do the write thing read between the lines #3

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extrait du catalogue


christian berst art brut présente presents do the write thing read between the lines #3

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christian berst avant-propos jean-marie gallais préface texts in english œuvres works biographies


christian berst avant-propos


Au risque, sans doute, que ce métalangage ne traverse le ciel sans toucher aucune cible. Rendant plus manifeste encore que nul autre que son auteur n'en était le récipiendaire. À moins, à moins que l'un de nous ne passe par là, prêt à s'émouvoir de ce soliloque, prêt à comprendre, littéralement à prendre en soi ce déferlement sémantique qui s'apparente à la « pulsion babélienne ». Et celui-là deviendrait de facto le destinataire providentiel de ce

do the write thing : read between the lines #3

Que se trame-t-il donc « dans l’intervalle du lisible et du visible » - comme le désigne Michel Thévoz – ou dans ce que Dubuffet appelait les « langages implicites » ? Que se passe-t-il quand le sens se dérobe sous la profusion des signes ? Quand, écrivant du dessin ou dessinant de l'écrit, il n'est plus question que de dire, par tous les moyens à sa disposition.

sibyllin déferlement, non pas comme un cryptographe hors pair, mais comme quelqu'un qui retrouverait en lui toutes les potentialités de l'expression. Capable aussi bien de ressentir le pouvoir évocateur de l'idéogramme, image et texte indissociés, comme aux temps immémoriaux, ou de se délecter des divagations durant lesquelles la science et la poésie vont l'amble. Voire d'éprouver la petite musique des graphorrhées qui se déploient comme des mantras. 9


do the write thing : read between the lines #3

jean-marie gallais comme on se tâte le pouls

Diplômé de l’E.H.E.S.S., de l’École du Louvre et de l’Université de Lille 3, Jean-Marie Gallais, était responsable du pôle programmation du Centre Pompidou-Metz de 2016 à 2022. Il y a notamment assuré le commissariat de l’exposition Écrire c’est dessiner (6.11.2021 au 21.02.2022). En mai 2022, il prend ses fonctions de conservateur de la Bourse de Commerce collection François Pinault. 8


Ce qui vient à nous d’abord dans l’exposition do the write thing, troisième de la série initiée par Christian Berst, c’est un flux. Il apparaît comme une évidence à peine nous entrons dans l’espace de la galerie, il nous saisit, nous enveloppe et nous envahit.

Sa source se fraie des chemins à partir de petits copeaux de papier et finit par se dérouler magistralement sous nos yeux, dans la dentelle des pages et des signes, avec puissance. Aussi personnelles et individuelles que soient les œuvres présentées, elles partagent ce flux ou s’y insèrent, comme le flow des rappeurs se transmet de participant à participant dans les battles. Le flow, soit le rapport entre la vitesse à laquelle s’écoulent les mots de la bouche et la rythmique musicale. La cadence est ici non celle de la beat box mais celle du poignet, et la rythmique est avant tout visuelle. Avec le mystère insoluble de déterminer ce qui guide le poignet. À quoi est-il relié ? Quel corps, quel esprit, quelle entité alimente ce flux ?

Les lettres sont tantôt débitées à la hache, tantôt finement ciselées. Mais en disant lettres, je me trompe. Il faut lire entre les lignes (read between the lines). Considérer les tracés, schémas, dessins, effacements et griffonnages rapides, les vides aussi. Le sens à force s’est échappé. Je pense à Annie Cohen, qui m’a montré ses rouleaux d’écriture il y a quelques temps : « Écrire encore et encore une suite ininterrompue de mots à l’encre noire et chercher à tricoter le sens pour se perdre et pour perdre pour ne pas perdre le goût du geste de la main 13


christian berst foreword

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The risk, no doubt, is that this metalanguage might traverse the sky without hitting any target. Making it even more obvious that no-one other than its author could be the recipient. Unless, unless one of us were to be passing by, ready to be moved by this soliloquy, ready to comprehend, literally to take into oneself this semantic outpouring similar to the “Babelian impulse”. And this someone would de facto become the providential recipient of this sibylline surge, not as an outstanding cryptographer, but as someone who would rediscover

do the write thing : read between the lines #3

What goes on “in the space between the readable and the visible” – as Michel Thévoz calls it – or in what Dubuffet referred to as “implicit languages”? What happens when meaning escapes, hidden beneath the profusion of signs? When, writing a drawing or drawing writing, all that counts is to say, to tell, with all the means at one’s disposal.

in themselves all the potentialities of expression. As able to feel the evocative power of the ideogram, image and text inextricably combined, as in immemorial times, or to enjoy the ramblings in which science and poetry go hand in hand. Or even to experience the little music of graphorrhoeas that unfold like mantras. Rhythm and composition, in constant tension, seem to want to reveal a new meaning, primal, like a scream. Moreover, as we speak of bursts of speech, should we not speak of bursts of signs? Thus, any

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œuvres works


do the write thing : read between the lines #3 36

kunizo matsumoto

kunizo matsumoto

sans titre untitled, c. 2012 encre et collage sur papier, 36 × 18 cm ink and collage on paper, 14.25 x 7 in

sans titre untitled, c. 2012 encre et collage sur papier, 37 × 16 cm ink and collage on paper, 14.5 x 6.25 in



do the write thing : read between the lines #3

kunizo matsumoto 44

sans titre untitled, 2012 à 2014 encre et collage sur papier, 11 × 7 cm ink and collage on paper, 6.75 x 4.5 in



[...] Certainly, the rhythm, the composition, here the thickness of the line or there the interruption of it by a collage of images, provide qualities that fill us with wonder and that we must consider on an equal footing with other fields of creation. But something else is taking place, and it is the lost meaning that intrigues us first. [...] jean-marie gallais


[...] Certes, le rythme, la composition, ici l’épaisseur du trait ou là l’interruption de celui-ci par un collage d’image, procurent des qualités qui nous émerveillent et que nous devons considérer à égal avec d’autres champs de la création. Mais il se passe autre chose, et c’est le sens perdu qui intrigue d’abord. [...] jean-marie gallais


do the write thing : read between the lines #3

momoko nakagawa 20

sans titre untitled, 2020 tampon et acrylique sur serviette en papier, 17 × 21.8 cm stamp, acrylic on paper napkin, 6.75 x 8.5 in



do the write thing : read between the lines #3

harald stoffers

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sans titre untitled, 2015 feutre acrylique sur papier, 450 × 150 cm waterproofed feltpen on paper, 177.5 x 59.5 in


harald stoffers sans titre untitled, 2015 feutre acrylique sur papier, 451 × 151 cm waterproofed feltpen on paper, 177.5 x 59.5 in


do the write thing : read between the lines #3

ken grimes 84

sans titre untitled, triptyque, c. 1995 huile sur toile, 71 × 55.5 cm oil on canvas, 28 x 21.75 in



do the write thing : read between the lines #3

verso

jesuys crystiano 120

sans titre recto verso untitled recto verso, 2013 crayon de couleur et collage sur papier, 41.8 × 67 cm coloured pencil and collage on paper, 16.5 x 26.25 in



do the write thing : read between the lines #3

verso

carlo zinelli 124

sans titre, recto verso untitled, both sides, circa 1965 gouache et graphite sur papier, 70 × 49.5 cm gouache and graphite on paper, 27.5 x 19.5 in



do the write thing : read between the lines #3

jorge alberto cadi 132

sans titre untitled, 2019 encre, collage et couture sur photographie, 25 × 20.5 cm ink, collage and sewing on photography, 10 x 8 in



do the write thing : read between the lines #3

Jean-Daniel Allanche Tunisie-France 1940-2015

Gaston Chaissac France 1910-1964

Passionné de jeux de casino, ce professeur de sciences physiques a rempli carnets et feuilles par centaines, en quête d’une martingale. La combinatoire est convoquée, mais aussi l’observation attentive de l’attitude des joueurs et croupiers qui, pensait-il, pouvait influer le « hasard ». Des calculs nouveaux viennent s’imprimer sur des calculs anciens après l’intervention du correcteur. Ces manuscrits chiffrés, avec leurs tracés en couleurs, leurs biffures, la variété des signes utilisés sont empreints de la fièvre des chercheurs d’or. Son œuvre fait partie de collections telles que celles du Musée national d'Art moderne, de l’American Folk Art Museum, de Karin & Gerhard Dammann, Bruno Decharme, Antoine de Galbert, Daniel Klein…

Gaston Chaissac, cordonnier, est encouragé à dessiner par le peintre Otto Freundlich, son voisin d’immeuble. Il invente très rapidement un alphabet pictural qu’il va faire évoluer tout au long de sa vie. Conjointement à la peinture, il développe une œuvre épistolaire : des milliers de lettres envoyées pendant plus de vingt ans, qui lui permettent de tisser des liens avec nombre de ses contemporains : artistes, écrivains, journalistes et critiques d’art. Jean Dubuffet l’expose dès 1948 avec les autres créateurs du Foyer de l’art brut, qui deviendra la Collection de l’art brut. Tandis que Chaissac deviendra une figure majeure de l’art contemporain, Dubuffet, après moult hésitations, finira par le classer dans sa « collection annexe » en 1982. Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d'Art moderne (France).

This professor of physical sciences, who was passionated about casino games, filled in hundreds of notebooks and sheets in search of a martingale. Combinatorics was called upon, but also the careful observation of the attitude of the players and croupiers which, he thought, could influence "chance". New calculations are printed on old calculations after the intervention of the corrector. These cipher manuscripts, with their coloured tracings, strikethroughs, and the variety of signs used, are imbued with the fever of the gold diggers. His work can be found in collections such as those of the Musée national d'Art moderne, the American Folk Art Museum, Karin & Gerhard Dammann, Bruno Decharme, Antoine de Galbert, Daniel Klein...

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Gaston Chaissac, a shoemaker, is encouraged to draw by the painter Otto Freundlich, his neighbour. He quickly invented a pictorial alphabet that he would develop throughout his life. In addition to painting, he developed a body of work based on letters: thousands of letters sent over more than twenty years, which enabled him to forge links with many of his contemporaries: artists, writers, journalists and art critics. Jean Dubuffet exhibited his work in 1948 with the other creators of the Foyer de l'art brut, which was to become the Collection de l'art brut. While Chaissac became a major figure in contemporary art, Dubuffet, after much hesitation, finally classified him in his "annex collection" in 1982. His work is notably part of the collections of the Musée national d'Art moderne (France).


Jesuys Crystiano Brésil 1950-2015

John Ricardo Cunningham Pérou 1918-1991

Jesuys Crystiano a passé sa vie d’adulte à vagabonder dans les rues d’Ilheus (Bahia) jusqu’en 2010, quand un hôtelier allemand - qui avait remarqué ses dessins muraux – l’héberge et lui fournit du matériel pour coucher sur le papier ses univers surréalistes, le sauvant ainsi d’une hospitalisation en institution psychiatrique pour schizophrénie. Les 4 dernières années de sa vie, Jesuys a ainsi pu produire des centaines de dessins, peuplés de vautours, de chaises et tables renversées, de personnages aux visages imbriqués, tracés au crayon de couleur et au charbon, souvent rehaussés de collages et d’annotations. Cet artiste fait actuellement partie d’une importante exposition au musée de Gugging en Autriche présentant la collection d’art brut Treger Saint-Silvestre (Portugal).

John Ricardo Cunningham est l’un des derniers patients à avoir été collectionné par le célèbre psychiatre Honorio Delgado à Lima. Interné pendant 32 ans, il a entrepris une sorte de cartographie géopolitique du monde où les instances de pouvoir deviennent, par métaphore, des hommes coiffés et austères, des oiseaux aux ailes battantes ou des rats tenant des cannes… Ici de rares œuvres uniquement calligraphiées, comme une urgence de dire… Présenté pour la première fois en 2018, par la galerie, son œuvre est déjà présente dans de nombreuses collections internationales comme la Pinacothèque d’Hervé Lancelin au Luxembourg.

Jesuys Crystiano spent his adult life wandering the streets of Ilheus (Bahia) until 2010, when a German hotelier - who had noticed his wall drawings - took him in and provided him with material to put his surrealist worlds on paper, thus saving him from being hospitalised in a psychiatric institution for schizophrenia. During the last four years of his life, Jesuys was able to produce hundreds of drawings, populated with vultures, overturned chairs and tables, characters with interlocking faces, drawn in coloured pencil and charcoal, often enhanced with collages and annotations. This artist is currently part of an important exhibition at the Gugging Museum in Austria presenting the Treger Saint-Silvestre (Portugal) collection of art brut.

John Ricardo Cunningham is one of the last patients to be collected by the famous psychiatrist Honorio Delgado in Lima. Interned for 32 years, he undertook a kind of geopolitical cartography of the world where the authorities become, by metaphor, austere, coiffed men, birds with flapping wings or rats holding canes... Here rare works only calligraphed, like an urgency to say... Presented for the first time in 2018 by the gallery, his work is already present in many international collections such as the Pinacothèque d'Hervé Lancelin in Luxembourg.


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