les danaïdes

Page 1

the bridge by christian berst présente presents les danaïdes danaides commissaire curator jan-philipp fruehsorge

# 7 2022

En 2020, à l’occasion de ses 15 ans, christian berst art brut ouvre un 2e espace de 40 m², qui fait face à la galerie prin cipale et qui se nomme the bridge. Cette passerelle entre l’art brut et d’autres catégories de l’art permet, 7 fois par an, à des commissaires invités d’exprimer leur propre vi sion de ce dialogue fécond.

Ces derniers sont conviés - dans le cadre d’une théma tique définie - à faire interagir les œuvres d’artistes de la galerie avec celles venant d’ailleurs.

La galerie - soucieuse de décloisonnement, tout en inter rogeant les spécificités de ce que l’on nomme l’art brut –s’est toujours attachée à travailler en étroite collaboration avec des commissaires indépendants issus d’horizons différents. De même, en faisant appel à des personnalités du milieu de l’art contemporain pour préfacer ses cata logues bilingues – près de 80 à ce jour – la galerie a non seulement permis à l’art brut de sortir de son insularité, mais a également offert une nouvelle plateforme de ré flexion et d’ouverture au monde de l’art.

On the occasion of its 15th anniversary on 2020, christian berst art brut opened a second gallery space called the bridge, located a few steps away, across the alley. This new space serves as a physical and intellectual bridge between art brut and other categories of art by inviting guest curators to express their own vision of this fruitful dialogue.

Under the auspices of a unifying theme, guest curators are invited seven times a year to display the works of artists from the gallery alongside those drawn from elsewhere.

The gallery whose focus remains on both the decompart mentalization of the genre, while calling into question the specificities of what we call art brut, continues to work in close collaboration with independent curators. To date, the gallery has published the writings of eighty curators from the contemporary art world, a reality that has not only allowed art brut to emerge from its insularity, but created a new platform for reflection and openness to the larger art world.

3

Jan-Philipp Fruehsorge, né à Berlin, a étudié les sciences humaines à l’Université libre de Berlin.

Après avoir travaillé comme critique d’art, il a ouvert en 2003 sa propre galerie, Fruehsorge Contemporary Drawings, la première galerie allemande consacrée exclusivement au dessin.

En 2013, après 10 ans de travail et d’efforts pour combiner l’activité commerciale de la galerie avec une pensée discursive théorique, la galerie ferme. C’est alors que The Drawing Hub est créée, une plateforme à but non lucratif, qui, en tant que structure nomade, mène des projets internationaux pour promouvoir le dessin et sa recherche.

Expert reconnu de ce médium, Jan-Philipp Fruehsorge travaille dans tous les domaines de l’histoire de l’art et du marché, que ce soit en tant que consultant pour des collectionneurs privés ou des foires d’art internationales ou encore en tant que professeur invité régulier de l'université de West England, du Plymouth College of Art et du Paris Collage of Art.

En tant que commissaire d'exposition, il a collaboré avec plusieurs musées et institutions en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Chine et au Japon.

Il a publié de nombreux ouvrages sur le dessin et l’art contemporain.

Jan-Philipp Fruehsorge, born in Berlin, studied humanities at the Free University of Berlin.

After having worked as an art critic In 2003 he opened his own gallery, Fruehsorge Contemporary Drawings, the first gallery in Germany, which was exclusively dedicated to the medium of drawing.

After a decade of pioneering work and the continuous endeavor to combine the commercial gallery business with the discursivetheoretical, the gallery was closed in 2013, followed by the establishment of the nonprofit platform The Drawing Hub, which, as a nomadic structure, conducts international projects to promote and research drawing.

As a recognized expert in the medium of drawing, Jan-Philipp Fruehsorge is always on the move in all fields of art history and the market, whether as a consultant for private collectors, international art fairs or as a regular guest tutor at the University of West England in Bristol , the Plymouth College of Art and the Paris Collage of Art.

As a curator of numerous exhibitions, he has collaborated with museums and institutions in Germany, France, Great Britain, Italy, the Netherlands, China and Japan.

He has published extensively on subjects of drawing and contemporary art.

5

jan-philipp fruehsorge danaides

La vague s'arrêtait, puis se retirait à nouveau, soupirant comme un dormeur dont le souffle va et vient sans qu'il en ait conscience.

Virginia Woolf, Les vagues

La pierre roule en amont, la pierre roule en aval... et des mains infatigables versent de l’eau dans la cruche trouée jusqu'à la fin des temps...dans la cruche trouée jusqu'à la fin des temps... la fin des temps ?

Encore ! Encore !

Sisyphe et les filles de Danaos - l'Antiquité voyait dans ces figures le symbole de la souffrance, condamnées à l'éternelle répétition des mêmes activités, laborieuses et inutiles. Nietzsche, quant à lui, considérait l'homme comme prisonnier de « l’éternel retour du même ». Selon le philosophe, le temps infini et la matière finie conduisent inévitablement à une existence sur le mode de la boucle. A. Camus, lui, décrivait le récidiviste Sisyphe comme un être humain heureux qui trouve son épanouissement et sa liberté dans l'acceptation de l'absurde impénétrabilité de l'existence. Les dieux punisseurs le voyaient sans doute autrement, la répétition comme le plus grand tourment possible dans une société toujours en quête de nouvelles distractions, ces dieux semblent plus contemporains qu'anciens. La répétition comme concept d'approfondissement, comme si on creusait une tranchée pour atteindre les racines. Un travail de terrain radical sur l'être et sur le faire, sur le concept même de travail. Dans l'univers des Danaïdes, le temps est ralenti, il s'étire dans le staccato des mêmes gestes, basso continuo, la

7

mesure de la répétition devient celle des battements du cœur. L'effervescence même de la vie appelle au calme, la subjectivité du temps et sa mesure sont en tension perpétuelle, et c'est l'art qui, ici, permet de révéler ce conflit paradoxal - le rendre visible - et de créer une opposition à l’essoufflement de l'instant.1

Dans le ralentissement complet, en slow motion, on voit de plus près, on voit le coup de poing dans le visage du boxeur qui transforme la chair en pâte ondulante, on voit les gouttes de sueur qui flottent dans l'air au dessus du ring. Le cinéma a fait du ralenti un instrument de fétichisation. L'augmentation de la fréquence d'images est devenu un dispositif stylistique – comme une loupe. Le corps ralenti est un corps au-delà de la gravité, en apesanteur comme dans un songe. La matière défie les lois physiques et se transforme. Les états d'agrégation semblent passer de la liquéfaction à la solidification.

Lorsque l'image ralentie s'approche de l'arrêt sur image, la trame narrative perd de son dynamisme. Le montage se fige alors et nous regardons, comme Heinrich von Kleist l'a écrit à propos d'un tableau de Caspar David Friedrich, "comme si on nous coupait les paupières".2

Andy Warhol nous a offert les exemples des plus divers de son intérêt pour la monotonie, la lenteur et la répétition. John Cage dit de Warhol, "Par l'utilisation de tous ces moyens de répétition, il voulait montrer qu'il n'y a en fait aucune répétition et que tout ce sur quoi notre regard s'arrête mérite notre attention".3

Dans le film "Empire" (1965), il pointe sa caméra sur l'Empire State Building et la laisse tourner sur ce cadre fixe pendant

1. Stephan berg, Wiederholung Dehnung Stillstand, in: Echtzeit die Kunst der Langsamkeit, exhibition cat. Kunstmuseum Bonn, 2016, p. 10

2. Heinrich von Kleist: Empfindungen vor Friedrichs Seelandschaft, 1810

3. John Cage, quoted after Josef Rauscher: Geschehen lassen. Sein lassen Andy Warhol. in: Grob / Kiefer / Maurer/ Rauscher (Ed): Kino des Minimalismus,

465 minutes, en un plan séquence. Dans "Sleep" (1964), il nous montre, pendant environ six heures, le poète John Giorno dormir, mais cette fois ci la séquence est composée de différents plans fixes en boucle. Ici les frontières entre la représentation du temps et sa perception deviennent floues : ralenti ou image immobile en 24 images par seconde ? Il semble évident que les films de Warhol sont moins des portraits d'un bâtiment ou d'une personne endormie que des images de l'écoulement du temps.

Mais on peut aussi, comme Andrei Tarkovsky, dans certaines situations, se passer du ralentissement total et montrer à la place un simple geste de répétition. Dans "Nostalghia" (1983), un homme se fait un serment : il portera une flamme, d'un bout à l'autre d'un bassin vide d'une petite ville italienne. Lorsqu'il allume la bougie et marche, la flamme est éteinte par le vent. Il recommence, retourne à son point de départ. Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il réussisse à atteindre son but. La répétition est comme une attraction, une prière, un serment et comme un sacrifice.

Ou : La répétition comme mouvement en opposition à la perte de contrôle. Chaque jour, Pénélope, en attendant le retour de son époux Ulysse, tisse puis défait l'étoffe pour tenir à distance les prétendants qui la harcèlent. La répétition est ici une stratégie pour retarder le temps, elle en garde le fil dans ses mains et ralentit le processus de sa perte d'autonomie. La répétition est un réflexe de combat – une action militaire de substitution - puisque la fuite n'est pas une option, on fait face à la menace et on la maintient à distance par l'usure, avec discipline et une patience à toute épreuve.

Les dessins-écrits des artistes Nadine Fecht et Thomas Sing, évoquent des moments d'affect extrême et d'humeur psychologique élevée. Dans le geste répétitif de l'écriture, de la visualisation, ils immunisent ainsi l'affect conjuré.

9

Nadine Fecht écrit continuellement la phrase "I m feeling blue" en écriture bleue, contre laquelle les mots IDE FIXE sont écrits en majuscules noires - dans la même répétition constante - et forment des lignes structurelles sur la surface de la page, qui, en même temps, délimitent et entourent les lettres bleues.

Son IDE FIXE, comme dans l'ensemble de son œuvre, n'est pas uniquement liée à son expérience individuelle de la mélancolie ou d'épisodes dépressifs mais a pour objet les dispositifs sociaux du pouvoir, de la violence, et du contrôle ainsi que leur rétroaction sur les individus. Son écriture obsessionnelle en diptyque, la concrétisation verbale de son aveu de la fragilité, cette confession de soi, irradie en ondulations jusqu'à en déborder. En parlant d'instabilité personnelle, dans un geste dialectique, ces mots sont également inscrits avec la potentielle violence qui précède ou suit une idée fixe. Une IDE FIXE peut s'extérioriser et devenir le même agresseur qui s'adressait avant à soi-même.

Dans l’œuvre de Thomas Sing les limites de la lisibilité ont été atteintes. Ses textes manuscrits, de femmes mystiques de différents siècles, superposés sur des photographies, tendent à disparaître dans leur micro-geste. On connaît ces mouvements de miniaturisation chez un auteur comme Robert Walser, par exemple, dont les microgrammes lui ont servi d'instrument de ralentissement extrême pour surmonter ses crises d'écriture. Chez T. Sing c'est le mélange d'un exercice austère et d'une méditation tranquille enchâssée dans un tissu de spiritualité et d'érotisme. Une recherche sur les traces du cœur lumineux du moi intérieur, de l'indicible et de l'abandon de soi dans le renoncement. Dorothea von Montau, une femme du XIVe siècle qu'il cite, a eu, tout au long de sa vie, d'intenses visions religieuses qui se sont souvent manifestées par des surgissements de luxure. Le fait d'en être témoin a failli causer sa perte, car elle devait être brûlée comme sorcière. Elle a finalement passé la fin de sa vie recluse, emmurée

10

dans une cellule, à sa propre demande. Les réductions de photographies de Sing sont si microscopiques qu'on les sent plutôt qu'on ne les voit, comme une écriture secrète qui, dans sa dissimulation, est censée protéger l'auteur mais aussi le lecteur de la surcharge d'énergie potentiellement nocive intrinsèque au texte. Cette écriture porte aussi en elle le refus d'une appropriation sans effort.

Jill Gallieni va un peu plus loin dans ses dessins, qu'elle appelle "prière". Ils s'apparentent à l'écriture sans pour autant faire référence à une langue. Leur geste rythmique ne permet pas de savoir si la ligne a été interrompue ou si elle commence et finit. Le tissu densément dessiné de signes est à la fois une évocation et un soliloque.

Dans l'oeuvre de Bjarni H. Thorarinsson l'écriture devient un outil de construction, un élément constitutif qui maintient ensemble la tectonique des lignes ; la sémantique n'est pertinente que dans un second temps, dans le sens où elle s'évapore en sons et en motifs. Les observations philosophiques et linguistiques côtoient les néologismes et les mots rimés. Thorarinsson a conçu un système, un tout nouveau langage visuel, qu'il appelle la "visiologie". Ici, les mots, inventés ou issus de différentes langues, s'entremêlent. Les œuvres qui en résultent suivent un schéma géométrique qui évite l’expressivité du geste. Ses "Visio-Roses", appelées œuvres, sont des constructions précises, en symétrie miroir, qui sont des réminiscences de mandalas et de motifs extrêmement complexes.

De même, les œuvres denses et richement détaillées d’Alexandro Garcia (qu’il met jusqu’à un mois à produire), suivent un système qui leur est propre, construit non pas sur un plan linguistique mais scénique et architectural. Garcia, ayant eu la vision d'un OVNI, se considère comme un transmetteur de forces cosmiques. Au-delà du monde visible, des harmonies secrètes sont à l'œuvre, un ordre supérieur qui s'exprime par des lignes parfaites, une architecture outrancière et une géométrie sacrée.

11

La machine à écrire a fait son temps, du moins en ce qui concerne son utilisation professionnelle dans les bureaux de ce monde. Sa seule typographie renvoie à une époque, antérieure à l'ordinateur, dont elle est l'archétype. Les premiers exemples d’utilisation de la machine à écrire dans l’ornemental artistique se trouvent dès les années 1890, bien qu'elle n'ait pas été formalisée en tant que genre avant les années 1920 et 1930. La poésie concrète, dans ses diverses formulations, a connu son apogée dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Les œuvres d'Ignacio Uriarte, dont chacune utilise une lettre X dactylographiée en noir et rouge pour créer des divisions géométriques sur la page, font également écho de ces modèles historiques. En même temps, son œuvre marque aussi un examen fondamental de l’esthétique bureaucratique, miroir du minimalisme, et une archéologie de la gestuelle et des pratiques modernes et contemporaines dans la rationalisation du travail. La machine à écrire est envisagée à la fois comme un instrument rationnel de production d'informations, mais aussi comme l’outil traditionnel et iconique de l'écrivain, du poète ou du journaliste.

Une proximité dangereuse entre l'art obsessionnel répétitif et la négativité radicale a établi un genre cinématographique avec un film qui est devenu un classique. Jack Torrance, le protagoniste au regard sombre du film "Shining" (1977) de Stanley Kubrick, entreprend d'écrire un roman tout en travaillant comme gardien, avec sa famille, dans un hôtel de montagne isolé, pendant la saison hivernale. Pendant des semaines, il semble travailler assidûment sur son manuscrit, car nous le voyons taper sur sa machine à écrire. Mais apparemment, il n'a produit qu'une seule phrase : "Tous les travaux et aucun jeu font de Jack un garçon ennuyeux". La caméra nous montre le fruit de son travail : page après page, en cent exemplaires, ce tapuscrit ressemble à la poésie concrète comme nous la connaissons. Ici, la répétition n'est ni un geste ludique ni le signe

12

d'une transgression artistique conceptuelle ou même d’une discipline volontaire. Chez Kubrick, l'art dactylographique est une boucle sans fin qui annonce une défaillance de la santé mentale et mute vers une pathologie meurtrière. "Une activité simple est à la fois passionnante et ennuyeuse", déclare Jens Risch, qui travaille par plage de deux heures, plusieurs fois par jour, jour après jour. Depuis le 20 mai 2009, son travail consiste à relier une seule ligne de soie ou de coton. Nœud après nœud, la matière est condensée, comme un navire qui met le cap sur une destination précise/indéterminée, car même le résultat est vaguement évident, il réside dans le détail imprévisible. Même une simulation par ordinateur ne pourrait saisir la forme exacte que prendrait cet ouvrage. Le fil de 1000 mètres de long est noué, raccourci. La ligne devient ainsi une sculpture. Une pièce est créée, comme un ouvrage artisanal, une œuvre d'art, un morceau de temps. Boucle après boucle, elle s'approche du but, du lien final, celui qui lie tout. Une forme auto-similaire émerge, comparable à une fractale. Il y a de la magie dans cette œuvre, une charge métaphysique qui transforme le matériau et remet en question la définition même de ce qu’est le travail. Qu'est-ce qu'une activité avec laquelle on gagne son pain ? Risch est un enregistreur consciencieux de ce travail. Il prend des notes précises. Alors qu'il lui a fallu 1444 heures pour la soie "Pièce IV", il lui a fallu 1858 heures pour la "Pièce VIII". A un moment donné, il a changé l'orientation de ses mains, de gauche à droite, et en plus sa vue baissait. Il n’y a pas d’autres paramètres dans son travail en dehors de celui du corps de l'artiste, aucune aide extérieure, et aucun outil pour accélérer sa confection. Ainsi, jusqu'à 4 ans s'écoulent avant que la fin de cette tâche ne soit atteinte. Jens Risch dit : "Chaque jour, le soleil se lève, les processus cosmiques ne s'arrêtent jamais. J’ai essayé de m'en rapprocher un peu plus depuis". La philosophe Simone Weil a écrit : "La monotonie est la plus belle des choses quand elle est un reflet de l'éternité. La plus effroyable, quand elle indique une durée perpétuelle

13

et invariable. Le temps vaincu ou le temps rendu stérile. Le cercle est le symbole de la belle monotonie, la pendule celui de l'affreuse monotonie".4

L'apprivoisement d'une ligne unique et ininterrompue, qu'elle soit faite de soie ou gravée sur une plaque de cuivre a toujours été un défi artistique, comme le prouve une célèbre gravure, réalisée par l'artiste Claude Mellan en 1649, montrant le visage du Christ sur le voile de Veronica, dessiné d'une seule ligne, du bout du nez aux mèches extérieures des cheveux dans un mouvement concentrique de spirales.

La trame, selon Rosalind Krauss, est un emblème de la modernité et un lieu de silence qui raconte une histoire à succès sans fin, toujours considérée comme un dispositif clé de la production esthétique. Une structure d'ordre sans hiérarchie et sans centre, avec une certaine résistance à la narration. La grille est utilisée pour maintenir une vue d'ensemble, pour trouver un ordre basé sur une organisation verticale et horizontale régulière. De Piet Mondrian à Agnes Martin, Carl Andre et Sol LeWitt, les références classiques de l'histoire de l'art à la grille sont nombreuses.

La pratique de Jürgen Krause consiste, à première vue, à faire des travaux préparatoires. Son travail se termine là où celui d'autres artistes commencent. Il prépare une feuille de papier, il aiguise des instruments de coupe, il taille les mines et enlève la gaine du bois des crayons, puis il dessine une grille à main levée sur une feuille de papier. Très concentré, il contrôle consciemment sa respiration, chaque jour à nouveau. Il continue l'amorçage jusqu'à ce que la feuille se transforme en un objet de plusieurs kilos, dont il polit ensuite la surface pour la rendre brillante. Les lames sont aiguisées jusqu'à ce qu'elles soient dissoutes. Les crayons de Krause, taillés avec une précision minutieuse, deviennent des objets dont la fonction

14
4. Simone Weil: Schwerkraft und Gnade, Berlin 2021, original: La Pesanteur et la grâce, Paris 1947.

réelle est niée, la fonctionnalité conventionnelle est suspendue. Ainsi, la préparation comme mise en scène crée un espace de potentialité qu'il n'a plus à remplir lui-même. La grille est construite, le crayon est prêt. La pointe du crayon sur le papier marque le point de départ et le point d'arrivée, tout converge dans ce contact qui n'a pas lieu, comme dans un flash d'énergie cosmique soudain qui crée la clarté et l'intuition.

L'artiste Fiene Scharp se consacre également à la structure de la grille, mais son approche vise à dissoudre la perfection et à créer des irrégularités dans la normativité. Ses papiers découpés, parfois de grand format, ont quelque chose de sculptural, tout comme ils sont accrochés librement au mur, sans cadre, et diffusent la réflexion de leurs ombres dans la pièce.

Scharp découpe au scalpel et superpose la structure de différentes grilles sur une même feuille. Il y a aussi une évocation de la fragilité physique dans les blessures du papier, qui perd sa corporéité physique dans un lent processus qui dure des jours et des semaines. Heinrich Reisenbauer, pensionnaire de la Maison des Artistes de Gugging depuis 1986, suit un processus de travail stricte, dessinant de gauche à droite et répétant à l’identique des objets les uns à côté des autres, créant ainsi une grille d'objets quotidiens. La nourriture, les meubles, les vêtements mais aussi la nature (le soleil, les fleurs, les animaux) font partie de son répertoire visuel. Cependant, l'ordre de la séquence et la répétition cachent toujours un jeu avec des variations. A strictement parler rien n'est identique, chaque élément est unique dans la colonne des éléments. Sur un pied d’égalité, apparait parfois, sous la composition, la date et la signature de l’artiste. Un piédestal pour le monde exposé.

La structure en grillage se retrouve également dans les œuvres de Masaki Mori, qui, au fil du temps, a travaillé répétitivement sur la visualisation de la musique expérimentale contemporaine et le rock psychédélique. Mori déclare : « Tout comme les athlètes professionnels qui se sentent anxieux lorsqu'ils ne s'entraînent

15

pas tous les jours, le dessin est une source d'anxiété lorsqu'il ne se pratique pas tous les jours, le dessin est comme un entraînement pour moi. Je suis anxieux quand je ne dessine pas. Le dessin atténue mon anxiété. » L'analogie sportive fait ici écho au topos antique cité par Pline dans son Histoire naturelle, le conseil à l'artiste, devenu citation, nulla dies sine line. Seule la répétition constante crée la maîtrise à long terme. Pour Mori, l’avantage d’une pratique quotidienne réside dans le fait de vaincre sa peur. Elle devient un instrument de libération et d'autonomie sur son instabilité psychologique. Dans les œuvres de la série « sève » on peut observer cette pratique quotidienne dans la fluidité de ces lignes continues et l’énergie du geste qui remplit la feuille. Ces lignes rappellent les dessins nerveux et sismographiques, des années 1950 et 1960, d’Henri Michaux, réalisés sous l'influence de la mescaline ; mais aussi les œuvres de Brice Marden, qui s’inspire de textes asiatiques et en particulier l’art calligraphique Chinois dans ses recherches graphiques.

Quelle que soit la manière dont le temps est vécu, linéaire ou cyclique, relatif ou absolu, accéléré ou ralenti, le temps qui passe est toujours mesuré en numérique. Les nombres sont devenus le signifiant de cette condition humaine. Nous SOMMES parce que nous sommes dans le temps. Momoko Nakagawa utilise des tampons pour imprimer des chiffres sur des papiers qu'elle a colorés avec de la peinture ou tout simplement du café. Mais ces chiffres ne nous permettent pas de lire leurs significations. Ils ne quantifient rien, ils s'alignent les uns après les autres, mais leur séquence n'est pas la conséquence d'une intention narrative Leur apparence, en tant que référence à eux-mêmes, nous rappelle la mesure et la structuration, mais pourtant sans raison perceptible. Le temps est et reste une énigme.

16

Le but de la lenteur n'est pas la lenteur, mais possiblement la volonté de s'arrêter et de reconnaître et percevoir le moment en tant que tel. La contemplation esthétique s'attarde, la contemplation de l'art s'attarde. Dans le geste de la lenteur, l'art vient à lui-même, en tant que contre-mouvement à l'atomisation du temps, à la distraction totale et au bourdonnement sans direction qui ne permet plus aucune expérience. Il ne s’agit pas d'immobilisme mais de concentration.

17

the danaids jan-philipp fruehsorge

The wave paused, and then drew out again, sighing like a sleeper whose breath comes and goes unconsciously.

Virginia Woolf, The Waves

Uphill the stone rolls, downhill the stone rolls... and tireless hands scoop the water into the holey pitcher to the end of time... the end of time ?

Encore ! Encore !

Sisyphus and the daughters of Danaos - antiquity saw in these figures symbols of suffering, condemned to eternal repetition of the same activities, laborious and pointless.

Nietzsche, too, viewed man as entrapped in an "eternal recurrence of the same“. Infinite time and finite matter, according to the philosopher, inevitably lead to an existence in the mode of the loop. It was Camus describing the repeat offender Sisyphus a happy human being who finds fulfilment and freedom in the acceptance of the absurd impenetrability of existence. The punishing gods might not have seen it that way, repetition as the highest possible torment in a society striving for diverse distractions, these gods seem more contemporary than ancient. Repetition as a concept of deepening, as if digging a trench to get to the roots. Radical fieldwork on being, on doing, on concepts such as work.

The clock slows down in the Danaid universe, time is stretched in the staccato of the same gestures, basso continuo, the rhythm of repetition becomes the heartbeat of the human machine. A life that is clocked ever faster calls for a halt, subjective temporality and objective time measurement are

19

in tension with each other, and it is art that here brings the paradoxical conflict to an insightful visualisation, makes it visible and creates a counter-design to the breathlessness of the present.1

In the total slowdown, in slow motion, we look more closely, see the punch in the boxer's face that turns the flesh into billowing dough, see the sweat floating in the air in a ring of light dots. Cinema has made slow motion an instrument of fetishisation. The increase in frame rate becomes a stylistic device - in effect a magnifying glass. The slowed down body is a body of beyond gravity, weightless and dreamlike, Matter defies physical laws, and is transforming. The aggregate states seem to change to liquefaction and solidification.

When the slowed-down image approaches the still, the narrative motor loses its dynamism. The montage freezes and we stare, as Heinrich von Kleist once wrote of a painting by Caspar David Friedrich, "as if one's eyelids were cut away."2 From Andy Warhol we have the most diverse examples of his interest in monotony, slowness and repetition strategies. It was John Cage who said of Warhol, "By all means of repetition he wanted to show that there is actually no repetition and that everything our gaze falls upon deserves our attention.“3

For the film “Empire“ (1965), he pointed the camera at the Empire State Building and did not let it look away for 465 minutes, a single shot. As well as “Sleep“ (1964), which shows the sleeping poet John Giorno for about six hours but was actually constructed from different loops. Here the boundaries of time presentation and time perception become blurred: slow motion or a still image of uneventfulness in 24 frames per second ? It seems obvious that Warhol's films are less portraits of a building or a sleeping person than images of the passing of time itself.

1. Stephan berg, Wiederholung Dehnung Stillstand, in: Echtzeit die Kunst der Langsamkeit, exhibition cat. Kunstmuseum Bonn, 2016, p. 10

2. Heinrich von Kleist: Empfindungen vor Friedrichs Seelandschaft, 1810

3. John Cage, quoted after Josef Rauscher: Geschehen lassen. Sein lassen Andy Warhol. in: Grob / Kiefer / Maurer/ Rauscher (Ed): Kino des Minimalismus, Mainz 2009, p. 146

But one can also, like Andrei Tarkovsky, dispense with total deceleration in a particular situation and instead show a simple gesture of repetition. In “Nostalghia“ (1983), a man makes a vow to himself: he will carry a flame all through an empty water basin in a small Italian town. Once he lights the candle and walks, the light is extinguished by the wind. He starts all over, returning to his point of departure. And again, and again, until he reaches the other side, until the self-imposed task is completed. Repetition as an appeal, as a prayer, as an oath and as a sacrifice.

Or: Repetition as a counter-movement to loss of control. Every day Penelope the waiting wife of Odysseus weaves and then unravels the fabric again to keep the suitors harassing her at bay. Repetition as a strategy for delaying time. She keeps the threads in her hands. Slows down the process of her dwindling autonomy. Repetition is a combat reflex - a military substitute action - since running away is not an option, one faces the threat and keeps it at a distance through attrition, discipline and iron patience.

The writing-drawing artists, Nadine Fecht and Thomas Sing, evoke moments of extreme affect and psychological mood in the highest register. And in the repetitive gesture of writing, visualising, they immunise the conjured affect at the same time.

Nadine Fecht continuously writes the sentence "I m feeling blue" in blue handwriting, against which the words IDEÉ FIXE are written in black capitals - in the same constant repetition - and form structural lines across the surface of the page and at the same time a boundary form that encloses the blue text. Fecht's Ideé fixe, like all her works, is not solely related to the individual experience of a melancholic dejection or a depressive episode, but aims at social dispositives of power, violence and control and their feedback to the individual. Her obsessional writing on two panels, the verbal fixation on the admission of fragility, this self - confession, radiates in undulations, floods and fills the picture to overflowing. As they speak of personal instability, in

21

a dialectical gesture, these words are equally inscribed with the potential violence that precedes or follows a central idea. The Ideé fixe can turn outwards and become the aggressor that it was towards the self.

The limits of legibility have been reached in Thomas Sing's work. His handwritten texts of female mystics from different centuries, transferred to photographs, tend towards disappearance in their micro-gesture. We know these miniaturisation movements from an author like Robert Walser, for example, whose micrograms served him as an instrument of extreme slowing down to overcome his writing crisis. Sing's art is an austere exercise and quiet meditation embedded in a fabric of spirituality and eroticism. A search for traces of the glowing core of the self, the unspeakable and the selfsurrender in surrender.

Dorothea von Montau, a 14th century woman he quotes, had intense religious visions throughout her life, which often manifested themselves as visitations of lust. Bearing witness to this was almost her undoing, as she was to be burned as a witch. She finally spent the end of her life as a recluse, walled up in a cell at her own request. Sing's overwritings of photographs are so microscopic that they can be sensed rather than read, like a secret writing that in its masking is meant to protect the writer but also the reader from the potentially harmful overload of energy inbedded in the text. This writing also carries within it the refusal of effortless appropriation.

Jill Gallieni goes one step further in her drawings, which she calls "prayer". They are similar to writing without actually referring to a language. Their rhythmic gesture obscures whether the line has been interrupted or where it begins and ends. The densely drawn fabric of signs is evocation and soliloquy.

The written word becomes a construction tool, a building block in Bjarni H. Thorarinsson's work, it holds the tectonics of the lines together; the semantic is only relevant in the second instance, in the sense that it evaporates into sound and

22

pattern. Philosophical and linguistic observations stand next to neologisms and rhyming words. Thorarinsson has designed a system , a completely new visual language, that he refers to as “visiology“. Here, words, invented or from different languages flow together. The resulting sheets follow a fundamentally geometric blueprint that avoids gestural expressivity. his “Visio-Roses“, called works are precise constructs, often mirror-symmetrical, reminiscent of mandalas and extremely complex patterns.

Similarly, following a system of their own, though less linguistically constructed than architecturally and scenically, appear the dense and richly detailed works of Alexandro Garcia, which he spends up to a month to produce. Garcia, having had a vision of an UFO, sees himself as a transmitter of cosmic forces . Beyond the visible world, secret harmonies are at work, a higher order that expresses itself in perfect lines, a brazen architecture and sacred geometry.

The typewriter has done its duty, at least as far as its professional use in the offices of this world is concerned. Its typeface alone refers to a time before the computer. As whose archetype it appears. the first examples of artistic ornamental typewriting can be found as early as the 1890s, although it was not formalised as a genre until the 1920s and 1930s. Concrete poetry in its various formulations then had its breakthrough in the years after the Second World War. Ignacio Uriarte's works, each of which uses a black and red typed letter X to make geometric divisions of the page, are also an echo of these historical models. At the same time, within his oeuvre they mark a fundamental examination of an aesthetic of the office world, mirrored in minimalism, an archaeology of certain practices and gestures of that sphere of modern and contemporary work organisation. The typewriter as an instrument of rationality and information production, but also the classic tool and image of the writer, the poet, the journalist.

23

A dangerous proximity between obsessive repetitive art and radical negativity established genre cinema with a film that became a classic. Jack Torrance, darkly clouded protagonist in Stanley Kubrick's “Shining“ (1977), sets out to write a novel while working as a caretaker with his family tending a lonely hotel in the mountains during the guestless winter season. For weeks he seems to work diligently on his manuscript, as we see him typing on his typewriter. But apparently he has produced only one sentence: "all work and no play makes Jack a dull boy". The camera shows us the fruits of labour: page after page, in a hundred copies. and the typoscript looks like concrete poetry as we know it. Here, repetition is neither a playful gesture nor a sign of conceptual artistic transgression or voluntary discipline. In Kubrick's work, typewriter art in an endless loop mutates into a sign of the loss of mental health towards a murderous pathology.

“A simple activity is exciting and boring at the same time“, says Jens Risch, who works in self-chosen time units of two hours several times a day, day in, day out. Since May 20th 2009, his work has consisted of linking a single line of silk or cotton. Knot by knot, the matter is condensed, like a ship setting sail for a specific / undetermined destination. Specific as the procedure is clearly defined, undetermined, because even the outcome is vaguely obvious, the result is in detail unpredictable. Not even a computer simulation would capture the exact shape of this endeavour.

The 1000 metre long thread is knotted, shortened. The line thus becomes a sculpture. A piece is created, like a workpiece, a piece of art, a piece of time. Loop by loop, it approaches the goal of the final linking of everything, when nothing is left behind. A selfsimilar form emerges, comparable to a fractal. There is magic in the work, a metaphysical charge that transforms the simple material and the very fundamental question of what work actually is. What is an activity with which one earns one's bread ? Risch is a conscientious logger of this work. He takes precise notes. While he needed 1444 hours for silk “Piece

24

IV“, it took him 1858 hours for “Piece VIII“. At some point he changed the orientation of his hands. From left to right, and in addition his eyesight was failing. There are no parameters of this work beyond the artist's body. No outside help, and no accelerating tool. So up to 4 years pass before the end of this task is reached. Jens Risch says: "Every day the sun rises, the cosmic processes never stand still, I've been trying to get a little closer to that ever since.“

The philosopher Simone Weil once wrote: "Monotony is the most beautiful thing when it is a reflection of eternity. The most appalling, when it indicates an incessant duration without change. Time overcome or time made barren. The circle is the symbol of beautiful monotony, the pendulum swing that of ghastly monotony.“4

That the taming of an unbroken single line, whether made of silk or carved into a copper plate, has always challenged artistic ambition is proven by a famous engraving made by the artist Claude Mellan in 1649, showing the face of Christ on the sweatcloth of Veronica, drawn with a single line, from the tip of the nose to the outer locks of hair in a concentric spiral movement.

The grid, according to Rosalind Krauss, an emblem of modernity and a place of silence, tells a never ending success story, still considered a key device of esthetic production. A hierarchy-free structure of order without a centre with a certain resistance to narration. The grid is used to maintain an overview, to find order based on regular vertical and horizontal organisation. From Piet Mondrian to Agnes Martin, Carl Andre and Sol LeWitt, the classical art historical references to the grid are numerous.

Jürgen Krause's practice consists, at first glance, of making preparations. His work ends where other artists begin. He primes a sheet of paper, he sharpens cutting instruments, he sharpens leads and peels the wooden casing of pencils.

4. Simone Weil: Schwerkraft und Gnade, Berlin 2021, original: La Pesanteur et la grâce, Paris 1947

25

He draws a grid freehand on a sheet of paper. Highly concentrated, consciously controlling his breath, every day anew. He continues the priming until the sheet is transformed into an object weighing kilos, whose surface he then polishes to a high gloss. The blades are sharpened until they have dissolved. Krause’s pencils, sharpened with painstaking precision, become objects whose actual function is negated. Conventional functionality is suspended. Thus, the preparation as staging creates a space of potentiality that he himself no longer has to fill.

The grid is constructed, the pencil ready. The tip of the pencil on the paper marks the beginning and the end point, everything converges in this contact that does not take place. as in a sudden flash of cosmic energy that creates clarity and insight.

The artist Fiene Scharp is also dedicated to the structure of the grid, but her approach is one that aims to dissolve perfection and create irregularities in normativity. Her sometimes largeformat paper cuts, which have something sculptural inherent in them, just as they hang freely on the wall without frames and scatter the light into the room in shadow reflections. Scharp cuts with a scalpel and layers the structure of different grids on top of each other in one sheet. In the injuries to the paper, which in a slow process over days and weeks loses its physical corporeality on the one hand, lies on the other an evocation of physical fragility.

Heinrich Reisenbauer, who has lived in the House of Artists in Gugging since 1986, follows a strict system in his work routine, drawing from left to right, lining up identical objects next to and under each other, creating a grid of everyday objects. Food, furniture, clothes, but also nature belongs to his repertoire, finds his attention. The sun, flowers and animals. Strictly speaking, however, the order of sequence and repetition always conceals a game with variations of the same. Nothing is identical, each thing is unique in the column of things. And seemingly equal to the objects, sometimes in expansive handwriting, are the date

26

and the artist's signature beneath the composition. A pedestal for the world at display.

The grid can also be found in works by Masaki Mori, who over the course of time has repeatedly worked with visualisations based on contemporary experimental music and also psychedelic rock. Mori says: "Just like professional athletes who feel anxious when they don't train every day, drawing is like training for me, and I feel anxious when I don't draw. Drawing alleviates my anxiety. The sports analogy here echoes the ancient topos cited by Pliny in his Natural History, the advice to the artist, the phrase that has become classic, nulla dies sine linea... Only constant repetition creates mastery in the long run.

For Mori, the gain of daily practice lies in overcoming his fear. It becomes the Instrument of liberation. of autonomy from circumstances of psychological instability. The daily drawing, a flowing and continuous line producing, may be seen in the „sap“ works, the gestural energy of pushing forward to fill the sheet. Lines that remind one of the nervous, seismographic drawings of the 1950s and 1960s produced by Henri Michaux under the influence of mescaline, as well as of the works of Brice Marden, who was inspired by Asian texts in general and Chinese calligraphy in particular in his search for graphic traces.

However time is experienced, as linear or cyclical, relative or absolute, accelerating or decelerating, the passing of time is always measured in numbers. Numbers have become the signifier of this human condition. We ARE because we are in time. Momoko Nakagawa uses stamps to print numbers on papers that she has coloured with paint or just simply coffee. But these numbers do not allow us to read their meanings. They do not quantify anything, they line up one after the other, but their sequence is not the consequence of a narrative intention. Their appearance as referring to themselves does make us think of measuring and structuring, but this appears here for no discernible reason. Time is and remains an enigma.

27

The goal of slowness is not slowness, but possibly the willingness to pause and recognise and perceive a moment as such.5 Aesthetic contemplation is lingering, art contemplation is lingering. In the gesture of slowness, art comes to itself. As a countermovement to the atomisation of time, total distraction and the directionless buzzing that no longer permits any experience of duration.

Not standstill but focus.

5. Volker

Kunst-Zeit, in: Echt-Zeit. The art of Slowness, Kunstmuseum Bonn, 2016

28
Adolphs:

POST SCRIPTUM

The preparations for this exhibition are abruptly interrupted by reality: Russian troops are in the process of occupying an independent neighbouring country. Ukraine is becoming a blue-and-yellow symbol for a freedom that is taken for granted and is now massively threatened, and whose future chances of survival are being watched in bewilderment by the world public. People are fleeing in the middle of Europe and it is difficult to convince oneself that everyday life can now take place here as usual. People go to work, children are born and exhibitions are being prepared. Art has a right to be considered separately from reality, even if that is not always easy or makes sense. Whether it makes sense in this case to practise art production and or exhibition reception regardless of the noise of rolling tanks and to insist on their autonomy is everyone's own decision. and we do have experience with wars and armed conflicts in our present time, even if they don't always take place on our doorstep - we are simply not used to having to defend the freedom of thought, life and (other) views of life with a gun in our hand. This privilege is possibly being lost here, not far a few hundred kilometres to the east.

29

momoko nakagawa

sans titre untitled, 2017 tampon et café sur papier, 54.4 x 76.9 cm. stamp and coffee on paper, 21.5 x 30.25 in. courtesy christian berst art brut

30

nadine fecht idée fixe (diptyque) idée fixe (set idea - diptych), 2018 encre, motifs bleus imprimés et rivets sur papier, 103 x 146 cm. ink, blue-line print and rivets on paper, 40.5 x 57.5 in. courtesy de l'artiste. photo marcus schneider

32

nadine fecht étude pour idée fixe study for idéé fixe (set idea), 2018 encre sur papier, 29,7 x 21 cm. ink on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste. photo marcus schneider

36

jürgen krause, Bleistifte (crayons pencils), (4717-4752), 2018 bois de cèdre et graphite, 17,5 cm chaque. cedar wood and graphite, 7 in, each. courtesy de l'artiste

38

heinrich reisenbauer bougies candles, 2015 acrylique sur toile, 80 x 100 cm. acrylic on canvas, 31.5 x 39.5 in. courtesy christian berst art brut

42

jürgen krause, Dessin à main levée, 2018 graphite sur papier, 29,7 x 21 cm. graphite on paper, 11.5 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

46

jens risch

silk piece 6, 27.11.2015-12.01., 2017

1000 m de fil de soie, blanc, noué, 7,5 x 8 x 7 cm.

1000 m white silk thread, knotted, 3 x 3.25 x 2.75 in. courtesy de l'artiste. photo : Jörg Baumann

thomas sing

Dans un climat de tension In a tense climate, 2019 photographie, peinture, écriture manuscrite, dorure/ encre de chine, or 24 ct et gomme-laque sur épreuve gélatine argentée, 49,5 x 29,5 cm. photography, painting, handwriting, gilding/ Indian ink, 24 ct gold and shellac on silver gelatin print, 19.25 x 11.5 in. courtesy de l'artiste

50

fiene scharp sans titre untitled, 2014 papier découpé, 300 x 150 cm. cut paper, 118 x 59 in. courtesy de l'artiste et de la galerie Kuckei+Kuckei

52

alexandro garcia sève sap, 2018 marqueur sur papier, 25.7 x 36.3 cm. marker on paper, 10 x 14.25 in. courtesy christian berst art brut

54

alexandro garcia espejos del nuevo tiempo, 2018 encre sur papier, 34.5 x 49.5 cm. ink on paper, 13.5 x 19.5 in. courtesy christian berst art brut

58

bjarni h. thorarinsson visio rose, 1996 graphite sur papier, 29.7 x 21 cm. graphite on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

62

bjarni h. thorarinsson visio rose, 2004 graphite sur papier, 29.7 x 21 cm. graphite on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

64

bjarni h. thorarinsson visio rose, 2004 graphite sur papier, 29.7 x 21 cm. graphite on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

66

bjarni h. thorarinsson visio rose, 2017 graphite sur papier, 29.7 x 21 cm. graphite on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

68

jill gallieni sans titre (prière à Marie) untitled (prayor to Mary), 2014 encre sur papier, 32 x 24 cm. ink on paper, 12.5 x 9.5 in. courtesy christian berst art brut

70

ignacio uriarte sans titre untitled (Black X-Fields 2), 2020 machine à écrire sur papier, 30.8 x 21.7 cm. typewriter on paper, 11.75 x 8.25 in. courtesy de l'artiste

72

ignacio uriarte sans titre untitled (Red X-Fields 4), 2020 machine à écrire sur papier, 30.5 x 28.3 cm. typewriter on paper, 11.75 x 11 in. courtesy de l'artiste

76

ci-dessus de

gauche à droite left to right Nadine Fecht, Jill Gallieni, Alexandro Garcia, Jürgen Krause, Masaki Mori, Momoko Nakagawa, Heinrich Reisenbauer, Jens Risch, Fiene Scharp (© christian manthey), Thomas Sing, Bjarni H. Thorarinsson, Ignacio Uriarte.

biographies

Nadine Fecht Allemagne 1976

Nadine Fecht a étudié les langues et le dessin archéologique à l'université Humboldt et les beaux-arts à l'université des arts de Berlin. Son travail a été exposé entre autres à la Kunsthalle Bratislava, à la Kunsthalle Mannheim, au Museum der Bildenden Künste Leipzig, au Kunstmuseum Basel, au MAC-UFPA Belem, Brésil, à la Hamburger Kunsthalle, au Staatliche Museen Kupfer stichkabinett Berlin, au Kunstverein Harburger Bahnhof, Ham bourg, à l'Akademie der Künste Berlin. En 2014, elle a reçu le prix Will Grohmann (Akademie der Künste Berlin). Ses œuvres font partie des collections publiques de la Hamburger Kunsthalle, de la Berlinische Galerie, du Kupferstichkabinett Berlin, du Neuer Ber liner Kunstverein n. b. k., du Herzog Anton Ulrich-Museum Braun schweig, de la Kunsthalle Mannheim et du Kunstmuseum Basel. De 2015 à 2017, Nadine a enseigné le dessin en tant que maître de conférences au HBK Braunschweig et à l'Université Mozarteum de Salzbourg. Depuis 2018 elle assure l'enseignement du dessin au HBK Braunschweig. "Mon approche du dessin fait appel à la matière et à l'abstrac tion afin de traiter de contenus politiques et de stratégies d'ac tion. Dans le cadre de cette approche, je n'ai pas l'intention d'imiter ni même d'établir une quelconque idéologie linéaire, mais de transmettre des moments de décision au spectateur. C'est le "pas encore" des états intermédiaires et de l'instabilité que j'aborde : qu'il s'agisse de l'alternance des concepts de valeur au sein de la société, de la subjectivité de la perception individuelle ou de la communication intersubjective."

Nadine Fecht lives and works in Berlin. She studied languages and archaeological drawing at the Humboldt University and fine arts at the Berlin University of the Arts. Her work has been exhibited at Kunsthalle Bratislava, Kunsthalle Mannheim, Museum der Bil denden Künste Leipzig, Kunstmuseum Basel, MAC-UFPA Belem, Brazil, Hamburger Kunsthalle, Staatliche Museen Kupferstichk abinett Berlin, Kunstverein Harburger Bahnhof, Hamburg, Akad emie der Künste Berlin, among others. In 2014 she was award ed the Will Grohmann Prize (Akademie der Künste Berlin). Her works are part of public collections at the Hamburger Kunsthalle, the Berlinische Galerie, the Kupferstichkabinett Berlin, the Neuer Berliner Kunstverein n. b. k., the Herzog Anton Ulrich-Museum Braunschweig, the Kunsthalle Mannheim and the Kunstmuseum Basel. From 2015 to 2017 she taught advanced drawing as a lec

80

turer at the HBK Braunschweig and drawing at the interface with sculpture at the Mozarteum University in Salzburg. From 2018she is managing the professorship of the basic drawing class at the HBK Braunschweig. "My approach of expanded drawing makes use of material and abstraction in order to discuss political contents and action strat egies. Within this approach, I intend to not imitate or even establish any line-up ideology but to pass moments of decision on to the viewer. It is the "not-yet" of intermediate states and instability that I address: be it alternating concepts of value within society, the subjectivity of individual perception, or inter-subjective com munication."

Jill Gallieni France 1971

Jill Gallieni est aussi discrète et mystérieuse que le sont les prières qu’elle couche sur le papier et dont l’adresse ne peut se manifester qu’aux saintes qui y sont invoquées. En effet, celles-ci nous sont rendues intentionnellement illisibles. Ecriture cryptique par excellence, absence rendue visible, son oeuvre nous plonge dans un anachorétisme profond. Représentée depuis plus de 10 ans par la galerie, cette artiste française fait partie des grandes collections d’art brut européennes comme celles du musée du LaM (France), de l’art brut de Lausanne (Suisse) ou encore la col lection d’Hannah Rieger (Autriche).

Jill Gallieni is as discreet and mysterious as are the prayers she lays on paper. Indeed, these prayers can only be addressed to the saints they invoke, for they are intentionally rendered un readable. Cryptic writing par excellence, where absence is made visible, her work plunges us into a deep anchorite universe. For more than 10 years, the gallery has represented this French artist, whose works are as well part of major European collections of art brut such as that of the Museum of LaM (France), of art brut in Lausanne (Switzerland) or even of the Hannah Rieger collection (Austria).

Alexandro Garcia Uruguay 1998

Jardinier uruguayen, Alexandro García s’est mis à retranscrire ses visions éthérées à la suite d’une rencontre du 3e type – ou avistamiento – dont il a fait l’expérience, enfant. Digne héritier du réalisme magique, il en dépasse cependant le cadre et nous parle

81

d’un ailleurs offert à nos projections et à la colonisation d’une hu manité nouvelle aux travers d’architectures habitées et saturées. Présent notamment dans la collection abcd/Bruno Decharme (France) son travail a été montré dans l’exposition hommage au palais idéal du facteur cheval élévations co-curatoriée par An toine de Galbert en 2015.

The Uruguayan gardener, Alexandro García, began to transcribe his ethereal visions following an encounter of the third kind - or avistamiento - that he experienced as a child. Worthy heir to mag ical realism, however, he goes beyond its scope: he speaks to us of an elsewhere offered to our projections and to the colonization of a new humanity through inhabited and saturated architectures. Present notably in the abcd/Bruno Decharme collection (France), his work was shown in the exhibition Elévations in 2015, co-curat ed by Antoine de Galbert, and tribute to the Palais Idéal du Facteur Cheval, a fairy tale palace built by the postman Ferdinand Cheval in 1879.

Jürgen Krause Allemagne 1971

Jürgen Krause travaille sur les fondations. Sur les fondements de l'art. Comme un entomologiste traite son sujet, les insectes, lui, en tant qu'artiste, traite le sien : la ligne. Il examine chaque jour à nouveau ce qui ne semble plus discutable - qu'est-ce qu'une ligne ? Avec des méthodes de travail précises, le plus souvent stoïques, Jürgen Krause démontre la différence physique-psychologique entre le fait main et le fait machine.

Il dessine des lignes sur du papier A4 et produit une page par jour qui ressemble à une feuille de papier quadrillée produite industriellement, et ce sur une période de 20 ans.

Jürgen aiguise des couteaux pour effuter ses crayons et il prépare des feuilles de papier mais il ne les utilisera pas comme support de dessin. Du moins pas au sens conventionnel du terme.

Il s'agit de s'approcher d'un idéal qui ne peut être atteint parce qu'il ne permettrait aucun développement possible. C'est un peu comme faire quelque chose pour la première fois et en même temps avec une grande habileté - "Ce sont les attitudes que je recherche".

82

Jürgen Krause works on the foundations. On the fundamentals of art. Like an entomologist deals with his object, the insects, he as an artist deal with his own: the line. That which no longer seems questionable, what is it, a line? is examined by him a new every day. With precise, mostly stoic working methods, Jürgen Krause demonstrates the physical-psychological difference between hand-made and machine-made.

He draws lines on A4 paper and produces a sheet that looks like an industrially produced sheet of check paper and this over a period of 20 years.

He grinds blades and he grounds papers without subsequently using them as a ground for drawing. At least not in the conven tional sense.

It is about approaching an ideal that cannot be achieved because it would not allow for development. It's a bit like doing something for the first time and at the same time with great skill - these are the attitudes I strive for.

Masaki Mori Japon 1969

Né en 1969, vit dans la préfecture de Shiga, Japon, où il participe à l’“Atelier Yamanami” depuis 2016.

Masaki a appris le design graphique dans une école profes sionnelle. Alors qu’il était en formation, il a découvert 4’33, le chef-d’oeuvre de John Cage en concert et s’est alors intéressé à la musique expérimentale des États-Unis. Par la suite, il a com mencé à produire des dessins uniques dans le but de visualis er l’espace musical. Masaki a produit la série « Jiuta (chants de base) » fondée sur l’expansion de l’espace incarnée par le rock underground et psychédélique et la série « Gig » exprimant l’image visuelle de la musique postmoderne déconstruite représentée par John Zorn, entre autres.

Masaki aime Antonin Artaud et admet qu’il résout par le dessin l’angoisse existentielle causée par sa longue lutte contre la maladie.

Born on 1969, living in Shiga Prefecture, Japan. Has been partici pating in “Atelier Yamanami” since 2016. Masaki learned graphic design in a vocational school of design.

83

While in school, he experienced 4’33”, the masterpiece of John Cage in his concert and became interested in experimental music of the United States. Afterwards, he started his own unique draw ings with visualizing musical space in mind. Masaki produced “Jiuta (base songs)” Series based upon the expansion of space embodied by underground and Psychedelic rock and “Gig” Series expressing the visual image of deconstructed postmodern music represented by John Zorn, among others.

Masaki loves Antonin Artaud, a poet, and admits himself that he resolves existential anxiety caused by his long struggle against illness by drawing pictures.

Momoko Nakagawa

Japon 1965

Membre de l’atelier Yamanami (Japon), depuis 2015, Momoko Nakagawa effectue, d’un geste ample et régulier, un travail sériel et calibré sur l’écriture, passant de l’ondoiement de fréquences colorées au tamponnage de chiffres dans des halos de café. Évo quant l’abstraction lyrique, le travail de cette jeune artiste « combine spontanéité gestuelle, élégance calligraphique, répétition sérielle et inventivité formelle », comme l’écrit Raphaël Koenig, dans le dossier qui lui est consacré dans Artpress (2020).

A member of the Yamanami workshop (Shiga, Japan) since 2015, Momoko Nakagawa has been doing, in a broad and regular ges ture, a serial and calibrated work on writing, moving from the un dulating of colored frequencies to stamping numbers in coffee halos. Evoking lyrical abstraction, the young artist’s work “com bines gestural spontaneity, calligraphic elegance, serialized rep etition, and formal inventiveness,” as Raphael Koenig writes in the dossier devoted to her in Artpress (2020).

Heinrich Reisenbauer Autriche 1938

Né à Kirchau, Reisenbauer est entré à Gugging lorsque, peu après ses années de lycée, on lui diagnostiqua une psychose. Après 30 ans d’internement dans un pavillon pour malades chroniques, il fut invité, en 1986, à venir s’établir dans la Maison des artistes. Ses dessins, le plus souvent des petits formats réalisés au cray on noir et de couleur, offrent invariablement une répétition quasi sérigraphique du sujet qui se distingue par d’infimes nuances. Il

84

manifeste le même souci obsessionnel d’ordre et d’équilibre dans les tâches les plus quotidiennes. Ainsi, lorsqu’on lui confie la dis tribution des fruits aux pensionnaires de la Maison, l’exercice se transforme en véritable « installation » sur la table du déjeuner. Avec le quatuor des Walla, Hauser, Tschirtner et Fischer, Reisen bauer est devenu, à l’échelon international, l’un des artistes les plus emblématiques de Gugging.

Born in Kirchau, Reisenbauer arrived at the Gugging when, short ly after his years in high school, he was diagnosed with psychosis. After 30 years of hospitalization in a pavilion for chronic illness, he was invited, in 1986, to come live at the Gugging House of Artists near Vienna.

His drawings, most often small and drawn with black and colored pencils, invariably offer an almost serigraphic repetition of a sub ject that varies in miniscule details. He displays the same obses sive concern for order and balance in the most trivial daily tasks. Thus, when he is charged with the distribution of fruit to the res idents of the Maison, the exercise is transformed into a veritable “installation” on the lunch table.

With the Walla, Hauser, Tschirtner and Fischer foursome, Reisen bauer has become, at the international level, one of the most em blematic artists of the Gugging.

Jens Risch Allemagne 1973

Jens Risch a étudié à la Hochschule für Gestaltung (École supérieure de design) d'Offenbach et à la Staatliche Hochschule für Bildende Künste (École nationale supérieure des beauxarts) de Francfort-sur-le-Main. Il a été l'élève de Thomas Bayrle. Risch a consacré son travail artistique à une seule tâche Depuis plus de 20 ans, l'artiste noue des fils de 1000 mètres de long en soie ou en coton jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de nœuds possibles. Il procède de manière structurée et disciplinée, y consacrant chaque jour deux heures, parfois plus. Les heures sont notées. Les pièces ainsi créées portent un titre factuel avec un numéro. Risch est représenté dans des collections de musées (MMK Museum for Modern Art de Francfort-sur-le-Main) et des collections privées à Paris, Stuttgart et Cologne. Il a participé à de nombreuses expositions et vit à Berlin avec sa compagne et son fils.

85

Jens Risch studied at the Hochschule für Gestaltung in Offenbach and the Staatliche Hochschule für Bildende Künste in Frankfurt am Main. He was a master student of Thomas Bayrle. Risch has dedicated his artistic work to a single task For more than 20 years, the artist has been knotting threads 1000 meters long in silk or cotton until no more knots are possible. He proceeds in a structured and disciplined manner. Every day for two hours, sometimes more. The hours are noted down. The pieces created in this way are factually titled with a number. Risch is represented in museum collections the MMK Museum for Modern Art in Frankfurt am Main and private collections in Paris, Stuttgart, and Cologne.

He has participated in numerous exhibitions and lives in Berlin with his partner and son.

Fiene Scharp

Allemagne 1984

Fiene Scharp a grandi à Berlin où elle a étudié les beaux-arts à l'université des arts avec Gregor Schneider, Alicja Kwade et Ur sula Neugebauer.

Les grilles et les structures sérielles sont les éléments de base de son travail, qu'elle combine pour former une fine grille de lignes. L'idiosyncrasie organique des matériaux, tels que les coupures de papier, les fines mines de graphite ou les cheveux, et le pro cessus de fabrication manuel conduisent à des irrégularités, des différences et des variations minimes de la grille supposée être strictement géométrique. Les dessins en papier découpé, de dif férents formats et formes, constituent un élément essentiel de son travail artistique. Les grilles de papier de moyen à grand for mat, parfois sur plusieurs couches, sont le plus souvent réalisées sur des papiers quadrillés anciens issus du domaine technique et scientifique. Les espaces entre les quadrillages sont découpés au scalpel, de sorte que seules les lignes de coordonnées subsistent sous la forme d'un réseau fragile, d'un "cadre tectonique". Sus pendus librement dans la pièce, les papiers découpés montrent leur ambivalence entre deux et trois dimensions, entre graphisme et sculpture. Le processus de changement est inclus dans l'œu vre, qui prend partiellement en compte la dissolution de la grille. Ses œuvres ont été présentées dans des expositions à l'Académie des arts de Berlin, au Kunsthaus de Graz, au Kunst museum de Stuttgart et au Museum of Concrete Art d'Ingolstadt.

86

Growing up in Berlin, Scharp studied fine arts at the University of the Arts with Gregor Schneider, Alicja Kwade and Ursula Neuge bauer.

Grids and serial structures are basic elements of Fiene Scharp's work, which they combine to form a fine grid of lines. The organ ic idiosyncrasy of the materials, such as paper cuts, fine graph ite leads or hair, and the manual manufacturing process lead to minimal irregularities, differences and irritations of the otherwise strict grid.

A main component of the artistic work are the diverse paper cut drawings in different formats and forms. The medium to large-for mat, sometimes multi-layered paper grids are mostly based on antiquarian grid papers from the technical, scientific field as the starting point. The gaps between the rulings are cut out with a scalpel so that only the coordinate lines remain as a fragile net work, as a "tectonic framework" Hanging freely in the room, the papercuts show their ambivalence between two and three-di mensionality, between graphics and sculpture. The process of change is included in the work, which partly takes into account the dissolution of the grid.

Her works have been shown in exhibitions at the Academy of Arts in Berlin, in the Kunsthaus Graz, the Kunstmuseum Stuttgart and the Museum of Concrete Art Ingolstadt. Fiene Scharp lives and works in Berlin.

Thomas Sing Allemagne

Thomas Sing s'exprime par la photographie, la photographie lumineuse, le dessin, la sculpture et la performance. Son œuvre est à la fois très diverse et très cohérente. L'univers de Thomas est empreint d'une grande spiritualité. De l'extase à la souffrance, il transcende la représentation du corps féminin de manière sensuelle, brute, mais aussi avec une délicatesse inattendue. Ses paysages expriment également cette dimension mystique. Sade n'est jamais très loin, mais un Sade qui a le sens du sacré.

Thomas Sing travaille en collaboration avec sa femme Chiara Padovan, entre l'Allemagne, l'Italie et Paris. Ses livres, Hard Theory et Until I Break, et sa fresque grand format La Méditation (2013) ont été récompensés par Px3, le Prix de la Photographie de Paris.

87

Thomas Sing is a German artist, who expresses himself through photography, illuminated photography, drawing, sculpture and performance. His work is both very diverse and very coherent. Thomas Sing’s world is imbued with great spirituality. From ecstasy to suffering, he transcends the representation of the female body in a sensual, raw way, but also with an unexpected delicacy. His landscapes also express this mystical dimension. Sade is never very far, but a Sade who has a sense of the sacred.

Thomas Sing works in collaboration with his wife Chiara Padovan, between Germany, Italy, and Paris. His books, Hard Theory and Until I Break, and his large format fresco print La Méditation (2013) have been awarded by Px3, the Prix de la Photographie de Paris.

Bjarni H. Thorarinsson Islande 1947

Bjarni H. Þórarinsson a étudié les beaux-arts au Collège Islandais des Arts et Métiers entre 1973 et 1977 et a obtenu un diplôme du département des arts nouveaux. En 1968, il intègre le départe ment de mathématiques du Reykjavik Junior College. En 1977, il fonde avec d'autres artistes la galerie Suðurgata 7, qui devient, à cette époque, une importante plateforme pour l’art contemporain d'avant-garde. La galerie a notamment participé à la publication du journal Svart á hvítu (Noir sur blanc), à la pointe des nouvelles idées et pratiques dans le domaine de l'art et de la culture. En 1978, il devient également l’un des membres fondateurs du Living Arts Museum. À ses débuts, Bjarni a créé des œuvres dans l'esprit de Fluxus et de Neo-Dada, en concevant et en réalisant des happenings, des performances et des scénarios. Sa pratique artistique prend une nouvelle direction en 1987 lorsqu'il jette les bases d'un système intellectuel appelé Visiologie. Ce système prend en considération tous les éléments de l'existence - les arts visuels, la philosophie, le langage, la morphologie et la sémantique - qu'il visualise dans Visio-Roses. Le système est un travail en cours et de nouveaux termes et concepts sont toujours créés au fur et à mesure que la recherche, la philosophie et l'analyse linguistique fusionnent. Bja rni a exposé dans tous les grands musées d'Islande et à l'étrang er. Ses œuvres se retrouvent dans des collections publiques et privées.

88

Bjarni H. Þórarinsson studied fine arts at The Icelandic College of Art and Crafts between 1973-1977 and graduated from the New Art Department. He finished a university entrance examination from the Reykjavik Junior College, department of mathematics, in 1968. In 1977 Bjarni, along with other artists, founded the gallery Suðurgata 7, an important platform for contemporary avant-gar de arts at the time. The gallery was involved in the publication of the journal Svart á hvítu (Black on White) where new ideas and practices in art and culture were presented. Bjarni was also one of the founding members of The Living Arts Museum in 1978. In the early years of his career Bjarni created works in the spirit of Fluxus and Neo-Dada, composing and performing happenings, performances and screenplays. His art practice took a new direc tion in 1987 when he laid the foundation for an intellectual system called Visiology. The system takes into consideration all elements of existence, the visual arts, philosophy, language, morphology and semantics, which he visualises in Visio-Roses. The system is a work in process and new terms and concepts are still be ing created as research, as philosophy and linguistic analysis are merged. Bjarni has exhibited in all major museums in Iceland and widely abroad. His work can be found in public as well a private collections.

Ignacio Uriarte Allemagne 1972

Avant de devenir artiste, Ignacio Uriarte a étudié l'administra tion des affaires et a également travaillé dans ce domaine. En 2003, il a changé de cap et est devenu un artiste profession nel, dont le travail traite du monde des bureaux et des matéri aux qui y sont utilisés, déclinés sur tous les supports imaginables. Ces œuvres abordent les questions de temps, de structure, d'ordre et de monotonie, ainsi que le potentiel créatif de processus apparemment inefficaces, comme le fait de grif fonner sur un bloc-notes pendant une conversation. Grâce à son approche conceptuelle et à l'utilisation de matériaux is sus de la vie quotidienne au bureau, l'artiste jette un pont à la manière des Dadas entre le monde du travail et celui de l'art. Uriarte a pu montrer son travail dans une grande variété d'ex positions institutionnelles individuelles et collectives dans le monde entier. Les collections institutionnelles qui possèdent des œuvres de l'artiste comprennent, entre autres, la Colección La Caixa (Barcelone), la Berlinische Galerie (Berlin), le

89
90
exhibition vue ?

Kupferstichkabinett der Staatlichen Museen zu Berlin, la Sam mlung zeitgenössischer Kunst der Bundesrepublik Deutsch land (Bonn), la DZ Bank Kunstsammlung (Francfort/Main), le Museum Ludwig (Cologne), le Kunstmuseen Krefeld, le Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y Leôn (MUSAC ; Leon), la Colección del Banco de España (Madrid), la Colección JU MEX (Mexico), la Städtische Galerie im Lenbachhaus (Munich).

Ignacio Uriarte studied business administration before he became an artist and he also worked in this field. in 2003 he changed course and became a professional artist, whose work deals with the world of offices and the materials used and processed in them in every conceivable medium. These works discuss issues of time, structure, order, and monotony as well as the creative potential in seemingly inefficient processes, such as scribbling on a notepad during a conversation. Through his conceptual approach as well as the use of materials from everyday office life, the artist builds a Dada-like bridge between the world of work and the world of art. Uriarte has been able to show his work in a wide variety of in stitutional solo and group exhibitions worldwide; Institutional collections that have works by him include – among others – the Colección La Caixa (Barcelona), the Berlinische Galerie (Berlin), the Kupferstichkabinett der Staatlichen Museen zu Berlin, the Sammlung zeitgenössischer Kunst der Bundesrepublik Deutsch land (Bonn), the DZ Bank Kunstsammlung (Frankfurt/Main), the Museum Ludwig (Cologne), the Kunstmuseen Krefeld, the Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y Leôn (MUSAC; Leon), the Colección del Banco de España (Madrid), the Colección JUMEX (Mexico City), the Städtische Galerie im Lenbachhaus (Munich).

91

remerciements acknowledgements

manuel anceau, élisa berst, sylvain berst, adriana bustamante, antoine frérot, albane fruehsorge, carmen et daniel klein, maxime mauchamp, evan milliet, alice pepey, jeanne rouxhet, zoé zachariasen.

ainsi que toutes les galeries qui ont collaboré à cette exposition : KUCKEI + KUCKEI + others ?

Philip von Rosen Galerie, cologne Birta Gudjonsdottir Petur Aranson

the bridge by christian berst

Ce catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition les danaïdes commissaire : jan-philipp fruehsorge du 2 avril au 15 mai 2022.

This catalog has been published on the occasion of the danaids show curator : jan-philipp fruehsorge from April 2 to May 15, 2022.

design graphique et réalisation graphic design and production élisa berst

6 passage des gravilliers paris 03 thebridge@ christianberst.com

du mercredi au dimanche 14h à 19h ou sur rendez-vous

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.