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Traduit de l’anglais par Anne-Angèle Cady.
Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Louis Segond révisée, dite « à la Colombe ».
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Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, totale ou partielle, par voie électronique, mécanique ou autre, ainsi que tout enregistrement ou photocopie, sont interdits sans le consentement préalable de l’éditeur.
Couverture : Jennyfer Val
Dépôt légal : novembre 2024
Impression n° xxx (octobre 2024) • IMEAF • F-26160 La Bégude de Mazenc www.imeaf.com
Mots-clés : 1. Prière
2. Église. Communauté. Intercession
3. Changements. Disciplines. Puissance de l’Esprit
PAUL E. MILLER
UNE ÉGLISE en prière
Devenir un peuple d’espérance dans un monde décourageant
« Le livre de Paul Miller, Une Église en prière, a rempli à nouveau mon cœur de la puissance de cette réflexion d’Oswald Chambers : “Ce n’est pas la prière qui nous rend aptes à des œuvres plus grandes ; elle est l’œuvre plus grande en elle-même.” Cette lecture, source de défi et d’inspiration, m’a amené à reconsidérer le rôle central de la prière dans ma vie personnelle et dans le ministère de mon Église, afin que l’Esprit de Jésus les imprègne et les renforce. »
Bryan Chapell, pasteur et auteur de Prêcher, l’art et la manière (Excelsis, 2019) et de Christ-Centered Worship.
« Le livre J-Curve de Paul Miller est la meilleure ressource que je connaisse en matière de formation spirituelle. Je vais désormais recommander Une Église en prière comme étant la meilleure ressource que je connaisse sur la prière au sein d’une communauté chrétienne. Ce livre s’appuie sur la Bible, il est concret et sincère. Parce qu’il est enraciné dans l’Évangile, il nous invite à un changement réel. Invitez les autres à le lire avec vous et, ensemble, laissez-vous guider par l’Esprit. Je suis convaincu que votre Église s’en trouvera profondément renouvelée. »
Jimmy Agan, pasteur principal de l’Église d’Intown Community à Atlanta, dans l’État de Géorgie.
« L’ouvrage de Paul Miller m’a touché. Il m’a transformé. Pasteur depuis trente-six ans, je le dis sans exagération : c’est le livre le plus important que je n’aie jamais lu sur le ministère chrétien. »
Steve Estes, auteur de A Better December et coauteur avec Joni Eareckson Tada de Quand Dieu pleure.
« Depuis quelques années, notre Église cherche à devenir une Église qui prie, et Une Vie en prière de Paul Miller nous sert de référence en la matière. Cependant, Une Vie en prière se concentre sur la prière individuelle. Je suis donc ravi de voir que Paul Miller reprend ces idées et nous montre
comment les intégrer dans le corps que nous formons. Jésus a ordonné à son Église d’être une maison de prière. Le livre de Miller nous aide à remplir cette mission ! C’est une des priorités de notre Église pour les dix ans à venir, et je prie pour que cela constitue également une priorité pour votre Église ! »
J. D. Greear, pasteur de l’Église The Summit à Raleigh-Durham, en Caroline du Nord, et auteur de Il vaut mieux pour vous que je m’en aille (la Maison de la Bible, 2021).
« Ce livre lance un défi de taille à l’Église contemporaine, qui doit repenser ses attitudes et ses pratiques en matière de prière communautaire. Je pensais connaître une ou deux choses sur la prière commune, mais j’ai dû me remettre en question et j’ai appris à mieux connaître la pratique de la prière dans ma propre vie et dans mon équipe ministérielle. »
Ajith Fernando, directeur de l’enseignement pour JPC-Jeunesse pour Christ au Sri Lanka et auteur de Discipling in a Multicultural World.
« Une Église en prière est un livre captivant, avec de riches références bibliques, de merveilleux conseils pratiques et un grand nombre de témoignages palpitants et de précieuses illustrations. Il place le lecteur face à ses responsabilités, mais déborde de l’amour et de la sollicitude propres aux pasteurs. Paul Miller est un frère qui s’adresse à ses frères, un responsable qui parle à des responsables. Sans verser dans la vantardise, il met manifestement en œuvre ce qu’il prêche. Plusieurs chapitres valent à eux seuls le prix du livre. Mon préféré est celui qui traite du jeûne et de la prière. »
John F. Smed, directeur du centre de formation
Prayer Current et auteur de Prayer Revolution : Rebuilding Church and City Through Prayer.
« Les Églises qui suscitent de véritables changements au sein de leurs communautés sont des congrégations où la prière est un mode de vie.
Avec Une Église en prière, mon ami Paul Miller incite à la réflexion et au dépassement de soi. En lisant ce livre extraordinaire, vous découvrirez comment vous associer à l’Esprit de Jésus pour transformer votre communauté et faire avancer le royaume de Christ ! »
Joni Eareckson Tada, fondatrice de l’association d’évangélisation auprès des personnes handicapées Joni and Friends International Disability Center et coauteur de Quand Dieu pleure.
« Paul Miller s’est fixé la mission de redonner à la prière la place centrale qui lui revient dans la vie de tous les jours et dans l’exercice du ministère. Ce livre vous incitera à prier. Vous y trouverez des conseils pour faire de la prière une seconde nature. Il rappelle que la Bible rend témoignage de la prière, il situe la prière dans d’innombrables contextes actuels et il traite des myriades d’obstacles à la prière. Surtout, il vous fera redécouvrir comment Christ et l’Esprit perfectionnent les saints pour l’œuvre du ministère : par la prière. Il s’agit d’un livre extrêmement instructif et encourageant. »
Robert W. Yarbrough, enseignant spécialiste du Nouveau Testament à l’université théologique
Covenant Theological Seminary
À Bob Allums dont la douce autorité, semblable à celle de Barnabas, et le rire bienveillant ont été les catalyseurs de mille et un témoignages de prière, et
À mes fidèles amis du comté de Polk, en Floride, dont la générosité a rendu ce livre possible
1.
2.
Table des matières
8.
Liste des illustrations
Figures
2:1 La vision largement répandue du monde, divisé en deux parties 37
2:2 La prière présuppose une connexion invisible 38
3:1 Une Église typique, faible en prière 47
3:2 Une Église en prière, centrée sur l’Esprit de Jésus 48
3:3 La mort et la résurrection par l’Esprit 52
5:1 Une Église en prière libère les saints 87
11:1 La courbe J qu’a connue mon père : une mort suivie d’une résurrection 145
11:2 Une prière de longue durée précède une moisson de vie 148
13:1 La vie de prière de Jésus : les visions complémentaires de Luc et de Jean 163
14:1 Prier pour de grandes choses 177
15:1 La pyramide de la prière 187
Cartes de prière
15:2 Pour Une Vie en prière 190
15:3 Pour « voir Jésus » 193
15:4 À Dieu tout est possible 198
20:1 Pour le monde arabe 253
Tableaux
5:1 Comment la prédication et la prière fonctionnent ensemble 80
6:1 Différentes manières de faire Église 98
22:1 Prier selon trois modèles d’interaction qu’offre Jésus 269
Préface de l’édition française
L’histoire de l’Église en témoigne abondamment : l’Église du Christ est à jamais menacée par ces deux erreurs. D’un côté, l’orthodoxie morte du formalisme religieux. De l’autre, le mysticisme sentimental fondé sur l’ « expérience » religieuse.
Paul E. Miller semble en être conscient. C’est pourquoi, il insiste pour que nous ne séparions jamais la vérité de la vie, les Écritures de l’expérience, la confession de la foi de la contemplation de la gloire. En rappelant que les responsables de l’Église des Actes avaient deux priorités, « le service de la parole » et « la prière » (Actes 6:4), il veut que nous allions saine doctrine et spiritualité authentique.
Mais si Paul E. Miller insiste bien sur la nécessité d’être clair sur la vérité de l’Écriture et hardi pour la proclamer, son fardeau est ailleurs. Il veut surtout nous faire réaliser que l’Église est appelée à être une communauté Spirituelle. La majuscule à « Spirituelle » est délibérée : elle désigne ce qui a trait au Saint-Esprit et à son œuvre dans nos vies. Pour l’auteur, être une communauté Spirituelle, c’est « [vivre] dans un monde personnel où le Père, par son Esprit, fait constamment revivre Jésus au milieu de nous » (p. 38).
Or, le moyen d’entrer dans cette vie du Dieu trinitaire n’est autre que… la prière !
C’est par la prière –et la prière communautaire en particulier–que nous devenons des spectateurs émerveillés de ce que Dieu fait parmi nous. Paul E. Miller précise toutefois qu’ « il ne suffit pas d’organiser davantage de moments de prière pour devenir une
Église en prière ». Il écrit : « Quand on évoque la nécessité de devenir une Église en prière, tout le monde semble tomber d’accord. Tout le monde acquiesce. Oui, il faudrait prier plus. Or ‘prier plus’ n’est pas le cœur du problème » (p. 71). Le problème, c’est plutôt que la prière est trop souvent considérée comme un ministère de l’Église parmi d’autres, alors qu’elle est le cœur du ministère !
C’est en cela que ce livre est merveilleusement libérateur. Une Église en prière ne nous accable pas d’une tâche supplémentaire à faire, comme on ajouterait une nouvelle brique à la cargaison d’un chameau déjà trop chargé. Il nous présente plutôt la prière comme une respiration, « le souffle même de l’Église » (p. 27). Par elle, nous laissons la place à l’Esprit de Jésus pour faire ce que nous ne pouvons pas faire par nos propres forces et moyens.
Il y a quelques années, notre Église a lu le précédent livre du même auteur, intitulé Une vie en prière. Cette lecture a eu un véritable effet transformateur dans la vie de plusieurs frères et sœurs, en nous amenant à reconsidérer la simplicité de la prière et sa centralité dans la vie chrétienne. Mais ce premier livre traitait surtout de la prière individuelle.
Je suis infiniment reconnaissant envers Paul E. Miller d’avoir repris ces idées dans ce deuxième livre pour nous montrer comment les intégrer dans les Églises locales auxquelles nous appartenons. Je prie pour que nos Églises en francophonie entendent son appel : il nous incite à placer le Dieu vivant au cœur de tout ce que nous faisons, à nous laisser émerveiller par son action dans nos vies et à emboîter le pas à l’Esprit en incarnant l’Église par la prière.
Joël Favre, Pasteur de l’Église Réformée Baptiste du Grésivaudan située dans l’agglomération Grenobloise
Préface de l’édition originale
Se battre pour prier ne revient pas tant à lutter contre l’absence de prière que contre le découragement, le cynisme et l’incrédulité.
Si cela est vrai pour la vie de chacun d’entre nous – y compris la mienne –, cela l’est bien plus encore pour la vie de nos Église. Véritable cri de ralliement, ce livre magnifique et convaincant nous invite à sortir de l’incrédulité mièvre qui infecte et affaiblit nos Églises, où la prière n’est qu’un service laborieux parmi tant d’autres. L’alternative extraordinaire que Paul Miller nous propose, en accord avec les Écritures, consiste à placer la prière au centre de tout ce que nous faisons, c’est-à-dire de vivre la communauté comme si Dieu était présent physiquement.
Ce livre échappe à toute classification facile. D’une part, il nous plonge au cœur de la théologie de Paul et dans la manière dont le Nouveau Testament parle de l’Esprit et du début de cette ère nouvelle, inaugurée par la résurrection de Christ ; d’autre part, il s’avère extrêmement concret et pratique, utilisant des exemples réels et des anecdotes sur la façon dont la prière a fonctionné (ou n’a pas fonctionné) dans la vie et le ministère de l’auteur.
Une Église en prière est une mine d’informations très profondes sur ce qu’est la prière et sur la manière dont elle illumine une communauté entière. Voici quelques exemples :
Ce pour quoi je prie dure, ce pour quoi je ne prie pas ne dure pas.
J’ai vu ce qui se passe dès lors que l’Esprit de Jésus habite une assemblée : tout se met à briller.
Nulle part Paul ne mentionne le « don de la prière ». Pourquoi ? Parce qu’il n’existe pas un don de la respiration.
Si l’on conçoit déjà la simplicité de la dynamique prière Esprit → Jésus → émerveillement, prier à plusieurs ne représentera plus juste une autre activité supplémentaire, mais l’activité même qui allègera tous nos fardeaux.
Les citations de ce genre abondent. Toutefois, pour apprécier le véritable génie de ce livre, il faut le considérer dans son ensemble : Paul Miller introduit la prière dans le cours de notre quotidien désordonné, pas dans l’existence bien rangée que nous présentons aux autres en guise de façade, mais dans la vie réelle, avec tout ce qu’elle comprend d’échecs, de découragements, de larmes, d’indifférence ou d’épuisement. En somme, Paul Miller interprète la prière à la lumière de l’Évangile. De même que la bonne nouvelle de l’Évangile est une puissance pour nous dans les domaines où nous en avons le plus besoin, la prière est une puissance et une aide considérable qui vient précisément au secours de notre faiblesse. Et c’est là tout l’enjeu.
Cet ouvrage parvient à faire de cette réalité qu’est la prière (selon laquelle elle nous est réservée maintenant, alors que nous en avons besoin, et non plus tard, quand le problème sera résolu) un outil fonctionnel pour les Églises, qui forment le corps de Christ. L’auteur nous encourage à progresser ensemble dans la prière. En soulignant qu’à l’époque de l’Église primitive, les responsables insistaient pour que « les chrétiens persévèrent dans la prière et dans le service de la parole » (Actes 6:4), il veut, en quelque sorte, que nous soyons l’Église, par la prière.
Autrement dit, Une Église en prière ne nous invite pas à prier encore et toujours plus, comme un hamster qui tournerait dans sa roue, mais juste à faire un pas de côté pour contempler l’Esprit de Jésus et le laisser nous guider en communiant avec lui. Le message de ce livre est merveilleusement simple, largement négligé et profondément libérateur !
Une Église réputée, dotée de musiciens irréprochables, d’une prédication puissante, d’une garderie extraordinaire, qui aurait remboursé tous ses prêts et qui attire de nombreux fidèles, mais qui fonctionne comme si elle était endormie, s’appuyant sur ses propres forces au lieu d’avoir recours à la prière, cette Église se dirige droit vers une légèreté qui s’avérera dramatique.
En revanche, une Église en difficulté, dysfonctionnelle à bien des égards, où la musique est dissonante, une Église peu nombreuse et faible en ressources, mais sereinement abandonnée à une vie de prière nourrie de la foi décrite dans ce livre, bénira ce monde de mille et une façons surprenantes et laissera son l’empreinte jusque dans l’éternité.
Et si ce livre était la porte de l’armoire magique qui ouvre sur le monde de Narnia… C’est là ce qu’attend votre Église depuis si longtemps, elle en a tant besoin. Car en fin de compte, il ne s’agit pas d’un livre sur la prière. Il s’agit d’un livre sur Dieu et sur la manière dont nous évoluons, en tant qu’Église, conscient de la présence de Dieu parmi nous. Je vous en recommande chaleureusement la lecture et je remercie Paul Miller de nous en avoir fait cadeau.
Dane C. Ortlund, Pasteur principal de l’Église Presbytérienne de Naperville, dans l’État de l’Illinois
PARTIE 1
POURQUOI PRIER À PLUSIEURS ?
1
Un aperçu d’une communauté en prière
Pour beaucoup d’entre nous, la prière est une démarche solitaire. De ce fait, nous ne savons pas forcément à quoi elle ressemble quand elle est pratiquée à plusieurs, ni même les sentiments qu’elle procure. J’aimerais donc commencer ce livre en vous laissant entrevoir les trois réunions de prière auxquelles j’ai participé ce matin. Avant de nous lamenter sur la disparition de la prière commune, nous devons définir ce que nous avons perdu, au juste !
Mon premier temps de prière du matin se déroule aux côtés de ma femme, Jill. Nous nous levons à six heures moins le quart et, pendant quarante-cinq minutes, nous lisons la Bible et prions ensemble. Jill ponctue ce moment de ferventes intercessions à l’intention de notre famille, de nos amis et du monde. Elle glisse aussi parfois quelques remarques qui me sont destinées : « Au fait, Paul, tu voudras bien ranger les cartons qui sont par terre dans ton bureau avant de partir au travail ? Quelqu’un vient nettoyer la moquette aujourd’hui. » (Techniquement, il s’agit d’une question, mais dans notre couple, ne vous y trompez pas, c’est une injonction !) Puis retour à la prière encore plus fervente : nous prions pour notre famille, avant d’être interrompus par Jill qui demande
si elle peut dire à l’artisan de venir accrocher des tableaux, puisque je suis débordé par d’autres projets. « Oui, bien sûr. » Et, à nouveau concentrés, nous prions pour nos petits-enfants.
Jill admet volontiers qu’elle souffre de troubles de l’attention. Récemment, je lui ai suggéré d’attendre que nous ayons fini de prier avant d’évoquer les menus travaux qu’elle envisage de me confier. À sa décharge, je viens de repeindre la maison et nous avons refait la cuisine, alors non seulement elle gère beaucoup de choses restées en suspens, mais j’ai aussi accumulé du retard dans ce que je dois faire, et c’est plus facile pour elle de me dire ce qui lui vient à l’esprit au fur et à mesure qu’elle y pense.
C’est mon moment de prière le plus désordonné de la journée, et c’est pourtant le plus puissant. En général, c’est Jill qui l’anime. Il m’a fallu une dizaine d’années pour comprendre que si je voulais prier avec elle, je ne pouvais pas lui imposer de se montrer organisée. Mais ce n’est pas tout : elle sait prier mieux que moi. Ce que j’entends par là, c’est que ses prières versent presque dans la complainte : elle parle à Dieu comme elle me parle quand j’ai promis de repeindre une pièce et que je n’arrête pas de remettre les travaux à plus tard. Elle est sensible à la montée du mal dans notre société et elle mène un combat passionné dans la prière. C’est une combattante. À plusieurs reprises, Jésus insiste : « tout ce que vous demanderez… » Son commandement répété nous donne la liberté de demander même des choses qui paraissent impossibles. Depuis qu’Ashley, notre fille chérie, a été emportée par un cancer, nous prions tout particulièrement pour ceux qui luttent contre cette maladie. Nous consacrons systématiquement dix à quinze minutes de prière à l’intention de nos vingt-cinq et quelques enfants, gendres, belles-filles et petits-enfants.
Ensuite, je prie avec notre fille Kim, qui souffre d’un handicap. Cela ne dure pas plus de cinq minutes, mais j’aime entendre sa « voix ». À l’aide des pictogrammes de son ordinateur, qui lui permettent de communiquer, elle rend grâce à Dieu pour une multitude de choses. Ce matin, elle a remercié Dieu pour le repas de
Thanksgiving que nous avons partagé il y a quatre jours. (La fête avec le reste de la famille ayant été annulée à cause de la pandémie, nous nous sommes contentés d’un petit restaurant semblable à celui où dînent Lady et Clochard dans La Belle et le Clochard. Kim était ravie.) D’habitude, elle glisse une prière pour Tully, notre très vilain golden retriever qui n’arrête pas de lui chiper ses affaires. Si je vais au travail à bicyclette, elle prie pour que je ne me fasse pas renverser. Si je sors skier de nuit, elle prie pour que je n’entre pas en collision avec un arbre. Elle prie pour sa grand-mère de quatrevingt-dix-sept ans qui vit à Londres. Je l’encourage généralement à choisir un neveu ou une nièce pour qui intercéder. Elle en choisit souvent un ou une qu’elle trouve trop bruyant ou turbulent. Pour elle, ses neveux et nièces sont comme le bon vin : ils gagnent à vieillir. Kim est adulte, mais à cause de son handicap, elle a des difficultés à gérer la colère. Pour autant, nous faisons de notre mieux afin de ne pas laisser son « diagnostic » la définir. Il lui arrive régulièrement de demander à Dieu de l’aider à contrôler son irascibilité. Depuis peu, nous prenons le temps de visualiser ensemble sa journée et prions pour les moments où elle pourrait être tentée de se mettre en colère. Cela l’aide. Et puis, comme souvent, je m’aperçois que j’ai moi-même du mal à contenir mon impatience, alors Kim et moi concluons en priant chacun pour les problèmes d’impétuosité de l’autre.
Ma troisième réunion de prière a lieu en milieu de matinée avec le ministère dont je suis responsable, seeJesus. Nous sommes une trentaine à nous retrouver sur Zoom pendant environ une heure. Nous passons la première moitié de la visioconférence à écouter des rapports, provenant du monde entier, sur notre séminaire et notre module de formation. La parole étant libre, certains font aussi part de difficultés personnelles et familiales.
Prier ensemble me donne l’impression de broder un canevas. Nous commençons par intercéder pour Félicia, qui, la veille de Thanksgiving, a perdu sa sœur, décédée du Covid. Nous évoquons la vie de Félicia et de sa sœur, reconnaissants pour les bonnes choses
que Dieu a faites et déplorant des moments pénibles. Nous prions ensuite pour le travail de Mafdi dans le monde arabe. Quelqu’un prie à nouveau pour Félicia, puis nous prions pour la formation en ligne en langue arabe de Mafdi, sur la personne de Jésus. Nous intercédons pour Miguel, notre formateur hispanophone au Chili, qui a été malade. Il ne reste que cinq minutes et le rythme s’accélère légèrement, un peu comme pour la fin d’un match. Ne voulant rien oublier, nous laissons de côté le style conversationnel de la réunion pour prononcer à la hâte de brèves prières et couvrir les sujets que nous n’avons pas encore abordés. Je clos la session en invoquant l’Esprit de Jésus : qu’il nous accompagne dans notre travail, nous façonne et nous guide.
Notre temps de prière est le point culminant de la journée. Je le sais parce que presque personne ne manque à l’appel et que les participants arrivent avant l’heure. Il y flotte une atmosphère de résurrection. Nous prions avec audace et avec confiance, non seulement parce que c’est ainsi que prient ceux qui croient en la résurrection, mais parce que nous avons vu Dieu à l’œuvre de tant de manières étonnantes ! La prière alimente la prière.
Cette atmosphère d’espérance et de résurrection qui se dégage de chacune de ces trois réunions de prière ne va pas de soi. Il a fallu du temps pour la cultiver. En présence de Jill, je suis aux petits soins et j’essaie de comprendre son univers. En compagnie de Kim, je suggère quelques idées. Pas plus de cinq : au-delà, elle s’impatiente parce que Bob l’éponge passe à la télé ! Avec seeJesus, je m’efforce d’avoir de la considération pour chacun des participants et de tenir compte de leur histoire personnelle. Par exemple, j’avais parlé en privé avec Félicia avant la visioconférence pour qu’elle m’en dise davantage sur sa sœur. Pendant le temps où chacun pouvait prendre la parole, je lui ai donc posé quelques questions pour sonder la profondeur des souffrances que sa famille a traversées, mais aussi pour mettre en lumière les voies surprenantes de Dieu qui a œuvré à travers Félicia dans la vie de sa sœur. Porter notre attention sur la résurrection nous empêche de nous laisser gagner par la tristesse.
Ces trois réunions de prière sont tout à fait ordinaires. Jill emploie avec Dieu le même langage qu’elle emploie avec moi quand j’ai oublié de sortir les poubelles. Je fais cette précision parce que nous avons tendance à nous imaginer que la prière serait en quelque sorte une vie plus élevée, alors que c’est en fait la vie réelle. Il est frappant de voir que chacun de ces trois temps de prière est différent des autres, selon les sujets abordés et les participants, mais je pourrais en dire autant de toutes nos conversations. Nous adaptons nos échanges en fonction de nos interlocuteurs.
Pourquoi prier ensemble ?
Vous conviendrez probablement de l’importance de la prière, mais soyons réalistes : peu d’entre nous ont le luxe d’y consacrer une heure et demie tous les matins. Le train de l’existence est trop effréné.
En fait, c’est justement parce que tout va trop vite que je prends le temps de prier avec d’autres croyants. Plus le temps s’emballe, plus j’accélère instinctivement mon propre rythme pour finir par vivre, moi aussi, à vive allure. Et c’est la crise, le chaos autour de moi et aussi dans mon âme. J’ai du mal à concevoir comment je pourrais être chef de famille ou d’une communauté sans la prière collective. J’observe ces temps de prière du matin non pas par discipline, mais parce que j’ai pris la mesure du désespoir dans lequel nous nous trouvons. Je persévère dans la prière commune parce que les communautés de Jésus dont je fais partie sont constamment dans le besoin. Je n’ai aucun intérêt à entreprendre quoi que ce soit qui n’ait pas fait l’objet d’une prière au préalable. Ce pour quoi je prie dure, ce pour quoi je ne prie pas ne dure pas. Mais ce n’est pas tout : une communauté de Jésus se caractérise par l’émerveillement, et la prière en est le catalyseur. J’ai vu ce qui se passe dès lors que l’Esprit de Jésus habite une assemblée : tout se met à briller.
Prier à plusieurs n’est pas un luxe, ni quelque chose de réservé aux chrétiens « spirituels ». C’est le souffle même de l’Église. Pour
la plupart d’entre nous, nous n’avons pas la moindre idée de ce que cela signifie. J’espère vraiment montrer dans cet ouvrage à quel point la prière fait partie intégrante d’une communauté de Jésus. Par l’intermédiaire de mon livre et de mon séminaire intitulés
Une Vie en prière, Dieu a aidé de nombreuses personnes à prier individuellement. Mais sans une communauté de soutien et de prière, il est facile de perdre espoir, de s’épuiser dans le travail qu’est la prière. À moins que des Églises entières n’apprennent à prier collectivement, l’oraison individuelle peut s’essouffler. Et cela n’est pas seulement vrai dans les réunions de prière officielles, mais aussi au sein de nos familles et de nos petits groupes, et même au hasard d’une conversation téléphonique. Vous l’aurez compris, au cœur de ce livre brûle une passion : encourager les communautés qui prient.
Créer des communautés en prière
Je vous propose un aperçu des thèmes abordés au fil des pages :
• Dans la première partie, nous répondrons à la question : pourquoi prier à plusieurs ? À partir de l’évangile de Luc et des Actes des apôtres, nous verrons pourquoi la prière est essentielle à la vie de l’Église. J’espère parvenir à stimuler votre imagination, jusqu’à vous donner une nouvelle vision de ce que produit la prière quand elle embrase l’Esprit de Jésus au sein de son Église.
• Dans la deuxième partie, nous examinerons ce qu’est l’Église. Cet ouvrage ne traite pas exclusivement de la prière communautaire, mais du fonctionnement d’une communauté de Jésus. En citant l’épître aux Éphésiens, nous verrons qui dirige l’Église (l’Esprit de Jésus), et de quoi au juste l’Église est composée (les saints), cela nous aidera à comprendre pourquoi la prière est fondamentale dans la façon dont nous sommes l’Église. Si je parviens à vous émerveiller, à vous ouvrir à une vision nouvelle et plus riche de l’Église, votre cœur s’ouvrira pour laisser place à un profond changement.
• Dans la troisième partie, nous explorerons la relation qui existe entre l’Esprit de Jésus et une communauté en prière. Nous prendrons un temps pour observer quel but l’Église poursuit et comment elle y parvient. Si l’on perd de vue son processus et son dessein, la prière se transforme alors en une sorte de remède thérapeutique ou en un jeu de pouvoir.
• La quatrième partie portera sur la façon de prier en communauté, sur qui sont les multiples sous-communautés qui composent une famille, une mission ou une Église et comment y cultiver une vie de prière.
• Dans la cinquième partie, pour terminer, nous verrons comment intégrer la prière dans les sous-communautés de l’Église locale.
J’ai commencé ce chapitre en décrivant trois réunions de prière matinales pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble une communauté en prière. J’ai ensuite brièvement évoqué la façon dont j’anime ces réunions de prière. Enfin, j’ai pris le temps de partager mon cœur et de vous expliquer pourquoi il est si vital de prier à plusieurs. Une fois que vous aurez compris pourquoi nous prions (première partie), ce qu’est l’Église (deuxième partie) et comment l’Esprit opère (troisième partie), alors la manière dont nous prions (quatrième et cinquième parties) prendra forme sous un jour nouveau. Quelle que soit la situation, une chose est sûre, vous devez à tout prix vous lancer dans la prière commune, ne serait-ce qu’en binôme, avec un ami qui vous est cher. L’assimilation de certaines choses nécessite qu’on en fasse l’expérience. Par exemple, vous aurez beau étudier l’amour aussi longtemps qu’il vous plaira, tant que vous n’aurez pas résisté aux épreuves et persévéré dans l’amour, vous n’en aurez pas une réelle compréhension.
Quand je parle d’une « Église en prière », j’entends par là l’Église locale, mais aussi les multiples niveaux de relation que nous entretenons entre croyants. Je puise certains de mes exemples de communautés de prière dans la mission que je dirige, seeJesus, mais les
principes de la prière communautaire sont les mêmes pour toute communauté de Jésus, qu’il s’agisse d’une Église locale, d’une famille ou d’un groupe d’amis.
L’objectif de ce livre
Ce livre s’adresse à toute l’Église, parce que c’est l’Église dans son ensemble qui prie. Quand Luc nous rapporte un sermon dans le livre des Actes, il nous met en présence d’un prédicateur : « Alors Pierre, debout avec les onze, éleva la voix et s’exprima en ces termes » (Actes 2:14). En revanche, quand l’apôtre décrit une réunion de prière, il met l’accent sur l’Église dans sa globalité : « Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, avec Marie, mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes 1:14). Ce livre s’adresse à tous. Car il peut tous nous arriver, au détour d’une conversation de demander à un ami, « Pourrions-nous prendre un moment pour prier à ce sujet ? »
C’est ce que font cinq étudiants de l’université Williams College en 1806, alors qu’ils s’abritent sous une meule de foin pour échapper à l’orage : ils se mettent à prier pour les missions internationales. Ils sont tous les cinq relativement riches, très actifs et et en butte à une société où l’amour du plus grand nombre envers les choses de Dieu se refroidit inexorablement. Le sécularisme des Lumières a laissé des traces, les bancs de l’Église américaine n’ont jamais été aussi vides. Pourtant, la réunion de prière de la meule de foin déclenchera une vague d’intercession qui conduira à la plus grande période de croissance que l’Église ait jamais connue. Dans les cent ans qui suivront, les personnes de confession chrétienne passeront de dix pour cent de la population mondiale à trente pour cent1. Et tout cela commence avec cinq étudiants unis dans la prière.
1 Kenneth Scott Latourette, A History of the Expansion of Christianity, vol. 7, Advance through Storm : A.D. 1914 and After, with Concluding Generalizations (New York : Harper and Row, 1971), p. 445-462.
Pendant une vingtaine d’années, j’ai pu observer de près l’évolution de deux Églises engagées dans la prière alors que j’étais moimême impliqué en tant que diacre, puis ancien (Mechanicsville Chapel et New Life Church, au nord de Philadelphie). Mais ce qui est au cœur de ce livre est principalement l’expérience que j’ai acquise en établissant des communautés de prière au sein de ma famille et de mon ministère, seeJesus. Je suis intervenu dans plus de deux cents Églises pour les aider à devenir des communautés fondées sur la prière. J’ai encouragé des centaines de pasteurs, que ce soit dans des rassemblements, en entretien, ou simplement dans le cadre de relations amicales. Je sais que tout changement culturel demande du temps, mais, comme beaucoup d’entre vous, je sais aussi que la puissance de l’Esprit de Jésus peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons !
Désormais quand j’écris, je ne parle plus que de ce qui fait partie de ma vie. Je ne suis pas un gourou spirituel, je forme des disciples. Déjà quand j’étais jeune, je remarquais que les chrétiens tâtonnaient : ils passaient d’un livre à l’autre en essayant d’être au courant de la dernière idée en vogue. Dans un monde saturé de valeurs chrétiennes, on s’en sort peut-être en tâtonnant ainsi, mais dans un monde post chrétien et de plus en plus anti-chrétien, il nous faut être des disciples et être transformé à l’image de Jésus. Cette transformation n’est possible qu’à condition de rester concentré sur un aspect de Jésus jusqu’à commencer à lui ressembler. Mon désir est d’aider l’Église à ressembler à Jésus, à avoir un cœur semblable au sien, à marcher à son rythme, en somme à mener sa vie de prière. Car aujourd’hui, c’est nous qui sommes son corps, ce corps qui prie.
Un jour, une Église a organisé une rencontre d’artistes : un musicien, un peintre et un écrivain, et invité chacun à présenter son travail. L’écrivain, c’était moi. Quand mon tour est venu, j’ai expliqué que j’étais plus un artisan qu’un artiste, un peu comme les architectes qui, dans l’anonymat, concevaient les lignes verticales des cathédrales gothiques. Ils n’essayaient pas de faire de l’art ...