qui la pratiquent. Autrefois, ce lien entre les habitants et leur
recherches sont menées constamment afin de développer des appa-
environnement était mince et se faisait par l’intermédiaire des sites des
reils ou des applications permettant par l’intermédiaire de son mobile
institutions, des municipalités. Il se basait essentiellement sur la circula-
de savoir exactement l’endroit où l’on se trouve, son histoire et quoi
tion d’informations et la mise en place de certains services offrant une
y faire grâce à une simple photo du lieu. Néanmoins la nécessité
36
d’avoir un téléphone équipé des applications pour la lecture des
création d’un mobilier urbain qui rende visible les spots Wi-Fi. Le
signales émis implique forcément une sorte de fracture numérique et
bambou devient alors un signal urbain reconnaissable par tous
donc sociale qui laisse un grand nombre à l’écart de cette connex-
et permet par son aspect modulaire d’accueillir diverses fonctions
ion urbaine. Se pose alors la question d’une lisibilité totale et pour
(lumière, écran, clavier tactile, bornes d’information etc.). La
tous qui impliquerait de la part des institutions locales une démoc-
notion de fôret vient elle d’une envie de démultiplier ces mobiliers
ratisation de cette accessibilité par l’intermédiaire de bornes d’in-
au sein de la ville afin d’en accroitre le potentiel de connectivité.
formation ou de lieu de connexion gratuits. Les passes villes sont une
Ainsi ces bornes en libres accès permettraient, tout en aménageant
première démarche vers cette connectivité pour tous. Ils se complexi-
l’espace public, des échanges plus poussés avec son environne-
fient sans cesse dans ce sens afin d’offrir au plus grand nombre une
ment immédiat. Néanmoins ces recherches demeurent encore à
pratique plus complète de la ville permettant une hypermobilité mais
l’étape de projet et nécessiteraient un partage de l’information plus
aussi désormais l’accès à ses ressources physiques et numériques.
important de la part des services et des acteurs publics. De plus, comme il est souvent le cas pour ce genre d’installation qui
Dans ce sens, le projet «Forêts de Bambous»,1 de Orange Labs, a
demeure encore pour beaucoup au stade d’essai, la communica-
pour vocation de permettre aux collectivités locales de mettre à la
tion se fait assez mal et les gens se retrouvent parfois face à des
disponibilité de leurs usagers des lieux de sociabilité et de
appareils qu’ils ne savent pas utiliser.
connexion qui soient une véritable forêt de donnés sur la ville et
accessible la ville pour tous ne cessent de se développer et reposent
ses usages.
beaucoup sur la volonté des institutions de la mettre à la portée de tous.
Les recherches se sont ainsi articulées autour de la
Les solutions pour rendre
1. http://orangev2.netzed.com/webtv/la-foret-de-donnees-le-mobilier-urbain-nouvelle-generation/video-59-fr
37
Néanmoins, les usagers ont peu à peu pris le dessus pour accélérer leur compréhension mais surtout leur appropriation de
#Les réseaux sociaux numériques: un nouveau type de lien urbain
leur environnement. Grâce à l’internet et au développement des
Avec le web 2.0, les réseaux sociaux, les sites de discussions et de
réseaux sociaux ils se font désormais leur propre expérience de la
partages mais aussi les blogs personnels se sont multipliés permet-
ville et la partage comme il sera démontré dans le chapitre suivant.
tant une circulation des informations de plus en plus efficace entre les utilisateurs, les individus les plaçant dans une position centrale indispensable.
Loin de distendre les liens, le web 2.0 les a
démultipliés, complexifiés voir améliorés créant de nouvelles formes de collaboration, d’échanges et de rencontres. Les actions urbaines collectives via le net, sont de plus en plus nombreuses et diversifiées comme des signatures de pétition ou l’organisation d’évènements. Elles lient des gens de tous horizons, de toutes classes. L’internet permet de dialoguer avec une personne à l’autre bout de la terre mais il est aussi parfois un catalyseur, recréant des liens parfois perdus entre les habitants d’une même ville ou même entre voisins. Les réseaux sociaux sont désormais à toutes les échelles, ils se territorialisent et permettent d’envisager une vie communautaire plus efficace et même
38
plus simple. La micro échelle du quartier ou même de la
pas forcément. Les habitants partagent ainsi sur le net leurs avis,
résidence n’y échappe pas et de nombreux sites
voient peu
leurs demandes ou leur conseils, apprennent à mieux se connaître
à peu le jour afin de faciliter les échanges entre les habitants.
et prennent ensemble les décisions nécessaire à l’amélioration de
C’est le cas du site de réseau urbain «peuplade»1 où, en choisis-
leur quotidien avant de réinvestir à nouveaux un lieu physique pour
sant sa ville (Paris, Marseille, le Havre etc.), l’utilisateur a accès à
des échanges plus concrets offrant ainsi de nouvelles dynamiques
de nombreuses informations la concernant tel que les évènements
sociales et une façon de penser et vivre la ville plus collective.
à venir, des bon plans et astuces partagés par leur voisin et des professionnels ou encoredes petites annonces passées par des
Mais les modifications sur les usages urbains ne s’arrêtent pas
particulier.
des
là. Grâce, à des réseaux sociaux de plus en plus nombreux qui
renseignements complets sur des initiatives mis en place par des
permettent à chacun d’échanger de bonnes adresses, faire par
habitants favorisant de réelles actions de groupes concertées. Il
d’un événement spécial, les gens n’ont de cesse de donner leur avis,
accentue, par l’intermédiaire de forums, l’établissement d’un dialogue
de faire part de leur expérience de la ville afin que d’autres en
entre utilisateurs et offre la possibilité d’organiser des rencontres au
profitent. Ces sites offrent aux utilisateurs une possibilité de se
cours de sorties collectives ou de « rencontres au coin de la rue ».
réapproprier leur ville découvrant ou redécouvrant certains lieux mais
Peuplade
met
également
à
sa
disposition
2
«Ma-résidence» , reprend ce principe de mise en contact à l’échelle
aussi de la partager. Avec la venue du wifi et autres connections
d’un immeuble ou d’un groupement d’habitations et met ainsi en
mobiles l’expérience est désormais possible en temps réel et l’on peut
connexion des gens qui se croisent chaque jour mais ne se parlent
à tout moment rejoindre telle ou telle soirée, événement, exposition
1. www.peuplade.fr 2. www.ma-résidence.fr
39
recommandé par une connaissance. Cette mobilité connectée fait
l’espace illimité du net ? Les forums sont le lieu nouveau du dé-
vivre la ville. Véritable catalyseur elle peut à tout moment renforcer
bat sur l’espace public mais des outils de conceptions propres aux
l’attractivité d’un lieu puis celle d’un autre multipliant les expériences
professionnels de l’espace, s’ils sont mis à la disponibilité de tout un
possibles tout en leur donnant une dimension collective forte. Elle
chacun, autoriseraient alors la création de cet espace public de
peut être le fruit de véritable rassemblements éphémères tel que les
façon collective et concertée apportent à ces professionnels des
flash mobs mais est également créatrice de nouveaux lieux urbains
informations qui parfois leur échappent et qui sont pourtant nécessaires
permanents, noyaux de mobilité, n’appartenant ni au domicile ni au
au projet urbain. Mieux l’internet favoriserait par sa libre accessibilité
travail, où l’on peut se poser pour travailler en buvant un café, ou
la participation des habitants au processus de projet permettant de
discuter de ses projets avec des inconnus (cafés, lieux associatifs etc.)
concevoir en partie la ville durable mais surtout sociable de demain.
créant ainsi des liens sociaux nouveaux. Le lien à l’espace urbain est ainsi complètement modifié grâce aux réseaux sociaux en mobilité.
Les réseaux sociaux urbains de par leur diversité et l’internet lui-même permettent une expérience individuelle mais surtout collective de la ville programmable et modifiable par ses usagers. Ne pourrait-ont pas alors le voir comme un des outils nécessaire à la conception même de la ville dans les dimensions participatives qu’autorise
40
11.2
Quelle(s) interface(s) pour une conception collective de la ville ?
# L’ e-Participation
l’expérimenter au cour de sa campagne pour les dernière présidenti-
La conception participative de la ville commence déjà à s’établir
elle par le biais de son site mybarackobama.com qui permettait à ces
sur internet, on parle alors d’e-participation. Elle consiste en
partisans de connaître de façon claire son programme, de le suivre dans
l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la
ces déplacements et d’assister électroniquement à ses conférences.
communication (NTIC) comme un support favorable au dévelop-
Une fois son élection passée, le président a voulu continuer dans cette
pement de pratiques démocratiques plus larges. Le but de l’utilisation
volonté de partage de l’information passant d’une e-mobilisation à
des NTIC n’est alors pas de faire la démocratie mais d’encourager
un e-gouvernement participatif où les citoyens donnent leurs opinions.
un mouvement vers toujours plus de collaboration citoyenne. Dans
Dans l’optique de l’intégration, les NTIC sont une aide au processus de
cette volonté, l’e-participation se base sur deux axes forts que sont
décision permettant de faciliter l’émergence des problèmes et acteurs,
l’accès pour tous à l’information et aux démarches administratives
l’appréhension d’un éventails de solutions possibles, la mise en place
et l’intégration des citoyens au processus de décisions publiques.
de leur modalité d’application, leur vote mais aussi la mise en action et
L’information et la transparence que nécessitent les pratiques démocra-
la gestion de ces solutions. Elles sont le support de forums de discussion
tiques passe par la diffusion des données publiques et la possibilité,
à de nombreuses échelles mais aussi de système de vote en ligne afin
pour les citoyens, de les utiliser gratuitement. Afin d’encourager les
de toucher un plus large publique sur des questions données. L’inter-
institutions française dans cette démarches de gratuité de leur
net deviens alors un lieu d’échanges utiliser en amont des processus
donnée, un liste accessible à tous sur le net recense les administra-
décisionnels afin de faire appel à de nouvelles expertises notamment
tions n’ayant pas adopté le principe d’Open Data. L’importance de
par la mobilisation des organisations diverses de la société civile.
la transparence de l’information auprès des citoyens, Obama a pu
42
En 2000, suite à la réforme de la gouvernance européenne, est
tiques qui leur sont données. L’information ainsi circule et fait débat.
repensé l’intégration de la société civile dans le processus
Dans le cadre de la première consultation pan-européenne de 2009
décisionnelle. Ainsi la Commission européenne préconise rapidement,
les NTIC ont permis la préparation en amont des différents débats
en accord avec la publication du livret blanc de la gouvernance
qui furent abordés par l’intermédiaire de 28 sites nationaux où les
européenne de 2001, pour faciliter cette intégration l’utilisation
citoyens pouvaient proposer leurs recommandations et voter pour les
des nouvelles technologies de la communication. Ces dernières
plus pertinentes. Le hors ligne prenait alors le pas lors de débats en
assurent également une certaine transparence de l’information sur le
face-à-face où étaient conviés un panel de 100 citoyens européens
fonctionnement de l’Union Européenne. Peu à peu des projets voient
afin de décider de l’adoption ou non des dix propositions les plus
le jour tel que la plate forme Eur-Lex mettant à la disponibilité de tous
plébiscitées sur les sites et de faire des recommandations vis à vis de
des documents relatifs aux citoyens. Les sites du Parlement et de la
celle admises. Ces recommandations étaient alors remise en ligne afin
Commission adoptent cette démarche de transparence par la mise
d’être votée à l’échelle européenne avant d’être présenter au Sommet
en ligne de leur comptes rendus et procès verbaux de réunions. En
Européen du 10 mai 2009 à Bruxelles. Ce passage d’une phase en
avril 2001, est créé sur le portail Europa la plate forme « My voice »
ligne à une phase hors ligne est l’un des aspects intéressants à retenir
qui entre dans le processus interactif d’élaboration des politics ( IPM
de la mise place de l’e-participation par la Commission européenne.
: Interactive Policy making). « My voyce » centralise les consultations
Néanmoins,
menées par les différentes directions générales de la Commission
instruments traditionnels de la gouvernance européenne, les
Européenne et donne la possibilité aux parties intéressées d’exprimer
consultations n’ont pas eu l’impact escomptée faute communication
leur revendication et de répondre en ligne aux différentes probléma-
avec la population citoyenne. Ainsi entre mars 2008 et mars 2009
malgré
un
processus
d’intégration
efficace
aux
43
les 31 consultations n’ont engendré que 5553 votes dont une
# L’Ideal-EU : un exemple de plate forme participative
majorité (46,5%) issues d’organisation de la société civile (organisa-
L’Ideal-EU est un site web participatif d’échange et de réflexion sur
tions syndicales, ONG etc.) pour seulement 14,3% de citoyens isolés.
les changements climatiques entre citoyens ayant eu notamment pour but d’établir des propositions concertées à présenter lors de la Commission du Parlement Européen sur le Changement Climatique de décembre 2008. Le site se présente sous formes de forums à thème où les utilisateurs peuvent intervenir en donnant leur avis par un système de commentaires ou bien seulement de soutenir l’intérêt du débat par un dispositif de vote basé sur des + et des - . La participation au débat ou au vote implique l’inscription en ligne et la création d’un profil où l’on peut renseigner de façon plus ou moins complète sur son identité selon sa volonté d’anonymat jusqu’à la diffusion d’une photo. Elle nécessite également la signature d’une charte de fonctionnement général du site. Une fois inscris et lors de son premier vote ou commentaire on devient alors un membre actif de la communauté de l’Ideal-EU. La première page du site (voir annexes) référence le dernier débat créé sur le site ainsi que les cinq thèmes les plus soutenu. Afin d’accéder aux autres forums, l’utilisateur doit changer
44
de page ou bien sélectionner une catégorie de thèmes dans les
et qui permet la formation de l’utilisateur au sujet du débat abordé.
onglets disponibles (économies d’énergie, utilisation de l’eau etc.). Le
La plate forme IDEAL-EU est l’une des premières en matière de
soutient par vote pouvant être effectué sans obligation de lecture
débat participatif sur des sujets d’importance avec une possibilité
du débat ce système d’affichage n’assure pas forcément la mise en
d’incidence sur de futures prises de décision. Par cela, elle montre
valeur des sujets les plus pertinents ou les plus commentés. A l’intérieur
que la possibilité d’un véritable échange est donnée par les outils
des forums, suite à une introduction écrite par les modérateurs du
de l’internet mais en montre également les limites liées à sa liberté
site, les membres sont plus ou moins libres d’intervenir par le biais de
d’utilisation. Elle ouvre la porte à d’autres plates formes du même type qui
leurs commentaires, la charte ne spécifiant pas une obligation ou
sauront apprendre de ces erreurs pour toujours plus de participation.
une limitation du contenu (les smileys, par exemple, sont autorisés). On peut parfois remettre en cause la lisibilité des messages qui
Ces différents exemples d’e-participations tendent à prouver l’utilité
peuvent être un frein à la mise en place du débat et à la
d’internet dans la mise en place d’une conception collective des
production de connaissance. Un système de classement, afin d’encou-
prises de décisions politiques. A plus petites échelles, elles se mettent au
rager la participation, met en valeur les utilisateurs les plus actifs ou
services des institutions locales afin d’envisager une élaboration collec-
bien les plus suivis. L’activité d’écritures devient alors parfois plus une
tive de la ville et une gouvernance en accord avec la volonté des citoyens.
valorisation de l’individu qu’une réelle volonté de mise en mouvement
Dans une optique de création de l’espace urbain elles sont envisa-
du débat. Néanmoins ces derniers se font progressivement abordant
geables afin de mettre en lien élus locaux, professionnels et
des questions importantes et nécessaires. Ils sont complétés par un
habitants mais nécessiterai alors d’autres outils. En effet, le dialogue sur
système de documents téléchargeables mis à la disposition du public
la ville, comme l’ont prouvé les expériences déjà menées en termes de
45
participation citoyenne (voir partie 1), se fait par l’intermédiaire
L’importance du récit
d’outils de communication différents mais complémentaires où la pa-
« Le récit est un mode d’énonciation de son appartenance au territoire »
role est appuyée par la photo, la carte ou encore le dessin. Il néces-
Natalie Blanc, Vers une esthétique environnementale
site de la part des experts une mise à disposition de leur moyens de
Le récit est avant tout une question de sensations qu’elles
communication, de recherches et d’analyse envers les citoyens afin
soient individuelles ou collectives. Par son caractère descriptif, il
de permettre l’échange d’informations. On a également vu dans le
fait ressentir un paysage, un lieux par son aspect, ses odeurs, les
premier chapitre que les habitants étaient une source de connais-
sensations et les sentiments qu’il suscite. Par l’intermédiaire du narratif,
sances non-expertes mais non-négligeables qu’il faut savoir collecter
il donne vie à ce lieu rendant compte des usages qui s’y font, des
afin de faire projet. L’internet par l’intermédiaire des nombreux outils
modes de vies qui y prennent place, de la façon dont il est habité
qu’il offre (forum, cartographie, mise en ligne de photo etc.) pourrait
et donc de son ambiance. Il peut par l’accentuation de certains de
devenir un moyen de collecte de ces informations mais aussi un lieu où
ces traits devenir quelque peu affabulateur mais cette exagération
discuter de ce qu’elles apportent avec le plus grand nombre. Il s’agit
rend alors l’information qu’il veut transmettre d’autant plus communi-
ici de cerner certains outils nécessaires au processus de projet, les
cable, permettant d’identifier des verrous, des gènes , un mal être etc.
possibilités de leur mise en place sur internet et ce que cela implique.
Malgré cela il reste toujours réaliste, parlant du local en y incorporant des anecdotes en racontant tel ou tel évènements. Face à l’individualité il permet d’exprimer une singularité, d’établir une différenciation avec l’autres et ainsi de faire ressortir un besoin, une
46
envie, des espérances. Il donne la parole à tout un chacun pour
rester. Le récit, surtout s’il est le fruit de la voix collective, entre alors
expliquer sa propre vision et ainsi d’exprimer sa différence, son besoin
dans le processus de conception et de modification concerté d’un lieu
de reconnaissance. Parce que le récit n’est dirigé par aucune règle
en le fictionnant de façon illimitée pour coller aux envies de chacun.
stricte et ne répond pas forcément à une question il dévoile certains aspects d’un territoire alors inconnus qui sont l’expérience propre de
Comme le prouve l’expérience relatée par P.Norymberg sur son
celui qui raconte. Lorsqu’il est raconté à d’autres, le récit peut être
travail au Blanc-Mesnil (voir partie 1), l’élaboration de la mémoire
complété ou même réapproprié permettant alors l’expression de la
commune d’un lieu par le regroupement des souvenirs, anecdotes etc. de
voix collective qui a d’autant plus de force. Peu à peu se tissent, au
chacun peut-être l’un des processus efficace de la mise en place
travers de la mise en commun de témoignages et des réactions qu’ils
du projet car l’avenir ne peut être envisager sans tenir compte du
suscitent, la mémoire d’un lieu, sa vie communautaire et le partage
passé. Mais l’auteur relate des difficultés pour réunir toutes les infor-
de l’espace qu’elle implique, la cohabitation. Cette pluralité rend
mations, tous les récits et d’en faire la synthèse pour parvenir à offrir
réellement compte de l’environnement qu’elle décrit faisant ressurgir
une vision globale du lieu et de ce qu’il fut. Il en est de même pour
par son caractère parfois répétitif une sensation commune, un senti-
les documents d’archives (photographies, lettres etc.) à réunir que les
ment fort, ou permettant de mettre l’accent sur un problème. Ainsi le récit
familles ont parfois du mal à préter. Internet pourrait être alors une
parle de la vision d’un lieu mais aussi de la visée qu’ont les habitants
des solutions facilitant ce travail de regroupement. Imaginons un
pour ce lieu, les changements qu’ils veulent y voir s’opérer mais aussi
forum abordant plusieurs thèmes tel que les souvenirs d’enfance,,
les choses qui, faisant partie de la mémoire de cet espace, doivent
l’évolution observée, les problèmes rencontrés etc. où chacun
47
pourrait faire par de son expérience et relater son récit propre. Libre
questions ouvertes pourraient également être mis en ligne afin de
aux utilisateur de créer les sujets de discussion qui leur viennent à
permettre un plus grand recensement et les sujets qu’ils dégagent
cœur et si celui-ci intéresse le débat alors se fera ou si tel n’est pas
seraient alors rediriger vers le forum afin d’être approfondis. Tout
le cas l’anecdotes pourra toujours être utilisée lors du regroupe-
cela implique forcément la création de postes de médiateurs de
ment des informations. Par le système de commentaires mis en place
site qui, s’ils sont destinés aux habitants, faciliteraient l’implication
dans les forums les habitants pourront apporter leur avis sur tel ou
de ces derniers dans le processus de projet participatif à l’image
tel publication la renforçant par leur expérience propre ou venant
des expériences menées par Norymberg, créatrices d’emplois. Internet
la contredire permettant de cerner la vision de chacun sur les sujets
permet également le stockage de données numériques tel que les
abordés. Chacun peu prendre la parole sans risquer de couper
photographies ou des scans de documents importants voir fragile.
son voisin ou d’être limité dans le temps comme il le serait dans une
Il aurait alors pour vocation de constituer les archives du lieu où
réunion où par défaut les sujets sont ciblés par ordre d’importance.
professionnels, élus ou habitants pourraient aller piocher sans
Ces forums seraient alors un lieu de rencontre numérique, un espace
difficultés pour leur besoin personnel ou dans le processus de recherche
collectif de fiction permettant d’introduire les savoirs non-experts
qui prélude la mise en place du projet urbain. Tout ceci n’empêchant
dans le processus de conception du projet ou tout du moins de
pas la création d’exposition dans des lieux réels, le numérique ne
dégager des idées de manières peut-être plus efficace qu’un ques-
servant alors que de lieu de regroupement d’informations et de prise de
tionnaire établis par des professionnels qui ne sauront pas forcément
décisions communes et concertées sur le contenue de cette exposition.
cibler les points justes. Ces questionnaires justement par le biais de
Cependant le dialogue et le récit seuls ne suffisent pas pour établir
48
un réel échange autour de la conception d’u projet. D’autres out-
L’importance de la carte
ils, essentiellement utilisés par les professionnels de l’espace les élus
locaux, s’ils sont mis à la disposition du plus grand nombre peu-
fait le plus défaut dans la transmission de l’information des
vent devenir de véritable moteur pour le projet. L’internet de par
institutions, des acteurs publics et des professionnels envers les
la multitudes des supports qu’il propose pourrait alors les héberg-
habitants. Fabien Eychenne dans son livre La ville 2.0 : complexe…et
er pour les rendre accessible à tous et que le débat se fasse.
familière , propose la carte comme une des clés de la compréhen-
La communication, surtout visuelle, est parfois ce qui
1
sion de la complexité de la ville mais aussi de son appropriation à condition que celle-ci réponde à des codes accessibles à tous.
La carte a depuis toujours était l’outil de compréhension d’un territoire permettant l’orientation, la localisation voir l’analyse. Elle reste néanmoins parfois complexe de par les codes stricts auxquels elle répond d’autant plus lorsqu’elle concerne la ville. Aujourd’hui les outils de la cartographie peuvent être appropriés par tous par l’intermédiaire de sites spécialisés qui mettent des fonds de cartes à la disposition de chacun. La carte devient alors un support pour les échanges, les discussions et le partage d’informations. «Décrivons le 1. Fabien Eychenne, La ville 2.0: complexe… et familière, Limoges, édition FYP, « la fabrique des possibles », 2008
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monde entier», tel est le slogand de Wikimapia, qui à l’image de
nouvelle façon d’envisager la vie urbaine parfaitement contrôlée.
Wikipédia, permet à ses utilisateurs et participants de décrire les endroits qu’ils connaissent, d’apporter des commentaires sur tel ou tel lieu
Des fonds vierges sont mêmes à la disponibilité de tous afin de
et même d’y ajouter des photos personnelles. Ils révèlent alors, par leurs
créer sa propre carte qui traduit son expérience de la ville.
expériences, les ressources de leur territoire et permettent à chacun
On peut ainsi y retracer son trajet quotidien ou y prévoir son
d’en profiter créant ainsi un véritable guide urbain humain. Ces cartes
week-end. Elles sont le support visuel de l’appropriation que chacun
fonctionnent essentiellement par l’utilisation de marqueurs localisés
se fait de son environnement, de sa façon de le vivre. Ces cartes
qui ciblent des lieux, une fois que l’on clique dessus, on accède
personnelles sont tout autant de calques qui traduisent la ville de
aux informations concernant ce dernier et même des commentaires
tout un chacun. Superposés, il pourrait offrir des connaissances
ou des notes d’autres utilisateurs. Les recherches qui complètent le
nouvelles sur la ville et des pistes d’actions pour les profession-
fonctionnement de ces cartes permettent de cibler par l’intermédiaire
nels de l’espace qu’une carte d’analyse simple ne saurait voir. En
de mots clés des lieux précis et de se diriger alors à son grès vers
effet, ciblant telle ou telle thématique, ces professionnels pourrait
tel ou tel endroit de la ville. On peut même compléter sa collecte
mettre à la disposition des habitants des cartes vierges où chacun
d’information par l’intermédiaire d’autres sites qui se basent aussi sur
viendrait apporter ces connaissances expertes ou non avec
l’utilisation de cartes et qui vous indiqueront telle station de vélib à
comme idée de répondre à la question qui leur est posée. Ils pourraient
proximité de chez vous et de l’endroit où vous vous rendez et leur
ainsi punaiser leurs informations sur la carte et celles-ci resteraient
disponibilité ou même le taux de pollutions de l’air permettant une
modifiables par les autres utilisateurs afin de s’assurer de leur
50
véracité à l’instar du fonctionnement de l’encyclopédie en ligne Wikipédia.
La carte peut même être conceptuelle représentant de façon abstraite une façon de voir un lieu, de l’interpréter. C’est le cas des cartes mentales qui sont alors propres à tout un chacun. Le travail de Lynch, pour son livre A view from the road, illustre bien le pouvoir de représenation de la cartographie. Par un choix graphique qui lui est propre l’auteur transmet les impressions qui sont les siennes (et probablement celles des autres usages) lorsqu’il emprunte le strip de Las Vegas en voiture où le regard va de panneaux publicitaires géants en infrastructures de transports toujours plus complexes. Par son propre langage il décrit de manière pertinente les sensations que traversent les automobilistes et les traduis de façon à ce que des personnes n’ayant jamais emprunté cette route puissent tout de même les comprendre, voire même les ressentir. La carte mentale serait un bon moyen de permettre aux habitants de décrire leur environnement au travers non plus des Cartes issues de: Kevin Lynch, A view from the road, The MIT Press, 15 mars 1965
51
usages et des connaissances qu’ils en ont mais bien des sensations
pensée. De ses déambulations, Boulanger a conservé 400 fragments
qui sont les leurs. L’architecture et l’urbanisme sont majoritairement une
de plans qui lui ont ainsi permis de mettre en place ses interven-
question de sensations, de sentiments face à un lieu et ce système de
tions de camouflage d’abris dans l’espace urbain. Pour chacun de
représentation faciliterai le dialogue entre les experts et les citoyens.
ses projets, il a établi plusieurs cartes afin de le mener d’un bout à un autre. Ainsi une carte recensait les bâtiments désaffectés qui
Mais la carte par son appropriation peut aussi devenir outils de
pouvaient lui servir d’entrepôts pour ses matériaux de construc-
projet et de réflexions critique sur la ville même pour des non-initiés.
tion, eux-aussi directement repérés et collectés dans la rue, puis
C’est le cas du projet Plug-In Berlin entrepris par Etienne Boulanger
l’itinéraire pour se rendre sur le lieu de mise en place des interventions.
dans le cadre de ses recherches artistiques sur les zones transitoires
Une autre carte tenait compte de la fréquentation du lieu selon les
(friches, espaces résiduels, bâtiments désaffectés etc.) de la ville de
horaires et surtout des passages effectués par des policiers afin de
Berlin et leur potentiel d’appropriation. Pendant deux ans, l’artiste a
permettre le bon déroulement de la construction. Etienne a ainsi
quadrillé trois des quartiers du centre est de la ville afin d’en établir
réalisé 17 abris où il a pu habiter pour un temps donné, participant à
une cartographie nouvelles des vides, des interstices, des anfractu-
la réflexion sur la mobilité de l’espace urbain métropolitain en créant
osités et des chantiers. Il a ainsi établis un corpus où sont localisés,
de nouveaux lieux et donc de nouvelles cartographies éphémères.
identifiés, mesurés et photographiés un ensemble de 965 lieux qu’il a ensuite rassemblé sous la forme d’une carte interactive plus propice
« La carte n’est pas le territoire (…) mais elle en fait désor-
à l’exposition de son projet et à la transmission de son mode de
mais partie » écris Fabien Eychenne mais on peut également dire
1
1. Fabien Eychenne, op.cit, p 93
52
que la carte fait le territoire, qu’elle permet de le faire ressen-
réellement complexe dans la compéhension de leur fonctionnement et
tir, d’en transmettre ses connaissances et même de le conce-
leur utilisation c’est pourquoi ils ne font pas l’objet d’un approfondisse-
voir, de le créer, de faire projet. Par sa volonté de communication
ment dans ce mémoire mais d’être abordés comme un potentiel outil
elle permet une dimension collective du travail et une transmission
futur qui introduirait les habitants dans le dessin même des projets.
des informations facilités pour un échange toujours plus efficace.
Il s’agit ici de l’exemple de deux outils faciles d’accès qui, mis à la disposition des habitants, peuvent contribuer à la réflexion autour d’un projet urbain ou architectural participatif. D’autres outils propres aux professionnels pourraient également faire l’objet de leur participation mais impliquerai une formation parfois complexe. C’est le cas par exemple des logiciels de conception paramétrique qui permettent par l’incorporation de données techniques diverses (sens du vent, ensoleillement, flux de circulation piétons etc) de concevoir des formes architecturales et urbaines. On pourrait imaginer les habitants incorporer les données qui sont à leur connaissance afin de voir leurs incidences sur le projet. Néanmoins ces logiciels sont
53
conclusion Les stratégies de conception collective de la ville ne sont pas le
développement et de la prise de décision concernant la ville. Ainsi
fruit des outils des nouvelles technologies de l’information et de la
forums, chats, ou assemblées participatives électroniques ne remplace-
communication à la base. Elles prennent leur source d’une volonté
ront pas les réunions de quartier ou les assemblées générales mais
de faire évoluer l’espace urbain vers toujours plus de participa-
viendront les compléter soit dans une visée de préparation de ces
tion. Ces outils techniques sont proposés ici comme une aide au
réunions soit dans une volonté de compte rendu accessible à tous.
développement de ces stratégies et non comme une solution à leurs
Néanmoins, ces nouvelles technologies, pour venir en aide à la
limites. Ils ne seront pas, par exemple, un moyen de lutte contre la
conception participative de la ville, doivent tenir compte de
désaffection civique mais une possibilité de participation accrue du
certains défauts de ces stratégies tel que le manque de lisibilité de
plus grand nombre de par leurs caractères quasi illimités. Ils permettent
la prise en compte des contributions des habitants dans les prises
d’apporter une nouvelle dimension aux relations de pouvoir particu-
de décisions ou encore une réflexion qui se fait le plus souvent sur
lières qui s’établissent lors de la mise en place d’une collaboration avec
le court terme pour des questions d’efficacité mais aussi politiques.
les citoyens sans les reconfigurer. En effet, ils sont un instrument d’action
Le lien possible entre les stratégies participatives qui prennent place
publique de type informatif et communicationnel non négligeable mais
dans l’espace public et l’internet passe donc par l’appréhension des
aussi, ce mémoire tend à le prouver, un instrument créatif, source de
limites de ces dernières mais aussi par la compréhension des risques que
projets, enrichis par les revendications et l’expertise citoyennes. Ils ne
comporte l’utilisation de l’internet dans le cadre de telles démarches.
suppléent cependant pas, par leur potentiel de développement des liens sociaux, à des rencontres réelles entre les différents acteurs du
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Les nouvelles technologies de l’information et de la communication
liées à l’internet peuvent apporter une aide à la mise en place de
Les classes les plus pauvres sont également touchées, possédant
la conception participative de la ville de par le caractère quasi
parfois les connaissances liées à l’utilisation des technologies
illimité des outils qu’elles recèlent qui multiplie les modes d’échanges
nouvelles mais n’y ayant pas accès facilement. La volonté d’une
et de dialogues possible entre les institutions locales, les profession-
participation à la conception de la ville à l’aide des outils d’internet
nels et les citoyens. Cependant leur utilisation comporte des limites
impliquerai la prise en compte de ces catégories de population soit
et surtout des risques dont il faut tenir compte afin de les envisager
par une formation à leur utilisation soit par une accessibilité augmentée.
comme une aide possible au processus de conception de la ville.
Le respect de la vie privée peut lui aussi être remis en compte
Les premiers de ces risques sont connus et ne se limitent pas au
de par le fait que l’accès à des forums de discussion ou aux
cadre des stratégies participatives. Il s’agit des limites dues à la
divers outils d’un site requièrent le plus souvent une inscription
fracture numérique mais aussi au respect de la vie privée. En
sous la forme d’une fiche identitaire à remplir mais aussi la signa-
effet, bien que souvent considérée comme un problème lié aux
ture d’une charte de fonctionnement aux limites souvent mal définies.
pays pauvres, la fracture numérique existe encore dans le mode
Les autres risques liés à l’internet seraient le détournement des
occidentale notamment dans la partie de la population n’étant
démarches participatives à d’autres intérêts. En effet, dans le
pas née et n’ayant pas vécu la plus grande partie de sa vie
cadre des votes en ligne mis en place par la Commission Européenne
avec ces nouvelles technologies tel que l’internet ou même les
sur la question du nucléaire, certains lobbies de type ONG se sont
ordinateurs. Ces personnes, de par leur ancienneté, possèdent
appropriés ce système afin de faire passer majoritairement leur
pourtant le plus souvent les savoirs non-experts les plus importants.
opinion par un vote de masse mis en place par l’intermédiaire de leurs
55
réseaux propres. Ces réseaux militants, via leur capacité de recrute-
dans un second temps. Elles passent d’abord par la mise en place
ment constitueront alors un frein à l’expression individuelle qui est
d’une prise de décisions collectives et concertées de certains
tout aussi indispensable à la participation que la voix commune.
aspects économiques et politiques avec les citoyens appuyées par
Enfin, l’une des tentations suscitées par les capacités de ces nouvelles
les outils de l’internet avant d’envisager de faire projet. En effet, à
technologies seraient de démocratiser trop rapidement la démarche
l’image du budget participatif de Porto Alegre, le projet urbain
participative à toutes les prises de décisions concernant la ville. Bien
participatif doit d’abord se pérenniser dans sa mise en place
que l’on puisse l’imaginer comme un idéal, cette démocratisation ne
par l’intermédiaire, par exemple, d’une réglementation générale ou
peut se faire du jour au lendemain et résulte forcément d’une démarche
d’une publication sur les modalités de son fonctionnement avant
itérative qui permettrai une adaptation des instances publiques mais
d’envisager l’utilisation de l’internet comme support et aide.
surtout des citoyens pour qui l’e-participation n’est pas un automatisme.
Néanmoins ce mémoire aborde quelques ouvertures tel que l’utilisation des cartes et du récit comme un passage progressif d’une concep-
L’objectif de ce mémoire était, dans un premier temps, d’envisa-
tion participative de la ville, faite à l’aide des outils technologiques
ger les nouvelles technologies de l’information et de la communica-
de l’Internet, vers une réflexion collective, source indispensable d’un
tion liées à l’internet comme une aide au développement de projets
projet architectural ou urbanistique collaboratif appuyées par ces outils.
urbains participatifs et de l’imaginer comme un lieu de discussion et de conception commune. Cependant au cours des recherches il s’est vite avéré que de telles démarches pourraient voir le jour
56
Bibibliographie # Urbanisme participatif
# villes et urbanismes
Ouvrages
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#la ville et l’internet
# les outils de l’internet
Ouvrages
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Page d’accueil de http://www.ideal-debate.eu/fr
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Forum de http://www.ideal-debate.eu/fr
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