2 minute read
1. La guerre civile a commencé
1
La guerre civile a commencé !
Advertisement
Je ne sais depuis combien de temps je suis là à regarder les gouttes de pluie se briser une à une contre le rebord de ma fenêtre. Le paysage mélancolique pleure et l’essence de mes pensées jaillit. L’écran noir et blanc s’allume, une douce mélodie m’envahit pendant que les images nostalgiques défilent. Toutes mes illusions s’y confondent. Ma sérénité se nourrit de ma capacité à rêver. Ainsi, j’essaie de faire renaître et de rattraper mon enfance. Les moments de bonheur ont été balayés en ce jour mémorable. Mais par-dessus tout, les séquences agréables inhibent ma douleur. Étrangement, plus j’y songe et plus ces images vagues deviennent réalité, comme si le film en noir et blanc se colorait.
J’aimais le moment où je voyais Pa revenir à la maison. Il avait toujours sa serviette noire à la main. Pa était un homme grand et mince. Son visage rayonnait d’un doux sourire presque coincé entre ses joues creuses. Il travaillait toujours beaucoup. Dans les années 70, il occupait le poste de secrétaire du Préfet de la ville de Phnom Penh. Parallèlement, il prenait des cours de médecine en vue de devenir médecin généraliste. Pa savait qu’en 1975 le régime politique allait changer et qu’une guerre civile approchait.
En 1974, les amis de Pa lui avaient proposé de quitter le Cambodge. Il ne devait pas s’inquiéter pour le voyage car un de ses amis était commandant de bord d’un avion. Toute la famille pouvait donc partir quand elle le souhaiterait. Mais Pa était très attaché à
son travail de politicien, c’est la raison pour laquelle nous sommes restés chez nous. Je me demande encore pourquoi maman, « Mak » n’a pas saisi l’occasion de partir et n’a pas préparé sa famille à fuir. Sans doute que ma vie et celle de ma famille auraient-elles pris une autre tournure. En effet, le 17 avril 1975, le drapeau de la révolution a flotté sur le Cambodge. Une page noire s’ouvrit pour moi, pour ma famille, pour mon pays…
Malgré mon jeune âge, j’étais très observatrice. J’avais sept ans quand ma jeune maman a dû quitter Phnom Penh avec nous à cause de cette terrible « guerre » qui m’a déracinée et privée de mon cercle familial. Il ne reste maintenant que de tristes souvenirs qui perdurent au fond de ma mémoire. Comment dans un même peuple peuvent se mêler à la fois tant d’innocence et tant de cruauté ? Alors que le pesant joug des dirigeants de Pol Pot s’abattait soudainement sur nous, ma terrible vie « d’enfant de la guerre » commença.
Pa, Soka, moi Kith et Achamroeun notre chatte.