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James Edward Deeds (à droite) et son frère dans le jardin de l’hôpital. James Edward Deeds (on the right) and his brother in the garden of the hospital.
extrait du catalogue
christian berst art brut présente presents james edward deeds the electric pencil #2
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christian berst avant-propos philippe piguet préface foreword christian berst preface philippe piguet œuvres works
james edward deeds : the electric pencil #2 œuvres / works 6 vue de l’exposition view of the exhibition james edward deeds, the electric pencil #2, christian berst art brut, 2022.
christian berst avant-propos
Derrière l’œuvre de ce désormais « classique » de l’art brut américain, James Edward Deeds, né en 1908 à Springfield (Missouri), se cache l’histoire tragique d’un jeune Américain interné de force, à l’âge de 25 ans, dans un asile psychiatrique. Il y passera toute sa vie, subissant jusqu’à deux fois par semaine des traitements aux électrochocs, sans anesthésie. Une existence ravagée dont nous ne saurions rien si Deeds n’avait pas livré son témoignage en dessinant sur les feuilles d’un registre de l’hôpital. Et si, dans les années 70, un adolescent n’avait pas sauvé d’une poubelle ce volume à la reliure de cuir défraîchie. Il faudra attendre 40 ans pour que son contenu soit exposé à New York puis à Paris, dans notre galerie, et fasse l’objet d’un catalogue raisonné. Ces 140 planches recto verso, encore anonymes, eurent immédiatement un grand retentissement, dont le New York Times et Art in America se firent l’écho. Car celui qu’on connaissait alors par son nom de code: Electric Pencil - ainsi baptisé en raison de l’apparition, sur plusieurs dessins, de la mention “Ectlectric (sic) Pencil” - était alors entouré d’un épais
mystère, que l’engouement du monde de l’art allait finir par lever. Découvrant finalement que la graphie d’Ectlectric n’était pas une erreur d’orthographe, mais un indice sur le contexte particulier dans lequel les œuvres avaient vu le jour : ECT étant l’acronyme d’ElectroConvulsive Therapy. Le contraste avec le travail de Deeds n’en est que plus saisissant. Avec sa manière, d’abord, emprunte d’une extrême délicatesse et d’une précision du trait remarquable, mais aussi avec les thèmes abordés, nostalgiques et surannés : bestiaire charmant, nature édénique, steamboats remontant le fleuve Missouri, galerie de portraits d’une époque révolue… 13
philippe piguet the electric pencil : une œuvre électrochoc
Critique d’art et commissaire d’exposition indépendant, Philippe Piguet collabore régulièrement à la revue L’œil depuis 1985 et Art Absolument depuis 2002. Il est le directeur artistique de Drawing Now Paris le Salon du Dessin Contemporain depuis mars 2010.
Une vieille reliure fatiguée par les ans, fabriquée d’une manière très artisanale, dont les plats ont été cousus main et dont le cuir usé dans sa chair rend illisible la couverture. À première vue, il est donc impossible d’imaginer un seul instant ce qu’elle peut contenir.
l’histoire d’une découverte Ouverte, elle s’avère totalement défaite et ne plus remplir son rôle originel de lier entre elles les feuilles qui s’y trouvent. Sur ses plats intérieurs, les indices ne sont pas plus nombreux : d’un côté, un dessin à la craie jaune sur fond noir est masqué par une étiquette énigmatique au motif rayonnant et aux mots de « JEWEL 508 QUILT. » ; de l’autre, sur fond de carton rouge, a été tracée à la même craie jaune l’image enfantine d’un éléphant. L’ensemble des 140 feuilles indépendantes qu’elle contient est, quant à lui, beaucoup plus bavard et s’offre à découvrir comme un véritable trésor artistique composé de toute une série de dessins de facture naïve mais d’une vraie richesse graphique. Un trésor qu’a retrouvé dans une poubelle, dans les années 1970,
un jeune Américain de 14 ans et qu’il a soigneusement conservé pendant près de trente ans jusqu’à les céder sans savoir ce qu’il en était. Intrigués par cet ensemble et persuadés qu’il constituait ce qu’il faut bien appeler « une œuvre », leurs nouveaux propriétaires se sont appliqués à vouloir en savoir plus. Ayant relevé que le mot ECTLECTRC y figurait de manière récurrente sur certains dessins, ils décidèrent de baptiser cet opus du nom d’« Electric Pencil » et poursuivirent leur enquête pour tenter d’authentifier leur auteur. Comme tous les dessins avaient été faits recto verso sur des imprimés à l’en-tête du « State Hospital for Insane, N°3, Nevada, Mo. » – un célèbre hôpital psychiatrique sis à Nevada, Vernon County, dans le Missouri, actif de 1885 à 1991 –, ils ont vite
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[...] Deeds a passé la majeure partie de sa vie dans cet hôpital, subissant un traitement d’électrochocs, sans anesthésie, jusqu’à deux fois par semaine. [...]
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calait dans la page selon qu’elle était imprimée au recto et vierge au verso.
À les feuilleter dans un premier temps, ces 140 planches s’offrent donc à voir dans une rigueur de composition qui en fait un ensemble construit et réfléchi, comme il en est de ces livres d’heures du passé si soigneusement constitués. Non qu’elles soient ordonnées suivant un quelconque scénario ou qu’elles ambitionnent de composer une narration. Elles sont bien plus comme les arrêts sur image d’un esprit vagabond qui fixent une pensée, une obsession, un souvenir, voire une vision. Comme pour les mémoriser. Comme on monte un album de photos. Les images que dessine l’artiste ne sont accompagnées d’aucune note manuscrite, sauf à identifier les figures recomme un livre d’heures présentées ou à mentionner une référence Si l’ensemble de ces 140 planches, que spécifique. Recto verso, Deeds alterne les l’artiste a pris le soin de numéroter recto sujets qu’il traite en combinant la figure verso, présente ici et là quelques lacunes, humaine à un autre motif, à l’exception de il n’en constitue pas moins un tout d’un quelques rares feuilles répétant le thème irrésistible intérêt plastique. À les parcouanimalier ou celui de la maison. rir, on observe tout d’abord quatre types d’images distinctes – des figures, des paysages, des animaux et des objets, ce qui des portraits au regard appuyé en apparente l’iconographie à une clasQu’ils soient homme ou femme, les personsification de genres artistiques telle que nages dessinés par Deeds présentent l’histoire de l’art l’a pour partie établie. On nombre de points communs. Ils le sont relève ensuite que James Edwards Deeds tous dans une mise en page qui renvoie n’emploie à la réalisation de ses dessins explicitement leur représentation aux caqu’un nombre très limité de matériaux, à nons en vigueur à la Renaissance (on savoir de la mine de plomb et des crayons pense notamment au Portrait de Charles de couleurs, seuls médiums auxquels sans VII par Jean Fouquet) : saisis en buste, de doute il avait droit. On constate enfin l’exface, rarement de profil, ils apparaissent à trême application avec laquelle il exécutait l’intérieur d’un cadre soigneusement tracé chacun de ses dessins et comment il les
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réalisé que ECT était en réalité l’acronyme de « electroconvulsive therapy », une thérapie par électrochocs. Par recoupements, ils ont pu ainsi établir que cet ensemble de dessins était de la main de James Edwards Deeds. Né à Springfield en 1908, mort en 1987, interné dès l’âge de 25 ans, suite à une altercation familiale extrêmement violente, Deeds a passé la majeure partie de sa vie dans cet hôpital, subissant un traitement d’électrochocs, sans anesthésie, jusqu’à deux fois par semaine. Qu’il y ait résisté plus de quarante ans durant en dit long d’une détermination que l’exercice de sa pratique artistique a de toute évidence permis de maintenir.
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Les dessins ont été retrouvés cousus dans une reliure en cuir et tissus. The drawings have been found sewn into a leather and fabric album.
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Behind the work of this now “classic” of American art brut, James Edward Deeds, born in 1908 in Springfield (Missouri), lies the tragic story of a young American committed to a psychiatric asylum at the age of 25. He spent his entire life there, undergoing electroshock treatment up to twice a week, without anaesthetic.
This utterly ruined life would have remained unknown to us had Deeds not recorded it by drawing on the pages of a hospital register; and if, in the 1970s, a teenager hadn’t rescued the faded leather-bound volume from a rubbish bin. It would take 40 years for its contents to be exhibited in New York and then in Paris, in our gallery, and to become the subject of a catalogue raisonné. These 140 double-sided plates, still anonymous, immediately had a major impact, made a great impression, which was echoed in the New York Times and Art in America. The artist at the time known only by his code name, Electric Pencil – because
of the appearance, on several drawings, of the words “Ectlectric (sic) Pencil” – was then cloaked in mystery, which the infatuated art world would eventually lift when it was discovered that the spelling of Ectlectric wasn’t a mistake, but rather a clue to the particular context in which the works had come into being: ECT standing for ElectroConvulsive Therapy. The contrast with Deeds’ work is all the more striking. First, with his style, which is extremely delicate, with a remarkable precision of line, but also with the nostalgic and old-fashioned themes: a charming bestiary,
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james edward deeds : the electric pencil #2 œuvres / works 24 vue de l’exposition view of the exhibition james edward deeds, the electric pencil #2, christian berst art brut, 2022.
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[...] The result is an idiosyncratic gallery of portraits, showing faces who may very well have belonged to people the artist knew, maybe even his close kin, mixed with others who confess no distinct source and were most likely invented. [...] philippe piguet
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[...] Il en résulte une galerie singulière, qui mêle certaines personnes que l’on peut penser des connaissances de l’artiste, voire de ses proches, à d’autres vraisemblablement inventées qui n’avouent pas clairement leur source. [...] philippe piguet
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138 œuvres / works
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