Vie étudiante et implantation universitaire

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MIQUET COLIN

VIE ÉTUDIANTE ET IMPLANTATION UNIVERSITAIRE La culture étudiante dépend-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ?

Master «Architecture entre usages et paysages urbains»





VIE ÉTUDIANTE ET IMPLANTATION UNIVERSITAIRE Directrice de mémoire : Stéphanie DAVID 2015 E.N.S.A.G.



SOMMAIRE

INTRODUCTION

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1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

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1.1 Histoires urbaines

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1.2 Conséquences sociales

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2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

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2.1 Connexions urbaines

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2.2 Rayonnements culturels

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3. LE CAMPUS ET SES USAGES

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3.1 Son rôle dans la vie urbaine

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3.2 Appropriations étudiantes

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE



INTRODUCTION « Entre l’avant de l’adolescence et l’après de la vie d’adulte. »


INTRODUCTION

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PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE / Dans le contexte actuel de concurrence territoriale rude, les étudiants et la vie universitaire qu’ils apportent sont un élément clé de l’attractivité d’une commune. Le classement des meilleures villes étudiantes par le magazine L’Étudiant reflète l’importance que prend la présence estudiantine, et il n’est pas rare d’associer cette présence à une image de ville bouillonnant de culture et d’activité, comme par exemple à Montpellier ou à Renne. Les étudiants sont devenus un atout pour l’attractivité d’une ville. Et comme ils choisissent leur lieu d’étude en fonction de son niveau d’éducation et de sa qualité de vie, ils constituent un baromètre important sur le marché territorial. De plus, ils représentent une population extrêmement variée, qui va consommer de multiples façons, donc attirer de l’activité, mais aussi de la culture dont elle est un public fervent. Enfin, elle constitue un moteur d’activité à part entière, en formant un tissu associatif moteur d’initiatives, agissant comme un poumon de vie culturelle et événementielle en autonomie qui profite à toute la ville et en augmente l’attractivité. Historiquement, les universités ont toujours eu une importance capitale en France, qui reste l’un des pays où elles sont les moins chères et les plus accessibles. Ainsi le développement des universités a été nombreux et varié, ainsi que les projets d’aménagements. Mais pour la plupart, les domaines universitaires ont été conçus comme des entités à part entière, des quartier indépendants, où se regroupaient les grandes institutions et donc les étudiants. En 2008, le Plan Campus mis en place par le gouvernement a débloqué de grands moyens financiers dans le but de reconnecter ces morceaux de ville à leur coeur : il y a aujourd’hui une volonté importante de désenclaver les campus. On considère donc que les étudiants manquent de lien avec le reste de leur ville, des habitants, et des activités urbaines. Mais alors, on peut se poser la question : si la vie étudiante est si importante pour la qualité de vie des villes, si elle est si riche de créations, d’activité et de culture, ces initiatives ne découlent-elles pas d’un certain isolement de ce que la ville a à offrir ? Qu’elles répondent à un manque ? Un étudiant sera-t-il aussi enclin à monter une association pour organiser des événements s’il a facilement accès à ceux qui existent déjà ? Cette volonté de créer de l’activité n’est-elle pas liée à un isolement vis à vis des activités urbaines ? Peut-on considérer la vie étudiante comme dépendante d’une certaine forme d’enclavement urbain ?


PRÉSENTATION DE LA MÉTHODE DE TRAVAIL / Cette problématique repose sur des questions d’urbanisme et leurs conséquences sociales, vis à vis des étudiants mais également des habitants interagissant avec cette population. Ce sont les situations urbaines qui seront étudiées dans ce mémoire, et leurs conséquences sociales seront déduites du point de vue de l’architecte. Cependant, un article sociologique sera étudié et apportera un point de départ à la réflexion. Intitulé L’espace universitaire et la ville. Les enjeux sociaux de la localisation des espaces universitaires, il a été écrit par Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi et est paru dans la revue trimestrielle Espace et Société en 1995. Les usages sociaux estudiantins ont bien changé depuis, mais il constituera une référence sur les conséquences sociales de l’implantation urbaine des campus et montrera comment cette problématique a déjà pu être abordée dans le domaine de la sociologie.

5 INTRODUCTION

Espaces et Sociétés n° 80-81, 1995, éd. L’Harmattan

Par ailleurs, ce mémoire suivra la même trame analytique pour répondre à cette problématique : l’étude d’un corpus de trois villes représentatives de différents stratégies d’implantation de leurs espaces universitaires. Ce corpus sera donc dans un premier temps présenté en détail, avant d’être comparé sur le plan urbanistique et de la vie culturelle étudiante. Enfin, le campus de Grenoble fera l’objet d’une étude sur les usages pour caractériser les appropriations au sein du campus. L’enjeu sera de montrer comment étudiants et citadins détournent ou non cet espace et ce que cela raconte sur le rôle du campus en lui-même en tant que lieux d’interaction entre public étudiant et non étudiant.

DÉFINITION DES NOTIONS CLEFS / Les notions de « campus », « enclavement urbain » et « vie étudiante » sont primordiales dans cette étude et il est important de préciser le sens qui leur est donné. Campus : L’histoire de l’enseignement en Europe commence à l’antiquité, mais sa forme actuelle date de la renaissance, quand les sciences font leur apparition dans les institutions universitaires religieuses médiévales. C’est à cette époque que le modèle se répand et le terme « campus » au sens propriété universitaire apparaît à l’université de Princeton dans le New Jersey au XVIIe siècle. Il se


répand alors jusqu’au XXe siècle où il est utilisé pour la première fois en France lors de la reconstruction de Caen en 1948. Mot latin désignant un champ, il désigne aujourd’hui les espaces universitaires (et récemment sièges d’entreprises) constitués de plusieurs bâtiments entourés d’espaces verts. C’est en ce sens qu’il sera utilisé dans ce mémoire ; lorsqu’il sera question de désigner l’ensemble des bâtiments d’enseignement d’une ville, il sera alors question de complexe universitaire. Enclavement urbain : Notion généralement utilisée pour désigner une situation urbaine excentrée et mal desservie. En terme général, c’est le sens qui lui sera attribué dans ce mémoire. Cependant, au long de l’étude, l’enclavement urbain de chaque cas sera spécifié en fonction de chaque situation.

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Vie étudiante : La vie étudiante est une notion importante dans l’imaginaire collectif. Il s’agit des à-côtés des cours, durant cette période particulière des études, « entre l’avant de l’adolescence et l’après de la vie d’adulte »1. Dans ce mémoire, cette notion servira à décrire principalement la vie culturelle des étudiants, mais aussi, au sens plus large, sportive, d’activités diverses, sorties et autres événements prenant place en dehors des horaires d’études. Des étudiants rassemblés dans un lieu peut créer une ambiance festive, studieuse, ou bien ne rien créer du tout. Mais une population étudiante qui vit véritablement ensemble est celle qui s’organise, se rassemble, échange, met en commun des passions et des compétences pour mettre en place une vie associative active, nourrie de projets riches menant à des événements variés, profitant à des populations diverses et créant une vie culturelle au sens large.

CORPUS CHOISI / Le corpus étudié est constitué de trois complexes universitaires de villes similaires en taille, nombre d’habitants et pourcentage d’étudiants. La différence se situe dans les typologies d’implantation urbaines dont ont fait l’objet leurs domaines universitaires. Grenoble, Strasbourg et Nancy possèdent toutes trois autour de 500 000 habitants, les superficies des villes-centres sont similaires et elles possèdent entre 5 et 10 % d’étudiants. Les implantations urbaines de leurs complexes universitaires, cependant, sont différentes et représentatives. Grenoble possède un campus concentré et exclu de son tissu urbain, celui de Strasbourg est concentré et inclus tandis que Nancy possède un complexe universitaire dilué et intégré à son tissu urbain. De plus, ces trois villes représentent un panel varié dans le classement des villes universitaires selon le magazine L’Étudiant : Grenoble est 3ème, Strasbourg 12ème et Nancy 17ème. Ce classement, réalisé selon des critères de vie étudiante, formation, emploi et cadre de vie, apportera un éclairage intéressant à cette analyse, à titre indicatif. 1 - OSTROWETSKY S. et POGGI M.-H. « L’espace universitaire et la ville. Les enjeux sociaux de la localisation des espaces universitaires. » Espace et Société n° 80, 1995.


7 INTRODUCTION

Grenoble, Strasbourg et Nancy, au 1/50 000ème - Cartes des parcelles cadastrales, source IGN, disponible sur geoportail.gouv



1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES « Un lieu d’initiation à la vie urbaine. »


1.1 HISTOIRES URBAINES TROIS HISTOIRES / Chacun des complexes universitaires étudié possède une typologie d’implantation particulière, qui découle directement de son histoire urbaine propre, menant à ce qu’il est aujourd’hui. Histoire de l’université de Nancy :

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Nancy, 1/75 000ème 1572-1862

1871-1908

1930-1966

Emprise actuelle

1572-1862 : La première université s’installe à Pont-à-Mousson, à 30 km de la ville, et est confiée aux Jésuites. Mais un collège royal de médecine est créé à Nancy et lance une forte rivalité entre les deux villes, d’où résulte le transfert de l’université autour du collège en 1769, avant de disparaître en 1793. Dans toute la France, le gouvernement héritier de la Révolution met fin à l’université pour faire table rase de l’enseignement religieux. C’est sous Napoléon III que l’université fait son retour à Nancy par la construction du palais de l’académie en 1862, où se situe l’actuelle faculté de Droit. 1871-1908 : Après la guerre Franco-Prussienne, Nancy devient une importante ville frontalière et connaît une époque de croissance : les facultés


de pharmacie et médecine y sont transférées et les instituts chimique, anatomique, dentaire et de géologie sont créés. 1930-1966 : Pour pallier la crise du logement étudiant, des cités universitaires sont construites ainsi qu’un parc des sports. Enfin, après la Seconde Guerre Mondiale, les facultés de lettre et de sciences et technologies sont reconstruites dans leurs bâtiments actuels. Histoire de l’université de Strasbourg :

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1871-1968

1968-1971

Emprise actuelle

1871-1968 : Lors de l’annexion de la ville par l’Allemagne, le Kaiser a réformé les universités utilisées jusqu’alors. Il fit bâtir le Palais de l’Université comme vitrine de l’excellence de l’empire. De par la position difficile de la ville durant les guerres mondiales, les institutions universitaire n’ont que peu évolué durant le siècle suivant. Cet ensemble de bâtiments, campus avant l’heure, a accueilli toutes les universités de la ville jusqu’en 1968. 1968-1971 : Après les mouvements étudiants la ville donne naissance à trois universités distinctes : Strasbourg I pour les sciences, Strasbourg II regroupant les sciences humaines et Strasbourg III réunissant les enseignements des domaines juridique, politique, social et technologique. Ces nouvelles institutions sont bâties dans la continuité du campus originel, et l’ensemble forme actuellement un quartier à part entière inscrit dans le tissu urbain de la vieille

1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

Campus de Strasbourg, 1/25 000ème


ville. Histoire de l’université de Grenoble :

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Campus de Grenoble, 1/25 000ème Emprise actuelle et depuis 1962

1879-1962 : A la fin du XIXème siècle, les facultés de Droit, Lettres et Sciences sont regroupées place Verdun. De cette ancienne implantation ne subsiste aujourd’hui qu’un bâtiment de l’IUT 2 de l’UPMF. 1962-2015 : Dans les années 50, pour faire face au nombre croissant d’étudiants, Pierre Mendès-France et le gouvernement lancent une politique de grandes opérations universitaires. Le choix de Grenoble se porta sur des terrains maraîchers à l’extérieur de la ville, en vue de la construction d’un domaine universitaire à l’image des campus américains. Au début des années 70, la plus grande partie du campus actuel était déjà construite. Depuis, il continue de se densifier à l’intérieur du périmètre qui lui a été attribué il y a cinquante ans.


TROIS IMPLANTATIONS / Les histoires des universités de Nancy, Strasbourg et Grenoble permettent de comprendre leurs différentes typologies d’implantation et en quoi celles-ci représentent des modèles génériques. Il y a d’abord le cas d’une histoire très ancienne préservée, datant d’une époque où l’université était au coeur de la ville et nécessitait bien moins d’espace qu’aujourd’hui. De par une évolution discontinue sur la durée, nourrie d’opérations d’ampleurs et d’intentions diverses, perturbées par les guerres et mouvements politiques, on dénote l’absence de planification urbaine précise. Par conséquent, le complexe universitaire actuel est très diversifié, constitué d’entités individuelles éparses dans toute la ville sans stratégie commune.

Enfin, il y a le cas d’une seule opération récente qui a donné l’impulsion à un campus très planifié, excentré car pensé comme une petite ville sur un terrain dégagé. Exact opposé du premier cas, ici le campus est un projet pensé en une fois et à long terme : son masterplan est encore consulté aujourd’hui.

13 1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

Puis, la situation où, une identité forte a été donnée à l’université par au XIXème siècle. Cette opération a été assez monumentale spatialement et symboliquement pour perdurer aujourd’hui et constituer le coeur d’un campus au sens propre du terme, autours duquel les opérations suivantes ont pu se greffer en cohérence. Ce coeur, implanté proche de la vieille ville, a permis au campus actuel de se développer en gardant une position avantageuse par rapport à celui-ci.


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Situation urbaine du complexe universitaire de Nancy, 1/75 000ème

Caractéristiques du complexe universitaire de Nancy : • 17ème ville universitaire de France • 50 000 étudiants, 11.5% de la population • Histoire très ancienne, construction sur la durée • Campus inexistant, complexe universitaire intrinsèque à la ville, éparpillé • Typologie d’implantation urbaine : Complexe universitaire dilué et intégré au tissu urbain existant

La faculté de lettre de Nancy, © Université de Lorraine, source campus-lettres.univ-lorraine.fr


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Caractéristiques du campus de Strasbourg : • 12ème ville universitaire de France • 42 000 étudiants, 5.5 % de la population • Histoire ancienne, patrimoine bâti ancien • Campus « traditionnel », centré autours d’une institution prestigieuse ancienne • Typologie d’implantation urbaine : Campus concentré et inclus au tissu urbain existant

L’université Robert Schuman à Strasbourg, © P. Bogner/CUS, source rue89strasbourg.com

1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

Situation urbaine du campus de Strasbourg, 1/75 000ème


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Situation urbaine du campus de Grenoble, 1/75 000ème

Caractéristiques du campus de Grenoble : • 3ème ville universitaire de France • 60 000 étudiants, 8.8% de la population • Histoire récente, construction planifiée, issue d’une politique d’aménagement urbain moderne • Campus « moderne », issu d’un masterplan très libre, paysager et ouvert • Typologie d’implantation urbaine : Campus concentré et exclu du tissu urbain

L’université Stendhal à Grenoble, © Université Stendhal, source letudiant.fr


1.2 CONSÉQUENCES SOCIALES VIE SOCIALE ÉTUDIANTE / Avant de conditionner la vie étudiante en générale, l’implantation urbaine des complexes universitaires impacte les étudiants dans leur vie sociale. Pour aborder ce thème très spécialisé, plusieurs articles sociologiques ont été étudiés. Celui qui servira de référence principale est L’espace universitaire et la ville. Les enjeux sociaux de la localisation des espaces universitaires écrit par Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi en 1995. En voici le résumé :

Écrit il y a plus de vingt ans, cet article reste cependant pertinent sur bien des points. En effet, si les usages sociaux des étudiants ont bien changés(internet, téléphones mobiles...) et se sont en partie dématérialisés, les interactions sociales directes restent fondamentalement les mêmes. Ainsi les sociologues se penchent sur l’importance de la localisation des espaces universitaires dans le processus d’intégration sociale des étudiants. Elles commencent par replacer cet espace dans la vie d’un étudiant comme un espace social extrêmement important : le lieu où « une population, qui sort plus ou moins de l’adolescence, vient prendre ses marques au sein de la société ». Sa fonction identitaire est fondamentale. Par son rôle d’initiateur, de lieu de passage et d’émancipation, le complexe universitaire est autant le lieu de l’apprentissage d’une formation que celui d’un mode de vie adulte et urbain. C’est en son sein que « prend forme et consistance une collectivité sociale ». Sa localisation par rapport à la ville est donc primordiale pour que les étudiants qui le fréquentent bénéficient de son influence formatrice au mode de vie urbain. Pour analyser cette influence, les auteures ont analysé un ensemble de situations mettant en valeur trois types de dispositifs universitaires illustrant de façon différente leur rapport à la ville : - Le type de l’inscription centrale : la faculté des Incurables dans le quartier Belsunce - Porte d’Aix à Marseille. Elles y ont étudié les recompositions sociales liées à l’implantation de la faculté des sciences dans ce quartier historique. - Le type de localisation dans un quartier spécialisé mais proche du centre ville : la Cité des Gazelles, à Aix-en-Provence, qui s’inscrit dans un secteur à dominance universitaire. Cependant, ce secteur s’intègre dans un quartier résidentiel proche du centre-ville, et joue un rôle primordiale d’aller et venue, d’ouverture, d’échange.

17 1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

« Pour le sociologue urbain l’université est avant tout un espace social urbain, acteur à part entière de la vie sociale. Elle est le lieu où une population, qui sort plus ou moins de l’adolescence, vient prendre ses marques au sein de la société : lieu d’initiation, de professionnalisation mais aussi lieu où une couche sociale construit son identité, imaginaire, symbolique et physique. À travers l’exemple d’une implantation universitaire dans le quartier de la Porte d’Aix à Marseille, et à travers ceux de Cités Universitaires à Aix-en-Provence et à Amiens, les auteurs considèrent l’université comme un dispositif spatial au sein duquel prend forme et consistance une collectivité sociale. »


- Le type de la rupture. Le campus d’Amiens, isolé, déconnecté de la cité, est implanté dans un secteur à peine urbanisé et constitue une illustration de « l’université non urbaine ». Ces trois typologies d’implantation sont donc très similaires à celles mises en avant précédemment. Les analyses, elles, sont bien sûr réalisée du point de vue du sociologue et non de l’architecte. Leur méthode varie en fonction de la typologie. Dans le cas de Marseille, la faculté était en train de s’implanter dans un quartier historique : elles ont donc pu analyser les « recompositions sociales » que cela engendrait entre ces acteurs de différents milieux, étudiants mais pas uniquement. Les deux cas suivants illustrent la figure de l’éloignement à la ville. C’est donc l’isolement de ces espaces qui est étudié, sous deux formes différentes, et les problèmes que cela peut poser dans le rôle de l’université comme lieu « d’initiation à la vie urbaine ».

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Leur hypothèse de départ est celle d’une intégration et une vie sociales généralement meilleures pour des étudiants fréquentant un campus proche d’un centre urbain,et donc exposés à bien plus de mixité d’usage, d’opportunités de sorties et de découverte. Cette hypothèse est celle qui vient naturellement à l’esprit : l’air de la ville rend libre... En effet, selon le duo de sociologues, « un trop plein de proximité, d’interconnaissance et donc d’intégration à un groupe peut engendrer des manifestations quasi pathologiques ». Elles dénoncent ainsi l’archétype du campus enclavé engendrant ce qu’elles appellent du « surlien » social, en opposition à la vie urbaine, jugée plus propice aux rencontres fortuites, à l’échange et à la mise en scène de soi. « Paradoxalement, plus les gens se ressemblent et moins ils vont les uns vers les autres, comme si la médiation de la ville était un facteur indispensable de mise en scène de soi et de convivialité. » Bien qu’il soit particulièrement adéquat à ce mémoire, il est important de mettre en perspective cet article. En plus du changement d’époque et de contexte, les typologies présentées ici, certes représentatives, sont loin d’être exhaustives. En effet, la sociologie n’est pas une science exacte, il existe plusieurs spectres d’analyses possibles. Ainsi, dans l’article L’université et la cité de l’urbaniste Philipe Genestier et paru dans le même ouvrage, 6 typologies différentes sont déterminées : le quartier universitaire dans la ville, la ville universitaire, la zone universitaire urbaine, l’université péri-centrale, l’université suburbaine et le campus ou l’université hors de la ville. Dans un but de cohérence, ces typologies ne seront pas étudiées, mais il est important de remettre ces études dans leurs contextes : ce sont des analyses sociologiques intéressantes à étudier sans pour autant être péremptoires. Les conclusions de l’article qui nous intéresse ici relativisent le lien entre l’implantation universitaire seule et la vie sociale des étudiants. Une situation isolée favorise le repli et entraîne des difficultés à la socialisation. « La vie en campus trop fermé, ou en cité trop éloignée, est susceptible d’entraîner un fort sentiment communautaire, mais avec ses effets de contrôle social et de fuite qui conduisent à l’isolement. » Pour autant, il serait réducteur de résumer l’intégration de l’univer-


sité à la ville à une stratégie de localisation. Les formes de l’espace construit orientent les modalités de sociabilité par les situations qu’elles entraînes. Mais la question se pose : « L’intégration n’est-elle qu’une affaire d’ouverture de l’université vers la ville (voire l’inverse) ? » Assurément, le risque est de diluer la vie étudiante et lui faire perdre de sa spécificité en la privant de son identité. L’identité d’un étudiant est certes temporaire, « entre l’avant de l’adolescence et l’après de la vie d’adulte », mais doit disposer d’un espace propre pour se construire, se situer et évoluer.

Ce n’est donc pas tant la seule implantation urbaine de l’université qui importe mais aussi et surtout sa capacité à s’affirmer comme « une entité dont l’identité sociale et culturelle est reconnue et confirmée », et, de fait, elle ne peut se passer d’une certaine forme de territorialité et de communautarisme. « Ce qui fait l’intégration c’est moins la proximité d’espaces sociaux différents que la possibilité de les identifier, d’y accéder facilement et de pouvoir passer de l’un à l’autre. Pouvoir facilement bouger, se déplacer est, dans le contexte contemporain, un facteur primordial de socialisation. Cependant, ce n’est pas non plus en accentuant la déterritorialisation et la division fonctionnelle des espaces grâce à une mobilité sans fin que l’on permettra à l’espace étudiant de sortir de sa crise actuelle. »

19 1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

Abordant le sujet de l’université, les étudiants se placent comme les premiers concernés par ces questions. Or, ils ne sont pas les seuls impactés par l’implantation d’un bâtiment universitaire : les populations non étudiantes vivant à proximité sont également impliquées. L’étude du cas de Marseille a pu mettre en avant les nouvelles dynamiques sociales que l’arrivée nouvelle d’une faculté et ses étudiants ont pu créer. Nouveaux acteurs, nouveaux clients, nouveaux usages : les habitants entretiennent des relations de proximité avec ce public, changeant leurs interactions sociales, et vice-versa. L’analyse de cet exemple montre comment les nouveaux arrivants ressentent le besoin de se différencier, et « prennent soin de marquer leur postures et leurs trajets différents qui leur permettent de se situer par rapport aux autres et de s’identifier ». En tant qu’usagers de l’espace public, les étudiants s’approprient le quartier comme n’importe quel citadin ; mais en tant qu’étudiants dans cette espace, ils ont besoin de se différencier des autres. On peut donc noter comment cette situation sociale, entre étudiants et non étudiants, mobilise des espaces qui doivent être différents. Espaces urbains et espaces universitaires ont besoin d’être clairement différenciés sans négliger leur interactions. « Pour assurer sa fonction de socialisation, l’université a besoin à la fois d’espaces qui lui soient propres mais aussi de relations avec la ville. »


SOCIALISATIONS RÉCIPROQUES / L’enjeu soulevé ici d’inter-socialisation entre les publics étudiants et non étudiants est primordial. Mais alors que les interactions sociales physiques entre étudiants ont gardé les mêmes fondamentaux, ces types de relations ont beaucoup plus évolué : internet et la téléphonie mobile toujours, mais également les façons de consommer et de fréquenter l’espace public sont complètement différentes aujourd’hui de ce qu’elles étaient il y a vingt ans. C’est dans les actes du colloque de Grenoble du 1er et 2 juin 2005, intitulé Le logement des étudiants en France et en Europe : formes et formules organisé par Grenoble Université, que l’on peut trouver un exemple plus pertinent sur ce type d’échange social.

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Il s’agit plus d’un constat que d’une étude, et il est d’autant plus intéressant qu’il concerne cas marseillais, faisant écho à l’analyse évoquée précédemment. Dans l’intervention de Valérie Guidarini intitulée Le logement étudiant à la rescousse des quartiers en difficulté ? L’exemple de Marseille, cette sociologue tire des conclusions sur la présence depuis les années 90 d’un groupe d’étudiants résidant dans un quartier difficile au nord de Marseille. Elle s’est intéressée à la capacité d’animation qu’auraient ces étudiants et leur contribution à la recomposition du lien social, et fait le bilan suivant : « l’arrivée massive d’étudiants dans le quartier a généré un impact très discret, par rapport à l’effet symbolique attendu ». En voici les raisons selon elle : - Les flux de circulations ne favorisent pas les échanges, - Un sentiment d’insécurité est entretenu par des attitudes de méfiance, - Quasi absence de contact entre la population étudiante et celle des cités où les occasions de côtoiement sont assez rares - Les « gens de la cité » éprouvent un ressentiment vis à vis de la population étudiante qui représenterait une jeunesse insouciante à laquelle les jeunes du quartier n’ont pas accès. Ainsi devrait-on « se méfier de l’instrumentalisation de la population étudiante dans un objectif de réalisation d’une mixité sociale. [...] La juxtaposition des publics ne génère pas forcément de la mixité sociale. » C’est enfin Sylvie Ursella, du département information et communication de l’IUT 2, qui la cite en conclusion : « Même si l’augmentation quantitative d’étudiants résidents apparaît être sans conteste un élément d’animation sociale globale assez positif, mis en avant à la fois par les commerçants et les habitants, il semble plus hasardeux de miser uniquement sur le nombre d’étudiants comme facteur de transformation spécifique. »


La question des influences sociales d’un complexe universitaire va donc bien au delà de la simple implantation de celui-ci par rapport à la ville. Contextes sociaux, économiques, identitaires et politiques sont tout aussi importants, ce qui répond à la question soulevée précédemment : « l’intégration n’est-elle qu’une affaire d’ouverture de l’université vers la ville (voire l’inverse) ? ». Il s’agit plutôt de trouver un équilibre entre relations urbaines, juxtapositions des publics, mixités d’usages mais aussi intégration des nouveaux habitants dans une ville.

Il s’agit donc de nuancer le rôle de l’implantation urbaine des complexes universitaires dans la vie des étudiants... Ou du moins, de la mettre en perspective. Concrètement, oui, elle joue un rôle social direct évident dans la vie étudiante, comme montré dans L’espace universitaire et la ville. Les enjeux sociaux de la localisation des espaces universitaires. Cependant, les conséquences de la présence d’un complexe universitaire dans une ville, quelle que soit sont implantation, sont vont bien au-delà, sont plus complexes et dépendent de bien plus de facteurs. Ainsi, selon cet article, une implantation proche de la ville et en interaction avec elle permettrait un meilleur développement social de l’étudiant : soit, mais ne négligeons l’identité même du complexe universitaire qui l’aidera à forger sa propre identité. Par ailleurs, qu’en est-il de la vie sociale des non-étudiants ? Ces populations acceptent-elles bien la présence estudiantine ? Ceux-ci sont-ils acteurs, usagers de leur quartier, ou ne font-ils que le traverser sans y interagir ? Sont-ils facteurs de mixité sociale ? Devraientils l’être ?... Cette étude se contentera d’analyser trois implantations urbaine différentes et les mettra en relation avec la vie étudiante concrète de ces villes. En effet, selon les conclusions de ces analyses, on peut supposer que les étudiants de Strasbourg sont les mieux intégrés à leurs espaces universitaires et à leur ville. La présence d’un campus au sens propre du terme lui donne une identité forte, ancrée anciennement dans le tissu du centre ville, avec laquelle il peut donc interagir directement. Qu’en est-il de ces interactions, en terme urbanistique et culturel ?

21 1. ENJEUX URBAINS DE LA LOCALISATION DES ESPACES UNIVERSITAIRES

Sylvie Ursella évoque une initiative dans ce sens, à vocation de créer des juxtapositions de publics plus riches, mêlant également mixité d’usage et intégration. Il s’agit d’un modèle imaginé et mis en oeuvre par la ville de Barcelone où sont mis en contact des personnes âgées autonomes disposant de grands logements avec des étudiants. Ceux-ci, en échange de certains services pour l’entretien, les sorties ou les courses, disposent de l’hébergement gratuit chez la personne âgée. « Une certaine idée de la mixité, qui fait se rencontrer des publics qui pourraient à première vue sembler très éloignés. » Un autre projet évoqué assure l’accueil et l’hébergement d’étudiants à la ferme, chez des agriculteurs incités à rénover et louer leur patrimoine... Les idées nouvelles ne manquent pas, mais il s’agit toujours d’un domaine en exploration.



2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN « L’université des années 1960-70 a été conçue comme une stricte structure éducative, la vidant ainsi de son rôle d’animation culturelle et urbaine. »


2.1 CONNEXIONS URBAINES Comme l’ont montré Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi, l’enjeu du campus n’est pas tant son emplacement vis à vis de la ville mais les liens qu’il entretient avec elle. Moyens de transport, continuité de tissus, d’usages : ce sont eux qui vont intégrer le campus à sa ville, et l’affirmer comme partie intégrante. Cependant, l’article conclut également qu’un complexe universitaire a besoin d’avoir son identité propre pour aider les étudiants à s’y forger la leur. Ainsi, en terme d’urbanisme, la question du complexe universitaire doit concilier deux stratégies a priori opposées : l’intégration dans la continuité de la ville existante tout en conservant un caractère particulier.

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Pour juger de cette identité et cette intégration dans les cas qui concernent cette étude, il est possible d’abord de comparer les rapports de pleins-vides des tissus urbains et universitaire. Cela permettra d’évaluer la façon dont les complexes universitaires entretiennent leur rapport avec la ville, s’ils y sont en continuité ou en rupture. Ensuite ce sont les moyens de transports disponibles qui seront comparés, afin d’évaluer les connexions possibles entre ces espaces et le reste des villes. On pourra alors juger de l’enclavement urbain de chaque situation, en terme spatial comme en terme d’accessibilité, et donc de son intégration et son caractère identitaire. CONTINUITÉS DE TISSUS / À Grenoble, la différence de densité de tissu est frappante. Le centre-ville très serré et irrégulier, est presque l’inverse du campus, très ouvert, dégagé, où des bâtiments très orthogonaux sont implantés selon des alignements très précis. Bien sûr, ce sont les principes de l’architecture moderne que l’on retrouve dans ce plan, conjugués avec la volonté de construire un campus très paysager sur les modèles américains. Cela dénote donc une intention de coupure vis à vis de la ville historique, une recherche d’identité et d’indépendance forte : les mêmes principes qui ont mené à l’invention même du campus. Philippe Genestier écrit à propos de la construction du campus d’Harvard : « C’est le désir d’autonomie qui anime les créateurs. Ceux-ci, tirant la leçon de l’assujettissement de l’université par le pouvoir régalien, et reproduisant en le radicalisant le modèle d’Oxford, créent le campus, c’est à dire une communauté indépendante, hors de la métropole, mais également hors de la petite cité qui l’accueille. »1 Cependant, en vis à vis du tissus urbain qui borde directement ce campus de Grenoble, c’est à dire une zone industrielle, on trouve une certaine homogénéité. On y retrouve les bâtiments géométriques et alignés, mais la densité s’accroît, liant finalement les deux tissus extrêmes de façon progressive.

1 - GENESTIER

Philippe, L’université et la cité, Espaces et société, n°80, éd. L’Harmattan 1995.


C’est donc une affirmation très forte de rupture qui se lit ici. Le campus, construit à l’inverse du centre ville, est en quelque sorte intégré, mais au tissu industriel de l’entrée de ville. Les deux espaces ne possèdent rien en commun, ni même une frontière : ils apparaissent comme totalement indépendants l’un de l’autre.

Enfin, à Nancy, cette analyse est difficile à réaliser. À cause de son complexe universitaire en grande partie éparpillé dans le tissu historique de la ville, l’interprétation du rapport entre les deux est multiple. Effectivement, certaines entités, plus récentes, ont développé des « campus » dans les années 60-70, qui correspondent au rassemblement de certains bâtiments spécialisés dans un ensemble homogène en bordure de ville : c’est le cas par exemple pour les lettres et les sciences. Le modèle est alors proche de celui de Grenoble, avec des espaces en dehors de la ville dense, séparés par un tissu cette fois d’habitat individuel. Paradoxalement, alors que le complexe universitaire semble à première vue le plus fondu dans la ville, la situation à Nancy n’est donc pas la mieux intégrée. En plus d’un complexe universitaire éparpillé, on note finalement l’absence d’homogénéité dans le traitement architectural et urbain des espaces à destination des étudiants, brouillant sa lecture. Chaque espace possède son propre rapport à la ville, inclus directement dans le tissu historique ou bien complètement éloigné de celui-ci. L’ensemble possède donc une identité quasi inexistante, puisque les étudiants ne partagent pas les mêmes usages d’un espace qui serait unique, comme les espaces extérieurs, les restaurants universitaires, les transports... Ainsi c’est l’esprit communautaire qui fait défaut, au

25 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

Sur le campus de Strasbourg, on trouve un même type d’occupation des sols très régulière, bâtiments géométriques et implantations alignées. On note par contre une différence dans la composition de l’ensemble, bien plus symétrique, de part et d’autre d’un axe menant à un bâtiment central. Cette composition répond à celle de l’institution historique qui constitue le coeur du campus et possède une architecture monumentale typique du XIXe siècle. La majeure différence réside dans le rapport avec le tissu de la ville historique. Ici, le campus, dont la plus grande partie date aussi de l’époque moderne, est inclus dans le tissu historique, et ce depuis sa construction. Ainsi a-t-il été composé en fonction, et bien que l’architecture y soit complètement différente, on y trouve des bâtiments certes modernes mais aux dimensions plus modestes et surtout à l’agencement plus dense. Le campus y est donc intégré à la manière d’un quartier de la ville à l’histoire différente, comme par exemple l’ancien faubourg de Grenoble que constitue aujourd’hui le quartier Berriat. Certes, le tissu, l’architecture et les usages ne sont pas les mêmes qu’au centre ville, mais il se situe dans sa continuité, et ne constitue ni une limite ni une fracture dans le tissu. On a donc un campus particulièrement bien intégré urbanistiquement parlant, mais qui maintient son identité par son architecture et sa composition. Le cas Strasbourgeois concilie ici forte identité et liens privilégiés avec la ville, selon les principes recommandés par Sylvia Ostrowetsky et MarieHélène Poggi.


profit de l’émergence d’une grande variété de petits groupes affiliés à une formation en particulier, un quartier dans la ville, un espace unique, le tout sans unité.

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27 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN Grenoble, tissus du centre ville et du campus,1/5 000ème, Ministère des finances et des comptes publics, disponible sur cadastre.gouv.fr


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Strasbourg, tissus du centre ville et du campus, 1/5 000ème, Ministère des finances et des comptes publics, disponible sur cadastre.gouv.fr


29 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN Nancy, tissus du centre ville et de la fac de lettres, 1/5 000ème, Ministère des finances et des comptes publics, disponible sur cadastre.gouv.fr/


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Dans chacun des cas c’est l’architecture moderne des années 60/70 qui donne aux espaces universitaires leur singularité par rapport à leur ville. C’est bien sûr aux mouvements de mai 68 que l’on doit ces « modernisations » des institutions universitaires, dans tous les sens du terme, dans une précipitation peut être un peu trop grande. Ce sont ces volontés d’émancipation, libération, indépendance et ouvertures qui ont mené à ces espaces détachés, peu accessibles, fermés sur eux-mêmes et dont les ambitions libératrices n’ont finalement pas fonctionné. On voulait se détacher des institutions étatiques monolithiques et la forme architecturale a suivi, mais ce qu’il en reste aujourd’hui est souvent justement trop lâche, et a peut être manqué un peu de discipline pour perdurer jusqu’à aujourd’hui. Le cas le plus emblématique est bien sûr l’université de Vincennes, cas expérimental laissé en autogestion, qui a été rasé quelques années seulement après son ouverture. Mais sans être aussi extrêmes, les partis pris architecturaux volontairement en faveur de ces idées d’ouvertures, ont rarement été préservés. L’amphi Maglionne de l’ENSAG a été fermé, de même que ses espaces de toiture. Sur le campus grenoblois, les bâtiments étaient conçus sur pilotis, afin de ne pas obstruer le champ de vision et donner l’effet d’une grande plaine libre et ouverte, à arpenter sans entrave. La plupart ont été obstrués pour loger des bureaux ou salles de classe, par manque d’espace... Les bâtiments universitaires sont aujourd’hui un patrimoine, un souvenir d’une époque où ils servaient de terrain d’expérimentation à une pensée architecturale nouvelle et encore à l’essai : beaucoup de bâtiments du campus de Grenoble sont ainsi classés patrimoine du XXe siècle. Les usages urbains et notamment liés à l’éducation on tellement évolué en 50 ans qu’il aurait forcément fallu adapter ces espaces à la ville contemporaine. L’intérêt des expérimentations qui ont été faites dans ce domaine, erreur ou non, c’est de faire avancer la réflexion en nourrissant les projets actuels en expériences sociales et architecturales qui permettent des améliorations en connaissance de cause.

CONTINUITÉS DE RÉSEAUX / La façon dont ont été construits les espaces universitaires influe sur leur rapport physique avec la ville : dans la continuité de son tissu, détachés, indépendants, différents... Toutefois, ce n’est pas ce critère seul qui donne à interpréter l’intégration de ces espaces à la ville : l’enjeu spatial de continuité réside dans les transports. Ceux-ci, quelle que soit la situation urbaine d’un endroit donné, diminuent les distances et les reliefs, et rendent plus accessible un lieu excentré mais connecté qu’un quartier central non desservi. Sur la question des mobilités, les villes se sont grandement équipées depuis quelques années et l’émergence des constats comme ceux de Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi. Ainsi des réseaux se sont développés en incluant ces espaces à l’époque coupés du reste de la ville, de même que les banlieues et villes nouvelles dont les conséquences de l’isolement commençaient à être pointées du doigt. Enfin, l’émergence d’une volonté de durabilité dans le développement urbain n’a fait qu’accélérer ces initiatives et encourager les municipalités à se doter d’un réseau cyclable conséquent.


Sur ce corpus, toutes les villes possèdent un réseau de transport en commun très dense et qui n’oublie pas d’irriguer le complexe universitaire. Disposant de bus et de tramways, ceux-ci fonctionnent jusqu’à minuit minimum en semaine et le week-end. Enfin, Strasbourg, Grenoble et Nancy possèdent toutes un réseau cyclable qui couvre l’ensemble de la commune et est en pleine expansion, et bénéficient d’un ou plusieurs systèmes de location de vélo à courte ou longue durée. On peut dire que les étudiants sont loin d’être déconnectés de leur ville ou démunis de moyen de transport.

31 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN


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Plan urbain du réseau de transports de l’agglomération grenobloise, source TAG

Itinéraires cyclables de l’agglomération grenobloise, source La Métro


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Itinéraires cyclables de l’agglomération strasbourgeoise, source Strasbourg Communauté Urbaine

2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

Plan urbain du réseau de transports de l’agglomération strasbourgeoise, source CTS


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Plan urbain du réseau de transports de l’agglomération nancéienne, source STAN

Itinéraires cyclables de l’agglomération nancéienne, source Communauté urbaine du Grand Nancy


Grenoble comme Strasbourg possèdent 3 lignes de tram pour desservir leur campus, fonctionnant jusqu’à 1h du matin et complétées par plusieurs lignes de bus. À Nancy, on remarque que les lignes de tram (implanté récemment) desservent autant les facultés excentrées que les lieux fréquentés par le public non étudiant, comme le complexe sportif par exemple.

L’avenir de ces espaces universitaires est toujours en projet. Maintenant que les enjeux d’accessibilités et de connexions commencent à être pris en compte, c’est la question des publics qui est à l’étude. Ces espaces, maintenant partie intégrante de la vie urbaine, certes, continuent de s’adresser majoritairement au public étudiant, et donc d’avoir une temporalité particulière, calqué esur leur emploi du temps Concernant ces enjeux, le modèle pris en exemple est toujours américain : la Silicon Valley et les « campus » industriels et technologiques. Le campus de Saclay à Paris a pour ambition de « regrouper à terme entre 20 et 25 % de la recherche scientifique française »1 d’ici quelques dizaines d’années, ou comme l’appelle son président, « le plus grand projet d’aménagement du territoire depuis les villes nouvelles dans les années soixante »... À moindre échelle, à Grenoble, où cette relation formation/industrie s’ancre dans une histoire technologique ancienne, le Pôle international d’Innovation pour les Logiciels et Systèmes Intelligents (PILSI), actuellement en construction en face d’EVE, est au centre du projet de restructuration de la place centrale du campus. En mutualisant la formation et la recherche avec les industries technologiques, c’est un autre public qui fréquentera le campus. Adulte, salarié, aux temporalités proches de celles des étudiants, ce public va amener avec lui des commerces et de l’activité qui vont diversifier l’offre programmatique de ces espaces et donc y faire vivre un public plus varié. De plus, dans le 1 - Olivier Rollot, Paris Saclay: bientôt 20% de la recherche française sur un immense campus [archive], sur Le Monde, 19 mai 2013 (consulté le 10 juillet 2014)

35 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

À défaut de l’annuler, ces réseaux permettent de beaucoup diminuer l’impact des implantations urbaines difficiles de ces complexes universitaires. Souvent pensées à une époque où les enjeux urbains n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, les stratégies urbaines ont dû s’adapter et faire avec un patrimoine universitaire parfois subi. Et ce, notamment par le développement des réseaux de transport en commun et des voies cyclables qui ont pu désenclaver ces espaces en diminuant les temps nécessaires au déplacement. Aujourd’hui, tous les étudiants peuvent joindre le centre ville en un quart d’heure, et ce même pour les plus démunis et sans moyen de transport indépendant. Ainsi, l’image d’Épinal du campus universitaire coupé de la ville, éloigné, inaccessible et étudio-centré n’est plus d’actualité aujourd’hui. Conçus de façon souvent utopiques, destinés à l’indépendance et l’autonomie, les complexes universitaires ont depuis été soumis à de nombreuses opérations de connexion et renforts des liens à la ville notamment par les réseaux de transports. Aujourd’hui, on ne peut plus dire des complexes universitaires, du moins ceux étudiés, qu’ils ont une situation urbaine « enclavée » qui nuirait à la vie sociale de leurs étudiants, selon les critères de Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi.


contexte de crise actuel, investir pour la technologie en offrant à ses industries des espaces agréables et au coeur d’un nid de population formée et employable permet de s’assurer de sa présence à long terme.

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2.2 RAYONNEMENTS CULTURELS

Pour mesurer l’influence de la présence étudiante sur la vie culturelle des villes choisies, il faut donc commencer par quantifier la diversité de l’offre proposée par leurs services culturels universitaires. Puis de faire le même exercice pour les événements organisés par des associations étudiantes, pour ensuite mettre en rapport ces données avec les différentes implantations urbaines des complexes universitaires du corpus.

37 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

La présence estudiantine dans une ville lui fait bénéficier d’un riche foyer de public producteur et consommateur de culture : les étudiants. Mais cette activité culturelle qu’ils génèrent, ils n’en sont pas les seuls initiateurs. En effet, dans leur volonté d’intégrer ce public à leur vie urbaine, les villes disposent en général d’un service culturel dédié à l’organisation d’événements à destination des étudiants. Qu’ils soient directement issus de la municipalité ou dérivés du CROUS, les services culturels universitaires jouent un rôle fondamental, car c’est la ville qui s’efforce d’éduquer ses étudiants en organisant des événements pour leur permettre de s’ouvrir à la culture : en cela, la ville joue son rôle. Mais pour autant ces manifestations ne leur sont pas réservées ; ils bénéficient de tarifs préférentiels mais toute la ville en profite. C’est ce mouvement municipal engendré par la présence des étudiants qui constitue le coeur solide de l’activité culturelle qu’ils apportent à une ville. Non seulement en faisant bénéficier à toute sa population d’une vie culturelle riche et diversifiée sous le prétexte étudiant, mais aussi par le rôle de lien entre la vie urbaine et la vie étudiante que jouent ces événements. C’est au cours de ces manifestations que les publics vont se rencontrer, que les étudiants vont sortir de leurs amphis mais aussi que la ville va y rentrer, car les événements de cette nature sont autant à l’extérieur qu’à l’intérieur des complexes universitaires. Enfin, en implantant ces services le plus souvent à l’intérieur même des espaces universitaires, la ville joue le rôle d’initiateur. En plus de montrer l’exemple aux étudiants et de leur donner envie de monter leurs projets, ces services sont aussi là pour les accompagner dans leurs propres initiatives, via un service de formation et d’accompagnement. Une question sur l’organisation d’un événement ? Une démarche pour se monter en association ? Louer une salle ? C’est leur travail d’y répondre. Les services culturels municipaux sont donc la clef de voûte de l’activité culturelle « étudiante » des villes. En maintenant une programmation solide tout au long de l’année grâce à la présence des étudiants qui en seront le public cible, mais aussi en montrant l’exemple et en encourageant les projets culturels de ceux-ci, ils sont le pivot de la plus-value labellisée « étudiante » dans les manifestations culturelles d’une ville.


Service culturel du campus de Grenoble :

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Grenoble, 1/75 000ème Lieux des manifestations du service culturel du campus

Aire de rayonnement du service culturel du campus

Associations étudiantes de Grenoble :

Grenoble, 1/75 000ème Lieux des manifestations des associations étudiantes

Aire de rayonnement des associations étudiantes


Service Universitaire de l’Action Culturelle de Strasbourg :

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Aire de rayonnement du service culturel du campus

Associations étudiantes de Strasbourg :

Strasbourg, 1/75 000ème Lieux des manifestations des associations étudiantes

Aire de rayonnement des associations étudiantes

2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

Strasbourg, 1/75 000ème Lieux des manifestations du service culturel du campus


Service culturel universitaire de Nancy :

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Nancy, 1/75 000ème Lieux des manifestations du service culturel universitaire

Aire de rayonnement du service culturel universitaire

Associations étudiantes de Nancy :

Nancy, 1/75 000ème Lieux des manifestations des associations étudiantes

Aire de rayonnement des associations étudiantes


On note une différence avec les cartes de Strasbourg, recensant les événements organisés par le SUAC au cours de la saison 2014-2015. Ceux-ci sont majoritairement concentrés à l’intérieur du campus ; quelques timides sorties sont organisées mais jamais très loin de la vieille ville. À Strasbourg aussi, donc, on note la volonté de la ville d’offrir à ses étudiants un accès à la culture, mais celle-ci reste tout de même à proximité quasi immédiate du campus. De plus, la variété des manifestations n’est pas très grande : une exposition à l’espace Apollonia, et des projections cinématographiques à la Maison de l’Image et au Grand Amphi de médecine, certes en dehors du campus mais quand même dans un espace universitaire. Du côté des événements organisés par des associations étudiantes, les informations ont été recueillies selon diverses sources d’agendas culturels 2014-2015 et pages facebook d’associations, associations trouvées grâce au recensement sur le site du CROUS de la ville. Tout comme les événements municipaux, ceux-ci se trouvent majoritairement situés en abord du campus, et ce sont également des événements qui sont principalement festifs ou autour du cinéma, moins diversifiés donc que ceux organisés par la ville. Ainsi c’est comme si l’organisation du complexe universitaire en campus offrait à Strasbourg une vie étudiante communautaire, encline à s’organiser et monter des associations, participer à la vie urbaine, etc., mais que sa situation avantageuse, inscrite au centre ville, avec ses infrastructures et équipements à proximité, ne leur donnait pas vraiment le besoin d’en sortir.

41 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

Pour Grenoble, les cartes répertorient les événement de l’agenda culturel de l’année 2014-2015 « Un tramway nommé Culture » regroupant l’ensemble des manifestations étudiantes, de leurs initiatives mais des initiatives de la ville également. On y lit une large diffusion des événements culturels municipaux à destination des étudiants dans toute la ville et même les villes alentour (Échirolles, Meylan), démontrant une vraie volonté de la ville de faire sortir les étudiants en dehors du campus. La diversité est tant dans les lieux investis que dans la diversité de programmation proposée. En effet, la MC2 propose l’offre la plus variée avec théâtre, danse et musique, mais chaque lieu possède sa spécialité : cinéma à la salle Juliet Berto, musique et danse à la Rampe, concert à la Bobine, théâtre au 145, expos au Magasin, ... Concernant l’activité à l’initiative des étudiants, celle-ci est également assez diffuse, bien que plus centrée autour du centre ville. La programmation est moins variée, et plus orientée vers la culture festive : musique, notamment, au Drak Art, à la Bobine, la Bifurk, l’Ampérage... Mais tout de même quelques projections à la Cinémathèque et même un festival de cinéma espagnol et latino-américain au Mélès. Ce que l’on remarque c’est une mutualisation des lieux de représentation : cela montre bien comment le service culturel joue son rôle d’exemple en ouvrant la voie aux projets et initiatives étudiantes.


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Enfin, à Nancy, les établissements d’enseignement ne sont pas rassemblés sous une seule entité. ll y a l’université de Lorraine qui rassemble tout le département mais ne s’occupe pas du culturel : chaque établissement est indépendant pour cela. Les cartes ont donc été réalisées par des recherches assez difficiles car aucune instance ne regroupe l’ensemble de ces données. Pour le service culturel, ce sont quelques salles où ont lieu des événements qui sont représentés, initiés par une ou plusieurs écoles en particulier. Concerts, soirées, expositions de travaux, sortis des établissements d’enseignement mais restant très concentrés autours d’une filière en particulier et ne s’adressant pas à un public plus large. Ces événements sont organisés grâce à la mise en place de nombreux partenariats entre les facultés et les salles de spectacles. De fait, à Nancy, la ville ne possède pas de service culturel universitaire. Pour jouer son rôle d’initiateur à la culture, la municipalité utilise un autre moyen : la carte Nancy Jeune Culture. Pour 5€ et réservée aux 10-25 ans et aux étudiants, elle donne droit à des réductions et entrées gratuites tout au long de l’année. Pour les initiatives étudiantes, les lieux référencés sont les lieux d’enseignement. Il existe des salles qui traditionnellement les accueillent en dehors, comme la Manufacture ou le Hublot, mais elles se situent en ville, donc à proximité des établissements universitaires, mais incluses dans le périmètre global de l’aire dessinée par le complexe universitaire. Inutile donc de différencier ceux-ci, puisque, comme le campus, l’activité culturelle étudiante se trouve disséminée à travers la ville, et surtout diluée dans un ensemble d’initiative unique, sans distinction précise avec le reste de sa vie culturelle. En comparaison avec Grenoble et Strasbourg, l’activité étudiante semble à première vue répartie de façon beaucoup plus homogène. Cependant, ce sont des événements sans grande variété, prenant place dans des espaces souvent propres aux des étudiants et leur sont principalement destinés. Les initiatives plus « ouvertes » ne bénéficiant pas d’une couverture médiatique particulière, faut de services culturels universitaires, sont donc anonymement fondus dans l’offre culturelle globale de la ville. Ainsi, malgré une répartition très homogène, ces événements ne sont paradoxalement pas ouverts à de nombreux publics. La force universitaire de Nancy se manifeste plus exceptionnellement. Tous les deux ans, par exemple, est organisé un festival à l’échelle de toute la ville autours de la place Stanislas. Appelé Les 24h de Stan, cet événement constitue un pic d’activité dans la vie étudiante de la ville. Il s’agit d’un grand rassemblement autours d’une course de char, vélo, roller, qui tournent autours de la place durant 24 heures, sur le modèle de la compétition du Mans. Avec cette grande fête sont organisés de nombreux concerts et activités qui se déroulent sur plusieurs jours et constituent une manifestation culturelle à l’initiative étudiante sans égale par exemple à Grenoble. Pourtant, cet événement ne fait pas exception. Il s’agit à l’origine un événement de promotion pour le bal de l’école d’agronomie, aujourd’hui ENSAIA, et dont la tradition a perduré depuis la fin des années 60. Paradoxalement à une activité culturelle étudiante discrète, on trouve donc cet événement, ainsi que d’autres (Aquacité...) qui, plus rares, font la force de l’organi-


sation étudiante nancéienne. Il est alors intéressant de constater que, pour des raisons de préservation du patrimoine de la ville, celle-ci souhaite délocaliser le lieu des 24h de Stan en dehors de la ville, rendant cette tradition de 50 ans beaucoup moins accessible et intégrée dans sa vie urbaine, comme si la ville de Nancy ne souhaitait pas voir ses étudiants participer à son activité et sa vie culturelle... Un compromis aurait peut-être pu être trouvé pour conserver le patrimoine traditionnel autant que le patrimoine urbain.

43 2. ENJEUX CONTEMPORAINS DU CAMPUS DE DEMAIN

Dans tous les cas, on comprend bien que le rapport entre une ville et ses universités est précieux et doit être fort. « L’université joue le rôle d’initiateur à la vie urbaine », disaient Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi : c’est plutôt la ville qui joue le rôle d’initiateur à sa propre vie. Ce n’est pas l’université uniquement, en tant qu’espace ou institution, qui va intégrer l’étudiant dans la ville, mais la ville elle-même et la façon dont elle gère son lien avec ses universités. Ici, c’est l’importance que prend de la façon dont est géré ce rapport qui ressort. Ainsi, dans les villes contemporaines, où les transports en commun, pistes cyclables et autres moyens de liaison entre complexe universitaire et ville sont bien développées, l’enjeu est d’inviter ces étudiants à participer à la vie urbaine à laquelle ils ont dorénavant accès. En accompagnant leurs projets, démarches associatives, mais aussi en leur proposant des événements variés, le rôle de la ville est de tenir cette place de pivot entre initiation et accompagnement. Elle doit être celle qui montre la culture, puis celle qui aide à la faire. Philipe Genestier écrivait, en 1995, « fait marquant, l’université des années 1960-70 a été conçue comme une stricte structure éducative, la vidant ainsi de son rôle d’animation culturelle et urbaine, sans musée, sans service public et sans commerce ». C’était peut-être vrai à l’époque, mais on constate que, dans ce domaine, les villes ont fait d’énormes progrès, montrant qu’elles ont bien compris que l’accès à la culture et l’accompagnement des associations étudiantes étaient primordiaux dans l’initiation de ceux-ci à la vie urbaine, et plus généralement leur intégration dans les activités de la ville.



3. LE CAMPUS ET SES USAGES « Ouvrir une fenêtre du campus sur la ville et faciliter les échanges entre ces deux univers. »


3.1 SON RÔLE DANS LA VIE URBAINE

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Les complexes universitaires sont destinés à l’usage des étudiants, des enseignants et des administratifs : espaces de logement, de bureau et d’enseignement bien sûr, mais également espaces de recherche, laboratoires et complexes sportifs. Cependant, ces espaces sont aussi partie intégrante d’une ville, et ce quelle que soit leur situation urbaine : ils constituent des quartiers au même titre que n’importe quelle autre partie de la ville. Ce sont donc des espaces complexes : ils doivent répondre aux besoins très spécifiques d’une population qui l’est tout autant, tout en jouant le même rôle que n’importe quel autre espace public. L’enjeu est alors de permettre des usages réservés aux populations universitaires sans que le reste de la ville ne s’en sente exclu. Cette question se pose principalement à Grenoble, où le campus est vraiment éloigné et coupé de la ville et de ses activités. À Strasbourg, celui-ci fait partie intégrante du tissu de centre urbain, la question de l’accessibilité et de la mixité des publics se pose donc moins. À Nancy, la dissémination des espaces universitaires dans toute la ville ne leur donne pas une image d’espace réservé à l’usage des étudiants, mais comme des lieux à disposition de toute la ville puisque ne faisant pas partie d’un ensemble universitaire défini. C’est donc le campus de Grenoble qui servira d’exemple pour analyser ces questions d’intégration du campus dans la ville en terme d’usages. Du fait de sa situation urbaine excentrée, il sera intéressant de montrer comment ce campus fait en sorte de s’intégrer dans la vie urbaine globale de tout habitant, et comment il réussit ou non à offrir à ses étudiants plus qu’un lieu répondant à leurs besoins « techniques ». INFRASTRUCTURES ET ÉQUIPEMENTS / Cela a été vu précédemment, le service culturel du campus de Grenoble et les associations étudiantes proposent une programmation très riche dans toute la ville. Cependant, ils sont aussi très présents sur le campus même, en organisant des manifestations toujours ouvertes à tous, via un réseau d’équipements varié dont le coeur est l’Espace de Vie Étudiante, EVE. Pensé dans les années 90 en réponse à l’héritage dépassé de 1968 et la volonté de placer les campus hors des villes, cet espace a pour vocation depuis sa création à ouvrir le campus à la ville et réciproquement. « Le projet d’Espace de Vie Étudiante voulait également faire évoluer les mentalités qui limitaient le rôle de l’université à un simple espace docte et ascétique, quasi monacal. En y développant des activités à destination du public étudiant, le projet voulait aussi ouvrir une fenêtre du campus sur la ville et faciliter les échanges entre ces deux univers. »1 EVE a donc été inauguré en 2003 et laissé à la gestion des étudiants 1 - Intervention de Philippe Gatheron, fondateur des rEVEeurs à l’origine du projet EVE, lors du colloque de Grenoble de 2005


eux-même. Cela n’a pas été sans tensions : en 2011, profitant de la fin de la délégation de service public, l’université a voulu en reprendre la gestion. Mais un consensus a été trouvé et aujourd’hui c’est l’association SEVE qui a repris le flambeau, après de nombreuses mobilisations des étudiants. Ce n’est donc pas sans difficulté qu’une telle gestion, unique en France, peut exister, mais l’engagement des étudiants prouve bien leur attachement à ce fonctionnement. En plus d’accueillir de nombreuses manifestation de la programmation du Tramway nommé Culture, EVE regroupe également une pépinière d’associations, un espace d’accueil des nouveaux étudiants rassemblant CROUS, CAF, sécurité sociale, et les instances administratives auxquelles les étudiants auront affaire, un café/bar, un espace scénique et les locaux de plusieurs associations dont Radio Campus. L’année de son inauguration, EVE a accueilli plus de 320 manifestations.

Tous ces types d’événements sont ouverts à tous, mais organisés par ou pour les étudiants : le public cible est donc un public jeune. Certaines manifestations peuvent évidemment parler à toutes les tranches d’âge, comme certaines projections ou spectacles, mais le coeur cible de la programmation culturelle sur le campus, bien que sans restriction, est quand même les 15-25 ans. Toutefois, des tentatives vers l’attraction de nouveaux publics sont lancées par le service culturel. En 2012, des visites art-architecture du campus ont été mises en place par ce service et organisé par des étudiants en histoire de l’art et en architecture. En effet, le campus de Grenoble dispose d’un important patrimoine de 1% artistique d’un quarantaine d’oeuvre, dont le troisième Calder de la ville, faisant de cet espace un véritable musée à ciel ouvert. Le format était une visite deux heures organisée sur demande, mais elles n’ont pas trouvé leur public sous cette forme. Aujourd’hui il existe des visites guidées du campus à vélo dans le cadre de la programmation du Tramway nommé Culture. Enfin, les équipements sportifs du campus sont accessibles pour tous les clubs de l’agglomération et peuvent être utilisés par tous.

47 3. LE CAMPUS ET SES USAGES

C’est donc dans cet espace que les rencontres étudiants-non étudiants ont lieu, pour la plupart, grâce à une gestion originale par les étudiants, pour les étudiants et donc particulièrement adaptée. En parallèle de cet équipement polyvalent, on trouve aussi des bâtiments plus spécialisés : L’Aquarium, une nouvelle salle de spectacle dans la zone de résidence, y apporte de la vie et de l’activité, en accueillant par exemple un cycle de projections mensuelles gratuites financées par le CROUS et organisées par une association étudiante. L’Amphidice est un ancien amphithéâtre de l’université Stendhal qui a été entièrement équipé pour devenir une salle de spectacle aux normes professionnelles et dédiée à la représentation des productions culturelles des étudiants. La Piscine et son bar accueillent également plusieurs manifestations d’ordre plus festif, comme les Mercredis Pimentés.


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Un concert dans l’agora de EVE, © EVE, source facebook

ESPACES PUBLICS / Comme tout quartier d’une ville, le campus est aussi un espace public. Rues, places et parcs servent ici des espaces universitaires mais gardent leur valeur d’espaces accessibles à tous, de passage ou d’arrêt, à s’approprier ou non. Les espaces publics du campus de Grenoble ont cela de particulier qu’ils ont été conçus comme un paysage. Écrin des bâtiments universitaires qu’ils desservent, ils sont composés comme un vaste parc, avec ses 90 essences d’arbre, un arboretum, et des bâtiments isolés comme des monuments, ponctués d’oeuvres d’art. C’est donc un espace public au caractère très particulier, et sa position éloignée du centre ville en fait un lieu de destination pour le public non étudiants. Pique-niques dans l’herbe, ballades, vélo, skateboard, roller et pétanque sur la place centrale : depuis qu’il est correctement desservi, le campus est fréquenté notamment par des familles, le week-end et pendant les vacances scolaire.1 De plus, il est étonnant de noter que grâce à sa tranquillité durant ces périodes, et sa grande quantité de ronds-points, le campus fait également office de circuit de formation des jeunes conducteurs. Cette affluence, aux proportions tout de même relatives, amène de la vie sur le campus en dehors des horaires de cours. Même si elle se limite à un public dominical sous réserve de beau temps, elle prouve que le campus de Grenoble est attractif en soi, en tant qu’espace pur. Il est à déplorer que les activités, elles, comme EVE ou les quelques commerces qui bordent l’arrêt de tram, ne puissent ouvrir en dehors des horaires étudiants. Le président de l’association des commerçants du campus, Christian Zucaro, a fait une intervention à ce sujet lors du colloque de Grenoble de 2005 sur le thème du logement étudiant. Il y souligne les difficultés de maintenir des activités économiques sur le campus : en moins de 10 ans, depuis leur implan-

1 - Observations réalisées sur place un samedi ensoleillé du mois de juin.


tation en 1997, 4 ont mis la clef sous la porte faute de rendement. Il pointe le fait que, sur le campus, on ne peut compter que 130 jours ouvrés par an, car les jours de cours sont considérés comme les seuls valant la peine d’ouvrir, le campus étant trop peu fréquenté en dehors. Selon lui, cette situation est due à deux facteurs principaux : l’implantation de EVE, bien plus au centre du campus, et qui ne leur fait pas profiter de son animation et attractivité, et la ville qui ne propose aucune aide financière pour abaisser les baux commerciaux et les aligner à la réalité économique du campus.1

Des promeneurs sur la place centrale du campus, © UPMF, source UPMF

1 - Depuis la publication de ce rapport la situation a peut être changé.

49 3. LE CAMPUS ET SES USAGES

Ce sont donc deux arguments principaux qui rendent le campus de Grenoble attractif pour toute la ville : une programmation culturelle riche et des espaces publics de qualité. Des équipements culturels à la hauteur et un système de desserte bien déployé viennent appuyer ces atouts Enfin, c’est la ville et sa volonté de faire vivre son campus, de donner à ses habitants des occasions de s’y rendre et de le fréquenter, qui donnent au campus de Grenoble son statut de destination. En projet, la diversification des usages avec l’implantation prochaine du PILSI devrait aider à mixer les publics et rendre le secteur plus attractif.


3.2 APPROPRIATIONS ÉTUDIANTES

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En plus de ses étudiants et du personnel universitaire, le campus de Grenoble est donc également pratiqué par des familles et des promeneurs. Mais les étudiants fréquentent-ils leur campus en dehors de leurs heures de cours et de révision ? Au delà de la qualité des espaces d’enseignement et de résidence, il s’agit d’évaluer si le campus de Grenoble possède des espaces facilement appropriables par les étudiants, leur permettant suffisamment de libertés d’usage pour s’y sentir confortable. Sylvia Ostrowetsky et Marie-Hélène Poggi écrivent dans leur article que « les espaces destinés aux étudiants, même pensés en termes de « confort technique », même réalisés en réponse à leurs « besoins sociaux », n’empêchent pas des effets de désocialisation », en parlant de l’impact social d’un espace pensé avec trop de rigidité. Et c’est vrai que le campus de Grenoble a été construit à une époque où le fonctionnalisme était de mise : le besoin d’espaces comme EVE ou l’implantation de commerces a posteriori démontrent un manque dans la conception initiale. Des témoignages avaient été recueillis sur le campus de Grenoble pour le colloque de 2005, et à l’époque les avis convergeaient sur plusieurs points : plus de grands espaces culturels, des espaces conviviaux de proximité, la possibilité de s’approprier les lieux et des abords de qualité1. Ainsi, plusieurs « réparations » qui on été faites pour y remédier : la transformation de l’amphi 10 en salle de spectacle Amphidice, construction de l’Aquarium l’année dernière, agrandissement d’EVE... Le campus s’adapte aux évolutions des usages. S’il est donc bien fourni en lieux culturels, autant pour l’exprimer que pour s’en nourrir, la vie étudiante ne se résume pas qu’aux cours et à la culture. Ce sont dans des espaces comme EVE où les étudiants peuvent se réunir, jouer aux cartes, boire un verre ou un café, jouer à la pétanque ou simplement traîner. En 2004, c’est la Maison de Grenoble INP qui a ainsi été inaugurée. Situés dans l’enceinte de l’institut polytechnique, cet espace, ouvert sur l’extérieur, est réservé à ses étudiants. Sa fonction est proche de celle d’EVE : un espace pour les étudiant, allant du café à la réunion d’association, en passant par la simple sieste d’inter-cours ou la révision de dernière minute. En encourageant ainsi les utilisations « libres » mais encadrées, les étudiants se permettent plus de libertés et c’est donc cet espace qui constitue le « foyer » du temps libre des étudiant. C’est à ses alentours par exemple qu’ils viennent profiter du beau temps pour réviser dans l’herbe ou organiser un barbecue, des usages qu’ils ne se seraient peut-être pas permis n’importe où mais qu’ici, puisque « chez eux », ils se sentent libre d’exercer. Le campus de Grenoble possède donc des espaces publics particulièrement agréables par beau temps : grands espaces en herbe, parcs, levées de 1 - Dans Le logement des étudiants en France et en Europe ; formes et formules, Atelier 3 : politiques de sites, nouveaux référentiels, nouveaux acteurs, nouveaux partenariats modèles économiques, p. 112.


Les relations entre les étudiants et le campus sont donc un équilibre fragile. Construit à une autre époque, il n’évolue pas aussi vite que les usages et cela mène à une constante remise en question de ses équipements. Cela peut mener à des tensions et des conflits : le cas des Jardins d’Utopie démontre le besoin qu’expriment les étudiants à s’approprier leur lieu de travail, afin qu’il devienne véritablement leur lieu de vie. Ce type d’initiative en opposition devrait justement être entendu comme des besoins exprimés par les étudiants, via une lutte symbolique : 10 ans plus tard, les jardins sont toujours interdits, mais toujours là. Ne serait-il pas plus logique de donner aux étudiants un espace approprié avant de faire des projets de campus à l’échelle européenne ?

1 - http://jardins-utopie.over-blog.com/,

au tribunal », publié le 14 octobre 2013.

p. 9 : « Les Jardins d’Utopie bientot

51 3. LE CAMPUS ET SES USAGES

terrains et places minérales sont très fréquentées par les étudiants. Pour simplement se poser, réviser ou bien bronzer, les glacis de la place centrale constituent l’endroit idéal dès les premiers jours de printemps. Mais cet espace public n’est pas non plus laissé à toutes les appropriation des étudiants. En 2006, suite aux mouvements d’occupation des espaces universitaires contre la loi du Contrat Première Embauche, un petit jardin potager a été créé devant la bibliothèque droit-lettres du campus. Ce Jardin d’Utopie, creusé, entretenu et récolté par l’association étudiante du même nom, n’a cessé de se battre pour son existence. Bien nommé, ce jardin a toujours été un point de tension avec l’université. « Ces jardins sont nés de la lutte, on ne se rendra pas sans lutter. »1 Créé dans un esprit de jardin partagé et d’autonomie alimentaire (symbolique), l’idée a su prendre de l’importance chez les étudiants. Petit à petit il est devenu le centre de divers événement : entretien et récoltes bien sûr, mais aussi repas, concerts, rencontres et débats, pour prouver à l’université que cet espace était géré de façon responsable et apportait un vrai apport de vie sur le campus. Ce type d’initiative dérange l’université pour l’image qu’elle véhicule, et a été assez claire quand, en 2011, en rentrant de vacances, les étudiants ont vu leur utopie rasée sous prétextes esthétiques. Malgré cela et plusieurs passages en tribunal administratif, aux chefs d’accusation dépassant les frontières du campus (occupation abusive et illicite ainsi que dégradation de l’espace public...) les Jardins d’Utopie sont aujourd’hui plusieurs et continuent à porter leurs fruits. Pourtant, ce sont les grands projets comme le Plan Campus et l’ambition de faire de Grenoble un « campus de l’innovation » qui menace le plus cette initiative pourtant innocente : la notion de jardin partagé ne doit pas être assez « innovante »...


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La terrasse d’EVE bondée d’étudiants au printemps, © EVE, source facebook

Le Jardin d’utopie devant la BU droit-lettre, © Jean-Baptiste Auduc, source placegrenet.fr


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3. LE CAMPUS ET SES USAGES



CONCLUSION « La vie étudiante dépend-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ? »


La « vie étudiante » est une notion générique. La vie d’un étudiant est aussi riche et variée que personnelle : elle est, avant d’être étudiante, une vie. Mais elle a cela de particulier d’avoir une typologie d’espace qui lui est propre : l’espace universitaire. Il est donc facile de faire un rapprochement direct entre la qualité de cet espace et la qualité de la vie qui va avec. Mais bien sûr, la réalité est plus complexe. Comme dans toute vie, le milieu fréquenté possède une influence énorme. Pour autant, c’est loin d’être le seul facteur et il est réducteur de juger d’une vie en fonction de son cadre.

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Ainsi on peut répondre clairement à la problématique posée. « La vie étudiante dépend-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ? » Non. Elle ne dépend de rien au sens stricte du terme : un étudiant, comme n’importe qui, garde son libre arbitre en toute circonstance. Cependant, l’influence de cette implantation urbaine est importante. Ce que l’on constate, dans cette étude, c’est la façon dont la situation urbaine du campus détermine sa relation avec la ville, mais aussi les subtilités de cette relation. Plus fluide en terme de continuité urbaine pour Nancy, son éparpillement rend plus difficile l’intégration de sa population en terme d’usages. À Grenoble, c’est l’inverse : urbanistiquement en rupture, cette situation donne au campus une identité qui rend plus simple son identification et permet de faire de sa différence urbaine un atout, une richesse pour la ville, et de mieux gérer l’intégration des étudiants. Aujourd’hui c’est donc l’équilibre qui est recherché. Et c’est finalement logique si l’on considère la vie des campus de France. Nés au siècle dernier sur un impulsion gouvernementale en réponse à un manque matériel, ils sont le fruit d’une volonté institutionnelle. Construits dans l’urgence, c’est aux étudiants de leur donner un nouveau souffle en 1968 en cherchant l’émancipation et l’innovation. Aujourd’hui, cette relation de dualité perdure : villes et campus, municipalités et usagers, institutions et étudiants. Les deux partis sont en tension, le cas des Jardin d’Utopie cristallise et caricature ce rapport de force, mais aussi d’écoute, qui est ce qui la rend dynamique et en mouvement.


L’équilibre, souhaitons-le, ne sera sans doute jamais trouvé. Ce sont ces difficultés qui poussent les villes à agir. Si le campus de Grenoble n’était pas si excentré, son service culturel universitaire ne ferait pas bénéficier la ville d’une vie culturelle aussi variée. Finalement, c’est le même constat qu’en introduction, qui s’applique à l’échelle urbaine ; c’est peut être parce qu’il s’ennuie dans son campus excentré qu’un étudiant va s’investir dans la vie associative ; et c’est parce que ses étudiants sont perçus comme exclus de la vie urbaine qu’une ville va créer plus d’occasions de s’y ouvrir, par la culture notamment.

La relation entre ville et complexe universitaire n’est donc pas généralisable, et les classement du type de celui du magazine l’Étudiant sont rien de plus que des stratégies de communication territoriale. Chaque ville devra gérer son patrimoine en fonction certes de son implantation, mais aussi de son offre culturelle en place, de ses transports, et, surtout, de ses besoins. L’enjeu n’est pas d’atteindre un équilibre mais au contraire de constamment se remettre en question, et faire évoluer ces espaces en permanence, afin de faire de la vie étudiante une vie rêvée : riche et pleine de surprises.

57 CONCLUSION

Non, la vie étudiante ne dépend pas de l’implantation urbaine du campus, cependant à Grenoble on constate une plus grande diversité d’offre culturelle municipale et étudiante qu’à Nancy. Or le campus y est bien plus excentré et en marge de la ville. Donc ce qui est dépendant de l’implantation urbaine des complexes universitaire, c’est la façon dont les villes vont entretenir leurs relations avec les étudiants. Les grenoblois(es) ne sont pas plus ou moins heureux d’avoir un campus excentré, ou les nancéien(ne)s d’être fondus dans le tissu du centre ville : on peut faire des généralités, mais chaque individu le vit à sa manière. Cependant, cette étude le montre, la vie culturelle universitaire est moins développée à Nancy. Est-ce un mal ? Non : c’est qu’elle n’en a pas le besoin. La vie culturelle étudiante est riche à Grenoble car elle répond à un besoin. Ce n’est donc pas une plus-value, par rapport à une autre ville, mais le fruit d’un rééquilibrage. La ville de Nancy n’a pas besoin d’accompagner ses étudiants dans une vie culturelle particulière : celle que la ville a à offrir leur est déjà accessible.



BIBLIOGRAPHIE À propos de l’historique des campus et leur étude sociologique : - GENESTIER Philippe, L’université et la cité, Espaces et société, n°80, éd. L’Harmattan 1995. - OSTROWETSKY Sylvia et POGGI Marie-Hélène, L’espace universitaire et la ville. Les enjeux sociaux de la localisation des espaces universitaires, Espaces et société n°80, éd. L’Harmattan 1995. À propos des problématiques contemporaines des campus d’aujourd’hui : - GATHERON Philippe, Le projet rEVEurs, Grenoble, dans « Le logement des étudiants en France et en Europe : formes et formules, actes du colloque de Grenoble du 1er et 2 juin 2005 », Grenoble Universités, 2005. - GUIDARINI Valérie, Le logement étudiant à la rescousse des quartiers en difficulté ? L’exemple de Marseille, dans « Le logement des étudiants en France et en Europe : formes et formules, actes du colloque de Grenoble du 1er et 2 juin 2005 », Grenoble Universités, 2005. - URSELLA Sylvie, Étudiants, involontaires acteurs de la mixité sociale ? dans « Le logement des étudiants en France et en Europe : formes et formules, actes du colloque de Grenoble du 1er et 2 juin 2005 », Grenoble Universités, 2005. À propos des histoires des universités du corpus : - ARMBRUSTER S., BEDEZ J., LEPAGE M. et SERGENT C., L’Histoire de l’Université de Nancy, [en ligne]. Disponible sur : http://histoire. univ.nancy.free.fr/?theme=accueil (page consultée le 12 juin 2015.) - Service de la communication de l’Université de Strasbourg, Histoire de l’Université de Strasbourg, [en ligne]. Disponible sur : https://www.unistra. fr/fileadmin/upload/unistra/documentation/historique_uds.pdf (page consultée le 12 juin 2015.) - Université Stendhal, Quelques rappels sur les origines de l’université Stendhal et celles, plus anciennes, de l’Université de Grenoble, [en ligne]. Disponible sur : http://www.u-grenoble3.fr/version-francaise/presentation/l-universite-stendhal/un-peu-d-histoire/historique-1605.kjsp?RH=U3FR_PRES011 (page consultée le 12 juin 2015.) À propos des programmations culturelles de Grenoble et Strasbourg : - Université Grenoble Alpes, Un tramway nommé Culture, programme de la vie culturelle et étudiante des campus grenoblois, [en ligne]. Disponible sur : http://issuu.com/commudg (page consultée le 23 juin 2015) - Université de Strasbourg, Agenda, [en ligne]. Disponible sur : http://www.unistra.fr/index.php?id=agenda_unistra&tx_ ameosttnews_ameosttnews-filter-event%5Bthemes%5D=4%2C6&tx_ ameosttnews_ameosttnews-filter-event%5Btypes%5D=3%2C4%2C5%2


C8&tx_ameosttnews_ameosttnews-agenda%5Baction%5D=mensuel&tx_ ameosttnews_ameosttnews-agenda%5Bcontroller%5D=Agenda&cHash=5c6 52ae048c4d74ce965241332118b16 (page consultée le 23 juin 2015) - Université de Strasbourg, Événements du SUAC, [en ligne]. Disponible sur : http://www.unistra.fr/index.php?id=18809# (page consultée le 23 juin 2015) - Université de Strasbourg, Liste globale des associations étudiantes, [en ligne]. Disponible sur : http://www.unistra.fr/index.php?id=21524 (page consultée le 23 juin 2015) À propos des Jardins d’Utopie : - Les Jardins d’Utopie, Lieu des possibles, potagers autogérés, jardins publics ou espaces communs. Les jardins d’Utopie sont ce que tu en fais, en face de la BU Droit-Lettres sur le campus de Grenoble, [en ligne], Blog disponible sur : http://jardins-utopie.over-blog.com/ (page consultée le 23 juin 2015)

Crédits photographiques : - Introduction : Vue aérienne du campus de Harvard, © Africa Business Club, a student club of Harvard Business School, source hbsabc.com - Première partie : Vue sur le palais universitaire de Strasbourg, © Stralang, source stralang.com - Deuxième partie : Les chars des 24h de Stan à Nancy, © Nassif Najjar Photography, source facebook - Troisième partie : Vue sur la Cornue de Calder devant la BU droit-lettre et le Jardin d’Utopie © Yann Cracker, source astudejaoublie.blogspot.fr - Conclusion : Rendu perspective sur le projet du futur campus Google, © BIG & Heatherwick Studios, source latimes.com


Remerciements : Stéphanie pour le suivit et Cécile pour la bibliographie ; Pauline pour ses souvenirs de la vie étudiante nancéienne ; Dan pour son soutien sans faille ; Ma famille et particulièrement mon père pour les corrections express ; Bertrand et le service culturel du campus de Grenoble qui m’ont introduit au monde universitaire ; L’association Fa Sol Latino pour m’avoir inspiré la problématique ; Kellogg’s et leurs céréales Trésor Chocolat Noisette pour être si bonnes et faciles à préparer



LA VILLE RESSOURCE, mémoires 2014.2015 - «La crise, une opportunité de réinventer le métier d’architecte ?», Justine Guyard - «Transmettre l’architecture en milieu scolaire, une démarche transversale», Mélody Burté - «Territoires d’adultes, territoires d’enfants», Alice Meybeck - «Villes et industries du cinéma, des évolutions complémentaires», Caroline Renaud - «Le déjà-là, une trace du passé et un support physique pour les projets d’avenir», Marystelle Coq - «Décors d’agriculture, des corps d’agriculture», Danil Vadsaria - «Mutation des quartiers-gares, d’un lieu de passage à un lieu de vie», Walid Belamri - «Le périurbain, un territoire d’action : l’architecte face au patrimoine périurbain», Antoine Baudy - «L’interstice en milieu urbain dense, un potentiel de régénération sociale et culturelle», Jordan Barnaud - «L’urbanité du temps libre : l’influence des nouveaux rythmes de vies sur la construction du milieu urbain», Kevin Mallejac - «L’effet Bilbao, une réalité sur un piédestal», Camille Azé - «Vie étudiante et implantation universitaire : la culture étudiante dépend-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ?», Colin Miquet - «Les stratégies ferroviaires dans la requalification urbaine», Mathieu Cardinal - «Cœur de village, cœur de vie : le rôle de l’équipement multi-programmatique en milieu périurbain», Elaine Sanchez - «La reconversion et la redynamisation des friches industrielles intra-muros à des fins culturelles : un enjeu de régénération urbaine», Lola Duval - «Des architectes aux parcours riches et variés : se réinventer à travers l’expérience du «collectif»», Siham El Kanaoui - «Postures d’architectes et démarche participative», Pauline Dutraive - «Field-recording et migrations architecturales», Jérémie Faivre - «Les nouveaux eldorados urbains : à la conquête des espaces alternatifs», Valentin Poirson - «La mixité programmatique entre usages et paysages urbains», Quynh Nguyen - «Le jardin domestique: de l’espace individuel fantasmé aux - «do-tank» contemporains», Quentin Guillaud - «Commerces urbains, évolution des places marchandes dans la ville», Hugo Chevallier


Étudier les relations entre la situation urbaine des espaces universitaires et la vie étudiante de ses usagers : voilà l’ambition de ce mémoire. L’activité culturelle des étudiants est riche et considérée comme un facteur d’attractivité pour une ville. Mais paradoxalement, les espaces universitaires sont souvent en retrait de cette ville, par une implantation en excentrée ou un manque d’accessibilité. Est-il possible de lier ces deux phénomènes ? Il semblerait logique que, si les étudiants soient moteur d’initiatives culturelles variées, ce soit pour répondre à un manque d’accès à cette culture : celui que la ville n’arrive pas leur fournir. L’ennuie pousse à la création : la vie culturelle étudiante dépend donc-t-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ?

Juin 2015 . École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble


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