Mémoire - architecture et roman du XIXe siècle - architecture et littérature

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ARCHITECTURE ET ROMAN DU XIXE SIECLE comment comprendre et percevoir l’architecture dans le roman du XIXe siècle, quels bénéfices pour les architectes ?

Rapport de fin d’étude Jean-Baptiste HEMERY

de

Licence,

encadré

Claire AFARIAN _ 2014/2015 _ ENSA Marseille

par



ARCHITECTURE ET ROMAN DU XIXE SIÈCLE comment comprendre et percevoir l’architecture dans le roman du XIXe siècle, quels bénéfices pour les architectes ?



Je tiens à remercier les personnes qui m’ont aidées à réaliser ce mémoire, mon professeur J-B Hemery, pour sa patience et ses conseils, mes amis, ils se reconnaitront, pour leur soutien dans les durs moments de charrette, mes parents et mes frères, toutes les personnes qui se sont prêtées à l’exercice du dessin demandé, Youtube pour son réconfort permanent, et enfin, Emile et Honoré pour les œuvres passionnantes qu’ils m’ont données à lire.



SOMMAIRE

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 I / Des écrits sur l’architecture à la structure du roman 1. Différents genres littéraires . . . . . . . . . . . . . . . . 16 2. Le roman, son rôle et sa position dans l’architecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 3. Une structure universelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 II / Le roman social et réaliste, et l’architecture 1. La société sous le Second Empire, l’urbanisme et la Révolution Industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . 45 2. Le logement sous le Second Empire . . . . . . . . 73 3. Ce que l’architecture dans un roman nous apprend sur ses habitants . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 III / Les perceptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 interprétations et perceptions du lectorat

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 Iconographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123



« Les monuments sont les premiers écrits car l’écriture n’est qu’un signe durable. » Alain 1

Le roman est par définition une « œuvre d’imagination constituée d’un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de mœurs ou de caractères, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives et subjectives. » 2 L’étude de mœurs ou de caractères et la représentation du réel est l’un des propriétés du roman qui va nous intéresser dans ce mémoire. Nous allons essayer d’étudier les rapports qui peuvent exister entre ces deux domaines, à première vue assez distants l’un de l’autre, qui sont le roman du XIXe et l’architecture. L’architecture présente dans le roman peut se présenter sous diverses formes. D’une part, elle peut être comparée au roman dans sa forme, c’est-à-dire comment est construit un bâtiment et comment est construit un roman.

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Alain, Système des Beaux-Arts, 1926 Définition du dictionnaire Larousse.

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Au sens constructif, structurel du terme donc. Elle peut également permettre de situer le lecteur dans un cadre spatio-temporel (renseignement le plus évident), car l’évocation d’un bâtiment nous renseigne automatiquement sur la décennie ou au moins l’époque de son édification, et par extension sur les évènements culturels, politiques et sociaux survenus à cette période de l’histoire. L’architecture génère qui plus est un imaginaire chez le lecteur. Cet imaginaire, cette compréhension subjective peuvent être analysés sous différents angles et en fonction du type de lecteur, qu’il s’agisse d’un architecte ou non. La compréhension et l’assimilation du roman en seront donc très différentes d’un lecteur à un autre. Quoique l’auteur décrive, une ville, des rues, des monuments, une intrigue, des péripéties...etc, le personnage sera toujours rattaché à ces repères bâtis, de manière à pouvoir plonger le lecteur dans une ambiance, réaliste ou non, mais en tout cas précisement décrite et située dans le temps et l’espace, afin de créer sa propre image mentale de l’histoire et la comprendre. Comme le dit Philippe Hamon dans son ouvrage Expositions, littérature et architecture au XIXe siècle 3 l’architecture ne se résume pas à sa simple présence physique et sa fonction de repère spatial, elle parle d’elle même d’une époque et de tout ce qu’elle implique : « Pour l’écrivain du XIXe siècle, l’architecture n’est pas simple bâti et ponctuation d’un espace, simple « décor » devant lequel mettre en scène une intrigue, n’est réductible ni à l’esthétique, ni à de l’économique, HAMON Philippe , Expositions, littérature et architecture au XIXe siecle, 1989, José Corti, 200 pages. 3

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ni aux lois de la pesanteur. Elle concrétise, produit et permet à la fois une conception de l’histoire (collective ou indviduelle), la « mise en scène » de la vie quotidienne et de ses rituels dans lesquels « s’expose » le social, rituels fondés sur des distinctions plus immatérielles, plus juridiques et éthiques, celles qui s’articulent autour des oppositions meuble-immeuble, privé-public, sacré-profane, dedans (l’intimité), dehors (exposition, exhibition). Habiter c’est vivre ces « distinctions », c’est habiter un système de valeurs, et ces distinctions sont, justement, celles dont la littérature du XIXe va faire son matériau privilégié : les « mœurs » et la relation à l’autre en société dans le roman. » 4 C’est donc pour ces raisons évoquées par P. Hamon que l’architecture du XIXe siècle va nous intéresser. L’architecture va susciter au XIXe siècle un véritable engouement, autant pour l’écrivain que pour le lecteur, puisque la fin de ce siècle connaîtra la Révolution Industrielle. Événement majeur dans l’économie, les mœurs et la société française, les romanciers réalistes tels que Balzac, Zola, Maupassant s’atèleront à inclurent dans leurs œuvres (et s’en servir pour « fabriquer » leur œuvre), villes et architectures nouvelles en pleine métamorphose. De ce fait, on remarque que ce sont bel et bien des espaces ou des objets architecturaux que retient le lecteur moyen de la littérature du XIXe siècle, une fois le livre fermé « comme s’il n’y avait là aussi de mémoire (textuelle), de lisibilité, que de lieux (écrits ou décrits) ».5

4 5

Ibid. page 10. Ibid. page 10.

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Cette étude croisée des deux disciplines peut par conséquent générer une multiplicité d’axes d’étude. Celui, par exemple, de l’analyse littéraire du roman en rapport avec l’architecture, comment les mots peuvent constituer et « être » une structure, ou encore comment la construction du roman dans sa forme peut être rapprochée de celle d’un bâtiment. On peut également parler de l’apport de l’écriture à l’architecture ; comment l’une permet la compréhension et la réflexion de l’autre. De même, on peut se poser la question du bénéfice de l’écriture dans le processus de création architecturale, ou encore, les connaissances de l’évolution du logement à travers l’architecture du roman réaliste...etc. Toutes ces pistes, aussi riches et variées soient-elles, peuvent se regrouper en deux axes majeurs : l’analyse et la compréhension du fond et de la forme du roman du XIXe siècle en comparaison avec l’architecture, et par extension son époque contemporaine. C’est précisément ce que nous allons essayer de faire dans ce mémoire. Nous allons voir, en premier lieu, comment la variété des écrits sur l’architecture ou évoquant l’architecture peut nous amener à une analyse comparative de la structure du roman et celle d’un objet architectural. Ensuite nous verrons comment l’architecture dans le roman du XIXe siècle parle de son époque, et enfin comment elle est perçue par ses lecteurs, qu’il s’agisse du lecteur architecte ou bien du lecteur « lambda ». Ces axes permettront ainsi de balayer (succintement, compte tenu de l’étendu du sujet) différentes approches et strates analytiques concernant les deux sujets évoqués, aussi bien du point de vue de la forme que celui du contenu, et enfin de la réception du roman.

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« C’est peut etre parce que la littérature et l’architecture sont les deux arts les plus visibles, puisqu’ils organisent d’une part la pratique quotidienne de la lecture, d’autre part les nécessités tout aussi quotidiennes de l’habitat, que les crises et tensions qui les affectent semblent étonnament parallèles. » 6 Le père Goriot 7, parmis d’autres romans sociaux français marquants du même siècle comme La curée 8 de Zola, Au bonheur des Dames 9, ou encore chez Tolstoï, Anna Karénine 10, nous dépeignent des lieux, des sociétés et des époques au sein desquelles prennent place des villes et des architectures, et inversement, les villes et architectures dépeignent les sociétés. Ces allers retours et ce dialogue incessant instaurent une proximité et une relation très intéressante. Ce qui nous intéresse ici est la manière dont, d’une part l’écrivain permet de conférer une vision atypique de cette période notamment à travers l’architecture. Cette vision de l’architecture contemporaine au récit est par définition hors du commun, personnelle, marquée par l’empreinte stylistique de l’auteur et ses sentiments, ou bien au contraire totalement objective et neutre (Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien)11.

Op. cité, page 15. BALZAC Honoré de, Le Père Goriot, (1835), Paris, Edmond Werdet, Scène de la vie privée, Le livre de poche classique, 1995, 443 pages. 8 ZOLA Emile, La Curée, (1871), Classiques, Le livre de poche, 1978, 411 pages. 9 ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, 1883, Paris, G. Charpentier, Gallimard, Folio Classique, 1980, 526 pages. 10 TOLSTOÏ Léon, Anna Karenine 11 PEREC Georges, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, 2008, Paris, Christian Bourgois editeur, 49 pages. 6 7

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D’autre part, on se demande comment celle-ci peut être perçue soit par l’architecte qui le lit, soit par le lecteur « lambda » n’ayant aucune connaissance poussée sur le sujet. Il s’agit donc d’entamer une réflexion sur les différents points de vue générés autour du roman réaliste du XIXe siècle. Pour ce faire, nous allons essayer de comprendre comment à travers l’écriture de Zola et Balzac, le lecteur peut se figurer un environnement, des ambiances, des époques, des odeurs, des bruits, des architectures...etc propres à l’époque décrite, et comment le texte peut générer des perceptions aussi multiples et variées que son lectorat.

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I/ DES ÉCRITS SUR L’ARCHITECTURE À LA STRUCTURE DU ROMAN

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1. Différents genres littéraires « L’architecture est le grand livre de l’humanité...sous la dictée générale d’une époque. » V. Hugo De tout temps, l’architecture a été présente dans les écrits de l’homme. Qu’il s’agisse des écrits théoriques de Vitruve au Ier siècle avant JC, ou encore les écrits de Le Corbusier et Aldo Rossi au XXe siècle, l’architecture a toujours été le sujet de réflexion théorique fondamentale, permettant une compréhension de la discipline qu’elle représente mais aussi un support de diffusion des idées qu’elles devaient incarner. On pense à Vers une architecture de Le Corbusier énonçant les principes de l’architecture moderne et les nouveaux modes de penser à adopter. Tous ces écrits ont pu au travers les siècles et les années nous renseigner sur des manières d’appréhender, de construire, d’imaginer l’architecture. Ils ont été rédigés par des architectes, pour des architectes (idéalement) mais aussi pour un public plus large et pas nécessairement ciblé. Toutefois, ce genre littéraire ne favorise pas vraiment l’imagination chez le lecteur, une compréhension directe et imagée de l’époque du récit, comme le ferait un roman tel que Au Bonheur des Dames 2 où l’on peut se figurer instantanément l’aspect des magasins, l’ambiance des rues parisiennes, les odeurs et l’atmosphère des lieux dans les années 1880.

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Le Corbusier, Vers une architecture, Flammarion, Champs arts, Paris, 2008, 253 pages. Op. cité

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Nous savons que l’architecture « écrite » est apparue sous d’autres formes plus variées que celle de la théorie. Elle prend une place importante dans les genres littéraires comme le théâtre et opéra, qui apparaît en fond de scène (lors des représentations, de manière physique donc) mais aussi dans les écrits, c’est-à-dire qu’elle sert de repère spatio temporel. Enfin et surtout, le genre romanesque. Le roman existant depuis le XIIe siècle, beaucoup d’auteurs se sont attelés à dépeindre la société qui leur était contemporaine, nous informant sur les faits sociaux et historiques survenus durant l’époque racontée. C’est donc précisement ce genre riche en informations qui va nous intéresser dans ce mémoire. L’architecture, qui connaitra un tournant au XIXe siècle avec la première Révolution Industrielle du début du siècle, sera exposée dans de nombreux romans, comme elle ne l’a jamais été auparavant. Ils deviendront rapidement un support d’information et d’étude extrêmement riche. 2. Le roman, son rôle et sa position dans l’architecture Avec l’écriture du roman, c’est presque identique. Zola par le biais de ses écrits, a la ferme intention de générer une révolution, presque aussi grande que celle qui est en train de se dérouler fin XIXe, en mettant en scène des personnages fictifs imaginés par lui même à partir de traits de caractère observés chez les habitants de Paris. De plus, il a l’idée de créer une série de romans reposant sur la réapparition des personnages d’un roman à l’autre (inspiré de la Comédie Humaine de Balzac) : Zola écrira la série des Rougon-Macquart. 17


Un peu comme une mise en abîme, Zola va raconter dans une histoire romancée, toute la société parisienne à travers ses personnages. Les gares par exemple deviennent un sujet de prédilection chez les hommes de lettres comme chez les artistes. Monet peindra d’ailleurs de nombreux tableaux de la gare Saint-Lazare (fig. 1). Zola n’échappe pas à la fascination générale. Il devient en 1882 propriétaire d’une maison à Médan au bord de la ligne Paris-Le Havre et fréquente régulièrement la gare Saint-Lazare. Il témoigne au critique Edmondo De Amicis son intention d’écrire « un roman, le plus original de tous, qui se déroulera sur un réseau de chemin de fer...» et en 1882 à Paul Alexis : « Ce qui m’importe, ce que je veux rendre vivant et palpable, c’est le perpétuel transit d’une grande ligne entre deux gares colossales. Et je veux animer toute la population spéciale des chemins de fer : employés, chefs de gare, hommes d’équipe, chefs de train, chauffeurs, mécaniciens, gardes de la voie, employés du wagon des postes et télégraphes. On fera de tout dans mes trains : on y mangera, on y dormira, on y aimera, il y aura même une naissance en wagon ; enfin l’on y mourra...je voudrais que mon œuvre elle-même fût comme le parcours d’un train considérable, partant

Fig. 1 : Claude MONET, La gare Saint-Lazare, 1877, 75.5 x 104cm, Huile sur toile, Musée d’Orsay.

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d’une tête de ligne pour arriver à un débarcadère final, avec des ralentissements et des arrêts à chaque station, c’est-à-dire à chaque chapitre. » Tel un démiurge, Zola a l’ambition de recréer un monde dans son roman. Un monde qu’il imagine, mais qui sera directement inspiré de l’ébullition de la nouvelle ville et ses nouvelles technologies. Celui-ci va anticiper l’évolution de Paris en tant que ville moderne, où chacune des actions seraient générée et dictée par l’arrivée du chemin de fer, de l’électricité, de la rapidité, de la communication.

3. Une structure universelle « En trois temps, trois chapitres piliers également répartis qui structurent le roman. » 4 On peut noter que quelque soit la discipline, dans le cas de la littérature, le genre littéraire, une œuvre possède une structure. Par structure, nous pouvons entendre la manière dont sont ordonnées, arrangées entre elles les parties d’un tout. L’agencement de ces parties permettent de créer une cohésion d’ensemble donnant du sens à la production finale. En architecture, c’est la disposition relative des éléments qui assurent la stabilité d’un ensemble, ou la cohésion interne d’un matériau.5 En linguistique, c’est la manière dont les unités s’agencent entre elles en un système ordonné de Site internet BnF : http://expositions.bnf.fr/zola/bonheur/expo/salle2/page8.htm Dicobat, Dictionnaire général du bâtiment, 7e édition, Jean de Vigan, editions arcature, p 972. 3 4

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règles qui décrivent à la fois les unités et les relations qu’elles entretiennement entre elles. 5 Ainsi, l’oeuvre littéraire et celle architecturale peuvent être comparées et rapprochées du point de vue structurel. Si l’on considère que toutes deux possèdent une (trame) structurelle. En architecture : les éléments porteurs qui structurent les bâtiments, 1/ à la fois du point de vue technique puisqu’ils permettent la stabilité et la rigidité du bâti, 2/ mais aussi une cohérence architecturale, en terme d’espaces crées, vécus et pratiqués par l’habitant qui induisent une lecture du bâtiment plus ou moins aisée (la maison à Leiria, fig. 2, de l’agence Aires Mateus, bloc monolithique sans structure apparente, en contraste avec Le Seagram Building de Mies Van Der Rohe, fig. 3 et 4, dont la structure construit à la fois le bâti et l’espace habitable, « l’intérieur » du bâtiment).

Fig 2. Maison à Leiria, Aires Mateus, 2013

Fig 3. Seagram Building, Mies Van Der Rohe 2014 Définition, Le dictionnaire php?mot=structure 5

:

Fig 4. Seagram Building en travaux, Mies Van Der Rohe, 1954

http://www.le-dictionnaire.com/definition.

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En littérature, dans le roman, nous pouvons observer d’une part une organisation générale par partie, permettant la construction générale du récit ainsi que sa cohérence ; d’autre part, une cohésion structurelle à l’intérieur même du récit (à échelle plus réduite), comment les faits, descriptions (assimilables aux éléments porteurs) s’articulent entre eux pour donner du sens à la production finale.

A. La tripartition Un exemple parlant est ce celui de La Divine Comédie de Dante 6 (début XIVe siècle) où apparaît une structure en trois temps, pour symboliser le passage de l’enfer au purgatoire puis au paradis. Ce symbole du chiffre trois réapparait dans de nombreux écrits, on peut citer les nouvelles dans Les Dublinois 7 de James Joyce (1914) où les personnages se retrouvent souvent enserrés dans un cadre bien défini, dont le récit est découpé en trois temps. Également, les romans mettant en scène un héro tragique reprennent cette structure là : le Maire de Casterbridge 8 de Thomas Hardy (1886) évoque l’ascension sociale, la vie prospère puis le déclin de Michael Henchard. Le roman d’apprentissage reprend aussi parfois la partition en trois, évolution des « Années de jeunesse » « Années d’apprentissage » pour finir avec les « Années de maîtrise ». Le Père Goriot 9 pouvant être considéré comme un roman d’apprentissage, de par l’ascension sociale 6 7 8

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DANTE, La divine Comédie, (1320), Paris, Flammarion, GF, 2010, 630 pages. JOYCE James, Les dublinois, Paris, 2003, Pocket, 250 pages HARDY Thomas, The Mayor of Casterbridge, (1886), Penguin Classics, revue et augmentée, 2003. Op. cité

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d’Eugène Rastignac, il n’en comporte pas moins de quatorze chapitres, dont ressortent trois chapitres majeurs. Cette tripartition est donc bien présente. Balzac mentionne dès la deuxième page du roman les Catacombes pour dépeindre l’atmosphère regnant dans le quartier où se situe la pension Vauquer ; le personnage d’Eugène Rastignac va lui même prononcer la phrase « Je suis en enfer » 13 au sortir du bal de sa cousine. Il va par la suite passer par l’élévation sociale puis, peut être même la rédemption. « Proust, c’est bien connu, avait très tôt projeté d’intituler chaque partie de son livre d’un terme emprunté au vocabulaire de l’architecture : « porche, vitraux de l’abside... » ». 14 En parallèle, l’architecte a pour habitude de composer un batiment en plusieurs parties de manière très rationelle.

Fig. 5 : Temple de la Concorde Agrigente, 2011, photo personnelle.

Ibid., p328 HAMON Philippe , Expositions, littérature et architecture au XIXe siecle, 1989, José Corti, page 23. 13 14

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La tripartition, par exemple, est un manière de composer un édifice. Un bâtiment est à l’origine (dans la période classique) formé de trois parties : le sous-bassement, les colonnes (dorique, ionique ou corinthienne), le couronnement puis l’attique (fig. 5). Cette composition permet de distinguer visuellement le principe structurel d’un édifice tout en conservant un aspect esthétique majeur. De ce fait structure équivaut à compréhension et beauté. En suivant ce raisonnement nous pouvons lier les deux sujet évoqué : littérature et architecture.

B. Au Bonheur des Dames Dans Au Bonheur des Dames, la construction du roman de Zola se fait par « plans » au sens cinématographique du terme. 15 Le deuxième plan préliminaire prévoit quatorze chapitres (chiffre définitif), en alternant avec de gros plans sur les personnages principaux, les intrigues chez les personnages secondaires, et des tableaux du magasin aux temps forts de sa croissance.16

Site internet BnF : http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/Bonheur-des-dames.pdf Notice de fin de livre, p. 518, ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, (1883), Paris, G. Charpentier, Gallimard, Folio Classique, 1980, 526 pages. 15 16

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Fig. 6 et 7 : Plan gĂŠnĂŠral manuscrit, (sommaire du roman), E. Zola.

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Fig. 7

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Pour chacun de ses romans, Zola constitue un dossier préparatoire scindé en trois grandes parties : l’ébauche, les personnages et les plans. Une documentation très complète (notes d’enquête ou de lecture, article, lettre d’informateurs) vient alimenter ces parties, en même temps qu’un repérage des lieux. 1°) Le dossier préparatoire a. L’ébauche Zola commence systématiquement par tracer les grandes lignes du roman, ses grandes idées, et réfléchit à la manière dont il veut faire progresser l’intrigue,

Fig. 8 : manuscrit, dossier préparatoire, ébauche, E. Zola.

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les faits à évoquer, « je veux », « ne pas oublier », « éviter les scènes trop vives », « voir ce que cela me donnerait si Octave avait un associé ». Progressivement, les faits s’emboitent, les personnages se mettent en place et le récit se dessine plus précisément pour finalement prendre vie.

b. Les personnages Ils sont évoqués tout d’abord dans l’ébauche, où chacun se voit attribué un rôle précis. Ils prennent corps Fig. 9 : manuscrit de l’ébauche, les âges des personnages partant d’Octobre 1865, dossier préparatoire.

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dans les fiches individuelles que Zola rédige ensuite : leurs caractéristiques physiques et psychologiques apparaissent, ainsi que leur évolution au cours de l’action dramatique. Ce seront dix pages qui viendront décrire le personnage d’Octave Mouret, propriétaire du magasin le Bonheur des Dames. Parmis ces dix pages, sept proviennent du dossier préparatoire de Pot-Bouille (début 1882), roman écrit juste avant Au Bonheur des Dames (fin 1882, début 1883), racontant l’ascension initiale d’Octave, un des rares personnages apparaissant plusieurs fois dans le cycle des RougonMacquart et ayant à deux reprises le rôle principal. c. Les plans Après de nombreuses visites au Bon Marché, au Louvre et à la Place Clichy, Zola dresse un premier plan détaillé, véritable scénario de chaque chapitre, où il structure l’action dramatique. Puis il le corrige et l’enrichit d’ajouts puisés dans ses notes documentaires. À ce stade, apparaissent les trois chapitres piliers sur lesquels l’écrivain appuie la construction du roman, trois moments forts de l’activité du magasin correspondant en même temps aux étapes de son agrandissement : 1/ les nouveautés d’hiver (ch. IV) 2/ les nouveautés d’été (ch. IX) 3/ l’exposition de blanc (ch. XIV), qui coincidera avec le mariage d’Octave et Denise. Zola entre dans l’écriture du premier chapitre dès qu’il en a dressé un deuxième plan détaillé, intégrant les modifications du premier et portant des débuts de rédaction.

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2°) Le repérage du quartier Zola prépare son roman à la manière d’un cinéaste. Il situe son œuvre dans une ville, un quartier et même des immeubles, trace les plans du quartier, plaçant les logements qui ont un rôle, prenant des notes sur l’atmosphère, les passants, les habitants. C’est ainsi que l’auteur, de la même manière que l’architecte, va se rendre sur les lieux et les analyser de très près afin de pouvoir y inscrire au mieux sont œuvre : son roman ou son bâtiment. La rencontre avec le site, les habitants, les commerçants, les logements, les commerces, la ville, en un mot le contexte, vont être une source d’inspiration cruciale dans la production de chacun des deux protagonistes.

Fig. 10 : Plan du quartier du Bonheur des dames, emplacement de la boutique Le Vieil Elbœuf, BNF, Manuscrits, E. Zola.

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Fig. 11 : Plan du Bon Marché dessiné par Zola

Fig. 12 : Plan schématique des magasins du Palais Royal par Zola

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Fig. 13 : Plan autographe de magasin (rez-de-chaussĂŠe) par Zola.

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Entretiens, dessins, observations, énumérations, sont autant de méthodes et attitudes que chacun d’entre eux vont adopter dans le but de produire un travail particulièrement proche de la ville dont il est question. En effet, Zola va durant deux mois ( février et mars 1882) enquêter sur les grands magasins, notamment sur le Bon Marché et celui du Louvre. Il observera l’organisation des rayons, la dispositions des marchandises, mais aussi les plans des bâtiments, comment les espaces sont pratiqués et utilisés, comment les employés y vivent...etc. En tout, ce sont une centaine de pages qui ont été retrouvées. Il s’agit donc d’ observations très précises, exhaustives et de longue haleine que Zola a donc réalisé (voir deuxième partie pour plus de précisions).

C. Le Père Goriot Grâce au manuscrit, on peut comprendre comment Balzac a souhaité structurer son récit. Il l’a commencé fin septembre 1834 et l’acheva fin Janvier 1835. Il sera publié le 1er Février dans la Revue de Paris et paraît en libraire le 2 mars de la même année. Sur le manuscrit figure les six chapitres conformes au découpage du texte dans la Revue de Paris et dans l’édition originale en librairie (mars 1835). Toutefois nous remarquons que c’est le jargon théâtral dont Balzac se sert pour décrire l’organisation du roman : « comédie humaine », « scène de la vie privée », « drame effroyable », « tragédie parisienne », « le premier acte était fini »... Le genre dramatique sert de comparant à l’oeuvre et à sa structure (cf. excipit du roman : « Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen »17 ). 17

Op. cité, p. 354 32


De ce fait, les chapitres peuvent être assimilés à des actes : 1. Une pension bourgeoise / exposition 2. Les deux visites / acte I 3. L’entrée dans le monde / acte II 4. Trompe-la-Mort / acte III 5. Les deux filles / acte IV 6. La mort du père / acte V Nous pouvons noter la référence évidente à Shakespeare dès le début du roman avec l’expression « All is true »18, l’auteur du Roi Lear, personnage éponyme, dont les deux filles sont indignes de l’amour de leur père, tout comme le père Goriot. Une morale commune se dégage des deux œuvres : « Le père qui traine les haillons de l’indigence / Rend ses enfants aveugles ; ils ne le connaissent plus. »19 Il paraît donc très clair que Balzac a souhaité s’inspirer et construire son roman comme une pièce de théâtre, qui plus est shakespearienne. D’autre part, comparable à un édifice doté de quatre arches, où le personnage de Rastignac assure la fonction de clef de voûte, l’œuvre expose au lecteur une quadruple intrigue : - la première intrigue a pour point central le père Goriot, son sacrifice pour ses filles qui se retournent contre lui ; elle finit par sa mort. - la deuxième intrigue est celle de Vautrin ; le forçat qui sera trahi par le couple Poiret - Michoneau ; elle finit par son arrestation. Op. cité, p. 48 SHAKESPEARE William, Le Roi Lear, 2004, Librio, 127 pages, cité dans BALZAC Honoré de, La Comédie Humaine, III, Étude de mœurs : Scènes de la vie privée, Scène de la vie de province, édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex, édition Gallimard, collection Pléiade Bibliothèque, numéro 30, 1751 pages 18 19

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- la troisième intrigue, celle des dames parisiennes : madame de Beauséant et les deux filles de Goriot; intrigue tissée autour de liaisons amoureuses et abandons dont la déchéance est le dénominateur commun ; elle aboutit à la mort du père. - la quatrième intrigue, celle de Victorine Taillefer abandonnée par son père ; elle se clôt par l’assassinat de son frère et le recouvrement de sa fortune. Ces quatre intrigues se rejoignent à travers le personnage de Rastignac. On le trouve impliqué dans les quatre drames et il entretient des relations étroites voire intimes avec les protagonistes de chacune des intrigues. De ce fait il constitue pour le lecteur un véritable fil conducteur lui permettant de s’introduire dans les différents milieux sociaux évoqués « .... sans ses observations curieuses et l’adresse avec laquelle il sut se produire dans les salons de Paris ; ce récit n’eût pas été coloré des tons vrais ». Rastignac jouerait alors le rôle d’ « informateur » mis au service du lecteur lui permettant de s’introduire même dans les espaces les plus fermés. Il est à la fois présent dans la sordide pension Vauquer et dans les beaux appartements de la haute société parisienne, ce qui va nous donner un aperçu intéressant de l’h’abitat sous le XIXe siècle. Une construction symétrique – ou asymétrique Dès le début du roman se pose la question de l’identification du personnage principal : Eugène de Rastignac ou le personnage éponyme ? Il est vrai que Rastignac se voit confronté à deux perspectives, lesquelles correspondent à deux intrigues parallèles. L’une relève du choix de la noblesse offerte par sa tante Mme de Beauséant (aimer Mme de Nucingen et donc reconnaître Goriot comme beaupère) ; l’autre, du choix populaire, émane de Vautrin

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(aimer Victorine Taillefer et donc reconnaître l’an­cien bagnard comme père de substitution). Le schéma narratif va donc mettre en évidence ces deux intrigues parallèles, et la symétrie à laquelle est soumis le roman. - Situation initiale : « une pension bourgeoise ». - Première perturbation : « les deux visites » (Anastasie de Restaud puis Mme de Beauséant) inaugurant le choix Beauséant : parvenir par Delphine Nucingen. - Seconde perturbation: « l’entrée dans le monde » inaugurant le choix Vautrin : parvenir grâce à Victorine Taillefer. Au centre du roman, Rastignac hésite entre Delphine qu’il voit tous les jours sans être son amant et Victorine à qui il fait la cour. - Première résolution (symétrique de la seconde perturba­tion) : Rastignac opte pour le choix Vautrin ; Victorine devient riche mais « Trompe-la-mort » est arrêté et la jeune fille s’en va. La voie se ferme. - Seconde résolution (symétrique de la première perturba­tion) : Rastignac s’arrête au choix Beauséant, qui réussit ; introduite au bal, au sein de la haute noblesse grâce au héros, Delphine devient sa maîtresse et fait sa fortune. - Situation finale : « la mort du père » et la fuite de Mme de Beauséant. Tous les initiateurs de Rastignac ont disparu ; il se sent prêt à affronter son véritable adversaire, Paris, à qui il lance un défi : « - A nous deux maintenant !»

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Le schéma narratif du Père Goriot peut le situer dans la catégorie du roman d’initia­tion, même si l’image finale qui clôt ce parcours éducatif, est plutôt péjorative. Le héros débute son parcours au milieu d’une atmosphère où règne la misère, confronté au bas peuple (le quartier de la pension Vauquer est assimilé aux Cata­combes) pour finir sa ascension (dans le père Goriot du moins, puisqu’il finira Ministre dans La Maison Nucingen) au cimetière du Père-Lachaise. La Comédie Humaine, ou un microcosme littéraire du XIXe siècle « Le principe qui fournit à la Comédie Humaine son infrastructure possède une origine plus réfléchie que l’imitation de modèles antérieurs, romanesques ou théâtraux (Beaumarchais dans sa trilogie, fin XVIIIe, Le barbier de Séville – Le Mariage de Figaro – La mère coupable, faisait déjà revenir ses personnages). L’idée charpente de l’édifice balzacien qui consiste à faire circuler les personnages d’un roman à l’autre de manière que la juxtaposition des récits constitue l’histoire d’une société entière, s’est élaborée progressivement, par approximations, successives, par des tentatives partielles, locales et isolées, des tâtonnements ponctuels qui ne semblent pas tous prémédités. » 20 C’est avec Le Père Goriot que Balzac commence à appliquer systématiquement le procédé qui fait reparaître des personnages présentés dans des romans antérieurs. Cette invention accompagne une conception méthodique, ambitieuse et nette, de l’œuvre à bâtir en même temps qu’une vision globale, logique et précise, de la société.

Dossier par Stéphane Vachon (p. 360) in BALZAC Honoré de, Le père Goriot, (1835), Paris, Le livre de poche classique, 1995, 443 pages. 20

36


Michel Butor dira, à propos de la Comédie Humaine, qu’il s’agit d ‘« un mobile romanesque, un ensemble formé d’un certain nombre de parties que nous pouvons aborder presque dans l’ordre que nous désirons ; ( …) c’est comme une sphère ou une enceinte avec de multiples portes. » 21 Le Père Goriot fait la synthèse d’une expérience (celle du monde), une technique (romanesque) et une pensée (sur la littérature et ses pouvoirs). Dans la première édition en librairie du Père Goriot (1835), on compte vingt-trois personnages reparaissants. Balzac enrichit si bien sa technique au fil de la publication de ses œuvres nouvelles et des rééditions de ses œuvres anciennes que, au total, quarante-huit acteurs de La Comédie humaine reparaissent dans le Père Goriot. Ce nombre extrêmement élevé en fait pour le philosophe Alain un de ces « carrefours où les personnages de la Comédie humaine se rencontrent, se saluent, et passent. » 22 Pour François Mauriac, le lecteur se retrouve pris dans « un rond point. De là partent les grandes avenues qu’il a tracées dans sa forêt d’hommes. » 23 Une forêt de personnages structurant et apportant richesse et grandeur à l’œuvre romanesque, comme une structure porteuse répétitve pourrait apporter cohérence et beauté à un batiment, ou bien encore, si l’on souhaite la comparer à une échelle plus globalisante, une véritable ville moderne où chaque fonction, serait bien définie, habitée par une population entière, le tout savamment orchestré par Balzac.

21 22 23

Ibid. p 360 Ibid. p 360 Ibid. p 361

37


L ‘architecture et la littérature peuvent être rapprochées du point de vue du vocabulaire employé puisqu’elle mettent en place des processus de conception et d’analyse très semblables. Qu’il s’agisse de métaphores employées pour décrire l’univers créé par l’auteur, d’un microcosme imaginé dans le roman, d’un structure en plusieurs strates, plusieurs cadres, une ossature externe (composition en plusieurs actes), et interne (quadruple intrigue, principe de reparution des personnages entre les romans), l’œuvre romanesque utilise bien des méthodes de composition de la pensée et de l’écriture proche de celle d’un bâtiment. La symétrie est aussi un élément commun aux deux disciplines comme déjà évoqué, c’est-à-dire la mise en parallèle de deux éléments contraires. En littérature nous avons vu par exemple l’intrigue qui se situe à la pension Vauquer, dans un milieu pauvre, et l’intrigue dans le milieu bourgeois, qui se retrouvent grâce au contraste évident, mis en avant dans le roman, et possèdent plus de puissance et génèrent une impression plus forte chez le lecteur. En architecture, nous pouvons comparer cette technique au contraste également, stratégie simple pour souligner un espace, une sensation. La construction rationelle de la ville de Paris qui est en train d’être modelée sous la dictée du Baron Haussmann, avec la conservation de certains édifices anciens, et la création de nouveaux axes reliant des monuments remarquables entre eux, sont autant de liens tissés pour créer un chemin cohérent à l’intérieur d’un récit, celui de la ville moderne. C’est cet aspect là du roman de Zola que nous allons étudier dans la deuxième partie.

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II. LE ROMAN SOCIAL ET REALISTE ET L’ ARCHITECTURE Ce que nous apprenons de la ville et des espaces habités grâce au roman


« L’homme n’est pas seul, il vit dans une société, dans un milieu social, et dès lors pour nous, romanciers, ce milieu social modifie sans cesse les phénomènes. Même notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la société sur l’individu et de l’individu sur la société. » Emile Zola, extrait du Roman Expérimental, 1881

41


Le roman du XIXe siècle a pour particularité de se situer durant une période riche en bouleversements sociaux, politiques et culturels. Nous pouvons citer des évènements clés qui se retrouveront dans la vie quotidienne, plus ou moins directement, des personnages de Zola et Balzac. Le Père Goriot, prend place dans l’actuel quartier des Gobelins Saint-Médard, « entre le dôme du Val de Grâce et le dôme du Panthéon »1 ; il est plus apte à être étudié (dans ce mémoire) du point de vue des différents types d’appartements, bourgeois et de rapport, qui sont au cœur du roman. En revanche, dans Au Bonheur des Dames, ce sont plutôt les travaux urbains réalisés sous la direction du Baron Haussmann et l’évolution du quartier Gaillon qui vont être intéressants pour notre sujet. C’est à cet endroit-là que se concentreront certaines percées Haussmanniennes. Nous allons en premier lieu étudier la manière dont le roman Au Bonheur des Dames nous renseigne sur les transformations de la ville de Paris, son urbanisme sous la Révolution Industrielle, puis à échelle plus réduite, nous nous pencherons sur la question du logement, plus détaillée dans le roman de Balzac, puis pour finir, nous évoqerons le dialogue qui s’est instauré entre le logement et son habitant.

1

Op. cité, p. 49.

42


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Vers la bibliothèque Nationale Cha mps )


1. La société sous le Second Empire, l’urbanisme, et la Révolution Industrielle

Echelle de la ville : Analyse du quartier Gaillon dans Au Bonheur des Dames.

« Je veux, dans Au Bonheur des dames, faire le poème de l’activité moderne ».

Zola

Fig. 1, p. 43 : plan de repérage des quartiers de Paris où prennent place Au Bonheur des Dames (en vert), et Le Père Goriot (en rouge). Fig. 2, ci-contre : plan actuel du quartier Gaillon. Fig. 3, ci-dessus : manuscrit de l’ébauche de Au Bonheur des Dames (première page) par Zola.

45


Au Bonheur des Dames fut rédigé en 1882, mais son action se déroule de 1864 à 1869 (contraintes chronologiques imposées par sa saga des RougonMacquart). S’inspirant de La Comédie Humaine de Balzac, Zola a entrepris de décrire l’évolution d’une même famille dans son cycle des Rougon-Macquart, dont le soustitre est « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second empire ». A la fois admirateur, témoin, porte parole, poète envers cette ville et cette société en pleine mutation, il est également démiurge puisqu’il orchestre un ensemble de personnages et d’actions basés sur les faits réels qu’il a pu longuement étudier. Il adopte une vision qui plus est fourieriste et darwinienne : l’arrivée des grands magasins sur le marché du commerce serait équivalente aux « les pogromes d’un immense phalanstère » et aboutirait à « l’assassinat des petits marchands ». Zola avoue sa démarche d’écriture par rapport à son époque : « (...) montrer l’homme vivant dans le milieu social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue. Ainsi donc, nous nous appuyons sur la physiologie, nous prenons l’homme isolé des mains du physiologiste, pour continuer la solution du problème et résoudre scientifiquement la question de savoir comment se comportent les hommes, dès qu’ils sont en société. » 2 Zola parle clairement du rapport instauré entre l’homme et son environnement, l’influence qui s’exerce mutuellement l’un sur l’autre. Il convient donc, selon lui, d’étudier tous les critères et éléments pouvant influer sur ses personnages, et de leur accorder une place primordiale dans le récit. Le Roman expérimental ZOLA Emile, Le Roman Expérimental, (1880), Charpentier, Ed. Flammarions, 2006, 460 pages. 3 Op. cité. 46 2


sera rédigé un an avant Au Bonheur des Dames 3 ; nous pouvons en déduire une répercussion logique et directe sur l’écriture de l’œuvre étudiée. L’environnement joue, ou doit jouer un rôle aussi important que les personnages eux mêmes au sein de l’œuvre romanesque. Nous allons ainsi voir comment le contexte nous renseigne sur l’architecture et l’urbanisme de la ville de Paris à l’époque du Bonheur des Dames. Quelques années plus tôt, des éléments clés de l’histoire sont survenus et se font ressentir dans le récit. La construction des routes, des chemins de fer ou encore l’apparition de l’exposition internationale de 1855 sont autant de faits qui vont permettre à l’auteur de se situer dans son époque et de construire et cadrer son roman. Il convient de rappeler quelques chiffres et évènements pour comprendre l’époque étudiée ; la France, et en particulier les grandes villes, vont connaître durant le XIXe siècle une explosion démographique, économique et architecturale. La population urbaine va fortement augmenter durant la première partie du XIXe siècle avec l’exode rural, jusque dans les années 1870. Le taux de mortalité sera élevé, la qualité de vie déplorable, avec des problèmes générés par la forte concentration : hygiène, maladies... etc. Plus de 30% de la population française sera urbaine. Ce phénomène touchera toutes les villes, notamment celles desservies par les chemins de fer. En effet, la France compte vingt-neuf millions d’habitants en 1815, en 1848, elle en comptera trentecinq millions. 47


En 1841, Paris compte à elle seule un million d’habitants. Vingt ans plus tard, elle en comptera 1,7 millions. Car en 1860, Napoléon III, à la tête du Second Empire (1852-1870), annexera les communes situées entre la barrière des fermiers généraux et l’enceinte militaire, ce qui engendra l’augmentation des recettes fiscales, et de ce fait doublera sa superficie la superficie de la ville ; Paris gagnera 400 000 habitants. Un exemple plus précis rend compte de la densité de la ville : on recense mille habitants à l’hectare dans le quartier des Halles, chaque habitant ne dispose que de huit mètres carrés. Paris est devenue une ville industrielle, qui attire une population ouvrière, et connait très vite l’arrivée du train. Le dessin du réseau en étoile se profile, et converge vers Paris, ce qui ne fait qu’aggraver les problèmes d’hygiène et de circulation déjà installés dans la ville. D’autres chiffres marquants témoignent de la nécessité pressante de remodeler la ville : entre 1832 et 1849, on estime 40 000 victimes du choléra. En 1853, on évalue à 60 259 le nombre de voitures présente dans le centre de Paris.4 Paris étouffe, elle a un besoin urgent de travaux d’assainissement. Napoléon III décide de s’entourer de G-E Haussmann (préfet de la Seine chargé de la coordination et le financement des travaux), Eugène Belgrand (ingénieur chargé de l’assainissement) et J-C Alphand (ingénieur chargé des espaces verts) afin de moderniser la ville, en adoptant trois notions clés : aérer, unifier, et embellir.

4

Documentaire : « Paris : la révolution Haussman »

48


Pour Haussmann, les voies entourant l’Opéra sont stratégiques : « [Elles ont] le grand mérite de créer une communication facile et directe entre les beaux quartiers de Paris et les plus commerçants ».5 Alphand marquera la naissance de l’espace public et urbain de la ville. Il créera du mobilier urbain en fonte, réfléchira au système de plantation dans les détails les plus petits. Il dessinera des éléments en fonte encore une fois, qui permettront d’éviter d’âbimer le pied des pilastres d’entrée des immeubles (par les sabots des chevaux par exemple). Ce détail se retrouve encore aujourd’hui (fig. 4), situé à l’angle de la rue de l’Arbalète et de la rue Lhomond (tout près de la pension Vauquer).

Fig. 4 : Angle de la rue Lhomond et rue de l’Arbalète. Détail d’angle d’époque Napoléonienne.

5

Mémoires du Baron Haussmann.

49


En même temps s’effectue un tracé des axes, générant entre autre la croisée de Paris, reliés par des voies concentriques à partir desquelles rayonnent quelques grandes voies à partir du périphérique. Ces axes reliant les monuments majeurs de la capitale sont les grandes lignes maitresses du nouveau plan de Paris. Les architectes auront pour objectifs de mettre en valeur la perspective de la rue et l’alignement parfait des bâtiments.

Fig. 5: Plan de Paris avec les tracées et aménagements réalisés par Haussmann en rouge ; la zone encadrée est celle du croisement, entre autre de l’avenue de l’Opéra et de l’avenue du quatre Septembre.

Les réseaux d’égoûts deviennent également un chantier monumental. Ce projet urbanistique durera dix-sept ans : la capitale sera pendant ce temps un véritable chantier à ciel ouvert.

50


Certaines rues, larges de douze mètres (c’est le cas de la rue Richelieu, voir plan page 36), vont cotoyer les percées qui désormais en feront vingt (rue du Dix Décembre). 5 La qualité et le ressenti des espaces ne sera donc pas du tout les mêmes. Denise, au début du roman ressent un « vent froid » 6 qui souffle et la glace, dès son arrivée à Paris, sûrement engendré par la création des grands couloirs où le vent s’engouffre facilement. Beaucoup se plaindront de l’ouverture béante de ces voies, qui attireront donc les grands magasins, au détriment des petits qui se portaient bien « un flot de voitures passait, d’un large train de conquête, au milieu de cette trouée de lumière qui coupait l’ombre humide du vieux quartier Saint-Roch ».7 N

Fig. 6 : Superposition de l’atlas Vasserot (1830) sur les ilôts et tracés actuels (gris clair). 5 6 7

Op. cité, p. 19 Ibid., p. 59 Ibid., p. 70

51


Fig. 7 : De la rue de l’Échelle à la rue Saint-Roch. Le percement de la nouvelle avenue de l’Opéra, 1876, estampe et photographie.

52


Fig. 8 : Le percement de l’avenue de l’Opéra ; marché aux matériaux de démolition, d’après une photographie de M. Marville, 1877.

Fig. 9 : Le Baron Haussmann, préfet de la Seine, entouré des monuments historiques de Paris.

53


Zola use continuellement des métaphores et personnifications pour parler du magasin : « [il] semblait crever et jeter son trop-plein à la rue » 8, ses vitrines paraissaient comme « chauffées et vibrantes de la trépidation intérieure » 9, le fonctionnement mécanique époustoufflant mais aussi effrayant, dont l’escalier « dégorgeait sans relâche des marchandises englouties par la glissoire » 10... etc. L’auteur ne lésine pas sur la récurrence de l’imagerie du monstre engloutissant sans pitié les marchandises, en même temps que les commerces voisins. « Au delà, Paris s’étendait, mais un Paris rapetissé, mangé par le monstre (...) les monuments semblaient fondre, à gauche deux traits pour Notre-Dame, à droite un accent circonflexe pour les Invalides, au fond le Panthéon, honteux et perdu, moins gros qu’une lentille. » 11 Les monuments fondent, ils ont perdu de leur majesté, ils ne sont que des « traits» dans la skyline de la capitale, même le Panthéon est « honteux » face aux grands magasins. Cette architecture monumentale, richement décorée, mais en même temps d’une modernité surprenante avec tous ses mécanismes internes de gestion de la marchandise, la rend à la fois attrayante et repoussante pour Denise (qui reste bouche bée devant un tel spectacle et se trouve attirée malgré elle par les grandes vitrines). « ...entre la rue de la Michodière et la rue de Choiseul, il y avait une émeute, l’écrasement d’une foule chauffée par un mois de réclame, les yeux en l’air, bayant devant la façade monumentale du Bonheur des Dames, dont l’inauguration avait lieu ce lundi-là, à l’occasion de la grande exposition de blanc (…) C’était, dans sa fraîcheur gaie, un vaste développement d’architecture Ibid., p. 31 Ibid., p. 43 10 Ibid., p. 72 11 Ibid., p. 490 8 9

54


Fig. 10 : La porte Marengo, éclairée de nuit à la lumière électrique, Grands Magasins du Louvre, 1877.

Fig. 11 : Grands magasins du Coin de Rue, vue intérieure, Affichette publicitaire 1874.

55


polychrome, rehaussée d’or, annonçant le vacarme et l’éclat du commerce intérieur, accrochant les yeux .» 12 La ville toute entière est sous l’emprise du magasin, et plus rien ne semble l’égaler, en terme d’architecture et d’influence. Les chemins de fer et gares Les ingénieurs construiront 1km de route pour 1km2 de territoire en quelques décennies, ce qui est considérable. Toutefois, le système MacAdam mis au point en 1818 prendra de nombreuses années avant de remplacer les chemins de terre ou de pavés délabrés. Denise dès son arrivée à Paris, est surprise par l’état de saleté de la ville : « la chaussée était trouée de flaques, les ruisseaux roulaient des eaux sales, une boue épaisse, piétinée, poissait les trottoirs ».13 En 1839, Paris qui devient relié à St Germain-en-Laye par le train. On note que 17 000 km de voies ferrées existent en 1870 , contre 37 000 km début 1900. C’est le début de la construction du « grand chevelu » en France, un système de maillage de lignes ferroviaires à l’échelle du pays qui permet une parcours plus aisé, rapide, du territoire et donc une meilleure connaissance de celui-ci. Apparaît donc la notion de vitesse inconnue jusqu’alors, mais aussi le transport de masse avec les wagons. Ce qui était cantonné à la ville va pouvoir être déplacé, les attributs et autres éléments de la ville vont pouvoir être exportés, c’est la ville elle même qui va pouvoir s’exporter ; le commerce sera ainsi facilité.

12 13

Op. cité, p 29 Ibid. p. 57 56


Fig. 12 : Intérieur d’une gare, estampe, non datée.

Fig. 13 : MONET Claude, La gare Saint-Lazare, huile sur toile, 1877

57


C’est avec la gare que Zola ouvre son roman : « Denise était venue à pied de la gare Saint lazare, où le train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe. » 14 La gare fut un ouvrage d’art et d’ingénierie très admiré à l’époque, qu’il s’agisse donc des littéraires, mais aussi des artistes comme Monet (fig. )qui peindra sans relâche les gares de Paris, mais aussi les architectes qui seront chargés de dessiner ces nouveaux édifices de verre et d’acier. A l’image du Crystal Palace (Joseph Paxton, 1851) à Londres quoique plus modeste, la gare relève en apparence du miracle quant à sa réalisation. Le commerce En 1860 est signé un traité de commerce avec l’Angleterre. Ce traité abolit les droits de douane sur les matières premières, et la majorité des produits alimentaires entre les deux pays, supprimant également la plupart des prohibitions sur les textiles étrangers et sur divers produits métallurgiques. Cette ouverture économique des frontières stimule alors la modernisation du tissu industriel français et de ses modes de production. C’est exactement ce dont Zola nous parle dans Au bonheur des Dames, avec l’expansion du grand magasin grâce à la vente des produits importés à prix bas, un bénéfice plus important, et une concurrence plus rude avec les petits commerces du quartier. De même, ce sont la sidérurgie et la métallurgie qui se retrouvent renforcées en France, avec la construction de bâtiments utilisant la fonte par exemple pour leur structure.

14

Op. cité, p. 29 58


Architecture et ingénierie De plus en plus d’architectes vont baser leurs théories sur une nouvelle intelligence de la construction durant ce siècle prolifique. Les architectes vont penser progressivement à épurer les formes. Au début du XIXe siècle, il sera question de montrer un certain savoir-faire architectural face aux autres métiers qui se perfectionnent. Les ingénieurs, avec l’arrivée de la Révolution Industrielle vont connaître un essor considérable au sein de leur métier, et les architectes les suivront de près, pour finalement exceller à leur tour. L’opéra Garnier viendra s’ajouter au Théâtre des Italiens (fig. 15, page suivante) que Mme de Nucingen va fréquenter, ainsi que celui au passage Choiseul, le Théâtre des Bouffes Parisiens (fig. 14). L’ esthétique baroque (chargée et riche), typique du second Empire, s’exprime cependant avec éclat dans le nouvel Opéra. Construit entre 1862 et 1875, le métal, alors matériau nouveau et précieux, sera caché intentionnellement par l’architecte, comme un pied de nez aux ingénieurs. Cette opposition de styles architecturaux symbolise bien les mutations de la ville au cours de cette époque transitoire. Le modernisme est bel et bien en train de conquérir la ville. Zola s’inspirera de la structure en fonte du Bon Marché réalisée par Gustave Eiffel pour décrire et imaginer Au Bonheur des Dames (fig.17 ).

59


Fig. 14 : Passage Choiseul, drapeau du ThÊâtre des Bouffes Parisiens, octobre 2014, photographie personnelle.

60


Fig. 15 : Le Théâtre italien vers 1840, gravure de C. Mottram sur un dessin d’Eugène Lami.

61


Fig. 16 : Coupe sur l’escalier de l’Opéra de Paris, Charles Garnier, aquarelle, 1962

62


Fig. 17 : Coupe transversale sur l’escalier. Magasins du Bon Marché à Paris, Encyclopédie d’Architecture, 1876.

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«L’architecte, par hasard intelligent un jeune homme amoureux des temps nouveaux, ne s’était servi de la pierre que pour les sous-sols et les piles d’angle, puis avait monté toute l’ossature en fer, des colonnes supportant des poutres et des solives. Les voûtins des planchers, les cloisons des distributions intérieures étaient en briques. Partout on avait gagné de l’espace, l’air et la lumière entraient librement, le public circulait à l’aise, sous le jet hardi des fermes à longues portées.» 15

15

Op. cité, p. 280.

64


Entre 1842-1851, la bibliothèque SainteGeneviève est construite à Paris, en face du Panthéon, par l’architecte Henri Labrouste (fig. 18 à 20). Ce type d’édifice témoigne d’une volonté de se situer dans son époque avec l’utilisation de la fonte, mais aussi d’un nouveau mode de pensée davantage rationnel. Son plafond reposant sur des piliers et des arches en fonte, elle emploie une technique novatrice pour l’époque, ce type de matériau et la structure apparente qui plus est, sont normalement réservés aux halles de marché. La fonte permet d’obtenir des portées largement supérieures à celles de la pierre, une hauteur sous plafond importante, et un volume considérable dû à un espace de quatre-vingt mètres de long par dixsept mètres de large, non cloisonné. Cet édifice sera vu comme le manifeste de la pensée rationaliste émergente du début de siècle.

N

Fig. 18 : Plan de la Bibliothèque Sainte Geneviève, Henri Labrouste.

65


Fig. 19 : Vue intérieure de la Bibliothèque Sainte Geneviève.

Fig. 20 : Coupe de la Bibliothèque Sainte Geneviève.

66


Trois ans plus tard, Labrouste se voit confier l’agrandissement de la Bibliothèque Impériale, (actuelle Bibliothèque Nationale), comprenant une salle de travail, connue sous le nom de Salle Labrouste (fig.). De 1854 à 1858, il travaille à la reconstruction de la partie Est de la bibliothèque. Il édifie par ailleurs la nouvelle salle de lecture et le magasin central. Ces nouveaux bâtiments longent la rue de Richelieu et la rue des Petits Champs (Neuve des Petits Champs dans Au Bonheur des Dames). Pour cette salle de lecture, là où Labrouste avait adopté la forme traditionnelle de la bibliothèque « en galerie » pour Sainte-Geneviève, il préfère ici le plan carré, prolongé par un hémicycle. Comme à SainteGeneviève, il met au point une ingénieuse structure métallique indépendante de la maçonnerie. Seize colonnes en fonte soutiennent neuf coupoles. Percées d’oculi, elles diffusent une lumière uniforme dans la salle.

Fig. 21 : Plan de la bibliothèque impériale, Henri Labrouste, 1868

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Fig. 22 : Bibliothèque Nationale, Henri Labrouste, photographie de James Austin

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Labrouste effectue des choix architecturaux novateurs : tout d’abord, il couvre le magasin d’un toit en shed, ce qui assure une luminosité homogène. Les planchers des étages sont en claire-voie, de façon à ce que la lumière pénètre jusqu’au sous-sol. Enfin, l’occupation de l’espace est optimisée : les escaliers sont placés à intervalles réguliers afin de minimiser les déplacements. Les expositions universelles Capitale de l’Europe au même titre que Londres, Paris accueille de grandes réunions internationales telles que l’exposition universelle de 1855 et celle de 1867. Celles-ci lui permettent de mettre en avant l’intérêt de la France pour les progrès techniques et économiques. Celle de 1855 accueillera les halles Baltard, construites entre 1854 et 1870 par Victor Baltard, plus communément appelées les Halles de Paris, que Zola prit d’ailleurs pour objet et lieu principal dans son livre écrit en 1873, Le Ventre de Paris 16. Formées de dix pavillons de fonte, zinc et verre, elles seront une réussite architecturale. La population sera à la fois effrayée par cette arrivée fracassante du monde industriel dans leur ville, mais elle en sera tout aussi fascinée. « ...Claude, Cadine et Marjolin, rôdaient autour des Halles, ils apercevaient, par chaque bout de rue, un coin du géant de fonte. C’étaient des échappées brusques, des architectures imprévues, le même horizon s’offrant sans cesse sous des aspects divers. (...). Au loin, les Halles, vues de biais, l’enthousiasmaient : une grande arcade, une porte haute, béante, s’ouvrait (...) on eût dit des profils de maisons et de palais superposés, une babylone de métal, d’une légèreté hindoue, traversée par des terrasses suspendues, des couloirs aériens, des ponts volants jetés sur le vide. » 13 ZOLA Emile, Le ventre de Paris, Paris, 1971, Lgf, Les classiques de poche, 512 pages. 16

69


L’architecture de métal est une révolution dans le paysage urbain de Paris. Elle offre de nouvelles vues jamais découvertes auparavant par les habitants, c’est une nouvelle vision, une attraction pour la ville moderne en pleine métamorphose.

Fig. 23 : Les Halles Baltard, Victor Baltard, photographie de Robert Doisneau.

Fig. 24 : Pavillon des Halles de Baltard avant destruction, 1971, photographie de Jean Pierre Loth, INA.

70


71


N

Fig. 25 : Quartier de la pension Vauquer ; plan des ilôts datant de 1850 (gris foncé) et tracés actuels.

72


2. Le logement sous le Second Empire Echelle du logement dans le Père Goriot

« L’ architecture est l’expression des moeurs »17 Balzac

Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, les architectes sont plus nombreux et peuvent élargir leurs commandes : ils s’intéressent désormais aux logements des différentes classes sociales, qu’ils s’agissent des appartements bourgeois, de la classe moyenne mais aussi des ouvriers. La bourgeoisie réside le plus souvent dans des hôtels en centre ville, et possède des résidences de villégiature à la campagne. La classe moyenne, elle, habite les immeubles de rapport en ville, partagés en trois classes décroissantes, possédant généralement moins de pièces, et des espaces moins généreux. Une hiérarchie sociale émerge dans la « hauteur », bien qu’étant à première vue une simple imagerie, elle se trouve être entièrement avérée. Il était ainsi montré à travers le dessin de Bertall (fig.26 ) que le rez-de-chaussée et le dernier étage (sous les combles) étaient habités par les gens les plus pauvres. Les familles bourgeoises résidaient par conséquent dans les étages supérieurs. Cette organisation spatiale est appliquée à la lettre dans la pension Vauquer, longuement décrite en ouverture du Père Goriot. Au début du roman, le personnage éponyme réside dans un appartement au premier étage de la pension, mais très vite, il se retrouve dépouillé de sa fortune à cause de ses filles, et se voit contraint de déménager

BALZAC Honoré de, La fausse maitresse, Furne (1842), Les Scènes de la vie privée et des Études de Mœurs, Paris Gallimard, Folio, 2010, 112 pages. 17

73


Fig. 26 : Dessin de Bertall gravé par Lavieille, reprise dans L’lllustration du 11 janvier 1845 sous le titre : « les cinq étages du monde parisien ».

« vers la fin de la troisième année (…) en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. » 18 18

Op. cité, p.78

74


La pension Vauquer, située « entre le quartier latin et le faubourg Saint Marceau » (actuel quartier des Gobelins-Saint-Médard), rue Neuve Sainte-Geneviève, représente incontestablement l’immeuble de rapport par excellence : « Le premier étage contenait les deux meilleurs appartements de la maison. Madame Vauquer habitait le moins considérable (…). Les deux appartements du second étaient occupés, l’un par un vieillard nommé Poiret ; l’autre, par un homme âgé d’envrion quarante ans (…). Le troisième étage se composait de quatre chambres, dont deux étaient louées, l’une par une vieille fille (…) ; l’autre, par un ancien fabricant de vermicelles, de pâtes d’Italie et d’amidon, qui se laissait nommer le Père Goriot. Les deux autres chambres étaient destinées aux oiseaux de passage (…). En ce moment l’une des deux chambres appartenait à un jeune homme venu des environs d’Angoulême à Paris pour y faire son droit (…). Eugène de Rastignac. (…) Au dessus de ce troisième étage étaient un grenier à étendre le linge et deux mansardes où couchaient un garçon de peine, nommée Christophe, et la grosse Sylvie, la cuisinière. »19 Une progression sociale croissante puis décroissante s’instaure donc lorsqu’on gravit les étages de l’immeuble de rapport du XIXe siècle. Une chanson de l’époque (page suivante) décrivait d’ailleurs très justement, de manière ironique et familière, l’ascension sociale puis le déclin au fur et à mesure que l’on montait dans les étages de l’immeuble parisien. Tout prête à penser que la société du XIXe siècle comporte beaucoup de disparités sociales, qui transparaissent à travers le logement.

19

Op. cité, p.57

75


« Dans la soupente du portier, Je naquis au rez-de-chaussée. Par tous les laquais du quartier, A quinze ans, je fus pourchassée ; Mais bientôt un jeune seigneur M’enlève à leurs doux caquetages : Ma vertu me vaut cet honneur, Et je monte au premier étage, Là, dans un riche appartement, Mes mains deviennent des plus blanches. Grâce à l’or de mon jeune amant, Là, tous mes jours sont des dimanches. Mais, par trop d’amour emporté, Il meurt. Ah ! Pour moi, quel veuvage ! Mes pleurs respectent ma beauté, Et je monte au deuxième étage, Là, je trompe un vieux duc et pair, Dont le neveu touche mon âme. Ils ont d’un feu payé bien cher, L’un la cendre et l’autre la flamme, Vient un danseur nouveaux amours ; La noblesse alors déménage. Mon miroir me sourit toujours,

Fig. 27 : Détails du dessin de Bertall ; la bonne bourgeoisie au deuxième étage.

76


Et je monte au troisième étage, Là, je plume un bon gros Anglais, Qui me croit veuve et baronne, Puis deux financier vieux et laids, Même un prélat : Dieu me pardonne ! Mais un escroc, que je chéris, Me vole en parlant mariage... Je perds tout, j’ai des cheveux gris, Et je monte encore un étage, Au quatrième, autre métier : Des nièces me sont nécessaires ! Nous scandalisons le quartier, Nous nous moquons des commissaires. Mangeant mon pain à la vapeur, Des plaisirs je fais le ménage. Trop vieille, enfin, je leur fais peur, Et je monte au cinquième étage, Dans la mansarde, me voilà : Me voilà pauvre balayeuse ! Seule et sans feu, je finis là Ma vie au printemps si joyeuse. Je conte à mes voisins surpris Ma fortune à différents âges ; Et j’en trouve encore des débris.» 20

Fig. 28 : Détails du dessin de Bertall ; les combles.

Paroles : Pierre-Jean de Béranger (1830). Air : Dans cette maison à quinze ans, où J’étais bon chasseur autrefois. http://grial4.usal.es/MIH/parisBuildings/moreinfo.html# 20

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En contraste avec la pension miteuse, se révèlent les lieux de la haute société, celle des deux filles du personnage éponyme, Anastasie et Delphine, ainsi que la cousine d’Eugène de Rastignac, Madame de Beauséant. Toutes trois bourgeoises, elles résident paisiblement, en apparence à l’abris du « bourbier », dans leurs appartements luxueux. Dès sa première apparition dans le monde, Eugène, jeune campagnard, se complait à révâsser : « la comtesse de Restaud demeurait rue du Helder (…) mettre le pied au faubourg Saint-Germain chez la vicomtesse de Beauséant, le genou dans la Chausséed’Antin chez la comtesse de Restaud ! Plonger d’un regard dans les salons de Paris en enfilade... »21 Mais rapidement, il se rend compte de la difficulté qui se présente à lui : « cette vie de Paris est un combat perpétuel. » 22 Chaussée d’Antin rue de la Michaudière rue du Helder rue St Lazare

Faubourg Saint-Germain rue de Grenelle

Quartier Latin

N

rue Neuve Sainte Geneviève

Fig. 30 21 22

Op. cité, p. 86 Op. cité, p. 141

79


Chez Mme de Beauséant La cousine d’Eugène, la vicomtesse de Beauséant, loge dans le « grandiose hôtel de Beauséant », rue de Grenelle, au Faubourg SaintGermain, où « attendait le luxe d’un grand seigneur, un équipage que trente mille francs n’auraient pas payé. »23 A son arrivée, Eugène fut « conduit par un grand escalier plein de fleurs, blanc de ton, à rampe doré, à tapis rouge ». 24 Dès l’entrée, l’hôtel annonce sa beauté et son éclat, plein de couleurs et de contrastes. Les appartements de Mme de Beauséant ne sont pas entièrement décrits, mais Balzac nous apprend qu’Eugène, dès son retour à la pension, trouva « une salle à manger nauséabonde » et « le spectacle de ces misères et l’aspect de cette salle lui furent horribles. La transition était trop brusque, le contraste trop complet (...)D’un coté, les fraiches et charmantes images de la nature sociale la plus élégante, des figures jeunes, vives, encadrées par les merveilles de l’art et du luxe, des têtes passionnées pleines de poésie ; de l’autre, de sinistres tableaux bordés de frange, et des faces où les passions n’avaient laissé que leur cordes et leur mécanisme. » 21 Cette approche comparative des deux mondes que tout sépare, sert de faire valoir pour le monde bourgeois. Eugène tombe instantanément dans ce piège, ne saisissant pas les dangers que représente ce monde dévoré par le paraître, dans lequel vivent les filles Goriot qui sont, bien au contraire, malheureuses.

21

Op. cité, p. 137

80


Fig. 31 : le diner à la pension Vauquer, dessin de James Henry Lynch, 1885.

Chez Mme de Nucingen De l’autre coté de la Seine, rue SaintLazare, près des grands boulevards, demeure la fille cadette du père Goriot, la baronne Delphine de Nucingen. (cf. carte page 78) « Une de ces maisons légères, à colonne minces, à portiques mesquins, qui constituent le joli Paris, une véritable maison de banquier, pleine de recherches coûteuses, des stucs, des paliers d’escalier en mosaïque de marbre. Il trouva Madame de Nucingen dans un petit salon à peinture italiennes, dont le décor ressemblait à celui des cafés. La baronne était triste (…) « les chaînes d’or sont les plus pesantes. » 22

22

Op. cité, p. 203

81


A travers un langage ironique et dédaigneux, Balzac critique la « mesquinerie » émanant de la maison du banquier de Nucingen. La richesse des décorations, trop démonstratives, gâche en quelque sorte la maison d’apparence légère pourtant. On peut cependant remarquer que la façade, traitée de manière moderne, comporte de minces colonnes, non sans rappeler celles en bronze de Labrouste qui verront le jour quelques années plus tard. Chez Mme de Restaud Pour finir, la comtesse Anastasie de Restaud, elle, habite rue du Helder (qui se prolonge d’ailleurs dans la rue de la Michodière, exactement où se déroule l’action de Au Bonheur des Dames), non loin de sa sœur. (voir plan page 72) Cette première visite (ordre chronologique) en lieu bourgeois est un pas symbolique franchi par Eugène. Son arrivée lui vaudra un coup d’œil « méprisant des gens qui l’avaient vu traversant la cour à pied, sans avoir entendu le bruit d’une voiture à la porte.» D’ailleurs, « ce coup d’œil lui fut d’autant plus sensible qu’il avait déjà compris son infériorité en entrant dans cette cour »23. Un contraste bien trop fort pour le jeune homme qui se trouve presque humilié dès son arrivée. Dans l’hôtel, chaque élément peut témoigner de la richesse, depuis le portail d’entrée de l’hôtel jusque dans les plus petits détails d’ameublement. Premièrement, la cour, où piaffe un « beau cheval richement attelé » (on peut noter que même l’animal est plus digne et présente plus de richesse et d’allure qu’Eugène, qui semble d’ailleurs de moquer de lui). 22

Op. cité, p. 203.

82


Ensuite, un valet de chambre, posté dans l’entrée, dont le rôle tient seulement à annoncer le noms des invités à la vicomtesse. Eugène pénètre par la suite dans l’antichambre, s’appuie le coude sur une espagnolette (buste de femme souriante, en bronze doré, dont sont souvent garnis les angles des meubles).ref definition Nous apprenons par la suite que la comtesse se trouve dans son boudoir, un espace de repos, de détente, propre aux maisons bourgeoises. N’étant pas disponible à ce moment-là, le valet proposa à Eugène de « passer au salon ». Il s’agit du premier salon cité dans le parcours de l’hôtel. Il tombe ensuite par mégarde dans ce qu’il semble être une salle d’eau, avec « des lampes, des buffets, un appareil à chauffer des serviettes pour le bain, et qui menait à la fois dans un corridor obscur et dans un escalier dérobé. » Ce deuxième faux pas suscite à nouveau les rires « étouffés qu’il entendit dans l’antichambre », et « mirent le comble à sa confusion » (il s’agit de la deuxième fois que les actes maladroits et inconvenu d’Eugène suscitent des ricanements, voir page précédente) . Il se dirige vers le corridor au fond duquel brillait une lampe, attiré par le son de la voix de madame de Restaud, rentre ensuite dans « la salle à manger, la traversa, suivit le valet de chambre, et rentra dans un premier salon » (celui évoqué par le valet dès son arrivée, où Eugène était invité à attendre). Eugène demeure debout, devant une fenêtre, d’où il est surpris par la sortie de Maxime de Trailles (amant de la vicomtesse). Le père Goriot, débouche finalement « près de la porte cochère par la sortie du petit escalier ».

23

Op. cité, p. 108.

83


Ces informations, et en particulier les différents escaliers, sont très importantes car elles nous informent à la fois sur le type d’appartement existant à cette époque, et le statut que possède le personnage du père Goriot dans le milieu bourgeois. En effet, il existe dans l’hôtel aristocratique, des escaliers séparés selon qui les pratique : l’escalier principal destiné à être emprunté par l’habitant, et l’escalier plus petit, souvent sur le côté où à l’arrière de l’immeuble, emprunté par les domestiques seulement. Ici, nous comprenons aisément que cet escalier dérobé est celui auquel le père Goriot est affecté, puisqu’il n’est pas de la bourgeoisie, il s’introduit donc en toute discrétion chez ses filles ; il serait déplacé de sa part d’emprunter les escaliers de l’entrée principale (sa fille à d’ailleurs dû lui imposer la sortie dérobée). On peut noter également que la pièce principale est situé côté rue, la cuisine et la chambre du domestique se trouvant probablement à l’arrière. La distribution des pièces doit être sûrement en enfilade, et centrifuge comme l’exigent les conventions de l’appartement aristocratique et bourgeois (et comme se prêtera à le penser Eugène, cf. page 73 ). « C’est en effet, le mode de vie de la bourgeoisie urbaine décrit comme une norme qui établit le programme de l’habitation et fonde les choix spatiaux (...) la distribution intérieure de l’habitation se réfère tout d’abord à l’usage. L’habitation est une bonne habitation lorsque la clarté de lecture résulte d’une concordance entre mœurs, usages, et dispositions architecturales. L’architecture, conseil et guide grâce à son goût, sa logique, et son bon sens, doit se conformer aux mœurs. » 24

Monique ELEB, Anne DEBARRE, Architectures de la vie privée, maisons et mentaliés, XVIIe-XIXe siècles, Paris : A.A.M Hazan, 1989, p. 88. 24

84


On peut déduire que la maison de Mme de Restaud comprend, au minimum, les éléments suivants : - une cour - au moins une écurie (puisqu’un cheval est dans la cour) - une antichambre (proche de l’entrée) - deux escaliers (un de service et un grand principal) qui sont relativement proches l’un de l’autre - un cabinet d’aisance ou de toilette (auquel le maitre accède depuis sa chambre, et le domestique par une porte dérobée) - un boudoir (éloigné de l’entrée) - deux salons, un petit et un grand - une salle à manger (jouxtant le petit salon) - une cheminée (proche du grand salon) - un dégagement (appelé corridor dans le roman) L’ ouvrage rédigé par M. Eleb et A. Debarre 25 offre une collection extrêmement riche en informations, définitions et en plans d’appartements et d’hôtels du XIXe siècle (cf. annexe pour plus de détails). En suivant la description minutieuse du parcours d’Eugène dans l’hôtel de la comtesse de Restaud, j’ai pu déterminer le type d’appartement qu’elle occupait (approximativement, puisqu’il existait un grand nombre de typologies d’appartemements bourgeois à cette époque). Étant donné que le nombre, la superficie, et l’organisation de chaque pièce différenciaient d’une famille à une autre selon leur fortune, l’appartement correspondant est cité à titre d’exemple, celui le plus proche de la description faite par Balzac.

25

Op. cité.

85


Le plan pris comme exemple est celui de la maison rue de Richelieu (proche de la rue de Helder), dessiné par l’architecte L. Visconti en 1835 (fig. 33). Cette maison comporte les mêmes pièces décrites dans Le Père Goriot, ainsi qu’une organisation proche correspondant au parcours et aux repères visuels de Eugène de Rastignac.

1 cour 2 antichambre 3 cabinet de toilette 4 salle à manger 5 premier salon (petit) 6 deuxième salon (grand) 7 couloir de service («dégagement») 8 chambre de maître 9 chambre de valet 10 écurie

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Fig. 32 : Interprétation personnelle en plan de l’hôtel de Restaud.

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1 grand escalier 2 escalier de service 3 antichambre 4 salle à manger 5 chambre à coucher 6 salon 7 boudoir 8 cabinet de toilette 9 chambre 10 cuisine 11 dégagement 12 anglaises 13 terrasse 14 grande cour 15 petite cour

Fig. 33 : plan d’une maison rue de Richelieu, L. Visconti architecte, Paris, 1835.

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En somme, le logement serait le reflet le plus fidèle qui puisse exister, ou en tout cas le plus parlant, de la société dans laquelle l’Homme vit. Cette observation s’applique ainsi à l’époque du Second Empire, car les inégalités sociales se trouvent être les plus visibles, mais c’est un phénomène qui se retrouve n’importe où, dans n’importe quel pays et à n’importe quelle époque. Toutefois, l’architecture à la capacité de témoigner d’une époque et d’un mode de penser, mais également de communiquer des informations intrinsèques aux personnes qui l’habitent. Cette troisième sous-partie a pour objectif de donner quelques exemple qui puissent illustrer ce propos.

3. Ce que l’architecture dans un roman nous apprend sur ses habitants Pour finir, nous pouvons remarquer que la description d’un lieu, l’habitat, dans ses détails, informe non seulement sur la position d’un personnage sur l’échelle sociale, mais aussi sur son propre caractère, car nous le savons bien, l’homme exerce une influence directe sur habitat et inversement (théorie du reflet). Un article écrit par Stanley Galpin (1917) sur l’influence de l’environnement dans le Père Goriot, déclare que les personnages sont les produits de l’environnement et pour pouvoir les connaître, il est important v d’avoir des descriptions des maisons car elles nous renseignent sur son habitant. 25

GALPIN Stanley L. , The influence of the environment in Le Père Goriot, Modern language notes, JSTOR, 1917. 25

88


« Sa face vieillotte, grassouillette, (...) sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation, et dont Madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœuré (...) enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne (…) vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. » p55 Comme si la pension avait été créée à son image, Mme Vauquer semble sortir des murs décrits ci-dessus. Pour Balzac, il est impossible de parler du personnage sans son lieu de résidence, qui témoigne encore plus de la personnalité, des traits de caractère d’un personnage que sa description. L’effet de redondance de la saleté, le malheur suintant, marquent encore plus l’effet répugnant souhaité par l’auteur. Non seulement Mme Vauquer habite depuis quarante ans dans ce lieu qui lui ressemble parfaitement, mais elle respire « l’air chaudement fétide sans en être écœuré » 26 : c’est sa propre misère qui l’entretien, et elle se complait dans sa pension dépassée et miteuse. Cette correspondance habitat / habitant se retrouve dans le roman de John Fowles, écrit quatrevingts ans plus tard que Le Père Goriot, en 1969, Sarah et le lieutenant français. De la même manière que Balzac, l’auteur décrit une pension tout aussi sordide que celle de Mme Vauquer ; il s’agit de la pension de Mme Poulteney, dont la crasse et l’immoralité étaient ses deux obsessions. Malgré cette précision, l’auteur nous donne à comprendre la véritable nature de cette dame, en nous informant plus tard de l’état de

26 27

Op. cité, p. 55. FOWLES John, Sarah et le lieutenant français, Points, 2008, 670 pages.

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saleté du sous sol : « la pièce était humide et (…) le monstre disséminait tellement de fumée et de graisse. Au moins, la poussière était étalée. »28 Le personnage ici se retrouve comme trahi par son propre habitat qui dévoile des secrets sur sa personnalité : hypocrisie, fausseté...etc. Pour revenir au Père Goriot, au contraire, ses filles, elles, vivent dans des endroits luxueux, richement décorés, parfumés. Elles sont de très belles femmes « comme une plante aspire dans l’air des substances qui lui sont propres » 29. Chaque détail du corps de ces filles inspire l’amour, le respect, et témoigne d’une opulence certaine, tout comme leur appartement. Un extrait de Au Bonheur des Dames nous parle aussi des odeurs qui imprègnent les lieux et les travailleuses : « il y avait, à la file, des lingères, des dentellières, des tapissiers, des confectionneuses, vivant l’été et l’hiver dans une chaleur étouffante, au milieu de l’odeur spéciale du métier.» 30 Au sein de cette atmosphère pesante, la description des employés du grand magasin, ainsi que leur lieu de travail, nous offre un point de vue intéressant : les personnages habitent les lieux, ils les représentent, ils leur ressemblent, ils sont les lieux. Ici, nous pouvons imaginer la dentellière dans une atmosphère confiné, travaillant sans relâche. L’épuisement au travail, la monotonie, le manque de lumière, d’air frais, apparaissent évident à travers la simple description de ces combles. L’atelier semble être indissociable des femmes qui l’habitent.

28 29 30

Op. cité, p. 576. Ibid. , p. 111. Ibid. , p. 399.

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Les éléments architecturaux et urbains font donc partie prenante du roman du XIXe siècle. Nous avons pu voir comment par touches plus ou moins importantes, Zola révélait les métamorphoses de Paris du point de vue architectural « ses charpentes métalliques se dressaient, des échelles, des ponts, qui découpaient leur dentelle dans le bleu de l’air ». Une finesse opposée à de la monumentalité, un raccord fin des ilôts haussmanniens entre eux, face à la violence et la monumentalité du geste de découpe de ces blocs, Zola parvient à nous conférer une vision réaliste de ce que à quoi pouvait ressembler Paris à cette époque. De manière à être le plus proche possible de la réalité, à situer son œuvre dans son époque, son environnement, un peu comme une œuvre architecturale qui dialogue avec son site, Zola peint un tableau très clair et précis du résultat souhaité. Partant d’une échelle plus grande, celle de la ville, en évoquant ses architectures aussi fascinantes que monstrueuses, il réussit à nous parler de ses personnages à travers leur habitat, qui « suent » leur lieu de travail. Pour lui, l’un fait partie de l’autre ; Eugène lors de sa visite chez sa cousine « allait voir pour la première fois les merveilles de cette élégance personnelle qui trahit l’âme et les mœurs d’une femme de distinction. » Comme si les appartements parlaient d’eux mêmes des comtesses et vicomtesses, en dévoilant leur secrets sans qu’elles aient besoin de prononcer un seul mot.

91


Les romans Balzacien et Zolien nous apportent par conséquent beaucoup d’informations sur leur époque, en terme d’architecture mais aussi de sociologie. L’écrivain se prête à des observations méticuleuses de son environnement, et nous offre donc une vision nouvelle, nous livre des « secrets » que nous pourrions qualifier d’inédits, qu’aucun autre support littéraire n’aurait pu communiquer de cette manière là (en mêlant architecture, sociologie, urbanisme, romance et bien sûr les subtilités du génie littéraire). Par conséquent, notre troisième axe d’étude va s’orienter logiquement vers les différentes manières de percevoir le roman en tant que lecteur, et par extension les ouvertures possibles pour la conception architecturale.

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III/ LES PERCEPTIONS InterprĂŠtation et perception du lectorat

93


« Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton. » Gaston Bachelard 1

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Nous allons voir dans cette dernière partie en quoi la lecture de l’architecture dans le roman peut être génératrice d’un imaginaire et de différentes interprétations ; et pour finir, en quoi le roman pourrait être un outil de conception pour le lecteur architecte. Comment un littéraire peut-il d’interprétations ?

simple générer

texte une

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« Le texte devient un outil, un procédé, un complément du croquis. Une démarche qui permet d’explorer, différemment et dès les premières phases du projet, la sensibilité de l’auteur (l’architecte) autant que celle des choses observées. Le désir d’objectivité (ou non) impose un vocabulaire choisi, et donc une démarche consciente de la « défamiliarisation » du réel. L’écriture quant à elle, réinjecte dans l’analyse sa dimension sensible. » 2 Cette partie va être dévelopée à l’aide d’un exercice de représentation réalisé par plusieurs personnes de milieux, formations et sexes différents. C’est en ouvrant le livre Au Bonheur des Dames que la question de la perception du lecteur m’est venue à l’esprit. Un petit dessin, peu lisible, comportant plusieurs noms de rues cités tout au long du roman, se trouvait sur la première page après la couverture. Ce livre ayant appartenu mon frère, qui l’avait lu lorsqu’il n’avait que quatorze ans, j’en ai déduit qu’il avait lui même dessiné un plan succinct et schématique de l’organisation des différentes rues composant le quartier Gaillon.

1 2

BACHELARD Gaston, L’air et les songes, José Corti, 1950, p.98 Op. cité, p. 15.

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Fig. 1 : schéma du quartier par un enfant après la lecture de Au Bonheur des Dames

Cette première approche de la ville et sa représentation présenta pour moi une ouverture intéressante. Est ce que n’importe quel lecteur aurait procédé de la même manière ? Pourquoi vouloir mettre sous forme de plan ces informations ? L’idée était de faire dessiner à des gens, qu’ils soient étudiants en architecture, architectes, ou simplement étudiants dans une autre discipline, ce qu’ils comprenaient et imaginaient en lisant le passage décrivant la position géographique de la pension Vauquer. Il se trouve que cette description est à première vue très complète, précise et réaliste. M’étant moi-même essayée à l’exercice, j’ai rencontré de nombreux problèmes de compréhension et de représentation (comme les autres personnes qui se sont prêtées à l’exercice) : comment orienter la pension lorsque l’auteur vous dit qu’on la voyait « coupée dans sa profondeur » depuis la route, qu’elle « tombe à angle droit sur la rue » ? Il est difficile d’interpréter de telles précisions. 96


Voici l’extrait : « Elle est située dans le bas de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, à l’endroit où le terrain s’abaisse vers la rue de l’Arbalète par une pente si brusque et si rude que les chevaux la montent ou la descendent rarement. Cette circonstance est favorable au silence qui règne dans ces rues serrées entre le dôme du Val-de-Grâce et le dôme du Panthéon, deux monuments qui changent les conditions de l’atmosphère en y jetant des tons jaunes, en y assombrissant tout par les teintes sévères que projettent leurs coupoles(…) La rue Neuve-Sainte-Geneviève surtout est comme un cadre de bronze, le seul qui convienne à ce récit, auquel on ne saurait trop préparer l’intelligence par des couleurs brunes, par des idées graves; ainsi que, de marche en marche, le jour diminue et le chant du conducteur se creuse, alors que le voyageur descend aux Catacombes. (...) La façade de la pension donne sur un jardinet, en sorte que la maison tombe à angle droit sur la rue Neuve-Sainte-Geneviève, où vous la voyez coupée dans sa profondeur. Le long de cette façade, entre la maison et le jardinet, règne un cailloutis en cuvette, large d’une toise, devant lequel est une allée sablée, bordée de géraniums, de lauriers-roses et de grenadiers plantés dans de grands vases en faïence bleue et blanche. On entre dans cette allée par une porte bâtarde, surmontée d’un écriteau sur lequel est écrit : MAISON-VAUQUER, et dessous : Pension bourgeoise des deux sexes et autres. (…) A la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine. Le jardinet, aussi large que la façade est longue, se trouve encaissé par le mur de la rue et par le mur mitoyen de la maison voisine, le long de laquelle pend un manteau de lierre qui la cache entièrement, et attire les yeux des passants par un effet pittoresque dans Paris. (…) Le long de chaque muraille, règne une étroite allée qui mène à un couvert de tilleuls ».3 3

Op. cité, p. 49.

97


Il se trouve que la rue Neuve Sainte Geneviève correpond à l’actuelle rue Tournefort qui se prolonge en la rue Lhomond. La rue de l’Arbalète la coupe effectivement ; elle n’a pas changé de nom.

Fig. 2 : Plaque de la rue Tournefort et inscription de la rue Neuve Ste Geneviève

98


Fig. 3 : Plan (ilĂ´ts) du quartier de la pension Vauquer, 1850

Fig. 4 : Plan actuel (ilĂ´ts) du quartier de la pension Vauquer.

99


La question était de savoir si cette maison avait réellement existé. Dans l’introduction du roman édité par la Pléiade, on peut en apprendre davantage sur la position exacte du bâtiment dont Balzac s’est inspiré : « Balzac déroute son lecteur et l’empêche de reconnaître sur place la demeure réelle dont il s’est inspiré. La maison Vauquer n’ayant pas réellement existé, Balzac s’est cependant inspiré d’un bâtiment situé au 21 rue de la Clef, non loin de la rue Tournefort. Elle a été détruite depuis, mais elle apparaissait sur une gravure d’époque conservée au département des Estampes de la Bibliothèque nationale.(...) Constituée de « vastes bâtiments » avec « cour, promenoir, jardin et autres dépendances », elle comportait, comme la maison Vauquer, et recevait comme Mme Vauquer, des pensionnaires internes ou externes. Balzac y fréquenta-t-il comme externe au temps de sa vingtième année, lorsqu’il vivait seul à Paris ? Elle appartint, en tout cas, à un parent de la grand-mère maternelle du romancier, Charles-Marie Simon, et là mourut, en 1809, une Marie-Michelle Vauquer, épouse Vigier, qui se rattachait à la lignée des Vauquer, bien connus de la famille Balzac ». 4 Après avoir confronté les dessins du groupe de personnes n’ayant pas de formation d’architecte, avec ceux des étudiants en architecture, nous pouvons remarquer qu’il n’y avait pas de différence vraiment frappante quant à l’interprétation du texte. En effet, on peut noter que deux catégories se dégagent après analyse : ceux qui ont perçu les rues de l’Arbalète et Neuve Sainte Geneviève comme une même rue (l’une dans le prolongement de l’autre), et situant la maison parallèlement à celles-ci, et ceux qui les situent en angle et placent la maison dans la même position. 4

Op. cité, p. 17.

100


a. lecteur « lambda » On peut remarquer que les dessins des personnes n’ayant pas de formation d’architecte ont un point en commun : ils ont tous représenté (sauf un) la maison située dans l’angle de deux rues Neuve Sainte Geneviève et Tournefort. Selon eux, ces rues se coupaient en L. (voir dessins Marie-Hélène, Bernard, Jean Claude, Marie-Paule, Sarah, Elodie). En les comparant selon les critères de la position par rapport à la rue, et la disposition des rues l’une par rapport à l’autre, les réponses ont été équivalentes.

Position de la pension Angle de deux rues Bernard

Types de rues

Parallèle à la rue

Prolongement d'une rue en une autre

X

Rues perpendiculaires en L ou T

Rues se croisant

X

Marie-Hélène

X

Jean-Claude

X

X

Julian

X

Sarah

X

X

Elodie

X

X

Marie-Paule

X

X

X X

Fig. 5 : Tableau comparatif des dessins des participants «non-architectes» en fonction du positionnement des rues et de la pension.

101


Fig. 6 : dessin de Jean-Claude

Fig. 7 : dessin de Bernard

Fig. 8 : dessin de Marie-HÊlène

102


b. lecteur architecte Au contraire, si on compare les dessins de ces personnes ayant un point de vue et une formation d’architecte, on peut observer des réponses plus variées. Tout en gardant les critères de l’implantation de la maison selon la rue et la position des rues entre elles, on peut noter de nombreuses combinaisons apparaissent.

Position de la pension Angle de deux rues Bastien Clémence

Types de rues

Parallèle à la rue

Prolongement d'une rue en une autre

X

X

X

Rues perpendiculaires en L ou T

X

Gilles

X

Marine B.

X

X

X

X

Marine F.

Rues se croisant

X

Pauline

X

X

Robinson

X

X

Justine

X

Pierre

X

Alice

X

X X X

Fig. 9 : Tableau comparatif des dessins des participants «architectes» en fonction du positionnement des rues et de la pension.

103


Fig. 10 : dessin de Pierre

Fig. 11 : dessin de ClĂŠmence

Fig. 12 : dessin de Gilles 104


En ce qui concerne la position des dômes du Val-deGrâce et celui du Panthéon, j’ai pu constater que plus ou moins tout le monde les a placé côte à côte, de manière schématique, et symétrique par rapport à la pension placée textuellement au milieu des deux. Il faut se souvenir à ce propos que Balzac s’adressait à un public connaissant Paris et donc s’attendait à ce que le lecteur situe parfaitement la pension dans son quartier, en connaissant, au mieux, sa fréquentation, ses rues, ses commerces...etc. Globalement, il m’a été difficile de marquer une distinction claire entre les différentes interprétations des « architectes » et celles des « non-architectes ». Cette conclusion conforte le fait que, quelque soit notre formation, notre bagage culturel, chacun d’entre nous à la capacité d’imaginer et dessiner un espace. Une chose est certaine, le texte est une source d’inspiration et générateur d’imagination.

Malgré le fait que cette étude ait été réalisée sur un nombre de participants restreints, j’ai bien pris conscience que les conclusions que j’allais en tirer ne sont en aucun cas à généraliser, puisque si l’on devait reproduire l’exercice, j’obtiendrais probablement des réponses différentes. Cependant, les interprétations obtenues me permettent d’en tirer une conclusion logique : les architectes, ou du moins les futurs architectes, ont une approche plus libre de la représentation des plans, quoiqu’ils imaginent, ils semblent pouvoir le dessiner. S’agit-il ainsi du fait que ces personnes là peuvent plus facilement représenter ce qu’elles imaginent, ou bien du fait que leur imagination, (appuyée par leur formation) est plus stimulée ?

105


Du côté des « non-architectes », la liberté d’imagination se retrouve sûrement frênée par l’incapacité (ou capacité réduite) de représenter ce qu’ils imaginent lors de la lecture du passage, puisque tous dessinent un plan présentant (quasiment) les mêmes caractéristiques. Ou bien peut être que leur manque de culture architecturale et urbaine ne leur permet pas d’imaginer des espaces moins conventionnels et stéréotypés que ceux qu’ils ont dessiné ? Quoi qu’il en soit, nous pouvons constater une multiplicité d’interprétations face à une description d’un lieu à priori précise. Le jargon architectural qui n’est justement pas employé ni maîtrisé par Balzac, mais plutôt un vocabulaire très « littéraire », sensible, qui ne se prête pas à la description habituelle, peut être une justification cohérente de ces interprétations diverses : « la maison tombe à angle droit sur la rue Neuve Sainte Geneviève, où vous la voyez coupée dans sa profondeur » reste difficile à interpréter. De ce fait, le lecteur est plus à même de se figurer des espaces sans véritables contraintes, chose qu’une description précise type PLU (plan local d’urbanisme) ou un texte théorique (documents écrits par des architectes, pour que l’on puisse saisir « rapidement » leur sens) ne permettrait pas. L’ambiguité générée par cette absence de vocabulaire architectural de la part du « littéraire » favoriserait ainsi plus facilement un imaginaire chez le lecteur. Plus généralement, cette observation peut nous mener vers un ouvrage de Yves Citton, théoricien de la littérature et penseur Suisse, concernant le bénéfice de l’étude des textes littéraires anciens, en posant les questions suivantes : « Pourquoi étudier aujourd’hui des textes littéraires rédigés il y a plusieurs siècles ? Pour quoi faire ? Pourquoi faut-il dire qu’il n’y a pas d’interprétation fausse ? Que ce sont les lecteurs qui 106


font les textes ? Qu’une oeuvre n’est pas un objet, mais un événement ? » Stimulant, source d’informations diverses inépuisables et inestimables, la littérature a cette qualité d’utiliser le langage et la valeur des mots, et d’initier son lecteur à une meilleure communication et donc une interaction plus juste avec autrui. Comme le dit très bien Yves Citton (bien mieux que nous, architectes, ne pourrions jamais le faire) : « La connaissance de soi et du monde s’approfondit par le détour d’une interprétation qui met à l’épreuve notre aptitude herméneutique, celle-ci étant fondamentale pour l’être humain. C’est par l’interprétation que l’on essaie d’éclairer l’épaisseur du rapport au monde où l’on s’enracine. L’œuvre littéraire est le résultat conjoint d’un travail humain et d’une tradition culturelle, résultat qui demande à être lu conformément à l’exigence du genre auquel il appartient. » Yves Citton essaie de démontrer l’intérêt de la littérature dans la société (dans son cas à échelle plus large puisqu’il ne se cantonne pas à la portée architecturale et l’apport qu’elle génère pour l’architecte comme nous avons pu le faire). Selon lui, la littérature peut être une pratique exaltante, et bénéfique pour tout le monde. Il parle d’interprétation actualisante, c’est-àdire comment interpréter un ancien texte de manière à tirer une conclusion directement liée à notre époque . Ce qui reviendrait à dire dans notre cas du roman du XIXe, comment Zola et Balzac dépeignent une société, une architecture, des modes des pensées propres à leur époque mais dont la portée s’étend au delà du XIXe siècle pour traiter de sujets toujours d’actualité ( je pense notamment à comment habite-t’on un lieu ?).

Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? Paris, Editions Amsterdam, 2007, 364 p. 5

107


Nous avons ainsi vu à travers ce mémoire les différentes connaissances que pouvait nous apporter le roman du XIXe du point de vue architectural, urbain et sociétal. Après avoir choisi le thème d’étude de ce mémoire, la relecture du père Goriot avec cette nouvelle vision architecturale m’a démontré que la perception et la compréhension du lecteur variait énormément en fonction de ses connaissances, son milieu social, son bagage culturel, et encore bien d’autres critères. J’ai pu me rendre compte, tout au long de ce travail d’analyse et de recherche, que ce sujet soulevait beaucoup de questions relevant de champs disciplinaires tel que la sociologie, l’anthropologie, la politique l’art, ou bien encore la philosophie. Je n’ai pas pu, bien évidemment, répondre à toutes, et ai tenté d’évoquer les thèmes qui me paraissaient les plus intéressants à mon niveau d’étudiante en architecture. Cependant, l’approche comparative du fond et de la forme du roman, avec l’architecture, a révélé de nombreuses similarités entre les deux disciplines étudiées, auxquelles je n’aurais jamais pensé avant de commencer ce mémoire. Les logements décrits dans le roman a également été une source d’informations inattendue et passionante, de mon point de vue. Enfin, la question de la perception et de l’interprétation du texte par ses lecteurs demeure un sujet qui nous touche, nous, (futurs) architectes, car elle suggèrent des ouvertures peu communes. Pouvant être un outil de conception, ou du moins d’aide à la conception du projet architectural, de par les interprétations que l’on peut en tirer, la littérature romanesque (ou non d’ailleurs) a cette caractéristique d’être une source inépuisable.

108


Des auteurs tels que Kevin Lynch ont travaillé sur la perception de la ville par ses habitants. Dans L’image de la cité 6, il met en évidence l’importance du regard d’un public multiculturel sur la ville qu’il habite. Selon lui, la qualité des images dépend de trois critères : l’identité (l’individualité, l’unicité), la structure (spatiale et paradigmatique) et la signification (émotive ou pratique). L’analyse (historique) de son œuvre en parallèle avec le roman du XIXe pourrait constituer le sujet d’un autre mémoire ; il se trouve que cette analyse ne peut pas réellement considérer l’architecture comme acteur majeur. Toutefois, il nous est facile de tirer des conclusions logiques et parlantes, entre l’évolution des deux disciplines. Pour n’effectuer qu’une comparaison historique succinte entre les champs disciplinaires étudiés, nous pouvons observer une évolution stylistique similaire entre l’architecture moderne et le nouveau roman. Les figures de styles redondantes, où le lyrisme, l’expression des sentiments étaient des marqueurs de l’écriture à la fois architecturale et littéraire, ont progressivement évolué vers une simplification, où tout signe superflu s’est retrouvé éliminé ; en architecture, le rejet de l’ornementation au début du XXe siècle soutenu par A. Loos et l’arrivée tonitruante de l’esthétique brute du Corbusier correpondra à la naissance en littérature du Nouveau Roman avec comme figure de proue Marguerite Duras. La littérature romanesque est un véritable produit et témoin d’une société et d’une époque, puisque l’auteur écrit comme, ou ce qu’il pense, et il pense avec son temps.

LYNCH Kévin, L’image de la Cité, (1999) trad. par Marie-Françoise Vénard et JeanLouis Vénard de The Image of the City (1960), Paris, Dunod, 221 p. 6

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Tout dire en peu de mots (littérature), ou de moyens (architecture), en remettant en questions les acquis, tel est l’intention. A ce titre, un auteur affectioné des architectes, parviendra à soulever des questions fondamentales sur le statut de l’écriture. Georges Perec remettra en cause la notion du lecteur et de l’auteur, de la perception objective ou subjective à travers son ouvrage Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. A suivre...



BIBLIOGRAPHIE PARTIE I Pages

9

Références

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HARDY Thomas, The Mayor of Casterbridge, (1886), Penguin Classics, revue et augmentée, 2003. 23

Notice de fin de livre, p. 518, ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, (1883), Paris, G. Charpentier, Gallimard, Folio Classique, 1980, 526 pages.

33

SHAKESPEARE William, Le Roi Lear, 2004, Librio, 127 pages, cité dans BALZAC Honoré de, La Comédie Humaine, III, Étude de mœurs : Scènes de la vie privée, Scène de la vie de province, édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex, édition Gallimard, collection la Pléiade Bibliothèque, numéro 30, 1751 pages

113


PARTIE II 41

Emile Zola, extrait du Roman Expérimental, 1880, Charpentier, Ed. Flammarions, 2006, 460 pages.

48

Documentaire : « Paris : la révolution Haussmann (3/4)» : https://www.youtube.com/ watch?v=uEvgRdscDtk

49

Mémoires du Baron Haussmann.

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ZOLA Emile, Le ventre de Paris, Paris, 1971, Lgf, Les classiques de poche, 512 pages.

73

BALZAC Honoré de, La fausse maitresse, Furne (1842), Les Scènes de la vie privée et des Études de Mœurs, Paris Gallimard, Folio, 2010, 112 pages.

77

Paroles : Pierre-Jean de Béranger (1830). Air : Dans cette maison à quinze ans, où J’étais bon chasseur autrefois. http://grial4.usal.es/MIH/parisBuildings/ moreinfo.html#

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Monique ELEB, Anne DEBARRE, Architectures de la vie privée, maisons et mentaliés, XVIIe- XIXe siècles, Paris : A.A.M Hazan, 1989, p. 88.

88

GALPIN Stanley L. , The influence of the environment in Le Père Goriot, Modern language notes, JSTOR, 1917.

89

FOWLES John, Sarah et le lieutenant français, Points, 2008, 670 pages. 114


PARTIE III 95

BACHELARD Gaston, L’air et les songes, José Corti, 1950, p.98

107

Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? Paris, Editions Amsterdam, 2007, 364 p.

109

LYNCH Kévin, L’image de la Cité, (1999) trad. par Marie-Françoise Vénard et Jean-Louis Vénard de The Image of the City (1960), Paris, Dunod, 221 pages.

115


ICONOGRAPHIE PARTIE I p 18 : Fig. 1 : Claude MONET, La gare Saint-Lazare, 1877, 75.5 x 104cm, Huile sur toile, Musée d’Orsay. p 20 : Fig. 2 : Maison à Leiria, Aires Mateus, 2013 Fig 3. Seagram Building, Mies Van Der Rohe, 2014. Fig 4. Seagram Building en travaux, Mies Van Der Rohe, 1954. p 22 : Fig. 5 : Temple de la Concorde Agrigente, 2011, photo personnelle. p 24 : Fig. 6 et 7 : Plan général (sommaire du roman), BNF, Manuscrits, NAF 10277, f 31-32. p 26 : Fig. 8 : Dossier préparatoire, ébauche, BNF, Manuscrits, NAF 10277_024. p 27 : Fig. 9 : Liste générale des personnages, BNF, Manuscrits, NAF 10278, f. 103. p 29 : Fig. 10 : Plan du quartier du Bonheur des Dames, BNF, Manuscrits, NAF 10278, f. 324. p 30 : Fig. 11 : Plan du Bon Marché, dessiné par Zola, BNF, Manuscrits, NAF 10278, f. 3. Fig. 12 : Plan du Louvre, dessiné par Zola, BNF, Manuscrits, NAF 10278, f. 67. p 31 : Fig. 13 : Plan autographe de magasin (rez-dechaussée), dessiné par Zola, Dossier préparatoire, BNF, Manuscrits NAF 10278.

116


PARTIE II p 43 : Fig. 1 : plan de repérage des quartiers de Paris où prennent place Au Bonheur des Dames (en vert), et Le Père Goriot (en rouge), Claire Afarian. p 44 : Fig. 2,plan actuel du quartier Gaillon, Claire Afarian, à partir du cadastre actuel (cadastre.gouv) p 45 : Fig. 3 : Ebauche (première page), BNF, Manuscrits, NAF 10277, f. 2. p 49 : Fig. 4 : Angle de la rue Lhomond et rue de l’Arbalète. Détail d’angle d’époque Napoléonienne, capture d’écran google street view. p 50 : Fig. 5 : Plan de Paris avec les tracées et aménagements réalisés par Haussmann en rouge. p 51 : Fig. 6 : Superposition de l’atlas Vasserot (1830) sur les ilôts et tracés actuels (gris clair), Vergue.com. p 52 : Fig. 7 : De la rue de l’Échelle à la rue Saint-Roch. Le percement de la nouvelle avenue de l’Opéra La Presse illustrée, 1876, BnF, Estampes et Photographie, Va 232 a © Bibliothèque nationale de France (travaux démolition). p 53 : Fig. 8 : Le percement de l’avenue de l’Opéra. Marché aux matériaux de démolition. D’après une photographie de M. Marville, 1877.BnF, Estampes et Photographie, Va 232 a© Bibliothèque nationale de France Fig. 9 : Le Baron Haussmann, préfet de la Seine, H. de Hem. Dessin, BnF, Estampes et Photographie (N2 T. 790), © Bibliothèque nationale de France.

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p 55 : Fig. 10 : La porte Marengo, éclairée de nuit à la lumière électrique, Grands Magasins du Louvre, 1877. BnF, Estampes et Photographie (Va 232 c) © Bibliothèque nationale de France Fig. 11 : Grands magasins du Coin de Rue, Vue intérieure, 1874. Affichette publicitaire, BnF, Estampes et Photographie (Va 232 a), © Bibliothèque nationale de France p 57 : Fig. 12 : Intérieur d’une gare, estampe, non datée. Fig. 13 : MONET Claude, La gare Saint-Lazare, huile sur toile, 1877. p 60 : Fig. 14 : Passage Choiseul, drapeau du Théâtre des Bouffes Parisiens, octobre 2014, photographie personnelle. p 61 : Fig. 15 : Le Théâtre italien vers 1840, gravure de C. Mottram sur un dessin d’Eugène Lami. p 62 : Fig. 16 : Coupe sur l’escalier de l’Opéra de Paris, Charles Garnier, aquarelle, 1962 p 63 : Fig. 17 : Coupe transversale sur l’escalier. Magasins du Bon Marché à Paris, Encyclopédie d’architecture, 1876. p 65 : Fig. 18 : Plan de la Bibliothèque Sainte Geneviève, Henri Labrouste, dessin. p 66 : Fig. 19 : Vue intérieure de la Bibliothèque Sainte Geneviève, photographie. Fig. 20 : Coupe de la Bibliothèque Sainte Geneviève, dessin. p 67 : Fig. 21 : Plan général de la bibliothèque impériale, Henri Labrouste, 1868, BNF, bI22 118


p 68 : Fig. 22 : Bibliothèque Nationale, Henri Labrouste, photographie de James Austin. p 70 : Fig. 23 : Les Halles Baltard, Victor Baltard, photographie de Robert Doisneau. © Mairie de Paris/ Atelier Robert Doisneau Fig. 24 : Pavillon des Halles Baltard à Paris avant destruction, 1971 Crédits : Loth, Jean Pierre / INA p 72 : Fig. 25 : Quartier de la pension Vauquer ; plan des ilôts datant de 1850 (gris foncé) et tracés actuels. Claire Afarian, d’après le cadastre actuel du quartier (cadastre.gouv) et Paris en 1850, carte établie par Michel Huard. p 74 : Fig. 26 : Dessin de Bertall gravé par Lavieille, gravure publiée dans Le Diable à Paris, Paris et les Parisiens, « revue comique » Jules Hetzel éditeur, 1845. Reprise dans L’lllustration du 11 janvier 1845 (p. 293) sous le titre : « les cinq étages du monde parisien ». p 76 : Fig 27 : Détail du dessin de Bertall. p 77 : Fig. 28 : Détail du dessin de Bertall. p 78 : Fig. 29 : plan actuel du quartier Gaillon, Claire Afarian, à partir du cadastre actuel (cadastre.gouv) p 79 : Fig. 30 :plan de repérage des quartiers de Paris où prennent place Au Bonheur des Dames (en vert), et Le Père Goriot (en rouge), Claire Afarian. p 81 : Fig. 31 : le diner à la pension Vauquer, dessin de James Henry Lynch, gravé par Eugène-Michel-Joseph Abot, BNF, 1885 p 86 : Fig. 32 : Interprétation personnelle en plan de l’hôtel de Restaud d’après les écrits de Balzac, dessin.

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p 87 : Fig. 33 : plan d’une maison rue de Richelieu, L. Visconti architecte, Paris, 1835, in Monique ELEB, Anne DEBARRE, Architectures de la vie privée, maisons et mentaliés, XVIIe-XIXe siècles, Paris : A.A.M Hazan, 1989. PARTIE III p 96 : Fig. 1 : schéma du quartier par Pierre Afarian, après la lecture de Au Bonheur des Dames, 2001, deuxième page du livre BALZAC Honoré de, Le père Goriot, (1835), Paris, Le livre de poche classique, 1995, 443 pages. p 98 : Fig. 2 : Plaque de la rue Tournefort et inscription de la rue Neuve Ste Geneviève, http:// commons.wikimedia.org/wiki/ancienne_inscription_ rwk.jpg p 99 : Fig. 3 : Quartier de la pension Vauquer ; plan des ilôts datant de 1850. Claire Afarian, 2015, d’après le plan Paris en 1850, carte établie par Michel Huard. Fig. 4 : Quartier de la pension Vauquer ; plan des ilôts actuels, Claire Afarian, 2015. p 101 : Fig. 5 : Tableau comparatif des dessins des participants «non-architectes» en fonction du positionnement des rues et de la pension, Claire Afarian. p 102 : Fig. 6 à 8 : dessins de Jean-Claude, Bernard et Marie-Hélène, perception du quartier de la pension Vauquer. p 103 : Fig. 9 : Tableau comparatif des dessins des participants «architectes» en fonction du positionnement des rues et de la pension.

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p 104 : Fig. 10 Ă 12 : dessins de Pierre, ClĂŠmence et Gilles, perception du quartier de la pension Vauquer. p 111 : Fig 13 : Aldo van Eyck, 1436.

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ANNEXES CITATIONS ET EXTRAITS COMPLETS LE PÈRE GORIOT « Les ateliers occupaient les combles, une suite de salles basses et mansardées, éclairées de larges baies taillées dans le zinc, uniquement meublées de longues tables et de gros poêles de fonte ; il y avait, à la file, des lingères, des dentellières, des tapissiers, des confectionneuses, vivant l’été et l’hiver dans une chaleur étouffante, au milieu de l’odeur spéciale du métier ; et l’on devait longer toute l’aile, prendre à gauche après les confectionneuses, monter cinq marches, avant d’atteindre ce bout écarté de corridor. Les rares clientes, qu’un vendeur amenait là parfois, pour une commande, reprenaient haleine, brisées, effarées, avec la sensation de tourner sur elles-mêmes depuis des heures, et d’être à cent lieues du trottoir. » La pension Vauquer « Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme qui , depuis 40 ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve Sainte Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint Marceau. (…) Non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot ; mais, l’oeuvre accomplie, peut-être aura t-on versé quelques larmes intra muros et extra. Sera t-elle comprise au-delà de Paris ? Le doute est permis. Les particularités de cette scène pleine d’observations et de couleurs locales ne peuvent etre appréciées qu’entre les buttes de Montmartre et les hauteurs de Montrouge, dans cette illustre vallée de platras incessemment près de tomber et de ruisseaux noirs de boue ; vallée remplie de souffrances réelles, de joies souvent fausses, et si terriblement agitée qu’il faut je

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ne sais quoi d’exorbitant pour y produire une sensation de quelque durée. Cependant il s’y rencontre çà et là des douleurs que l’agglomération des vices et des vertus rend grandes et solennelles : à leur aspect, les égoïsmes, les intérêts, s’arrêtent et s’apitoient ; mais l’impression qu’ils en recoivent est comme un fruit savoureux promptement dévoré (…) Ainsi ferez vous, vous qui tenez ce livre d’une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil en vous disant : peut etre ceci va-t-il m’amuser. Après avoir lu les secrètes infortunes du père Goriot, vous dinerez avec appétit en mettant votre insensibilité sur le compte de l’auteur, en le taxant d’exagération, en l’accusant de poésie. Ah ! Sachez le : ce drame n’est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est si véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son cœur peut être.»

DÉFINITIONS DES PIÈCES DES LES LOGEMENTS DU XVIIIE ET XIXE SIECLE APPARTEMENT Définition tirée de E. BOSC, Dictionnaire raisonné d’architecture, Paris, Firmin-Didot et Cie , 1877 : Réunion de chambres constituant une habitation complète. L’importance et la richesse des appartements étant en rapport avec la fortune et la condition de celui qui l’habite, il résulte une grande variété de ces locaux (…).

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ANTICHAMBRE Définition tirée de E. BOSC, Dictionnaire raisonné d’architecture, Paris, Firmin-Didot et Cie , 1877 : Pièce appartenant au vestibule ou ) l’escalier et qui précède un appartement (…). L’étymologie de ce mot ou plutôt sa composition ferait supposer que cette pièce précède immédiatement la chambre à coucher, il n’est est rien. Jusqu’au commencement du XIXe siècle, l’antichambre, sort de vestibule intérieur, n’existait que dans les grands hôtels ou dans les palais. Les appartements modestes, bourgeois, pourrions-nous dire, en étaient ordinairement dépourvus et les salles à manger placées immédiatement près de la porte d’entrée en tenaient lieu, sans toutefois les remplacer. Aujourd’hui, les appartements les plus modestes ont leur antichambre, mais il faut convenir qu’on leur donne une exiguïté par trop conforme à celle de nos habitations elles-mêmes. Quoi qu’il en soit, l’architecte ne devra jamais négliger dans ses constructions les antichambres, parce qu’elles sont d’un usage commode, et que par suite, elles augmentent la valeur de l’appartement. CABINET D’AISANCES – DE TOILETTE Définition tirée de D’ALEMBERT et DIDEROT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Nauchâtel, 1765 : Enfin, il y a un cabinet destiné à lui servir de garde-robe et à contenir des lieux à soupapae où il (le maître) entre par la chambre à coucher, et les domestiques par un dégagement.

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BOUDOIR Définition tirée de E. BOSC, Dictionnaire raisonné d’architecture, Paris, Firmin-Didot et Cie , 1877 Petit réduit, petit salon décoré avec beaucoup d’élégance, situé près de la chambre à coucher et du cabinet de toilette d’une femme. Le boudoir est la pièce dans laquelle se retire la maîtresse du logis quand elle ne veut pas recevoir. La décoration du boudoir doit être luxueuse, le jour ne doit y parvenir qu’à travers des vitraux ou des verres gravés ; quant à l’ameublement, il doit être de peu d’importance mais très confortable et d’une grande richesse. Le boudoir est une invention du XVIIIe siècle. DÉGAGEMENT Définition tirée de C.F ROLAND DE VIRLOYS, Dictionnaire d’architecture, Paris, librairies associées, 1770 : Communication ou passage pratiqué dans la distribution d’un appartement pour pouvoir s’y introduire par différentes portes sans traverser l’appartement entier. SALON Définition tirée de E. BOSC, Dictionnaire raisonné d’architecture, Paris, Firmin-Didot et Cie , 1877 Pièce qui dans nos habitations modernes sert à recevoir les visiteurs ; c’est donc la pièce qui doit être la plus grande, la plus richement décorée et meublée. Dans les hôtels et dans les habitations luxueuses, il y a plusieurs grands salons pour les réceptions et les fêtes ; aussi se trouve-t-il des plus petites locaux, nommés petits salons, dans lesquels les maîtresses du logis reçoivent peu de visiteurs et quelques intimes ; ces petites pièces servent même d’anti-salons ou petits salons d’attente.

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VESTIBULE Définition tirée de D’ALEMBERT et DIDEROT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Nauchâtel, 1765 : Lieu convert qui sert de passage à divers appartements d’une maison, et qui est le premier endroit où l’on rentre. On appelle encore improprement vestibule une espèce de petite antichambre qui sert d’entrée à un médiocre appartement. AU BONHEUR DES DAMES A propos d’Haussmann et l’Opéra Garnier C’est sous le règne de Napoléon III qu’est ouverte l’avenue de l’Opéra ; le Théâtre national de l’Opéra est un point stratégique de la capitale car il relie entre eux les grands boulevards qui existaient depuis Louis XV et s’articulaient sur la rue de la Paix avec la place Vendôme. La construction d’un opéra dans les nouveaux quartiers de l’Ouest, ceux du commerce et des banques, à la croisée des grands boulevards, est donc une pièce essentielle du remodelage haussmannien de Paris. Napoléon III, après avoir échappé de peu à un attentat en sortant de l’ancien opéra, décide en 1858 d’en faire construire un nouveau dans un lieu sûr et pourvu de «dégagements», c’est-à-dire d’espaces libres pour la surveillance. Construit en 1874, l’Opéra de Charles Garnier oscille entre le style baroque et le style néoRenaissance. La façade et l’intérieur abondent en sculptures et décorations somptueuses conformément aux goûts de la bonne société de cette fin de siècle : tout est luxe, apparat et représentation. La profusion des marbres, des stucs, des fresques témoigne de la fierté d’une société pour sa prospérité matérielle.

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« La rue du Dix-Décembre, toute neuve, avec ses maisons d’une blancheur de craie et les derniers échafaudages des quelques bâtisses attardées, s’allongeait sous un limpide soleil de février (…) Au rez-de-chaussée, pour ne pas tuer les étoffes des vitrines, la décoration restait sobre : un soubassement en marbre vert de mer ; les piles d’angle et les piliers d’appui recouverts de marbre noir, dont la sévérité s’éclairait de cartouches dorés ; et le reste en glaces sans tain, dans les châssis de fer, rien que des glaces qui semblaient ouvrir les profondeurs des galeries et des halls au plein jour de la rue. Mais, à mesure que les étages montaient, s’allumaient les tons éclatants. La frise du rez-de-chaussée déroulait des mosaïques, une guirlande de fleurs rouges et bleues, alternées avec des plaques de marbre, où étaient gravés des noms de marchandises, à l’infini, ceignant le colosse. Puis, le soubassement du premier étage, en briques émaillées, supportait de nouveau les glaces des larges baies, jusqu’à la frise, faite d’écussons dorés, aux armes des villes de France, et de motifs en terre cuite, dont l’émail répétait les teintes claires du soubassement. Enfin, tout en haut, l’entablement s’épanouissait comme la floraison ardente de la façade entière, les mosaïques et les faïences reparaissaient avec des colorations plus chaudes, le zinc des chéneaux était découpé et doré, l’acrotère alignait un peuple de statues, les grandes cités industrielles et manufacturières, qui détachaient en plein ciel leurs fines silhouettes. » PARTIE III Yves Citton est professeur de littérature française du xviiie siècle à l’université de Grenoble-3. Il est membre du comité de rédaction des revues Multitudes et Dixhuitième siècle. Il a notamment publié L’Envers de la liberté. L’invention d’un imaginaire spinoziste dans la

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France des Lumières (éditions Amsterdam, 2006), qui a remporté le Prix Rhône-Alpes du Livre 2007. Il est aussi l’auteur de Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche et L’Avenir des Humanités. Économie de la connaissance ou cultures de l’interprétation?

FICHES DE LECTURE

Le Père Goriot, Honoré de Balzac , 1835 Premier roman de la Comédie Humaine, cycle romanesque dans lequel les mêmes personnages réapparaissent d’un roman à l’autre, le Père Goriot a été écrit en 1835. L’intrigue se déroule dans les années 1810, et met en scène la vie d’un père aimant ayant tout sacrifié pour voir ses deux filles parvenir dans le monde aristocratique. Un troisième personnage, Eugène de Rastignac, rivalisant en tant que « héro » avec le père Goriot, est un élément clé qui assure au roman son unité, et nous donne à voir plusieurs tableaux d’une société dégradée par l’appât du gain et le pouvoir de l’argent qui pervertissent les relations humaines. Entre la pension sordide où réside le père ruiné, et les appartements luxueux du monde bourgeois des filles, Balzac dépeint la ville et son architecture qui font parties prenante du récit littéraire et qui contribuent à témoigner d’un époque.

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Au Bonheur des Dames, Emile Zola, 1882 Rédigé en 1882, dont l’action se déroule de 1864 à 1869, le roman de Zola traite de l’apogée des grands magasins sous le Second Empire (1852-1870), avec à sa tête Napoléon III. Il s’agit d’un roman à la fois politique, social, et économique, puisque le sujet principal est celui de la spéculation immobilière, les nouveaux commerces, des travaux du Paris moderne avec le Baron Haussmann, mais sous forme romancée. En effet, l’intrigue amoureuse des deux personnages principaux, Octave Mouret et Denise Baudu, se déroule dans le magasin Au Bonheur des Dames. La force de ce roman réside donc dans l’emboitement de plusieurs thèmes permettant de comprendre en seulement cinq cents pages environs le fonctionnement de la société de l’époque. De plus, dès la fin de 1881, Zola rassemble une importante documentation. Durant deux mois, il enquête sur le terrain : Le Bon Marché et les Grands Magasins du Louvre sont les deux principaux modèles du Bonheur des dames. Le quartier de la place Gaillon avait déjà été choisi pour Pot-Bouille. Zola relève le plan des rues dans le quadrilatère « avenue de l’Opéra », « Boulevards », « rue Richelieu », « rue Neuve-des-PetitsChamps », dessinant ainsi l’emprise finale du grand magasin. Il dresse la liste de tous les petits commerces et choisit les maisons dont il fera les boutiques en lutte avec le grand magasin. Le 31 mars 1882, Karcher, secrétaire de Mme Boucicaut, lui annonce la visite de l’écrivain au Bon Marché : « Lundi dernier, nous avons eu la visite de M. Émile Zola. Le célèbre écrivain naturaliste - c’est ainsi qu’on le nomme - a voulu visiter le Bon Marché parce qu’il a le projet d’écrire un roman dans lequel il sera question d’un magasin de nouveautés.

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Je lui ai montré toute la maison et il a été fort émerveillé. J’espère, s’il fait une description du magasin, qu’il n’y emploiera pas la plume avec laquelle il a écrit Nana ou L’Assommoir ! » Zola interviewe vendeurs, vendeuses et personnel d’encadrement, s’informe sur l’organisation générale, les techniques de vente, les systèmes d’intéressement des employés. Les Rougon-Macquart A l’origine de cette famille est Adélaïde Fouque, surnommée, « Tante Dide », une femme à la santé mentale fragile, qui eut un enfant de son premier mari, Rougon, et après la mort de ce dernier, deux autres avec un contrebandier alcoolique, Macquart. Zola entreprend alors d’observer l’évolution des deux branches de la famille en fonction de leur hérédité. Il écrit alors vingt romans qui parcourent cinq générations de cette famille. Les grands magasins Les grands magasins ont longtemps constitué en France une spécificité parisienne. Le Bon Marché est le tout premier grand magasin de Paris. Il est fondé par Aristide Boucicaut (1810-1877) en 1852, et s’agrandit rapidement de 1869 à 1882 grâce à aux principes commerciaux nouveaux de son fondateur : vendre beaucoup et à bas prix toutes sortes de marchandises (voir affiche Bon Marché), permettre aux clients de circuler librement dans une véritable petite ville dans la ville, afficher des prix fixes, donner la possibilité d’être remboursé. Boucicaut innove également en promouvant un modèle social paternaliste que Zola décrit dans Au bonheur des dames ; ses employés le surnommèrent d’ailleurs «Le Juste». Enfin, il utilise pour son magasin la nouvelle architecture métallique de la fin du XXe siècle : le Bon Marché est construit par l’un de ses représentants majeurs, Gustave Eiffel. 131


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DESSINS PARTICIPANTS (NON SELECTIONNÉS)

Val de Grâce

ve Rue Neu

eviè Ste Gen

ve

Pant héon

Voisi n Pensi on

l’A rba Rue de

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lète


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Comment Balzac et Zola nous dépeignent-ils le Paris de Haussmann et ses nouvelles figures architecturales ? Quels rapprochement peut-on effectuer entre la llittérature et l’architecture ? En quoi le roman peut-il être l’ami de l’architecture aujourd’hui ?

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