Rêve, désillusion, résilience

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© 2024, éditions CLC France

BP 9 – F-26216 Montélimar Cedex

editions@clcfrance.com – www.clcfrance.com

ISBN : 978-2-7222-0471-3

Diffusé en Belgique par la Centrale Biblique

Diffusé au Canada par CLC Canada

Diffusé aux États-Unis par CLC USA

Diffusé en Suisse par les éditions Emmaüs

Couverture et conception graphique : Marie Wyttenbach

Illustrations : Yann Sujet

Dépôt légal : novembre 2024

Imprimé en Pologne par Arka (octobre 2024)

Mots clefs : aide, blessure, communion, église, prière, relation d’aide, spiritualité

La foi chrétienne au risque de l’Église

Un parcours collectif d’écriture entre rêves, désillusions,

résiliences…

« Il est de la plus haute importance que ceci soit clair dès le début : la fraternité chrétienne n’est pas un idéal mais une réalité donnée par Dieu. C’est précisément le chrétien sérieux, entré pour la première fois dans une communauté de vie chrétienne, qui apportera souvent avec lui un idéal1 très précis de ce qu’elle doit être et s’efforcera de le réaliser.

Mais c’est la grâce de Dieu qui mène rapidement à l’échec toutes ces sortes de rêves. C’est quand nous sommes submergés par une grande désillusion sur les autres, sur les chrétiens en général, et si tout va bien, sur nousmêmes, que Dieu veut nous conduire à la connaissance d’une véritable vie chrétienne.

1. ce qui donnerait une parfaite satisfaction aux aspirations du cœur ou de l’esprit.

C’est par pure grâce que Dieu ne permet pas que nous vivions, ne serait-ce que quelques semaines, selon une image chimérique, que nous nous abandonnions à ces expériences exaltantes et à cet emballement gratifiant qui nous envahit comme une ivresse.

Car Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales mais un Dieu de vérité. C’est pourquoi, seule la communauté qui entre dans la grande désillusion qu’elle éprouvera, avec tous les phénomènes désagréables et négatifs qu’elle peut connaître, commence à devenir ce qu’elle doit être devant Dieu et à saisir dans la foi la promesse qui lui est donnée.

Plus l’heure de cette désillusion sonne tôt pour le croyant et pour la communauté, mieux cela vaut pour tous les deux2.»

Depuis plusieurs décennies, notre société traverse de nombreuses crises.

Nous avons d’abord observé une crise de l’autorité. Tout ce qui faisait office de repère comme la loi, le patriarcat, les institutions, les autorités religieuses, éducatives et familiales, a été balayé en quelques années, sans être remplacé par autre chose aussi structurant. Notre posture à l’autorité s’en trouve biaisée, entre soumission et adoration, rébellion et diabolisation, nous ne trouvons plus le juste positionnement.

La crise du lien augmente elle aussi d’année en année. Nous observons de multiples séparations, tout d’abord dans les familles, mais aussi dans la constitution de groupes qui se créent par appartenance culturelle, religieuse, ou de classe sociale. Nous rencontrons aujourd’hui de plus en plus de fractures liées aux opinions et aux prises de position sur un sujet. Nous ne partageons plus beaucoup avec nos semblables. Nous vivons de manière virtuelle et avons de plus en plus de mal à rencontrer l’autre et à entrer en relation. L’isolement grandit et semble devenir le mal du siècle.

La crise du sens se fait aussi tenace. Perte de valeurs et de repères. Aujourd’hui, on ne s’accomplit plus dans son travail, les environnements sont devenus toxiques, la fin devient

2. Dietrich BONHOEFFER, De la vie communautaire, Labor et Fides, 2007, p. 30ss Adapté par Daniel BOURGUET, Marc, L’évangile médité par les Pères, Ed. Olivetan, p. l4ls

un moyen, les burn-out sont légion et ils sont encore plus liés à la perte de sens qu’à la surcharge de travail.

Enfin, nous observons une crise continue du travail et des moyens d’existence, qui engendre une peur du lendemain ainsi qu’une perte de légitimité, de crédibilité, de place et de position sociale.

Au-delà de la rencontre avec Jésus-Christ qui transforme des vies et comble les besoins, l’implication assidue dans des communautés religieuses vient offrir une réponse à ces crises sociétales.

L’émission « Religions du monde » du 26 juin 2023 sur RFI3 nous montre comment les églises évangéliques pentecôtistes et/ou charismatiques attirent des populations diverses, qui peuvent y trouver un lien identitaire, culturel, une spiritualité qui répond à leurs attentes ainsi que des relais économiques et d’entraide.

Ce reportage se penchant particulièrement sur le public issu des diasporas et des migrations, explique comment la communauté religieuse fait tissu social, répond aux questions d’accomplissement, notamment en redonnant à des personnes décrédibilisées et en chute de statut social un rôle, une place.

« Avant d’être une église, nous sommes une famille. Nous formons une deuxième famille ici parce que quand on a un problème, quel que soit le problème et quelle que soit l’heure, on va l’appeler pour prier…

Solidarité, convivialité, sollicitude, bienveillance, grands projets, énergie du collectif, et toujours ces vies transformées par le Seigneur. Toutes choses qui dépassaient mon vécu d’enfance dans l’église protestante.

L’église était en tout temps une occasion de rompre la solitude en proposant des actions, des événements, des repas, en grand groupe ou à quelques-uns. »

3. https://rfi.my/9g0B

C’est aussi un lieu où on cherche une reconnaissance. « On ne se sent pas jugé ». C’est aussi une manière de trouver sa place dans la société, place qui est parfois difficile aussi à trouver notamment par les personnes issues de l’immigration ou des diasporas.

« C’est la quatrième dimension de l’attractivité de ces églises : c’est qu’en fait, via la participation à ces communautés, on reprend confiance en soi, on trouve des marges de manœuvre, on se réempare finalement d’une capacité de décider parce que la communauté est une forme d’autogestion ; on n’est pas dans un système hiérarchique où tout est décidé par une autorité supérieure.

Ce sont les fidèles eux-mêmes qui, faisant vivre la communauté, retrouvent du même coup une forme d’efficacité à agir que souvent ils n’ont plus ou pas encore dans la société d’accueil, parce que c’est difficile, on est à distance des lieux de pouvoir, on a le sentiment finalement qu’on ne peut plus rien décider.

Là dans le cadre communautaire au contraire, on peut manifester des choix, décider, construire ensemble et donc ça redonne cette confiance en soi et cette capacité d’agir qui va permettre parfois aussi des trajectoires d’ascension sociale.»

Ne serait-ce pas là une micro-société idéale ? Qui dit idéale dit idéalisée et idéalisée amené à se briser. De quelle vertu nous parle Dietrich Bonhoeffer ? Qu’est ce qui doit se briser dans notre relation au système ?

L’idée du projet

La lecture du livre De la vie communautaire de Dietrich Bonhoeffer, combinée aux témoignages de chrétiens engagés recueillis lors de l’élaboration du livre Coopérer sur la durée dans l’église locale, a éveillé ma conscience à la réalité parfois difficile vécue par certains membres d’églises, marquée par de nombreux amalgames. C’est ce constat qui m’a conduit à proposer ce projet.

Mon intention était d’offrir aux personnes l’occasion de revisiter leur parcours au sein de l’église, un parcours à la fois enrichissant, rempli de sens et d’expériences, mais parfois aussi douloureux. Comme beaucoup, je connais des individus qui ont quitté ce milieu après avoir été déçus, blessés, ou exploités, ainsi que d’autres qui restent dans une incompréhension mutuelle. Certains ont même confondu vie d’église et vie spirituelle, rejetant alors à la fois le milieu et la foi.

L’objectif n’est pas de promouvoir une adhésion aveugle à l’église, mais plutôt d’aider les lecteurs à distinguer entre un environnement toxique à fuir et un cheminement souvent inévitable, caractérisé par une phase d’enthousiasme initial, suivie d’une désillusion, puis d’un processus de résilience. Ce dernier conduit à une forme de maturité et à de nouveaux questionnements, moins idéalistes mais toujours empreints d’engagement. Le livre Crise de la foi de Linda Oyer et Louis Schweitzer décrit remarquablement ce parcours en cinq phases4.

L’idée n’est pas non plus d’idéaliser un parcours ou d’idéaliser la résilience comme le relate ce témoignage d’une participante :

4. Linda Oyer et Louis Schweitzer, Les crises de la foi, Excelsis, 2008

J’ai aussi appris que parfois la résilience a du mauvais parce qu’on accepte certains comportements abusifs qui ne changent pas, que l’espoir de changement n’aboutit pas toujours et qu’il faut accepter la rupture. Donc je ne dirais pas que j’ai été désillusionnée parce que très jeune j’ai compris que l’église n’était pas un paradis sur terre. Mais j’ai été déçue par le standard parfois assez bas que les chrétiens se permettent dans les églises sous couvert de paroles bibliques. L’église pour moi reste la communauté de croyants que Dieu construit, et nous en faisons tous partie avec nos forces et nos faiblesses.

Voilà l’appel qui a été lancé et relayé aux membres d’églises :

« Votre parcours dans l’Église est riche. Riche mais pas de tout repos.

Au-delà des beaux moments partagés, vous avez vécu des temps de déceptions, de désillusions et de colère, qui ont parfois lourdement chargé la barque de vos émotions. Il a pu parfois marquer votre parcours spirituel. Souvent, vous étiez tentés d’abandonner mais en même temps, par habitude, obéissance ou espoir, vous êtes restés fidèle au poste. Aujourd’hui, la situation n’est peut-être guère plus plaisante, mais vous avez rebondi. Votre foi en Dieu s’est approfondie, les difficultés rencontrées dans l’Église vous ont même peut-être amenés à chercher Dieu de manière plus intense. N’ayant pas trouvé de quoi combler vos besoins dans la communauté, souvent seuls, parfois ignorés, non reconnus ou incompris, vous avez l’impression d’avoir exercé votre ‘vraie’ vie de disciple en marge de la communauté tout en étant disponible pour servir l’église. Ce parcours parfois douloureux a forgé votre foi et vous a affermis en Jésus. Aujourd’hui, vous avez redonné sa place à l’Église, une entité qui cumule les imperfections certes, mais qui fait partie du plan de Dieu.

Votre cheminement vous semble clair. Vous arrivez à distinguer clairement les différentes étapes de votre vie de membre d’église/paroissien.

Vous avez envie de revenir sur toutes ces années et de partager ce parcours d’engagement relationnel et spirituel avec d’autres, plus jeunes, découragés ou encore plein d’illusions.

Vous avez envie de partager votre histoire pour permettre à d’autre de prendre un temps de pause, là où ils en sont, de les aider à réfléchir à leurs attentes sur l’église, leur engagement, afin de lui redonner sa juste place, elle la bien-aimée de Dieu. »

Dans notre démarche, l’idée n’était pas d’aborder ces thèmes de front mais de proposer une prise de distance par le biais d’ateliers d’écriture pour permettre aux uns et aux autres de transcender le vécu, de mettre des mots sur des maux, de prendre conscience du parcours accompli, d’échanger, de confier de partager et, bien sûr, de vivre la fraternité pour avancer.

Le fil conducteur qui a mené à la résilience a été la démarche de chacun de se tourner vers Dieu pour lui confier ses difficultés, suivie d’une transformation progressive de sa manière de penser. Ce processus a permis de prendre conscience des idéaux et des rêves qu’ils entretenaient, des attentes et des fausses croyances qui les limitaient, et ainsi de revoir leur parcours au sein de l’église. Certains sont restés fidèles à leur communauté d’origine, d’autres ont choisi de rejoindre une autre assemblée.

Le parcours

Recrutement des participants

Créer la confiance autour de ce projet constitua un défi de taille dès le début...

« J’étais assez réticente au début, n’étant pas sûre d’avoir ma place dans ce collectif, pas sûre que mon vécu corresponde à ce qui était attendu, et pas sûre non plus de savoir mettre des mots. Je n’avais jamais fait vraiment d’atelier d’écriture. »

Il a fallu accompagner les personnes à s’autoriser à se lancer dans l’aventure :

Il est vrai que l’acte d’écrire me démange depuis longtemps. Cependant, se lancer seule, sans cadre, sans permission de réaliser, ne pouvait se concevoir aussi simplement. Nous sommes tous confrontés à des freins intérieurs, voire à des interdits que même l’âge et le travail ne suffisent pas à éradiquer.

Jusqu’au démarrage du premier temps de rencontre.

« Je suis venue avec ma voiture pour pouvoir me carapater si besoin était. Pour moi, c’était l’aventure, je ne savais pas où je mettais les pieds. Sur le parking, je n’étais plus certaine d’avoir bien fait de m’engager.»

Car l’écriture nous dévoile, nous confronte non seulement à nous-mêmes mais aussi au regard des autres. Elle est une plongée en confiance. Comment ne pas ressentir de l’amitié, de la fraternité pour celui qui lit son texte et nous donne à voir une part de son intime

qu’il découvre peut-être en même temps qu’il le pose sur le papier avec sa plume, puis dans les profondeurs pour coucher les mots en surface et les faire vivre, les rendre réel, et partageable ; c’est une infinie générosité, qui se donne sans effort car accompagné d’un cadre facilitateur.

Dans une société marquée par la performance, la concurrence, la comparaison, nous avons été témoins du lâcher prise et du choix de la confiance :

« On m’avait régulièrement dit que je ne savais pas écrire, que je n’étais pas claire, que j’avais de bonnes idées mais la rédaction était compliquée… Mais j’étais là… et voulais continuer à me laisser porter pour la suite ! »

« J’avais toujours désiré participer à un atelier d’écriture mais malheureusement, je n’ai jamais franchi le pas. À vrai dire, au début j’avais une appréhension : de ne pas savoir retranscrire mes idées et pensées. J’étais hanté par la peur d’être jugé. »

Nous avons été témoins de la surprise des uns et des autres à se découvrir écrivains, à rencontrer leur style, trouver leur singularité. Découvrir la diversité présente dans le groupe, la complémentarité aussi et être émus par des mots interpellants, touchants, qui mordent parfois le cœur.

Les propositions d’écriture ont tour à tour déclenché et mis en mouvement le désir de laisser courir la plume sur le papier, sans jugement, dans un lâcher-prise peu commun parfois en église.

L’appréhension a très vite été surmontée par l’élan, la mise en immersion par l’animatrice des ateliers et la dynamique du groupe.

« J’ai appris à laisser les mots jaillir sans les retenir. Les soupeser, les décrypter, les apprivoiser. J’ai découvert une autre façon d’écrire. La richesse bluffante des premiers jets. La tendresse touchante de la spontanéité. Les tourments derrière les mots, les maux entre les lignes. Le slam, l’emphase, le rythme.

L’écriture est éminemment ludique. Accessible au commun des (im)mortels. Mais elle est aussi thérapeutique. Salvatrice, libératrice, providentielle. En un mot, belle. »

De la réflexion, de l’intention, de l’inspiration ont guidé Michèle dans le choix de ses exercices. De l’écoute et de la coopération ont parfois permis quelques légers ajustements. Du respect et de la gratitude ont jalonné chaque étape du parcours.

Nous avons expérimenté le ravissement à chaque ouverture des coffres aux trésors, comme des enfants nous découvrions la prochaine histoire, émerveillés des dons que Dieu nous a faits, des talents dont il nous a dotés.

Un mot de notre chère animatrice d’atelier, Michèle Ammovilli :

Dans nos vies personnelles et professionnelles, nous sommes souvent confrontés au travail de l’écriture, tantôt avec facilité, tantôt avec appréhension, jusqu’à parfois éprouver des blocages.

Nos parcours scolaires nous ont appris à privilégier la qualité rédactionnelle : clarté, analyse, synthèse, efficacité…

L’atelier d’écriture est un lieu d’expérimentation, de rencontre. « Il s’agit d’aller vers l’inconnu que chacun porte en lui, vers l’autre en soi qui parle dans le texte.

Écrire en atelier c’est expérimenter de l’intérieur le processus littéraire souvent abordé par des savoirs trop figés5. »

Dans cet espace d’écriture créative, nous nous surprenons, nous découvrons une autre façon de nous exprimer, trouvons la singularité de notre écriture et nous essayons à des styles que nous n’aurions jamais osé envisager.

« L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire, on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité.

C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère […] » Écrire produit de l’émotion.

L’objectif de cet ouvrage est d’explorer notre chemin de vie spirituelle en trois étapes : rencontre et rêves, désillusion et désert, résilience.

Nous avons cheminé ensemble (sur) nos parcours singuliers.

Nous n’avons jamais abordé les thèmes de front, mais des textes qui évoquent l’une ou l’autre de ces phases et des propositions d’écriture choisies ont déclenché et mis en mouvement le désir d’écrire. Un temps d’écriture a suivi avec une contrainte horaire (de cinq à trente minutes). Il a offert de lâcher prise et de laisser advenir des trésors intérieurs. La lecture de chaque texte devant le groupe a toujours reçu un retour bienveillant.

Ce temps de lecture à haute voix est précieux. Il procure aussi l’occasion de découvrir d’autres écritures. Parce que tout le monde accepte de jouer le jeu et de se laisser porter par l’inattendu, l’imprévisible, le déconcertant, l’appréhension est très vite surmontée. L’élan et la dynamique de groupe encouragent.

Les textes que vous allez lire sont des « premiers jets », vous y repérerez parfois de belles trouvailles, surprenantes, étonnantes, touchantes, à des lieues du modèle académique. D’autres fois, vous jugerez des tournures maladroites. Toutes témoignent de la profondeur et de l’authenticité de notre vécu : « L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie6.»

Si le cœur vous en dit, vous trouverez à la fin de l’ouvrage quelques propositions d’écritures que vous pourrez expérimenter…

Les temps de travail

:

Nous avons pu expérimenter trois temps de travail distincts autour des thématiques suivantes :

Les espoirs

:

Nous avons abordé sous forme de récit vivant la période de la lune de miel, la rencontre des participants avec Dieu, avec l’Église, leurs espoirs, leurs rêves et leurs premières expériences joyeuses et porteuses de promesses.

La désillusion

:

Les participants ont ensuite partagé leurs premières observations, déceptions, ressentis, interrogations, étonnements, jusqu’à cette difficile prise de conscience et cette désillusion profonde par rapport à tout ce qu’ils y avaient projeté, et le désert qui s’ensuit.

5. Éva Kavian, Écrire et faire écrire, manuel pratique d’écriture, Louvain-la-Neuve (Belgique), De Boeck Supérieur, collection Entre guillemets, 2018. 6. Marguerite Duras, Écrire, Paris, Gallimard, 2015.

Michèle Ammovilli

La résilience :

À ce stade-là, les personnes ont accepté que leurs attentes ne seront pas comblées, mais loin d’une résignation sage et passive, elles ont su réaligner leur énergie et leurs rêves sur ceux de Jésus, sur le salut des âmes et la mission de l’Église : l’Amour fraternel qui se donne, et l’unité au service d’un rayonnement essentiel à la multiplication.

Chacun a pu proposer des passages bibliques en lien avec les trois thématiques. Nous avons pu les découvrir ensemble.

Les participants :

Nous étions douze, de différents coins de France, de milieux variés, hommes et femmes de tous âges, certains en présentiel, d’autres en distanciel, d’autres encore au format hybride.

Nous nous sommes réunis au Puits de Jacob, à la Thumenau en Alsace, pour trois weekends de travail en présentiel. Nous avons été merveilleusement bien accueillis, et le lieu s’est particulièrement prêté à l’exercice. Nous sommes particulièrement reconnaissants pour cette belle expérience.

Et en fin de compte, nous avons l’immense privilège de bénéficier des illustrations de Yann Sujet, qui a accepté sans hésiter de remplir cette belle mission :

En orthodoxie, on ne peint pas une icône, on l’écrit. De la même manière, le dessin, la peinture, le collage… ont souvent été ma manière de m’exprimer, d’écrire. Depuis six ans, chaque jour, je calligraphie ou illustre d’un trait rapide et sans repentir un verset biblique dans un petit carnet. C’est ma manière personnelle de méditer, de ruminer, d’interpréter la Parole de Dieu avec l’intention d’aller plus loin que le sens premier. Aussi lorsque Marie-Christine m’a proposé d’illustrer ce présent ouvrage, à moi qui suis autodidacte, j’ai tenté l’expérience avec une certaine dose d’inconscience, je crois. J’ai pris la proposition comme une invitation à élargir l’espace de ma tente. La démarche m’est apparue intéressante quant au thème premièrement : comme acteur pastoral créatif en milieu catholique, j’ai souvent eu mal à l’Église. Deuxièmement, participer à ce collectif en « écrivant » à ma manière, avec feutres et pinceaux, est une aventure dans la confiance qui me procure fierté, paix et enthousiasme. Merci.

Ce livre s’adresse à vous, que vous soyez :

• nouvellement engagés ou engagés de longues dates dans l’Église, alignés, avec l’envie de servir, pleins de rêves et de bonne volonté, remplis d’attentes.

• engagés par fidélité dans l’Église mais fatigués, qui ne voyez parfois plus le sens, qui êtes là par devoir, qui êtes à une mauvaise place, qui ne connaissez pas et/ou n’exploitez pas vos dons.

• hors du système, avez fait un pas de côté par rapport à l’Église, désillusionnés, parfois amers, mais avec un sentiment de manque de la communauté, d’inachevé, de solitude.

• dans le désir d’écouter avec plus de justesse et de maturité le cheminement des parcours ecclésiaux des gens qui vous entourent.

• et tout autre profil…

Malgré les déceptions, les sorties de route et les blessures, nous sommes restés persuadés du bien-fondé de l’Église, car il y a un réel projet de vivre-ensemble et d’unité souhaitée par Dieu. Elle contribue de manière indispensable à notre chemin de sanctification par les frustrations, les malentendus et les déceptions qu’elle apporte. Nous confondons souvent la satisfaction de nos besoins avec notre engagement dans l’église. C’est une continuelle lutte contre notre ego et un chemin d’obéissance, mais pas une obéissance aveugle. Les chrétiens de Bérée7 nous sont en cela un formidable exemple.

En tant qu’être humain dans un monde après la chute, nous expérimentons tous des crises, des pertes, des souffrances et des situations difficiles.

Quelqu’un a dit : penser que ces choses ne devraient pas nous arriver c’est rêver d’un autre monde… un monde qui a été à l’aube du temps et un monde qui un jour sera.

7. Les croyants de Bérée en Grèce antique (aujourd’hui Véria) étaient décrits dans le livre des Actes des apôtres comme ayant une conduite noble et honnête envers l’enseignement reçu de l’apôtre Paul.

La vraie question n’est pas tellement : pourquoi cette crise ou cette épreuve nous arrive-t-elle ? Mais plutôt ou mène-t-elle ? Non pas pourquoi mais pour quoi ? En vue de quoi ? Peut-elle devenir salutaire et féconde ou restera-t-elle stérile ?

La réponse à la question dépend en partie de nous : en effet, nous ne sommes pas toujours responsables des circonstances et des crises que nous avons affrontées, mais nous pouvons choisir la manière dont nous y répondons. Dieu nous invite à accueillir les crises, à nous laisser transformer et à les traverser avec lui pour recevoir ce qu’il a en réserve pour nous8.

Nous vous invitons à embarquer avec nous dans notre aventure ecclésiale.

8. Les crises de la foi, op.cit., p. 97

Nous connaissons tous des chrétiens qui vivent presque exclusivement au sein de leur église, au risque de s’y perdre par excès d’engagement, tandis que d’autres préfèrent s’en éloigner pour diverses raisons. La désillusion en fait partie. Elle est plus ou moins violente selon la dose d’illusion que l’on a investie.

Et s’il existait une autre voie pour appréhender cette désillusion, loin de l’amertume et du rejet ?

Marie-Christine Carayol a misé sur les ateliers d’écritures guidés par une animatrice d’atelier d’écriture expérimentée, Michèle Ammovilli. Dix chrétiens de milieux différents ont relevé le défi.

En effet, les ateliers d’écriture, encore peu exploités dans nos milieux, impliquent chacun profondément.

Au travers de cette aventure d’intériorité collective et créative, les participants ont pu réexplorer leur rapport à l’Église où rêves, désillusions et résiliences se côtoient allègrement, créant parfois une confusion dommageable.

Car expérimenter la résilience est possible. Vivre et participer à l’Église après avoir été déçu aussi, sous certaines conditions. Ces textes, illustrés par le talentueux Yann Sujet, vous aideront sans doute à discerner lesquelles.

Alors, prêts à relire votre propre parcours avec le groupe ?

Psychologie

ISBN : 978-2-7222-0471-3

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