1 La guerre civile a commencé ! Je ne sais depuis combien de temps je suis là à regarder les gouttes de pluie se briser une à une contre le rebord de ma fenêtre. Le paysage mélancolique pleure et l’essence de mes pensées jaillit. L’écran noir et blanc s’allume, une douce mélodie m’envahit pendant que les images nostalgiques défilent. Toutes mes illusions s’y confondent. Ma sérénité se nourrit de ma capacité à rêver. Ainsi, j’essaie de faire renaître et de rattraper mon enfance. Les moments de bonheur ont été balayés en ce jour mémorable. Mais par-dessus tout, les séquences agréables inhibent ma douleur. Étrangement, plus j’y songe et plus ces images vagues deviennent réalité, comme si le film en noir et blanc se colorait. J’aimais le moment où je voyais Pa revenir à la maison. Il avait toujours sa serviette noire à la main. Pa était un homme grand et mince. Son visage rayonnait d’un doux sourire presque coincé entre ses joues creuses. Il travaillait toujours beaucoup. Dans les années 70, il occupait le poste de secrétaire du Préfet de la ville de Phnom Penh. Parallèlement, il prenait des cours de médecine en vue de devenir médecin généraliste. Pa savait qu’en 1975 le régime politique allait changer et qu’une guerre civile approchait. En 1974, les amis de Pa lui avaient proposé de quitter le Cambodge. Il ne devait pas s’inquiéter pour le voyage car un de ses amis était commandant de bord d’un avion. Toute la famille pouvait donc partir quand elle le souhaiterait. Mais Pa était très attaché à 15