Classica L'âge d'or de la musique française n°199

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CLAUDE DEBUSSY PAR PHILIPPE CASSARD LES TRÉSORS CACHÉS DU RÉPERTOIRE

France métropolitaine 7,90

N°199 - Février 2018

ET AUSSI : Cecilia Bartoli se confie • L’univers de Christophe Rousset La famille Capuçon • Toute l’actualité CD, DVD & concerts passée au crible

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ÉCOUTE COMPARÉE PRÉLUDE À L’APRÈS-MIDI D’UN FAUNE

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- TOM/S 1 050 CFP - Canada 11,99 $C - Suisse 13,40 FS - Maroc 85 MAD - Allemagne 8,40 - Grèce 8,10 - Portugal 8,10 - Italie 8,10 - Espagne 8,10 - DOM 8,10

L’ÂGE D’OR DE LA MUSIQUE FRANÇAISE

- Belgique 8,10

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Dossier spécial



ÉDITO

CLASSICA Société éditrice :

EMC2

N° 199 FÉVRIER 2018

SAS au capital de 600 000 5 18, rue du Faubourg du Temple 75011 Paris Tél. : 01 47 00 49 49 RCS 832 332 399 Paris Président et directeur de la publication : Jean-Jacques Augier Directeur général : Stéphane Chabenat Adjointe : Sophie Guerouazel Directeur de la rédaction Jérémie Rousseau jrousseau@classica.fr Chef de rubrique disques et hi-fi Philippe Venturini pventurini@classica.fr Secrétaires de rédaction Valérie Barrès-Jacobs, avec Evelyne Fossey-Mignot vjacobs@emc2paris.fr Éditorialistes: Alain Duault, Benoît Duteurtre, Emmanuelle Giulani Grand reporter : Olivier Bellamy Directrice artistique Isabelle Gelbwachs igelbwachs@emc2paris.fr Service photo= Cyrille Derouineau cderouineau@emc2paris.fr Ont collaboré à ce numéro : Jérémie Bigorie, Jacques Bonnaure, Vincent Borel, Damien Colas, Jean-Noël Coucoureux, Michel Fleury, Pierre Flinois, Elsa Fottorino, Xavier de Gaulle, Romaric Gergorin, Pascal Gresset, Paul Hilarion, Jean-Pierre Jackson, Aurore Leger, Michel Le Naour, Sarah Léon, Pierre Massé, Antoine Mignon, Yannick Million, Aurélie Moreau, Clément Serrano, Lola Schidler, Sévag Tachdjian, Marc Vignal, Thomas Zingle. Publicité Team Medias Pôle musique 10, Boulevard de Grenelle, CS 10817, 75738 PARIS Cedex 15 Tél. : 01 87 39 75 18 Présidente Corinne Mrejen Directrice générale Cécile Colomb Directrice commerciale Emmanuelle Astruc eastruc@teamedia.fr Directrice adjointe de la publicité Stéphanie Gaillard Courriel : sgaillard@teamedia.fr Chef de publicité Camille Savina Courriel : csavina@teamedia.fr Attachée commerciale Judith Atlan Courriel : jatlan@teamedia.fr

Nouveau livret

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ingt ans moins trois mois… ça se fête déjà. Ainsi l’année 2018, millésime anniversaire pour Classica, débute-t-elle avec une formule renouvelée : une formule que nous avons voulue plus claire, plus dynamique, plus attrayante, plus pratique. Chaque mois, les pages « Planète Musique » ouvrant votre magazine passeront au crible toutes les facettes de l’actualité musicale – artistes, disques, coulisses, Web, livres, médias ; et quoi de plus enthousiasmant pour les inaugurer que de faire connaissance, dans ce numéro, avec les Révélations des 25e Victoires de la musique classique ! En marge des rubriques « Sortir » et « On a vu » signalant les événements incontournables, passés ou à venir, vous découvrirez des rendez-vous inédits qui vous feront voyager dans l’intimité des grands artistes : « Un air de famille » feuillettera chaque mois l’album personnel d’une famille d’interprètes, tandis que « L’univers d’un musicien » poussera les portes d’un appartement, d’une

maison, d’un lieu caché, pour dévoiler le cadre familier d’un chef, d’une pianiste, d’un compositeur, et tous les secrets de fabrication qu’il abrite. Tout cela s’inscrivant en complément des dossiers, entretiens et écoutes en aveugle qui sont les marques de Classica. Nos fidèles éditorialistes sont là : Alain Duault et son humeur, Benoît Duteurtre partageant, « à voix haute », son panthéon musical, Olivier Bellamy et sa « Passion Musique ». Mais vous découvrirez aussi de nouvelles plumes : Emmanuelle Giuliani qui jettera un œil critique sur l’actualité artistique ou encore Jean-Charles Hoffelé, dont la connaissance des maîtres du passé enrichira notre guide discographique : ce dernier, avec dix CHOCS mensuels et une sélection de disques plurielle, s’efforcera plus que jamais de faire le tri au sein de parutions nombreuses, pour mieux vous conseiller. Puissent Classica et son CD, prolongeant désormais toutes les rubriques du journal, vous procurer encore plus de plaisir ! Bonne lecture !X Jérémie Rousseau

Service abonnements : 4, route de Mouchy, 60438 Noailles Cedex Tél. : 01 70 37 31 54. Courriel : abonnements@classica.fr Tarif d’abonnement : 1 an, 10 numéros : 49 3 Ventes au numéro Tél. : 04 88 15 12 40 Diffusion : Presstalis Prépresse Maury Imprimeur Imprimerie : Roularta Printing, 8800 Roeselare Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Dépôt légal à parution N° de commission paritaire : 1120 K 78228 N° ISSN : 1966-7892 Classica est édité par EMC2 SAS. © EMC2

Retrouvez votre magazine Classica sur tablettes et smartphones. L’application Classica est disponible sur App Store, Illustration de couverture : Sébastien Hardy / Magwen. CLASSICA / Février 2018 Q 5


UN AIR DE FAMILLE PÈRES ET FILS, FRÈRES ET SŒURS… LA MUSIQUE SERAIT-ELLE DANS LES GÈNES ? EN TOUT CAS, ELLE EST SOUVENT AFFAIRE DE FAMILLE. TOUS LES MOIS, NOUS PRÉSENTERONS LE PORTRAIT D’UN CLAN DE MUSICIENS.

Les Capuçon

AUDE, RENAUD, GAUTIER ET LES AUTRES PAR ELSA FOTTORINO

autier commande un croissant, n’a pas mangé malgré l’heure avancée de la matinée, pris par un faisceau d’obligations. Mais il a trouvé le temps de me voir dans un café de la rue Cambon entre un rendez-vous avec la maîtresse d’école de sa fille et des interviews de promotion pour son nouveau disque. D’ailleurs, il est intarissable sur ses enfants aux prénoms d’héroïnes de contes de fées, Fée, justement, et Sissi. Pour Gautier, tout a commencé lorsqu’il avait quatre ans et demi. « J’ai d’abord eu un coup de foudre pour le violoncelle avant d’aimer la musique. » Quelques jours plus tard, dans le salon douillet d’un grand hôtel parisien, Renaud me dit l’inverse : « Avant d’aimer le violon, j’ai aimé la musique. » Je pourrais décliner encore d’autres différences. Les réponses plus instinctives de Gautier, le timbre de voix sensiblement plus aigu de Renaud, même si les intonations se ressemblent à s’y méprendre. Mais s’il y a bien une chose qu’ils partagent sans réserve, c’est cette ardeur avec laquelle ils s’évertuent, semble-t-il, à être

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toujours au devant d’eux-mêmes. Dans l’histoire de la musique, rarement deux frères auront mené parallèlement chacun une carrière aussi éclatante. Insolite : quand Renaud joue aux Invalides pour les obsèques de Jean d’Ormesson, Gautier joue le lendemain à la Madeleine pour celles de « l’idole des jeunes ». L’illustration de la place qu’occupent aujourd’hui les frères Capuçon dans le paysage musical, médiatique et des réseaux d’influences, n’en déplaise aux autres. Ils appartiennent à une fratrie de trois enfants. De cinq en cinq. Aude, née en 1971, Renaud en 1976 et Gautier en 1981. Ils vivent à Chambéry, avec une mère dévouée et un père fonctionnaire dans l’administration des douanes. C’est à l’occasion du Festival des Arcs que la famille s’enthousiasme pour la musique. « Mes dieux s’appelaient Dalberto, Caussé, Dumay… » se rappelle Renaud qui collectionnait les autographes dès son plus jeune âge. Le quotidien des Capuçon ? Un savant mélange entre travail et plaisir. Anne-Marie était une mère au foyer très active, passionnée par l’éducation de ses enfants. « J’étais à la maison,


tout était centré sur eux. » De son côté, JeanLouis assistait aux cours de musique, notait dans un carnet les consignes des professeurs et croquait les différentes postures de jeux. « Nous ne sommes pas ambitieux. On voulait que les enfants arrivent à se faire plaisir. Nous étions exigeants, mais qui ne le serait pas avec ses enfants ? » confie Anne-Marie. TOUJOURS SE DÉPASSER Aude aussi est une excellente pianiste. Mais elle arrête à dix-huit ans, entreprend des études de médecine et devient orthophoniste. Au même moment, Renaud entre au Conservatoire de Paris. Pas de pression, pas de compétition, ni de réussite sociale en ligne de mire. En revanche, « il fallait être meilleur que soi-même », précisent Aude, Gautier et Renaud en chœur. Pour les deux frères, travailler leur instrument des heures d’affilée était naturel. « C’était pour nourrir une passion », souligne Renaud. Ces mots auraient pu être prononcés par Gautier. Lui rêve de tout faire, tout jouer, de l’accordéon, du clavecin. Il passera même son prix de piano. « Le revers de la médaille, c’est que nous pouvons être très durs avec nous-mêmes », reconnaît Aude. « Si je faisais six heures de violoncelle, ma mère pouvait me dire : “Tu aurais pu en faire six heures trente.” », observe Gautier. « Il ne fallait pas qu’on soit premier, mais il ne fallait pas être le deuxième non plus », se souvient Renaud. Aude admet à son tour avoir été très exigeante avec ses propres enfants. Surtout avec Côme, vingt-deux ans, qui étudie le violoncelle avec François Salque à Lausanne. Il perpétue la tradition familiale en redonnant vie, cet été, aux Rencontres artistiques de Bel-Air en Savoie, fondées par Renaud en 1996. « Enfant, j’assistais à tous les concerts et aux répétitions. Bel-Air, pour moi, c’est comme les Arcs pour mes oncles. » Ces derniers n’hésitent pas à l’aider : Gautier a récemment prêté un très bel archet à Côme qui habitait au-dessus de l’atelier du luthier Pierre Barthel où ses oncles ont leurs habitudes depuis de nombreuses années. Les Capuçon ont connu des hauts et des bas. D’ailleurs, me dit Renaud, « quand on a connu des froids, c’était à 90 % fabriqué par

l’entourage ». Si Renaud a permis à Gautier de brûler les étapes en l’introduisant chez Erato (Virgin à l’époque) et en lui présentant son agent, Jacques Thelen, Gautier a fait le reste : « C’est moi qui étais seul sur scène et qui jouais. » Entre les deux frères, il y a un lien « organique, comme dans un quatuor », dixit Renaud. Le premier concert commun a été initié par l’aîné quand Gautier avait quatorze ans. C’était autour de la Sonate pour violon et violoncelle de Ravel. « Inconsciemment, je me disais sûrement : “On va tester le petit.” », révèle Renaud. Les années qui ont suivi, ils ont partagé la scène jusqu’à quatre-vingts fois par an, dans cette « confiance sans limites » évoquée par Gautier. Mais vient le moment où cette vie à deux devient trop étouffante. Mélangez l’affect, la musique, les relations familiales à la pression des concerts et vous obtiendrez un cocktail où se mêlent les sentiments les plus intenses et parfois les plus contradictoires. Renaud sourit aujourd’hui de son côté « ringard de l’aîné qui donne des conseils au plus jeune. Jusqu’au jour où j’ai compris qu’il devait en avoir ras le bol ». Quant à Gautier, il se détache de l’étiquette de « petit frère » : « Je n’ai rien à prouver. » S’ils développent leur carrière chacun de leur côté, c’est aussi pour mieux se retrouver au cours d’une ou deux tournées par an. Et Aude ? L’aînée a, le temps d’un morceau, quitté sa blouse blanche pour partager avec ses frères la Marche miniature viennoise de Kreisler. C’est la seule fois qu’ils ont joué tous les trois. Et comme l’histoire est bien faite, on peut entendre le trio d’une vie sur l’album Inventions. Un souvenir qui restera gravé. X

Actualités £ Gautier Capuçon sort l’album Intuition (2/02) et Renaud les deux Concertos de Bartók avec le LSO et F.-X. Roth, le 23/03 (Erato).

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L’ÂGE D’OR DE LA

RMN - HERVÉ LEWANDOWSKI

MUSIQUE FRANÇAISE À l’orée du XXe siècle, las de la domination allemande, des compositeurs comme Debussy, Koechlin ou Schmitt s’affranchissent des académismes esthétiques et explorent d’autres voies : les innovations harmoniques et rythmiques de cette nouvelle école réinventent le langage musical. Une révolution qui permet au génie français de rayonner partout en Europe, entre 1910 et 1940. CLASSICA / Février 2018 Q 47


EN COUVERTURE

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ans les années 1870 s’amorce en France un renouveau de la musique instrumentale sans précédent, qui coïncide avec la montée en puissance de la musique française face à l’hégémonie germanique. Cette évolution aboutit, entre 1910 et 1940, à l’épanouissement d’une extraordinaire pléiade qui assure à l’école française une indiscutable prééminence sur l’art européen. En dehors même du puissant massif symphonique érigé par Berlioz, atypique par nature, cette résurrection se laisse pressentir dès les années 1850 au travers des œuvres de Félicien David, Henri Reber et Théodore Gouvy. Paradoxalement, la défaite de 1870 joue le rôle d’un catalyseur : le ralentissement de la vie mondaine a pour corollaire un repli sur la vie intérieure, la mentalité française y gagnant une gravité nouvelle qui marque la fin des beaux jours du grand opéra de Meyerbeer, de l’opérette et, plus généralement, de la virtuosité pour elle-même. Le public réclame nourriture plus noble. Parallèlement au développement de l’instruction publique, les sociétés de concert et les orchestres se multiplient avec un double objectif : contribuer à l’éducation musicale du public et offrir aux compositeurs des débouchés plus larges, sans qu’il soit possible de dire si, dans ce domaine, la demande tire l’offre, ou l’inverse. Complétant ainsi la Société des Concerts du Conservatoire (1828), les Concerts populaires Pasdeloup (1861), l’Association artistique

Photo page 46 : La Loge, Pierre Bonnard, 1908, Paris, musée d’Orsay.

« Depuis quelque trente ans, la France en avait assez qu’il ne fût que très modérément question de son génie musical. Et sans avoir le temps d’apprendre aux Français à chanter, ni aux fanfares de village à jouer juste, elle était en train de faire de la grande musique moderne une affaire française » Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté 48 Q CLASSICA / Février 2018

Colonne (1872) et les Concerts Lamoureux (1882) constituent bientôt une solide infrastructure de diffusion de la musique du passé et, dans une moindre mesure, contemporaine. Face à la prééminence germanique, il s’agissait au départ d’affirmer l’identité nationale en musique. Or, « l’esprit français » n’est pas si facile à définir. La France est à la fois le pays de Voltaire et celui de Hugo, de Saint-Saëns et de Berlioz. Le romantisme français ne répugne pas aux excès d’une certaine théâtralité, ni aux fleurs de la rhétorique portées à la perfection par Chateaubriand ou Barrès. Néanmoins, l’efficacité de so&n éloquence reste savamment calculée et conserve un souci de l’équilibre et de la forme qui le garde de la boursouflure et de la démesure, défauts en revanche assumés outre-Rhin : que l’on rapproche à cet égard La Tragédie de Salomé de Schmitt (l’une des pages les plus échevelées du romantisme français) de la contemporaine Symphonie n°6 de Mahler… Le premier, au contraire de son collègue viennois, sait « s’arrêter à temps ».

UNE TOURNURE D’ESPRIT On retiendra donc comme critères des qualités manifestées aussi bien par d’ardents romantiques dans leurs transports les plus passionnés (Berlioz, Schmitt) que par des esprits plus classiques, davantage portés au divertissement et à la pure beauté formelle (SaintSaëns, Poulenc). Élégance, charme, clarté, éloquence musicale disant avec une justesse absolue ce qu’il faut, et rien que ce qu’il faut, sont des principes assez généraux pour s’appliquer à un large éventail de sentiments et d’expressions. Art plus objectif que subjectif, visant à la distinction par sa distanciation vis-à-vis du sujet et à l’équilibre de la forme, cet esprit français n’est pas lié non plus au recours au folklore, ainsi que le pratiquèrent les écoles nationales de la fin du XIXe siècle, même si certains (d’Indy et ses compagnons de la Schola Cantorum) y font occasionnellement appel. En dehors de quelques échos stylisés (« Nous n’irons plus au bois »…), le très justement dénommé « Claude de France » n’utilise jamais de motif folklorique. Il est d’ailleurs symptomatique qu’au départ, les promoteurs de l’Ars Gallica en musique se soient approprié les ressources de la technique allemande en la passant au tamis des critères de l’esprit français. C’est au génie de César Franck que la musique française doit cette parfaite assimilation des moyens germaniques. Au même titre que Brahms, il fait figure d’héritier de la dernière manière de Beethoven dont il tire les conséquences extrêmes avec sa célèbre technique cyclique (l’unité d’une œuvre assurée par la parenté des thèmes dérivant de quelques cellules de base). Le rapprochement de ses Variations symphoniques pour piano et orchestre (1885) avec le Concerto pour piano n°2 de son contemporain allemand (1882) souligne une concision : cette dernière


n’est pas incompatible avec une grandeur et une noblesse qui ne le cèdent en rien à l’œuvre homologue allemande. Franck est aussi un prodigieux harmoniste qui a poussé très loin les possibilités d’équivoques tonales du chromatisme inaugurées par Schumann et Wagner. L’accord semble d’ailleurs prédestiné à devenir la pierre angulaire de la jeune école française : n’est-ce pas Rameau qui, cent cinquante ans plus tôt, a mis en évidence, justifié et codifié ce nouveau venu dans la grammaire musicale avec son Traité d’harmonie ? En schématisant, la musique allemande est davantage conçue en tant que polyphonie, avec une prédominance du contrepoint sur l’harmonie. En France, les accords primeraient sur l’activité contrapuntique, gymnastique intellectuelle par essence, alors que la perception de l’accord, directement fondé sur la résonance, serait davantage tributaire des sens. L’essor de la musique française s’accompagne d’un prodigieux élargissement du vocabulaire harmonique : non seulement par le biais du chromatisme et des altérations (Franck), mais aussi par la remise à l’honneur des anciens modes du plain-chant à laquelle s’attelle l’École de musique classique et religieuse fondée par Niedermeyer (1853), qui compte Fauré au nombre de ses élèves. Ce dernier assure aux anciens modes droit de cité dans le cadre d’une tonalité élargie, conférant à sa musique une suavité archaïsante qui transporte dans l’atmosphère méditative du cloître.

Enfin, l’alliance franco-russe porte ses fruits : fructueuse interaction, puisque la brillante orchestration de Berlioz fait école auprès des compositeurs russes et, qu’en retour, l’éclatante couleur harmonique des Russes vient enrichir la palette des Français. La Péri et Ariane et Barbe-Bleue de Dukas ainsi que La Tragédie de Salomé de Schmitt sont en effet les prototypes d’un véritable style franco-russe, tandis que les émois sensuels de la section centrale du Prélude à l’après-midi d’un faune doivent autant à Balakirev qu’à Franck. C’est l’époque des Ballets russes : Stravinsky confesse qu’il n’aurait jamais écrit Le Sacre sans les recherches harmoniques et rythmiques de La Tragédie de Schmitt, et la présence de Diaghilev à Paris se conjugue à la redécouverte des opéras-ballets de Lully et Rameau pour inciter nos compositeurs à écrire des symphonies chorégraphiques (Ravel, Daphnis et Chloé ; Roussel, Le Festin de l’araignée, Aeneas, Bacchus et Ariane ; Gaubert, Le Chevalier et la Demoiselle). Privilégier la couleur (harmonie et orchestration) sur la ligne (contrepoint, ligne mélodique) revient à transposer dans le domaine sonore la démarche des peintres impressionnistes. Les capacités suggestives d’une telle musique s’en trouvent décuplées ; au théâtre ou au concert, l’auditeur se trouve enveloppé d’une atmosphère sonore évocatrice. Dans un pays

AKG IMAGES

ACCORDS FRANCO-RUSSES

de tradition littéraire plus que musicale (au contraire de l’Allemagne), les compositeurs se laissent plus que jamais inspirer et guider par un programme littéraire, et la frontière entre symphonie, poème symphonique, symphonie chorégraphique et même opéra s’estompe : d’autant que l’art symphonique a investi le théâtre lyrique, si l’on se réfère à l’importance prise par l’orchestre dans des opéras tels que Le Pays (Ropartz), L’Étranger (d’Indy) ou Ariane (Dukas), pour ne pas citer Pelléas et Mélisande. Impressionniste par la matière musicale insaisissable, symboliste par l’inspiration, le compositeur-poète de La Mer a concilié l’élégance aristocratique de la forme au culte hédoniste de la beauté sonore pour elle-même. En cela, il résume à lui seul cet extraordinaire âge d’or de la musique française. X

Projet de costume de Natalia Trouhanova pour le ballet La Péri de Paul Dukas. Aquarelle, Moscou, musée A. A. Bakhrouchione.

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PHOTOS STÉPHANIE LACOMBE POUR CLASSICA

L’UNIVERS D’UN MUSICIEN

Christophe Rousset

SES GOÛTS RÉUNIS vitez la question. Il l’attend tellement qu’il l’esquive en la posant lui-même. Et vous répond que non, il n’a pas l’impression de vivre dans un musée. N’empêche, l’appartement parisien de Christophe Rousset a une furieuse tendance à vous projeter d’emblée dans une petite salle du Louvre où l’on aurait installé les plus beaux spécimens du musée de la Musique. Vous imaginez bien qu’il n’a pas choisi ce coin du 6e arrondissement en raison de l’auguste écrivain qui résida autrefois au-dessus de chez lui, on parle de Victor Hugo dont une plaque commémore le passage éclair en 1821. Non, c’est tout simplement

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Chez le chef, clavecins historiques, tableaux du XVIIIe et livres ornent les pièces. Un vrai musée !

qu’il n’a toujours vécu que dans du XVIIIe siècle : il y eut d’abord la rue du Temple et, vers les années 2000, Christophe s’enticha de cet appartement, de ces détails que vous et moi ne remarqueriez pas forcément, ces ferronneries, ces crémones aux fenêtres. Il y attache de l’importance. Pourrait-il vivre dans du haussmannien ? Ce serait difficile. Dans du moderne ? « Inconcevable. » Son immeuble comprend une jolie petite cour desservant deux entrées, la moins théâtrale menant à son étage. On ne sait s’il y passe beaucoup de temps, pris dans un vertige de tournées, d’enregistrements et de programmes à vous épuiser, mais quand il y est, il y est, et tout est fait pour y prolonger esthétiquement ses dilections musicales ; son cher Couperin n’a-t-il pas parlé de Goûts réunis ?


L’homme n’est pas pressé, mais concentré. Il ne sourit jamais beaucoup, droit, calme, précis, toujours un peu sec et tendu, avant de partir dans un formidable éclat de rire qui illumine son visage généreux, au moment où vous vous y attendiez le moins. Dans l’entrée traîne le disque Balbastre tout juste paru, rare concession à la modernité avec son i-Phone, rivé en main, et un attirail électroménager réduit au strict minimum. Il s’est fait réchauffer une part de quiche dans sa petite cuisine, on n’ose pas employer « kitchenette » dans pareil lieu, et il enfourne des bouchées devant l’évier, debout au téléphone, tandis que fleurissent sur les murs

Tout ce qu’il n’aime pas, il le bazarde. Quand il rentre chez lui après un voyage,il aime être entouré de choses choisies, aimées

et qui l’encombre, il le bazarde, même quand ce sont des cadeaux faits par des gens chers. Quand il rentre chez lui après un voyage, Christophe Rousset aime être entouré de choses choisies, goûtées, aimées, surtout quand il a séjourné « dans un Airbnb pourri ».

UNE PÉRIODE RESTAURATION Son trois-pièces n’était pas en l’état à l’achat, de minutieux travaux ont restitué sa saveur authentique, totalement diluée dans un style années 1970, « avec du Plexiglas et de la moquette ». Le parquet restauré, la cheminée et le trumeau adaptés aux dimensions du lieu, son goût de la collectionnite a repris. Ce doit être familial. Les Rousset adoraient collectionner, son père le sucre, son grand-père les timbres, lui, on sait désormais quoi. Il se souvient aussi combien la visite du château de Versailles l’a marqué, enfant. Sans oublier ses cours chez la claveciniste Huguette Dreyfus : Madame vivait Quai d’Orsay, certes dans un appartement OOO

des gravures XVIIIe, des compositeurs majoritairement, et « qui ne sont pas si faciles que ça à trouver ». On reconnaît Piccinni, Haendel, et puis, là, à côté du Paic Citron, ça doit être Gluck. Les cabinets d’aisance sont à l’identique, tapissés de haut en bas d’effigies rangées sous verre : voici Mondonville, Rameau, Blanchard, Philibert, Jélyotte et même Geminiani, dans une position stratégique. Autre entorse aux siècles classiques dûment représentés, une toile, haut perchée, d’un certain Rousset : c’est son arrière-grand-père. Il l’a conservée non par goût mais par tendresse, d’ailleurs, il faut quelques efforts pour l’apercevoir. Il n’y a chez lui ni télévision, ni radio, ni chaîne hi-fi, ni livres de poche, car « les livres de poche sont faits pour aller dans la poche » : une fois finis, il les laisse dans les rames de métro, les gares, les aéroports. Il n’a conservé, en volumes modernes, qu’une poignée d’indispensables, il cite Proust, Musil. Tout ce qu’il n’aime pas CLASSICA / Février 2018 Q 69


L’UNIVERS D’UN MUSICIEN années 1930, mais tout, mobilier, tableaux, instruments, rappelait le XVIIIe siècle, et à l’heure du thé, on s’asseyait dans du Louis XIV. Christophe Rousset a été impressionné et s’est imaginé que cela pourrait être encore plus beau chez lui. Devenu virtuose et professionnel, il a été initié par la gambiste Anne-Marie Lasla qui lui indiqua un jour qu’une partition d’Armide de Lully se vendait à la Foire du papier. Il a franchi le pas comme ça. Il a d’abord acheté des partitions, puis des traités, puis des livrets de tragédies en musique, puis des pièces de Racine, des comédies de Marivaux, les Lettres du président de Brosses, les Contes de Voltaire, les librettos de Métastase, d’Apostolo Zeno, bref, tout ce qui a nourri son art, enflammé son inconscient et forgé l’histoire des Talens Lyriques. Après les livres, Christophe Rousset est passé logiquement aux dessins et aux tableaux. Et, en toute logique, aux clavecins historiques, on ne saurait se satisfaire chez soi de copies, aussi parfaites soient-elles. Il allume la torche de son téléphone intelligent et vous guide dans la petite pièce italienne, éclairée d’une seule fenêtre. Quelques tableaux retournés reposent sur le mur, mais au fond trône un clavecin, vrai sujet de fierté. Un instrument italien (en cyprès) de Rainaldus de Bertonis de 1736 dont la particularité est d’avoir conservé son pupitre d’origine. Hélas, la taille du clavier limite les répertoires. Très incurvées, les touches indiquent que l’instrument a été beaucoup joué, que son propriétaire dégageait une sueur particulièrement acide et corrosive et qu’il ne devait pas se couper les ongles tant le bois compte de griffures ; quant aux éléments décoratifs, petits masques, personnages de commedia dell’arte, silhouettes d’Orphée, de Midas ou de Mercure tuant Argos, ils sont composés dans un nuancier et une finesse de traits exquis. Enregistrer sur cet instrument un programme Frescobaldi serait idéal, d’autant qu’il a tous ses éléments d’origine et que le restaurateur a remis la serrure en marche. « C’est émouvant, non ? » L’autre instrument de la pièce attend, lui, sa révision : le piètement est complètement redoré, mais de vilains sons s’en échappent.

PLAISIRS DE COLLECTIONNEUR L’autre pièce, la principale et d’inspiration française, est parée de deux clavecins plus imposants, qui se regardent en chiens de faïence : un premier, fabriqué par David Ley, acquis en 1984, sur lequel il travaille toujours, tout en alternant avec le modèle contigu, dont il ne faudrait pas abuser tant il a tout du clavecin idéal, sonorité ample, veloutée et cristalline, qui aurait tendance à tuer la concurrence ! Francesco Corti, un élève, y entend le plus bel instrument qu’il ait jamais joué. Et puis, la table d’harmonie se double d’une peinture merveilleuse

ACTUALITÉS Z Deux disques viennent

de paraître, tous deux CHOCS du mois (voir page 76) : un récital de clavecin consacré à Balbastre et Alceste de Lully. Z À l’Opéra-Comique de Paris, Christophe Rousset dirigera les 1er, 3, 5, 7 et 9/02 Et in Arcadia ego, spectacle sur des pages de Rameau et des textes d’Éric Reinhardt, avec la mezzo Lea Desandre, le chœur Les Éléments et les Talens Lyriques. On l’entendra également dans le Requiem de Campra, à la Philharmonie de Paris, le 8/02, puis dans Orphée et Eurydice de Gluck, les 23 et 25/02, au Capitole de Toulouse, avant de le retrouver au Théâtre des ChampsÉlysées pour Rinaldo de Haendel (5/06) et Faust de Gounod (14/06).

figurant des petits bergers, des personnages sur l’eau, le tout rehaussé de fleurs délicates. Sur les murs de la pièce, on reconnaît Jean-Philippe Rameau, copie XVIIIe siècle du célèbre portrait réalisé par Joseph Aved, des paysages et scènes de genre signés Pompeo Batoni, Paolo de Matteis, une huile sur cuivre de Le Brun, un portrait de Hyacinthe Rigault. On en vient alors aux deux chefs-d’œuvre de la maisonnée, objets d’adoration absolue. Tout d’abord, une Vierge à l’enfant de Simon Vouet, accrochée dans la chambre à coucher, dont l’heureux propriétaire ne se lasse pas d’admirer l’infinie tendresse des gestes maternels. « On m’a dit que ce Vouet n’était pas une commande royale, car le bleu du manteau n’est pas couleur lapis-lazuli. » Autre bijou, une grande nature morte au lièvre ornant l’entrée, signée Chardin. Un matin, Christophe Rousset a convié Pierre Rosenberg afin qu’il identifie le peintre d’un de ses clavecins. Mais l’ancien conservateur du Louvre y a à peine jeté un œil et a foncé droit sur la nature morte, happé par sa beauté et la perfection de la composition : il a formellement reconnu la main de Delaporte – Henri-Horace Delaporte, imitateur de Chardin, dont le Louvre ne conserve que de petits formats. Christophe Rousset en est très fier. Il y trouve l’inspiration. Presque autant que lorsqu’il s’assoit à sa petite console pour travailler sur des partitions, sous un portrait cher à son cœur, Marthe Le Rochois par François de Troy : l’égérie de Lully tient la partition de la Passacaille d’Armide, et le dessin est si précis qu’on y distingue la basse chiffrée accompagnée de ces vers de Quinault : « Les plaisirs ont choisi pour asile ce séjour agréable et tranquille. » Est-ce que cela ne définirait pas à merveille le musée Christophe Rousset ? X Jérémie Rousseau

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LES CARNETS

D’EMMA

L’esprit et la lettre Q À la Bastille, une mise en scène et l’esthétique illusionniste de l’opéraintersidérale fit beaucoup jaser il y a ballet sont illuminées par la vision quelques semaines. Claus Guth produ chorégraphe Sidi Larbi Cherpulsait les protagonistes de La kaoui. L’équipe des chanteurs et Bohème de Puccini bien loin de leur danseurs (époustouflants) glisse et Paris romantique, pour en faire des voltige d’une « entrée » à l’autre, astronautes perdus dans l’espace. traversant les frontières géograEntre de vaines tentatives pour répaphiques et les intrigues avec une rer leur matériel défectueux et l’envoi énergie, une poésie et une malice de de messages de détresse, Rodolfo et chaque instant. Toujours en idéale ses camarades rêvent de leur passé intelligence avec l’art subtil et effid’artistes impécunieux mais comcace de Rameau. Voici, dans Les Incas plices… Une manière d’inscrire du Pérou, l’édification d’un exubél’action, sinon la psychologie, de La rant autel baroque, combinatoire Bohème dans ce dispositif de vivante de corps amoncelés. Voici science-fiction. En dépit de décors encore, dans l’entrée des Fleurs, plutôt réussis, cette greffe dans le vaste et froid univers d’une la grisante éclosion chromatique de ternes couvertures pour intrigue amoureuse, qui revendique son pittoresque parisien sans-abri transformées en « papillons inconstants »… Inutile et la sentimentalité de ses personnages, laissait pour le moins de dire combien l’on espère une reprise de ces Indes, fruit perplexe. Son manque de vraisemblance et de simplicité d’un immense et méticuleux travail et, plus encore, d’une – « C’est tellement simple l’amour », affirme Arletty/Garance inspiration magique ! dans Les Enfants du paradis dont l’action se situe elle aussi Q La congruence, qui n’est ni redondance, ni pléonasme et dans le Paris de la monarchie de Juillet – écartait toute émotion peut même s’émanciper de la lettre de l’œuvre – j’avoue ainsi et tout attendrissement. Comment ? Ne pas sentir son cœur m’être laissé captiver par les audaces de Dmitri Tcherniakov se serrer, ni ses yeux s’humecter de larmes à l’écoute de La dans Carmen, cet été, à Aix –, le mélomane la rencontre aussi Bohème ? Mise en scène et musique, pourtant dignement dans l’art de certains interprètes. C’est Marc Mauillon défendue sur le plateau et surtout dans la fosse où Gustavo confondant de naturel dans Pelléas (2), Joyce DiDonato Dudamel faisait des débuts attendus à l’Opéra de Paris, sem- aimant, se révoltant, déplorant et mourant avec Didon (3). Ce sont encore le pianiste Paul Lewis dont les Schubert blaient irrémédiablement déconnectées. Q Récemment publiée (1), la formidable production des Indes coulent de source ou le Quatuor Belcea, emporté par la fougalantes de Rameau, créée en 2016 lors du Festival d’opéra de gueuse Corina, premier violon, qui de Haydn à ChostakoMunich, ne joue pas plus la carte du littéral et de vitch subjugue par sa technique souveraine et la reconstitution historique. Mais, pour le specbouleverse par la justesse de son éloquence (4)… X EMMANUELLE tateur, installé dans le charmant Prinzregenten1. BelAir Classiques. GIULIANI theater, l’effet était diamétralement opposé à celui 2. Lire Classica de décembre 2017-janvier 2018. de notre pauvre Bohème. Au lieu du malaise de est chef 3. Dans Les Troyens de Berlioz, coffret CD Erato. la distorsion, on éprouve l’enivrement de la du service Culture 4. L’un et l’autre programmés, hélas, le même jour, fusion. Portées par la direction fantaisiste et du journal La Croix à la même heure, dans deux salles parisiennes… contrastée d’Ivor Bolton, la musique de Rameau

Les Indes en idéale intelligence avec l’art de Rameau

45 Q CLASSICA / Février 2018


N O U V E A U T É S 1 er S E M E S T R E 2 0 1 8 Boris Berezovsky ‘Evgeny Svetlanov’ Russian State Symphony Orchestra / Brahms - Stravinsky C’est au côté du Svetlanov Symphony Orchestra que Boris Berezovsky interprète Brahms et Stravinsky lors d’un concert mythique au Tchaikovsky Concert Hall de Moscou. Boris Berezovsky est de ces pianistes indomptables qui ne se laissent pas enfermer dans un scénario prévu d’avance. C’est bel et bien l’expérience, la vie qui s’offrent comme un diamant brut dans chacune de ses interprétations.

La Rêveuse / Marin Marais Marin Marais possède la grâce, l’élégance et l’esprit qui font tout le charme du goût français du XVIIIème siècle. Les pièces de caractère de ses deux derniers livres croquent portraits, paysages et petites scènes de genre à la manière d’un peintre, et restent un sommet inégalé du répertoire de viole.

François Salque violoncelle Claire-Marie Le Guay piano

Wanderer FRANZ SCHUBERT

Marc et Pierre Hantaï / J.S. Bach

Est-ce l’attrait de l’inconnu ou le besoin de fuir qui pousse le Wanderer (voyageur) romantique à errer ainsi, sans but précis ? Si jamais il ne rencontre le bonheur là où il se trouve, son vagabondage solitaire est néanmoins initiatique. Les lieder de Franz Schubert, ici rendus au violoncelle et au piano, explorent toutes les nuances de cette quête intérieure, où le voyage à la fois douloureux et consolateur, amène finalement à l’apaisement et à une sorte de transcendance.

Marc et Pierre Hantaï se retrouvent pour une nouvelle aventure fraternelle autour de la figure tutélaire de J.S. Bach. Ces pièces pour flute et clavecin dont l’écriture est certainement l’une des plus abouties du répertoire baroque permettent en même temps les possibilités expressives les plus touchantes.

Abdel Rahman El Bacha / Arabesque Les mélomanes connaissent bien le pianiste. Le compositeur, beaucoup moins. Et pourtant, depuis son enfance, Abdel Rahman El Bacha compose. Son œuvre de créateur est présentée pour la première fois au disque. Parcours de l’enfance jusqu’aux partitions récentes, c’est une véritable carte d’identité musicale qui nous est offerte. Sortie le 9 février

VERS UN MONDE NOUVEAU Ricercar Consort - Philippe Pierlot / J.S. Bach Les premières cantates offertes par Bach à Leipzig : sinfonia, chœur, choral, récitatif, airs les plus divers, tous frappés de l’éloquence du musicien, mais aussi gorgés de poésie au gré de profonds commentaires spirituels. Un grand art s’expose ici, qui prélude au sublime bouquet des musiques que les fidèles entendront dimanche après dimanche…

Le coffret officiel deux disques pour découvrir les œuvres qui seront jouées à la Folle Journée cette année. Sortie le 16 février

www.mirare.fr


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