rĂŠinventer
la tradition
temporalité
universel / local
réinterprétation
« Rien n’est à inventer ! Il faut tout réinventer » L.Snozzi
Travail encadrĂŠ par Cyrille Faivre-Aublin et Philippe Beck - ENSAPVS 2016-2017
Je tiens à remercier Cyrille Faivre-Aublin et Philippe Beck pour leurs critiques enrichissantes, leurs conseils et leur patience durant ce semestre, Josep Maria Rovira pour les documents qu’il m’a communiqués avec confiance, la Bibliothèque des amis de la Fondation Maeght pour avoir pris le temps de m’accueillir à deux reprises, mes frères et mes parents, et mes amis (ils se reconnaitront).
corpus Fondation Maeght, St Paul de Vence, France, Josep Lluis Sert, 1964 Extension du Musée des Collections Royales de Madrid, Espagne, Mansilla+Tuñón, 2006-2017 corpus mineur Cuadra San Cristobal, Mexico, Luis Barragan, 1968
En quoi la réinterprétation de la tradition participe t-elle à l’histoire et l’évolution de l’architecture?
Avant-propos Introduction I. La tradition comme base pour le mode de production et de pensée universel 1. L’enseignement de l’architecture grecque, cas de la colonne antique - A. Choisy 2. La voûte Catalane 3. Deux réinterprétations singulières a. La colonne chez Mansilla + Tuñón b. La voûte catalane chez Sert II. Contextes et réinterprétation des traditions 1.Les recherches et le travail respectifs de Mansilla + Tuñón et Sert a. Mansilla + Tuñón b. Sert 2. D’autres perspectives a. Déplacements de concepts d’après A. Colquhoun b. Contribution de Le Corbusier et L. Barragán III. Réinventer ? 1. La multidisciplinarité chez Mansilla + Tuñón et Sert 2. Exemple de la Palestra de Vacchini Conclusion Notes Bibliographie Iconographie Annexes
10-14 16-21 22-37
38-68
69-74
76-80 82-86 87-92 93-100
101-112
Fig. 2 : Fondation Maeght, J.L Sert Fig. 3 : Musée des Collections Royales, Mansilla+Tuñon Fig. 4 : Cuadra San Cristobal, L. Barragan
AVANT-PROPOS
DEPLIANT
Ce mémoire a été avant tout un moyen de me questionner sur des thèmes qui m’ont intéressée dès le début de mes études en école d’architecture. Ayant reçu un enseignement marqué par les modernes et leurs héritiers, dont les sources regroupaient entre autre le Corbusier, les architectes brésiliens, jusqu’aux architectes portugais, les thèmes de la permanence, du lieu et de l’émotion ont toujours été sous-jacents dans les projets et les réflexions entamées au cours des quatres dernières années. La fondation Maeght, visitée à maintes reprises, avant même d’entamer les études d’architecture, était pour moi la symbiose parfaite de la modernité avec l’architecture traditionnelle, où les murs en pierre, les couleurs, les œuvres d’art procuraient une atmosphère si spéciale, un bien être, une harmonie, un accord parfait avec l’espace dans lequel elle s’implantait. J’avais encore envie de passer des heures à arpenter le labyrinthe, me perdre au milieu des bassins et des sculptures, visiter la chapelle de Matisse à Vence, puis revenir à la fondation pour visiter la chapelle Saint-Bernard, que j’avais oubliée … puis observer lentement les plans de la fondation, les projets dessinés non réalisées. Découvrir l’écriture et les dessins de Sert sur les post-it bienveillants, déposés sur ses plans envoyés par courrier à Saint-Paul-de-Vence depuis Boston. Enfin, feuilleter tous les livres de la bibliothèque de la fondation, pour m’imprégner de l’histoire de ce lieu si puissant et si paisible. Miró semblait être encore caché derrière ses sculptures au milieu des pins. Le musée des Collections Royales de Madrid, découvert récemment à travers des livres et des photos (puis en me rendant sur place), m’interpella : comment l’architecte peut-il avoir le courage de construire face à des témoins de l’Histoire aussi proches et imposants ? Et pourtant, même les photos et les plans du nouveau projet donnent l’impression d’une intervention parfaite, semblant jongler habilement entre modestie, retrait, et rivalité assumée. Parce que pour faire face à un palais royal et des vestiges de la ville originelle, il faut du talent, tout en restant modeste, et ne pas avoir peur de ce mot.
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Mais aussi parce que la modestie parle de subtilité (et non pas d’une timidité et d’un manque d’assurance, contrairement à ce que certains architectes soutiennent), et que celle-ci induit un secret, je souhaitais découvrir un peu de leurs secrets respectifs, et d’en savoir plus sur ces trois architectes, Mansilla + Tuñón (plus que deux aujourd’hui, Luis Mansilla ayant prématurément disparu il y a maintenant cinq ans)et Josep Lluis Sert. C’était aussi l’occasion de me pencher sur le travail de ces deux architectes madrilènes, dont on m’avait parlé de si nombreuses fois en des termes élogieux « Ils ont inventé un nouveau langage architectural ! Ils sont géniaux » Teresa Sánchez Táboas et Andres Suarez Outeda (achitectes galiciens) m’avaient-ils dit cet été 2016, en visitant la ville de Pontevedra, qui m’avait elle-même indirectement renvoyée vers le travail de De la Sota mais surtout de Barragán. Cet architecte mexicain moderne, auquel je m’étais intéressée le semestre précédent, représentait encore pour moi un mystère presque entier. Comment son architecture, dont les couleurs sont vives et ses formes abstraites, pouvait-elle être à la fois profondément ancrée dans la tradition mexicaine, et douée de ce caractère absolument intemporel? Lorsqu’il fallut choisir un sujet, celui de la tradition et de la réinterprétation me parut à propos. Il rassemble les questionnements et les thèmes que je viens d’évoquer, et nous amène à penser au temps qui construit progressivement, et qui en fin de compte détruira l’architecture. Ce temps que nous expérimentons quotidiennement, qui nous parle du parcours et de sensations. Ce temps qui s’étire, semble se contracter par moment, derrière lequel les architectes courent, luttent, mais qui leur est paradoxalement indispensable et qui donne naissance parfois au bout de plusieurs générations à des projets qui toucheront l’âme de chacun de ses visiteurs.
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« Nous devons produire des choses qui, dans leur apparence, donnent l’impression qu’elles ont toujours existées » V. Gregotti
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INTRODUCTION
Fig. 1 : dessin de J.L Sert, avant projet
Fig. 2 : croquis de Luis Mansilla
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Par définition, la tradition est « l’ensemble de légendes, de faits, de doctrines, d’opinions, de coutumes, d’usages, transmis oralement sur un long espace de temps. » C’est également une « manière d’agir ou de penser transmise depuis des générations à l’intérieur d’un groupe.»4 De ce fait, une tradition est un ensemble de données qui perdurent dans le temps et qui sont transmises. En architecture, on pense principalement à la tradition constructive grecque, à l’ensemble des éléments architecturaux qui ont constitué la base de l’architecture. Le temple, de par sa clarté constructive et matérielle, fonctionnel et à la fois poétique, demeure encore aujourd’hui une référence majeure de l’architecture. Il y a également la tradition constructive romaine, celle des édifices publics, celle de la brique et du béton. Depuis l’existence de l’architecture jusqu’a nos jours, les nouvelles constructions n’ont cessé de se référer à ce qui les précédaient, (qu’il s’agisse de l’ inspiration au pastiche, jusqu’a la copie), chose observée dans toutes les disciplines, finalement. « Ce qui précède » pourrait se définir comme un ensemble de techniques, de formes, de manières de penser l’architecture, un vocabulaire architectural, appartenant à une période révolue. Ce sont en particulier l’influence et l’utilisation des éléments architecturaux formels traditionnels sur les réalisations modernes et contemporaines qui seront ici au coeur de nos questionnements. Comment se placer vis à vis de ce qui nous précède, faut-il nécessairement prendre en compte l’existant ? Quelle position adopter, acceptation ou rejet ? Autant de questions si souvent posées dans le domaine de l’architecture auxquelles aucune réponse n’est forcément plus juste qu’une autre. Toutefois, si l’on part du postulat qu’il est inévitable d’étudier et de considérer l’existant (contrairement à des positions inverses soutenues par des architectes comme Rem Koolhaas par exemple) nous pouvons cependant nous poser la question de la légitimité de l’ancien et de sa postérité. Tandis que les modernes avaient pris cette décision radicale de tout 18
effacer et ignorer le passé, d’effectuer une tabula rasa, pour mieux reconstruire et recommencer une nouvelle histoire, certains architectes se sont vus adopter des positions opposées à ce mode de penser. Le Corbusier par exemple, se réfère à des réalisations antérieures ou à la tradition architecturale, malgré ce qu’il a pu en dire dans ses ouvrages. Selon Alan Colquhoun 5, il « modifie ou contredit » des œuvres traditionnelles. Si Kenzo Tange affirma que la tradition pouvait certainement participer à une création mais qu’elle ne pouvait plus être elle-même créative, nous pouvons comprendre en ce sens une limite qui demande à être transgressée : il faudrait réinventer la tradition. Ces concepts de tradition et d’autorité ont d’autre part été théorisés par la philosophe Hannah Arendt dans son ouvrage La crise de la culture 6 , non du point de vue architectural mais politique et philosophique. Des parallèles avec l’architecture peuvent toutefois s’établir assez naturellement : « Marx, Nietzsche et Kierkegaard furent les premiers à oser penser sans la houlette d’aucune autorité quelle qu’elle fut.» 7 En revanche, ces philosophes ont anéanti ce que les hommes avaient en commun entre eux : les catégories de pensée, les valeurs morales et sociales qui structuraient traditionnellement la vie humaine. Or, sans ces valeurs là, le monde devient étranger à l’homme. Ne reste alors « qu’une société d’hommes, qui privés d’un monde commun qui les relierait et les séparerait en même temps, vivent dans une séparation et un isolement sans espoir, ou bien sont pressés ensemble comme une masse.» 8 Que faire de la tradition et de l’autorité, s’il ne faut pas en effectuer une copie ni s’en défaire complètement ? Le concept d’intemporalité intervient dans nos questionnements. Elle renvoie au détachement du temps, elle signifie une absence de variation (au sens d’altération) d’une chose, d’une idée, d’une forme, au cours du temps. Par définition est intemporel ce qui est indépendant du temps, qui ne varie pas avec lui.9 C’est aussi ce qui est non soumis à la durée, éternel, hors du temps, inopportun.10 19
Une des questions que l’on se posera dans ce mémoire est de savoir comment et pourquoi cette intemporalité est atteinte, à travers les deux cas d’étude choisis. D’autre part, puisqu’il est question de tradition, il semblait nécessaire d’évoquer le vernaculaire qui prend une place majeure dans l’histoire de l’architecture et qui continue à être très influente aujourd’hui encore. Une certaine intemporalité se dégagerait donc des édifices vernaculaires; est vernaculaire tout ce qui est particulier à un pays, ce qui est propre à un pays et ses habitants. 11 Bernard Rudofsky va introduire de nombreuses références en terme d’architecture vernaculaire dans son ouvrage Architecture without architect 12. Il montre qu’elle est intimement liée au site dans lequel elle nait, presque indissociable du lieu dans lequel elle s’implante (climat, ressources locales, culture…). C’est le cas de la voûte catalane qui s’inscrit dans le vernaculaire, dont les origines remontent à des millénaires (empire Romain). En cela, l’architecture vernaculaire ne toucherait pas vraiment à l’universel, dans le sens où elle ne pourrait pas être reproduite n’importe où dans le monde. Toutefois, étant donné qu’une réinterprétation est envisageable, elle peut le devenir. Comment rattacher, ancrer un bâtiment dans notre époque ? L’architecte a beau être l’autoportrait d’une époque, elle doit aussi anticiper l’époque à venir. Entre témoin d’une histoire passée, acteur du présent, et annonciateur d’un futur, finalement en quoi la réinterprétation de la tradition participe t-elle à l’histoire et l’évolution de l’architecture? En premier lieu, nous allons introduire les éléments architecturaux traditionnels qui nous intéressent dans le cadre de ce mémoire : la colonne et la voûte, en particulier celle catalane, à travers le corpus architectural choisi. Nous verrons en quoi elles relèvent de la tradition, ce qu’elles représentent dans l’histoire de l’architecture depuis l’antiquité jusqu’à notre époque contemporaine.
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Par la suite, nous analyserons les diverses relations qui peuvent s’établir entre un contexte et une architecture traditionnelle, soit la connection établie entre l’espace et le temps, induisant le principe d’intemporalité en architecture dans le cas du corpus étudié. Enfin, nous nous questionnerons sur la légitimité de la réinterprétation de l’architecture traditionnelle, son application dans l’architecture moderne et contemporaine et ce vers quoi elle tend.
L’objectif étant références à ce réinterprétation, de vue d’auteurs premier datant de d’être construit,
de prendre comme points d’appuis de nombreuses citations en sujet très vaste qui est celui de l’intemporalité et de la nous essaierons d’établir des aller-retours entre des points et d’époques différentes, et deux bâtiments en particulier, un la période moderne, de Josep Lluis Sert, et un deuxième qui vient de Mansilla + Tuñón.
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I. La tradition comme base pour le mode de production et de pensĂŠe universel
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« L’émotion, c’est la raison du temple, sans émotion au bout du chemin, il n’y a pas de raison de faire de l’architecture. » 13 Henri Ciriani
Fig. 3 : la vallée des temples, Agrigente, Sicile
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1. L’enseignement de l’architecture grecque, cas de la colonne antique - A. Choisy
Fig. 4 : Les 5 ordres de l’architecture, détails des chapiteaux, Vitruve.
Auguste Choisy (1841-1909) dans son ouvrage Histoire de l’architecture 14 retrace les origines de l’architecture religieuse, à travers l’analyse des processus de construction et des contextes sociopolitiques propres aux pays et régions concernés. Il parle déjà à cette époque (1899) de l’importance majeure du rythme dans l’architecture, de sa proximité avec la versification et du langage. « On introduit dans la composition une harmonie rythmée, qui ne peut mieux se comparer qu’à celle de la versification. Ces deux harmonies du langage et de l’architecture, ont d’ailleurs d’étroites attaches l’une avec l’autre : elles semblent répondre à un besoin du goût au temps de son premier éveil. La prose littéraire ne commence chez les Grecs qu’à l’époque d’Hérodote, c’est-à-dire vers le début du Ve siècle : jusque là on ne concevait pour fixer la pensée d’autre forme que la forme rythmée ; le rythme de la parole et celui de l’architecture sont deux faits qui se correspondent, deux manifestations simultanées des instincts d’un même âge. » 15 Il évoque un besoin à un temps donné, celui du « premier éveil », ce qui nous renvoie à l’origine, la naissance de l’homme et de l’architecture. Choisy aborde l’essence même de la discipline, le rythme, qui répond à un besoin (quelque chose d’indispensable, donc). « Nous nous attacherons à dégager les éléments de proportions constants, qui appartiennent aux ordres, et les variations de détail, qui caractérisent les époques. » 16 25
Les « éléments de proportions constants » sont les données invariantes, les détails, eux, sont propres aux époques, selon Choisy. Bien que le langage puisse paraitre extrêment pur et simple à l’époque relatée par Choisy, nous savons bien sûr, avec le traitement des colonnes, que les architectes avaient largement recours à l’ornementation qui entraina différentes classifications par « ordres » : l’ordre dorique, ionique, et corinthien (en allant Fig. 5 : A. Choisy, effets vers le plus ornementé. Nous verrons ensuite que d’irradiation et de contrastes c’est l’ordre toscan, le plus épuré, inventé par les Romains inspirés des Grecs, qui sera réinterprété à travers l’architecture contemporaine à laquelle nous nous intéressons. Si le plein est de 1, Vitruve laisse pour le vide le choix entre les proportions suivantes : 1 1/2, 2, 2 1/4, 3…etc Des proportions « au choix » avec de ce fait un certain de degré de liberté pour laisser place à l’interprétation de l’architecte. « Parmi les édifices des Grecs, les seuls qui éveillent l’impression de la grandeur matérielle, sont ceux de l’âge archaïque. Et cela tient, croyons-nous, à la lourdeur même de leurs proportions. » 17 « Dans l’architecture des temples, les Grecs s’attachent exclusivement au rythme ; leurs œuvres, tout au moins aux dernières époques, se présentent comme des conceptions abstraites : dégagées de tout lien avec les choses qui se mesurent. » 18 Mais ce que Choisy révèle de plus intéressant est sans doute la manière dont les grecs vont, à partir de leur découverte sur les effets d’optique obtenus 26
Fig. 6 : A. Choisy, Les symétries, les effets de répétitions, les illusions d’optique
Fig. 7 : A. Choisy, effets d’irradiation et de contrastes, substitution de courbes aux lignes horizontales
Fig. 8 : A. Choisy, effets d’irradiation et de contrastes, inclinaison des colonnes
en observant les temples, se détacher des codes et de la rigueur géométrique de la composition pour tromper et satisfaire l’œil de l’observateur. En effet, il va parler d’ « inclinaison des frontons », car Vitruve disait « si le fronton est vertical, il paraitra fuir en arrière », de « substitution de courbes aux lignes horizontales », de « bombement des dallages » … etc. L’Homme va prendre en compte son œil, sa vision subjective des volumes assemblés sous la lumière, de manière à faire interagir le visiteur avec l’architecture et à l’émouvoir. « elles ne font naître aucune idée de grandeur absolue, rien qu’une perception de rapports, une impression d’harmonie » 19 « Les grecs ont aussi observé cette apparence, et ils y ont remédié en courbant réellement les lignes dans un sens inverse de celui où les lignes droites eussent semblé fléchir : de sorte qu’en amplifiant les courbures en même temps que nous forçons les inclinaisons des colonnes, nous obtenons pour la façade du Parthénon un diagramme (…) L’Empire grec seul survit et sauve les traditions d’architecture qui lui sont propres. Non seulement ces traditions se conservent, mais, cessant d’être influencées par l’Occident, elles se dégagent et s’accentuent » 20 La colonne nous renvoie à l’époque antique, celle où les temples constituaient la majeure partie de l’architecture construite (dans le monde grec et romain mais aussi en Egypte et en Asie Mineure). Une connotation sacrée était donc dominante. La colonne va ainsi naitre et survivre à toutes les époques, originellement sculptée puis assemblée, elle sera ensuite, la plupart du temps, coulée. 27
Peut-on dire de ce fait qu’il y aurait une « base », une constante immuable qui serait destinée à durer éternellement, et quelque chose d’attenant, de superficiel, les « détails » qui l’entoureraient ? Peut-on toujours appliquer cela à notre époque, où les détails ont une toute autre signification ? Oui, si l’on se penche sur les écrits et la pensée d’Adolf Loos (1870-1933) au début du XXe siècle qui refuse en quelque sorte l’ornementation. L’absence d’ornementation symboliserait le passage de l’époque antique à celle classique puis à l’époque moderne. En réalité, Loos ne condamne pas l’utilisation pure et dure de l’ornementation, mais il conclut suite à ses recherches que l’architecture moderne n’est plus dans la capacité ni le besoin de créer de l’ornemental. Il appartient au passé, et « il n’est pas possible de le faire renaître. » 21 « L’évolution de la culture va dans le sens de l’expulsion de l’ornement hors de l’objet d’usage (…) la grandeur de notre temps vient de ce qu’il n’est pas en mesure de produire un nouvel ornement. Nous avons dépassé l’ornement, nous nous sommes élevés jusqu’au point où nous pouvons nous passer d’ornement. »22 « Je n’ai jamais pensé que l’ornement devait être systématiquement aboli. Ce n’est que là ou l’action du temps l’a fait disparaître qu’il n’est pas possible de le faire renaître. » 23 Non, si l’on s’en tient au raisonnement d’Auguste Perret (1874-1954), « il n’y pas de détail dans la construction » 24. Cette remarque semblerait davantage d’actualité et pertinente. Gregotti en déduit quelques remarques concises : 28
« [il] suggère la manière dont le détail architectonique pourrait être combiné aux formes typiques traditionnelles, modifiées en fonction des besoins d’aujourd’hui, mais libérées de toute nouveauté gratuite (…) Gregotti maintient que le détail ne devrait jamais être vu comme un moyen technique insignifiant par le biais duquel une œuvre viendrait à être réalisée. Le potentiel tectonique de tout bâtiment réside dans sa capacité à articuler simultanément les aspects poétique et cognitif de sa substance. » 25 2. La voûte Catalane La voûte catalane de part son appelation, indique son lieu d’origine : la communauté autonome Catalane en Espagne. Néée au XVIIe siècle, mais dont les origines remontent à l’empire romain sous lequel l’utilisation de la voûte en brique était courante (ce sont les Romains qui en sont les instigateurs), son processus constructif simple et économique la rend très intéressante. Les Romains ont initialement combiné l’utilisation de briques et de mortier, ancêtre du ciment et du béton, afin de créer des voûtes, arches et dômes. En effet, l’opus testaceum était un appareil de construction romaine entièrement fait de briques cuites. L’opus latericium était quand à lui identique au testaceum, à la différence près que les briques utilisées étaient crues. 26 Ces deux opus étaient largement utilisés à partir du 1er siècle après J-C dans l’Empire Romain, grâce à la 29
Paris
solidité et commodité qu’ils représentaient ; ils ont peu à peu remplacé les autres matériaux. Un des exemples majeurs aujourd’hui demeure celui du Marché de Trajan dans le Forum Romain à Rome, où la brique est le matériaux de construction principal. Egalement, la villa d’Hadrien à Tivoli (IIe siècle) fit usage de la brique dans la quasi totalité du projet (thermes, palais, théâtre).
Nice
CATALOGNE
Barcelone
Madrid
Lisbonne
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100
200
La voûte catalane, elle, conserve la brique et le mortier (ciment) mais les utilise d’une autre manière. Fig. 9 : plan de situation La brique se retrouve positionnée à l’horizontale et non plus à la verticale comme chez les Romains.
500km
Elle est élaborée grâce à l’assemblage de briques plates collées bord à bord sur leur petit coté, elles-mêmes solidarisées avec du plâtre ou du ciment prompt. Ce système est répété en superposition décalée à raison de deux ou trois couches, pour obtenir une épaisseur finale d’environ dix centimètres. Le fait que ce type de voûte ne nécessite aucun coffrage ni cintrage permet une construction rapide et peu onéreuse.27
Fig. 11
Fig. 14
Fig. 11 & 12 : schéma de la voûte catalane traditionnelle
Fig. 14 & 15: maison Jaoul
Le Corbusier choisit ce système de construction dans Fig. 10 : thermes de la villa les maisons Jaoul (1951), construites après-guerre à d’Hadrien, IIe siècle Paris et donc dans un contexte de crise financière ; l’enjeu était de construire vite et pas cher. 28 D’autre part, l’espace créé sous la voûte catalane, comme sous les voûtes en berceau surbaissées (une voûte est dite surbaissée lorsque sa hauteur est inférieure à la moitié de sa largeur), procure 30
Fig. 13 : opus testaceum
Fig. 16 : coupe de la maison Jaoul
directement une sensation étonnante de protection et d’intimité. Elle fut notamment utilisée par Antoni Gaudi (1852-1926) à Barcelone, maître de Josep Lluis Sert (qui ne l’a pa connu mais dont l’enseignement l’a beaucoup influencé).J.L Sert va choisir ce procédé constructif qu’il va réinterpréter et décliner dans le projet de la Fondation Maeght sous différentes formes et fonctions. Toutefois, Loos insiste sur le fait que la tradition, dont il fait sa « théorie », « doit se faire en parallèle avec une attention constante à son époque, aux nouveaux besoins, et à l’identification de nouvelles techniques qui justifient l’emploi de nouvelles formes. » 29 Les techniques doivent ainsi être directement reliées à l’utilisation de nouvelles formes - la forme suit la fonction donc, mais pas seulement : la forme suggère l’utilisation de matériaux spécifiques, et induit une ou des fonctions. Un tout cohérent. Si l’on souhaite s’inspirer d’une colonne, il est fondamental d’en comprendre les intérêts et les besoins qui en sont à l’origine. Les aspects structurel, fonctionnel et émotionnel sont donc forcément liés. C’est exactement ce que Louis Kahn expliquera lorsqu’il personnifiera la voûte dans son cours donné en 1971 : « Vous dites à la brique « Que veux-tu, brique ? » et la brique vous répond « J’aimerais une arche. » Et vous dites « Ecoute, je veux une arche aussi, mais les arches coûtent cher et je peux utiliser un linteau en béton. » Et ensuite vous dites « Que penses-tu Fig. 17 : une arche, Institut de ça, brique ? » La brique dit : « J’aimerais une Indien de Management, d’Ahme- arche. » Et c’est important, vous voyez, d’honnorer dabad, Louis I.Kahn, le matériaux que vous utilisez… vous ne pouvez le 31
faire seulement si vous honnorez la brique et que vous glorifiez la brique au lieu de la tromper. » 30 Car « il ne serait permis de modifier la tradition que lorsque cette modification équivaut à une amélioration. Et c’est là que les inventions nouvelles font de grandes brèches dans la construction traditionnelle. » 31 Une réutilisation inédéquate des éléments formels traditionnels serait le « problème » des constructions les plus récentes, d’après Loos. Les « grandes brèches » nous renvoient à Hannah Arendt et le fait de considérer les temps révolus, du présent dans lequel nous devons vivre, au futur à envisager, et finalement de notre position dans la « brèche », dans un entre-deux indéterminé. Nous nous situons ainsi dans un intervalle, une transition, entre tradition morte (qui n’est plus créatrice elle-même), mai qui recèle de mystères et richesses et témoigne d’un futur inconnu « Il se pourrait qu’aujourd’hui seulement le passé s’ouvre à nous avec une fraîcheur inattendue et nous dise des choses pour lesquelles personne encore n’a eu d’oreilles. » 32 Cette brèche pourrait être définie par une absence de liaison cohérente, un trait d’union mal réalisé entre le passé et le présent. La réinterprétation est en question: comment la réaliser ? Si la fonction commune de la colonne et de la voûte est structurelle, voire symbolique par leur monumentalité, et leurs ornementations secondaires (pour la colonne), comment les réinterpréter ?
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3. Deux réinterprétations singulières Mansilla + Tuñón est une agence madrilène dirigée par Luis Mansilla et Emilio Tuñón depuis 1992. Leur enseignement, à travers leur maître, Rafael Moneo, joua un rôle déterminant dans leur pratique : en effet, celle-ci était basée sur l’analyse de ce qui a été fait avant, en étant connectés à une certaine pratique conservatrice accompagnée toutefois d’un apprentissage de l’écoute et de la flexibilité au sein du projet. Un double rapport donc, représenté par la pratique individuelle du métier, et une rigueur et un respect vis à vis des ainés. Ils fondèrent en 1993 la revue Circo, mêlant articles théoriques architecturaux, philosophiques voire scientifiques. Leurs réalisations s’étendent au programme du musée jusqu’à des réhabilitations, souvent dans des sites historiques, où le travail sur l’existant et la mémoire est tient une place centrale. Ils évoquent eux-mêmes leur volonté de « travailler à la rédéfinition, avec l’existant », de faire « Une architecture qui tente d’établir une continuité naturelle avec la tradition moderne. » 33 Luis Mansilla disparut en 2012, Emilio Tuñón continua ainsi son activité et renomma l’agence Tuñón Arquitectos. Le musée des Collections Royales a été achevée fin 2016, après 14 ans de projets et travaux. Sa véritable « commande » remonte cependant à 1936, fin de la guerre Civile espagnole, où le besoin d’un musée pour accueillir les collections d’art de la famille royale se faisait déjà ressentir. Ce projet a pour particularité de se situer entre le palais Royal datant du milieu du XVIIIe siècle, et la Cathédrale 33
de la Almudena, datant du XXe siècle, mais surtout sur les ruines de fortifications arabes et du premier village maure, origines de la ville de Madrid. Un passé et une histoire extrêmement riches donc.34 Leur manière de travailler s’inscrit donc davantage dans une continuité moderne plus « universelle » et abstraite que celle de Sert (ils sont originaires de Madrid), qui lui cherchera plus à s’inscrire dans des traditions locales, notamment celles catalanes. Josep Lluis Sert (1902-1983) est considéré comme l’architecte catalan le plus influent de la période moderne. Un des membres fondateur du GATEPAC (Groupe d’architectes et techniciens catalans pour le progrès et l’architecture contemporaine) en 1931, il participe aux CIAM qu’il présidera pendant neuf ans. En faisant ses classes chez Le Corbusier, il retint notamment de son maître l’usage du béton et le dialogue que pouvait établir l’architecture avec les arts plastiques.35 Initialement, Sert aspirait à devenir artiste peintre (son oncle était José Maria Sert, muraliste renommé), il devint architecte et noua des liens très étroits avec les plus grands artistes, en particulier surréalistes, de son époque : Miró, Chagall, Matisse, Braque, Bonnard, Giacometti… Tous se retrouvèrent à Saint-Paul lorsqu’il fallut réfléchir à la construction de la fondation Maeght, commandé par Aimé Maeght, galeriste parisien éminent. Deux ans après la mort de leur fils cadet en 1953, Aimé et Marguerite entreprennent un voyage aux Etats-Unis pour découvrir des fondations d’art. Ils rencontrent à Harvard Josep Lluis Sert dont ils connaissaient le travail à travers l’atelier de Miró à Mallorque : la lumière abondante de la Méditerrannée, les couleurs 34
PLANS DE SITUATION
Saint Paul de Vence
Nice
Fondation Maegth St Paul de Vence
Fig. 18 : Vue aérienne, Saint-Paul-de-Vence / Nice
Fig. 19 : Plan de situation, Fondation Maeght
Madrid PALAIS ROYAL
CAMPO DEL MORO Palais Royal
Fig. 20 : Vue aérienne, Madrid
FLEUVE MANZANARES
CATHEDRALE DE LA ALMUDENA
Fig. 21 : Plan de situation, CCRR.
OPERA
Musée des Collections Royales Madrid
PLAZA MAYOR
primaires et le béton étaient les outils que Sert allait réutiliser à Saint-Paul-de-Vence. L’enjeu était aussi pour Sert de travailler dans un site extrêment arboré, vierge, et dominant la baie de Nice, un peu comme sur une acropole. Fig.22:schéma d’une acropole
Fig. 23 : galerie des peintures, CCRR
Fig. 24 : ordre Toscan, Vignole
Les deux bâtiments choisis pour illustrer nos propos sont l’extension du Musée des Collections Royales (CCRR) de Luis Mansilla + Tuñón, et Fondation Maeght de Josep Lluis Sert(1960-1964). Tout deux traitent évidemment de la tradition en architecture : d’un coté, Mansilla + Tuñón vont réinterpréter la colonne, comme évoquée précédemment, de l’autre, J.L Sert va réinterpréter la voûte catalane, mais aussi les archétypes architecturaux méditerranéens. Nous verrons comment elles ont été réalisées dans la seconde partie. a. La colonne chez Mansilla + Tuñón L’extension du Musée de la Collection Royale s’insère dans un site extrêmement riche et complexe, qu’elle vient délimiter et révéler. En prenant comme objet de recherche la colonne, Mansilla + Tuñón vont les décliner, les sculpter. Le projet, à travers son traitement de façade « s’inspire de deux modèles formels superposés, l’un moderne et l’autre traditionnel, qui ne luttent pas mais qui collaborent. L’un est l’art minimal, en référence à Donald Judd. L’autre est l’ordre classique dorique, ou mieux encore, toscan, l’ordre le plus simple (...)Les multiples couches de péristyles induisent des séquences plurielles et laissent passer la lumière tout en retenant le regard telles les colonnades antiques. » 36 35
b. La voûte catalane chez Sert Sert va réinterpréter la voûte catalane dans le sens où sa mise en œuvre ne sera pas la même, ses fonctions (structurelle ou symbolique) et ses formes seront également interprétées. Ce sera en béton que Sert choisira de construire les voûtes, de diamètres et rayons de courbure variables selon leur fonction 37. Fig. 25 : ruines archéologiques, Elles permettront, dans la majorité des cas, le CCRR support des toitures (sa fonction originelle sera donc préservée). Ces deux bâtiments sont ainsi destinés à accueillir des œuvres d’art. Leur architecture a donc pour fonction première de montrer, et de par cette fonction, le retrait de l’architecture en tant que telle parait être la solution la plus juste à adopter. Les réinterprétations de chaque éléments cités vont contribuer à cette idée là. Hegel dans son troisième volume sur l’Esthétique 38 aborde le sujet de l’architecture. Il différencie celle qu’il nomme indépendante ou symbolique, et celle utilitaire. Les temples égyptiens selon lui, ont pour but ultime de provoquer l’étonnement, par le colossal de leurs dimensions et de leur masse. Nous pouvons constater que ces deux catégories aujourd’hui ne sont pas aussi distinctes que ce que Hegel pouvait en dire au XIXe siècle. En effet, le CCRR semble apparaitre à la fois comme une sculpture monumentale à l’échelle de la ville, à travers de laquelle le parcours du visiteur serait ressenti comme une progression dans l’histoire de Madrid, une 36
Fig. 26 : vue du Palais Royal, la Cathédrale et le CCRR
Fig. 27 : l’Erechtéion, acropole d’Athènes
Fig. 28 : Le Parthénon et la proportion du nombre d’or
Fig.29 : croquis de J.L à St-Paul-de-Vence
Fig.30 : schéma impluvium/ciel
Fondation Marguerite et Aimé Maeght
Fig. 31 : logo de la Fondation STRUCTURE PORTEUSE
DISPOSITIF LUMINEUX
DISPOSITIF SYMBOLIQUE ET FONCTIONNEL
Fig. 32 : schéma des différentes interprétations de la voûte
progression en s’enfonçant dans un palimpseste. Une déambulation sensorielle, un rapport à la matière très présent, le rythme et la lumière, sont autant de thèmes travaillés par les architectes à travers cet édifice qui nous rapprochent, sur ce point là, de Hegel: « C’est sur le support que se concentre la pesanteur, le poids d’un corps dans son centre de gravité, et c’est ce support qui le maintient droit et l’empêche de tomber. La colonne remplit justement cet office, et cela avec un minimum de moyens extérieurs. Plusieurs colonnes peuvent sous ce rapport rendre le même service qu’un mur, qui demande un déploiement de moyens extérieurs considérables, et ce qui fait la beauté de l’architecture classique, c’est qu’elle n’a jamais employée plus de colonnes qu’il n’en fallait pour supporter un poids donné de poutre et de ce qui reposait sur elles. Dans l’architecture proprement dite, les colonnes, en tant qu’ornement, ne constituent pas un élément de beauté et une colonne qui n’existe que pour elle-même ne remplit pas son 39 office. » Même si le juste nécessaire n’est surement pas ce qui est mis en avant à travers le musée (il y a surement plus de point porteurs que nécessaire), cette idée du dépassement de simple rôle fonctionnel est bel et bien atteinte. Egalement, les voûtes transformées en impluviums dans la fondation Maeght peuvent être à la fois perçues comme fonctionnelles et symboliques, mais aussi purement poétiques.
37
II. Contextes traditions
et
réinterprétation
38
des
Dans cette deuxième partie, nous souhaitons montrer comment les éléments architecturaux qui existent depuis « toujours », la colonne et la voûte, qui ont pu être réinterprétés à travers le temps et l’espace, peuvent encore avoir cette capacité de faire parler les contextes dans lesquels elles s’inscrivent. Nous nous appuierons pour ce faire sur le corpus. Comment faire la transition entre une forme architectonique et le lieu dans lequel elle s’insère? « De par leur agencement implacablement cohérent, les édifices classiques expriment une indifférence, voire une hostilité à leur environnement. »40
1. Les recherches et le travail respectifs de Mansilla + Tuñón et Sert a. Mansilla + Tuñón Ici le projet possède des caractéristiques singulières. En effet, il ne se situe pas sur l’acropole Madrilène, mais en bordure de celle-ci, dans son prolongement : le socle sur lequel repose la Cathédrale et le Palais possède une épaisseur de 24m, le projet vient alors jouer le rôle de plinthe, de mur de soutènement habité, puisqu’il se trouve en position verticale et latérale. De plus, il y a les traces et l’existant qui forment un élément majeur, ce déjà-là qui constitue la base même de leur projet. Toutes les décisions (ou presque) sont prises en rapport avec cet existant qui se constitue de deux parties : le palais Royal et la Cathédrale de la Almudena (tout deux sur un piédestal monumental à la limite duquel le nouveau projet 39
vient se greffer), puis les ruines archéologiques, enterrées et invisibles depuis la place, qui sont rattachées au nouveau projet. Ce voisinage est d’une importance extrême. En effet, le palais est considéré par les espagnols comme leur Chateau de Versailles. C’est au début du XVIIIe siècle que le renommé Filippo Juvarra (star-chitecte de l’époque) est contacté par le prince pour dessiner un palais royal. Après deux ans de discussions, Juvarra décède. Un de ses disciples, Giovanni Battista Sachetti, plus pragmatique, fut alors contacté à son tour et choisit de construire le palais à son emplacement actuel, sur le piedestal, haut de quelques trente mètres, surplombant le Campo Del Moro, de 1736 à 1785.41 La colonne Mansilla + Tuñón signent « un bâtiment lourd et léger à la fois, qui fait référence au temps qui passe avec les vieilles pierres du Palais Royal, avec la construction simple et compacte dans laquelle une flexibilité maximale coexiste avec un ordre rigoureux, imposé par son caractère structurel intense. » 42 Plus long qu’épais, il mesure environ 20m de large sur 150m de long, et ses colonnades déroulées sur son long coté évoque une rigueur et un rythme très marqué. Autant de vides que de pleins. Les outils essentiels de la discipline sont traités dans ce projet : plein/vide, grande dimension, celle plus réduite, répétition, série, unité, volume, proportions.
40
Les matériaux employés sont eux aussi extrêmement lourds, à la fois de poids et de sens. Du béton est utilisé pour construire le mur de soutènement (le “vrai”, l’infrastructure, celui qui est invisible par les visiteurs mais qui est bien présent et essentiel dans l’élaboration du projet, puisqu’il vient contenir le dénivelé de trente mètres). Face à ce contexte proche très présent, la position prise par les architectes a été celle de « retirer plutôt que d’ajouter » 43 Retirer tout ce qui aurait pu être superflu, anecdotique, se débarrasser de l’ornementation du palais pour finalement n’obtenir que l’essence de son architecture : structure, proportion et rythme. C’est donc en utilisant le vocabulaire formel des temples grecs (péristyle, colonne, linteau) propice également à la localisation du projet qui se trouve être finalement en situation dominante, rattachée un à une acropole, que le projet prend son sens. « Les multiples couches de péristyles induisent des séquences plurielles et laissent passer la lumière tout en retenant le regard telles les colonnades antiques. » 44 Du béton est encore utilisé pour couler le reste des éléments internes du musée, en particulier l’association poteaux + poutres, qui deviennent des portiques. Le travail de façade entièrement constituée de colonnes est extrêmement intéressant dans le cas du musée. En effet, nous pouvons voir que chaque étage possède sa propre façade (en réalité il existe deux types de traitements alternés les uns au-dessus des autres). 41
En effet, au rez-de-chaussée (+640m), deux rangées de colonnes sont disposées l’une derrière l’autre. L’auditorium, situé juste au-dessus, possède le même traitement (puisqu’il est en double hauteur). Au niveau inférieur (dix mètres en dessous du rez-de-chaussée), celui qui accueillera des tapisseries, les deux rangées de colonnes sont identiques mais disposées en quinconce. Par la suite, les deux derniers niveaux, celles des peintures et celles des carrosses, sont un superposition des deux types de colonnes : pour la partie basse, deux colonnes alignées, puis deux colonnes en quiconces. Puis vient enfin le granit. Celui-ci, de la même teinte que celui utilisé dans la Cathédrale de la Almudena et au Palais Royal, va venir être rajouté en plaquage au niveau de la façade du musée, soit autour de chaque poteau-colonne. Il va également être utilisé ponctuellement dans le musée (rampe, revêtement de sol…etc) Cette alternance de rythme de colonnes va ainsi créer une dynamique, de même que les variations de hauteurs sous plafond qui se traduisent en façade. Les jeux d’ombres et de lumières, accentués par l’orientation plein Ouest du bâtiment et donc de cette façadecolonnade, vont produire des atmosphères singulières aux espaces intérieurs. Le parcours La surprise se retrouve lorsque l’on s’approche du musée : il ne se laisse pas appréhender facilement, on le découvre progressivement et presque par hasard, après s’être aventuré au-delà de la Cathédrale. Puis 42
DOUBLESDEPLIANTS
Palais Royal
Cathédrale de la Almudena Musée des Collections Royales
3 2
4 4
Fig. 38 : photographie pendant le chantier, façade Ouest
30m
1
Fig. 33 : axonométrie 3
1
2
Fig. 39 : photographie personnelle, façade Ouest
+644.40m auditorium +640.23m entrée
Fig. 40 : Elevation Ouest
Fig. 41 & 42 : Photos du chantier : mur de soutènement
0 5 10
20
pose des pièces de granit sur les colonnes en béton
+630.27m
tapisseries
+623.55m
peintures
+616.19m
carrosses
50m
4e. Zones techniques et installations mécnaiques
3e. Façade + toiture 2e. Structure
1er. Mur de soutènement - paroi berlinoise
Fig. 43 : Phases de construction du bâtiment en fonction des différentes parties du projet
1. couverture
: tuile plate de fonte d’aluminium, dim. : 100x50m + double treilli de poutres, tube d’aciers galvanisés attachés à des résines polyester et fibre de verre, finition peinture type gel coat + mortier de protection + imperméabilisation homologuée de pvc avec couche étanche anti-perforation et séparatrice + mortier de suspens + chappe de compressiond + chambre ventilée + 10cm d’isolement rigide type foamglas + géotextile + pare-vapeur + feuille imperméabilisante de résine et polyester + béton rampant + dalle
2. fenêtre
en acier galvanisé type Jansen couleur blanc texturé, avec contre-fenêtres intérieures en bois de chêne. Vitrage basse emissivité Climalit (47mm). Ferrure d’acier inox (6mm)
collé
vestibule (entrée) vestibule (entrée)
entrée entrée
salle des tapisseries salle des tapisseries
salle des tapisseries salle des tapisseries
3. pièces
en U de granit gris de 40cm d’épaisseur, dimensions approximatives : 200x100x100cm. Finition : bouchardage fin
4. plaque granit
de
plomb
soutenant
les
pièces
de
allège en granit gris, avec finition de façade en fonte d’aluminium + imperméabilisation de résine et polyester, finition type gel coat + mortier rampant. Bouchardage fin 6. Double store motorisé en textile
5.
7. Isolement rigide de verre cellulaire type Foamglas.
vestibule (entrée)
entrée
vestibule (entrée)
8. Plaque de fonte d’aluminium accrochée aux entrée tubes d’acier galvanisé.
salle des tapisseries salle des tapisseries
salle des tapisseries salle des tapisseries
9. Béton
blanc apparent banché. Traitement anti-poussière type Keim Concretal.
6.
Double store motorisé en textile
Fig.44 : Détail type de la façade Ouest, différents composants salle des tapisseries vestibule (entrée)
vestibule (entrée)
entrée entrée
salle des tapisseries
salle des tapisseries salle des tapisseries
salle des peintures
salle des et etpeintures carrosses salle des peintures carrosses salle des et etpeintures carrosses carrosses
salle des peintures salle des et etpeintures carrosses carrosses salle des peintures salle des et etpeintures carrosses carrosses
sa sall ca salle de carross
34m 0
20
50m
Fig. 48 : schéma du parcours descendant Fig. 49 : Joseph Beuys, Iphigenie Vitrine 19611985, Mario Gastinger Fig. 50 : collage du concours, Le Corbusier, J. Beuys
le parcours dans les entrailles de la ville peut commencer. « un plongeon vertical dans les profondeurs terrestres, illustrant l’image du subconscient freudien et son système de strate allégorique. On pénètre dans la Cornisa (corniche), l’histoire de la ville ellemême, les couches temporelles de la mémoire qui se sont établies et ont été compressées, condensées dans cette place symbolique. Entrer signifie descendre. Ceux qui pensent ce parcours comme une promenade typique de le Corbusier se trompent. Tandis que les classiques et les romantiques alternaient l’image de la caverne et celle de la cabane dans les origines mythologiques de l’architecture, le premier est sans doute la référence ici (la caverne). Ce n’est pas un voyage dans l’air et l’espace, célébré par la transparence de l’architecture moderne, mais un voyage vers l’intérieur, vers ce qui est profondément à l’intérieur. Cette fois-ci, la présence de Joseph Beuys sur les images de rendu est prophétique et significative, alors que celle de la Corbusier est elle, une fausse piste. La descente interne est plus proche du mécanisme allégorique de Beuys que de l’optimisme moderne de le Corbusier. » 45 Emilio Tuñón fait ouvertement référence à des concepts philosophique et artistique dans ses discours ; on note celle de la caverne de Platon, celle à Joseph Beuys (situé à droite sur le collage ci-contre), pour qui l’art et la vie ne devaient faire qu’un, lui qui traitaient à travers ses vitrines de l’objet quotidien banal. C’est d’ailleurs ces œuvres qui ont inspiré Mansilla + Tuñón, de par la réflexion sur ces futurs objets qui seront exposés dans le musée, 43
CATHEDRALE
PLACE DE LA ALMUDENA
MUSEE DES ARMES
Fig. 51 : RDC - entrée +640.23 m
NTREE, +640 M
44
Fig. 52 : R-1 - salle des tapisseries +630.27 m -1 SALLE DES TAPISSERIES +630 M
N-
45
Fig. 53 : R-2 - salle des peintures +623.55 m -2 SALLE DES PEINTURES +623.55 M
46
Fig. 54 : R-3 - salle des carrosses +616.19 m
-3 SALLE DES CARROSSES +616.19 M
47
Fig.55 : R-4 - stockages +608.19 m 48
0
5 10
20
50m
objets de la famille royale mais qui demeurent des objets du quotidien, disposés derrière une vitrine : ou se situe la limite entre l’art et la vie ? Beuys aimait soutenir que nous étions « tous des artistes » dans ce sens où l’art à travers la pensée et la mise en scène, peut être de partout. « L’art c’est la vie, et la vie c’est l’art. » 46
Fig. 56 : collage du concours, Mansilla+Tuñon
b. Sert J. L. Sert dans la fondation Maeght, va travailler à l’interprétation d’un vocabulaire architectural local, celui de la région Méditerranéenne, à travers la voûte catalane, mais aussi la place publique, le patio et la dimension politique et sociale qui en ressortent. L’usage de matériaux à la fois locaux et universels (la brique, la terre cuite et le béton) vont générer une unité du projet qui va s’insérer dans un site sauvage et spectaculaire, surplombant la baie de Nice. Une interprétation poétique se trouve être tout à fait appropriée à la fondation, lieu de rencontre entre tous les arts et de partage entre tous les artistes. La voûte catalane réinterprétée Le procédé constructif de la fondation repose sur l’utilisation de la voûte déclinée sous plusieurs aspects. Celle structurelle, la voûte en berceau, va supporter une grande partie des toitures, elle sera visible dans les salles d’exposition telles que la salle Braque, Miró, celle de la Mairie, ou encore dans la Chapelle Saint Bernard. 49
205
296
183
320
Fig. 58 : photographie personnelle d’une coupe de la chapelle,J.L Sert, Juin 1960 (archive Fondation Maeght)
Sur cette coupe, nous voyons que la voûte soutient l’espace tampon de la chapelle qui est l’espace de transition avec d’accéder à la pièce centrale où se trouve le crucifix. Véritable symbole du village, la chapelle symbolise le point d’orgue de la Fondation, le dernier élément (ou le premier, dans le parcours). 51
Ces voûtes seront coulées en béton (avec des banches de bois dont les négatifs sont bien visibles). Celle fonctionnelle, qui va jouer le rôle de sheds : des demi-voûtes de béton vont apporter une lumière zénithale naturelle dans les salles d’exposition, et éclairer indirectement les œuvres.
STRUCTURE PORTEUSE
DISPOSITIF LUMINEUX
DISPOSITIF SYMBOLIQUE ET FONCTIONNEL
Fig. 59 : schéma des différentes interprétations de la voûte
Celle symbolique, utilisée sous forme d’impluvium. Positionnées sur les toitures de la fondation, elles vont dessiner sa silhouette et en devenir le symbole même ; à travers celle forme ouverte, recueillant les eaux de pluie, elle parle d’un lieu qui rejoint « les mains errantes de la nature » pour réaliser « l’échange entre le ciel et la terre (…) ces bleus, ces bleus là-bas sous les pins ». 47 Elle apparaît alors commme symbolique avant tout, mais aussi fonctionnelle. Les impluviums ainsi que les demi-voûtes vont être recouverts, à l’extérieur, d’un revêtement blanc appelé le cocoon 48 qui est un revêtement élastique appartenant à la famille des élastomères assurant l’étanchéité. Il va permettre de laisser les nervures des banches de bois visibles. A l’intérieur, une peinture blanche suffira à obtenir la finition désirée. L’utilisation de ce blanc immaculé va générer une lecture unitaire des éléments hauts, tournés vers le ciel, qui gagnent de ce fait en légèreté, s’opposant ainsi à leur lourdeur intrinsèque.
52
Fig. 61 : Plan du rez-de-chaussĂŠe de la Fondation - 1/1000e 54
Fig. 62 : ElĂŠvation Nord de la salle de la Mairie
Fig. 63 : ElĂŠvation Est de la Fondation 55
ANGLES SOLAIRES
HIVER
22 DECEMBRE
PRINTEMPS
21 MARS
ETE
22 JUIN
Fig. 64 et 65 : « Etudes solaires» datant du 14 juillet 1959, J.L Sert, annotées personnellement 57
Fig. 66 : Coupe transversale sur la salle de la Mairie
58
Fig. 67 et 68 : Coupe sur la salle Giacometti, annotée par J.L Sert en rouge ; on remarque les différents rayons de courbure au niveau de la deuxième demi-voûte ; annotée personellement. 60
Le mur et la brique Selon H. Maldiney 49, l’épaisseur des murs est de 28cm et regroupe deux épaisseurs de briques séparées par un vide de dimensions identiques (environ 3 x 9cm), dans le but de réduire au minimum les courants de convection. Cependant, nous pouvons voir sur des photos prises lors du chantier, ainsi que sur les plans d’origine de la fondation, que les murs sont constitués d’un assemblage de béton et de briques plaquées. Aucun vide n’est visible en plan sur les dessins de Sert… peut-être était-ce une volonté de départ qui ne s’est pas concrétisée ? 42
Par ailleurs, il est précisé, par H. Maldiney également, que les briques utilisées reprennent les mêmes dimensions que celles utilisées dans le Villa d’Hadrien, pour des raisons aussi bien esthétique que technique. Il semblerait que ces dimensions inhabituelles, 5x19x7cm, soient optimales. Les spatialités et le programme La fondation s’organise par agrégation de pièces toutes communicantes entres elles. Elles peuvent donner sur le patio (nommé cloître par Sert), ou bien des bassins, ou simplement emmurée, et suivent la topographie du site, tout autour du cloître. Cependant, la toiture ne suit pas ces variations et reste au même niveau : une ligne droite vient révéler les déformations du sol. « Sert décrivait comment : « à travers les siècles, les gens se sont rassemblés sur les places de village, les places de marché, les promenades. Plus récemment, les gares ferroviaires, les terminaux de bus, et même 61
les pistes d’atterrissage sont devenus des lieux de rassemblement.Les gens se rendent dans ces endroits pour voir et être vus, pour rencontrer des amis et des fiancés, pour faire de nouvelles connaissances, pour discuter de politique, de sports, pour raconter leur vie, leurs amours et leurs aventures, ou pour commenter celles des autres. » Même Aimé Maeght, en décrivant l’idée de la fondation d’art comme une communauté d’artistes, avant-gardiste, interdisciplinaire, travaillant en collaboration, utilisa le terme « phalanstère ». » 50 Les termes d’agora, de village, de foyer, renvoient à la cité grecque, où les idées de partage, de rassemblement et de démocratie sont sous-jacentes. C’était le pari de Sert et Aimé Maeght que de réaliser ce projet ambitieux, où les artistes pourraient travailler ensemble, séjourner à la fondation et échanger entre eux. En plus d’accueillir des artistes dans les ateliers sur plusieurs jours, l’idée était également de pouvoir faire visiter les lieux à des étudiants et artistes intéressés (chose qui n’a pas vraiment été réalisée). « L’architecture doit mettre la prose fonctionnelle de l’espace en état de fonctionnement poétique, pour que l’homme de chaque jour habite poétiquement sur la terre. Cette fondation a une fonction précise. Son projet culturel centré sur le « spirituel de l’art » exige qu’elle soit une agora, où l’on puisse communiquer réellement avec les œuvres. Qu’elles qu’en soient l’extension future et la disposition ultérieure de ce « village », avec ses maisons de l’écrivain, du sculpteur, du peintre, du musicien, de l’architecte, le musée en restera le foyer. » 51 62
PLAN+PHOTOS
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2. D’autres perspectives a. Déplacements de concepts d’après A. Colquhoun D’après Colquhoun 52, Le Corbusier établit de nouvelles règles d’architecture, les cinq points, en partant de la « pratique existante pour l’inverser » : les pilotis sont un dérivé du podium classique retourné, la fenêtre en longueur prend son origine dans l’édicule classique, qui se voit être renversé, le toit terrasse est une opposition au toit en pente, qui remplace une pièce mansardée par une pièce en plein air. Selon lui, dans l’œuvre de Le Corbusier, la nouvelle pratique ne peut être entièrement comprise que si on se réfère à l’ancienne. Plus généralement, c’est un constat que nous pouvons étendre à la discipline architecturale, en particulier depuis les Modernes, et aux cas d’étude choisis ici. A. Colquhoun dira : « le déplacement des concepts décrit un processus de réinterprétation » 53: l’innovation par l’adaptation et l’interprétation d’éléments existants qui prennent plusieurs formes : 1. la transformation des éléments de la haute tradition, par des conditions différentes à leur utilisation normale. Par exemple, la fenêtre en longueur conserve la fenêtre traditionnelle isolée tout en la transformant à travers son étirement horizontal, 2. l’assimilation d’éléments architecturaux traditionnels extérieurs à la grande architecture, à l’architecture et attribution d’une signification symbolique qu’ils ne possédaient pas jusque là. 63
Dans le musée de Mansilla + Tuñón, le mur devient colonne, la fenêtre devient le vide intersticiel. Si l’on essaie de classifier nos deux cas d’étude en suivant les critères de Colquhoun, on pourrait dire que Mansilla + Tuñón transforment la colonne et la poutre pour leur donner une autre signification, générer une nouvelle pratique de l’espace qu’elles engendrent, procurer des émotions différentes : laisser rentrer la lumière, la fragmenter et générer une émotion à travers leur monumentalité et leur abstraction, grâce au rythme induit par la répétition des éléments de plein et de vide équivalents. Elles viennent de plus créer une carapace à l’intérieur de laquelle est enfoui le projet. Mansilla + Tuñón parlent du matériau « temps » comme un élément fondamental dans la conception de leurs projets, et plus particulièrement lors dans l’élaboration du CCRR. « nous avons tenté d’établir un dialogue équilibré avec d’un coté le contexte, et de l’autre avec le modèle typologique du Musée des Collections Royales qui fait référence au musée type linéaire avec un itinéraire descendant, typique des musées urbains modernes. (…) En harmonie avec ce type de musée, le chemin débute par le haut jusqu’en bas, descendant 3 niveaux d’espaces d’exposition qui contiennent diverses collections, en suivant un ordre descendant correspondant, tandis que les ruines archéologiques existantes sont intégrées dans le contexte comme un nouvel espace, connecté à l’ensemble comme une grande urne qui contient et conserve un fragment de la mémoire de Madrid, laissant les restes visibles par d’autres dans le passé, visible encore aujourd’hui. » 54
Fig. 74 : plan-coupe
Fig. 75 : ruines archéologiques
Fig. 76 : colonnades 64
A Saint-Paul-de-Vence, c’est avec l’utilisation inédite des voûtes retournées que Sert va assimiler cet élément à l’architecture et lui attribuer un caractère symbolique : celui de l’impluvium. b. Contributions de Le Corbusier et L. Barragán Un autre exemple, celui de l’impluvium du Palais de l’Assemblée à Chandigarh (1953-1961) semble ici à propos. Le Corbusier s’intéressa durant toute sa vie aux cultures locales et aux traditions comme nous avons pu le voir plus haut avec Colquhoun. Lorsqu’il fut appelé à construire à Chandigarh, son interprétation des traditions locales fut remarquée : il réinventa une toiture en assimilant l’impluvium, recueillant les eaux de pluie, à une toiture/gouttière monumentale. Entre architecture symbolique, qui a première vue n’aurait pas d’autre fonction que sa présence propre (Hegel), et architecture utilitaire, Le Corbusier se positionne au milieu et joue avec les éléments. Comme il l’avait fait auparavant avec ses unités d’habitation, en positionnant des éléments sculpturaux mais fonctionnels sur leur toitterrasse, J.L. Sert se rapproche de son écriture en empruntant quasiment tel quel l’objet de l’impluvium à son maître.
Palais de l’Assemblée à Chandigarh, Le Corbusier, Fig. 77 : photographie Fig. 78 : coupe et plan
Luis Barragán (1902-1988, grandit dans une hacienda dans la banlieue de Mexico. Ingénieur hydraulique de formation, mais architecte autodidacte, il apprit la profession par le biais de l’expérience directe et grâce à ses contacts avec les artisans et des critiques d’architecture. Depuis son enfance, son goût pour l’architecture traditionnelle est très prononcée : passant ses journées dans des ranches, affrontant la 65
chaleur et les couleurs qui l’entouraient, Barragán disait : « Mes souvenirs de la plus tendre enfance sont relatifs à un ranch que ma famille possédait prés du village de Mazamilla. C’était un village dans les collines formé de maisons avec des toits de tuiles rouges et d’immenses avant-toits pour se protéger des fortes pluies qui tombaient dans cette région. Même la couleur de la terre était intéressante parce que c’était de la terre rouge. Dans ce village, le système de distribution d’eau consistait en de grandes canalisations de bois en forme d’auges qui couraient à cinq mètres de hauteur au-dessus des toits, supportées par des supports en forme de fourches à trois branches. L’aqueduc passait sur la ville, alimentant les patios où il y avait de grandes fontaines de pierre pour recueillir l’eau. Les patios abritaient les étables où chevaux, vaches et poules se côtoyaient » 55. « Les souvenirs du ranch de mon père où j’ai passé enfance et adolescence sont sous-jacents dans mon travail. Mon oeuvre traduit toujours l’intention de transposer dans le monde contemporain la magie de ces lointains moments si chargés de nostalgie »56. Ce rapport à l’eau et à la terre sont dominants dans ses œuvres, notamment avec la Cuadra San Cristobal. La découverte de Ferdinand Bac lors de son voyage en Europe le marquera à jamais : il considèrera le jardin comme un espace magique pour le plaisir de la contemplation et comme lieu de rencontre, qu’il distillera et réinterprètera dans ses œuvres.
66
Nous pouvons ainsi dire que les souvenirs et l’émotion sont les catalyseurs du travail de Barragán. Sans toutefois glisser vers la nostalgie ou quelque sorte sorte de pastiche, les éléments eau terre et lumière sont conjugués de manière à en faire ressortir leurs caractères essentiels. « C’était l’«autre» tradition moderne comme Barragán l’entendait [à propos du Larkin Building de F.L. Wright], dans laquelle il a trouvé, comme Wright, que le nouveau était inséparable de l’ancien et que l’ancien devait être transformé par le nouveau.» 57 K. Frampton inclut Barragán dans le cercle des régionaliste-critiques, ce courant de pensée revendiquant un ancrage au lieu, qui nécessiterait une connaissance et une interprétation de ses traditions via l’architecture. Il dira : « on pourrait considérer Barragán comme un architecte du Modernisme Tardif qui passa à travers la haute modernité des avant-gardes Européennes de manière à émerger de l’autre coté, se révélant comme architecte engagé dans une «autre» modernité, dans laquelle les illusions du destin manifeste d’un progrès nécessairement libératif et techno-esthétique en sont venues à être remplacées par l’idée d’une architecture profonde, régionaliste critique, consacrée autant à la modernité qu’à la tradition et par-dessus tout explicitement concernée par la création d’une culture propre à son temps et son lieu. » 58 Dans cet extrait, Frampton fait probablement référence aux différentes périodes et styles adoptés par Barragán, avec tout d’abord, la construction de logements locatifs à Mexico dans les années 1940. Très 67
proche du style moderne international, utilisant un vocabulaire sobre, universel (facade libre, grandes ouvertures, géométrie très prononcée), Barragán produit une architecture moderne typique, que l’on pourrait confondre avec celle de Le Corbusier ou Mies van der Rohe, peu influencée par les traditions et cultures mexicaines. Ce n’est que quelques années plus tard que Barragán va s’intéresser de plus près à la culture mexicaine et son architecture « vernaculaire ». Dans son centre équestre construit en 1968 (la Cuadra San Cristobal), il démontre une connaissance et une utilisation de l’architecture traditionnelle mexicaine, principalement avec l’usage savant des couleurs qui prennent une importance telle qu’elles rivalisent avec les spatialité créées par l’architecture (profondeurs accentuées ou diminuées, effets d’optiques, rapprochement des plans, jeux de reflets, luminosité amplifiée…etc). Les éléments tels que l’eau, le soleil et la terre sont magnifiés par Barragán, dans ce projet les distances entre chaque éléments (écuries, maisons, bassins, aqueduc) génèrent une dynamique et des cadrages particulièrement intéressants.
Fig. 80 : vue de l’entrée de la maison Egerstrom
Fig. 81 : espace de parade du cheval
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20m
Fig. 79 : plan de la Cuadra San Cristobal
III. Réinventer ?
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« Etant donné que sa continuité transcende la mortalité (…) elle [l’architecture] n’est ni un art élevé ni une haute technologie. Dans la mesure où elle défie le temps, elle est anachronique par définition. Durée et durabilité sont ses valeurs suprêmes(…) elle n’a rien à voir avec l’immédiateté, et tout à voir avec l’indiscible. » 59 Chez Mansilla + Tuñón, la « tentative d’épuisement » 60 de la matière et du rythme nous renvoient aux phénomènes essentiels et aux sensations primitives en architecture ; mais « il ne serait permis de modifier Fig. 82 : photo de la maquette, la tradition que lorsque cette modification équivaut par Mansilla+Tuñon 61 à une amélioration. » Comment savoir si l’intervention architecturale réinterprétée sera ou non une amélioration ? L’expérimentation nécessite des maquettes, des dessins, des années de recherches. S’il est indispensable de créer un nouveau vocabulaire à partir d’un vocabulaire existant, il faut tenter de dépasser celui purement architectural. 1. La multidisciplinarité chez Mansilla + Tuñón et Sert « C’est seulement sur le chemin du retour au rezde-chaussée, vers la ville, lorsque nous entrons dans l’immense espace qu’enferme l’ascenseur - un autre espace de taille unique, capable d’accueillir 80 personnes - que nous nous souvenons (…) que pour Mansilla+Tuñón, la technologie est un jeu associé à la mobilité des choses et des personnes, ainsi qu’à la surprise. Et si l’architecture nous a accompagné tout au long du voyage interne du musée, la technologie invisible, comme la magie, nous transporte vers 70
Fig. 83 : projet CCRR présenté dans une valise/boîte
l’extérieur. Le Musée des Collections Royales est sans doute le projet le moins « objectuel » de Mansilla + Tuñón : sans façades, presque entièrement centré sur lui-même. Un symbole sur la terre et sur la mémoire, pas vraiment différent du Land Art. » 62 Toujours rattachée à des concepts essentiels en architecture, touchant à l’émotion (la fameuse « surprise », ou « l’étonnement » évoqué par Hegel), l’architecture de Mansilla + Tuñón transcende si l’on peut dire la tradition, en intégrant et en assimilant la technologie de manière raisonnée et pertinente. Fig.84
Fig.85
Fig.86
Le rapport aux différentes disciplines qui devient de plus en plus présent, notamment à l’art contemporain, le land art ou encore la philosophie, constitue un caractère majeur dans l’architecture du tandem espagnol. Le minimalisme de Judd, Freud ou encore Joseph Beuys les ont beaucoup influencés comme nous avons pu le voir plus haut. Donald Judd, aussi minimaliste et radical soit-il dans sa pratique, a été lui aussi réinterprété ! Paul Shore, artiste visuel, et Nicole Root, historienne de l’art, ont détourné, réinterprété le fameux Stack de Donald Judd (1967)fig.84. 63 Renommé Untitled (after Donald Judd), fig.85, mesurant environ 50x32cm (l’originale mesure environ 4,70x1m), fait de bonbons au caramel, l’œuvre tourne en dérision l’originale de Judd. Comme lui, ils vont arpenter les magasins de grossistes pour trouver le matériaux adéquats, produits en série, afin de créer leur œuvre. Ce sont des bonbons, eux aussi produits en masse, que l’on peut se procurer de partout dans le monde, comme le plexiglas, qui vont séduire P. Shore et N. 71
Root. Cette réinterprétation propose un nouveau point de vue sur l’art minimaliste. L’ensemble de l’œuvre de Shore et Root dérivent de leur utilisation du vernaculaire, ce qui touche aux fondements même d’une œuvre d’art : la matière et ce qu’elle transmet à ses observateurs. En ancrant cette œuvre Untitled (after Donald Judd) dans le quotidien, ils remettent en question et parodient la sculpture contemporaine et le hallo sacré qui s’est formé autour d’elle. Cette œuvre nous rappelle l’aspect éphémère de toute œuvre, qu’elle soit de sucre ou de béton ou de pierre, elle remet en cause les fondements de la création humaine. Sert de son coté a entretenu des rapports privilégiés avec les artistes exposés à la Fondation ; selon lui « le meilleur point de départ pour une intégration réelle de la peinture, de la sculpture et de l’architecture est l’entente profonde entre l’architecte et le peintre, le sculpteur ou le peintre-sculpteur. Cette entente suppose une communauté de vues, de fréquents échanges d’idées, une compréhension réciproque, une amitié.» 64 2. Exemple de la Palestra de Vacchini Le projet de Mansilla + Tuñón est comparé par certains à la Palestra de L. Vacchini (1995-1997), tant le langage est pur et essentiel : une structure la plus élémentaire qui soit, néanmoins pas simpliste, filtrant et découpant la vue et la lumière, supportant un toit. Une interprétation du temple classique, où le rôle structurel de la colonne est réinterrogée, questionnée, décortiquée. « Le regard de Vacchini sur le passé, comme celui de 72
Mies ou de Kahn avant lui, n’a rien d’historiciste, il n’en tire aucun mimétisme, ni même aucune citation. Il est aux antipodes des «néo-classicismes», du post modernisme ou du maniérisme moderne qui recyclent les images ou les formes spatiales du passé et les recomposent sur un plan que l’on pourrait qualifier de linguistique. Il écarte tout bavardage pour aller aux sources de l’invention véritable, aux questions essentielles de l’architecture, celles qui ont toujours été là mais qui doivent toujours être reposées à nouveau, comme si elles n’avaient encore jamais reçu de solution - faute de quoi il ne resterait que l’image des solutions occultant la question elle-même.» 65 L’exemple de la Palestra de Vacchini construite il y a tout juste 20 ans, et ce que Gadamer dit de Vacchini avant même la construction de la Palestra, résument finalement ce que l’on a souhaité démontrer : comment à partir d’une histoire et d’une production à un moment donné, l’architecte va reconsidérer une question, changer les donnée en jeu et y répondre différemment. Vacchini avec ce bâtiment va réinventer à la fois le mur et la colonne - en dimensionnant, positionnant une colonne qu’il va répéter tout autour du vide central pour créer un espace intérieur. « Les grecs ne se bornent pas à rectifier pour l’œil l’arrête des colonnes, ils se préoccupent des effets d’irradiation qui faussent l’impression de leur grosseur. La colonne d’angle d’un temple, qui se détache sur le ciel, paraît, suivant la remarque de Vitruve, « dévorée par la lumière qui la baigne » : on l’épaissit par esprit de compensation. » 66 Les colonnes d’angles vont également être le sujet 73
d’une recherche formelle et théorique pour Vacchini. Le but est de gagner en signification, en complexité, de rajouter une strate significative au palimpseste, pour une fois encore tenter d’atteindre l’intemporel. Une citation de Yves Citton, philosophe et théoricien suisse, semble intéressante à ce stade de la réflexion dans ce mémoire : en effet, la (ré)interprétation va à travers le regard subjectif de chacun « éclairer » un état présent du monde. Finalement, c’est la contribution de chaque architecte (encore faut-il qu’elle soit juste) qui va enrichir l’architecture. Chaque pierre, chargée d’histoire, posée par chacun, va édifier une nouvelle architecture. « La connaissance de soi et du monde s’approfondit par le détour d’une interprétation qui met à l’épreuve notre aptitude herméneutique 67, celle-ci étant fondamentale pour l’être humain. C’est par l’interprétation que l’on essaie d’éclairer l’épaisseur du rapport au monde où l’on s’enracine. L’œuvre littéraire est le résultat conjoint d’un travail humain et d’une tradition culturelle, résultat qui demande à être lu conformément à l’exigence du genre auquel il appartient. » 68 Dans sa leçon d’honneur donnée en 2015 69, Jacques Lucan parlait de l’archaïsme et du sublime. Il évoquait la position de Zumthor, celle de vouloir « mettre au jour l’essence même du matériaux, qui est libre de toute signification héritée d’une culture » ; faudrait-il se libérer de l’asphyxiante culture (Jean Dubuffet)? Mais pour pouvoir se délivrer de la culture, pour regagner une naïveté, il faut justement être excessivement cultivé. Revenir à l’essence et à la tradition pour réinventer, jeter un regard en arrière, pour mieux avancer, nécessite de ce fait une grande culture. 74
Fig. 87, 88, 89 : plan, ĂŠlĂŠvation et coupe de la Palestra de Vacchini
CONCLUSION
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« Au cours des 30 (dernières) années, durant lesquelles l’obsession pour l’Histoire a émergé et s’est développée, la croyance selon laquelle l’architecture ne pouvait être un moyen de changer les relations sociales, a pris racine ; mais je maintiens que l’architecture elle-même nécessite, pour sa propre production, la matière que représentent les relations sociales. L’architecture ne peut survivre en se contentant de refléter ses propres problèmes, en exploitant ses propres traditions (…) » 70 Si l’on s’en tient aux propos de Gregotti, il est aisé de constater que l’architecture a toujours eu besoin de se référer à d’autres champs disciplinaires, mais cette relation est d’autant plus vrai au XXIe siècle. Dans une société où tout est connecté, les hommes et les informations, les limites entre les disciplines deviennent de plus en plus floues. Miró, Braque, Giacometti et les autres avaient étroitement collaboré avec Sert dès 1962, pour ne parler que d’art. 53 ans plus tard, elle continue à fonctionner, à accueillir des artistes émergents, à faire rêver les visiteurs, et son architecture semble ne pas avoir peur de la nature qui croît autour d’elle. C’est aussi un ancrage dans le temps qui a été mis en place à travers une architecture rattachée aux traditions et au lieu, mais aussi en dialogue constant avec l’art qu’elle abrite et qu’elle magnifie. Judd et Beuys ont été infusés dans le travail de Mansilla + Tuñón, ils ont nourri et enrichi leur architecture qui a gagné en signification, en complexité, en « stratification ». Nous avons vu que la technologie était bel et bien là, digérée et intégrée 77
à petites doses, sans trop s’imposer. La flexibilité aussi, a été mesurée et intégrée, pour permettre une meilleure modularité au cours du temps. Paisiblement implanté sur son acropole, face au soleil couchant, le musée tend à y rester pour toujours, à la manière d’un temple, contemporain. Une attention particulière au programme prit une importance majeure dans ces exemples, et de manière générale, on peut affirmer que c’est à travers sa redéfinition et sa réinterprétation qu’un édifice y puise sa force. La « poétique ruine » de Diderot Au XIXe siècle, les ruines représentent une œuvre simplifiée qui donne à voir l’essence de l’architecture. Quatremère de Quincy considérait que l’état de ruine correspondait à l’état de vérité d’un bâtiment, soit une architecture pure. Il estimait que tout ce qui avait disparu était secondaire, par exemple pour le Parthénon, la disparition des couleurs permettrait une meilleure lecture de son architecture et communiquerait directement avec l’esprit. Ce qui était destiné à périr avait péri. Les couleurs de Barragán, elles, seraient-elles aussi dépourvues d’intérêt que celles du Parthénon? Pouvons-nous dire que le choix et l’utilisation qu’il en a fait les place bien au-dessus d’un simple enduit? Il semblerait que le meilleur moyen pour juger de la légitimité d’une œuvre architecturale et ses réinterprétations est, encore une fois, la manière dont elle va traverser le temps. Va-t-elle perdre ses couleurs ? 78
Fig. 90 : collage du concours, par Mansilla+Tuñon.
Va-telle être utilisée et appropriée par ses usagers de la même manière que l’architecte l’avait prévu ? Va-t-elle tout simplement durer, s’effondrer et « faire de belles ruines » ? Va-t-elle être à son tour, support de réinterprétation ? Il s’agirait alors dans le meilleur des cas d’avoir la capacité de recommencer ce cycle infini de tradition / réinvention.
Ces réflexions sur la réinterprétation et l’intemporalité seront amenées à être développées plus amplement à travers mon projet de fin d’étude, en me questionnant sur l’insertion d’un lieu de résidence et de méditation dans une ville historique classée patrimoine mondial, Saint-Jacques-de-Compostelle. A travers ce projet, il sera question à la fois de recherches et d’expérimentations sur le sacré et le profane, l’intemporalité et l’ascétisme qui vont être entamées, mais aussi sur la problématique de bâtir avec des ruines, avec un déjà-là.
79
«
L’architecture,
c’est
ce
qui
fait
de
belles
ruines » A. Perret 71
« L’architecture naît des besoins réels, mais elle les dépasse. Si tu veux la découvrir, regarde les ruines. » L. Snozzi 72
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NOTES
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1. SNOZZI Luiggi, MERLINI Fabio, L’architecture inefficiente. 2. FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, p.25 3.Op. cité, FRAMPTON Kenneth, p. 26 4. Définition du mot tradition, dictionnaire Larousse. URL : http://www. larousse.fr/dictionnaires/francais/tradition/78903?q=tradition#77953 5. COLQUHOUN Alan, Déplacement de concepts chez Le Corbusier, in Recueil d’essais critiques, architecture moderne et changement historique, p.59. 6. ARENDT Hannah, La crise de la culture, 355p. 7. Ibid., p.42 8. Ibid, p.46 9. Définition du mot intemporel, dictionnaire Larousse URL :http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intemporel/43571 ?q=intemporel#43494 10. Définition du mot intemporel, CNRTL ; URL : http://www.cnrtl.fr/definition/intemporel 11. Définition du mot vernaculaire, CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/ vernaculaire 12. RUDOFSKY Bernard, Architecture without architect, 1964, New York. 13. Henri Ciriani, cité par Henri Guynot de Boismenu in Engawa n°18, Barcelone, 2013, p.45. 14. CHOISY Auguste, Histoire de l’architecture, Tome 1. 15. Op. cité, p.394-395. 16. Op. cité, p.395. 17. Op. cité, p.400. 18. Op. cité, p.402. 19. Ibid. 20. Op. cité, Tome 2, p.6. 21. LOOS A., « Ornement et Education » (1924) in Malgré tout (1900-1930), op. cit., p. 289, tiré du cours de Bruno Marchand URL : http://pirate-photo.fr/forum/perso/2/fichiers/documents/Loos_Ecole_ Poly_Lausanne.pdf 22. LOOS A., « Ornement et crime » (1908) in Malgré tout (1900-1930), p. 199. 83
23.Op. cité, LOOS A., p. 289. 24.Op. cité, A. Perret cité par Gregotti in FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, p.26 25. Op. cité, V. Gregotti in FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, p.26 26. «Architecture romaine», Wikipedia, URL : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Architecture_romaine 27. SAKAROVITCH Joël, Voûte catalane, atelier maçonnerie, ENSA Paris Malaquais in Les Grands Ateliers, enseigner, expérimenter, construire, Paris, Jean Michel Place, Les Ecoles Nationales Supérieures d’Architecture de Rhône-Alpes avec les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, p. 206 28. Maisons Jaoul, site de la Fondation Le Corbusier URL:http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=1 3&IrisObjectId=4903&sysLanguage=fr-fr&itemPos=35&itemSort=fr-fr_sort_ string1%20&itemCount=78&sysParentName=&sysParentId=64/ 29.MARCHAND Bruno, Théorie de l’architecture III, Adolf Loos et les principes de la tradition, p.58. 30. Extrait relevé personnellement au Pavillon Central de la Biennale de Venise 2014 (commissaire Rem Koolhaas), L. Kahn, 1971, cextrait du cours donné à l’Université de Pennsylvanie. 31. LOOS A. cité dans « Aujourd’hui, Hier, Avant-hier», par Ivry Serres in Tradition, n°11, Cosa Mentale, Cyce 4, Septembre 2013. 32. ARENDT Hannah, La crise de la culture, Paris Editions Gallimard, Folio Essais, p.125 33. Tuñón Arquitectos URL : http://www.emiliotunon.com/about/ 34. Architecture of memory, Emilio Tuñon, EPFL, publiée le 14.01.16(conférence donnée le 18 mai 2015) sur Arch Talks URL : http://archtalks.com/archtalks-home/tag/emilio-tunon 35. Dans ses correspondances avec Le Corbusier, celui-ci demandera à J.L Sert comment se construisent les voûtes catalanes. TIELMAN Mathilde (Édition établie, présentée et annotée par) Le Corbusier - José Luis Sert, Correspondances 1928-1965, Paris, Editions du Linteau, 84
2009, 354 p. 36. Mansilla + Tuñon, museo delle collezioni reali, Madrid, in Casabella, mars 2016, n°859, p4-19. 37. Sert travailla dès 1960 avec ses élèves à Harvard sur des prototypes à l’échelle une en contreplaqués transformables, pour étudier la répartition de la lumière. Il mit notamment au point un système de voûtes avec cinq rayons de courbure différents de manière à ce que la lumière arrive toujours a 45° sur les tableaux. MALDINEY Henri, La Fondation Maeght à Saint-Paul, 46p. 38. HEGEL, Georg Wilhelm Friedrich, Esthétique ou philosophie de l’art, 1818-1829, Tome 3. 39. Op. cité, HEGEL G.W.F, p. 55. 40. TZONIS Alexander, LEFAIVRE Liane, BILODEAU Denis, Le classicisme en architecture, p.195. 41. Op. cité, Architecture of memory, Emilio Tuñon, EPFL. 42. Emilio Tuñon in, Op. cité, Mansilla + Tuñon, museo delle collezioni reali, Madrid, in Casabella. 43. Luis Rojo in ibid. 44. Luis Rojo in ibid. 45. Emilio Tuñon in ibid. 46. MADEC Philippe, Les boites de Joseph Beuys, URL : www.philippemadec. eu/telecharger-les-boites-de-joseph-beuys.pdf 47. CEZANNE Paul, cité par H. Maldiney, op.cité, p.9. 48. Information recueillie dans un mémoire de 5e année : PRAT-LAPEYRE Véronique, (directeur de thèse Eric DanielLacombe), Un musée : un parcours, une lumière, 223 p. 49. Op. cité, MALDINEY Henri, p.20. 50. BIRKSTED Jan K., Modernism and the Mediterranean : The Maeght Foundation. 51. Op. cité, MALDINEY Henri, p.11 52. Op. cité, COLQUHOUN Alan, Déplacement de concepts chez Le Corbusier, in Recueil d’essais critiques, architecture moderne et changement historique.
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53. Op. cité, COLQUHOUN Alan, p.59. 54. Emilio Tuñon in, Op. cité, Mansilla + Tuñon, museo delle collezioni reali, Madrid. 55. Exposition sur Luis Barragan, du 19 janvier au 9 février 1994, ESA Paris. URL : http://archizoom.epfl.ch/page-16175-fr.html 56. Discours prononcé par Barragan lors de la cérémonie de remise du prix Pritzker, 1980. 57. FRAMPTON Kenneth, The Mexican Other, in SAITO Yutaka, Luis Barragán, Tokyo : TOTO Shuppan, p. 239. 58. Op. cité, FRAMPTON Kenneth, The Mexican Other, p.242. 59. Op. cité, FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, p.27. 60. PEREC Georges, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien,49 p. 61. Op. cité, LOOS Adolf, cité dans « Aujourd’hui, Hier, Avant-hier», par Ivry Serres. 62. Luis Rojo in, Op. cité, Mansilla + Tuñon, museo delle collezioni reali, Madrid, Casabella. 63. Paul Shore & Nicole Root Licked Sucked Stacked Stuck A Confectionery History of Contemporary Sculpture, 2011 ; URL : http://www.artnet.com/ galleries/jim-kempner-fine-art/paul-shore-nicole-root-licked-sucked/ 64. « L’arrière monde de Josep Lluis Sert» in le Courrier de l’architecte, publié le 16.04.14 ; URL : http://www. lecourrierdelarchitecte.com/article_5674 65. GADAMER Hans Georg, Vérité et Méthode, 1960, editions du Seuil, cité par Chrisitian Devillers dans Tradition, Cosa Mentale, op. cité. 66. CHOISY A., op. cité, Tome 1, p. 405 67. Définition du mot herméneutique, dictionnaire Larousse; URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/herméneutique/39684? q=herméneutique#39606 68. CITTON Yves, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? 364 p. 86
69. Leçon d’honneur de Jacques Lucan, le 13 avril 2015 URL : http://archizoom.epfl.ch/Jacques_Lucan 70. Vittorio Gregotti in FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, p.26. 72. PERRET Auguste, citation, source introuvable. 73. SNOZZI Luiggi, MERLINI Fabio, L’architecture inefficiente, Editions Cosa Mentale, 2016.
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BIBLIOGRAPHIE
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ICONOGRAPHIE
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p.1 Fig. 1 : Stonehenge URL : http://www.history.com/topics/british- history/stonehenge P.9 Fig. 2 : Fondation Maeght, vue depuis le passage Braque, photographie personnelle, 29.04.16 Fig. 3 : Musée des Collections Royales, vue depuis l’accès de service, Luis Asin, Afasia magazine URL : http:// afasiaarchzine.com/2016/09/mansilla-tunon-11/ Fig. 4 : Cuadra San Cristobal, vue depuis les écuries, cours Barragan, la couleur paysage, 2013, Laurent Beaudouin, URL : http://www.beaudouin-architectes.fr/2013/10/barragan-couleur- du-paysage/ p.10 Fig. 5 : Colonnade II, marbre de carrare, 2013, Matthew simmonds Fig. 6 : Villa d’Hadrien, photographie de Laura Bonnell in La propia casa, Engawa n°18, p.55 Fig. 7 : village d’Apanomeria en Grèce (XVIIIe), photographie dans Le vernculaire classique, in Architecture without architect, Bernard Rudofsky, p.58. Fig. 8 : Villa d’Hadrien, photographie de Laura Bonnell in La propia casa, Engawa n°18, p.50 Fig. 9 : photographie d’un village grec, La voûte primitive, in Architecture without architect, Bernard Rudofsky, p.147 Fig. 10 : Les 5 ordres de l’architecture, détails des chapiteaux, Vitruve. Fig. 11 : Trasloco, Giulio Paolini, 1973, in Bizarre columns, Arqueologia del futuro, URL : http://arqueologiadelfuturo. blogspot.fr/2015/09/1973-il-trasloco-giulio-paolini-bizarre.html Fig. 12 : photographie d’arcades à Aibar en Navarre, in Architecture without architect, Bernard Rudofsky, p.68. Fig. 13 : Aigua freda, Arqueologia del futuro, URL : Fig. 14 : Palestra de L. Vacchini, photographie personnelle, 11.07.15 Fig. 15 : Marché de Trajan, Fig. 16 : Selinunte, Giulio Paolini, 1978 , Arqueologia del futuro, URL: http://3.bp.blogspot.com/-ghDEP-Gyba8/VgeiRYUkjcI/ AAAAAAAASq0/N5lNT4W4CeY/s1600/01-selinunte.jpg Fig. 17 : Colisée, Rome, photographie personnelle, 25.04.15 Fig. 18 : Mazda showroom, Kengo Kuma, 1991, Arqueologia del 94
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futuro, URL : http://2.bp.blogspot.com/-9Dyg3mVVyPY/Usrgtvwg4tI/ AAAAAAAAPC0/gi8qoqf-mps/s1600/Mazda_01.jpg Fig. 19 : Le Parthénon, A. Choisy, Histoire de l’architecture,Tome 1, p. 416. Fig. 20 : elevation des colonnes et details des metopes et triglyphes de l’ordre dorique du Theâtre de Marcellus a Rome, Gallica BNF. Fig. 21 : Tour de Samarra, Iraq, 9e siècle, in Architecture without architect, Bernard Rudofsky, p.119. Fig. 22 : Caryatide, Giulio Paolini, 1979, Arqueologia del futuro, URL : http://4.bp.blogspot.com/-Y1R-LdTVZ4M/VgK98g8PZlI/ AAAAAAAASok/NfS4-6Vslao/ 95
Introduction p.17 Fig. 1 : dessin de J.L Sert, avant projet. Photo personnelle, 29.94.16 Fig. 2 : croquis de Luis Mansilla, in Casabella ,n°859 p6. p.24 Fig. 3 : la vallée des temples, Agrigente, Sicile, photographie personnelle, 23.10.11 p.25 Fig. 4 : Les 5 ordres de l’architecture, détails des chapiteaux, Vitruve. p.26 Fig. 5 : A. Choisy, effets d’irradiation et de contrastes, in Histoire de l’architecture, Tome 1, p.405. Fig. 6 : A. Choisy, Les symétries, les effets de répétitions, les illusions d’optique, in Histoire de l’architecture, Tome 1, p.58. p.27 Fig. 7 : A. Choisy, effets d’irradiation et de contrastes, substitution de courbes aux lignes horizontales, tome 1, p.407 Fig. 8 : A. Choisy, effets d’irradiation et de contrastes, inclinaison des colonnes, in Histoire de l’architecture, Tome 1, p. 406 p.30 Fig. 9 : plan de situation Catalogne / Nice, réalisation personnelle, 02.17 Fig. 10 : thermes de la villa d’Hadrien, URL : http://2. bp.blogspot.com/-Cp0pR_wV-IQ/T5B3E28UE0I/AAAAAAAAANw/vvtlH6qQRgI/ s1600/Rome%2B240.jpg Fig. 11 & 12 : schéma de la voûte catalane traditionnelle, URL : http://maisonsjaoul.weebly.com/uploads/4/5/0/3/45036371/4748053_ orig.jpg?541 Fig. 13 : maison Jaoul, façade, 1951, site internet fondation Le Corbusier, URL : http://www.fondationlecorbusier.fr/ corbuweb morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=4903& sysLanguage=fr-fr&itemPos=35&itemSort=fr-fr_sort_string1%20 &itemCount=78&sysParentName=&sysParentId=64 Fig. 14 : maison Jaoul, détail d’une voûte, site internet fondation Le Corbusier Fig. 15 : maison Jaoul, coupe, URL : http://maisonsjaoul.weebly. com/boacutevedas.html Fig. 16 : opus testaceum (briques cuites+mortier) URL : http:// 96
www.romanaqueducts.info/aquasite/foto/tekopustestaceum.jpg p.31 Fig. 17 : une arche à l’Institut Indien de Management, d’Ahmedabad, Louis I.Kahn, URL : https://dome.mit.edu/ bitstream/handle/1721.3/58306/149894_cp.jpg?sequence=1 p.34 Fig. 18 : Vue aérienne, Saint-Paul-de-Vence / Nice, réalisation personnelle à partir de l’application Plans. Fig; 19 : Plan de situation, Fondation Maeght, idem. Fig. 20 : Vue aérienne, Madrid / Palais Royal, idem. Fig. 21 : Plan de situation, CCRR, idem. p.35 Fig. 22 : schéma d’une acropole, réalisation personnelle Fig. 23 : galerie des peintures, CCRR, in Afasiaarchzine, URL : http://images.adsttc.com/media/images/57bd/37c1/e58e/cec6/ fd00/007d/slideshow/CCRR_Interior_11.jpg? Fig. 24 : ordre Toscan , Vignole, URL : https://s-media-cache- ak0.pinimg.com/originals/f9/c0/62/ p.36 Fig. 25 : ruines archéologiques, CCRR, in Afasiaarchzine, URL : http://images.adsttc.com/media/images/57bd/35f2/e58e/ cecd/4500/00ff/slideshow/ Fig. 26 : vue du Palais Royal, la Cathédrale et le CCRR, in Afasiaarchzine, URL : http://images.adsttc.com/media/ images/57bd/3bdd/e58e/cec6/fd00/0089/ slideshow/CCRR_Exterior_03.jpg? Fig. 27 : l’Erechtéion, acropole d’Athènes, URL : http://www. heritagedaily.com/wp-content/uploads/2014/07/Erechtheum.jpg Fig. 28 : Le Parthénon et la proportion du nombre d’or, URL : http://tpe-lenombredor-lasource.e-monsite.com/medias/images/ p.37 Fig. 29 : croquis de J.L Sert, Maison Braque, Maison Maeght, Fondation Maeght, St-Paul-de-Vence, diapositive de M. J.M Rovira, Barcelone Fig. 30 : schéma impluvium / ciel, réalisation personnelle, 02.17 Fig. 31 : logo de la Fondation, réalisation personnelle à partir de l’original Fig. 32 : schéma des différentes interprétations de la voûte catalane par Sert, réalisation personnelle, 02.17 p.42 p. 1 Fig. 33 : axonométrie par Mansilla+Tuñon, annotée 97
personnellement, 02.17 Fig. 34 à 37 : photographies personnelles : Eglise de la Almudena, parvis d’entrée du CCRR, façade Sud du CCRR, façade Ouest, 15.11.16 Fig. 38 : photographie pendant le chantier,16.03.2012, façade Ouest Fig. 39 : photographie personnelle, façade Ouest depuis l’entrée de service p. 2 Fig. 40 : élévation de la façade Ouest par Mansilla+Tuñon, annotée personnellement, 02.17 Fig. 41 & 42 : photos prises lors du chantier (non datées), mur de soutènement et pose des pièces de granit sur les colonnes en béton. p. 3 Fig. 43 : axonométrie éclatée, annotée personnellement, 02.17 p. 4 Fig. 44 : axonométrie partielle type de la façade Ouest, par Mansilla+Tuñon annotée personnellement (traduction et retouches), 02.17 Fig. 45 à 47 : axonométries des différents traitements de façades, par Mansilla+Tuñon, annotées personnellement, 02.17 p.43 Fig. 48 : schéma du parcours descendant du musée, réalisation personnelle, 02.17 Fig. 49 : Joseph Beuys, Iphigenie Vitrine 1961-1985, Head, Ja, Ich Habe …, 1979 Joyce With Sled, 1985, Photo © Mario Gastinger Fig. 50 : collage du concours, par Mansilla+Tuñon p.44 Fig. 51 : plan du rez-de-chaussée du CCRR, redessiné personnellement, 02.17 p.45 Fig. 52 : plan du R-1, redessiné personnellement, 02.17 p.46 Fig. 53 : plan du R-2, redessiné personnellement, 02.17 p.47 Fig. 54 : plan du R-3, redessiné personnellement, 02.17 p.48 Fig. 55 : plan du R-4, redessiné personnellement, 02.17 p.49 Fig. 56 : collage du concours, par Mansilla+Tuñon p.50 Fig. 57 : dessin réalisé personnellement à partir de celui de la page suivante p.51 Fig. 58 : photographie personnelle d’une coupe de la chapelle,J.L 98
Sert, datant de Juin 1960 (archive Fondation Maeght) p.52 Fig. 59 : schéma des différentes interprétations de la voûte catalane par Sert, réalisation personnelle, 02.17 p.53 Fig. 60 : plan miroir de la Fondation, réalisation personnelle p.54 Fig. 61 : plan du rez-de-chaussée de la Fondation,1/1000e redessiné personnellement, p.55 Fig. 62 : Elévation Nord de la salle de la Mairie, redessiné personnellement Fig. 63 : Elévation Est de la Fondation,redessiné personnellement p.56 Fig. 64 : dessin réalisé personnellement à partir de celui de la page suivante p.57 Fig. 65 : photographie personnelle d’« Etudes solaires » datant du 14 juillet 1959, J.L Sert (archive Fondation Maeght) p.58 Fig. 66 : redessinée personnellement, coupe transversale sur la salle de la Mairie p.59 Fig. 67 : dessin réalisé personnellement à partir de celui de la page suivante, 02.17 p.60 Fig. 68 : photographie personnelle d’une coupe sur la salle Giacometti, annotée par J.L Sert en rouge p.62 Fig. 69 : plan du rez-de-chaussée de la Fondation, redessiné personnellement Fig. 70 à 73 : photographies personnelles, 29.04.16 p.64 Fig. 74 : plan-coupe, par Mansilla+Tuñon Fig. 75 : ruines archéologiques, Luis Asin Fig. 76 : colonnades, URL : https://www.flickr.com/photos/ javier1949/7514711076/ p.65 Fig. 77 : photographie du palais de l’Assemblée à Chandigarh, Le Corbusier, URL : http://www.sciencesetavenir.fr/assets/ img/2016/07/18/cover-r4x3w1000-57e17b3592e02-l-uvre- architecturale-de-le-corbusier Fig. 78 : palais de l’Assemblée à Chandigarh, Le Corbusier, coupe et plan, URL : http://www.archigraphie.eu/wp-content/ uploads/2012/03/Le_Corbusier p.68 Fig. 79 : plan de la Cuadra San Cristobal, redessiné personnellement, 05.16 Fig. 80 : photographie de la Cuadra San Cristobal, vue depuis l’entrée de la maison, cours «Barragan, la couleur paysage», 99
2013, Laurent Beaudouin, URL : http://www.beaudouin-architectes. fr/2013/10/barragan-couleur-du-paysage/ Fig. 81 : photographie de la Cuadra San Cristobal cours «Barragan, la couleur paysage», 2013, Laurent Beaudouin, URL : http://www.beaudouin-architectes.fr/2013/10/barragan-couleur- du-paysage/ p.70 Fig. 82 : photgraphie de la maquette du projet du CCRR, par Mansilla+Tuñon Fig. 83 : projet CCRR présenté dans une valise/boîte par Mansilla+Tuñon p.71 Fig. 84 : Stack, Donald Judd, 1967, Acier inoxydable, Plexiglas rouge, 470 x 102 x 79 cm(Fabricant: Bernstein Bros), Centre Pompidou Fig. 85 : Untitled (after Donald Judd),Paul Shore et Nicole Root, 2010, 50.8x32.4cm, bonbons au caramel Fig. 86 : J.L Sert montrant la maquette de la fondation à J. Miro, juin 1961, archives de la Fondation Maeght. p.74 Fig. 87 : plan de la Palestra de Livio Vacchini (1995-1997), tiré de Livio Vacchini, architetto architect, dirigé par Disch, Lugano, ADV, 1994. Fig. 88 : élévation de la Palestra de Livio Vacchini (1995-1997), tirée de Livio Vacchini, architetto architect Fig. 89 : coupe de la Palestra de Livio Vacchini (1995-1997), tirée de Livio Vacchini, architetto architect. p.78 Fig. 90 : collage du concours, par Mansilla+Tuñon.
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ANNEXES
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Partie I Extrait « Tradition and innovation » de l’introduction de l’ouvrage : FRAMPTON Kenneth, Studies in tectonic culture : the poetics of construction in nineteenth and twentieth century architecture, Cambridge : The MIT Press, 2001, 448 p « This formulation seems to be echoed in the famous apodictic statement of the Portuguese architect Alvaro Siza that «architects don’t invent anything, they transform reality.» Unlike ne art, all such transformations have to be rooted in the opacity of the lifeworld and come to their maturity over an unspecified period of time. The way in which such transformations are at once, however imperceptibly, transformed in their turn means that neither a hypostasized past nor an idealized future carries the conviction that they once had in the heyday of the Enlightenment. The decline of utopia denies the validity of the novum as an end in itself. As the italian philosopher Gianni Vattimo puts it in his book The End of Modernity, once progress in either science or art becomes routine it is no longer new in the sense it once was. He remarks, after Arnold Gehlen, that «progress seems to show a tendency to dissolve itself, and with the value of the new as well, not only in the effective process of scularization, but even in the most extremly futuristic utopias.» While the crisis of the neo-avant-garde derives directly from this spontaneous dissolution of the new, critical culture attempts to sustain itself through a dialectical play accross a historically determined reality in every sense of the term. One may even claim that, critique aside, critical culture attempts to compensate, in a fragmentary manner, for the manifest disenchantment of the world. (...) Under such circumstances we might begin to entertain a possible convergence between Jürgen Habermas’s ideal speech situation, his concept of undistorted communication, and Gianni Vattimo’s formulation of hermeneutical legitimation as this ought to be applied to the realization of an architectural project. Of this last we nd Vattimo writing in terms that seem uncommonly close to those of Habermas : « If therefore, in architecture, as also in philosophy, in existance in 102
general, we renounce any metaphysical, superior, transcendent legitimation (of the kind reaching ultimate truths, redemption of humanity, etc.), all that is left is to understand legitimation as a form of the creation of horizons of validity through dialogue, a dialogue both with the traditions to which we belong and with others.» Irrespective of the inroads of the media, that is to say, of the distortions of mass communication that condition such a large sector of everyday life in the late twentieth century, Habermas’s «ideal speech situation» seems to be a prerequisite for an intelligent cultivation of the environment, for as every architect knows, without good clients it is impossible to achieve an architecture of quality. Apartf from this, architectural practice has little choice but to embrace what one may call a double hermeneutic, one that, rst seeks to ground its practice in its own tectonic procedures, and second, turns to address itself to the social and to the in ection of what Hannah Arendt termed «the space of public appearance».Vittorio Gregotti reflects on these two aspects in the following terms : « In the course of (the last) thirty years, during which the obsession with history emerged and developend, the belief has taken root that architecture cannot be a means for changing social relationships; but I maintain that it is architecture itself that needs, for its very production, the material represented by social relations. Architecture cannot live by simply mirroring its own problems, exploiting its own tradition, even though the professional tools required for architecture as a discipline can be found only within that tradition.» Elsewhere Gregotti returns to the problem of land settlement, to his earlier preoccupation with the territory of architecture, effectively touching on what may be the ultimate consequence of global mobilization : the simple fact that we have yet to arrive at any pattern of «motopian» land settlement that could be possibly regarded as rational. «I believe that if there is a clear enemy to ght today, it is represented by the idea of an economic/ technical space indifferent in all directions. This is now such a widespread idea that it seems almost objective... It is a question of a shrewd, modernistic enemy capable of accepting the latest, most fashionable proposal, especially any proposal capable of selling 103
every vain formalistic disguise, favorable only to myth, redundancy or uproar, as a genuine difference.» With remarquable perspicacity Gregotti implies the manner in which tectonic detail may be combined with traditional type forms, modified in light of today’s needs but free from gratuitous novelty, in such a way as to articulate the qualitative difference separating irresponsible speculation from critical practice. The difficulty of realizing this répétition différente is at no point understimated by Gregotti. After Auguste Perret’s famous slogan « Il n’y a pas de détail dans la construction», Gregotti maintains that detailing should never be regarded as an insignificant technical means by which the work happens to be realized. The full tectonic potential of any building stems from its capacity to articulate both the poetic and the cognitive aspects of its substance. This double articulation presupposes that one has to mediate between technology as a productive procedure and craft technique as an anachronistic but renewable capacity to reconcile different productive modes and levels of intentionality. Thus the tectonic stands in opposition to the current tendency to deprecate detailing in favor of the overall image. As a value it nds itself in opposition to the gratuitously gurative, since to the degree that our works are conceived as having a long duration «we must produre things that look as if they were always there.» In the last analysis, everything turns as much on exactly how something is realized as on an overt manifestation of its form. This is not to deny spatial ingenuity but rather to heighten its character through the manner of its foundation in the ground and the ascendancy of its structure through the interplay of support, span, seam and joint - the rhythm of its revetment and the modulation of its fenestration. Situated at the interface of culture and nature, building is as much about the ground as it is about built form. Close to agriculture, its task is to modify the earth’s surface in such a way as to take care of it, as in Heidegger’s concept of Gelassenheit or letting be. Hence the notion of «building the site», in Mario Botta’s memorable phrase, is of greater import than the creation of free-standing objects, and in this regard building is as much about the topos as it is about technique. Furthermore, despite the 104
privatization of modern society, architecture, as opposed to the building, tends to favor the space of public appearance rather than the privacy of the domus. At the same time, it is as much about place- making and the passage of time as it is about space and form. Light, water, wind, and weathering, these are the agents by which itis consummated. Inasmuch as its continuity transcends mortality, building provides the basis for life and culture. In this sense, it is neither high art nor high technology. To the extent that is de es time, it is anachronistic by de nition. Duration and durability are its ultimate values. In the last analysis it has nothing to do with immediacy and everything to do with the unsayable. What was it Luis Barragán said ? « All architecture which does not express serenity fails in its spiritual mission.» The task of our time is to combine vitality with calm. » Traduction (personnelle) (cités p.14,28,70 et 77): « Cette formulation semble faire écho à la fameuse déclaration apodictique de l’architecte portuguais Alvaro Siza, disant que les « architectes n’inventent rien, ils transforment la réalité. » Contrairement aux Beaux-Arts, toutes ces transformations doivent être enracinées dans l’opacité de la vie du monde et venir à leur maturité au terme d’une durée indéterminée. La manière dont ces transformations existent momentanément, aussi imperceptibles soient-elles, transformées à leur tour, signi e que ni un passé hypostasié ni un futur idéalisé ne portera la conviction qu’elles avaient eu autrefois à son apogée. Le déclin de l’utopie nie la validité du novum comme une n en soi. Comme le dit le philosophe italien Gianni Vattimo dans son livre La n de la modernité, aussitôt que le progrès, dans la science ou l’art, devient une routine ? il n’est plus nouveau au sens qu’il l’était autrefois. Il note, après Arnold Gehlen, que « le progrès semble montrer une tendance à se dissoudre, et avec cela la valeur du nouveau, pas seulement dans le processus de sécularisation, mais également dans les utopies les plus futuristes. » Alors que la crise du néo-avant-garde dérive directement de cette dissolution spontanée du nouveau, la critique culturelle tente de se maintenir en surface à travers un jeu dialectique traversant une 105
réalité déterminée par l’histoire, dans tous les sens du terme. On pourrait également af rmer que, toute critique mise à part, la culture critique tente de compenser, de manière fragmentée, le désenchantement manifeste du monde. (...) Dans de telles circonstances, nous pouvons commencer à établir un rapprochement entre la « situation du discours idéal » de Jürgen Habermas, son concept de communication «indéformée», et la formulation de légitimation herméneutique de Gianni Vatimo comme cela devrait être appliqué à la réalisation d’un projet architectural. De ceci nous trouvons les écrits de Vattimo étonnament proches de ceux de Habermas : « Si de ce fait, en architecture, comme en philosophie, dans l’existance en général, nous renonçons à toute légitimation métaphysique, supérieure et transcendantale (de l’atteinte des vérités ultimes, rédemption de l’humanité, etc.) il ne reste qu’a comprendre la légitimation en tant que forme de création d’horizons de validité à travers le dialogue, un dialogue, aussi bien avec les traditions auxquelles nous appartenons qu’avec les autres. » Indépendamment des incursions médiatiques, c’est-à-dire des distortions de la communication de masse qui conditionne un si large secteur de la vie quotidienne de la n du XXe siècle, la « situation idéale de parole » d’Habermas parait être un prérequis pour une cultivation intelligente de l’environnement, puisque comme tout architecte le sait, sans bons clients, il est impossible de créer une architecture de qualité. En dehors de ceci, la pratique architecturale n’a d’autres choix que d’adopter ce que l’on nomme une double herméneutique, qui va en premier lieu chercher ses racines dans sa propre lière tectonique, puis qui s’adresse à l’aspect social et la modulation de ce qu’Hannah Arendt appelait « l’espace de l’apparition publique ». Vittorio Gregotti se penche sur ces deux aspects avec les termes suivants : « Au cours des 30 (dernières) années, durant lesquelles l’obsession pour l’Histoire a émergé et s’est développée, la croyance selon laquelle l’architecture ne pouvait être un moyen de changer les relations sociales, a pris racine ; mais je maintiens que l’architecture elle-même nécessite, pour sa propre production, la matière que représentent les relations sociales. L’architecture ne peut survivre 106
en se contentant de re éter ses propres problèmes, en exploitant ses propres traditions, bien que les outils professionels requis dans la discipline architecturale siègent uniquement dans cette tradition. » D’autre part, Gregotti effectue un retour sur le problème de l’accord territorial, vers ses ré exions initiales sur le territoire de l’architecture, touchant effectivement à ce qui pourrait être l’ultime conséquence de la mobilisation globale : le simple fait que nous devons aboutir à un modèle « motopien » d’accord territorial qui pourrait probablement être perçu comme rationnel. « Je crois que s’il y a une réel ennemi à combattre aujourd’hui, il est représenté par l’idée d’un espace economique/technique indifférent dans toutes les directions. C’est une idée tellement répandue aujourd’hui qu’elle semble presque objective... Il est question d’un ennemi rusé et moderne, capable d’accepter la dernière proposition la plus séduisante, en particulier toute proposition capable de vendre tout déguisement formaliste, seulement favorable au mythe, à la redondance ou au tumulte, en tant que véritable différence. » Avec une perspicacité remarquable, Gregotti suggère la manière dont le détail architectonique pourrait être combiné aux formes typiques traditionnelles, modi ées en fonction des besoins d’aujourd’hui, mais libérées de toute nouveauté gratuite, de manière à articuler la différence qualitative séparant la spéculation irresponsable de la pratique critique. La dif culté de réalisation de cette répétition différente n’est en aucun cas sous-estimée par Gregotti. D’après le fameux slogan d’Auguste Perret « il n’y pas de détail dans la construction », Gregotti maintient que le détail ne devrait jamais être vu comme un moyen technique insigni ant par le biais duquel une œuvre viendrait à être réalisée. Le potentiel tectonique de tout bâtiment réside dans sa capacité à articuler simultanément les aspects poétique et cognitif de sa substance. Cette double articulation présuppose que l’on doit établir un équilibre entre la technologie, en tant que processus de production, et la technique artisanale en tant que capacité anachronique mais renouvelable, dans le but de réconcilier différents modes de production et niveaux d’intention. De ce fait, la tectonique s’oppose à la tendance courante 107
consistant à dénigrer le détail en faveur de l’image globale. En tant que valeur, elle se trouve en opposition contre le guratif gratuit, dès lors que le degré de nos travaux sont conçus dans le but de durer dans le temps « nous devons produire les choses qui, dans leur apparence, donnent l’impression qu’elles ont toujours existées. » Dans la dernière analyse, tout se rapporte à la manière dont une chose est précisément réalisée, aussi bien qu’à la manifestation ouverte de sa forme. Ce n’est pas dans l’optique de nier la réflexion sur l’espace, mais plutôt de réhausser son caractère par sa réalisation précise. Ainsi, la présence d’un ouvrage est inséparable de la manière dont ses fondations dans le sol sont faites, l’ascendance de sa structure à travers le jeu entre support, portée, liaison, et joint, le rythme de son revêtement et la modulation de son fenêtrage. Situé au croisement de la culture et de la nature, l’acte de construire relève autant du sol que de la forme édifiée. Proche de l’agriculture, son rôle est de modifier la surface terrestre en prenant soin de celle-ci, comme l’entend Heidegger dans son concept de Gelassenheit, ou de « laisser être ». D’où la notion de « construire le site », fameuse expression de Mario Botta, précisant son importance majeure face à la construction d’un objet indépendant, et ce en rapport équivalent entre le topos et la technique. De plus, en dépit de la privatisation de la société moderne, l’architecture, opposée à la construction, a tendance à favoriser l’espace public plutôt que le privé du domus (de la maison). Simultanément, il s’agit autant de place-making (faire le lieu) et de passage du temps, que de l’espace et de la forme. La lumière, l’eau, le vent, et l’altération météorique sont des agents par lesquels l’architecture est accomplie. Etant donné que sa continuité transcende la mortalité, la construction fourni des bases pour la vie et la culture. Dans cette logique là, elle n’est ni un art élevé ni une haute technologie. Dans la mesure où elle dé e le temps, elle est anachronique par dé nition. Durée et durabilité sont ses valeurs suprêmes. Dans cette dernière analyse, elle n’a rien à voir avec l’immédiateté, et tout à voir avec l’indiscible. Que disait Luis Barragán à ce sujet ? « Toute architecture qui n’exprime pas la sérénité manque à son devoir 108
spirituel. » Nôtre tâche est de combiner la vitalité et le calme. » SAKAROVITCH Joël, Voûte catalane, atelier maçonnerie, ENSA Paris Malaquais in Les Grands Ateliers, enseigner, expérimenter, construire, Paris, Jean Michel Place, Les Ecoles Nationales Supérieures d’Architecture de Rhône-Alpes avec les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, p. 206 p. 27 « la voûte catalane, technique de construction vernaculaire, ancienne et peu coûteuse, dont Gaudi sut exploiter toutes les possibilités, utilise des briques plates ou des tuiles collées bord à bord sur leur petit coté, avec du plâtre ou du ciment prompt. D’une dizaine de centimètres d’épaisseur seulement au final, la voûte, montée sans cintre, comporte deux ou trois couches de briques superposées et décalées. Cette superposition de coques et la forme de la voûte (en particulier les surfaces à double courbure) confèrent à l’ensemble sa solidité. La grande simplicité de la mise en œuvre, et notamment l’absence de coffrage, permettent de réaliser un éventail très large de surface en suivant, pendant la construction, un guide de forme. » Extrait relevé personnellement au Pavillon Central de la Biennale de Venise 2014 (commissaire Rem Koolhaas), L. Kahn, 1971, extrait du cours donné à l’Université de Pennsylvanie. « You say to a brick, « What do you want, brick ? » And brick says to you, « I like an arch ». And you say to brick, « Look, I want one, too, but arches are expansive and I can use a concrete lintel. » And then you say : « What do you think of that, brick ? » Brick says : « I like an arch. » And it’s important, you see, that you honor, the material that you use… you can only do it if you honor the brick and glorifiy the brick instead of shortchanging it. » (1971, cours donné à l’Université de Pennsylvanie) Traduction (personnelle)p.31-32 : « Vous dites à la brique « Que veux-tu, brique ? » et la brique vous répond « J’aimerais une arche. » Et vous dites « Ecoute, je veux une arche aussi, mais les arches coûtent cher et je peux utiliser un linteau en béton. » 109
Et ensuite vous dites « Que penses-tu de ça, brique ? » La brique dit : « J’aimerais une arche. » Et c’est important, vous voyez, d’honnorer le matériaux que vous utilisez… vous ne pouvez le faire seulement si vous honnorez la brique et que vous glorifiez la brique au lieu de la tromper. » Emilio Tuñon, Tuñon Arquitectos « Una arquitectura que trabaja con la redefinición con lo existente. Una arquitectura que trata de establecer una continuidad natural con la tradición moderna » Traduction (personnelle)p.33 : « Une architecture qui travaille à la rédéfinition, avec l’existant. Une architecture qui tente d’établir une continuité naturelle avec la tradition moderne. »
Partie II p. BIRKSTED Jan K., Modernism and the Mediterranean : The Maeght Foundation, Londres, Ashgate, « ... Sert described the historical and universal importance of this prototype as the simultaneous place of politics, of civic and of everyday life. Sert described how : « Through centuries, people have been getting together in the village greens, market places, promenades and piazzas. More recently, the railroad stations, the bus terminals and even the landing strips have become place of gatherings. People go there to see and to be seen, to meet friends and sweethearts, to make new acquaintances, to discuss politics, and sports, to tell of their lives, loves and adventures, or to comment on those of others. » Even Aimé Maeght, in describing the idea of the art foundation as an interdisciplinary avant-garde community of artists working collaboratively, resorted to the term « phalanstère ». The historical and universal importance of the Mediterranean - its value as prototype - resides in its being an assemblage of the political, the civic and the ordinary. In parallel, the Maeght Foundation is an assemblage of spaces - the Town Hall, the Cloister, the Chapel, and the 110
café - that range from external exterior through to internal exterior and internal interior to external interior. The Mediterranean respresents an assemblage, hence its applicability to the everyday as well as its universal relevance. The notion of the Mediterranean permeates the Maeght Foundation. However, the Mediterranean alo denotes specific geographical regions and historical periods. Overlaying this interest in Cretan civilization went a contemporary interest in the implications historical references. In The Rebirth of the Patio, Sert cited examples from Asia, Persia and the Mediterranean. When Sert was asked in what style his house was built, he retorted : « Neosumerian! » Sert was was revealing - while ironically commenting on a superficial preoccupation with style - his awareness of , and his preoccupation with, history. Indeed, in further notes, a list of historical exmaples follows his mention of « dream houses », including Diocleatian’s palace, the VIlla Capra, the Villa Caprarole, and Palladio’s Villa Badoer. Sert was, in other words, looking at historical examples from the Mediterranean. Given his belief, that « there is nothing against a « brilliant picture », if it is an expression of careful thought, and, in this case, of a better way of living, if it has content, and stands for something more than a mere picture effect, his choice of precedent - the Minoan Palace of Knossos in Crete - as basis for an overall desing concept, the labyrinth, is significant. » Traduction (personnelle) p.61-62: « Sert décrivait comment : « à travers les siècles, les gens se sont rassemblés dans les places de village, les places de marché, les promenades. Plus récemment, les gares ferroviaires, les terminaux de bus, et même les pistes d’atterrissage sont devenus des lieux de rassemblement. Les gens se rendent dans ces endroits pour voir et être vus, pour rencontrer des amis et des fiancés, pour faire de nouvelles connaissances, pour discuter de politique, de sports, pour raconter leur vie, leurs amours et leurs aventures, ou pour commenter celles des autres. » Même Aimé Maeght, en décrivant l’idée de la fondation d’art comme une communauté d’artistes, avant-gardiste, interdisciplinaire, travaillant en collaboration, utilisa le terme « phalanstère ». L’importance historique et universelle de la 111
Méditerranée - sa valeur en tant que prototype - réside dans le fait qu’elle constitue un assemblage du politique, du civique et de l’ordinaire. En parallèle, la Fondation Maeght est un assemblage d’espaces - la mairie, le cloître, la chapelle, le café - qui part de l’extérieur externe vers l’extérieur interne et de l’intérieur interne vers l’intérieur externe. La méditerranée représente un assemblage, à la fois son applicabilité au quotidien et sa pertinence universelle. »
Partie III
Luis Rojo in Mansilla + Tuñon, museo delle collezioni reali, Madrid, Casabella, mars 2016, n°859, p97. « Only during the trip back to ground level, to the city, when we enter the enormous space of the elevator - another interior of unique size, capable of welcoming eighty persons - do we remember that as in the case of the Barrié de la Maza Foundation, for Mansilla + Tuñón technology is a game associated with the mobility of thing and people, and with surprise. And if architecture has accompanied us in the internal voyage of the museum, invisible technology, like magic, takes us back outside. The Museum of Royal Collections is undoubtedly the least « objectual » of the works of Mansilla + Tuñón : without facades, almost entirely turned inward. A sign on the earth and memory, not very different from an action of Land Art. » (Luis Rojo, casabella) Traduction (personnelle) p.70-71 : « C’est seulement sur le chemin du retour au rez-de-chaussée, vers la ville, lorsque nous entrons dans l’immense espace qu’enferme l’ascenseur - un autre espace de taille unique, capable d’accueillir 80 personnes - que nous nous souvenons (…) que pour Mansilla+Tuñón, la technologie est un jeu associé à la mobilité des choses et des personnes, ainsi qu’à la surprise. Et si l’architecture nous a accompagné tout au long du voyage interne du musée, la technologie invisible, comme la magie, nous transporte vers l’extérieur. Le Musée des Collections Royales est sans doute le projet le moins « objectuel » de Mansilla + Tuñón : sans façades, presque entièrement centré sur lui-même. Un symbole sur la terre et sur la mémoire, pas vraiment différent du Land Art. » 112
claire afarian