Je ne veux pas que vous ignoriez
ce mystère
©2025, Emeth Éditions
CLC - BP 9 - F-26216 Montélimar Cedex
ISBN : 979-10-97546-38-0 (papier) / 979-10-97546-39-7 (epub)
Les versets bibliques sont tirés de la Bible Louis Segond NEG 1979.
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Revu et adapté par Aurélie Lalire
Couverture : Jennyfer Val
Dépôt légal : février 2025
Impression n°xxxxxxxxx (janvier 2025) • IMEAF • France www.imeaf.com
Mots clefs : Eschatologie, fin des temps, Israël, juif, prophétie, sionisme
JEAN-MARC THOBOIS
Je ne veux pas que vous ignoriez ce mystère
À la mémoire de mon grand-père, Jules Delhaye, qui sut me communiquer très jeune, l’amour d’Israël.
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Table des matières
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20.
21. Du Sinaï au Sinaï (1956-1967).........................................125
22.
23. De la guerre des Six Jours à la guerre du Kippour
24. La guerre du Kippour
25.
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27.
28.
30.
32.
33. Pourim 5761… (1991…)
34. Où en sommes-nous à l’horloge prophétique
35.
36.
37.
Avant-propos
« Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère. »
(Romains 11.25)
C’esten ces termes que l’apôtre Paul s’est adressé aux chrétiens de Rome au sujet d’Israël : un peuple mystérieux, une question gênante, voire irritante.
Un jour, le roi Frédéric II, lassé des sermons de son médecin, l’interrompit brutalement en ces termes : « En deux mots, donnemoi une preuve de l’existence de Dieu ! » Et ce dernier de répondre : « Sire, les Juifs ! »
Quel peuple, en effet, peut se réclamer d’une histoire aussi prodigieuse, plongeant ses racines dans la nuit des temps ? Israël fut contemporain des plus anciennes civilisations humaines aujourd’hui recouvertes par la poussière de l’histoire, haï et persécuté comme aucun autre peuple ne l’a été ; ayant vécu pendant près de 2 000 ans dans la situation paradoxale d’un peuple sans terre et qui, néanmoins, a toujours su résister à toutes les tentatives d’assimilation, il a resurgi à l’aube de notre temps sur le site même de son ancienne grandeur, provoquant une onde de choc qui a secoué et secoue encore le monde ! Quel mystère conduit le destin de ce peuple ? Le hasard aveugle ? Ne serait-ce qu’à ce niveau, le « mystère d’Israël » mérite qu’on s’y arrête.
Pourtant, il existe à ce mystère une autre dimension : Israël est un peuple auquel la Bible se réfère constamment comme étant le dépositaire et le véhicule de la révélation de Dieu au
Je ne veux pas que vous ignoriez ce mystère
monde. Écoutons à ce sujet le témoignage de l’apôtre Paul dans Romains 9.4-5 : « Les Israélites à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la Torah, le culte, les promesses, les patriarches, eux enfin, de qui le Messie est issu selon la chair… »
Non seulement le destin d’Israël est mystérieusement prodigieux, mais ce destin était annoncé dans la Bible au travers du miracle de l’inspiration prophétique. À ce titre, le destin d’Israël est lié à l’action de Dieu dans l’histoire humaine, au mystère de l’incarnation de la Parole de Dieu dans le monde, selon le témoignage de Jésus lui-même. C’est le grand signe prophétique qui permet au croyant de se situer par rapport à l’accomplissement des ultimes visées du Tout-Puissant pour le monde.
L’histoire biblique et prophétique d’Israël apparaît donc comme une histoire sainte, c’est-à-dire une histoire que Dieu conduit et dirige. C’est ce qu’admet dans son ensemble le monde chrétien, au moins jusqu’à la manifestation de Jésus. Le problème se situe après.
« Le Messie est la fin (télos en grec) de la Torah » affirme Paul. C’est pourquoi le Nouveau Testament se présente comme l’accomplissement de l’attente et de l’espérance d’Israël, l’aboutissement de son histoire prophétique. Dès lors apparaît un problème : comment se fait-il qu’Israël dans son ensemble n’ait pas accepté le message chrétien au moment où le recevait un grand nombre de païens, auxquels il n’était, dans un premier temps, pas destiné ?
Tel est bien le paradoxe apparent qui a conduit à la rupture entre l’Église et Israël et à tant d’incompréhensions, de déchirements et de souffrances, malgré l’enseignement très clair donné à ce sujet par Paul dans l’épître aux Romains (chapitres 9, 10, 11). De ce paradoxe est né d’abord l’anti-judaïsme, puis l’antisémitisme chrétien.
La théologie chrétienne classique déclarait, malgré l’enseignement contraire de Paul (Romains 11), qu’Israël ayant rejeté le témoignage chrétien, se trouvait rejeté par Dieu et que, dès l’instant
de ce rejet, son histoire cessait d’être une histoire sainte. L’action de Dieu ne se poursuivait plus qu’au travers de l’Église, « nouvel Israël selon l’Esprit ». La destruction de Jérusalem en 70 par les Romains fut considérée comme une preuve de cette assertion, ainsi le « peuple de Dieu » se trouvait être l’Église et non plus Israël.
Pourtant dans la société médiévale homogène, le peuple juif gardait son identité et refusait de se convertir, donc de s’assimiler. Cette persistance providentielle, dont le médecin de Frédéric II se faisait l’écho, fut expliquée dans la théologie du Moyen Âge au travers du mythe du « Juif errant » : Le peuple d’Israël était condamné à subsister en tant que tel, mais comme peuple éternellement humilié pour prouver la « vérité » du christianisme jusqu’à la fin des temps où il entrerait alors dans cette Église par la conversion. C’est ce que l’historien juif Jules Isaac a appelé « l’enseignement du mépris ».
Profondément ancré dans les consciences chrétiennes, cet enseignement du mépris nie que la souveraineté de Dieu puisse donc se poursuivre dans l’histoire moderne d’Israël. Il nie d’ailleurs la continuité historique entre le peuple de la Bible et l’Israël d’aujourd’hui, d’où le désarroi de nombreux chrétiens face à la résurrection de l’Israël moderne.
Confrontée au drame palestinien, la conscience chrétienne s’interroge : un « peuple dominateur » (pour reprendre l’expression du Général de Gaulle) peut-il être assimilé au peuple de la Bible ? Comment un État créé par des laïcs peut-il avoir une signification spirituelle et prophétique ?
D’un autre côté, croire au Dieu de la Bible, c’est affirmer que rien n’arrive dans ce bas monde sans que Dieu ne l’ait permis.
Quelle est donc la pensée de Dieu pour l’Israël d’aujourd’hui ? Mystère pour beaucoup, dramatique mystère, ignorance d’autant plus regrettable que la tragique rupture entre l’Église et Israël a conduit le peuple chrétien à se couper de ses racines malgré les mises en garde très fermes de Paul à ce sujet (Romains 11.16-25).
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Or, la branche coupée de ses racines ne peut que se dessécher et mourir. Le christianisme n’est-il pas en crise, entre autres, pour cette raison même ?
« Vous avez occidentalisé le Messie » affirme aux chrétiens, du fin fond de son kibboutz du Néguev, un rabbin américain qui, au travers des sources juives, a redécouvert que Jésus était bien le Messie. Telle est bien la nature de la tragédie du monde chrétien ! Tragédie de l’ignorance et du désintérêt pour « les racines qui nous portent ». « Je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance. » Or, combien est grande cette ignorance aujourd’hui dans le monde chrétien ! Combien de suspicion, de méfiance et d’a priori !
Pourquoi faut-il donc s’intéresser à Israël aujourd’hui ? N’avonsnous pas des sujets plus importants et plus urgents sur lesquels nous pencher ? La question juive n’intéresse pas tout le monde chrétien, c’est dommage et c’est tragique. Jésus est Juif, peut-on se désintéresser du peuple qui est le sien et auquel il s’est intéressé ? « Je ne veux pas que vous soyez dans l’ignorance ! »
Malgré les apparences, la question d’Israël est essentielle à notre époque. L’homme inspiré parlant de Jérusalem ne déclare-t-il pas : « Ceux qui dansent et ceux qui chantent s’écrient : toutes mes sources sont en toi ! » (Psaume 87.7). N’est-il pas temps de retourner boire aux sources ?
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Origines
« L’Éternel dit à Abram : Va-t’en de ton pays, de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai… Abram partit, comme l’Éternel le lui avait dit… »
C’estlà que tout commence. À sept reprises, Dieu promet à Abram de lui donner le pays de Canaan, qui devient alors la « terre promise » (cf. Hébreux 11.9. Abraham reçoit la promesse du pays comme conséquence de sa foi et de son obéissance. Le chiffre 7 n’est pas un hasard : il indique le caractère irrévocable des promesses de Dieu.
La succession des patriarches établit un lien indissoluble entre le peuple d’Israël et sa terre, il affirme son droit inaliénable de posséder cette terre à jamais.
Les patriarches en prennent symboliquement possession en trois pèlerinages, conduisant successivement Abraham à Sichem, à Béthel puis à Hébron.
Dans chacun de ces endroits, Abraham construit un autel, qui consacre ainsi le pays au Seigneur, bien que « les Cananéens habitaient alors dans le pays » (Genèse 12.6 ; 13.7). Au chapitre 13, Abraham renonce à une partie du pays, à savoir la Transjordanie, au bénéfice de son neveu Lot, par amour pour la paix. Dès lors, cette partie du pays se trouve exclue de la terre promise. Le pa-
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triarche affirme aussi ses droits sur le pays par la conquête militaire lors de l’expédition de secours qu’il organise pour libérer son neveu Lot, tombé aux mains des quatre rois du nord qui ont envahi le pays de Canaan, et il les poursuit jusqu’à Dan, frontière nord du pays. Puis il s’établit à Beer Sheva qui en est la frontière sud, non sans avoir au préalable payé la dîme au roi-prêtre de Jérusalem, Melchisédek. La prise de cette ville par David marquera, on le sait, la fin de la conquête tandis que la construction du Temple par Salomon souligne la continuité et la légitimité du sanctuaire à l’emplacement duquel le père de la nation a lui-même adoré Dieu. Jérusalem où se dresse le mont Moria est donc l’endroit où « Dieu est vu, se révèle et pourvoit » (Genèse 22.14).
Enfin, le droit d’Abraham sur le pays est souligné par le fait qu’il achète à prix d’argent la caverne de Macpela et le champ qui l’entoure, comme propriété sépulcrale.
Le même schéma se retrouve chez Jacob dont la pérégrination annonce prophétiquement le sort de ses descendants. Après s’être exilé chez Laban, il « reconquiert » symboliquement le pays. Sa première étape est Sichem (Genèse 33.18) comme cela avait déjà été le cas d’Abraham. À l’exemple de son grand-père, il dresse un autel, puis de là descend à Béthel (Genèse 35.14-15) et enfin à Hébron (Genèse 35.27). Puis à la veille d’aller s’établir en Égypte, il invoque Dieu à Beer Sheva (Genèse 46.1-5).
Si nous nous reportons au livre de Josué, nous y trouvons le même schéma :
La ville de Sichem, si on se réfère à Josué 9, semble être passée sous le contrôle israélite par un jeu d’alliances. En tout cas, c’est sur le mont Ébal qui surplombe Sichem (Josué 8.30) que Josué construit un autel.
Si on omet Jéricho, première ville à tomber entre les mains d’Israël, Aï et Béthel la suivent immédiatement, puis c’est Hébron (Josué 10.23 ; 11.21).
Ainsi, Josué s’empare militairement des lieux que les patriarches ont conquis spirituellement par leur foi, ce qui est une manière biblique d’affirmer la légitimité de la conquête du pays par Israël et l’affirmation de son titre de propriété sur cette terre : « Je te donnerai, et à tes descendants après toi, le pays que tu habites comme étranger, tout le pays de Canaan, en possession perpétuelle », dit Dieu à Abraham (Genèse 17.8).
Hélas, ce don de Dieu n’a cessé d’être contesté par les nations. Il suffit de regarder une carte pour se rendre compte de la position stratégique exceptionnelle du pays d’Israël, passage obligé entre les continents, pont entre l’Afrique et le continent eurasiatique, carrefour de communications, d’échanges commerciaux et d’expéditions militaires.
En outre, c’est aussi un pont terrestre entre les mers : la Méditerranée d’un côté et l’océan Indien de l’autre.
Dans l’Antiquité, la terre d’Israël relient les deux grands empires des deux seules vallées fertiles du Moyen-Orient : la Mésopotamie et l’Égypte. Sur le sol d’Israël transitent les deux grandes routes internationales qui relient ces empires : la « route de la mer », ainsi nommée car elle longe la côte nord du Sinaï puis la côte d’Israël, et la « route du roi » qui suit les crêtes de Transjordanie.
Malheureusement, le territoire d’Israël est désespérément exigu et à toutes les époques, de l’Antiquité à nos jours, il est entouré de voisins plus puissants qui, pour des raisons commerciales et militaires, cherchent à dominer ce carrefour stratégique vital. Toutes les grandes puissances, des origines à nos jours, ont cherché à prendre le contrôle de ce petit pays. C’est là qu’il faut chercher une des racines essentielles du problème du Moyen-Orient moderne. Le contrôle du carrefour stratégique que représente la terre d’Israël est un des enjeux de la « guerre froide » et des rivalités inter-arabes, par Israéliens et Palestiniens interposés, car pour reprendre une expression de Kipling, « la Palestine est la boucle de la ceinture qui enserre le monde ».
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Il faut aussi souligner l’opposition qui existe dans le pays d’Israël entre la plaine et la montagne. C’est dans la plaine que passent les grandes routes internationales : c’est donc la possession de ces dernières qui intéresse les grands empires. La montagne, en revanche, constitue une véritable forteresse naturelle. Militairement, il est difficile encore aujourd’hui d’accéder à cette région montagneuse. Toutefois, qui tient la montagne finit par tenir le pays tout entier, car depuis la montagne il est facile de contrôler la plaine, en revanche, la conquête de la montagne depuis la plaine est militairement très hasardeuse.
Il est une autre leçon à tirer de l’histoire d’Israël : c’est qu’en raison des dangers permanents que comporte la situation politique du pays, pour y subsister, la force militaire ne suffit pas ! Il faut être profondément motivé spirituellement. En fait, il n’y a eu au cours de l’histoire dans ce pays que deux États indépendants : les États juifs et le royaume des Croisés. Les Juifs face à un monde polythéiste avaient, grâce à leur foi et à la Bible, une force incalculable. Les Croisés, malgré toutes les réserves qu’on peut faire quant à leur entreprise, étaient au début profondément motivés religieusement et ce fut leur force. Quand ces motivations premières furent remplacées par l’appât du gain et l’attrait des « grandes seigneuries », ils furent balayés comme l’avaient été les deux royaumes juifs quand ils avaient décliné spirituellement. Sans une motivation spirituelle puissante, on ne peut mener dans le pays d’existence indépendante, car c’est un pays « qui dévore ses habitants ».
Beaucoup d’États musulmans sont devenus indépendants au cours de ce siècle, la Palestine musulmane jamais, car les musulmans n’ont jamais eu de motivation suffisamment forte pour s’intéresser à ce pays. Pour tenir dans le pays qui dévore ses habitants, il faut être sain intérieurement sinon la force des armes ne sert à rien.
Tel était le sens des avertissements prophétiques qui annonçaient à Israël que s’il se détournait de Dieu, il perdrait sa force et serait balayé comme les autres nations qui l’avaient précédé. Carrefour des échanges et champ de bataille, Israël est aussi un carrefour où
s’échangent les idées : d’où les dangers d’idolâtrie qui guettent sans cesse Israël. Mais c’est aussi grâce à cette situation unique que « de Sion sortira la Torah et de Jérusalem la parole de l’Éternel » (Ésaïe 2.3b) pour se répandre dans le monde entier.
Ainsi, Dieu a utilisé la situation unique de ce pays pour y accomplir ses desseins et son plan ; c’est aussi cette situation qui explique les crises présentes et futures dont nous parlent les prophètes, et qui fait de Jérusalem « une pierre pesante pour tous les peuples » (Zacharie 12.3a).
2
Les cycles prophétiques
Notre siècle a été témoin d’un événement proprement incroyable : les Juifs ont recréé une nation sur la terre de leurs ancêtres. Lorsque le 7 juin 1967, franchissant la « porte des lions », les parachutistes israéliens qui avaient été attaqués par les Jordaniens pénétrèrent dans la Vieille ville de Jérusalem et débouchèrent sur le « mur occidental », nombreux furent les croyants à voir dans cet événement l’accomplissement de la parole de Jésus en Luc 21.24 : «Ils tomberont sous le tranchant de l’épée, ils seront emmenés captifs parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations, jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis. »
Néanmoins, ces événements firent place à un profond malaise : la conquête de « territoires arabes », l’occupation militaire qui s’ensuivit, conduisirent certains à se demander ce qu’il fallait penser de l’Israël contemporain. Certains affirment même que les prophéties du retour chez les prophètes peuvent être considérées comme accomplies lors du retour de l’exil de Babylone en 538 avant Jésus-Christ.
On pourrait montrer que pour beaucoup d’entre elles il n’en est rien, leur perspective dépassant de loin le modeste retour de 538 ! Néanmoins, on pourrait mettre en doute à force d’arguties la portée actuelle des prophéties de l’Ancien Testament par rapport à ce que nous vivons. C’est bien entendu totalement impossible en
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ce qui concerne le Nouveau Testament. Or, Jésus en Luc 21.21 a clairement annoncé la dispersion de Jérusalem et son rassemblement avant son retour. Jésus, à l’instar des prophètes, notamment de Jérémie, a prophétisé la destruction et la restauration de Jérusalem. Il se situait en cela dans la lignée et la pensée prophétique d’Israël tout au long de l’histoire, dans ce qu’on pourrait appeler les « cycles prophétiques ». Il s’agit là d’un processus qui se répète à différentes époques et qui comprend l’alternance : péché–endurcissement du cœur–jugement–exil–grâce–rassemblement–retour–rédemption.
L’existence de ce cycle apparaît la première fois en Genèse 15 lors de l’alliance de Dieu avec Abraham entre les animaux partagés. Ainsi au verset 13, le Seigneur déclare : « Sache que tes descendants seront captifs pendant 400 ans dans un pays qui ne sera pas le leur (dispersion-oppression) ; ils y seront esclaves, et on les maltraitera pendant 400 ans. Mais la nation qui vous opprime, JE LA JUGE, (en hébreu, il s’agit d’un présent absolu qui annonce la permanence de l’action dans le dessein de Dieu) et ils sortiront ensuite avec de grands biens… À la quatrième génération, ils reviendront ici (rassemblement). »
Nous retrouvons le même cycle en Lévitique 26.33 :
« Je vous disperserai parmi les nations et je tirerai l’épée après vous. Votre pays sera dévasté, et vos villes seront désertes. » « Ils se renverseront les uns sur les autres comme devant l’épée, sans qu’on les poursuive » (verset 37a), puis vient la promesse de la rédemption et du rassemblement, aux versets 40-46. Il s’agit là du schéma général qui s’applique à Israël à toutes les époques de son histoire. Le maintien du peuple dans le pays de la promesse est conditionnel. Il dépend de l’observance de la Torah, qui seule donne la force spirituelle de rester debout dans ce pays qui « dévore ses habitants ». Mais d’un autre côté, il s’agit d’une promesse inconditionnelle à cause de la foi des patriarches, ce qui conduit le Seigneur à faire grâce après un temps de jugement, en rassemblant les exilés sur la terre des pères.
Les prophètes appliqueront à leur temps ce schéma général. C’est le cas notamment de Jérémie en relation avec l’exil de Babylone.
Enfin, Jésus lui-même applique le cycle péché-exil-retour au deuxième Temple qui succombera sous les coups de Rome quelques années plus tard, et aux habitants de Jérusalem qui doivent être exilés (Jérusalem étant ici l’image du pays d’Israël tout entier) jusqu’à la fin du temps des nations païennes, jusqu’à ce que ce temps soit « rempli » ou « à son comble », pour une traduction plus littérale du texte hébreu.
Jésus ici fait référence à Genèse 15.16 « car l’iniquité des Amoréens n’est pas encore arrivée À SON COMBLE ». Or, Jésus en Luc 21.22 laisse entendre qu’il existe une plénitude des temps pour l’accomplissement de tout ce qui est écrit. Il y a donc un terme fixé pour la domination des nations sur Jérusalem, et que Dieu seul connaît. Parallèlement à cette « plénitude des temps », il y a donc une plénitude du péché des païens (leur comble) qui rendra inévitable le jugement de Dieu sur eux, comme était devenu inévitable le jugement de Dieu sur les peuples contemporains de Josué ou sur les habitants de Sodome.
À l’époque de Jésus, on croyait que le royaume messianique viendrait quand l’état du monde se serait dégradé de façon irrémédiable. Nous retrouvons cette idée chez Paul (2 Timothée 3.1-9).
La prophétie de Jésus sur la fin du temps des nations était manifestement connue de Paul, qui l’a reprise en Romains 11 en développant le thème de la « chute » et du « relèvement » d’Israël ; cependant il ne l’envisage plus dans le contexte national mais dans le contexte spirituel.
En Romains 11.12, il évoque la « chute » des Juifs, cause de la « richesse » des païens. Au verset 15, il conclut à « leur mise à l’écart » puis à leur « réintégration ». Au verset 25, il évoque le terme de cette chute qui coïncide avec la « plénitude » des nonJuifs, non plus comme la plénitude du péché de ces derniers mais comme la totalité du nombre des élus qui doivent être greffés sur l’olivier d’Israël. Mais le schéma reste le même qu’en Luc 21.24.
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C’est ici que nous rencontrons la notion de l’élection des païens. Le temps des païens, ou des nations, apparaît alors comme le temps de grâce donné aux rebelles jusqu’au rétablissement national et spirituel d’Israël. Les discours apocalyptiques de Jésus en Matthieu 24 et Marc 13 ne soulignent pas de manière aussi nette que Luc 21 ce cycle prophétique, mais le temps qui suit la destruction de Jérusalem est évoqué comme un temps où les disciples de Jésus auront l’occasion de rendre témoignage aux Juifs et aux nonJuifs de façon que, des quatre extrémités de la terre, Dieu puisse appeler au salut des « élus » d’entre les Juifs et les païens.
En Actes 1.6-8, Jésus ne dit pas autre chose à ses disciples qui lui demandent quand aura lieu la rédemption d’Israël. Jésus ne nie pas que cette rédemption nationale aura lieu, il précise seulement que Dieu est le seul à en connaître l’époque, et qu’en attendant, ses disciples recevront une force spéciale du Saint-Esprit qui fera d’eux des témoins jusqu’aux extrémités de la terre.
En Marc 13.27 et Matthieu 24.31, Jésus précise que le « rétablissement du royaume d’Israël », qui sera marqué par le rassemblement des Juifs à Jérusalem, sera contemporain d’un autre rassemblement : celui des élus qui, eux, le seront dans la Jérusalem céleste. C’est pourquoi il faut que l’Évangile soit d’abord prêché aux quatre extrémités de la terre afin que les élus soient réunis dans le royaume des cieux, parallèlement aux Juifs qui eux, dans le même temps, seront ramenés des quatre extrémités de la terre dans le pays de leurs pères.
Un ouvrage chrétien du iie siècle se fait l’écho de cette espérance, il s’agit de la Didachè (enseignement des douze apôtres). Lors de la Cène, à l’action de grâce pour le pain et le vin, on y lit les paroles suivantes : « De même que ces épis autrefois dispersés sur les collines et que les grappes jadis éparses sur les montagnes sont maintenant rassemblés sur cette table dans ce pain et dans ce vin, qu’ainsi, Seigneur, des quatre extrémités de la terre toute ton Église soit bientôt rassemblée dans ton royaume. »
Il est donc très net, d’après les textes du Nouveau Testament, qu’au travers même de l’exil et de la « chute » spirituelle d’Israël, qui est son refus du Messie, les promesses faites aux patriarches doivent encore trouver leur accomplissement en la personne de leurs descendants « selon la chair » (Romains 11.28), et que par conséquent l’histoire sainte, en ce qui concerne Israël, ne cesse pas avec Jésus, mais se poursuit dans le destin parallèle de deux peuples : l’Église et Israël, appelés à se disperser sur toute la terre pour être rassemblés par Dieu à la fin des temps, à la veille de l’avènement du royaume messianique. Car le cycle dispersion-oppression-rassemblement-rédemption s’applique aussi à l’Église. Celleci en effet, à l’instar d’Israël, est en butte à la persécution d’un monde hostile à Dieu avant d’être rassemblée pour la rédemption finale (1 Corinthiens 15), qui coïncide avec la plus profonde des espérances d’Israël : la résurrection des morts. C’est la récompense suprême des « témoins-martyrs », à l’instar du martyr par excellence qu’a été Jésus, lequel a aussi connu ce cycle : exil (par l’incarnation dans ce monde qui l’amène à quitter sa gloire céleste) -rejet-mortrésurrection-rédemption.
On peut dès lors s’étonner que le destin parallèle de ces deux peuples au travers desquels se déroule l’histoire sainte n’ait pas été mieux perçu et qu’il ait conduit l’Église à prendre le parti du « monde » contre l’autre peuple de Dieu. Il faut aussi chercher là le motif pour lequel le monde chrétien moderne a tant de mal à discerner le doigt de Dieu et les prémices de la rédemption ultime dans le rassemblement actuel d’Israël dans son pays. À cause de cette attitude de l’Église, les chrétiens d’aujourd’hui ne perçoivent pas facilement la continuité d’une histoire sainte qui se poursuit au travers des vicissitudes d’un peuple encore imparfait, autant que l’était Israël à l’époque biblique, et confronté aujourd’hui à des défis et des problèmes qu’il tente de résoudre avec plus ou moins de bonheur. Mais Jésus lui-même ne déclare-t-il pas que le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards ?
Que se passe-t-il en Israël et au Moyen-Orient ? Nombreux sont ceux, même parmi les chrétiens, qui s’interrogent :
L’État d’Israël moderne est-il bien l’accomplissement des prophéties bibliques ? Est-il encore le peuple de Dieu ? Quelle attitude adopter face au sionisme ? À l’antisionisme ?
L’auteur passe en revue l’histoire d’Israël, des origines à nos jours, à la lumière des prophéties de la Bible, afin d’offrir des points de repère aux chrétiens non-juifs désireux de comprendre le « mystère d’Israël », si cher à l’apôtre Paul.
Ce livre est une invitation à comprendre ce mystère devenu insoluble, à cause de la désinformation des médias, qui ignorent souvent tout de la complexité géopolitique.
En s’appuyant sur les traditions juive et rabbinique, JeanMarc Thobois, avec brio comme à son habitude, analyse la question d’Israël à l’aune des Écritures hébraïques, animé d’un amour sans pareil pour le peuple juif.
Descendant d’une lignée de pasteurs huguenots, Jean-Marc Thobois (1944-2020) a étudié la Bible à Londres, puis l’histoire d’Israël et l’archéologie biblique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il était également journaliste, historien, pasteur et conférencier. Il est l’auteur de plusieurs livres parus aux éditions CLC France, notamment L’antichrist, Le livre d’Esther, Le millénium.
ISBN : 979-10-97546-38-0