Henriette Zéphir : une femme sous influence

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henriette zéphir u n e fe m m e s o u s in f l u e n c e

galerie christian berst ar t brut paris


ce catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition henriette zéphir, une femme sous influence à la galerie christian berst, paris, du 4 février au 5 mars 2011.

galerie christian berst 3-5 passage des gravilliers, 75003 paris www.christianberst.com photographie des œuvres : elisabeth berst portrait d’henriette zephir : © mario del curto réalisation : elisabeth berst / lelivredart traduction : susan pickford © galerie christian berst


henriette zéphir une femme sous influence

avant-propos / foreword christian berst préface / preface alain bouillet

galerie christian berst


avant-propos christian berst

Henriette Zéphir, née en 1920, s’adonne depuis un demi-siècle à « l’occulte », comme elle dit. Découverte par Jean Dubuffet - qui l’exposa en 1967 au musée des Arts décoratifs, à Paris, et lui consacra un texte - Mme Zéphir ne consentit jamais à céder ses œuvres, jusqu’à ce que ses « guides » l’incitent récemment à en diffuser les énergies positives. Les créateurs médiumniques qui, par le passé, pouvaient se trouver en grand nombre dans les collections d’art brut, sont devenus aussi rares que précieux. Comme, avant elle, Fernand Desmoulin, Augustin Lesage, Madge Gill et bien d’autres, Henriette Zéphir nous pose l’éternelle question du sens de cette création ; surtout lorsque celle-ci n’est pas destinée à être « art » mais plutôt à nous révéler une part méconnue d’un « ailleurs » ... qui pourrait bien se trouver en chacun de nous. En outre, lorsque ces auteurs déclarent n’être que les instruments de puissances tutélaires, ils ne relativisent pas simplement la paternité de leur création, mais semblent plutôt faire écho à ce même Dubuffet qui affirmait à propos de l’art que « ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle ». La rétrospective que nous consacrons à cette « femme sous influence » - en soulignant la puissance, la générosité et la beauté de ses méandres énergétiques - vous invite à fréquenter cet ailleurs capable de vous faire cheminer en vous-mêmes.

préface

alain bouillet, commissaire d’expositions et amateur d’art brut, est aussi professeur honoraire des universités de Paris X Nanterre et Montpellier III. Du vague à l’âme ? Les lignes d’erre d’Henriette Zéphir D’emblée, et malgré l’habitus qui nous invite à y céder, on en a l’intuition, ce serait faire preuve d’ingénuité – ou, du moins, de modalités de regard et d’entendement très discutables, sélectives, et pour tout dire fourvoyantes – que de ne s’en tenir qu’à ce qui apparaît, que l’on croit percevoir et qui pourtant s’impose à notre endroit dans les dessins d’Henriette Zéphir : un ensemble finement ouvragé de résilles, lacis de brins très fins juxtaposés, broderies à l’encre de Chine et à l’aquarelle ourlées d’orfrois : des « guipures » écrivait Jean Dubuffet 1. Cette réduction à l’esthétique attitude plus courante qu’on ne pourrait s’y attendre chez les amateurs d’art brut – nous entraînant à ne pouvoir, savoir… Ou vouloir percevoir et prendre en compte, que ce qui pour nous relève de ce qu’en Occident, on appelle « art ». Et qui n’est qu’une dimension parmi toutes celles que nous proposent les ouvrages d’art brut. Ouvrages dont la plupart, non seulement prennent en défaut les compétences langagières que nous déployons pour les appréhender et les décrire (les concepts, majoritairement empruntés au vocabulaire traditionnel des arts plastiques se révélant très vite inadéquats), mais encore insistent pour venir troubler les réassurances esthétiques que nous avons méticuleusement construites pour nous protéger de l’inquiétante étrangeté qu’ils diffusent (la leur, mais 1. Dubuffet Jean, « Notes au sujet des dessins d’Henriette Zéphir » dans Publications de la Collection de l’Art Brut, Fascicule 14, Lausanne, 1986. p.70 -77 avec 6 reproductions noir et blanc. 4


foreword christian berst

Henriette Zéphir (b. 1920) has, in her own words, devoted the past half-century to “the occult”. She was discovered in 1967 by Jean Dubuffet, who exhibited her work at the Musée des Arts décoratifs in Paris, and wrote an article on her. She consistently refused every offer to buy her works ever since, until recently, when her “guides” began encouraging her to distribute their positive energy. Spiritualist artists, once plentiful in Art Brut collections, are now rare and precious. Like her predecessors Fernand Desmoulin, Augustin Lesage, Madge Gill, and many others, Henriette Zéphir raises the eternal question of the significance of such creativity, particularly when it is not intended to be “art” as such, but rather to reveal the unfamiliar dimensions of a mysterious “elsewhere”… which may lie deep within every one of us. When such creators declare themselves to be mere instruments for their guiding powers, they are not simply downplaying their mastery of the creative process, but also echoing Dubuffet’s own thoughts on art: “its finest moments are when it forgets what it is called”. The retrospective, entitled A woman under the influence, highlights the power, generosity, and beauty of Henriette Zéphir’s meandering lines of energy, inviting us to delve into the “elsewhere” and embark on a journey of exploration into our inner selves.

preface

alain bouillet, exhibition curator and art brut amateur, is also professor emeritus of the university of Paris X and Montpellier III Straight from the soul: Henriette Zéphir’s meandering lines On looking at Henriette Zéphir’s drawings, we are immediately struck by the thought that whatever the habitus might lead us to expect, it would be proof of the naivety, or at least the (misleadingly) questionable selectivity of the gaze and of understanding, simply to accept her work – what we think we see – at face value, overlooking its strange power of possession over us. Jean Dubuffet described her finely worked ensembles of netting, intertwining slender lines, watercolour, and Indian ink embroideries, trimmed with gold braid, as ‘guipure lace’ 1. Reducing Henriette Zéphir’s art to the aesthetic dimension – an attitude that is more widespread than might be expected among admirers of Art Brut – means only knowing, or seeing, or wanting to know, or taking account of, what we in the West call ‘art’. Yet ‘art’ is merely one dimension among all those that works of Art Brut offer us. Most such works not only represent a challenge to the language that we use to understand and describe them (it soon transpires that terms borrowed from the traditional discourse of the visual arts are inadequate), but also insistently undermine the aesthetic reassurances we have meticulously built up to protect ourselves from the radiation of the uncanny (theirs, as well as ours, revealed to us as if in a mirror), with which they constantly confront us. 1. Jean Dubuffet, ‘Notes au sujet des dessins d’Henriette Zéphir’, in Publications de la collection de l’Art Brut 14, Lausanne, 1986, pp. 70-77, with six black-and-white reproductions. 5


également celle qu’en miroir ils nous révèlent : la nôtre) et à laquelle, malgré tout, ils persistent à nous confronter. Ces « dessins » – concédons leur provisoirement ce nom – sont, pour Henriette Zéphir, qui ne se considère ni ne se revendique nullement comme « artiste », la trace d’« énergies » qu’« On » lui enjoint de consigner sur le papier. Ainsi, ne s’en sent-elle pas, ni ne s’en dit être l’auteure. Certes, sa main se doit d’en tracer les lignes de force, d’en composer la structure, d’en effectuer la mise en couleur, mais l’intention ni l’origine ne sont de son fait. Ils lui sont, dit-elle, « commandés ». Et traduisent des énergies errantes en mal d’ascension dont, devenue psychopompe, elle favorise l’élévation. Soit, ces dessins ne « viennent pas » d’elle ; ils sont le dépôt et la consignation momentanée de «  ce qui passe » par elle. Ne s’en reconnaissant pas propriétaire, elle ne peut donc pas en disposer à sa guise. Et, quand en 1965, Jean Dubuffet, les découvre et lui demande de bien vouloir lui en céder quelques-uns, il la met dans un grand embarras. En effet, réalisés sous l’injonction, la tutelle et le contrôle d’un « guide », ces « dessins », répond-t-elle, ne sont pas à vendre. Finalement, sur l’insistance de Dubuffet 2 – et après avoir, en dernière instance consulté son « guide » – Henriette Zéphir acceptera d’en céder une vingtaine. Exposés au musée des Arts décoratifs en 1967 3, ils partiront ensuite avec l’ensemble de la donation Dubuffet à la collection de l’Art brut, à Lausanne où ils demeurent. Depuis cette acquisition, hormis une dizaine d’exemplaires offerts à des familiers ou des proches, aucun n’était plus jamais sorti des cartons où elle les range dès qu’elle les juge terminés. Conséquemment, n’ayant pas été montrés, ils n’avaient pas été vus depuis 1967. En vain chercherait-on la trace d’un quelconque geste artistique intentionnel dans les ouvrages d’Henriette Zéphir. Demeurer disponible à la commande de son « guide » ; se rendre ductile aux intensités perçues et ressenties ; capturer, retenir, fixer, déposer, transcrire et consigner les énergies de passage, voilà le travail auquel elle a décidé de se vouer depuis ce jour du 3 mai 1961 où, à quarante-et-un ans, elle se mit à dessiner sous influence, « poussée » comme elle le dit, par l’incitation impérieuse venue d’une présence ressentie à ses côtés. Celle-ci lui intima de remplir assidûment, pendant sept jours, un cahier entier de lignes méandreuses tracées sans que la main ne se lève : le crayon devant au début de l’exercice se poser en un point quelconque de la feuille et ne s’en détacher qu’une fois celle-ci remplie. Exercice que, sur le moment, elle vécut comme d’autant plus éprouvant qu’elle n’en saisit pas immédiatement la finalité. Ce n’est que plus tard qu’« On » lui révèlera qu’il s’agissait là d’un apprentissage initiatique, destiné à la « nettoyer » pour qu’elle « lâche », afin de pouvoir devenir l’instrument, le « canal » parfaitement opératoire pour la tâche que l’ « On » attendait d’elle. Puis, des messages lui furent dictés et, plus particulièrement, une prière par laquelle elle devait témoigner de sa soumission et de sa totale déférence qu’elle dû transcrire, apprendre par cœur et réciter tous les jours, matin et soir, avant de se consacrer au travail qui lui était intimé. Travail assidu et asservissant, qui souvent la retint dix heures par jour et auquel, jusqu’à présent, à quatre-vingt-dix ans passés, Henriette Zéphir continue de s’appliquer consciencieusement. Le monde de l’art – et plus encore de l’art brut (pour autant que celui-ci fasse partie de celui-là…) – lui est totalement étranger. Elle ignorait, jusqu’à ce que je la rencontre à la fin de l’année 2007, ce qui était advenu des dessins 2. C’est l’époque où la collection d’art brut de Dubuffet étant revenue des Etats-Unis et s’étant installée au 137 rue de Sèvres, celui-ci relance la prospection tous azimuts, engageant ainsi l’entreprise dans une envergure décisive. D’où l’engouement fulgurant et l’insistance de Dubuffet à vouloir – malgré les réticences de l’auteure – acquérir, par tous les moyens, des exemplaires de cette production y compris des documents plus personnels comme la graphie des « prières » qu’Henriette Zéphir doit réciter avant de se mettre au travail, et qu’elle refusera de lui céder. 3. Cf. L’Art Brut, Sélection des collections de la compagnie de l’art brut, musée des Arts décoratifs. Paris, 7 avril - 5 juin 1967, 126 p. p.119 6


For Henriette Zéphir, who by no means thinks of herself as an artist, these ‘drawings’ – let’s agree to call them that for the moment – are the trace of ‘energies’ that ‘they’ order her to put down on paper. Consequently, she doesn’t feel herself to be their creator, nor does she claim to be. While she has no choice but to trace out their guiding lines, compose their structure, and add colour, neither the intention nor the initiatory impulse are her own. As she says, they are ‘commissioned’. They are translations of energies on the move, struggling to reach a higher plane: as a spirit guide, she helps them on their way. These drawings, as our language refers to the result of such pictorial activity, ‘do not come from’ her. Rather, they are a momentary trace of ‘what passes through’ her. Since she has no claim of ownership to them, she cannot do with them what she pleases. Consequently, when Jean Dubuffet discovered her in 1965 and asked her to sell him some of the works, he put her in a rather awkward situation. She told him that since the ‘drawings’ were created under the orders, guidance, and control of a ‘guide’, they were not for sale. Dubuffet persisted 2, and after turning to her ‘guide’ for advice, Henriette Zéphir agreed to sell him some twenty works. They were shown at the musée des Arts décoratifs in 1967 3, before being transferred with the rest of the Dubuffet donation to the collection de l’Art brut in Lausanne, where they remain to this day. Since this sale, none of Henriette Zéphir’s works (apart from a dozen or so, given to her closest circle) have left the boxes where she puts them away once she feels that they are finished. As a result, they have not been seen or shown since 1967. Searching for any artistic intentionality in Henriette Zéphir’s works would be a futile undertaking. Her duty is to remain available for the orders of her ‘guide’, keeping herself ductile for the intensities she perceives, capturing, transcribing, and pinning down fleeting energies. She has devoted herself to this task since May 3rd, 1961, when, at the age of forty-one, she started drawing under the influence of her guide, ‘driven’, as she says, by the imperious urging of a presence she felt at her sides. The spirit ordered her to keep a notebook for seven days, filling it assiduously with meandering lines drawn without lifting her hand from the page, beginning the drawing by placing her pencil on a point on the page and not lifting it until the drawing is complete. At the time, she found the task very demanding, since she did not understand the aims. Only later did ‘they’ reveal that it was a form of initiatory apprenticeship, designed to ‘purify’ her and make her ‘let go’ so that she could become a perfectly suited conduit or ‘channel’ for the task that ‘they’ expected of her. This was followed by messages dictated to her, particularly a prayer through which she had to prove her utter submissiveness. She had to transcribe the prayer, learn it by heart, and recite it morning and evening, before devoting herself to the work she was ordered to carry out. This hard work often keeps her busy for ten hours a day; she still carries out ‘their’ orders conscientiously, even though she is over ninety. The world of art – and even more of Art Brut (if it is indeed part of the art world) – is totally foreign to her. Before I met her late in 2007, she had no idea what had become of the drawings she sold to Dubuffet. She never uses traditional art terms – not even the commonest ones, such as line, shape, colour, and composition – because as far as she is concerned, her works are not examples of what other people call art; at least, that is not their main 2. Dubuffet had brought his collection of Art Brut back from the United States and set it up at 137, rue de Sèvres not long before. He then set out to renew his search, giving the project a decisive new dimension. It is thus hardly surprising that Dubuffet was so enthusiastic about Henriette Zéphir and so keen to overcome her reluctance and acquire examples of her work by any means, including personal documents such as the written version of the ‘prayers’ that the artist has to recite before getting down to work. Henriette Zéphir refused to sell these documents. 3. See the exhibition ‘L’Art Brut, Sélection des collections de la compagnie de l’art brut’, musée des Arts Décoratifs, Paris, 7 April - 5 June 1967, 126 pages, p. 119. 7


cédés à Dubuffet. Et si aucun des termes issus du vocabulaire artistique institué – même les plus courants, comme ceux de ligne, forme, couleur, composition, etc. – ne vient émailler son discours, c’est que, du moins à l’aune de son entendement, ses ouvrages ne relèvent pas, en première instance, de ce que d’autres appellent l’art. Leur visée et leur vertu seraient plutôt de contribuer au rayonnement et à la propagation des énergies qu’Henriette transcrit et qu’elle définit comme fondamentalement positives. Ce n’est donc pas tant la qualité esthétique que l’efficience, l’utilité des dessins, ce à quoi et ceux à qui ils peuvent « servir », se révéler bienfaisants, qui semble importer. Ainsi, ceux qu’elle offrit à des proches le furent toujours en fonction de leur vertu curative des maux ou restauratrice des forces du récipiendaire. C’est pour cela – parce qu’il est d’abord une nécessité, le résultat d’une pulsion irrépressible qui ramène, parfois à son corps défendant, Henriette Zéphir devant sa table de travail – qu’elle ne s’exprime que fort peu au sujet du résultat, préférant, si on lui en fait la demande, s’épancher sur l’évènement qui l’engendra, les souffrances (ou le plaisir) relatifs au temps de sa réalisation. Dans les premiers temps, confrontée à cet impératif non différable, elle s’exécuta à l’aide du stylo à bille et de crayons de couleurs là, où et quand ça la prenait. Dorénavant, elle opère chez elle, sur un coin de table, un crayon à mine de plomb à portée de main ; un godet de fortune pour diluer l’aquarelle ; de l’encre de Chine, une plume et un chiffon ; une feuille de vélin d’Arches ou de Canson pour accueillir le tracé princeps des énergies au crayon noir et différer leur mise en couleur. En effet, le tracé, proprement dit – l’inscription du mouvement des énergies sur la feuille – ne peut s’effectuer qu’après que le contact ait été assuré, que la concentration se soit établie à son point de tension extrême, les énergies pouvant alors passer sans difficulté par son « canal ». Si le temps de la prise de contact peut être variable (comme s’il s’agissait de scanner, de condenser et d’intégrer les énergies erratiques), le tracé lui même ne prend tout au plus que quelques dizaines de secondes : le crayon courre et virevolte sur la feuille déterminant à grands traits la charpente de la future matérialisation de l’énergie. La mise en couleur – l’enluminure – de cette épure énergétique est ensuite un travail de précision qui peut, à plein temps, occuper Henriette d’une semaine à un mois suivant la taille et la complexité de l’ouvrage. Néanmoins, remplissage et mise en couleur ne semblent pas être laissés à son libre arbitre. « Ils » lui indiquent telle couleur pour telle surface, couleurs qui obéissent à un code complexe. D’une enfance heureuse chez ses grands-parents à la campagne, à Montmaurin, dans les environs de Toulouse, Henriette a su conserver une aptitude à la méditation, à la rêverie et à l’émerveillement. Qualités chères entre toutes à Gaston Bachelard et dont on voit bien comment elles ont probablement contribué à enrichir et à structurer son imaginaire. Cet état de grâce durera jusqu’à l’âge de onze ans. Du reste de son existence, elle ne parle que peu, disant qu’elle a préféré « l’occulter » et ne souhaite pas l’évoquer. Fin 2007, dans l’urgence où je la pressais d’avoir à établir un inventaire référencé de l’ensemble des ouvrages disponibles qu’elle tenait serré dans deux grands cartons à dessins – environ cent quarante dessins, allant du petit format (24 x 32 cm) jusqu’à des formats plus ambitieux (57 x 76 cm) et dont la réalisation s’étageait de 1961 à 2007 – elle se mit en devoir d’en retrouver les dates. Ce travail d’anamnèse chronologique fut pour elle une épreuve douloureuse, dans le sens où cela l’obligea à devoir se remémorer – et donc « revivre » – des événements et des moments pénibles de son existence. « Jamais plus je ne le referais… ! » me déclara-t-elle après s’être exécutée à contrecœur.

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purpose. Their aim and their virtue are rather to propagate the energies that Henriette transcribes, which she defines as fundamentally positive. What seems to matter is not so much their aesthetic quality as the efficiency and usefulness of the drawings and who and what they ‘serve’ – in other words, their beneficial nature. She has given works to her friends and family depending on their power to cure their ills or restore their forces. The drawings result first and foremost from an irresistible urge that draws Henriette Zéphir to her desk, sometimes much against her will. This is why she so rarely speaks about the works, preferring when asked to dwell on the event that sparked them and the pain (or pleasure) she experienced when producing them. To begin with, confronted with an imperious urge that could not be put off, she set to work with ball-point pens and coloured pencils whenever and wherever the need took hold of her. She now works at home, on a table, with her tools to hand: a pencil, an improvised water pot for her watercolours, Indian ink, a brush, a rag, and a sheet of d’Arches or Canson vellum paper to capture the virgin trace of the energies in black pencil, keeping colour for a later stage. The line itself, tracing the movement of the energies on the page, can only be produced once the contact has been established and concentration raised to its utmost pitch, at which point the energies can travel freely through her ‘channel’. The time taken for contact to be established can vary (as if the point were to scan, condense, and integrate the erratic energies), but the line itself only takes a few dozen seconds at most. Her pencil dances and spins on the page, building a rough outline of the future materialisation of the energy. The highly detailed process of illuminating this pure energy with colour can keep Henriette fully occupied for anywhere from a week to a month, depending on the size and complexity of the work. Filling the space and adding colour do not appear to depend on her free will. ‘They’ indicate what colour she should use on what surface, following a complex code. Having spent a happy rural childhood with her grandparents in Montmaurin, not far from Toulouse, Henriette has retained a capacity for meditation, daydreams, and reverie. It is clear that these qualities, highly prized by Gaston Bachelard, played a role in enriching and structuring her imagination. This state of grace lasted until she was eleven. She rarely talks about the rest of her life, saying she has preferred to ‘block it out’ and does not wish to discuss it. Late in 2007, as I pressed her on the need to draw up an inventory of all the available works – around 140 drawings in total, from small formats (24 x 32 cm) to larger ones (57 x 76 cm), dating from 1961 to 2007, all tightly packed in two large folders – she set out to work out their dates. The task of chronological anamnesis was a painful duty for her in that it forced her to revisit, and thus to ‘relive’, difficult events and moments of her past. ‘Never again!’ she told me, having carried out the task unwillingly. One of Henriette Zéphir’s great torments is the feeling of not having the keys to her work: it seems from what she says that the meaning of most of her drawings escapes her. Nor can she decipher the pencil or ink writing on the back of many of the drawings dating from 1962 to 1965.4. This is not for want of questioning ‘them’, but ‘they’ remain silent on the matter. ‘They don’t want to tell me! Maybe because I’m not asking the right questions?’ 5 However, having insisted that the drawings remain hidden for over forty years, ‘they’ have recently decided that ‘the images of these energies should be dispersed’ 6 and spread their influence over the whole world, contributing 4. The issue of untranslatable writing frequently recurs in the case of spiritualist artists such as Hélène Smith and Laure Pigeon. 5. 6. Henriette Zéphir, interview with Alain Bouillet, January 2008. 9


L’un des plus grands tourments d’Henriette Zéphir est le sentiment de ne pas avoir la connaissance des clés de son travail ; le sens de la plupart de ses dessins semble, à l’entendre, lui échapper. De même que lui demeurent inintelligibles les écritures au crayon noir ou à l’encre qui viennent s’inscrire au dos de nombreux dessins des années 1962 – 1965.4 Ce n’est pas faute de « Les » questionner : mais « Ils » demeurent mutiques. « On ne veut pas me répondre ! Peut-être parce que je ne pose pas les bonnes questions ? » 5 Cependant, après avoir imposé qu’elles fussent remisées pendant plus de quarante ans, « Ils » ont récemment décidé que « les images de ces énergies devaient être dispersées » 6 et s’en aller rayonner sur toute la surface de la planète afin de contribuer à son renouveau. Ce dont Henriette semble se réjouir : serait-ce enfin la réponse attendue ? Ce revirement d’attitude explique que les dessins peuvent enfin sortir de la réserve où ils étaient tenus confinés depuis 1965. Une première fois montrés à la Halle Saint Pierre en mars 2008 7, quelques uns d’entre eux furent présentés à la galerie Christian Berst en septembre de la même année 8. Le succès qu’ils rencontrèrent parmi les amateurs et collectionneurs a conduit Christian Berst en cette année 2011, à en proposer à nouveau une sélection couvrant la période 1963 – 2009, choix qui se veut représentatif tant de la diversité que de la qualité de la production de l’auteure.

4. La question des écritures intraduisibles est récurrente chez les auteurs médiumniques : Hélène Smith, Laure Pigeon, etc. Lausanne, 1986. 5. et 6. Henriette Zéphir : entretiens avec Alain Bouillet ; janvier 2008. 7. Lors de l’exposition « Eloge du dessin », du 24 mars au 29 août 2008. 8. Lors de l’exposition ‘Rentrée hors-les-normes, découvertes et nouvelles acquisitions’, du 12 septembre au 11 octobre 2008. 10


to its renewal. Henriette seems to be delighted by this: is this the long-awaited answer? This change in attitude explains why Henriette Zéphir’s drawings can at long last leave the secrecy which has cloaked them since 1965. 7 Some were shown at the Halle Saint-Pierre in March 2008 for the first time, before being exhibited at the galerie 8 christian berst in September the same year . Their popularity among connoisseurs and collectors has led christian berst to choose a new selection covering the period 1963 – 2009 for a new exhibition in 2011, reflecting the diversity and quality of Henriette Zéphir’s output.

7. At the exhibition ‘Eloge du dessin’, 24 March to 29 August 2008. 8. At the exhibition ‘Rentrée hors-les-normes, découvertes et nouvelles acquisitions’, 12 September to 11 October 2008. 11


© mario del curto, 2010

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Henriette Zéphir was born near Toulouse in 1920. Her parents working far from her village of birth, she was raised by her grandparents. Although having received a religious education, she is neither pious nor a practicing. Marrying a Martiniquan in 1941, the couple decide to relocate to the French Antilles. However, their journey is stalled in Casablanca, where their first daughter is born. Her husband conscripted, Henriette stays 2 and a half years alone in Morocco. After the war, they finally arrives in Martinique. However, Henriette finds it difficult to adapt, feeling constantly an exile. She parts ways with her husband by 1956 and settles in Nice.

Henriette Zéphir est née en 1920 près de Toulouse. Ses parents travaillant loin de son village d’origine, elle est élevée par ses grands-parents. Bien qu’ayant reçu une éducation religieuse, elle n’est ni pieuse ni pratiquante. Mariée à un Martiniquais en 1941, le couple part pour les Antilles, cependant, au cours du voyage, les jeunes époux sont bloqués à Casablanca, où naît leur première fille. Son mari mobilisé, Henriette reste 2 ans et demi seule au Maroc. Après la guerre, ils rejoignent finalement la Martinique, néanmoins, Henriette ne s’adapte pas, se sent constamment en exil : elle se sépare de son mari vers 1956 et s’installe à Nice.

May 1st, 1961 in a revelation, she confronts her «Guide» for the first time. From this moment on, Henriette devotes herself to what she calls « the occult ». The extreme demand of the Guide expresses itself in diverse manners : during sessions of drawing, the pen will settle on a sheet of paper and will remain until the space is completely filled. Other times, the Guide imposes on her sessions in which she must lie prostrate on the ground or kneel for hours, as it dictates messages which she must scrupulously jot down. Henriette considers herself an instrument of these forces of the netherworld world and seems doubtful when one considers the product of her process as mere art. Spotted by Jean Dubuffet himself, this clairvoyant’s meandering creations - a confluence of the organic and the vegetal, where geometry reveals the spiritual - were exhibited as early as 1967 in the first exhibition of art brut opened to the general public at the musée des Arts Décoratifs.

Le 1er mai 1961 se manifeste pour la première fois son «guide», dès lors, Henriette s’adonne à ce qu’elle appelle «l’occulte». L’exigence extrême du guide s’exprime de diverses manières : lors de séances de dessin, le stylo se pose quelque part sur la feuille et ne s’en détache qu’une fois tout l’espace rempli. D’autres fois, il lui impose des séances de prostration, couchée par terre ou à genoux durant des heures, il lui dicte des messages qu’elle doit scrupuleusement noter. Henriette se considère comme l’instrument de ces forces de l’au-delà et paraît circonspecte qu’on puisse qualifier ses productions d’art. Repérées par Jean Dubuffet lui-même, ces créations médiumniques méandreuses où l’organique le dispute au végétal, où la géométrie rend compte du spirituel, furent exposées dès 1967, au musée des Arts Décoratifs, première exposition d’art brut ouverte au grand public.

bibliographie (sélection) • Une rentrée hors-les-normes 2008, Découvertes et nouvelles acquisitions, texte de Christian Berst, catalogue d’exposition, Paris, lelivredart, galerie christian berst, 2008. • Éloge du dessin, texte d’Alain Bouillet pour Henriette Zéphir, catalogue d’exposition, Paris, Halle Saint Pierre, 2008. • L’Art Brut, catalogue d’exposition, musée des Arts Décoratifs (7 avril au 5 juin 1967), texte de Jean Dubuffet (Place à l’incivisme), Paris, Compagnie de l’Art Brut & Union Centrale des Arts Décoratifs, 1967. • « Henriette Zéphir », par Jean Dubuffet, 1966, in Fascicule de l’Art brut n°14, Lausanne, Collection de l’Art Brut, réed.1986.

collection (sélection) collection de l’Art brut (Lausanne), collection Arnulf Rainer (Vienne), The Museum of Everything (Londres).

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sans titre, 1969 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier plastifié, 47,2 x 62,2 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized paper, 18.4 x 24.25 inches


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sans titre, 1964 crayon de couleur et encre de Chine sur papier, 23 x 32 cm colored pencil and Indian ink on paper, 9 x 12.5 inches


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Corse, 1965 encre de Chine sur papier, 50 x 21,3 cm Indian ink on paper, 19.5 x 8.3 inches


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sans titre, recto-verso, 1995 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier, 23,9 x 31 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on paper, 9.32 x 12 inches


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Abidjan, recto-verso, 1965 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier plastifié, 31,8 x 23,9 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized paper, 12.4 x 9.32 inches


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24

sans titre, recto-verso, 1965 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier plastifié, 31,9 x 23,9 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized paper, 12.4 x 9.32 inches


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sans titre, 1965 crayon de couleur et encre de Chine sur papier plastifié, 31,8 x 23,3 cm colored pencil and Indian ink on plasticized paper, 12.4 x 9 inches


27


28

sans titre, circa 1965 crayon de couleur et encre de Chine sur papier Moirans plastifié, 31,8 x 23,3 cm color pencil and Indian ink on plasticized Moirans paper, 12.4 x 9 inches


29


30

sans titre, 1965 crayon de couleur et encre de Chine sur papier plastifié, 23,3 x 31,8 cm colored pencil and Indian ink on plasticized paper, 9 x 12.4 inches


31


32

sans titre, 1965 . stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier plastifié, 23,9 x 31,9 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized paper, 9.32 x 12.4 inches


33


34

sans titre, circa 1965 stylo bille et crayon de couleur papier Moirans, 19 x 12,8 cm ballpoint pen and colored pencil on Moirans paper, 7.4 x 5 inches


35


36

Abidjan, 1966 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur papier plastifié, 43,3 x 62,5 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized paper, 16.9 x 24.37 inches


37


38

sans titre, 1966 stylo bille et encre de Chine sur carte plastifié, 30 x 24 cm ballpoint pen and Indian ink on plasticized bound, 11.7 x 9.4 inches


39


40

sans titre, 1966 stylo bille, crayon de couleur, encre de Chine sur carte plastifié, 28,5 x 47,5 cm ballpoint pen, colored pencil, Indian ink on plasticized bound, 11.11 x 18.5 inches


41


42

sans titre, 1977 encre de Chine, aquarelle à la plume sur toile plastifiée, 54,5 x 45 cm Indian ink, watercolor on plasticized canvas, 21.25 x 17.55 inches


43


44

sans titre, 1977 encre de Chine, aquarelle à la plume sur toile plastifiée, 54 x 45 cm Indian ink, watercolor on plasticized canvas, 21 x 17.55 inches


45


46

sans titre, 1977 stylo bille et crayon de couleur sur toile plastifiée, 24,2 x 33,2 cm ballpoint pen and colored pencil on plasticized canvas, 9.43 x 12.95 inches


47


48

sans titre, 1980 encre et peinture sur papier, 56,4 x 37,1 cm ink and painting on paper, 22 x 14.5 inches


49


50

sans titre, 1980 encre de Chine, aquarelle à la plume sur toile plastifiée, 57,1 x 38 cm Indian ink, watercolor on plasticized canvas, 22.3 x 14.8 inches


51


52

sans titre, 1985 encre de Chine sur papier, 22 x 33 cm Indian ink on paper, 8.6 x 12.9 inches


53


54

sans titre, 1985 encre de Chine sur papier, 21,8 x 35 cm Indian ink on paper, 8.5 x 13.6 inches


55


56

sans titre, 1990 aquarelle à la plume sur papier, 56,5 x 77 cm watercolor on paper, 22 x 30 inches


57


58

sans titre, 1990 aquarelle à la plume sur papier, 41 x 31 cm watercolor on paper, 16 x 12 inches


59


60

sans titre, 1990 aquarelle à la plume sur papier, 40,5 x 41 cm watercolor on paper, 15.8 x 16 inches


61


62

sans titre, 1990 aquarelle à la plume sur papier, 41 x 31 cm watercolor on paper, 16 x 12 inches


63


64

sans titre, 1995 encre colorée sur papier, 36,8 x 57 cm colored ink on paper, 14.35 x 22.23 inches


65


66

sans titre, 2002 aquarelle à la plume sur papier, 27 x 35 cm watercolor on paper, 10.53 x 13.65 inches


67


68

sans titre, recto-verso, 2006 aquarelle à la plume sur papier, 29,8 x 40 cm watercolor on paper, 11.6 x 15.6 inches


69


70

flamme de la connaissance, 2007 aquarelle à la plume, craie grasse et encre dorée sur papier, 48,7 x 31,5 cm watercolor, pastel and golden ink on paper, 19 x 12.28 inches


71


72

la flamme de la guérison, 2007 aquarelle à la plume et craie grasse sur papier, 52 x 38 cm watercolor and pastel on paper, 20.3 x 14.8 inches


73


74

la flamme d’illumination, 2008 aquarelle à la plume et craie grasse sur papier, 52 x 38 cm watercolor and pastel on paper, 20.3 x 14.8 inches


75


76

sans titre, 2008 aquarelle à la plume sur papier, 28,9 x 19 cm watercolor on paper, 11.7 x 7.4 inches


77


78

sans titre, 2008 encre de Chine sur papier, 28,9 x 19 cm Indian ink on paper, 11.7 x 7.4 inches


79


80

sans titre, 2008 encre de Chine sur papier, 28 x 18,7 cm Indian ink on paper, 10.9 x 7.2 inches


81


82

sans titre, 2008 encre de Chine sur papier, 28 x 18,7 cm Indian ink on paper, 10.9 x 7.3 inches


83


84

sans titre, 2009 aquarelle à la plume sur papier, 28 x 38,2 cm watercolor on paper, 10.9 x 14.9 inches


85


remerciements à / special thanks to newton aduaka, milarépa bacot, elisabeth berst, alain bouillet, mario del curto, bastien genoux, benedetta grazioli, carmen et daniel klein, fanny rojat, sophie roudier.

achevé d’imprimer en avril 2011.


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