Extrait du catalogue
christian berst art brut présente presents jorge alberto cadi el buzo
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julien discrit & harald stoffers cecilia granara & éric benetto charles hascoët & pascal tassini sabine mirlesse & zdeněk košek boryana petkova & patricia salen mateo revillo & anton hirschfeld madeleine et anne roger lacan & le fétichiste jack rothert garcia & jacqueline b
christian berst avant-propos corinne rondeau le voyage des ciseaux texts in english œuvres works
christian berst avant-propos
À l’instar des curateurs invités depuis 2020 dans le cadre de l’espace The Bridge, j’ai choisi cette fois-ci de donner carte blanche à Anaël Pigeat – créatrice du podcast Phonomaton - et Yvannoé Krüger – directeur artistique de Poush Manifesto.
Mais, pour accorder plus d’ampleur encore à ce dialogue entre l’art brut et d’autres univers, l’exposition se déploiera désormais sur les deux espaces de la galerie pour former le premier volet d’un cycle qui s’intitule Débordement.
la galerie. Ces duos donnent lieu à des récits imaginaires, à des rapprochements formels, thématiques ou simplement spirituels. Tels des éclaireurs ou des révélateurs, les artistes nous invitent à plonger notre regard dans le leur, pour mieux voir.
Ainsi est née l’idée de réunir des « Eclaireurs », c’est à dire 8 artistes résidents des ateliers de Poush (à Clichy) qui ont été conviés à choisir chacun un artiste représenté par
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anaël pigeat & yvannoé krüger propos
Comment faire résonner l’art brut avec la création contemporaine ? Comment confronter les mondes de l’art ? Telle est la question que Christian Berst a commencé à soulever dans ses expositions du Bridge, de l’autre côté du passage des Gravilliers où se trouve la galerie.
Après quelques échanges, il nous a fait l’inspirante proposition qui consistait à utiliser pour la première fois ses deux espaces d’exposition de façon conjointe, et à y montrer des artistes résidents dans les ateliers de Poush en dialogue avec des artistes bruts. Encore fallait-il déterminer des règles du jeu. C’est par un raisonnement délibérément intuitif que nous avons d’abord imaginé la liste de nos invités, en pensant qu’ils auraient le goût de ces œuvres visibles à la galerie, réalisées par des créateurs en marge des circuits artistiques. Chacun d’entre eux serait exposé en duo avec un
artiste brut représenté par Christian Berst qu’il choisirait, dans des tête-à-tête intimes et expérimentaux. Il fallait éviter l’écueil des pures analogies visuelles, et plutôt donner lieu à des rapprochements formels, thématiques ou simplement spirituels. Enthousiasmés par ce projet, les artistes que nous avons rencontrés à Poush ont répondu parfois même au-delà de ce que nous avions imaginé. L’art brut avait déjà, pour plusieurs d’entre eux, une place singulière dans la formation de leur regard, dans leur rapport au monde et à l’art. Certains, confrontés aux œuvres des artistes bruts, sont même parfois allés jusqu’à
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3 10 / workshops ateliers 1. madeleine roger lacan / 2. cécilia granara / 3. matéo revillo / 4. anton hirschfeld / 5. charles hascouët / 6. sabine mirlesse 7. pascal tassini / 8. zdeněk košek
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christian berst foreword
Following the trail blazed by the curators invited to The Bridge since 2020, I have chosen this time to give carte blanche to Anaël Pigeat – creator of the Phonomaton podcast – and Yvannoé Krüger – artistic director of Poush Manifesto.
But, to offer even greater scope to this dialogue between art brut and other worlds, the exhibition will now unfold over the two spaces of the gallery to form the first part of a cycle entitled Débordement (Overflow).
matic or simply spiritual connections. Like pathfinders or revealers, the artists invite us to plunge our gaze into theirs, the better to see.
Thus was born the idea of bringing together the Eclaireurs (Pathfinders): 8 artists residing in the Poush workshops (in Clichy), who were each invited to choose an artist represented by the gallery. These duos give rise to imaginary stories, to formal, the-
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les révélateurs the pathfinders
de haut en bas et de gauche à droite: from top to bottom and from left to right: Jacqueline B, Éric Benetto, Julien Discrit, Cecilia Granara, Charles Hascoët, Anton Hirschfeld, Zdeněk Košek, le Fétichiste, Mateo Revillo, Jack Rothert Garcia, Sabine Mirlesse, Boryana Petkova, Patricia Salen, Madeleine Roger-Lacan, Harald Stoffers, Pascal Tassini.
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julien discrit
1978 . france
Les œuvres de Julien Discrit se déploient sous forme d’installations, d’images et de sculptures, et cherchent le plus souvent à installer une tension entre le visible et ce qui reste dissimulé. Les notions d’empreinte et de trace, dans leurs composantes à la fois théoriques et techniques, en constitue l’axe majeur de recherche. En quête d’un art procédural, l’artiste s’appuie notamment sur les phénomènes dits « naturels », comme peuvent l’être la fossilisation ou l’érosion, qu’il considère comme des générateurs de formes plastiques.
© Lola Halifa-Legrand, 2020
podcast pnonomaton
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Julien Discrit est né en 1978, il vit et travaille à Paris. Après des études de Géographie il est diplômé de l’ESAD de Reims en 2004 avec les félicitations du jury. Il est sélectionné pour le prix Ricard en 2008, et a participé à de nombreuses expositions en France et à l’étranger dont La Biennale de Lyon en 2011 et en 2017, il est lauréat du prix FAWU et du prix « 1% marché de l’art du Crédit Municipal » en 2019. Ses œuvres font parties de nombreuses collections publiques comme celle du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du MACVAL, ou encore du FNAC. Il collabore avec la galerie Anne-Sarah Bénichou depuis 2016.
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Julien Discrit’s unfolds into the form of installations, images and sculptures, and most often seeks to install a tension between what is visible and what remains hidden. The notions of imprint and trace, in both their theoretical and technical components, constitute the major axis of his research. In his quest for procedural art, the artist relies in particular on so-called «natural» phenomena, such as fossilization or erosion, which he considers to be generators of plastic forms.
Julien Discrit was born in 1978 and lives and works in Paris. After studying Geography, he graduated in 2004 from the ESAD in Reims with honours. He was selected for the Prix Ricard in 2008, and has participated in numerous exhibitions in France and abroad, including the Biennale de Lyon in 2011 and in 2017, and is a winner of the FAWU prize and the «1% art market price” from Crédit Municipal in 2019. His works are part of numerous public collections such as the Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, the MACVAL, and the FNAC. He has been collaborating with the Anne-Sarah Bénichou gallery since 2016.
harald stoffers
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More than twenty years ago, Harald Stoffers began a fictional correspondence with his mother, in which all the letters started with « Liebe Mutti ». He began this exercise at a workshop for people with disabilities at which he worked. He started by distributing them amongst his fellow workers in the form of small torn notes. Stoffers’ letters later thickened, some even reaching ten meters long. The letters of Harald Stoffers – part writing, part musical score, part pictorial composition – are of a rare intensity, inviting the viewer both to read them and to contemplate them in silent fascination. Presented in a film by Youssef Tabti at the Grand Palais in 2009, his work was included in such prestigious institutions as the Mona (Australia), the Hamburger Kunsthalle (Berlin), the Oliva Creative Factory (Portugal), the Dox Art Center (Prague) and the Maison rouge (Paris).
1961 . allemagne
Il y a plus de vingt ans, Harald Stoffers commence un échange épistolaire, fictif, avec sa mère dans lequel toutes ses lettres commencent par « Liebe Mutti ». Interné très jeune, c’est à l’hôpital qu’il s’initie à cet exercice, et distribue d’abord de courts billets déchirés aux autres patients. Plus tard, les lettres de Stoffers se densifient, tandis qu’elles atteignent parfois plusieurs mètres de long. Entre écriture, partition musicale et composition graphique, les lettres d’Harald Stoffers, par leur rare intensité, invitent tant à la lecture qu’à la contemplation fascinée. Présenté dans un film de Youssef Tabti au Grand Palais en 2009, son œuvre a été montrée dans des institutions aussi prestigieuses que le Mona (Australie), la Hamburger Kunsthalle (Berlin), l’Oliva Creative Factory (Portugal), le Dox Art Center (Prague) ou la Maison rouge (Paris).
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harald stoffers sans titre untitled, 2012 encre sur papier cartonné, 40 x 40 cm ink on cardboard, 15.75 x 15.75 in
julien discrit sans titre untitled, 2020 frottage à la mine de plomb sur papier, 118,5 x 44 cm lead pencil rubbing on paper, 46.6 x 17.3 in courtesy de l’artiste et de la galerie anne-sarah bénichou
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cecilia granara
© romain darnaud, courtesy de l’artiste
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1991 . arabie saoudite
De nationalité italienne, Cecilia Granara a grandi à Mexico, Rome, Chicago. Sa peinture puise dans l’auto-fiction, la poésie et l’iconographie symbolique. Elle s’intéresse aux attitudes culturelles face à la sexualité, aux corps et à l’utilisation de la couleur comme vecteur d’émotions. Elle a étudié à la Central St. Martin’s School of Art and Design de Londres et à l’ENSBA de Paris et au Hunter College de New York. Elle a été nommée pour le Prix Marin pour la Peinture en 2019 et le Prix Cairo pour l’art contemporain en 2021. Elle est lauréate du prix pour l’oeuvre en façade de POUSH Manifesto en 2021. Le travail de Cecilia interroge les représentations du féminin et explore le corps comme siège des émotions. L’amour, le désir, le manque ou la tristesse sont autant d’états que l’artiste symbolise dans ses tableaux. Sa peinture créée en effet des territoires d’accueil pour exprimer la souffrance et la colère, les raviver et les traverser dans une expérience méditative qui convoque les notions de groupe et de communion. La puissance de l’immersion dans les couleurs renvoie ainsi à une chorégraphie d’énergies salutaires qui réveillent le corps pour le faire entrer en empathie avec des récits de souffrances imaginaires peuplés d’apparitions, de divinités et de fantômes. Ses couleurs expriment l’apaisement, l’espoir, la chaleur et la joie. Elles offrent aussi un refuge collectif à la violence, pour l’évacuer, usant du plaisir comme possible chemin de résistance.
Of Italian nationality, Cecilia Granara grew up in Mexico City, Rome and Chicago. Her painting draws on autofiction, poetry and symbolic iconography. She is interested in cultural attitudes towards sexuality, the body and the use of colour as a vehicle for emotion. She studied at Central St. Martin’s School of Art and Design in London, the ENSAB in Paris, and Hunter College in New York. She was nominated for the Marin Prize for Painting in 2019 and the Cairo Prize for Contemporary Art in 2021. She is the winner of the prize for the work displayed on the façade of the POUSH Manifesto building in 2021. Granara’s work queries representations of the feminine, and explores the body as the seat of emotions. Love, desire, lack and sadness are all states that the artist symbolises in her paintings. Her paintings create territories where suffering and anger can be expressed, rekindled and traversed in a meditative experience that evokes notions of group and communion. The power of immersion in colours thus refers to a choreography of salutary energies that awaken the body to make it empathise with stories of imaginary suffering populated by apparitions, divinities and ghosts. Her colours express calming, hope, warmth and joy. They also offer a collective refuge from violence, to get rid of it, using pleasure as a possible path of resistance.
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éric benetto
Eric Benetto has never stopped following the most treacherous spiritual paths, from the rigors of monastic life to the ascetic practices of orthodox Hesychasm. His extreme humility nevertheless prevents him from recognizing his uniqueness, for the body of work that he has created is not only marked by an intense, syncretic mysticism, but also by exceptional moderness. While working in all manner of jobs between two trips to India he began to transcribe what would become his formal grammar in travel journals. Like an uninterrupted prayer, a silent, vertiginous recitation, an obsessive graphic mantra. While the patterns are repeated ad libitum and the serial incantations spread out like a primordial om, the artist gives shape to what Romain Rolland used to call the “oceanic feeling,” this formidable thirst for osmosis with the universe. Before his first solo exhibition organized by the gallery in 2019, his work had already been noticed at the exhibition Brut Now: art brut in the time of technologies, at the Belfort museums. Since then, he has joined prestigious collections such as those of Laurent Dumas (France), Treger-Saint Silvestre (Portugal) or the Hervé Lancelin Pina-
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cotheque (Luxembourg).
1972 . france
Éric Benetto n’a jamais cessé d’arpenter les voies spirituelles les plus ardues, des rigueurs de la vie monastique aux pratiques ascétiques de l’hésychasme orthodoxe. Son extrême humilité l’empêchera toutefois d’admettre sa singularité, car l’œuvre qu’il a conçu n’est pas seulement empreint d’un mysticisme exacerbé, syncrétique, mais aussi d’une exceptionnelle modernité. Tandis qu’il exerce, entre deux voyages en Inde, les métiers les plus divers il commence à transcrire dans des carnets de voyage ce qui deviendra sa grammaire formelle. Comme une prière jamais interrompue, une récitation silencieuse, vertigineuse, un mantra graphique obsédant. Tandis que les motifs sont répétés ad libitum et que les incantations sérielles se déploient comme l’aum primordial, l’artiste donne corps à ce que Romain Rolland appelait le « sentiment océanique », cette formidable soif d’osmose avec l’univers. Avant sa première exposition personnelle à la galerie en 2019, son travail avait déjà été remarqué lors de l’exposition Brut Now : l’art brut au temps des technologies, aux musées de Belfort. Il a, depuis, rejoint des collections aussi prestigieuses que celles de Laurent Dumas (France), Treger-Saint Silvestre (Portugal) ou la Pinacothèque (Luxembourg). 53
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cécilia granara swim III, 2021 acrylique et huile sur toile, 26,5 x 30 cm acrylic and oil on canvas, 10.25 x 11.8 in courtesy de l’artiste & Exo Exo, Paris
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boryana petkova
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I see in Patricia Salen’s work the constant presence of the body, of her body. It is a work on the living - heartbeat, breathing, pulsation, trembling, but also and above all on the subconscious. This is why I chose this artist. It is a pursuit that I am very familiar with, and our lines convey different but complementary energies. It seems to me that we use our bodies and our tools in a different way, while having the same starting point - that of the living. Patricia’s lines come from the subconscious. They refer us to a space, the unknown. These lines are above all the result of mental work expressed and automatically translated by her body. My work is carnal. The body is both the subject and the object. In this sense, it seems to me that our drawings are complementary. Which makes it exciting to be next to Patricia!
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patricia salen
Je vois dans le travail de Patricia Salen la présence constante du corps, de son corps. C’est un travail sur le vivant – battement de cœur, respiration, pulsation, tremblement mais aussi et surtout sur l’inconscient. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi cette artiste. C’est une recherche qui m’est très familière, et nos lignes véhiculent des énergies différentes et complémentaires. Il me semble que nous utilisons nos corps, nos outils d’une manière différente, tout en ayant le même point de départ – celui du vivant. Les lignes de Patricia Salen viennent de l’inconscient. Elles nous renvoient à un espace, l’inconnu. Ces lignes sont avant tout le résultat d’un travail mental exprimé et traduit automatiquement par son corps. Mon travail est charnel. Le corps y est à la fois le sujet et l’objet. En ce sens il me semble que nos dessins sont complémentaires. Ce qui rend passionnante cette idée d’être à côté de Patricia!
boryana petkova
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30 jorge alberto cadi : el buzo
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madeleine roger lacan la femme montagne qui marche au crépuscule the mountain woman walking at dusk, 2021 acrylique et aquarelle sur papier, 40 x 30 cm oil, lace, and ceramic on canvas, 15.75 x 11.8 in photo : claire dorn
le fétichiste sans titre untitled, 1999 à 2003 tirage photographique d’époque, 15 x 10 cm vintage photographic print, 6 x 4 in
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