histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles et
dictionnaire des peintres
colonna
ĂŠdition
Pierre claude Giansily
histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles et
dictionnaire des peintres
isBn : 978-2-915922-36- 3 Colonna édition Jean-Jacques colonna d’istria la maison bleue - hameau de san Benedetto 20167 alata – tel/fax 04 95 25 30 67 Mail : colonnadistria.jj@wanadoo.fr site internet : www.editeur-corse.com © colonna Édition, 2010 le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article l.122-5 d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d’autre part, sous réserve que soient indiqués clairement l’auteur et la source, « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’ouvrage auquel elles sont incorporées », toute reproduction intégrale ou partielle, toute traduction, adaptation ou transformation opérée sans le consentement des auteurs ou de leurs ayants droit est interdite. il en va de même des reproductions et enregistrements opérés sur supports numériques ainsi que de leur diffusion, notamment par hébergement sur un site accessible par internet. ces infractions constituent les délits prévus et réprimés par les dispositions de l’article l.335-3 du code de la propriété intellectuelle.
Cet ouvrage a été publié avec le concours de la Collectivité territoriale de Corse
Pierre claude Giansily
histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles et
dictionnaire des peintres
colonna
ĂŠdition
soMMaire présentation introduction .....................................................................
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Regards sur l’histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
La peinture au xixe siècle la peinture de la première moitié du xixe siècle : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts .................................... les conditions du développement de la peinture en corse.. Le legs Sisco ..................................................................... aspects de la peinture en corse ...................................... les artistes français et étrangers dans l’île entre 1800 et 1850 : une façon différente de voir la corse................ la peinture de la seconde moitié du xixe siècle : nouvelles modes et nouveaux sujets ...................................... la vitalité de la peinture en corse.................................... Quelques peintres entre Corse et continent........................... Sociétés artistiques ........................................................... Peintres et photographes.................................................... Lieux d’exposition à Ajaccio, avant la galerie Bassoul ......... Colomba et la Corse .......................................................... Quelques illustrateurs de la Corse ...................................... le voyage en corse ......................................................... Visions de la corse au cours de la seconde moitié du xixe siècle.................................................................... les peintres français et étrangers dans l’île ..................... Les peintres anglo-saxons ................................................ la promotion de la corse ................................................
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La peinture au xxe siècle la peinture de la première moitié du xxe siècle : modernité, enracinement et expansion d’un art corse............. la poursuite de la promotion de la corse ........................ Le rôle du tourisme dans l’économie et la notoriété de la Corse . Quelques figures de l’école d’ajaccio .............................. L’Ecole d’Ajaccio .............................................................. la peinture à Bastia......................................................... La diffusion de la peinture à Bastia ..................................
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des artistes loin de leur île .................................................... les artistes corses à paris ....................................................... les artistes à Marseille .......................................................... les peintres corses en afrique du nord .................................. Critiques d’art ........................................................................ Les collections publiques .........................................................
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autres visions de la corse au cours de la première moitié du xxe siècle par les artistes français et étrangers........................... les artistes français ............................................................... La Corse aux Salons parisiens .................................................. Les affichistes ........................................................................ Les artistes français. Parcours par région .................................. les artistes étrangers ............................................................ Illustrateurs britanniques ....................................................... Les artistes étrangers en Corse .................................................. Bilan de ces visions de la corse.............................................. Le paysage corse ..................................................................... regard sur les années 1940 en corse ....................................
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la peinture de la seconde moitié du xxe siècle : diversité des genres et artistes en nombre..................................... Variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse .............................................................. Les musées en Corse dans les années 1950 ................................. de la tradition à la modernité ; la transition des années 1960-1980 et la peinture contemporaine ............ cyrne arte et corsicada ........................................................ Les artistes à la librairie - galerie « La Marge », de 1977 à 2004 ..... Le Fonds Régional d’Art Contemporain en Corse ........................ La peinture et le monde associatif ............................................ Les musées en Corse en 2010 .................................................... Les peintres de la Corse aujourd’hui ......................................... regards sur la peinture .........................................................
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dictionnaire des peintres a-Z........................................................................................ 57 [ Bibliographie ] ...............................................................................433 remerciements.............................................................................435
prÉsentation
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roposer aujourd’hui au public une histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles et un dictionnaire des peintres de cette période est apparu comme une nécessité. en effet, depuis la publication, en 1993, du « dictionnaire des peintres corses et de la corse 1800-1950 », beaucoup de choses
cette histoire de la peinture en corse sur une période de deux cents ans est aussi celle des institutions, des organisations, des individualités, en fait, de tous ceux qui ont agi par le passé et qui agissent en ce moment pour l’enseignement, la diffusion de la peinture, la connaissance des artistes et la conservation des œuvres d’art.
ont évolué dans le domaine de la connaissance de la peinture. les expositions, souvent accompagnées de catalogues soli-
après 1960, les peintres, plus nombreux en corse, répartis sur tout le territoire, abordent tous les domaines : traditionnels et
dement documentés, les monographies d’artiste et publications variées se sont succédé, apportant de précieuses informations sur les artistes. les peintres contem-
« avant-gardistes » avec toujours une singularité insulaire. cet aspect est également abordé, avec les limites du genre, s’agissant de la peinture « en train de se faire ».
porains sont mieux connus ; ils disposent s’ils le souhaitent, avec l’internet, du moyen de faire leur propre promotion et de toucher une très large audience. À présent, nous avons une bien meilleure approche du travail accompli par les artistes du xixe siècle et de la première moitié du xxe siècle, qui furent des périodes de très grande émulation entre les artistes avec également l’émergence d’une peinture régionale à forte identité. présenter par périodes successives la créativité artistique dans son contexte et évoquer les artistes, présenter leurs œuvres et montrer les synergies créées dans différents domaines est le but de cet ouvrage.
l’histoire de la peinture en corse est aussi celle des artistes. pour cette raison, une partie importante est consacrée à un dictionnaire des peintres de cette période. il s’agit en l’occurrence d’un engagement pris en 1993, lors de la publication du dictionnaire des peintres corses et de la corse de la période 1800 à 1950, contenant 325 notices qui était le premier du genre et a connu un franc succès. la présentation de cette édition prévoyait « une mise à jour de ce dictionnaire qui serait l’occasion de mentionner les peintres qui ont été omis involontairement et qui permettra sans doute d’élargir la période des origines à
nos jours. » l’heure est ainsi venue de procéder à cette reprise du travail entamé alors, avec le même esprit. cette partie dictionnaire, illustrée à présent, souvent grâce aux collections publiques, vise à connaître les artistes sur la base des informations rassemblées grâce à des documents de toute nature, aux œuvres produites et aux témoignages recueillis. il facilite l’accès, par de nombreuses références bibliographiques, aux travaux de ces peintres et indique les lieux, notamment les musées, où les œuvres de ces artistes sont conservées. ce dictionnaire contient des notices sur 1 300 peintres (dont les notices de l’ouvrage de 1993 entièrement remaniées), avec, dans la mesure du possible, le détail de leurs envois aux manifestations publiques et, très souvent, des citations ou mentions d’articles permettant de saisir l’état d’esprit du public et de la presse au moment de la réalisation des œuvres.
pour la plupart des artistes contemporains, une démarche différente a été adoptée car beaucoup d’entre eux possèdent un site internet, sur lequel se trouvent souvent le parcours de l’artiste ainsi qu’une galerie « virtuelle » permettant de voir leur travail. de la sorte, ils assurent la diffusion de leur peinture et peuvent atteindre un plus large public. ce dictionnaire ne saurait prétendre à l’exhaustivité et c’est bien involontairement que tel ou tel peintre aurait été oublié ; quant à la longueur des notices, elle n’est évidemment pas proportionnelle au talent d’un artiste mais résulte souvent uniquement du manque de documentation. enfin, il s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à ce monde si riche et si vivant pour leur donner des indications, des repères ou des pistes et peut-être ainsi susciter des travaux ou recherches pour mieux connaître ce qui constitue souvent notre patrimoine.
preMière partie histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
intRoduction
e l a Pe histoiRe d l’ R u s s d ReGaR e les e t xx sièc aux xix e
coRse intuRe en
arts pour les l’intérêt e d t n e sem t affermis e sièCLe ursuite e o p ix : x le e c modes u è t re a xix si x sujets e u a e v u La peintu la première moitié du o e ècle : n du xix si re de e moitié la peintu m iè x u e e re de la d rt cors la peintu d’un a t re n e nomb cinem tes en t enra is e t r é a it t ern es e : mod s genr C Le e e iècle sité de x s iè r xx s e x u iv d u d itié ea cle : e re mo ntur x siè La pei re de la premiè e moitié du x tu xièm la pein la deu e d e r tu la pein
la peinture au xixe siècle introduction
Introduction
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’histoire de la peinture en corse au cours de la période 1800-2000 se compose de plusieurs périodes avec une très grande variété de thèmes et de sujets, la plupart du temps dans le ton des modes picturales des différentes époques, parfois influencés par ces modes ou, au contraire, avec des annotations particulières, qui mettent en relief leur appartenance à ce que l’on appelle aujourd’hui l’École corse de peinture. cette histoire de la peinture, c’est également l’occasion de découvrir la diversité des talents d’artistes de tous horizons : de corse et d’autres régions françaises ou de pays étrangers très variés ayant peint l’île et ses habitants.
permettant à un nombre toujours plus important de communautés et de familles de s’intéresser aux arts, affichant ainsi à leur entourage leur réussite et leur goût. ce phénomène ira croissant tout au long du xixe siècle.
Quelques grandes lignes ressortent de ce regard sur deux siècles de peinture qui peut se décliner par séquences quasiment régulières de cinquante années chacune, correspondant d’ailleurs, à grands traits à l’histoire de la nation française et de l’île.
on observe ensuite un démarrage très notable de la peinture avec de nombreux peintres formés dans les meilleures écoles de rome et de paris, à présent en capacité de répondre à des commandes de plus en plus nombreuses, émanant d’institutions ou de particuliers, connaisseurs et exigeants. ils sont aussi, d’une manière un peu paradoxale, les créateurs d’un art corse qui est alors doté d’une certaine originalité et moins tributaire des apports extérieurs. ils serviront d’exemple et de modèle pour la brillante génération des peintres nés entre 1870 et 1890. À partir des années 1850, cette évolution est liée notamment aux résultats d’une nouvelle prospérité économique et d’une meilleure circulation des idées en général. la presse de son côté, avec de très nombreux journaux, commence à ouvrir ses colonnes aux Beaux-arts et à parler de la peinture et des artistes.
on constate ainsi, au cours des années 1800-1850, une activité très soutenue, dans le prolongement d’une tradition artistique que l’on connaît parfois précisément mais que l’on mesure en fait depuis peu. cette activité est liée, depuis la fin du siècle précédent, à un accroissement de la richesse
dès après 1890, une pléiade de peintres corses est en activité, à ajaccio, Bastia ou à paris, Marseille et en afrique du nord, créant un art corse, par le choix des sujets et par les choix techniques qu’ils opèrent. Formés le plus souvent à paris, ils vont apporter une vitalité très forte à la vie artis-
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tique insulaire et, pour quelques-uns d’entre eux, mener des carrières remarquables, servant de modèles à certains artistes de leur temps. c’est à ajaccio que la création picturale est la plus féconde, donnant une large place à la peinture de paysage puisque les artistes découvrent la richesse et la variété de leurs sites et de la lumière corse tout en s’attachant à décrire les coutumes et traditions insulaires ou bien la vie quotidienne des personnages de la ville et de la campagne. les artistes de cette période, dont certains ont atteint une renommée nationale et internationale, ont participé de façon déterminante à la création des images icônes de la corse et à la promotion d’une image forte et typique de leur île. parallèlement, et jusqu’à la fin des années 1930, on assiste à une formidable dynamique de l’action de peindre la corse, due surtout à l’attrait de l’Île de Beauté comme destination touristique et lieu de passage et d’expérience pour les artistes qui ont donné de la corse une vision complémentaire à celle des peintres insulaires. la presse, et surtout les revues, notamment au cours de l’entre-deuxguerres, quel que soit leur centre d’intérêt, évoquent régulièrement les peintres corses et amis de la corse, reproduisant leurs œuvres, familiarisant encore plus les artistes avec un large public. entre le début de la seconde guerre mondiale et la fin des années 1960, se produit une baisse importante de l’activité créatrice bien
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
que celle-ci soit loin d’être négligeable. les conditions générales de cette période sont peu propices à l’expression artistique et nombre d’artistes qui avaient fait la réputation de la peinture corse ont disparu ou n’ont qu’une activité réduite. les années 1950 et 1960 sont ainsi un temps de transition et les artistes formés à cette époque charnière arrivent sur le devant de la scène avec des idées novatrices qui ne sont pas toujours comprises par le public pendant que d’autres, assez nombreux, restent fidèles à la représentation figurative. dans le même temps, de nombreux artistes font carrière loin de leur île, choisissant des thèmes et des techniques très différents, les inscrivant dans une nouvelle modernité artistique. les initiatives engagées au cours de cette période notamment pour éveiller le talent de nouveaux artistes porteront leurs fruits au cours des décennies suivantes.
avec le début des années 1970, on assiste à une nouvelle envolée qui correspond à la période du « riacquistu » culturel, pour présenter aujourd’hui des aspects très diversifiés avec un nombre toujours plus important d’artistes. des manifestations sont organisées, des galeries ouvrent leurs portes aux quatre coins de l’île, des rendezvous artistiques sont institués dans différentes régions de corse, montrant le travail d’artistes venus de tous les horizons, facilitant les échanges et la communication. parmi les nombreux artistes corses, qui sont souvent des plasticiens plus que des peintres au sens traditionnel du terme, certains participent à des manifestations sur le continent et à l’étranger où ils se font connaître et apprécier, atteignant une grande notoriété, tout à fait comparable aux artistes de la première moitié du xxe siècle qui ont encore actuellement
la faveur du public. ils figurent dans les collections publiques insulaires et hors de corse, preuve de leur talent. de nos jours, on constate une forte dynamique de promotion de l’art en général, avec de nombreux lieux d’exposition, une couverture plus grande de la part des médias et ainsi à une meilleure compréhension de l’art contemporain. l’ensemble de ces actions a profondément modifié le champ de production artistique et largement contribué à inscrire la corse dans l’actualité des expressions plastiques. il reste que le public est sans doute dans l’attente de grands projets lui permettant de mieux connaître ses artistes. les créateurs, qui l’ont clairement exprimé à différentes occasions au cours des dix dernières années, sont également dans cette attente d’outils les rapprochant de leur public et des institutions.
Regards sur l’histoire de la peinture en Corse aux xIxe et xxe siècles
la peinture au xixe siècle première moitié du xixe : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts
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La peinture au xIxe siècle La peinture de la première moitié du xIxe siècle : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts les conditions du développement de la peinture en corse la première moitié du xixe siècle est une période où la peinture occupe une place grandissante dans la vie sociale et culturelle de la corse. en effet, outre une certaine tradition de la peinture, surtout décorative, avec un style Barochetto de grande qualité, interviennent dans l’île de profondes mutations notamment sur le plan politique et institutionnel qui faciliteront le développement de l’art, même si certaines conditions ne sont pas très favorables. la deuxième moitié du siècle verra l’intérêt pour la peinture grandir, la richesse économique en étant le moteur essentiel. les initiatives vont se multiplier et le nombre d’artistes peintres augmenter de façon très sensible, certains connaissant la notoriété, pendant que la production atteint une grande qualité technique. l’école corse de peinture
est ainsi extrêmement dynamique par le nombre de peintres en activité, la diversité des sujets qu’ils traitent, et surtout l’originalité des œuvres produites, preuve de la capacité des artistes, formés à paris ou à rome, de rivaliser avec ceux des autres régions françaises. en 1800, alors que la corse est française depuis à peine plus de trente ans, de nombreuses traces subsistent de l’histoire partagée avec Gênes dans l’organisation de la société. s’agissant de l’intégration de la corse à la France, elle sera longue et complexe dans de nombreux domaines dont celui de la culture. cependant, il est certain aujourd’hui que la peinture s’est bien développée en corse au cours des siècles et, en 1800, les peintres sont nombreux dans l’île et un grand nombre d’entre eux spécialisés comme peintres décorateurs. sans doute, la peinture a-telle connu moins de rayonnement que dans d’autres régions françaises ce qui n’aurait pas permis l’émergence d’une forte tradition artistique. cette situation s’explique par l’histoire, les dominations successives et les luttes pour la liberté. le fait que l’art était souvent « importé », notamment de l’italie toute proche, ne doit pas masquer l’existence de nombreux peintres résidant en
corse en capacité de répondre parfaitement aux demandes diverses et variées. le statut de la corse, sous domination génoise, peut expliquer ce qui apparaît comme un certain désintérêt des gouvernants pour le développement de l’art. on mentionnera également la dureté de la vie pour les habitants, la faible place de la bourgeoisie et d’une certaine manière, l’absence de nécessité sociale des artistes, toujours par comparaison avec d’autres régions. le fait d’être une île, loin des centres artistiques régionaux, parisiens et européens, difficilement reliée au continent et dont les communications intérieures souffrent de graves carences, explique que les échanges n’aient pu être que peu nombreux pendant une grande partie du xixe siècle. la corse reste ainsi, malgré elle, à l’écart de l’évolution et des modes ; l’étude du répertoire des artistes recensés montre que l’inspiration de l’antiquité est ignorée et que les styles néo-roman et néo-gothique n’ont aucune influence sur les artistes insulaires. la question de la formation des peintres tient une place particulière. la situation financière d’une importante partie de la population explique que les moyens manquent très souvent pour faire face aux dépenses entraînées par de longues études
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
en italie ou en France. ainsi, à côté de l’enseignement artistique dispensé à ajaccio et à Bastia à partir des années 1830 par le système éducatif public, sont créés, plus tardivement, des cours de dessin et de peinture municipaux ou privés comme celui de paul-Mathieu novellini* (1831-1918), à ajaccio. l’effort des municipalités des deux seules villes importantes : ajaccio, qui octroie, par exemple, en 1830, une bourse à Jérôme Maglioli (1812-1885) pour ses études à rome, et Bastia, qui possède un dispositif très performant, est accompagné par celui du conseil Général de la corse intervenant par des aides aux élèves peintres. entre 1880-1910 une douzaine de jeunes corses poursuivront ainsi leurs études à paris dont antoine-Louis Manceaux (1862-1939), Jacques-Martin Capponi (1865-1936) ou François Corbellini (1863-1943), parmi les plus connus. l’effort le plus significatif et le plus important par la durée est celui apporté par le legs sisco grâce auquel, sur la période 1841-1933, vingt-six jeunes bastiais dont seize peintres ont pu aller se former à l’académie des Beaux-arts de rome ; ainsi, même si certains de ces artistes ont poursuivi leur carrière en d’autres lieux, Bastia a eu, pendant une longue période, des peintres, des sculpteurs et des architectes qui ont produit un art de qualité. l’action du cardinal Joseph Fesch (1763-1839), * tous les artistes cités dans cette partie de l’ouvrage font l’objet d’une notice individuelle dans la partie « dictionnaire des peintres ».
comme celle de Joseph sisco, affiche une volonté d’initier leurs compatriotes à l’idée du Beau. la part de Fesch dans la construction du processus des Beaux-arts en corse est aujourd’hui évidente comme le montre l’importance du palais Fesch, musée des Beaux-arts, et la haute qualité de la collection léguée à sa ville natale. aspects de la peinture en corse la question des relations entre artistes et commanditaires est l’élément déterminant pour la compréhension des types de représentation et du nombre d’œuvres exécutées en corse au cours du xixe siècle. l’Église est longtemps le premier donneur d’ordre mais la bourgeoisie vient progressivement affirmer son intérêt pour la pein-
ture. dans le même temps, on constate que le potentiel des acheteurs de tableaux est limité. il faudra d’ailleurs attendre les années 1870-1880 pour voir les moyens et le goût du public pour la peinture augmenter et s’affirmer et, en conséquence, les ventes d’œuvres d’art progresser de manière significative. le développement de la peinture en corse est nécessaire pour participer à l’affirmation d’une culture fondée sur des valeurs dont on découvre progressivement l’originalité et les aspects traditionnels. l’évolution du contexte politique, économique, social et culturel et la place grandissante de l’art dans la société vont permettre à la peinture de trouver en corse une place plus importante et de s’épanouir.
Le legs Sisco
Institué par Joseph Sisco (1748-1830), le legs qu’il a fondé permettra à de jeunes bastiais d’étudier à Rome, pendant cinq ans, le droit, la médecine, la chirurgie ou les disciplines artistiques : peinture, sculpture, architecture. Ces dispositions commencent à être appliquées à partir de 1841. Après 1875, ce sont presque uniquement des artistes qui en bénéficient compte tenu de l’obligation, pour les étudiants en droit et en médecine, de s’inscrire dans les facultés françaises pour voir leurs diplômes reconnus. Sur la période 18411933, vingt-six jeunes bastiais ont pu aller se former à l’Académie des Beauxarts de Rome dont un nombre important de peintres. Une grande partie d’entre eux, en retour, ont offert une de leurs œuvres, venant ainsi enrichir les collections de la ville de Bastia. [ voir également ] ➤ D’Antoni, Canavaggio, Canquoin, Cresci, Albert Gillio, Joseph de Gislain, Guasco, Magnaschi, Marini, Félicité de Montera, Pellegrini, Ange Varese.
la peinture au xixe siècle première moitié du xixe : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts
au cours de la première moitié du xixe siècle, et encore plus loin dans la durée du siècle, trois types de peinture prédominent : la peinture religieuse, la peinture décorative et le portrait. les corses, animés par un esprit religieux particulièrement fervent, sont très généreux pour l’embellissement de leurs églises et chaque conseil de fabrique fait des prouesses pour avoir les plus beaux tableaux d’autel ou les scènes religieuses les plus réussies sur des sujets en relation avec leur saint patron. les artistes corses, italiens et français font preuve de leur métier et de leur savoirfaire pour satisfaire les commandes qu’ils reçoivent et en obtenir d’autres grâce à la notoriété acquise au fil des ans. la mode du trompe-l’œil gagne les différentes régions de l’île et grâce à une nouvelle aisance financière, de nombreuses maisons villageoises ou appartements de ville et nombre d’églises voient leurs murs et plafonds couverts de décors de tous genres et styles. cette même clientèle privée adopte l’usage de faire réaliser des portraits par des artistes. les portraits de ces personnages importants et de leurs proches deviennent des éléments de décor des salons. le patrimoine privé de la corse est ainsi riche, actuellement, de centaines d’œuvres réalisées au cours du xixe siècle. À Bastia où la demande de portraits est la plus forte, les peintres locaux
sont très sollicités ainsi que des peintres italiens ; on trouve une même attirance pour ce genre à ajaccio. les corses vivant à paris font exécuter leurs portraits sur place, par des artistes de la capitale. le portrait est alors une manifestation concrète de la puissance, de la fortune et du rang social des gens représentés. les hommes figurent en uniforme : officiers, marins, parlementaires, élus locaux ; en toge : magistrats, avocats ; beaucoup arborant leurs décorations honorifiques, dans leurs plus beaux habits, avec leurs chaînes de montre, leurs précieuses épingles de cravate. les femmes sont représentées, portant de belles toilettes, toujours à la mode, avec de riches étoffes et de magnifiques bijoux.
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siècle, d’artistes reconnus, bien formés et dont on peut apprécier maintenant, en les comparant avec d’autres peintres, le talent et l’originalité. parmi cette multitude de peintres, on peut citer ici Francesco Carli, né en toscane (vers 1735-1821), installé très jeune en corse à san lorenzo (castagniccia, hautecorse) où il se marie. il a produit l’essentiel de son travail au cours du quatrième quart du xViii e siècle mais aussi au début du siècle. carli est assurément un des peintres les plus productifs de l’École corse puisque ce sont plusieurs centaines d’œuvres qui sont à son actif et c’est l’un des artistes faisant la transition avec le xixe siècle. xix e
on estime qu’il y a quatre fois plus de peintres en activité en 1880 qu’au siècle précédent 1. on peut dire également que près de la moitié des artistes est éparpillée sur l’ensemble du territoire où ils se déplacent au gré des commandes, l’autre moitié exerçant à Bastia (30 %) et ajaccio (20 %). pour ce qui est des origines : 50 % des peintres sont italiens, 40 % sont corses d’origine ou de deuxième génération (car nés dans l’île, d’un père italien et d’une mère corse) et 10 % sont originaires de France continentale. cela illustre la présence sur le terrain, tout au long du 1. nigaglioni, michel-edouard, « les peintres en corse au xixe siècle », dans Encyclopédie de l’île de Corse, (Encyclopædia corsicae), éditions dumane, 2004, pp 265-286. du même auteur, « la peinture » dans Corse, Encyclopédie Bonneton, christine Bonneton éditeur, paris, mars 2006, pp 30-33 ; 38-45 et 60-67.
Francesco Carli, église de Ville di Paraso (détail de la décoration) © Michel-Edouard Nigaglioni
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
on citera également quelques artistes en activité au cours des années 1800-1850 et au-delà pour certains d’entre eux. Francesco Giavarini, (1781- ?) installé à Bastia où il se marie en 1820 ; il a réalisé des décors de grande envergure comme celui de l’église d’oletta (en 1817) et dont le chef-d’œuvre est, incontestablement, le décor de la cathédrale de cervione (en 1827) avec des compositions baroques comportant quelques concessions à l’esthétique néo-classique. parmi ses peintures sur toile, deux grandes toiles tendues sur les portes du buffet d’orgue de la collégiale de corbara (en 1819), figurant le roi david jouant de la harpe et sainte cécile jouant de l’orgue. anton santo Benigni (vers 1787-1863), a produit abondamment, notamment des tableaux d’autel de grandes dimensions comme Saint François et Saint Antoine de Padoue aux pieds de la Vierge (église du couvent capucin san Bartolomeo de Brando, en 1857). il a été également un excellent peintre de portraits : Portrait de Jean-André Rosaguti (ca 1830), Portrait de Roch de Zerbi, en uniforme de vérificateur des Douanes Royales (1840), qui se trouvent dans des collections privées. pour citer quelques peintres installés à ajaccio : Bernard Cantinelli (né vers 1785- ?) dont l’activité est attestée à ajaccio jusqu’en 1841 et son fils, Démétrius
Francesco Giavarini, décor mural (détail) - Cervione, église cathédrale. © Michel-Edouard Nigaglioni
Cantinelli (né vers 1821- ?) formé très tôt au métier, ainsi que pietro pergola (dit aussi pietro pergoli), (né en 1798- ?), sans doute originaire de castelnuovo di Garfagnana, peintre décorateur qui réalise entre avril 1820 et mars 1821 l’ensemble du décor de l’église cathédrale d’ajaccio. Louis Varese (1797-1852), peintre et sculpteur, auteur de remarquables tableaux d’autels et de nombreux portraits, dont certains sont conservés au musée de Bastia, comme le Portrait du duc d’Orléans (1835) un Bandit corse avec un fusil et le Portrait de Salvatore Viale. on connaît aussi de lui le tableau représentant l’Entrevue de Paoli et de Bonaparte (tableau des collections du palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio, actuellement en dépôt au Musée départemental de Morosaglia). Luigi Brunetti, (vers 1809- ?), artiste italien originaire d’urbino, dans les pouilles, a
Anton Santo Benigni, La donation du rosaire à saint Dominique et la donation du cordon à saint François, 1859, huile sur toile, 170 cm env. x 90 cm env., église paroissiale Saint-Étienne (Cardo) © Philippe Jambert - Ville de Bastia (Direction du Patrimoine).
Pietro Pergoli, cathédrale d’Ajaccio (détail de la décoration). © Claude Giansily
la peinture au xixe siècle première moitié du xixe : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts
Luigi Brunetti, Quatre saints aux pieds de l'Immaculée Conception, Brando, église Saint Erasme (Erbalunga), détail ©Michel-Edouard Nigaglioni
Louis Varese, L’Intercession de saint Charles Borromée auprès de la Vierge à l’Enfant pour les pauvres et les infirmes (première moitié du XIXe siècle). Huile sur toile, 286 cm x 188 cm, Bastia, église cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption © Philippe Jambert - Ville de Bastia (Direction du Patrimoine)
Joseph Giordani, tableau d’autel, 1884, détail, La Porta, église paroissiale. © Michel-Edouard Nigaglioni.
exécuté de nombreux tableaux d’église comme La Donation du Rosaire à Saint Dominique qui se trouve dans l’église de Belgodere et des décors muraux et plafonnants dans cette même région : pioggiola, (en 1843), Belgodere (en 1849). il a été également peintre de portraits : Portrait de Mlle A.-M. M. (1849), Portrait de l’avocat A.J. M., qui se trouvent dans des collections privées. il a été le premier professeur de novellini avant son départ à paris dans le courant des années 1860. Joseph Giordani (1815-1892?), a peint de nombreux tableaux, souvent de grandes dimensions, au rendu précieux. parmi sa production : Le Martyre de Sainte Lucie (talasani, 1841), La décollation de Saint JeanBaptiste (poggio Mezzana, 1845); il a réalisé de grands décors d’église dont le plus remarquable est assurément celui de l’église de talasani (1840) où il a reproduit au centre de la voûte un trompe-l’œil célèbre: la coupole de l’église de sant’ignazio de rome peinte en 1685 par andrea pozzo.
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les artistes français et étrangers dans l’île entre 1800 et 1850 : une façon différente de voir la corse pendant que les artistes corses rendaient, avec leur technique et leur connaissance des lieux, une corse authentique dont ils ont su découvrir la réalité et les particularités, de nombreux artistes français et étrangers se sont succédé en corse donnant des images de la corse d’une sensibilité toute particulière, parfois dans le droit fil des modes parisiennes ou européennes. ils ont en même temps apporté une vision romantique ou moderniste de la corse qui présente un grand intérêt au plan esthétique. sur cette importante durée on appréciera l’évolution de la perception de la nature, des lieux de vie, des habitants et des coutumes par les artistes. occasion également de constater combien les modes ont influencé cette perception de la corse par des artistes qui ont présenté leurs œuvres lors de manifestations officielles et franchi l’examen d’un jury. notons ici qu’à la fin du xViiie siècle et au cours du xixe siècle, l’intérêt pour la corse et ses grands hommes, notamment pascal paoli et napoléon 1 er , va amener un nombre important d’écrivains à évoquer la corse pendant que certains artistes sont sollicités pour la représenter et en faire la description géographique. les images données alors de la corse serviront ensuite à d’autres artistes du xixe siècle qui les utiliseront parfois, répondant à d’autres solli-
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
citations, évitant ainsi un long et pénible voyage. les navires et scènes de batailles navales occupent également certains artistes encore à la fin des années 1790 et au début du vingtième siècle ; dans ce genre, les Britanniques apparaissent comme les spécialistes du genre. précisons également que le voyage de prosper Mérimée et la publication, en 1840, de ses Notes d’un voyage en Corse, sont à l’origine d’un nouvel engouement pour l’île après cette date. la vision la plus complète de la corse du siècle par les artistes français et étrangers est réalisée par les illustrateurs et, au cours de la première moitié du siècle, par quelques peintres paysagistes, attirés par la particularité de cette région excentrée. les peintres paysagistes donnent de la nature, avec leur technique et les couleurs de leurs palettes une vision bien plus précise et sereine, pendant que certains d’entre eux ne manquent pas de mettre en avant le pittoresque de certains lieux, avec parfois une touche exotique plutôt surprenante. les peintres, alors plus préoccupés par la façon de traiter des paysages très différents de ce qu’ils peignent habituellement, se sont souvent moins attachés à décrire les habitants, les coutumes ou bien encore l’architecture. ils ont cependant montré les hommes et les femmes de corse, leurs vêtements, leurs habits traditionnels, leurs métiers, pêcheurs, bergers… et leurs mœurs.
xixe
les illustrateurs ont créé les premiers paysages artistiques de la corse ayant fait l’objet d’une diffusion. ils ont été réalisés par des artistes français ou étrangers comme Joly de la Vaubignon, peintre réputé à paris (il expose au salon, de 1822 à 1846, des paysages, notamment des vues de Fontainebleau, du dauphiné, de suisse), artiste représentant du paysage romantique qui produit une série de quarante-huit dessins pour Le voyage pittoresque en Corse (édité en 1821). ces dessins, lithographiés par Godefroy engelmann père, présentent un grand intérêt par le choix des paysages retenus et la qualité des détails qu’ils contiennent : détails vestimentaires, architecturaux, évocation et description d’usages ou de coutumes propres à telle ou telle ville ou région de corse, etc. parmi d’autres artistes illustrateurs, alphonse-Louis Duc (1811-1861) ; de son côté, Charles rauch (1791-1857), se montre très habile dans la préparation de gravures représentant les endroits les plus pittoresques de la corse. Voyager en corse, c’est aussi, pour certains artistes, l’occasion de faire une moisson d’études de nombreux sites, sous différents aspects, pour réaliser ensuite des envois réguliers de tableaux à paris, au salon des artistes Vivants, dont l’originalité est assurée.
parmi les peintres qui découvrent la corse, andré Despois (1783-1873), peintre d’histoire, présent à diverses manifestations officielles, exécute notamment des portraits de napoléon ier ; il se rend en corse en 18271828, réalisant de nombreuses peintures ensuite retravaillées par rauch et gravées par skelton, shroeder et Bishop pour être reproduites dans « le guide pittoresque du voyageur en France » dont l’édition de 1838 présente la corse. certains de ses tableaux, exposés à paris, montrent son passage du néoclassicisme au romantisme avec une Vue générale de Corte, prise sur la route de Bastia à Ajaccio, 1827 ou cette Vue de la tour de Toga, près de Bastia, par temps orageux (1828) conservée au musée de saint-omer. auguste emeric, peintre officiel de la Marine qui a sans doute découvert ajaccio au cours d’une escale lors d’un voyage en Méditerranée donne une Vue d’Ajaccio présentant la ville et sa citadelle avec une connotation fortement orientaliste, témoignage de l’impression que lui a donné la cité.
Auguste Emeric, Vue d’Ajaccio, huile sur toile, 30 x 61 cm, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio, donation Ollandini. © Jean-François Paccosi - Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio.
la peinture au xixe siècle première moitié du xixe : poursuite et affermissement de l’intérêt pour les arts
Catherine empis (1796-1879), parcourt les régions françaises à la recherche de paysages encore vierges de l’empreinte de l’homme, et adresse au salon, entre 1835 et 1875, des vues d’ajaccio, de forêts (Aïtone), de montagne et de marine, surtout de la région de piana-porto (Capo Rosso, La Spelonca), dans un style très romantique, mettant en évidence une nature vierge et monumentale comme cette Vue du golfe de Porto en Corse adressée au salon de paris en 1847 et achetée par l’État pour le musée du louvre puis mise en dépôt au palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio. Louis-auguste Lapito (1803-1874) procède de la même façon et adresse au salon de paris entre 1835 et 1865 des vues des principales villes dont la Vue de Bastia depuis Toga, en 1844, (musée de Bastia), qui présente une belle luminosité et un certain aspect exotique dans le traitement de la végétation. les paysages de
lapito, aux couleurs fraîches et lumineuses, aux détails précis, valorisant la force et la monumentalité de la nature évoquent parfois les travaux des peintres de Barbizon. on citera aussi parmi ces visiteurs de la corse : Frédéric Bourgeois de Mercey (vers 1805-1860), qui a voyagé dans de nombreux pays d’europe et donne avec une Vue du vieux port de Bastia, 1839 (musée de Bastia) un témoignage de la physionomie du bassin du vieux port et de l’église saint-Jean-Baptiste avec encore, à cette époque, son unique campanile. alexandre segé (1818-1885), paysagiste et graveur à l’eau-forte a fait également un nombre important d’envois au salon d’œuvres représentant une corse que relativement peu d’artistes connaissent ; il en donne une vision où le naturalisme qui caractérise sa peinture est omniprésent. parmi ses envois au salon : en 1845, Vue prise sur les bords du Prunelli au fond des Gorges de Bastelica ; en 1846, Pâtres corses jouant aux cartes, vue prise
Catherine Empis, Golfe de Porto (ou le Golfe de Turghio), huile sur toile, 136 x 230 cm, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © Jean-François Paccosi - Palais Fesch, musée des Beauxarts d’Ajaccio.
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sur les hauteurs d’Ajaccio ; en 1847, Paysage : Vue prise dans la Piana ; en 1848, Vue prise dans les gorges du MonteRotondo ; en 1852, Un soir d’automne dans la Castagniccia. en 1840, William Cowen (1791-1864), peintre de paysage et graveur à l’eau-forte qui réside en angleterre et en irlande entreprend un voyage en corse ; ensuite il grave une série de planches, publiées séparément en 1843, puis incluses dans l’ouvrage intitulé Six semaines en Corse qu’il publie en 1848. robert elwes (1819-1878), peintre et voyageur, est typiquement représentatif des hommes entreprenants de son temps, désireux de découvrir les pays étrangers. en 1848, il entame un tour du monde qui l’emmène en amérique du sud, australie, hong-Kong, Égypte, europe. il visite également bon nombre d’autres pays et se trouve en corse en 1858. le musée de Bastia conserve un de ses dessins représentant le site de Bavella.
Louis-Auguste Lapito, Vue prise à Olmeto, (détail) 1837. Huile sur toile, 41 x 57 cm. © Claude Giansily
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
La peinture de la seconde moitié du xIxe siècle : nouvelles modes et nouveaux sujets la vitalité de la peinture en corse À partir des années 1850, l’École corse de peinture compte de très bons artistes. Formés à paris, à rome ou à Florence, à une époque où l’académisme est pourtant la part principale de l’enseignement, ils doivent trouver ensuite leur voie, ce qui ne va pas de soi, mais ils prennent des initiatives et sont appréciés pour la qualité de leur travail. il y a aussi, en corse, à côté de ces peintres qui ont reçu cette formation classique leur permettant notamment d’exposer au salon d’autres artistes talentueux. dans le même temps, la gamme des thèmes et sujets s’élargit à côté de la traditionnelle peinture d’histoire, du portrait et des scènes religieuses. parmi les peintres de cette deuxième moitié du xixe siècle, on mentionnera Domenico Desanti (1824-1892), dont l’activité picturale est documentée entre 1854 et 1880 qui a peint de nombreux tableaux d’autel, souvent de grandes dimensions, pour des églises du sud de la corse comme celles de sollacaro (en 1872), coti-chiavari (en 1873), sartène (chapelle san Marco) et quantité de portraits de belle facture.
d’autres peintres insulaires de cette période
Jean ulacacci (1818-1907), peintre issu
méritent d’être signalés outre les peintres décorateurs comme Jean-noël Coppolani (vers 1827-vers 1880), Barthélémy Graziani (1835-1893) et paul-Baptiste profizi, (1839-1908) qui a travaillé autant dans les édifices religieux que dans les riches
d’une famille de cargèse originaire de Grèce, s’initie à la peinture à livourne auprès d’un de ses oncles nicolas ulacacci, lui-même peintre ayant atteint une certaine renommée. essentiellement peintre de portraits, Jean ulacacci a également exécuté avec brio un
demeures privées ; talentueux et extrêmement inventif, son chef-d’œuvre est sans doute le décor de l’église paroissiale de pino réalisé entre 1869 et 1871.
très grand nombre de tableaux d’église.
À Bastia, les artistes sont très nombreux comme Gilbert Bouchez (né à auxerre en 1824) peintre et professeur de dessin sous le second empire, dont l’activité est suivie à Bastia entre 1858 et 1874 ; il a peint de nombreuses œuvres pour des églises, la plupart situées dans la partie nord de la corse.
Hortense Flach (1841-1930), qui appartient à une famille bourgeoise et aisée installée en corse depuis le règne de louis xV devient un peintre apprécié et reconnu à Bastia. après son mariage en 1881 avec Jean-Baptiste de luri elle signe ses œuvres « Hortense De Luri-Flach ». admise au salon des Beauxarts de lyon, en 1894, avec un tableau Roses et Narcisses, elle est membre du comité artistique provisoire de l’association amicale libre des artistes de Bastia.
Domenico Desanti, Portrait de Barthélémy Ramaroni, 1874, détail, huile sur toile, 80 x 68 cm. © Claude Giansily
Gilbert Bouchez, Notre-Dame de Lavasina, 1874, détail. Huile sur toile, 160 cm x 110 cm env., Bastia, église Saint-Charles. © Philippe Jambert - Ville de Bastia (Direction du Patrimoine).
la peinture au xixe siècle seconde moitié du xixe : nouveaux sujets et modes
Jean Ulacacci, L’extase de saint Pascal Baylon devant le Saint Sacrement (vers 1860-1870). Huile sur toile, 150 cm env. x 100 cm env. Bastia, église paroissiale Saint-Jean-Baptiste. © Philippe Jambert - Ville de Bastia (Direction du Patrimoine).
Jérôme Maglioli, Portrait de Marc-Antoine Forcioli, 1851. Huile sur toile, 77 x 62 cm, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © DR
À ajaccio, avec Jérôme Maglioli (18121885), on découvre un architecte original (il a été longtemps architecte communal), un sculpteur et un peintre de très haut niveau. il a décoré à fresque le plafond du salon d’apparat de l’hôtel de ville d’ajaccio et travaillé avec l’architecte alexis paccard pour la décoration de la chapelle impériale en 1857-1859 avec un très beau travail en grisailles et trompe-l’œil sur les voûtes et la grande coupole. il travaille également avec paccard lors de la restauration de la maison natale de napoléon 1er de 1857 à 1860. parmi ses œuvres de peintre, on compte de nombreux tableaux d’église ; on peut citer également divers portraits dont, en 1847, le Portrait posthume du Cardinal Fesch (musée du salon napoléonien de l’hôtel de ville, ajaccio) ou le Portrait de Marc-Antoine Forcioli (palais Fesch, musée des Beauxarts d’ajaccio). on mentionnera aussi philippe Bassoul (1835-1895), peintre décorateur qui a réalisé des travaux de décoration notamment dans l’église de Bisinchi, la chapelle du couvent de Vico ou encore dans la
Hortense De Luri-Flach, (copie d’après Van Dyck) La vision de saint Antoine de Padoue, 1901. Huile sur toile, 144 cm x 120 cm, église cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption. © Philippe Jambert - Ville de Bastia (Direction du Patrimoine).
Philippe Bassoul, Portrait de Madame Bassoul, seconde femme de l’artiste. Huile sur toile, 50 x 35 cm, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © Claude Giansily
cathédrale d’ajaccio. il a également pratiqué la peinture de chevalet prouvant, en réalisant son autoportrait et le portrait de sa seconde femme, sa capacité à maîtriser d’autres techniques picturales, soutenant aisément la comparaison avec la production des spécialistes du genre.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
dans le même temps, les artistes corses découvrent la technique et le genre du paysage avec, généralement, une vision et une sensibilité fondées sur leur connaissance des lieux et leur originalité. ils sont ainsi plus tentés par une certaine forme de représentation de la réalité physique de la nature que par une approche pittoresque ou romantique. c’est le cas de Jean-Jérôme Levie (18091886), sans doute l’un des premiers peintres paysagistes corses, qui réalise entre 1840 et 1865 des aquarelles d’un intérêt historique
remarquable comme on peut le constater avec la série d’œuvres conservées au palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio. JeanLuc Multedo (1812-1894), avec la Forêt de Valdoniello qu’il présente au salon de 1866 (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio) donne une vision du paysage corse qui correspond le mieux à cette période du siècle et l’on y trouve, rendus par une touche très sûre, tous les éléments de l’académisme européen de l’époque. Jean-Luc Multedo, Vue de la forêt de Valdoniello, 1866. Huile sur toile, 114 x 104 cm. © Jean-François Paccosi - Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio.
Quelques peintres entre Corse et continent
Plusieurs artistes ont fait carrière hors de Corse. Certains d’entre eux, installés à Paris, ont été des peintres considérés par le pouvoir, d’autres ont connu un grand succès dans leur ville d’adoption ou de résidence ou bien se sont partagés entre la Corse et le continent. On situe généralement les débuts de l’art moderne par références aux travaux d’artistes comme Gustave Courbet (1819-1877) et Édouard Manet (1832-1883). Peintres mais aussi écrivains modernistes puisent leur inspiration dans un présent en perpétuel changement. Les artistes corses installés à Paris ou étudiant dans la capitale sont les témoins de cette évolution. Si les artistes corses ont abordé le modernisme avec un certain retard, ils ont su en tirer partie, faire vivre et répercuter les idées nouvelles dans l’île à l’occasion de leur retour ou séjours en Corse. Ainsi, Charles-Fortuné Guasco (1826-1869), s’installe à Dijon après avoir fait ses études à Rome (dans le cadre du legs Sisco) et à Paris ; il sera professeur à l’École des Beaux-arts de Dijon. Parmi les artistes qui ont accompli une carrière en Corse et à
Paris, Jules Pasqualini (1812-1888), dont le musée du Louvre conserve un Portrait d’homme, le Musée de Bastia, le Portrait en pied du Maréchal Sébastiani (1847), et le Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio, le Portrait du Cardinal Fesch (1855). Louis Pellegrini (1825-1880), ancien lauréat du legs Sisco, a également accompli une belle carrière à Paris, exposant au Salon des artistes vivants de 1848 à 1879 ; il est représenté au musée de Bastia avec un Portrait d’Antoine-Sébastien Lazarotti, maire de Bastia. On citera aussi Pierre Colonna d’Istria, (18241904) dont le musée de Bastia conserve notamment les œuvres suivantes : Portrait de César Marie Pierangeli (1877), Portrait d’Élisabeth Pierangeli (1877), Portrait de notables bastiais (vers 1900) ainsi qu’une Crucifixion (1843). Artiste singulier également qu’Alfred de la Rocca (18551915), peintre réputé à Bordeaux où il fait carrière et peintre ajaccien adulé. Il peint aussi bien l’Aquitaine, les marines près de Royan, les paysages de la Haute-Vienne que la belle nature corse.
la peinture au xixe siècle seconde moitié du xixe : nouveaux sujets et modes
alfred de la rocca lorsqu’il peint la corse en montre surtout la montagne : Les châtaigniers d’Evisa par une belle journée de décembre (salon des artistes français de 1890), Rivière de Bastelica en juin (salon de 1892), et sa grande peinture Rivière de Cristinacce en octobre (salon de 1897) conservée au palais Fesch, musée des Beauxarts d’ajaccio. il confirme alors sa manière de voir la corse avec un certain aspect de grandeur, de rudesse et de mystère, et quand il peint le Golfe d’Ajaccio (musée des Beaux-arts de Bordeaux), il présente la ville et la vaste étendue qui l’environne à partir de ses hauteurs, sous son plus bel aspect naturel et serein. ce type de vue panoramique de la ville sera adopté par les peintres et par les photographes pendant des dizaines d’années. alfred de la rocca milite avec ardeur dès le milieu des années 1880 pour la création d’une société des amis des arts à ajaccio. il écrit dans le Moniteur de la Corse du 12 décembre
Alfred de la Rocca, Rivière de Cristinacce en octobre (Salon de 1897). Huile sur toile, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © Jean-François Paccosi - Palais Fesch.
1888 : « nous pensons cependant que l’heure est venue de s’occuper de cette importante question, à laquelle est lié l’avenir artistique de notre pays. il est temps que nous sortions de cette indifférence. [...] les exemples ne nous manquent pas, car depuis quelques années, bien des sociétés analogues ont été fondées dans des départements moins importants que le nôtre. » parmi les artistes qui produisent au-delà de 1900, mais qui appartiennent bien au
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siècle, par leur technique et les sujets traités, on mentionnera paul-Mathieu novellini (1831-1918), qui fait sa scolarité aux Beaux-arts de paris dans le courant des années 1860 car, s’il s’est essentiellement consacré à des travaux religieux et de décoration ainsi qu’à des portraits, il a produit avec sa Corsica (salon de 1870, lithographiée quelques années plus tard) une des premières « images de la corse », largement véhiculée et reproduite dans de nombreux ouvrages xixe
Sociétés artistiques
Le souhait pour les artistes peintres de se regrouper au sein de Sociétés apparaît en France, à une échelle importante, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ces « Sociétés d’amis des arts » (que l’on trouve aussi sous d’autres appellations) regroupent des hommes appartenant à diverses professions et produisent de nombreux travaux d’érudition, dispensent un enseignement, offrent à leurs souscripteurs une bibliothèque, des conférences d’écrivains célèbres, parfois des fêtes et des spectacles. Certaines furent créées à Ajaccio et à Bastia à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, Bastia jouant alors un rôle de premier plan en raison de la qualité de ses artistes et gens de lettres ainsi que de l’intérêt apporté aux arts par une bourgeoisie bastiaise importante et aisée, parfaitement au courant des modes. Cependant, elles n’eurent qu’une existence éphémère alors même qu’elles semblaient, par la qualité des membres qui les composaient, en mesure de surmonter les obstacles qui se mettent souvent sur la route d’entreprises aussi hardies : promouvoir les arts dans une région où il est courant de considérer qu’il s’agit d’une chose de peu d’importance. Dans ces conditions, ces sociétés n’ont pu organiser que quelques années de suite ces Salons d’art qui permettent pourtant de faire régulièrement le bilan de la création locale, et surtout de faire des comparaisons avec la production des artistes invités à ces manifestations. [ voir ➤ ] Alessi, Casabianca, Colonna d’Istria, de Gislain, De Luri-Flach, Magnaschi, Penso, Roth.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
sur une très longue période. Formé au moule du classicisme parisien, novellini gardera tout au long de sa carrière ce souci du respect des conventions, sans esquisser un pas en direction du modernisme qui se manifeste autour de lui. ses grandes qualités se trouvent non seulement dans sa peinture mais aussi dans ses écrits sur l’art, fort nombreux au demeurant, souvent précurseurs et fort utiles jusqu’à un passé récent. sa publication la plus considérable est son Catalogue des œuvres remarquables de peinture, sculpture etc. qui se trouvent dans les églises et autres monuments publics ainsi que dans les maisons particulières de la Corse suivi par des notices sur la vie et les œuvres des artistes corses ayant un titre officiel, édité en 1911. novellini évoque les collectionneurs
corses ; quant aux œuvres, les détails qu’il en donne montrent que les amateurs d’art sont avant tout intéressés par la peinture classique, s’adressant peu aux artistes contemporains, sinon pour les portraits, ne facilitant pas la prospérité des créateurs du moment. sa contribution donne un très bon aperçu de ce qu’est le goût des amateurs d’art à l’époque. petit ouvrage de moins de cent pages, cet opuscule est parfois limité dans ses informations mais il demeure très important pour la connaissance du patrimoine insulaire et par les biographies d’artistes de la seconde moitié du xixe siècle qu’il contient. l’ouvrage est alors accueilli avec enthousiasme, comme l’atteste un article élogieux publié en 1911 dans le Petit Bastiais et dont l’auteur, l’historien Girolami-cortona, salue en novellini un nouveau Vasari.
au sein du groupe d’artistes en activité à ajaccio, nous mentionnerons aglaë Meuron (1836-1925), qui effectue entre 1856 et le début des années 1860 ses études à l’École
Aglaë Meuron, Portrait d’Eugène Landry. Huile sur toile, 36 x 41 cm.© Claude Giansily
Peintres et photographes
Paul-Mathieu Novellini, Vierge de l’Assomption, 1857. Huile sur toile, 50,5 cm x 39 cm. © Michel-Edouard Nigaglioni.
L’art de la photographie apparaît à partir des années 1850 et la mode des portraits en pied format « carte de visite » déferle peu après sur la France entière. À partir de cette période, il y aura, en Corse, de nombreux photographes ; certains d’entre eux ont aussi pratiqué la peinture. On observe la concurrence toujours plus forte de ce nouvel art et les gens qui ont du goût et des moyens peuvent avoir, pour bien moins cher, leur portrait. La photographie est d’ailleurs souvent une activité artistique de reconversion pour des artistes peintres connaissant bien les difficultés du métier. [ voir ➤ ] Louis Alessi, Pierre Breteau, Barthélémy Campana, Antoine Corteggiani, Barthélemy Graziani, Forcius-Joseph Marchesi, Dominique Paccioni, Joseph-Alexandre Touranjon et Louis Viallet. On trouve le même phénomène au début du XXe siècle : c’est le cas de Gustave Peyrot et de François Antoine Vizzavona.
la peinture au xixe siècle seconde moitié du xixe : nouveaux sujets et modes
des Beaux-arts de paris où elle travaille dans l’atelier de Baudry. peintre de portraits, elle est très sollicitée par la bourgeoisie ajaccienne et les familles aisées des villages environnants, montrant sa capacité à traduire fidèlement la physionomie et la psychologie de ses modèles, comme c’est le cas des portraits d’adolphe landry et d’eugène landry. elle fait une longue carrière et peint encore dans les années 1910 pour une clientèle fidèle, attachée à la peinture de qualité. aglaë Meuron reçoit également de très nombreuses commandes de scènes religieuses (Baretalli, Bastelica, cagnano, calenzana, ota, pino, Vico…) et, pour son plaisir personnel, notam-
ment lors de ses déplacements, fait des aquarelles représentant l’île sous ses différents aspects : piana, Vico, cargèse, calenzana, forêt de Bonifato, de Bavella ou la forêt de Bastelica, démontrant l’attrait que le paysage exerce sur les peintres insulaires alors que ce genre ne présente que peu d’intérêt commercial. aglaë Meuron est la plus connue de ces femmes peintres qui surent faire fi des préjugés et prouver, à leur époque, que la peinture était également un « métier » de femmes. [ voir ➤ ] angèle Camisa, Marie Canquoin,
Laure stephanopoli de Commene, adèle Conti, Dubec-Quilichini, Hortense de LuriFlach, Félicité de Montera.
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autre artiste en vue à ajaccio, François peraldi (1843-1920), qui effectue ses premières études artistiques à l’académie de Florence, puis à paris, en 1867, où il suit les cours de l’atelier de charles Gleyre. Quand il rentre en corse, peraldi est nommé en 1876 conservateur du musée Fesch d’ajaccio, poste qu’il occupe jusque dans le courant des années 1910. il a réalisé de nombreux travaux sur les œuvres conservées dans les musées de la ville faisant preuve d’une grande qualité d’analyse pour l’attribution de certaines œuvres. excellent portraitiste : Portrait de la mère de l’artiste, (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio),
Lieux d’exposition à Ajaccio, avant la galerie Bassoul
À la fin du XIXe siècle et au début du siècle suivant, les lieux d’exposition permettant aux peintres de montrer leur production sont peu nombreux à Ajaccio. Les commerçants, en mettant à disposition les vitrines de leurs établissements, compensent pour partie cette lacune. Ainsi, figurent dans les vitrines de M. Bodoy : Touranjon, en mai 1883 et mars 1889, Corbellini en juin 1889 ; les frères Paravisini prêtent en juillet 1894 leurs vitrines de la « Belle Jardinière » facilitant l’exposition des œuvres de peintres ajacciennes. En 1895, la librairie De Peretti présente un tableau de Mlle Cartoux, élève de Novellini. En mars 1909, Corbellini présente ses œuvres chez Gini (vente de matériel d’artistes et d’encadrements), cours Grandval et au même moment, Lucien Peri expose tout près de là, chez le photographe Cardinali. Il y a aussi des expositions à la bibliothèque municipale, comme en février 1898 avec Capponi, Paul Casile et Corbellini et, en mars 1899, Corbellini seul. La salle patrimoniale est un magnifique écrin pour les artistes mais le lieu est imposant et il faut se dépêcher d’aller voir ces expositions qui durent quelques jours seule-
ment. Les grands hôtels sont aussi des lieux d’exposition et ces possibilités présentent bien de l’intérêt car Ajaccio, station d’hiver, est fréquenté par une clientèle aisée, au goût artistique assuré, qui apprécie la peinture. En mars 1892 sont exposées à l’hôtel Bellevue, des œuvres de Corse exécutées par Christian Zacho (1843-1913), peintre danois; Bernard Koldewey (18591898), peintre hollandais et Alfred de la Rocca. Les hôtels d’Ajaccio continueront à accueillir régulièrement des artistes qui, quelques jours avant leur départ, peuvent exposer leur travail. Les ateliers d’artistes sont également des lieux de présentation et de rencontre. Comme cela est courant dans les villes de France à ce moment-là, les peintres les mieux lotis et les plus connus reçoivent dans leurs ateliers leurs collègues peintres et leurs amis ou visiteurs qui sont parfois leurs clients. Novellini reçoit dans son atelier/école de la rue du docteur Versini, Peraldi dans son atelier de la rue Napoléon (actuelle rue saint-Charles). À partir des années 1910, Corbellini, fin causeur, accueille ses visiteurs dans son atelier du cours Napoléon, en face du théâtre Saint-Gabriel.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
peintre des scènes de la vie : Les vendeuses de lait, rue Chiappe à Ajaccio, 1876 ; peraldi est connu aujourd’hui pour son tableau intitulé Le port d’Ajaccio en 1882, (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio) qui constitue un témoignage remarquable sur la vie du port avec ses personnages au premier plan, ses navires et bateaux et la physionomie de cette partie de la ville avec ses immeubles aux façades colorées.
si on doit faire un constat à ce stade dans le
et capitales artistiques, elle a su, au contraire,
domaine de la peinture, nous pouvons confirmer que la corse n’a jamais été refermée sur elle-même, et même si elle n’a pas adopté toutes les modes en cours des grandes villes
s’ouvrir aux grands courants de civilisation et apporter son originalité dans ce domaine des arts en créant une iconographie prenant en compte ce qui faisait son originalité.
Colomba et la Corse
Quand il publie sa Colomba en 1840 dans La revue des deux mondes, Prosper Mérimée ne peut imaginer ni le succès de son ouvrage, ni à quel point ce sera un très fort instrument de promotion pour la Corse. En effet, de très nombreuses éditions de Colomba seront publiées (plus de cent cinquante entre 1840 et 1990), donnant une certaine image de la Corse et de son héroïne. On a ainsi de nombreuses représentations artistiques de paysages et lieux de Corse (même si leur conformité avec la réalité du temps est parfois approximative), des gens et des scènes suivant la mort, notamment des « lamentations ». Parmi les illustrateurs de ce roman ou artistes inspirés par les sujets qu’il contient : au XIXe siècle, Colonna d’Istria, Galletti et Vuillier. Parmi les artistes du XXe siècle, dont quelques peintres : Barta, Chièze, Dutriac, Falcucci, Humbert, Leroy, Manset, Nick, Pecoud, Picart le Doux, Thiriet, Traynier. Parmi les artistes inspirés par le personnage de Colomba : Ambrogiani, Marec, Martinetti, Patez. Le lieu où se déroule une large partie du drame, Fozzano, a été aussi souvent peint, notamment par Suzanne Cornillac et Francis Rose. Le sujet est loin d’être épuisé ! À signaler : l’exposition au palais des Gouverneurs de Bastia, en 1985 : Colomba et ses illustrateurs, et le catalogue de Georges Oberti, édité à cette occasion.
François Peraldi, Les vendeuses de lait, rue Chiappe à Ajaccio, 1876. Huile sur toile, 46,5 x 38 cm. © Claude Giansily
comme on peut le constater, la vie artistique est riche, tant à ajaccio qu’à Bastia. les artistes sont nombreux, se procurent des occasions pour exposer régulièrement leurs œuvres, rencontrent des artistes venus d’autres régions de France et de pays étrangers en quête de paysages romantiques où d’exotisme.
Pierre Colonna d’Istria, Le Vocero (complainte improvisée sur un cadavre) ; scène de mœurs corses (Colomba, P. Mérimée) © Corte, musée de la Corse/DR
la peinture au xixe siècle seconde moitié du xixe : nouveaux sujets et modes
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Quelques illustrateurs de la Corse
Plusieurs artistes ont produit des images, publiées dans des ouvrages largement diffusés, contribuant fortement à la découverte et à la connaissance de la Corse. L’abbé Jean-Ange Galetti (1804, † ?) publie ainsi à Paris, en 1863, une Histoire illustrée de la Corse contenant près de trois cents dessins réalisés par lui et par Jeanne Petit-Jean notamment, représentant des sujets de géographie et d’histoire naturelle, les costumes anciens et modernes, les usages, les superstitions, les vues des paysages et des monuments, les plans des golfes et des ports, des vignettes de faits historiques et les portraits des hommes célèbres. Pierre-Eugène Grandsire (1825-1905), reprend pour la Vue de la maison natale de Pascal Paoli à Morosaglia les grandes lignes de la planche de Joly Delavaubignon et transforme la végétation intégrant des personnages qui lui paraissent symboliques de la Corse du XIXe siècle : le chevrier et la bergère ainsi que des chèvres ; elle est publiée dans la livraison de novembre 1868, tome 36, du Magasin Pittoresque. Edward Lear (1812-1888), visite la Corse en 1868 et nous donne un témoignage pictural majeur de la Corse à une époque où elle a une forte originalité. Lear est un des illustrateurs de la Corse du XIXe siècle parmi les plus connus et ses dessins, gravés par Pannemaker en 1870, ont fait l’objet d’une large
Jean-Ange Galetti, Étang de Chiurlino, ou Ancien port de Biguglia, gravure. © Claude Giansily
diffusion. Lear, également bon peintre et aquarelliste, donne dans son ouvrage ses impressions sur les gens qu’il rencontre, les villes et villages où il séjourne, l’état de la nature et de l’architecture des lieux qu’il traverse. Ses observations sont riches d’enseignement sur la perception que peuvent avoir les visiteurs de la Corse en 1868. Gaston Vuillier (1847-1915), entreprend en juillet 1890 un tour de l’île de trois mois. Ce voyage est publié par la revue Le Tour du Monde en 1891 et 1892 puis, sous le titre Les îles oubliées, les Baléares, la Corse et la Sardaigne, sous forme d’ouvrage, en 1893. Les illustrations de Vuillier, d’une grande puissance d’évocation et d’un choix attentif et rigoureux, sont considérées comme une référence des divers aspects de la Corse à la fin du siècle. Les gravures de ses personnages, scènes de mœurs et de la vie quotidienne ou encore ses paysages, sont d’une qualité égalant les meilleurs peintres du moment qui décrivent la Corse. Au début du XXe siècle, la photographie triomphe dans de nombreux domaines de l’expression artistique et supplante les dessinateurs qui avaient posé sur le monde l’œil du voyageur et du reporter. Vuillier et bien d’autres tomberont dans l’oubli.
Edward Lear, Forêt de Valdoniello, gravé par Pannemaker (1870). © Claude Giansily
Gaston Vuillier, Le Cattenaccio et les pénitents noirs, 1893. © Claude Giansily, BM Ajaccio.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
le voyage en corse les premiers guides sur la corse, anglais et allemands par exemple, apparaissent comme les précurseurs des guides modernes qui seront édités au début des années 1900. adolphe Joanne crée ses premiers guides en 1841. ceux-ci suivent le tracé des chemins de fer récemment construits en France. c’est en 1884 qu’un volume spécial est consacré à la corse, La Corse Illustrée ; en 1909, c’est philippe leca, secrétaire général de la section corse du club-alpin qui s’entoure des meilleurs spécialistes et réalise plusieurs éditions du guide. parmi les publications locales, le Guide du voyageur en Corse avec indications sur la station hivernale d’Ajaccio : climatologie, météorologie, publié en 1874 à ajaccio par rocca-tartarini, qui fait suite au Guide du voyageur en Corse, publié en 1868. deux guides des années 1890-1900 : le guide d’Édouard Bosc, directeur du Courrier de la Corse, qui montre dans son titre sa singularité : Ajaccio station Guide de l’étranger & du touriste à Ajaccio et dans les principales excursions en Corse. sa première édition date de 1894 et la deuxième édition, de 1897, est un excellent exemple du guide adapté au contexte local. il contient 52 pages d’informations pratiques, 41 pages de publicité. les pages de publicité contiennent soixante-treize annonces, dont un nombre important traduit en anglais, vantant les services proposés dans les domaines les plus variés, tant à ajaccio que dans les principales villes
ou étapes de corse qui figurent dans le guide. il se compose de dix parties thématiques, dont la dernière évoque huit lieux d’excursion : Bastelica, les calanche de piana, les forêts d’aïtone et de Vizzavona, Bonifacio, orezza et le cap corse, qui sont décrits très sommairement. on trouve là, d’une certaine manière, l’itinéraire de certains peintres. les romans, les magazines, donnent également les meilleurs arguments pour vanter la beauté de la corse et ses paysages merveilleux. dans le même temps, un homme influent comme emmanuel arène qui a énormément de pouvoir et de relations à paris, organise de véritables « caravanes artistiques » et, dans les journaux de paris et de province où il produit d’étincelantes chroniques, engage vivement écrivains et artistes à visiter son pays qui, assure-t-il, ne manquera pas de leur réserver des émotions rares. il les invite à accorder, particulièrement à ajaccio tout l’intérêt, non seulement historique, mais touristique et artistique que la ville suscite. et c’est ainsi que l’Île de Beauté – appellation dont arène peut revendiquer la paternité – devient à la mode et commence à attirer des peintres en vogue ou promis à un bel avenir. Visions de la corse au cours de la seconde moitié du xixe siècle Les peintres français et étrangers dans l’île entre 1850 et 1900, les paysages de l’île qui avaient fasciné les artistes de la première moitié du siècle attirent des peintres étran-
gers en nombre croissant. ils savent qu’ils y trouveront une matière nouvelle et originale. certains d’entre eux, qui ont voyagé dans différentes parties de l’europe, comparent facilement le golfe d’ajaccio avec celui de naples et la montagne corse les séduit tout autant à une période où ce sujet semble moins inhospitalier qu’auparavant. Beaucoup d’entre eux viennent peindre en hiver ou au printemps. le fait que la corse, et ajaccio « station d’hiver » en particulier, attire des artistes français et étrangers en hiver n’a rien d’étonnant car à nice et Marseille se trouve régulièrement à cette période un grand nombre de peintres. c’est ainsi que la corse est représentée la plupart du temps sous ses paysages d’hiver, avec des couleurs et des atmosphères très contrastées, des ciels menaçant et des variations bien différentes de celles que donneront à voir les peintres du siècle suivant, plus mobiles et enclins à une grande liberté d’expression, utilisant une palette plus vive, travaillant plus vite et produisant plus. tout au long de la seconde moitié du siècle, le littoral et les montagnes de la corse sont parcourus par des artistes fran-
xixe
çais et étrangers. les peintres paysagistes de la deuxième moitié du xixe siècle, qui ont souvent été de grands voyageurs, ont cherché par une approche personnelle une vérité et une émotion particulières. ils ont réalisé généralement des séjours de plusieurs mois en corse, s’attachant à en montrer différents aspects par des parcours
la peinture au xixe siècle seconde moitié du xixe : nouveaux sujets et modes
itinérants, aussi complets que possible. ils ont décrit avec une grande précision les habitants et leurs modes de vie, les monuments et l’architecture religieuse et militaire encore entretenus et conservés et aussi, les villes et les villages, les paysages des côtes et de l’intérieur, le plus souvent sous leurs aspects les plus pittoresques. ces représentations de la nature sont parfois fondées sur un aspect sauvage et tragique, donnant l’impression d’une nature vierge, dépourvue de présence humaine. Les peintres français la peinture de commande est représentée par des artistes comme Jules Gaildrau (1816-1898) ou pierre-eugène Grandsire (1825-1905). ce dernier donne des vues conventionnelles, lorsqu’il participe à l’élaboration de l’ouvrage consacré au voyage de napoléon iii en corse en 1860, reprenant pour la Vue de la maison natale de Pascal Paoli les grandes lignes d’une planche de Joly delavaubignon, transformant la végétation et intégrant des personnages qui lui paraissent symboliques de la corse du xixe siècle pour la livraison de novembre 1868 du Magasin Pittoresque. Joseph Guichard (1830-1877) auteur de la gravure Le départ du yacht L’Aigle, pendant de la version Départ pour la Corse du yacht Impérial L’Aigle. Ferdinand storelli (1808-?) adresse au salon de paris, en 1866, une peinture intitulée Grotte de Napoléon à Ajaccio, œuvre acquise par le ministère de la Maison de l’empereur et des Beaux-arts.
parmi d’autres artistes, Félix Ziem (18211911) fait étape en corse en 1851. François de Montholon (1856-1940) se trouve en corse au début des années 1890, abordant la nature de façon plus réaliste, en montrant des vues pittoresques. eugène d’argence (1853-1920), donne de son côté une vision de la ville et de son panorama, riche en détails, baignée dans une belle luminosité avec La Baie d’Ajaccio peint en 1899 (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio). en cette fin de siècle, on trouve aussi andré Dauchez (1870-1948), paul Bellangeradhemar (1868-1948), paul saïn (18531908) et Henri Matisse (1869-1954) qui passe quelques mois à ajaccio en 1898, découvrant à cette occasion « la lumière » et réalisant de remarquables paysages.
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- Cimetière sur une colline en Corse- Détroit de Bonifacio (Corse) - Région côtière de Corse (1869). on citera également Karl Marko (1822-1891), artiste hongrois professeur de Jean-luc Multedo à Florence, qui est en corse en 1865 et réalise une vue des environs de Vico puis exécute, entre 1877 et 1883, plusieurs peintures de grand format figurant un Port en Corse, un paysage Près de Porto en Corse en 1877 et une Forêt de Corse en 1880. Quelques années après, et quasiment aux mêmes endroits, on note la présence du peintre autrichien Carl Hummel (18211907), qui fait, à l’occasion d’un voyage en corse en 1869, une large moisson de dessins et aquarelles lui permettant ensuite d’exécuter des tableaux représentant La Tour de Sénèque en Corse (1870), Vico (1876) ou une large vue : Ajaccio Campo dell’Oro. le peintre
Les peintres étrangers on trouve aussi cette approche de la corse et de la variété de sa nature chez Ludwig pietsch (1824-1911), qui compte parmi les premiers artistes allemands à peindre la corse au cours de la seconde moitié du xixe siècle et à composer des œuvres sur cette région. on connaît de lui une peinture présentant une vue de la montagne à Bocognano (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio). Carl Jonas (1822-1888), professeur à danzig puis à Munich, entreprend en 1856 un voyage de quatre mois en corse après avoir lu l’ouvrage de Ferdinand Gregorovius, La Corse (publié en 1854) ; plusieurs de ses tableaux ont été répertoriés dont Ville Ajaccio
Ludwig Pietsch, La Pietra del Montigone, 1852, huile sur toile, 105 x 85 cm. Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © RMN
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
hollandais Meredith Van de Velde (18181898), est en corse en 1875, parcourant l’île en grande partie dont il repart avec une série d’aquarelles exposées à nice la même année. il s’agit en l’occurrence de descriptions d’une précision très intéressante de la corse, figurant souvent des personnages. on citera aussi la présence en corse du peintre norvégien Christian eriksen skredsvig (1854-1924) qui, avec Villa Bacciochi, jour d’hiver, près d’Ajaccio (salon de 1890), donne une vision champêtre de la campagne ajaccienne, près de la ville (corte, musée de la corse, dépôt du musée d’orsay). des peintres de nombreuses nationalités : allemands, autrichiens, hongrois, danois, hollandais, parcourent ainsi cette île mystérieuse aux mille facettes et emportent dans leurs bagages des visions inédites, pittoresques et romantiques qu’ils montrent ensuite dans leurs pays, souvent lors des manifestations officielles les plus prestigieuses où figurent des œuvres peintes dans tous les pays. parmi le travail connu de ces artistes, la prédominance revient au paysage souvent traité de façon très classique, à tel point que le paysage corse est souvent rendu de la même manière qu’un paysage du sud de la France ou de l’italie mais il s’agit surtout d’un effet stylistique, les artistes modifiant rarement leur façon de peindre malgré les qualités esthétiques des lieux visités. [ voir également ➤ ] Hermann Corrodi, Carl
Hummel, ernest Koerner, Bernard Koldewey, Christian Zacho.
la promotion de la corse ce sont assurément les artistes anglo-saxons qui forment le groupe le plus important des peintres étrangers de cette période. tradition du voyage vers les pays du sud et en italie pour les Britanniques et du voyage en europe pour les nord-américains, ces hommes et ces femmes font volontiers une escale en corse, le pays de pascal paoli et de napoléon, sachant qu’ils y trouveront une source d’inspiration et de nombreuses particularités, avec des choix de sujets très diversifiés. dans l’ensemble, les paysages corses peints par les artistes voyageurs traduisent une vision très diversifiée, où se complètent et se mêlent romantisme et réalisme en fonction de la personnalité de chacun, sans dégager, malgré
tout, un type représentatif de l’île de Beauté. ces artistes ont donné de la corse une vision assez originale, restant souvent dans les canons d’un certain classicisme européen et respectant les conventions admises. d’autres constats peuvent être dressés: selon toute vraisemblance, aucun de ces artistes ne s’est établi durablement en corse ; peu d’entre eux ont connu le succès grâce à leurs vues de corse; ils n’ont pas créé une dynamique en faveur de la corse et n’ont fait que souligner des particularités déjà mises en avant par la littérature. le bilan est assurément très positif dans la mesure où leur présence et leur travail ont permis de la faire mieux connaître en France, en europe et en amérique du nord.
Les peintres anglo-saxons
Les peintres anglo-saxons dont l’activité est attestée en Corse au XIXe siècle atteint le nombre de vingt-quatre. Parmi ces artistes britanniques et peintres fortunés de l’école américaine qui apprécient de visiter les pays méditerranéens, la plupart du temps durant les mois d’hiver : Henry Bacon, Leonora Sophia Benet of Tankerville, Michael Antony Biddulph, Hercules Brabazon Brabazon, Gilbert Cass, Edward Theodore Compton, Sophia Dunbar, James Fairman, Robert Swain Gifford, Kate-Gardiner Hastings, John Gaspard Le Marchant, Joseph-Langsdale Pickering, Charles Jones Way, William Lionel Wyllie, Prosper Senat, Alfred Wordsworth Thompson, William Brint Turner. On note également la présence du canadien William Blair Bruce, premier peintre impressionniste du Theodore Compton, Vue de Corte, 1895, huile sur toile 61,5 x 101, 5 cm, musée de la Corse, Corte. © Musée de la Canada, qui séjourne en Corse en 1890. Corse, Corte/DR
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
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La peinture au xxe siècle La peinture de la première moitié du xxe siècle : modernité, enracinement et expansion d’un art corse la corse, au cours de la période précédant la première guerre mondiale, est impactée par des conditions économiques très dures et une vie politique archaïque. ensuite, le long conflit qui secoue l’europe pendant quatre ans aura de graves conséquences dans plusieurs domaines : économique, notamment, avec le déclin de pans entiers de l’activité en raison de la concurrence des produits manufacturés importés en masse dans l’île ; social, avec de profondes transformations dans les modes de vie; et surtout humain, avec le grand nombre de corses mobilisés : entre 40 000 et 50 000 hommes au cours de la période. les corses sont très nombreux à combattre sur le front et le département paye un très lourd tribut. en 1916, après quarante-huit années d’existence, il est mis fin au classement d’ajaccio en tant que « station d’hiver ». après 1918, le tourisme va jouer un rôle important dans l’économie et la notoriété de la corse.
la poursuite de la promotion de la corse dans ce contexte et dans la continuité du travail effectué par les peintres nés entre 1830 et 1860, une nouvelle génération de peintres émerge, insufflant une dynamique et une modernité particulières à la peinture en corse. Formés le plus souvent à paris, ils vont apporter une vitalité très forte à la vie artistique insulaire et, pour certains d’entre eux, mener des carrières exemplaires servant de modèles à certains artistes de leur temps. les années 1920 sont d’une importance capitale pour les arts en corse car plusieurs éléments créent une formidable dynamique : deux corses atteignent la plus haute distinction dans le domaine des études artistiques en remportant le premier Grand prix de rome. il s’agit,
de l’ajaccien Jean-Dominique aubine, lauréat en sculpture en 1922 et l’année suivante, c’est pierre Dionisi qui obtient la suprême récompense en peinture. la presse et l’opinion publique sont largement sensibilisées sur ces résultats qui balayent l’idée largement répandue selon laquelle la corse ne serait pas une terre des arts et n’aurait jamais compté d’artistes. on voit aussi que la presse des années 19201930 ouvre plus largement ses colonnes aux comptes rendus d’expositions et à la présence des artistes corses à Marseille ou à paris, servant souvent de très efficace relais : c’est le cas du Petit Bastiais, qui reprend des articles du Petit Parisien ; ou d’autres journaux qui reproduisent des articles du Figaro, souvent rédigés par le grand critique d’art parisien arsène alexandre.
Le tourisme en quelques chiffres
À la fin des années 1890 près d’un millier de personnes passent l’hiver à Ajaccio. En 1925, le nombre de touristes est évalué à 10 000 pour la Corse et, en 1950, la compagnie générale transatlantique transporte 40 000 personnes et les différents services aériens 10 000. En 1960, ce sont près de 100 000 touristes qui viennent en Corse. Ils ont d’autres comportements que les touristes du siècle précédent, venant en toutes saisons, ne fréquentant pas les mêmes lieux comme en témoignent les affiches de la Corse sur une période de trente ans et aussi par la suite. Les mois d’été, les touristes, tout comme les habitants des villes, quittent les bords de mer pour aller dans des lieux de fraîcheur situés en montagne comme Evisa, Calacuccia, Bocognano, Vizzavona, Bastelica, Zicavo, l’Ospedale, Ghisoni, Vezzani, Vivario, Corte, parmi d’autres et les stations thermales comme Guagno.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
autre élément d’importance, la création en 1924 de la Corse Touristique (qui compte de nombreux collaborateurs parmi lesquels albitreccia, ambrosi, arrighi, Bonardi, de Bradi, Fontana, Guelfucci, Luciani, Maestratti, Maki, Marcaggi, nivaggioni, pierangeli, rocca, roger, trojani, Villat), excellente courroie de transmission de l’information sur l’activité des artistes de la « petite patrie », rendant compte de façon détaillée de la présence des corses et amis de la corse aux salons parisiens. des œuvres sont reproduites dans les nombreuses revues et publications insulaires et, celles qui sont imprimées en corse, grâce aux nouvelles techniques de reproduction, deviennent des supports de premier choix de l’expression artistique avec leurs nombreux dessins, bois gravés, sanguines, pastels, aquarelles, ou peintures appréciés des lecteurs. La Corse touristique, l’Annu Corsu, (qui devient en 1937 « L’Année Corse »), l’Île, La revue de la Corse, A Muvra, L’Almanaccu di a Muvra (qui change son titre en 1938 et devient « Libronu di a Muvra »), U Lariciu, ont ainsi, sur une période d’une vingtaine d’années, diffusé largement images et impressions de la corse. la présence à ajaccio des dirigeants de La Corse touristique et de A Muvra favorise d’une certaine manière les artistes installés dans cette ville qui reçoivent ainsi des nombreuses commandes d’illustrations, y compris les « petits peintres ». c’est chez Jean-Baptiste Bassoul, dans sa galerie
du cours Grandval, que les liens sont établis entre les artistes corses, ou habitués du lieu comme Bouchet, strauss, François pietri ou encore petru rocca, pour conclure avec eux les projets d’illustrations de leurs publications. c’est donc à ajaccio que la création picturale est la plus féconde au point que l’on parle depuis une vingtaine d’années d’une « École d’ajaccio ». d’une manière générale, la place de la peinture de paysage est prépondérante car les artistes découvrent la richesse, la variété et la subtilité de leurs sites, notamment grâce à la lumière. dans le même temps, ils s’attachent à montrer les coutumes et traditions de la corse et la vie quotidienne des personnages de la ville et de la campagne. Quelques figures de l’école d’ajaccio François Corbellini (1863-1943) formé aux Beaux-arts à paris, met l’accent sur une peinture puisant ses sujets dans les paysages et les types locaux : paysans, pêcheurs, habitants d’ajaccio et des environs ou dans les scènes de la vie à la campagne comme dans son triptyque intitulé En Corse vers 1900 exécuté dans les années 1930 (palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio). il est surtout connu pour ses aquarelles figurant ajaccio ou piana, vendues aux touristes et largement dispersées dans l’europe entière, ainsi que par ses fonctions de conservateur des musées d’ajaccio de 1920 à 1936, période
François Corbellini, Ajaccio, La chapelle Sainte-Lucie, aquarelle, 21,5 x 30,5 cm. © Jean Harixçalde - Le Lazaret Ollandini-Musée Marc-Petit
L’École d’Ajaccio
Au cours de la première moitié du XXe siècle, cette école d’Ajaccio, qui fait partie intégrante de l’École corse de peinture, est constituée d’un nombre important de peintres originaires d’Ajaccio, installés dans cette ville ou la visitant régulièrement, et qui ont consacré une large part de leur production à la Corse et à Ajaccio en particulier. Professionnels ou amateurs, ces artistes sont en permanence, sur une durée de près de quarante ans, plus d’une dizaine sur place, produisant et exposant leur travail. Ils ont pour chefs de file François Corbellini (1863-1943) et Jean-Baptiste Bassoul (1875-1934). À la différence de certaines écoles qui ont des professeurs, des locaux, ou une société des arts comme support, les artistes de l’École d’Ajaccio ont en commun des valeurs basées sur un réalisme corse original, qu’ils affirment avec force et sans excès. Ils participent au grand mouvement d’expression culturelle et artistique fondé sur une prise de conscience des valeurs corses et sur l’importance à apporter à leur diffusion. Ils conjuguent les approches naturalistes et réalistes pratiquées également dans d’autres régions françaises au même moment. Ces peintres adoptent une démarche originale se tenant à l’écart des modes et des courants nationaux et internationaux dont ils ont pourtant
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
au cours de laquelle il milite auprès de ses amis artistes pour constituer un fond de peinture corse au sein du musée. dans un courrier au titre évocateur : « pour un groupement au musée d’ajaccio, d’œuvres d’artistes corses », qu’il leur adresse le 16 mars 1928, il indique : « le geste généreux des artistes corses aura une double signification. hommage de leur attachement à la terre natale, il témoi-
connaissance. Nombre d’entre eux, qui ont les capacités techniques d’évoluer en raison de leur solide formation dans les meilleures écoles de Paris ne souhaitent pas changer de registre et se couper de leur clientèle locale ou de l’importante capacité de vente qu’ils ont auprès des touristes de passage en Corse. Ils fréquentent tous la galerie Bassoul, créée en 1913, lieu d’échange et de contacts entre les artistes et les Ajacciens. L’École d’Ajaccio se caractérise à la fois par la place consacrée au paysage mais aussi parce qu’elle marque le début d’une ère nouvelle, tant pour les artistes, plus nombreux, mieux formés peignant leur monde – c’est-à-dire la Corse – que pour le public local et le public qui fréquente les Salons parisiens, mais aussi les critiques et amateurs d’art, qui trouvent un intérêt grandissant dans la peinture. Ces peintres ont ainsi créé une œuvre qui tient une place privilégiée dans la très riche production artistique corse de la première moitié du XXe siècle. Ils sont omniprésents dans les revues et publications insulaires qui foisonnent après la Grande Guerre, supports de premier choix pour l’expression artistique. On a ainsi, au cas présent, les trois unités constituant la règle pour une École que sont l’unité de lieu, l’unité de temps et l’unité de but.
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gnera de leur désir de contribuer à l’initiation du sens de la beauté, et du développement des facultés artistiques de leurs compatriotes. » on doit aussi à François corbellini une très intéressante réflexion, « Sur un art corse », contenue dans la revue L’Île, de janvier-mars 1937 qui montre les conditions du développement de l’art en corse, notamment dans un passé récent. Jean-Baptiste Bassoul (1875-1934), formé à l’École des arts décoratifs de paris, consacre une très large part de son activité à la décoration d’églises et d’appartements à ajaccio. il crée en 1913, une galerie de peinture, lieu d’échange et de contacts entre artistes, et fait un premier envoi au salon de la société nationale des Beaux-arts en 1925 avec Le vieux médaillé qui assure sa notoriété. dans ses tableaux comme Bisinchi, la treille, et Bisinchi, la caisse de basilic (salon de 1926) ou cette vue du Monte Gozzi (salon de 1929), on apprécie la robustesse de sa peinture et son intérêt pour les choses de la vie, dans un environnement où la nature est rendue dans sa simplicité, avec des couleurs chaudes. Léon Charles Canniccioni (1879-1957), également formé aux Beaux-arts de paris fait son premier envoi au salon des artistes français en 1909 et de nombreuses médailles et récompenses jalonnent sa carrière dont une médaille d’or en 1924, et une autre à l’exposition internationale
Jean-Baptiste Bassoul, Ajaccio, descente de l’Highland Hôtel, huile sur toile, 92 x 65 cm. © Jean Harixçalde - Le Lazaret OllandiniMusée Marc-Petit
Léon Charles Canniccioni, Étude pour « La voceratrice » (Salon des Artistes français, 1935). Fusain comprimé et fusain pur, 125 x 66 cm. © Jean Harixçalde/Lazaret Ollandini-Musée Marc-Petit
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
de 1937. entre 1909 et 1949 il a participé trente-huit fois aux expositions de cette société et adressé plus de cinquante œuvres, très souvent de grand format. l’État s’est porté acquéreur, entre 1913 et 1952 de vingt-trois de ses œuvres déposées dans des musées ou lieux publics en France ou à l’étranger. canniccioni s’est attaché, tout au long de sa carrière qu’il a déroulée, sur près d’un demi-siècle, à montrer, dans un style marqué par l’académisme, les traditions corses avec une belle vigueur artistique. il n’a quasiment pas subi l’influence de l’environnement intellectuel et artistique parisien et il est un des rares peintres corses de son époque à puiser dans sa terre natale cette matière et cette inspiration particulières qui donnent une forte sensibilité à ses œuvres. il vient tous les ans, pendant une longue période, passer les étés en corse à ajaccio, sa ville natale et à Moltifao, le village de ses parents. par le choix de ses thèmes, notamment ceux liés à la vie des gens de la ville ou des villages et à la religion, par les variations qu’il leur apporte et par la subtilité de ses compositions canniccioni a donné à sa peinture une unité originale et attachante qui nous paraît toujours d’actualité aujourd’hui. avec son excellente technique, sa peinture est décorative, suggestive, parfois imprégnée d’un orientalisme discret, purement méditerranéen. Lucien peri (1880-1948), a mené entre 1900 et le milieu des années vingt, une vie rythmée par ses déplacements entre ajaccio, Bastia,
Lucien Peri, Embouchure du Porto. Huile sur toile, 60 x 81 cm. © Jean Harixçalde - Lazaret Ollandini/musée Marc Petit, Ajaccio.
Marseille et paris. il est un des premiers, avec corbellini, à faire de sa peinture, à ajaccio, au début du siècle, un objectif commercial ; il se fait ainsi une clientèle fidèle qui achète une peinture d’un genre innovant. installé à paris en 1928, il est le seul peintre corse de son époque à voyager de façon assidue dans les régions françaises: alpes, Bretagne, Bourgogne, sologne, paris et ses environs. avec son style si particulier, par la longévité de sa carrière et sa forte présence au sein de la société de la nationale des Beaux-arts, lucien peri a eu incontestablement une influence sur l’art de son époque. il occupe ainsi une place de première importance parmi les peintres corses. sa disparition en 1948 intervient à une période où la peinture qu’il pratiquait est vivement concurrencée par les nouvelles modes. Dominique Frassati (1896-1947), est le benjamin de ce groupe d’artistes et, à partir de 1934, il est présent à ajaccio. Bien que sa période d’activité soit relativement
Dominique Frassati, Mascarade. Huile sur contre-plaqué, 22 x 18 cm. © Sandrine Betta
courte, il produit une peinture remarquée au sein de l’École d’ajaccio en raison de sa sensibilité et de l’originalité de ses toiles. il succède en 1936 à corbellini comme conservateur des musées d’ajaccio. dominique Frassati s’est surtout consacré aux portraits, scènes de la vie quotidienne ou scènes de genre, dans lesquels il excelle et où il choisit ses sujets avec beaucoup d’opportunité, allant parfois jusqu’à montrer les personnages les plus originaux en les caricaturant, créant ainsi une sorte de galerie de l’ajaccio des années trente et quarante. son art se caractérise par une approche technique audacieuse et par son talent de coloriste trouvant toujours la présentation la meilleure au service du réalisme le plus pur.
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
aux côtés de ces artistes on trouve Jacques Martin Capponi, (1865-1936), peintre symboliste et sans doute le meilleur portraitiste exerçant en corse au cours des années 1890-1905, apprécié de la bourgeoisie et de la haute société dès la fin des années 1890 comme en témoignent le Portrait de François Lanzi, président du tribunal de commerce d’ajaccio (1895), le Portrait du sénateur Muracciole et le Portrait de Mme Muracciole, née Rose Casanelli d’Istria (1896), le Portrait du président Casanelli (1897) et le Portrait de Martin Muraccioli, vers 1907.
À ajaccio, il y a aussi Émile Brod (18821974), peintre des types corses: villageois, bergers, joueurs de cartes, des citadins mais aussi des paysages d’ajaccio et surtout des rochers de la route des sanguinaires, son sujet de prédilection. paul Corizzi (18831953), autre peintre des vues typiques d’ajaccio qu’il peint quasiment en série et vend aux touristes de plus en plus nombreux à ajaccio au moment du développement du tourisme de masse en corse, amorcé par la société plM (paris-lyon-Méditerranée). Jean Canavaggio (1884-1941), artiste bastiais formé à rome dans le cadre du legs sisco, peintre de la corse (Bastia, nonza, Vivario, etc.) d’un grand modernisme dans certaines de ses vues ou dans ses scènes de femmes à la fontaine. enfin, une mention particulière pour raymond rifflard (18961981), qui sera le doyen de ces artistes, perpétuant à la fois la tradition du paysage et la représentation des anciens modes de vie, à tel point qu’il est surnommé « l’imagier de la corse » pour ses fileuses ou ses paysans fumant la pipe au coin du feu.
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fait carrière en algérie ou Canavaggio, qui enseigne le dessin à ajaccio où il exerce son talent de peintre. la majorité des artistes installés à Bastia y a fait carrière et participé de belle manière à la vie artistique corse. parmi eux, albert Gillio (1892-1964), pensionnaire du legs sisco, coloriste apprécié et fort connu pour ses peintures représentant les ruelles et le vieux port de Bastia, Hector Filippi, (1893-1965), artiste populaire à Bastia, autre ancien lauréat du legs sisco, qui fonde en 1938, la première « académie de peinture » de la corse avec Fernand Cresci (1909-1996). celui-ci, malgré le contexte
la peinture à Bastia les artistes bastiais participent pleinement à ce mouvement de création d’un art corse. en effet, Bastia possède une très longue tradition artistique et compte, bien avant la fin du xixe siècle, un nombre important d’artistes:
Jacques Martin Capponi, Idylle, 1900. Huile sur toile, 135 x 88 cm. Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © Philippe Jambert
peintres et sculpteurs, souvent formés à rome dans le cadre du legs sisco. certains d’entre eux changeront de voie ou exerceront leur talent hors de Bastia, comme d’antony, qui
Albert Gillio, Une ruelle à Bastia, huile sur toile, 58 x 40 cm. © Claude Giansily
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
politique lié à la montée des idées fascistes, est parti pour rome en 1928, dans le cadre du legs sisco et rentre à Bastia en 1938 avant sa mobilisation l’année suivante. on citera également Hector Brunini (18631943), parti à paris où il s’inscrit en 1898 dans l’atelier de cormon. il est en relation avec des amateurs d’art aisés auprès desquels il rencontre un beau succès; en 1932, il rentre à Bastia et participe régulièrement aux manifestations locales. Jean Vincenti (1902-?), qui fait ses études artistiques à paris, où il fréquente canniccioni, puis accomplira une carrière de professeur de dessin au lycée de Bastia; il expose régulièrement avec les artistes
bastiais dans les années 1940 et ultérieurement, tout comme Françoise Castellini, Hortense rocchi et Joseph Flach. autres artistes de qualité, Georges Cinquini (né à Bastia en 1922), qui expose dans les années 1940 à Bastia et évoluera ensuite vers un style plus en harmonie avec les nouvelles tendances de l’art ; Louis de Casabianca (1904-1976), architecte et peintre qui expose à ajaccio, galerie Bassoul, à la fin des années 1940 et au début des années 1950 car il a établi de très bonnes relations avec François Bassoul, faisant le lien, un temps, entre les artistes des deux grandes villes de corse, facilitant les échanges et les expositions.
Fernand Cresci, Bastia, la citadelle, huile sur toile, 27 x 41 cm. © Claude Giansily
comme on le voit, les talents ne manquent pas à Bastia; on peut voir leur travail à l’occasion de manifestations organisées salle Mattei, dans les salons du Florida, ou à l’hôtel impérial (établissement détruit lors des bombardements de 1943), qui remportent toujours un beau succès attitrant la foule des amateurs de peinture, tout comme les expositions qui se tiennent chez le photographe catani, à la brasserie Bonnin ou au café napoléon; ces artistes continueront à s’exprimer à Bastia bien après 1950. La diffusion de la peinture à Bastia
Les artistes souhaitent partager et transmettre aux jeunes générations leur passion pour la peinture. À Bastia, Fernand Cresci, professeur de dessin au lycée, fonde avec Hector Filippi la première « Académie de peinture » de la Corse qui ouvre ses portes en avril 1939. Dans le même temps, on note l’activité de la « Société des lettres et des arts du nord de l’le, de l’Art urbain et de la Société des artistes décorateurs», qui organise des expositions de peinture à Bastia. Présidée dans les années 1940 par J. Flach, l’Académie, en activité jusque dans les années 1950 a formé de nombreux jeunes qui n’ont pas tous poursuivi une carrière artistique. [ voir ➤ ]
Filippi Hector, Jeune berger corse (détail), huile sur toile, 68 x 58 cm. maison des Combattants, Ajaccio. © Claude Giansily
Louis de Casabianca, La femme au tablier à Bastia, 1953, huile sur toile, 47 x 38 cm. © DR
Beretti, Martine Cesari, Chevremont, Cinquini, Marie-Louise Filippi, Pierre Filippi, Graziani, Lilla, Moncheux, Pellegrini, Laurent Poli, Marie-Louise Poli, Rocchesani, Rocchi, Valdrighi.
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
des artistes loin de leur île en dehors des principales villes de corse, les artistes d’origine insulaire sont nombreux et font carrière essentiellement à paris, Marseille, ou en algérie. Généralement, ils ont un public, connaissent une certaine notoriété et gardent parfois des liens étroits avec la corse. il s’agit là d’un des aspects de la peinture corse qui a été assez peu étudié et analysé jusqu’à présent alors qu’il est représentatif, et de façon très significative, de l’art corse du vingtième siècle, de son implantation hors de l’île, et qu’il est un des signes, parmi bien d’autres, de la façon dont la société corse évolue. les artistes corses à Paris paris, capitale des arts, a accueilli dans les années 1920-1930 d’importantes manifestations dont la culture corse était le sujet principal, permettant de montrer la créativité des artistes corses et peintres amis de la corse. parmi les promoteurs de ces événements, Me de Moro-Giafferi qui préside notamment une grande exposition des peintres de la corse organisée à paris, au printemps 1925, rue caumartin, avec de grands noms comme Favory, Kvapil, Quelvée, Valadon, utrillo… on citera également le duc pozzo di Borgo, président-conseil du comité général des Fêtes corses de paris, ami des peintres et des artistes qui s’intéressent à la corse. il prend une part très active dans les manifestations organisées régulièrement en
faveur de « l’île aimée », comme à cette exposition rassemblant peintres et écrivains, en février-mars 1933, galerie Gerbo. Y participent une foule d’artistes venus d’horizons divers parmi lesquels, Canniccioni, Modesti, Bouchet, Carré, Barnett, Lemercier, strauss, Kvapil. en juin-juillet 1939, c’est une nouvelle exposition d’art sur la corse qui se tient galerie l’Équipe, à Montparnasse, dont le choix des artistes a été confié à pierre dionisi ; figurent notamment à cette manifestation : epstein, Krémègne, Montanier, Odette Camp, pirola, Quelvée. dans la capitale se trouvent de nombreuses individualités, certains artistes quasiment en fin de carrière, des artistes déjà confirmés qui poursuivent leur propre voie et d’autres qui débutent leur scolarité ou leur carrière. ainsi, les artistes nés entre 1880 et 1916 poursuivent une carrière déjà bien orientée. Quelques-uns d’entre eux ont été attirés par paris pensant trouver les opportunités d’un succès ou d’une reconnaissance difficile à obtenir chez soi. À la fin des années 1930, ce sont des artistes confirmés. chacun avec son genre, son style, sa personnalité. ils poursuivent leur carrière en suivant un schéma personnel : carrière parisienne ou nationale, parfois avec une résonance internationale. on constate cependant qu’ils n’ont pas toujours des relations très suivies avec la corse ou d’autres artistes corses et que souvent, ils ne sont que des références
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plutôt que des modèles pour les artistes de la nouvelle génération. parmi ceux-ci, on évoquera antoine Ferracci (1890-1983), présent sur la scène parisienne pendant une très longue période, qui réalise de nombreux envois aux salons et acquiert une certaine notoriété comme portraitiste; il mène une belle carrière, restant à l’écart des mouvements artistiques. robert Falcucci (1900-1989), peintre, illustrateur, décorateur et affichiste, poursuit une carrière tout en gardant des relations avec la corse et les artistes corses. après 1950, il diversifie son style, toujours figuratif et réaliste, pour adopter ensuite un répertoire orienté vers l’art sacré. pierre Dionisi (1904-1976), premier grand prix de rome en peinture en 1923, exécute de nombreuses commandes publiques dont les fresques de l’église saintFerdinand des ternes en 1944 à paris, le fronton de l’hôtel de Ville de neuilly en 1944; à partir de 1946, c’est la provence qui inspire plus largement son œuvre picturale.
Pierre Dionisi, Paysanne corse (vers 1928). Huile sur toile, 46 x 61 cm. © DR
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
Max agostini (1914-1997) à Bastia à la fin des années 1930 peint des paysages de corse; il se fixe ensuite dans le Midi de la France tout en faisant de nombreux séjours à paris. il mène, après la guerre une carrière nationale et internationale et il est connu comme un des chefs de file de l’impressionnisme contemporain. nicolas Carrega (19141993), est à paris en 1939 où il continue ses études, tout en suivant les cours de dessin de la ville de paris. il fréquente ensuite divers ateliers libres de Montmartre et commence à exposer en 1942 aux indépendants; son style évolue ensuite et, à la fin des années 1950, sa peinture devient moins figurative et sa carrière est marquée par une recherche permanente de styles permettant une expression artistique originale.
Nicolas Carrega, Le porteur de croix, 1951, huile sur toile 146 x 97 cm. © DR - ville de Bonifacio.
tony agostini (1916-1990), vient tardivement à la peinture, après avoir connu Gen paul en 1944 ; il expose dans les principaux salons parisiens et effectue quelques expositions avant 1940 ; son succès, à paris notamment, interviendra à partir des années 1950. avant de quitter paris pour le sud, faisons un détour à Beauvais pour mentionner antoine-Louis Manceaux (1862-1939), d’origine calvaise, peintre du Beauvaisis, de la vie rurale et de la réalité sociale mais aussi de la Bretagne et de la corse, à laquelle il restera toujours attaché, et dont il peindra les paysages et les traditions. les artistes à Marseille… dans les années 1920-1930, les corses sont particulièrement nombreux et actifs à Marseille dans les domaines politique, culturel et associatif. les amicales, « fraternelles » et autres associations, jouent un rôle social et culturel très important. des expositions sont organisées ayant pour thème la corse, permettant aux artistes insulaires de se faire connaître. au cours de ces manifestations, les écrivains, poètes, peintres, sculpteurs sont à l’honneur ; c’est aussi l’occasion pour les artistes amis de la corse de présenter une autre manière de voir et percevoir cette région. parmi ces manifestations, les expositions organisées en 1927 et 1928 par la revue U Lariciu obtiennent un grand succès, évoqué par des articles de qualité dans la presse phocéenne et provençale ainsi que dans la presse corse.
Carulu Giovoni (1879-1963), écrivain et poète, pharmacien installé à Marseille (il est un des fondateurs de la revue trimestrielle bilingue U Lariciu, en 1927), en est la cheville ouvrière. l’année 1932 est marquée par la création du groupe littéraire et artistique Kalliste qui compte dans ses rangs paul arrighi, carulu Giovoni, le compositeur xavier tomasi, le peintre Marcel poggioli (1882-1969), et bien d’autres figures de premier plan. le groupe Kalliste organise régulièrement des soirées avec des conférences sur les nombreux sujets concernant la corse et propose des expositions de peinture où figurent Borgomano, Castellini, tutin. le peintre le plus réputé est alors Marcel poggioli, peintre corse et marseillais, qui lorsqu’il peint la corse garde le paysage comme sujet principal et la région nord d’ajaccio comme terrain privilégié avec La Sposata et la haute vallée du Liamone.
Marcel Poggioli, La Sposata et la haute vallée du Liamone, huile sur toile, 115 x 139 cm, Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. © Jean-François Paccosi - Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio.
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
les peintres corses en afrique du nord les corses sont très présents, sur une longue période, dans toutes les colonies françaises et particulièrement en algérie, où se trouvent près des deux tiers des corses vivant en afrique du nord. au cours de la période 1900-1950, ils sont dans tous les secteurs d’activité et bien sûr, aussi dans le domaine des arts et de la peinture en particulier. un lien artistique fort est tissé, dans la durée, entre la corse et l’algérie, et pour ce qui est de la peinture, la qualité du travail accompli et son originalité présentent un grand intérêt car les échanges sont intenses des deux côtés de la Méditerranée. des peintres comme le Bastiais LouisFerdinand antoni (1872-1940), ou ignace d’antony (1868- ?), également bastiais, y accompliront de belles carrières. antoni est une figure dominante de la peinture algérienne et également professeur à l’École des Beaux-arts d’alger. d’antony, installé à oran est directeur de l’académie nessler et dirige l’École municipale des Beaux-arts. Olynthe Madrigali (1887-1955 ?), continue son activité partagée entre la corse et l’algérie ; dans les années 1950, il expose en corse, sur la côte d’azur à alger et oran. ces artistes font partie de l’élite artistique de la corse, participant aux manifestations parisiennes et marseillaises ainsi qu’aux manifestations artistiques organisées par leurs compatriotes à alger, oran, casablanca ou tunis, très actifs par le biais de leurs associations. ils entretiennent des liens affectifs très forts avec la « petite
patrie » comme antoni qui illustre l’ouvrage La Corse dans l’histoire d’antoine albitreccia, publié en 1939 avec plus de cent soixante paysages ou types locaux. on a aussi une grande variété dans la production de ces artistes, qui sont plus d’une dizaine en activité entre 1900 et 1940, certains peignant l’afrique du nord dans l’esprit orientaliste, d’autres traduisant les mêmes lieux et types avec leur sensibilité propre, sans modifier leur manière de peindre. parmi ces peintres d’origine corse : Vincent ambrosini, andreucci, Diane Caviglioli, Félix Calvelli, Maurice Fabiani, Leonetti, Dominique Modesti, paul nicolaï, alice poliMarchetti et Marie-Dominique siciliano. pour certains de ces artistes, notre connaissance de leur production est trop partielle aujourd’hui pour faire la part de leurs préoccupations esthétiques entre corse et afrique du nord ; il est certain que les plus connus : antoni, d’antony et Madrigali, ont une place singulière car ils appartiennent plus au
Olynthe Madrigali, Marine, huile sur toile, 46 x 65 cm. © DR
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courant orientaliste qu’à l’école corse de peinture ayant consacré la plus large part de leur activité à la description des lieux, des activités et des gens de l’algérie où de l’afrique noire, pour antoni notamment. notons ici que plusieurs peintres corses ont séjourné ou voyagé en afrique du nord. c’est le cas de Frassati, qui entame sa carrière et vit de sa peinture à oran de 1923 à 1928 ; Corbellini fait un court séjour à alger et environs, vers 1925, et Canniccioni qui obtient le prix de la tunisie en 1930 visite ce pays peu de temps après, peignant Kairouan, djerba, Menzel et chenini dont il présente des scènes et paysages au salon des artistes français de 1933 avec Dans l’oasis de Chenini et Chameaux à l’abreuvoir devant la mosquée du barbier, Kairouan et au salon de 1934 avec Sur une barque de Djerba, accentuant ainsi la touche orientaliste qu’il donne régulièrement à ses œuvres de corse.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
comme on le voit, avec cette pléiade d’artistes installés en corse et dispersés hors de corse, la production des peintres de la première moitié du xxe siècle est d’une très grande richesse et d’une belle diversité. leur œuvre, reflet de leurs tempéraments et de leurs approches esthétiques différentes, est dans de nombreux cas une des facettes du témoignage de notre passé socioculturel et des aspects qui en faisaient le charme, alors même que la rudesse de la vie était le sort de la majorité des habitants de l’île. occasion également de constater combien notre société a évolué, sur une période assez courte, à la fois vers un modernisme imposé par les progrès techniques mais aussi dans les mentalités en modifiant certaines de nos traditions, parmi les plus anciennes. preuve de la qualité du travail réalisé par ces artistes: le fort intérêt du public, depuis une vingtaine d’années, pour ces peintres qui bénéficient d’expositions, voient leur côte en vente publique fortement augmenter et qui figurent désormais dans un département de la peinture corse, créé en 2009, au sein des collections du palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio.
Critiques d’art
Dans le domaine de la peinture, la mission des écrivains, journalistes et critiques d’art est de porter une appréciation sur la production des artistes de leur temps et aussi, sur ceux du passé. On constate aujourd’hui que pendant la période 1860-1950, il a été relativement peu écrit sur les artistes corses. Les critiques d’art, très peu nombreux au demeurant, et les journalistes ont généralement publié des articles dont la valeur documentaire se révèle limitée. Il est vrai que tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle et au-delà, les propriétaires et directeurs de journaux sont plus préoccupés par les joutes politiques nationales et locales que par les arts, sujet peu traité par la presse. Il existe des supports spécialisés comme la Gazette des Beaux-Arts, fondée en 1859 (disparue en 2002) qui informe de l’actualité du monde de l’art, des expositions, mais aborde aussi des sujets de fond, moins en rapport avec l’actualité et plus destiné à un public de spécialistes. On trouve dans les sources de documentation insulaires peu de renseignements utiles à l’élaboration de corpus ou d’éléments de monographies permettant d’établir des comparaisons. Parmi quelques auteurs de cette période et journaux diffusés en Corse: Xavier Canniccioni– père de Léon Canniccioni – (dans le Journal de la Corse des années 1890, comptes rendus des Salons de Paris); Miss Bell (dans La République). Au cours de la première moitié du XXe siècle, des artistes ou écrivains accordent un intérêt au sujet: on citera, par ordre alphabétique, Paul Arrighi (1895-1975), professeur agrégé d’italien, enseignant à Nice puis professeur à l’université d’Aix-Marseille, deux artistes peintres : François Corbellini et Émile Brod, Paul Fontana (1876-1929), professeur de philosophie, secrétaire général des bibliothèques et musées de la guerre, Carulu Giovoni… qui dans certains cas ont rédigé de très petites « monographies » de qualité sur les peintres et sculpteurs corses de leur temps. Il s’agit surtout d’actions ponctuelles dont on peut se féliciter mais qui montrent les limites de l’exercice. Il a manqué dans ce domaine à la fois des spécialistes du genre en capacité de travailler sur la durée et de suivre les artistes ainsi que des journaux, magazines, revues qui puisse faire s’épanouir ce genre littéraire de façon pérenne, de manière à fidéliser un public.
Les collections publiques
Certains responsables économiques et élus corses sont persuadés que l’art est un des vecteurs de « l’image » de la Corse et de sa promotion. De nombreux Corses influents et notamment certains députés (parmi lesquels Emmanuel Arène), interviennent pour que des œuvres figurant la Corse soient achetées par l’État au cours des années 1880-1950 et figurent dans les collections publiques pendant que l’administration des Beaux-Arts poursuit
sa politique d’acquisition auprès des artistes en vogue du moment. Antoni, d’Argence, Brunini, Canniccioni, Casile, Cossard, Dalige de Fontenay, Dieulafé, Dionisi, DoillonToulouse, Dourouze, Empis, Ferracci, Hallo, Hébuterne, Hourriez, Landeau, Lapito, Montholon, Morstadt, Multedo, Niverd, Novellini, Peri, Rigaud, De la Rocca, Sonnier, Stephanopoli de Comnene, Vivrel, Willette.
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la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
Autres visions de la Corse au cours de la première moitié du xxe siècle par les artistes français et étrangers
vogue pour la corse et les artistes, de tous bords et de tous styles, en quête d’exotisme et de pittoresque viennent y planter leur chevalet. une partie de la production de cette période est référencée grâce aux livrets et catalogues illustrés des manifestations parisiennes organisées au cours de la période 1900-1950.
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les peintres visiteurs de la première moitié du xxe siècle organisent généralement leur tour de corse en suivant les indications contenues dans les livres et guides, peignant les lieux recommandés. ils montrent les endroits pittoresques. avec eux, le paysage est dégagé, lumineux, coloré, parfois de façon criarde, mais il est moins
La Corse aux Salons parisiens
les artistes français alors que c’est véritablement à la fin du xixe siècle que se confirme l’engouement de certains peintres français et étrangers pour visiter la corse et découvrir sa lumière, répondant ainsi à une certaine « mode » (on cite régulièrement Matisse), c’est surtout après 1900, que les artistes viennent en très grand nombre, attirés avant tout par la lumière et les paysages de la corse qu’ils découvrent en même temps que les habitants et leurs modes de vie. l’île de Beauté est aussi une destination touristique recherchée. on rappellera ici qu’il existe, au début du xxe siècle, ce que des spécialistes ont considéré comme une « tentation méditerranéenne » des peintres pour les régions où règne une certaine lumière et d’autres attraits que les artistes vont exalter, notamment par les paysages, au moyen de différentes sortes de procédés. la corse fait partie de ces régions. cela explique l’importance en nombre des artistes, souvent de premier plan, la diversité et la qualité des images de la corse données par certains d’entre eux. en fait, il y a une
Les sociétés artistiques sont nombreuses à Paris: Société des Artistes français, de la Nationale des Beaux-arts, des artistes Indépendants, des Tuileries et du Salon d’Automne. Elles organisent chaque année leurs Salons qui présentent tous les types de création artistique: peinture, gravure, sculpture, art décoratif, art appliqué, architecture, etc. Ce sont de grands événements qui attirent les foules et un nombre considérable de participants (entre 2000 et 4500 selon les sociétés au milieu des années 1920). Les Salons sont des vitrines pour les artistes qui ont ainsi l’occasion de se faire remarquer par les acheteurs et les institutions publiques car, pendant longtemps, ils ont été les seules institutions pouvant donner une légitimité à l’œuvre d’un artiste. Sans le soutien du Salon, l’artiste n’a aucune raison de croire qu’il peut poursuivre avec succès sa carrière. C’est également à l’occasion des Salons que sont livrées les batailles esthétiques. Sur cette période d’une cinquantaine d’années, ce sont plus de quatre cents peintres dont près de quatre-vingts étrangers, principalement des pays d’Europe occidentale mais aussi de Russie ou d’Europe centrale, des Japonais et des Américains, qui ont adressé des œuvres représentant la Corse aux Salons parisiens. Par périodes, on compte pour les années 1900 quatre-vingt-onze peintres ; au cours des années 1910, on en dénombre seulement quatre-vingt-six mais il y a eu quatre années sans Salons à cause de la guerre. Pour les années 1920 ce sont trois cent quarante-cinq artistes qui sont présents à ces grands rendez-vous et pour les années 1930, ils sont deux cent cinquantedeux à y figurer, les dernières années étant marquées par une baisse sensible. Les années 1940 (y compris entre 1940 et 1945 où les Salons se tiennent quand même malgré la guerre et l’occupation allemande) font apparaître seulement quelques dizaines d’artistes. Il est certain que c’est durant les vingt-deux ans qui séparent les deux guerres mondiales que la fréquentation de la Corse par les artistes atteint des sommets inégalés. À noter que les peintres corses, professionnels ou amateurs (environ une quarantaine d’artistes), ont présenté cent dix fois des œuvres aux Salons pendant cette même période 1900-1950.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
sauvage que celui que montraient les artistes du siècle précédent. ces peintres ne s’attachent pas uniquement à mettre en avant la verticalité ou la minéralité des paysages, à représenter des forêts denses et sombres comme certains peintres « romantiques ». ils abordent tous les sites de corse, tous les thèmes et les personnages sont régulièrement, non plus un élément du décor, mais les sujets de leurs compositions où ils ont une place vivante allant au-delà des stéréotypes pratiqués auparavant. Beaucoup de ces peintres font un tour à peu près complet de la corse et une grande moisson d’impressions, d’études et de toiles qui leur permettront d’exposer à paris, dans une galerie ou au salon, ou dans leur ville, leur pays. souvent ils y séjournent longuement et ce voyage en corse n’est qu’une étape dans leur carrière et dans leur recherche de sujets et de nouvelles techniques. Quelques artistes veulent découvrir toute la corse ; ils font l’effort, malgré les difficultés des moyens de déplacement, de visiter la côte occidentale, la côte orientale et une partie de l’intérieur de l’île. d’autres se concentrent sur quelques lieux et des microrégions ont leur faveur comme les secteurs « cargèse-pianaporto-evisa », « calvi-saint-Florent-centuri » et « Miomo-erbalunga ». les villes d’ajaccio et de Bastia demeurent les lieux le plus souvent peints. on découvre aussi que, dans certains cas, la corse a joué un rôle important dans la carrière de peintres, renommés ou non, qui voulaient se remettre en cause ou tenter de nouvelles expériences.
le travail de ces artistes qui peignent les
corse, toujours de façon originale et variée.
paysages, les habitants, l’architecture, a participé à la définition des images de la corse quand l’île s’ouvrait à un public grandissant de voyageurs, lecteurs, consommateurs d’images, attirés par des affiches vantant la
la diversité et la qualité des sites à représenter ont permis de multiplier ce choix d’images et favorisé l’émergence de quelques paysages icônes représentant la corse sous ses aspects de lumière, de couleurs et de contrastes.
Les affichistes
L’affiche est un des principaux moyens de promotion de divers types de produits et d’idées mais aussi de pays, de régions, de villes… Pour la destination Corse, c’est au cours des années 1910 à 1930, que le lien entre peinture et affiche est le plus fort. C’est également l’âge d’or de la peinture corse, de l’intérêt de la Corse pour de nombreux peintres continentaux ou étrangers et surtout, la période de conscience des Corses pour tout ce qui touche leur île, sur divers plans : culturel, artistique, économique. A la fin du XIXe siècle, nombre des peintres corses sont des peintres de référence mais ce ne sont pas eux qui conçoivent les premières affiches consacrées à la Corse. On fait appel à des artistes comme Ribera, Brun ou Dellepiane et dans les années 1920, ce sont aussi des affichistes réputés comme Broders, Jacquelin ou Sandy Hook qui signeront les affiches les plus connues sur la Corse. Les peintres corses ont assez peu produit d’affiches et seuls Lucien Peri et François Corbellini ont apporté leur contribution à cette forme d’expression. Leurs affiches, comme celles d’autres peintres amis de la Corse, dont Cossard ou Strauss, ont un style très proche de la peinture qu’ils pratiquent habituellement. Une exposition consacrée à l’affiche a été présentée au musée de la Corse, à Corte, du 31 juillet 1999 au 30 avril 2000 et un catalogue édité à cette occasion. Lucien Peri, La Corse, affiche (1933). © DR
la lapeinture peintureau auxix xxe siècle e du xixeet: nouveaux première moitié du xxdeuxième : modernitémoitié , enracinement expansionsujets d’un art et modes corse
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Les artistes français Parcours par régions ajaccio, ville d’arrivée ou de départ de nombreux artistes, présente un intérêt certain pour les peintres qui sont systématiquement attirés par quelques lieux remarquables de la ville puis se dirigent vers les autres régions de l’île. Charles Camoin (1879-1965), peintre « Fauve » fait un long séjour à ajaccio en 1906, et envoie des paysages de la ville et de ses environs aux indépendants en 1906 et au salon d’automne en 1910. À cette époque, on observe une évolution nouvelle de l’artiste, sensible dans les toiles intitulées La Baie d’Ajaccio à l’eucalyptus, la Pinède au bord de l’eau et dans Les Rochers dans la Calanque de Piana (Musée de sarrebruck). Chocarne-Moreau (1855-1931), vient en corse dans les années 1920 à plusieurs reprises et il s’adonne au paysage, délaissant les personnages parisiens qui font son succès. parmi d’autres artistes, auguste Bouchet (1865-1937), avec son style vigoureux, bien illustré dans Le golfe d’Ajaccio vu du Belvédère (salon des artistes français, 1925), et Jean Chièze (1898-1975), qui réalise, au milieu des années 1920, des bois gravés très synthétiques représentant des vues
Suzanne Cornillac, Ajaccio, le port des pêcheurs, (vers 1936), gouache sur carton, 18 x 25 cm. © Jean Harixçalde - Le Lazaret Ollandini-Musée Marc-Petit
et scènes d’ajaccio, largement diffusés par les livres, journaux, revues de cette époque. Yvon Dieulafé, (1903- ?) fait de fréquents voyages en corse à la même époque et, à ajaccio, on peut le voir avec Louis Bonamici (1880-1966) et d’autres peintres à la Galerie Bassoul. au nord d’ajaccio, à cargèse, andré Jolly (1882-1969), donne en 1919 et 1920 des vues et des scènes de la vie rurale du plus grand intérêt avec Le Four et Vendanges en Corse. Piana, avec les calanques et porto, est la région de corse la plus représentée par les artistes qui y trouvent en effet, tout comme les écrivains, journalistes et reporters, des motifs d’émerveillement devant ce magnifique travail de la nature. Même les peintres confirmés constatent les difficultés techniques à rendre les lieux et en parlent avec Jean-Baptiste Bassoul dans sa galerie ajaccienne.
Adolphe Cossard, Calanques de Piana, huile sur toile, 73 x 60 cm. © Claude Giansily
parmi ceux qui ont peint ces sites : Georgette agutte (1867-1922) avec Les Calanques de Porto (salon des indépendants de 1903) et raoul Carré (1868-1934), qui a donné en 1928 avec La corvée d’eau à Ota (musée de poitiers), une excellente vision de cette région sous son aspect de rudesse et de simplicité. Jehan Berjonneau (1890-1972), peintre et graveur sur bois, adresse au salon des artistes français de 1926 Matinée de fin novembre sur le golfe de Porto (Corse); en 1928: Rade de Propriano et au salon des indépendants de 1926, Dans les Calanques de Piana (Corse). Bastia et le cap corse présentent un fort intérêt pour les artistes. Bastia, son vieux port, ses barques, les reflets de ses hauts immeubles et de l’église saint-Jean-Baptiste, est sans doute le sujet le plus prisé des peintres de passage en corse et le lieu est souvent décrit comme très particulier, figurant à merveille le sud de l’europe et l’italie, avec son atmosphère vivante et colorée. le peintre avignonnais paul saïn (1853-1908), vient régulièrement en corse puisqu’il s’est marié avec une bastiaise et donne des vues de Bastia et de ses environs empreints d’un grand réalisme. il donne, dans la Revue Illustrée du 1er avril 1904, La route de Monte-Piana, à Bastia, et dans L’Illustration du
Paul Saïn, Le port de Bastia, huile sur toile, 33 x 46 cm. © Claude Giansily
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles e d’un suivixix aux etdictionnaire xxe siècles des peintres
3 décembre 1910, Route de Santa-Lucia à MontePiana et Chapelle aux environs de Bastia. parmi d’autres, Georgette agutte (1867-1922), qui adresse au salon d’automne, en 1904, Le Vieux Port de Bastia, auguste Herbin qui adresse au salon d’automne de 1907 Un coin de la place du marché à Bastia, Jean Chieze, adolphe Cossard (1880-1952), installé en corse dans les années 1920 qui expose à la galerie charpentier, à paris, en octobre 1929, cent vingt-cinq toiles de corse et en mars 1933, à la galerie Gerbo à paris, des œuvres représentant la corse et les Vieilles rues de Bastia. Germaine de Coster (1895-1993), qui fait l’envoi au salon de la nationale en 1927 de quatre œuvres: Bavella, Le Pont de Zonza, Bastia, Bonifacio. Charles-Henri Dagnac-rivière (18641945) présente au salon de la nationale en 1933, Bastia, vielle fontaine, Bastia « U Stazzunaru », en 1934, Vieux Port de Bastia, Erbalunga, Canari (Cap Corse) et, en 1935, Au défilé de Lancone. on citera aussi Baucher, Couturaud, Herbin. la plupart de ces peintres ont également réalisé, au nord de Bastia, des vues de Miomo et du cap corse. erbalunga, « le nid des peintres » voit passer, parmi d’autres, Chevobbe, Colucci, epstein, Gritchenko, Hébuterne, Landeau, Maclet, raingo-pelouse, thibésart, Wielhorsky. la Balagne a attiré, par le hasard des événements, des peintres de renom dont Fernand Léger (1881-1955), qui découvre en 1906-1907, tout comme Matisse avant lui à ajaccio, la réalité de la lumière méditerranéenne, la force des ombres et le contraste des couleurs ; il présente au salon d’automne de 1907, Algajola, Belgodere, Corbara. Georges Belnet expose au salon d’automne en 1924 diverses œuvres représentant la corse dont Haute ville de Calvi et Henri Gaulet (1883-1966), adresse aux indépendants de 1914, Calvi et en 1934, Chapelle aux environs de Calvi, (1913). notons aussi suzanne Valadon (18651938), arrivée fin mai 1913 en corse avec son fils Maurice utrillo (1883-1955) et andré utter (1886-1948) ; les trois artistes produiront des œuvres notables comme Le lancement du filet
(Musée d’art Moderne de paris) de Valadon. certains peintres ont fait de longs séjours en Balagne ; ils ont généralement parcouru la région en quête d’originalité et décrit les villages balanins avec une grande justesse.
Crétot-Duval, Calvi, huile sur toile, 50 x 65 cm. © Claude Giansily
le sud de la corse a aussi une belle réputation en matière de pittoresque avec ses vallées ponctuées de villes et villages aux maisons de granit, notamment sartène et sa région, Fozzano peinte avec bonheur par l’aquarelliste suzanne Cornillac (1904-1982), puis, à l’extrémité de l’île, Bonifacio peinte par Georges artemoff (1892-1965) et sa femme, Lydia nicanorava (1898-1938), qui y ont séjourné entre 1924 et 1930. Carré, Cossard, Germaine de Coster et pierre Gaston rigaud (1874-1949), spécialiste des églises et de l’architecture (envois aux artistes français entre 1933 et 1938) ont également peint le sud. en remontant vers le nord, sur la côte orientale, avec Camille Boiry (1871-1954), on découvre Sur la plage à Porto-Vecchio (Musée des Beaux-arts de tours). il adresse au salon des artistes français en 1910, Le vin et, en 1912, Sur la plage à Porto-Vecchio. camille Boiry expose des paysages de corse à paris, galerie Vivien en 1913. la corse de l’intérieur présente des sites montagneux d’une grande diversité avec un nombre impressionnant de villages pittoresques, une partie de ces endroits étant d’ailleurs des lieux de séjour très prisés, avec leurs caractéristiques géologiques
et naturelles, architecturales, animés d’activités de toutes sortes, et dont les habitants ont gardé un sens élevé des traditions. pourtant, cet aspect de la corse est assez peu abordé par les peintres qui s’y rendent, étant à l’évidence, plus attirés et inspirés par les zones côtières. Quelques artistes méritent une mention particulière : Charles Milcendeau (1872-1919), qui adresse au salon de la nationale de 1910 Zi’Anna Maria, l’aïeule corse et, en 1911, cinq œuvres réalisées à Bastelica : Montagnard, Fileuse corse, Martin, patron de cabaret et deux scènes d’Intérieur corse. andré strauss (18851971), peintre paysagiste attaché à un certain naturalisme a rendu, au cours de la période 1920-1930, les paysages de corse dans leur aspect de grandeur et de sérénité dont corte (Vieilles maisons à Corte, salon des tuileries de 1928), et La Restonica (salon d’automne de 1935). parmi d’autres, andré Verdilhan (1881-1963), en a également montré différents aspects. Cossard, un habitué de la corse, retient Bavella pour son affiche des autocars du plM de 1928, symbolisant la puissance de la montagne corse, également décrite par Germaine de Coster (salon de la nationale de 1927).
André Verdilhan, Castello di Rostino, huile sur isorel, 55 x 46 cm. © Claude Giansily
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
les artistes étrangers la présence de peintres de diverses nationalités en corse au cours de la première moitié du xxe siècle s’est traduite par une production d’une très grande richesse. cette production, d’artistes aux tempéraments divers et aux approches esthétiques différentes, reflète l’attrait de l’europe pour les plus éloignés d’entre eux et, sans doute, l’intérêt pour les européens de la France et de la corse. les pays du bassin méditerranéen avec leurs particularités et la lumière qui y est omniprésente ont été pour les peintres l’élément de décision complémentaire et, très souvent, les artistes ont visité à la fois la corse et les pays de l’afrique du nord, assurance d’un exotisme authentique et de sujets toujours variés.
pour définir l’ensemble formé par les peintres
souvent des artistes de premier plan, permet
étrangers à paris. dans la réalité, il s’agit d’un fait historique et non d’une école ou mouvement au sens académique du terme. dans son esprit ce terme était destiné à contrer une xénophobie latente plutôt qu’à fonder une approche théorique. Beaucoup des peintres de l’École de paris viennent de pays de l’est de l’europe dont: russie, pologne, allemagne, tchécoslovaquie, roumanie, hongrie. ils se sont familiarisés avec les tableaux des grands maîtres français du xixe siècle et connaissent les impressionnistes par l’intermédiaire de leurs professeurs, dans les académies et écoles des Beaux-arts de leurs pays. une partie d’entre ceux qui a séjourné en corse est mentionnée ci-après.
de constater qu’ils ont donné de la corse une vision très diversifiée et originale car ils ont cherché ce qui faisait l’intérêt même de leur voyage : une lumière particulière, des lieux pittoresques, des gens attachants et un grand dépaysement. d’une manière générale, ils ont quasiment tous respecté le « ton local », innovant peu, sans dénaturer l’image que la corse leur offrait. certains ont fait des séjours prolongés en corse mais très peu d’entre eux s’y sont établis durablement.
[voir ➤ ] encadré, Les artistes étrangers en
Beaucoup des peintres de l’École de paris font le voyage en corse. l’École de paris est un terme créé par le critique d’art andré Warnod en 1925, dans la revue Comedia,
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Corse, page suivante. le travail des peintres visiteurs étrangers de la première moitié du xxe siècle, qui sont
À présent que l’on connaît mieux la vie des artistes et, dans certains cas, la raison de leur présence en corse, on constate que rares sont ceux qui ont connu le succès grâce à leurs œuvres représentant la corse mais on voit aussi comment, un long séjour où plusieurs voyages, ont pu marquer leur évolution technique et leur perception de leur art.
Illustrateurs britanniques
Les artistes Britanniques sont fidèles à la Corse et, dans le genre des « guides touristiques », on peut mentionner l’ouvrage de Margaret d’Este, avec des dessins caractéristiques, Trough a Corsica with a camera (New-York – Londres, 1905) ; celui de Mary Janet Whitwell, Through Corsica with a paint brush, (Londres, 1908), contenant dix-sept aquarelles de vues de Corse exécutées lors de deux voyages et l’ouvrage Peeps at many lands in Corsica, par Ernest Young, illustré de douze aquarelles de Norbury (Londres, 1909). Cet ouvrage présente des vues générales des villes importantes d’une belle fraîcheur, avec souvent des personnages souriants, vaquant tranquillement à leurs occupations, donnant le ton de la façon dont la Corse est représentée dans les guides et livres de voyages au début du XXe siècle. Elles montrent également la nature de l’attente des amateurs de voyages pour une certaine forme d’exotisme.
Norbury, Femmes lavant le linge, dim. nc. © DR
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles e d’un suivi aux xix xxe siècles des peintres etdictionnaire
Les artistes étrangers en Corse artistes britanniques et anglo-saxons : elizabeth armsden ; lota Bowen ; Michael carmichael carr ; crowe ; suzanne demarest ; edith Fletcher ; Frederick carl Frieseke ; philip harris Giddens ; Martin hardie ; clements h. hasell ; stanley William hayter ; carrie hill ; alice Kinkead ; Édouard s. lowe ; iain Macnab ; thomas William, Marshall ; philip J. oke ; Josephlangsdale pickering ; William Émile schumacher ; charles hall thorndike ; James Mcneil Whistler. artistes russes et de l’ancienne uRss : Vladimir Baranoff-rossine ; albert Benois ; alexandre Bogdanof ; Jean choupic ; elise de davidenko ; léonid Frechkop ; nicolas Gloutchenko ; alexis Gritchenko ; alexandre iacovlef ; nicolas ivanoff ; irène Klestova ; pinchus Kremegne ; elisabeth de Krouglicoff ; tatiana loguinof ; Mavro Mania ; lydia nicanorova ; olga oheliansky ; nadine oussoff ; prince pierre Metchersky ; isaac païles ; nina rodez ; nicolas sinezoubof ; Georges tcherkessof ; lev tchistovsky ; Marie Wolkonsky-louguinine ; prince pierre de Wolkonsky.
Miss Crowe, paysage corse, aquarelle, 13 x 19 cm. © Claude Giansily
Guido Colucci, A la Santa di Niolo, gravure, extrait de « l’Atlante linguistico ». © DR - Bibliothèque municipale d’Ajaccio
artistes allemands, autrichiens, slaves et de l’europe centrale: Friedrich ahlers-hestermann; othon coubine; hermann david salomon corrodi; herman dick ; henri epstein ; anton Faistauer ; edward Frank; Franz Gruber-Gleichenberg; Walter Jonas ; hubert Kappel ; sophie caroline Klöker ; ernest Karl Koerner; charles Kvapil; rodica Maniu; Milan Minic; oskar Moll; anna Morstadt; samuel Mützner; Félicien de Myrbach-rheinfeld; otakar nejedly ; ulrich neujahr ; lancelot ney ; rudolf popper; hans purrmann; Werner Wilhelm reiniger; irène reno-hassenberg ; otto sammer ; Karl schmidt-rottluff ; lothar von seebach ; richard seewald ; Ferdinand springer ; Max christian sprinkmann; Josef syrový; Vaclav trefil; hermann Édouard Wagner.
artistes scandinaves, belges, hollandais et suisses : alexander akerbladh ; dick Beer ; Maurice Blanchet ; Wilhemina cambier Van nooten ; creten-George ; Maurice (Max) escher ; phocas Fokkens ; rodolphe Fornerod ; Marguerite Frey-surbeck ; Mikko halkilamti ; Brokman henry ; paul Klee ; paul de lassence ; carl Walter liner ; harmen Meurs ; Jacques risler ; Jean schaack ; ernst schiess ; olga slom ; Jelle troelstra ; Bram Van Velde. artistes italiens : Merio ameglio ; primitif Bono ; ezio castellucci ; Guido colucci. autres nationalités : Kamesuké hiraga ; riichiro Kawashima.
la peinture au xxe siècle première moitié du xxe : modernité, enracinement et expansion d’un art corse
Bilan de ces visions la corse si l’on devait apporter une conclusion sur le travail des artistes français et étrangers qui ont visité la corse entre 1800 et 1950 on doit avant tout indiquer qu’ils ont décrit la corse avec une attention particulière. leur façon de voir ce pays, qu’ils avaient abordé par la littérature, les guides de
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voyages et autres moyens d’information,
actuellement, elle est suffisante pour témoi-
ils l’ont traduite avec leur art et leurs sentiments. ils n’ont pas, à l’évidence, créé une dynamique ou une spécificité qui aurait fait de la corse une destination « culte », pour employer une expression à la mode et si, sur l’immense production ayant pour sujet la corse, seule une petite partie est connue
gner d’évolutions qui ont concerné la société et la nature corses, le cadre de vie en corse et l’art de peindre. s’agissant de la société corse, elle a été décrite avec un souci de vérité toujours au plus près de la réalité. ces gens de la ville, de la campagne : pêcheurs, agricul-
Le paysage corse
François Corbellini « Sur un art corse », publié dans L’Île, nouvelle série, de janvier-mars 1937 (extrait). « Le paysage corse est d’une richesse pittoresque incomparable, l’originalité de sa structure, la variété de ses aspects, le mouvement de ses lignes onduleuses ou brisées lui confèrent un caractère exceptionnel, dont la dominante, faite de gravité sereine, de mélancolie hautaine, fait un saisissant contraste avec le fastueux coloris de la lumière qui l’enveloppe. « Les motifs abondent, imprévus. Ce sont les grandioses aspects du paysage de montagnes dressant leurs masses très haut dans le ciel, les grands nuages amoncelés sur la neige des cimes dentelées, les villages de granit pressés autour de leur clocher, accrochés au flanc des monts, dans la végétation drue d’un vert sombre, Corte, Sartène, aux allures de forteresses. Décors dont la beauté hautaine atteint sa plus haute expression lorsque l’automne ou la lumière du couchant les revêt de la riche polychromie des violets profonds, exalte l’éclat des ors, et que s’allument, sur l’ossature rocheuse des sommets, les rouges couleurs du feu. « Voici du haut des côtes, les lignes ondulées, dans l’éblouissante lumière de midi, des collines rousses au maquis brûlé, descendant vers la mer, les golfes déserts que gardent, postées sur les promontoires, les lourdes tours génoises. Jalonnées le long des rivages, les villes du littoral mettent l’ocre de leurs enceintes et la tâche blanche de leurs maisons sur le bleu de la mer. Paysages maritimes que synthétise l’étrange golfe de Porto serti par les hautes falaises à pic, rouges et noires, qu’encadre ce bouleversement géologique « les calanche de Piana » dont l’architecture formidable de roches que le vent du large a évidées, creusées, modelées en formes de gargouilles, de clochetons, d’étranges ébauches de créatures colossales, des donjons démantelés. Tout un amoncellement de ruines d’une fabuleuse cité gothique.
«Il existe entre le paysage et l’homme de subtiles analogies– l’homme considéré comme sujet principal exprime l’âme de la nature dans laquelle il vit. Isolé dans un décor ordonné autour de lui il n’est qu’une expression plastique vivante de même signification que le rocher ou l’arbre. « Regardons sur les routes, l’altière silhouette des cavaliers taciturnes au profil de médaille qu’encadre le large feutre, le groupe de femmes revenant d’un pèlerinage pieux, ou le chevrier au milieu du troupeau dans un nuage de poussière que dore le soleil à son déclin, à son côté, le cultivateur de retour de son clos ou de sa vigne, la veste jetée sur l’épaule, à son côté, la femme montée sur un âne, tenant son nourrisson sur les genoux, image vivante d’une fuite en Égypte. « Les porteuses de longs fagots, dont le poids donne aux mouvements des hanches un rythme harmonieux. « Ou, à la fontaine, le port noble des porteuses de secchia, ou la cruche au galbe d’amphore, figures comme on en voit sur les vases peints antiques, alors qu’au four, devant l’édicule cubique en forme de marabout, la gravité de gestes, fait penser aux prêtresses d’on ne sait quel culte du feu. « Et quelle puissante résurrection des mœurs pastorales cette scène de labour: dans un champ, près d’une petite croix dressée faite de deux branches, la femme à genoux pour la prière, le laboureur faisant le geste initial du semeur, plus loin des bœufs accouplés, immobiles, attelés à la charrue primitive, tandis que sous le soleil, les montagnes s’estompent dans les bleus du lointain. « C’est enfin, sur les marches d’un escalier de pierre, une vieille fileuse pensive devant sa porte, le foulard relevé sur la tête, telle une des Parques. Ou encore, par les ruelles escarpées comme un torrent, les jours de fêtes, la procession de la statue du saint patron, peinte de couleurs vives, portées sur les épaules robustes de pénitents en robe, aux physionomies débonnaires ou d’apôtres farouches. »
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles suivi d’un dictionnaire des peintres
teurs, gens aisés ou de toute autre condition… ils sont là aujourd’hui, parmi nous, grâce à ces dessins, ces aquarelles et peintures, vivants, avec leurs habits, leur mine, leur fierté et leurs sentiments gravés sur leurs visages. et les coutumes corses : elles sont vivantes, pour nous, grâce au talent de ces artistes venus d’ailleurs à la recherche d’une certaine authenticité. la nature corse qui était présentée au xix e siècle sous un aspect austère, voir parfois inquiétant, avec ses masses rocheuses gigantesques, ses sommets abrupts, ses forêts immenses mais également sous un aspect romantique, seulement desservie par des sentiers muletiers, est, au siècle suivant, pleine de lumière avec ses bords de mer et sa diversité, du nord au sud, de l’est à l’ouest. des lieux si différents à la fin des années quarante et encore bien plus à présent. le cadre de vie des époques passées ressurgit sous nos yeux. Bien avant l’invention de la photographie, les artistes étaient là pour garder le témoignage des paysages avant l’urbanisation et l’architecture des villes et des villages dont une importante partie a été démolie pour céder la place à de nouvelles constructions qui ont été elle-même déclarées obsolètes peu après, ou ont été détruites à l’occasion des guerres. les peintres ont aussi porté sur leurs toiles des descriptions des campagnes à une époque où la vie rurale était prépondérante en corse, marquant
l’environnement de son empreinte. Quant à l’art de peindre, toujours en mouvement, il est en même temps toujours au service de l’expression des hommes pour donner à voir des lieux et des choses. les évolutions n’ont fait que montrer d’autres façons de voir la vie, avec plus de réalité et de justesse, en corse comme ailleurs… et c’est sans doute ce qui fait le charme de ces évolutions. Regard sur les années 1940 en corse il nous faut à présent jeter un regard sur ces années et sur la situation de la création artistique. les années de la guerre sont très difficiles dans toute la corse. l’activité économique est fortement ralentie, les communications sont très difficiles, tant avec les villes du continent qu’à l’intérieur même de l’île où elles sont, pour diverses raisons, réduites au strict minimum. la pénurie sévit et c’est le temps des restrictions dans tous les domaines. le poids de l’occupation est énorme : en novembre 1942, ce sont 80 000 italiens qui débarquent en corse, département français qui compte environ 220 000 habitants, suivis par 14 000 allemands entre juin et septembre 1943. autrement dit, et avec une occupation de quasiment tout le territoire, les préoccupations de la population concernent les sujets les plus élémentaires ; couvre-feu, pénurie et rationnement rythment la vie quotidienne. les événements s’accélèrent avec la libération d’ajaccio, le 9 septembre 1943,
puis de la corse qui devient ainsi le premier département français libéré. les hommes et les artistes ne sont pas épargnés par les soucis d’un quotidien qui demande beaucoup d’énergie et d’espoir. certains artistes disparaissent comme canavaggio en 1941, à ajaccio et corbellini en 1943, à piana où il s’était retiré. les relations entre les artistes sont réduites à peu de choses et la galerie Bassoul ferme ses portes plusieurs mois en 1944-1945. Malgré les circonstances, certains décident d’agir comme en mars 1941 avec la constitution du centre artistique ajaccien (caa) dont le président est dominique Frassati, le vice-président Jérôme casalonga, avec le concours actif de François Bassoul, dominique antonioli et Jean silvy. l’atelier fonctionne jusqu’à fin 1943 avec une trentaine d’élèves assidus, ce qui est considérable à cette époque. après 1943, la vie reprend très progressivement son cours normal ; les relations avec les artistes bastiais et parisiens sont moins soutenues qu’au cours des années 1930 mais dès que l’occasion se présente, des manifestations regroupent les artistes et attirent le public. sous l’impulsion de François Bassoul, la galerie du cours Grandval va prendre, dès l’automne 1945, une nouvelle ampleur. celuici va organiser et enchaîner les expositions selon deux axes : présenter, par des rétrospectives, le travail des peintres corses et d’ajaccio de la période précédente et montrer de nouveaux talents.
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
La peinture de la seconde moitié du xxe siècle : diversité des genres et artistes en nombre
tante parmi les artistes corses. après la guerre, il entame des études aux Beaux-arts de paris; installé au « bateau-lavoir », il commence à exposer dès cette période. ses œuvres
la peinture va connaître au cours de la deuxième moitié du xxe siècle, en corse comme en d’autres lieux, de très importantes évolutions. ainsi, au cours des années 19501959, le contexte de la création artistique évolue à une vitesse folle. la décennie est marquée avant tout par l’arrivée sur la scène artistique des États-unis au moment où de grandes figures de l’art disparaissent, pendant que les concepts de l’art continuent de se transformer. paradoxalement, il y a beaucoup d’artistes corses en activité mais on en parle alors très peu.
les artistes corses de paris comme Carrega, Dionisi, Falcucci, poursuivent leur voie tout en maintenant une relation avec la corse. Max agostini et tony agostini ont également choisi leur voie ; la corse est moins présente dans leur production. parmi les artistes corses de Marseille et de la côte
peuvent être vues, pour la première fois à ajaccio, en 1952 à la Galerie Bassoul, avec des nus: une grande première à l’époque!
Pierre Ambrogiani, Autoportrait, huile sur toile, 73 x 50 cm. Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio, donation Ollandini. © Claude Giansily
Variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse en corse, quelques artistes font figure de peintres traditionnels alors qu’autour d’eux, de nouveaux artistes vont puiser leur inspiration dans les milieux artistiques de paris ou d’autres villes. À ajaccio: Brod et rifflard notamment, et à Bastia, Bach, Bardon, Cresci, Filippi, Gillio poursuivent leurs activités professionnelles et artistiques. au même moment, quelques artistes font leurs premiers pas comme pierre Vellutini (1921-2008), qui tiendra une place impor-
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Pierre Vellutini, Le modèle, 1949, huile sur toile, 80 x 59 cm. © DR
d’azur, outre poggioli évoqué précédemment qui est en activité jusqu’à la fin des années 1960, pierre ambrogiani (19071985), deviendra bientôt un peintre de renommée internationale, sans doute un des artistes les plus populaires auprès des corses; il a surtout peint Marseille et la provence. il fait partie des peintres qui fréquentent le bar « le péano », tout comme antoine Gianelli (1896-1983), qui peindra la corse et avec laquelle il garde des attaches, ou Jules tristani (1913-1993), qui après une expérience parisienne s’installe à Marseille. tristani a également peint la corse, surtout des ports.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
autre artiste singulier, tony Cardella (18981976), parti en corse en 1936, il y restera neuf ans, parcourant l’île et la peignant avec beaucoup de sensibilité avant de s’installer à saint-raphaël. il compte parmi les artistes dont on parle régulièrement, qui ont du succès et dont le style marque une évolution par rapport aux modes précédentes. anne Mari-roustan (née en 1920), installée à saint-laurent-du-Var, commence à exposer à la fin des années 1940 puis présente alternativement à ajaccio et à Bastia des paysages de corse, des natures mortes et des fleurs très prisées par le public.
Casabianca, Henri da passano, Jacques
en faveur de la promotion de la peinture.
Willems thétard, qui fait une des premières expositions de sa longue carrière en décembre 1955. François Bassoul présente des peintres de passage comme Jean dorville, en 1954. certaines actions sont engagées à paris, Marseille, avec la création du « prix corsica », à la fin des années 1940, preuve de la diversité des projets d’organisation des artistes. en janvier 1952, est créé à nice, par Jean-paul Mari et robert rovini le « club des jeunes » qui regroupe henri Maccheroni, ange Falchi, pierre lanteri et le poète paul Vincensini; certains artistes locaux, comme arman et Ben, participent aux réunions.
les collectivités locales accaparées par la gestion des affaires quotidiennes visant à satisfaire les moyens de base de leurs populations ont d’autres préoccupations que la vie artistique, ce qui se conçoit aisément. les équipements publics eux-mêmes sont peu nombreux ou en cours de restructuration à l’exemple des musées.
au cours de cette période d’après-guerre, les initiatives sont assez peu nombreuses
de la tradition à la modernité; la transition des années 1960-1980 et la peinture contemporaine À côté des modes d’expression stéréotypés adoptés par de nombreux peintres, des artistes optent délibérément pour de nouvelles formes artistiques, faisant preuve d’une parfaite détermination.
Les musées en Corse dans les années 1950
Anne Mari-Roustan, Mimosas, huile sur toile, 60 x 81 cm. © DR
on ne peut que constater, dans le même temps, un certain manque d’intérêt pour les peintres. l’absence de manifestations d’envergure permettant aux artistes d’exposer leurs peintures se fait ressentir énormément. toujours seule galerie d’art en corse, la galerie Bassoul à ajaccio présente ses peintres attitrés : poggioli, rifflard, ou de jeunes artistes comme Jean silvy, Louis de
C’est en 1948 que Jean Leblanc, est nommé à Ajaccio par la direction des musées de France. Il est chargé de l’organisation des musées en Corse. Sa première tâche est consacrée à la réorganisation du Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio. En 1952, il crée le musée d’ethnographie corse de Bastia dont les collections sont installées dans de nouveaux locaux. En 1954, il procède à une nouvelle organisation du musée Pascal Paoli à Morosaglia et en 1955, à la création d’un musée d’histoire corse à Corte. Chef de la mission permanente de recherche scientifique en Corse de 1952 à 1957, il organise, avec des moyens limités, un réseau visant à promouvoir une plus large connais-
sance des richesses artistiques de la Corse. Dans le même temps, et grâce à ses relations avec certains artistes, il veille à l’augmentation des collections des musées, notamment du musée Fesch et réceptionne de nombreux dons. Son action, avec l’ouverture d’une salle des peintres corses actifs dans la période 1860-1940, accompagne celle la galerie Bassoul visant à mettre à l’honneur les artistes de la première moitié du xxe siècle. C’est à ce propos que Jean Leblanc écrit dans un courrier adressé au journal Nice-Matin Corse en janvier 1950 : « Faut-il dire que nous tenons beaucoup à l’enrichissement du fonds de peinture corse? (ne serait-ce que pour l’idée de lutter
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes corses se fait jour ainsi, après 1960, à une période où la peinture a du mal à trouver sa place dans une société corse en profonde mutation. il s’agit essentiellement de personnalités qui ont commencé leur apprentissage ou leur activité artistique dans les années 1940-1950 et militent pour de nouvelles formes d’expression plastique et rupture avec un certain traditionalisme. on citera à ce titre et parmi d’autres, José Fabri-Canti (19161994), Grand prix de rome en 1946, qui a passé une partie de sa jeunesse à Bastia, exécutant portraits et paysages, fréquentant les artistes en vogue. Joseph sicurani (né en 1928), entre aux Beaux-arts de paris en 1948, expose à Bruxelles en 1951 et
contre l’idée– accréditée auprès des continentaux par quelques insulaires masochistes– que « le Corse n’est pas artiste ») et que nous souhaitons réunir non seulement les réussites mais aussi les recherches sincères ». Deux autres projets, pourtant poussés vigoureusement par la direction des musées de France, n’aboutiront pas: un musée d’histoire naturelle à Sartène, consacré à la faune et à la flore typiquement corses et un musée d’archéologie à Calvi. [ voir ➤ ] Bettevaux, Capol, Ciambelli, Cimiterra-Fratoni, Da Passano, De Casabianca,Dencki,Fay,Finelli,Garcia,Leroy, Madrigali, Maestracci, Mari-Roustan.
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obtient une médaille d’argent ; il réalise sa première exposition à la galerie Bassoul en 1953 avec soixante toiles et comme titre : « du figuratif à l’abstrait », montrant sa volonté de mettre en avant le besoin de changement ressenti alors. on mentionnera aussi pierre (piero) Graziani (né en 1932), qui réalise en 1954 sa première exposition à la Galerie 8, à paris : « la beauté de l’air ronge l’ennui », montrant un fort désir de remise en cause des styles de peinture largement répandus alors. toni Casalonga (né en 1938), acquiert une formation solide aux Beauxarts de paris et crée, en 1957, « l’atelier de la pléiade » jetant les bases d’une réflexion collective sur de nouvelles formes d’expression des domaines de l’art et de l’artisanat. en 1959, il intègre L’Atelier 17, et reçoit l’enseignement de hayter. il accomplira par la suite une belle carrière de plasticien : peintre, graveur et sculpteur
au registre très complet, comptant parmi les artistes de référence en corse sur une longue période. les peintres sont à présent beaucoup plus nombreux que dans la période des années 1940-1950, abordant tous les domaines, traditionnels et avant-gardistes avec souvent comme démarche, la tentation de manifester une singularité insulaire. au même moment se produit une prise de conscience du fait que le domaine des arts n’est ni considéré ni soutenu. ce malaise est formulé sans doute de façon passéiste car les artistes s’interrogent sur leurs références, leur avenir, leur perception par un public qu’ils ne rencontrent pas, et par le peu d’écho donné à leur travail.
Piero Graziani, Composition (vers 1972), huile sur toile, 30 x 30 cm. © Claude Giansily
Casalonga Toni, Misteri, (détail), 1992, huile sur bois, 60 x 80 cm. © DR
c’est alors qu’un important élan est insufflé dans le domaine des arts plastiques et des arts en général, notamment par diverses initiatives originales.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
on citera l’enseignement artistique public avec l’action de José lorenzi qui crée, en 1957, la « section artistique » du lycée de Bastia, permettant à un certain nombre d’étudiants de s’orienter puis de faire carrière dans les arts plastiques. parmi eux, ange Leccia (né en 1952) et Jean-paul Marcheschi qui ont atteint une renommée internationale et parmi les artistes qui marquent une véritable rupture avec la peinture figurative, Bernard Filippi (né en 1950), Jean-paul pancrazi (né en 1950), toussaint Dominici (né en 1953). de son côté, Dominique Degli-esposti (né en 1946), entame une carrière de plasticien (peintre, photographe, cinéaste). ces artistes vont souvent évoluer vers d’autres
Bernard Filippi, sans titre (1981), acrylique sur toile, 192 x 130 cm, Collection du FRAC Corse. © DR
modes d’expression artistique que la seule peinture sur toile et aborder l’art comme des plasticiens aux techniques variées. une partie d’entre eux créera en 1976 le groupe « tox » (actif jusqu’en 1979) marquant le désir d’affirmer une démarche vers des formes d’expression en rupture avec une certaine tradition. Cyrne Arte et Corsicada autres initiatives importantes : la création, comme on l’a vu, par toni Casalonga, en 1957 à pigna, de « l’atelier de la pléiade », avec Michel et Jacotte chandy. il s’agit là de la première étape d’une réflexion qui aboutira en octobre 1964 à l’officialisation de la « communauté d’action rurale pour le service, l’information et la création dans l’artisanat d’art » (corsicada). peu de temps après cette première initiative de toni casalonga, on voit la création, en 1959, à palasca, par José Fabri-Canti de Cyrne Arte, structure qui ne se limite pas aux arts plastiques : peinture, sculpture, mosaïque, mais s’étend également au théâtre et à la musique et tente la synthèse des arts plastiques et de l’artisanat au sein de l’architecture. il existe de nombreuses similitudes et oppositions entre ces deux principales associations d’artisans d’art corse. leur participation active à un mouvement général de réanimation des zones rurales constitue un élément de concordance pendant que d’autres signes plus contradictoires doivent être pris en considération afin d’éviter toute erreur de jugement. les
rapports de l’art à la société sont envisagés différemment par les deux structures. le centre artistique de palasca (qui n’est pas très éloigné géographiquement de celui de pigna) souhaite mettre le talent de ses artistes à la disposition de tout décideur voulant entreprendre la décoration d’un édifice dont il a la responsabilité (théâtre, hôtel de ville, complexe touristique, magasin, etc.). c’est avant tout la volonté sincère d’améliorer « artistiquement » le quotidien qui anime José Fabri-canti. de son côté, la Corsicada veut que la société insulaire devienne elle-même génératrice d’artistesartisans ; c’est le rêve d’une société productive capable d’assouvir elle-même ses exigences esthétiques mais aussi ses besoins purement matériels que veut réaliser toni casalonga. c’est en cela que la Corsicada dépasse le cadre strictement culturel et s’inscrit dans l’optique d’un remodelage plus global, ce qui explique sa reconnaissance par arrêté ministériel du 14 mars 1967 comme association d’éducation populaire, et son engagement auprès du centre de promotion sociale (c.p.s.) de corte dans la fabrication et la commercialisation de produits agricoles locaux. pour Cyrne Arte, la valorisation de l’artisanat d’art doit se faire par l’intermédiaire de l’architecture dans laquelle il s’intégrera naturellement pendant que, pour la Corsicada, la définition d’un système économique visant à réglementer de la meilleure façon la vente de tous les produits artisanaux de ses membres reste un souci
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
primordial. Cyrne Arte veut en premier lieu englober tous les arts, faire participer tous les plasticiens au programme décoratif d’un édifice public, alors que la Corsicada, durant ses six premières années d’existence, est surtout soucieuse de constituer une forme d’artisanat qui puisse à nouveau répondre aux goûts diversifiés du public tout en sachant retrouver le caractère d’authenticité qui lui faisait alors défaut. après la dissolution de Cyrne Arte en 1969, c’est le groupe Munimenti, créé au sein même de la Corsicada, qui rayonnera avec la même approche esthétique pendant quelques années jusqu’à ce que les artistes qui le composent reprennent leur autonomie. au cours des années 1950-1960, certains artistes poursuivent une autre démarche d’union et de création d’événements. de leur côté, les corses de paris, Marseille, nice se mobilisent pour la promotion des arts. en octobre 1958, la « casa corsa » de paris invite José Fabri-canti ; d’autres artistes seront invités par la suite. en 1963, un « Grand prix de la peinture corse » est organisé par l’union nationale des Étudiants corses (unec) et des artistes comme toni Casalonga, Degli-esposti, andria santarelli, présentent leur travail lors d’expositions qui se tiennent à ajaccio, au musée Fesch, puis à Bastia. le magazine Corsica Viva d’octobre 1963 signale : « la jeunesse corse qui affirme par ailleurs de belles qualités de dynamisme et de présence manifeste ainsi des préoccupa-
tions qui mériteraient d’être plus soutenues qu’elles ne le sont sur le plan matériel. » en 1965 à nice se tient le premier « salon des peintres de la corse » organisé par l’Academia Corsa, dirigée par l’historien Jean ambrosi. À côté de ces initiatives, d’autres facteurs de promotion des arts en général se mettent en place avec l’institution de structures publiques comme la Maison de la culture de la corse (Mcc), en 1967, premier outil d’action culturelle créé en corse même si une dominante des activités de la Mcc est la création lyrique avec le festival des Milleli, à ajaccio. avec la MJc de Bastia, créée sensiblement au même moment, ce sont deux structures efficaces qui offrent aux artistes des opportunités pour présenter leur travail au public. ainsi, à partir de cette période qui démarre vers 1970, la peinture présente une très grande diversité aussi bien dans les thèmes que dans les techniques et matériaux utilisés ; les artistes sont plus nombreux et pour la plupart installés en corse, ils ont des lieux où exposer, prouvant ainsi leur vitalité créatrice. À ajaccio, il y a « l’espace diamant », ouvert en 1975, lieu d’exposition remarqué bénéficiant d’un emplacement central avec une très grande superficie qui accueille un nombre important d’événements. dans le même temps, la librairie-galerie « la Marge », présente des expositions tout au long de l’année et demeure un des lieux parmi les plus prisés par les artistes et le public, avec un palmarès impressionnant. [ voir ➤ ] encadré page suivante.
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pour les lieux d’exposition, ajaccio avait une tradition ancienne avec la galerie Bassoul et, avec « la Galerie » de pierre timothée, ouverte en septembre 1990, cours napoléon, c’est un lieu supplémentaire, offrant une large palette d’artistes de qualité et, pour certains, de grande réputation qui permet au public de se familiariser avec une peinture diversifiée, certes parfois différente mais combien agréable avec d’autres genres et styles. des lieux d’exposition ou des galeries ouvrent leurs portes à ajaccio, comme la galerie p.c.a., dans les années 1980 et, en dehors d’ajaccio, ce n’est que depuis une période très récente qu’un engouement est constaté pour ce type d’activité à Bastia, sartène (galerie « u pitraghju »), porto-Vecchio, sans qu’il soit possible de mentionner toutes les galeries ici. depuis les années 1990, on peut voir les œuvres de la plupart des artistes dans les très nombreux lieux qui les accueillent. la presse continue à jouer son rôle d’information du public sur les manifestations qui se tiennent ici et là, dans l’île et audehors. de son côté, Kyrn magazine, l’hebdomadaire de la Corse, va couvrir très régulièrement ce domaine et donner un éclairage complémentaire aux artistes et à leur production. le travail de ces médias (y compris la radio et la télévision) permet ainsi au public de connaître les artistes et de découvrir les tendances du moment.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
Les artistes à la librairie-galerie « La Marge », de 1977 à 2004
Nombreux furent les artistes qui occupèrent les murs de la librairie galerie « La Marge » et ceux, qu’une équipe de copains avait appelé « La marge d’eux », située juste en face, toujours dans la rue Emmanuel Arène à Ajaccio. Durant les 27 années qu’a duré l’aventure, plus de 1 000 expositions y furent organisées et plus de 700 artistes, d’ici et de tous les continents, sont venus proposer leur vision du monde. Souvent, plusieurs fois. Des peintres-écrivains comme Nacer Khemir ou Rachid Koraïchi, des plasticiens venus d’autres horizons comme l’Irakien Hassan Massoudy, le Yougoslave Vélickovic, l’Albanais Zemi Mati, le Catalan de Sète Hervé di Rosa, Magda Alia et Anna Spanu, toutes deux Sardes, le Turc Kemal Bastuji, Peter Klasen, Madjoub Ben Bella, Leonor Fini, le sculpteur Andreou, Cueco… La liste est longue ! Les artistes habitant l’île ont pu y exposer eux aussi, souvent plusieurs fois afin que les amateurs d’art saisissent leur évolution ; Frédéric Pan, Bernard Filippi, Marcel HeritierMarrida, Jules Mondoloni, Christiane Paoletti, Colette Fournier, Jean-Do Leschi, Marc Ledoyen, Falellu, Françoise Seyries, Toni Casalonga, Linda Calderon et bien d’autres… Le temps d’une exposition est toujours une source d’échange et de richesse pour tous. Les artistes ne viennent jamais les mains vides. Ils apportent leur culture, leur sensibilité, leur savoir faire et leurs
techniques, mais aussi leur vision personnelle de la vie, voire de la Corse. Des photographes, comme la Japonaise Yoshi Rigal, l’Anglais Johnatan Robertson, l’Allemand Ulrich Mack, le Grec Peter Morigliou, ou encore le Croate Damis Fabijanicu ont proposé, en exposant leurs travaux, et chacun en fonction d’une sensibilité différente, une vision de la Corse qui nous a étonnés, voire stupéfaits tant elle était différente de celle que nous avions, immuable et définitive, croyait-on.
Jacques Pellegrin, Ajaccio, « la Marge », 1996, huile sur toile, 46 x 55 cm. © Claude Giansily
Certains ont éprouvé le besoin de créer ici, en Corse. Le sculpteur hongrois Pierre Szsekelyqui poursuivait la tradition avantgardiste de la sculpture abstraite et, l’un des maîtres de l’abstraction constructive, Jean Dewasne… Ces deux artistes-là ont créé des sérigraphies en hommage à la Corse, des œuvres qu’ils ont fait réaliser à
Appietto chez le Maître Claude Blaineau; le peintre allemand Peter Klasen a réalisé une lithographie originale à tirage limité, ayant la Corse pour thème; Hervé di Rosa, l’un des meilleurs représentants de la figuration libre: ses rencontres et l’intérêt qu’il a porté à l’île l’ont conduit à rédiger un ouvrage d’art, abondamment illustré d’œuvres qu’il a réalisées en Corse, et dans lequel il a retracé son parcours et ses séjours en Corse. D’autres encore ont éprouvé le besoin de revenir dans l’île pour y travailler. Le peintre Irena Dedicova, tombée amoureuse de la côte de Verghja, et qui a elle aussi, inspirée par la mer et ses rochers, réalisé de nombreuses œuvres recherchées aujourd’hui… Enfin, il y a ceux qui sont restés définitivement ici, et qui ont contribué à la création en Corse. Arlette Shleifer qui s’est installée du côté de Porticcio et dont les œuvres sont marquées par l’île; le peintre allemand Peter Berger qui a multiplié les œuvres mêlées avec l’écrivain Jacques Fusina ; Johnatan Robertson, le photographe anglais, Morio Matsui, célèbre peintre japonais qui vit et travaille en Corse depuis de nombreuses années maintenant… tant d’autres encore… Si la librairie « La Marge » a bien été le foyer culturel incontournable des années 1977-2004 à Ajaccio, elle a été avant tout l’un des centres les plus foisonnant de la vie artistique dans l’île sous la houlette de son créateur et animateur, Jean-Jacques Colonna d’Istria.
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
les choses évoluent dans toutes les directions et les artistes éprouvent au début des années 1980 le besoin de se rassembler, comme une force de proposition. en 1982, c’est la création de l’association « arte » regroupant une soixantaine d’artistes plasticiens, sculpteurs et photographes corses ou vivant en corse. Malgré une existence relativement brève, « arte » mobilise énormément d’acteurs et évoque les questions que se posent les artistes d’alors; elle organise chaque année une exposition lors du Festival du Film Méditerranéen qui se tient à Bastia. peu de temps après, la
création du Frac en 1986, officialise à la fois la place des artistes et de l’art contemporain en corse. en 1987, est créée la Galerie artco à ajaccio, première galerie d’art contemporain en corse, ouverte aux jeunes artistes, notamment ceux ayant fait leur scolarité dans les écoles des Beauxarts ; elle jouera jusqu’à un passé récent un rôle de révélateur des talents de nombreux plasticiens corses et d’artistes non corses. cette période qui va du début des années 1960 à la fin des années 1980, correspond à l’évolution institutionnelle, sociétale et cultu-
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relle de la corse et au « riacquistu », cette forme de réappropriation de la langue, des expressions artistiques et culturelles – touchant la littérature, le théâtre, la musique, le chant et, bien évidemment, les arts plastiques – des savoir-faire, qui sont, d’une certaine manière la réactivation ou la recréation de différentes formes d’identité collective et aussi la réappropriation de l’histoire. les artistes participent de cette évolution par les sujets et les formes d’expression plastiques qu’ils adoptent, souvent en rupture avec les modes traditionnels.
Le Fond Régional d’Art Contemporain en Corse (FRAC)
Le Fonds Régional d’Art Contemporain a été mis en œuvre en Corse, sous la forme associative en 1986, soit quatre ans après la création des FRAC par le ministère de la culture. Très tôt sa collection a été identifiée comme une des plus remarquables, constituée avec exigence et audace. Outil primordial pour la création contemporaine, le FRAC Corse présente divers aspects: il constitue une collection d’intérêt international qui représente un patrimoine de premier ordre pour la Corse; il organise la diffusion de ces œuvres à travers le territoire et établit des collaborations avec d’autres institutions sur le réseau professionnel sur le continent et en Europe. Il a pour mission de rendre accessible à tous les publics de Corse un ensemble d’œuvres qui révèle les axes les plus importants de l’Histoire de l’art de ces trente dernières années, et qui initie directement aux orientations les plus récentes et les plus significatives de la création d’aujourd’hui. Le FRAC soutient la création en Corse et agit comme relais professionnel auprès des artistes dont il soutient le travail. Il œuvre pour que le territoire insulaire soit clairement identifié comme lieu de création et il met en place des échanges et des résidences d’artistes. Outil de connaissance et de médiation, le FRAC conduit des actions de formation et de médiation dans le cadre de son
programme d’expositions et dans le cadre de partenariats privilégiés avec l’Éducation Nationale et l’Université. Par sa présence et ses actions, il tisse le lien entre la Corse et l’actualité de la création. Il favorise l’émulation tout en définissant par son projet artistique les relations de l’art et de la vie à partir de son contexte géographique et culturel. Un incendie d’origine indéterminée, dans la nuit du 6 novembre 2001, a détruit les deux-tiers des œuvres. Cette catastrophe a pu être surmontée grâce aux engagements tenus de l’État, de la collectivité territoriale de Corse, au montant d’indemnités des assurances et essentiellement, à la participation des artistes qui ont agi pour la plupart comme des partenaires de la renaissance de la collection avec la médiation efficace des personnalités du comité scientifique et technique. Aujourd’hui, le FRAC assure le rayonnement lui incombant dans toutes ses missions. On doit aussi constater que le FRAC, seule structure de niveau national en Corse, a déclenché une dynamique de promotion de l’art contemporain, que son action a profondément modifié le champ de production artistique et largement contribué à inscrire la Corse dans l’actualité des expressions plastiques. [ voir ➤ ] Bernard Filippi, Ange Leccia, Jean-Paul Pancrazi.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
des manifestations, nombreuses et de grande qualité, parfois initiées par des élus passionnés d’art, attirent également l’attention du public sur l’art d’aujourd’hui qui voisine ainsi avec une peinture traditionnelle très prolifique, témoignant de la capacité des artistes corses à exprimer leur art. parmi les précurseurs, la commune de Ville di paraso, en Balagne, dont le maire, Jean leoni, crée en 1988 un festival artistique orienté résolument vers l’art contemporain et dont l’objectif principal est de rassembler des jeunes créateurs, peintres et sculpteurs, désireux de montrer à un large public leur travail et de se confronter au regard des autres. un autre événement d’importance se déroule de 1991 à 1998, « le parcours du regard », présentant l’art
contemporain en corse dans sa diversité, à oletta, petit village d’un millier d’habitants situé aux portes de saint-Florent, grâce à l’initiative et à la ténacité de l’artiste Maddalena rodriguez-antoniotti et permet à des artistes de tous horizons, confirmés ou non, de trouver un lieu pour montrer leur travail, se confronter au public, se mesurer à d’autres artistes. au même moment, en juillet 1991, henri orenga de Gaffory décide d’organiser des expositions dans les nouveaux locaux de sa cave vinicole à patrimonio. il est ainsi l’initiateur d’une aventure qui se poursuit encore aujourd’hui pour lui le mécène, l’amateur d’art et pour les artistes. la première exposition présente le travail de Jean paul pancrazi (né en 1950)
Jean Paul Pancrazi, « Nodu 2 », 2002, technique mixte sur toile, 70 x 50 cm. © DR
La peinture et le monde associatif
Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Soulèvement d’écriture, 1995, 80 x 120 cm, peinture en technique mixte sur vieux papiers marouflés sur carton puis sur bois. © Maddalena Rodriguez-Antoniotti.
Depuis les années 1960, de nombreuses associations se sont créées avec des objets divers que l’on peut regrouper en quelques thèmes principaux: la promotion de la peinture; l’enseignement de la peinture; la création d’événements et de manifestations artistiques. La forme associative donne une grande souplesse de gestion ; elle permet au bénévolat de s’exprimer ; elle aide à suppléer les carences des pouvoirs publics qui n’ont pas de politique dynamique ou, au contraire leur permet de travailler de concert avec des structures officielles. Les associations apportent des projets, sont présentes sur l’ensemble du territoire, permettant l’expression des sensibilités artistiques et leur action est généralement
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
Ange Leccia, Partitions mentales, 1995, dessin inédit, collection particulière (DR).
efficacement relayée par les médias. Enfin, elles peuvent recevoir les aides publiques, programmer leurs activités et ainsi favoriser la réalisation d’un maximum d’actions. L’ensemble de ces facteurs explique leur importante et remarquable éclosion. Dans le même temps, on constate, avec le fort développement des activités de loisirs, un engouement croissant pour la peinture : passe-temps pour certains, véritable passion pour d’autres. La demande de formation artistique se manifestant (elle est toujours aussi forte de nos jours) et en l’absence d’écoles municipales de dessin et de peinture, des structures de substitution (parfois à l’existence éphémère) se sont mises en place.
puis, en plus des artistes corses, des artistes extérieurs qui apportent un autre statut, une autre visibilité avec la participation de galeristes parisiens notamment. une autre aventure se tient à penta di casinca, où le maire, Joseph castelli offre un espace splendide dans une vieille maison du village. dans de nombreuses communes de corse ces exemples sont suivis par des personnes conscientes de la nécessité de ces rencontres artistiques organisant des festivals des arts, parfois sans lendemain. en 1995, se tient la première édition de la rencontre d’art contemporain de calvi (racc), événement de belle tenue qui a prospéré et se perpétue de nos jours. des manifestations d’envergure comme « Festiv’arte », à ajaccio en juillet 1996
Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer quelques associations pour la promotion artistique: Académie régionale des arts; Association 3C ALBA; ARS NOSTRA II; l’Atelier d’Ajaccio; Arte e Pratica; Association art, culture et métiers de Corse… On n’oubliera pas les précurseurs: l’Association des peintres corses d’aujourd’hui, créée à Ajaccio, en 1960 par Pierre-Louis Nardi ; la Fondation Michel-Ange, créée à Poggio de Venaco en 1960 par Catherine Guglielmi. [ voir ➤ ] Jacqueline Armani,Antoine Faggianelli, Pierre-Louis Nardi, Pierre Graziani, Fanfan Salvini.
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permettent de montrer des œuvres d’une quarantaine de peintres et sculpteurs dont la plupart sont en activité depuis plusieurs dizaines d’années, comme andria santarelli (née en 1935), Jean-Do Leschi (né en 1945), Colette Fournier (née en 1945), toussaint Mufraggi (né en 1948), Mario sépulcre (né en 1959), prouvant la richesse de la créativité des artistes corses et leurs capacités à évoluer et se renouveler. depuis longtemps, les artistes ont besoin d’un environnement propice à leur évolution, que ce soit au moment de l’apprentissage des métiers et plus tard, pour se faire connaître, montrer leur travail, échanger avec le public et les autres artistes. on constate cependant un manque flagrant de lieux et de structures professionnelles de formation, de diffusion et de promotion. le monde de l’art en corse présente encore des insuffisances qui sont de véritables obstacles à la constitution d’un marché et la reconnaissance extérieure des plasticiens en activité. on ne peut que regretter l’absence, encore de nos jours dans l’île, d’école d’art, d’institution publique d’enseignement des arts plastiques, ou de véritable centre d’art contemporain. les artistes plasticiens malgré plusieurs tentatives d’organisation demeurent victimes d’un isolement pénalisant et se plaignent de leur difficulté à se faire connaître, à s’exporter et ainsi d’accroître leur visibilité vis-à-vis du marché et des institutions, reconnaissances indispensables de l’originalité et de la valeur de leur créativité.
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histoire de la peinture en corse aux xixe et xxe siècles
Les musées en Corse en 2010
Il existe un maillage intéressant des musées en Corse aujourd’hui, dans des spécialités très variées : anthropologie, archéologie, beaux-arts, ethnographie, histoire… Pour évoquer brièvement le domaine de la peinture des XIXe et XXe siècles, on mettra l’accent uniquement sur quelques aspects de l’action de ces institutions. Le Palais Fesch, musée des Beaux-arts d’Ajaccio possède aujourd’hui un fonds considérable en peintures, dessins et gravures qui résulte notamment de récentes donations (Ollandini et Bassoul : 2007-2010). Avec les récents travaux de rénovation du Palais Fesch, a été créé un département dédié exclusivement à la présentation au public d’une partie de ce patrimoine. On peut voir ainsi une sélection d’œuvres des chefs de file de l’école de peinture corse depuis le milieu du XIXe siècle, jusqu’à la fin du XXe siècle. Le musée de Bastia évoque l’histoire de la ville avec de riches collections, un panorama de la peinture des XIXe et XXe siècles et des œuvres
L’inventaire du patrimoine - La peinture, Ville de Bastia, Direction du patrimoine, 2003.
des meilleurs artistes bastiais. Les collections sont le fruit d’une politique d’acquisitions venant compléter avec bonheur les donations recueillies. Le musée de la Corse, à Corte, musée régional d’anthropologie, a également mené une politique d’acquisitions ambitieuse et possède une très importante iconographie de la Corse des XVIe au XXe siècles : peintures, dessins, gravures, cartes de géographie, photographies, affiches et cartes postales. Ses expositions annuelles sont l’occasion de rassembler des œuvres inédites et d’éditer des catalogues permettant de compléter régulièrement nos connaissances sur la peinture corse. L’action de ces trois musées, qui possèdent au total plusieurs milliers d’œuvres du domaine corse, a été déterminante, au cours des vingt dernières années, pour familiariser le public, dans les meilleures conditions, avec le patrimoine artistique de la Corse.
La Corse et la tourisme - 1755-1960, catalogue d’exposition, Albiana/Musée de la Corse, 2007.
Les peintures corses - catalogues raisonnés des collections, tome II, Giansily Pierre-Claude et Perfettini, Philippe, Silvana Editoriale/Palais Fesch, musée des Beaux-arts, 2009.
la peinture au xxe siècle seconde moitié du xxe : variété d’aspects d’une période de transition de la peinture corse
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Les peintres de la Corse aujourd’hui
Pour mentionner les peintres de la Corse on manque sans doute actuellement de recul et l’étude de la carrière des artistes reste à faire pour voir la place que cela représente dans leur parcours. Les critères d’appréciation ont changé et nous n’avons pas les mêmes références que pour les artistes des périodes précédentes. Pour les artistes qui sont en activité depuis les années 1960 par exemple, il n’est plus significatif ni même important de figurer dans une manifestation officielle à Paris et ils sont assez peu nombreux à appartenir à ces grandes Sociétés artistiques dont rêvaient leurs prédécesseurs. Une chose est certaine : la Corse a attiré et continue aujourd’hui d’attirer les artistes qui ne viennent plus obligatoirement dans l’île pour ses paysages et ses
Regards sur la peinture en corse À l’issue de ce panorama, on peut esquisser un bilan général de la peinture en corse qui témoigne d’une grande richesse, même s’il est contrasté sur plusieurs points. en deux cents ans, la peinture est une activité qui est régulièrement allée de l’avant, toujours à proportion de la capacité des personnes et institutions qui passaient des commandes aux artistes et à celle des amoureux de l’art, à absorber une production toujours croissante, malgré une période de baisse de l’activité créatrice entre 1940 et 1960. on voit aussi la difficulté à lire et interpréter le passé récent et on peut dire que l’activité
modes de vie. Certains d’entre eux, d’origine corse ou non, se sont implantés et y mènent une carrière comme Linda Calderon, Guy-Paul Chauder, Pierre Farel,Daniel Jaugey, Morio Matsui, Jean Monestié… D’autres viennent régulièrement travailler et/ou exposer en Corse comme Léon Claessens, Mahjoub Ben Bella, Hervé Di Rosa, ou ponctuellement, Velickovic, Cueco, Corneille, Peter Klasen, invités par La Marge, dans les années 1990, ou Jacques Villeglé invité par le FRAC Corse en 2001. Tous ces artistes apportent une vision particulière et différente des arts plastiques appréciée par le public et les artistes corses, preuve aussi que la mobilité des artistes est un élément très positif.
présente est très encourageante même si, dans certains domaines, notamment en ce qui concerne la formation, il reste encore des efforts à accomplir, ce qui est aisément compréhensible. les artistes corses sont, depuis les années 1970, très nombreux à occuper un terrain ouvert à tous les modes d’expression artistique, sans exclusive aucune. parmi ces artistes, une multitude de parcours individuels, privilégiant une expression picturale libre, dont seul le public est juge. ce public qui souhaiterait savoir aujourd’hui qui sont les grands artistes corses de ces trente dernières années, comment ils se
situent par rapport aux autres artistes au niveau national et international ou encore, quels sont les grands rendez-vous annuels de la peinture corse/en corse. ces artistes, ne l’oublions pas, poursuivent aujourd’hui, à leur manière, les efforts de leurs prédécesseurs, hommes et femmes du xixe siècle et de ceux qui ont ouvert la voie au cours de la première moitié du xxe siècle. phénomène intéressant aussi de constater que, de nos jours, les artistes reflètent bien notre société, prouvant ainsi que la corse est aussi une terre d’artistes, ce qui n’allait pas de soi dans un passé assez récent.
seconde partie dictionnaire des peintres
dictionnaire des peintres aBatucci
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A aBattucci, Pierre Jean, né à Molenbecksaint-Jean (Bruxelles), 1871, † ixelles (Bruxelles), 1942. peintre et graveur belge dont l’essentiel de l’œuvre est consacré au paysage. Élève du peintre F. stroobant à l’école des arts décoratifs de Molenbeek-saint-Jean, où il sera plus tard professeur; il complète sa formation auprès de J. portaels et c. Van der stappen à l’académie royale des Beaux-arts de Bruxelles, de 1892 à 1897. il peint, au début de sa carrière, dans un esprit symboliste, des vues crépusculaires noyées de brume et teintées de mélancolie. [ Bibliographie ]: Bénézit, emmanuel, Dictionnaire des Peintres, Sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs; dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers, librairie Gründ, édition 1999.
accoRsi, agnès, née à ajaccio le 1er avril 1967. plasticienne et formatrice en arts appliqués, installée à ajaccio. après deux années d’études à l’École des Beaux-arts d’aix-enprovence, elle obtient un diplôme d’arts plastiques à l’université de corte. elle participe à plusieurs expositions collectives comme le « parcours du regard », à oletta en 1993. en juillet 1994, elle expose à ajaccio, à la galerie la Marge, un travail très original sur « la brûlure », utilisant plusieurs techniques et matériaux, s’exprimant par une démarche personnelle troublante et sans concession. plus récemment, on la retrouve en compagnie de Marcel dinahet à l’exposition La Corse et le tourisme 1755-1960 (musée de la corse, corte, juillet-décembre 2006); les réalisations des deux artistes questionnent à partir de regards croisés
le tourisme et les touristes et agnès accorsi, avec sa vidéo intitulée Soleil body déclic porte un œil aiguisé sur la saison estivale. débauche de couleurs (serviettes, parasols, maillots), exhibition et sensualité des corps qui bronzent au soleil, suractivité… tout pourrait n’être que « plaisir, calme et volupté », mais l’excès et la rapidité de cette consommation estivale laisse présager une ombre au tableau… son installation complète l’exposition en envisageant l’éphémérité du plaisir lié aux vacances en intégrant des éléments plus inquiétants… agnès accorsi poursuit sa recherche dans le domaine de la peinture et de la vidéo. son travail, apprécié par la médiatrice Valérie Marchi, lui vaut de figurer en décembre 2009 à l’exposition « un monde sans mesure », au Musée d’art contemporain de l’université de sao paulo avec d’étonnantes toiles cirées colorées, coloriées sur pVc. [ Bibliographie ] : renucci, Jacques, « l’art rue emmanuel-arène… Jean ottavy et agnès accorsi : deux démarches créatrices particulières », Corse-Matin, 2 juillet 1994 – rodriguez-antoniotti, Maddalena,
Agnès Accorsi, Toile cirée 03, 2008, crayons de couleur et feutres sur toile PVC, diam. 140 cm. © DR
Comme un besoin d’utopie, Le parcours du regard, un parcours d’art contemporain en Corse, éditions albiana, ajaccio, juin 2005 – sbraggia, constant, « agnès accorsi au Musée d’art contemporain de sao paulo », Corsica, l’autre regard sur la Corse, n° 123, décembre 2009.
acheneR, Maurice-Victor, né à Mulhouse le 17 septembre 1881, † paris, 19 avril 1963. peintre, graveur et illustrateur, Maurice achener se fixe en 1905 à paris. dans les années 1907-1908, il travaille avec Jean-paul laurens. essentiellement paysagiste, il réalise sur le vif de nombreux dessins et peintures qu’il utilise ensuite pour ses gravures. Graveur minutieux et précis, son œuvre est poétique bien que se situant dans une tradition classique, très personnelle. il dessine beaucoup paris mais sillonne également le reste de la France au gré de ses commandes. il illustre l’alsace, les alpes, la provence, la région de poitiers, carcassonne, la corse et la Bretagne. il visite également l’italie, l’allemagne, la suisse. il séjourne en tunisie et aux États unis, où ses œuvres sont achetées par de grands collectionneurs. il adresse au salon de la société nationale des Beaux-arts de 1931 une gravure intitulée Chapelle Gaffori (Corte). [ Bibliographie ] : Bénézit, emmanuel, Dictionnaire des Peintres, Sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs ; dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers, librairie Gründ, édition 1999 ; Bailly-herzberg, Janine, Dictionnaire de l’Estampe en France (1830-1950), éditions arts et métiers graphiques, paris, 1985.
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dictionnaire des peintres acquatella
acQuatella, François (dit FRac), né à oran le 27 janvier 1876, † alger, 1er mars 1942. peintre et dessinateur humoristique, François acquatella, dit Frac, signe aussi sous le nom de caton. il passe une grande partie de sa vie à oran et s’installe à alger au début des années 1920 ; il habite sur le boulevard saint-saëns dans un appartement atelier offrant une vue magnifique sur le port. il est membre du comité « des dix » qui crée à alger, le « salon du rire » qui se réunit tous les ans à partir de 1924. il en devient le président, en 1926, après la mort d’edouard herzig, l’humoriste très connu. parmi les membres du « salon du rire », un autre artiste d’origine corse : Maurice Fabiani. dans les années 1930, François acquatella qui est
Acquatella François (dit FRAC), Personnages d’Alger (deux de cinq), aquarelle et pastel, 49 x 11 cm. © Claude Giansily
très populaire en algérie figure aux manifestations du salon des artistes orientalistes algériens. son style est très soigné et il montre dans ses dessins, pastels et gouaches une belle technique mettant en scène des « types », personnages tous plus originaux les uns que les autres ou des scènes de la vie quotidienne d’alger. a la même période, Frassati qui vit à oran montre les personnages de la ville avec beaucoup de verve. [ Bibliographie ] : Marion Vidal-Bué, Alger et ses peintres (1830-1960), collection Méditerranée pour mémoire, 2000 – acquatella, simone, « François acquatella », Pieds-Noirs d’Hier et d’Aujourd’hui, 1995.
aGostini, Félix, né à paris le 5 juillet 1910, † saint-cloud, 19 février 1980. décorateur, sculpteur, créateur publicitaire et affichiste. dès son plus jeune âge, il montre des dons exceptionnels pour le dessin. a vingt-quatre ans, il exerce son premier métier de dessinateur publicitaire et retoucheur chez l’imprimeur draeger. dans le domaine de l’affiche, parmi ses nombreuses réalisations dans les années 1940 on citera Violeta, Andrex, Automobiles Ford. ses travaux seront reconnus plus particulièrement pour les marques peugeot, Ford, ducretet, thomson, chanel (tissus imprimés), et affiches d’artistes comme andrex. Quelques années plus tard, il crée son affaire à paris, rue Vercingétorix, où naîtront ses premiers modèles en fer forgé, céramique, puis bronzes. À l’époque déjà, son nom apparaît dans l’encyclopédie Quillet. il aura l’occasion de travailler en collaboration avec diego Giacometti et rendra hommage beaucoup plus tard aux deux frères sculpteurs, par la réalisation d’un de ses lampadaires : « echassier ». ce n’est qu’à partir de 1955, qu’il sculptera en plâtre, les modèles de ses luminaires les plus connus (tirés en bronze ensuite), dans sa boutique
située alors 3 rue de penthièvre dans le 8e arrondissement. durant plusieurs années, chaque été, il expose personnellement ses œuvres à la galerie cusin à Mougins (alpes Maritimes), lieu où se développera une grande partie de sa clientèle. [ Bibliographie ] : La Publicité Française, 1947.
aGostini, hubert, né à Marseille le 7 décembre 1935 de parents natifs de Zonza (corsedu-sud). artiste peintre provençal contemporain. sa famille habite les vieux quartiers de la cité phocéenne puis s’installe à cabriès où il est l’ami d’edgard Melik qui influencera son style. Élève des Beaux-arts à Marseille, de 1948 à 1955, il expose pour la première fois à paris, à la Galerie cézanne, en 1955 puis à Marseille, à la galerie detaille, en 1956. peintre de figures, nus, paysages, natures mortes, fleurs. post-cubiste, il est régulièrement exposé à Marseille, lyon et à paris mais aussi, à londres, new York, Genève, copenhague ou Montréal. il a obtenu de nombreuses médailles et récompenses. les œuvres d’hubert agostini sont présentées en permanence à paris, galerie Marcel Berheim. ses peintures figurent dans les collections particulières de nombreuses personnalités françaises et étrangères. [ Bibliographie ] : Bénézit – alauzen, andré, Dictionnaire des Peintres et Sculpteurs de ProvenceAlpes-Côte-d’Azur, éditions Jeanne laffitte, 1986 – Corse-Matin, 27 août 1994.
aGostini, Max, né à paris le 30 décembre 1914, † 14 janvier 1997. il est d’origine corse par ses grands-parents. il étudie à l’École des Beaux-arts de Marseille au début des années 1930 puis aux Beaux-arts de paris. il est à Bastia à la fin des années 1930, où il peint
dictionnaire des peintres agostini
des paysages de la corse, et se fixe ensuite dans le midi tout en faisant de nombreux séjours à paris. il expose à la galerie catani, à Bastia, en décembre 1933 des tableaux et dessins : « nous avons remarqué une grande toile environs de toga et une petite toile sousbois d’une facture classique et d’un magnifique caractère poétique. compliment et meilleurs vœux au jeune artiste en qui M. Brémond, directeur de l’École des Beaux-arts de Marseille a discerné, il y a près de deux ans un des plus beaux espoirs de la nouvelle génération. » incorporé dans l’armée Française pour cinq ans au début de la deuxième guerre mondiale, Max agostini est fait prisonnier pendant trois ans. après 1945, il est remarqué par ses qualités de portraitiste et de paysagiste à châteauroux, où il a travaillé pendant plusieurs années ; plus tard, il est installé à Gargilesse dans le Berry et en provence. c’est après 1950 qu’il fera apprécier la qualité de sa peinture. classé un temps parmi les peintres de la « réalité poétique », Max agostini, qui a atteint une renommée internationale, est considéré comme le chef de file de l’impressionnisme contemporain. noté dans une édition du journal Le Figaro, en 1991 : « (il) célèbre la vie dans ses moindres frémissements. disciple fidèle
des impressionnistes, sa peinture est tout entière baignée de couleurs et de lumière. parcs tachés de soleil, paysages verdoyants, portraits aux nuances infinies : la gaieté est là, exubérante, dans l’embrasement doré du matin ou les teintes obscures du crépuscule. images très expressives qui communiquent la beauté de l’instant autant que sa fugacité. en nous faisant rejoindre le cœur palpitant des choses, agostini transmet à la fois un plaisir et un espoir. Quel hymne à la vie » Max agostini, a eu pendant vingt-cinq ans un contrat d’exclusivité avec Janet Greenberg, propriétaire de la Galerie Martin-caille Matignon, qui a fait découvrir et apprécier ses œuvres dans le monde entier. lieu d’exposition permanente de ses toiles à paris, la Galerie du Faubourg saint-honoré, accueillait les collectionneurs et admirateurs du peintre. considéré comme l’un des grands coloristes de son temps, ses nombreux vernissages à paris ont permis de connaître l’homme autant que sa peinture. « Champs de lavandes » ou « de coquelicots, » « Campagnes éclatantes du printemps, » « Reflets d’eau des rivières, » « Natures mortes » et « Bouquets, » ont fait de lui le chef de file de l’impressionnisme contemporain. [ Bibliographie ] : Bénézit – Le Petit Bastiais, 3 décembre 1933, les arts (Galerie J. catani) – Max Agostini. Max Agostini (1914-1997) Rétrospective, le Mystère de la Création, Janet Greenberg, Éditions GMcM s.a., paris 1998.
Agostini Max, Parasols sur une plage méditerranéenne, huile sur toile, 60 x 81 cm. © DR
aGostini, Pascal. Élève à ajaccio de dominique Frassati, Jean canavaggio et antonia Bosc-Bigou. il travaille dans son atelier situé à chomérac, petit village de l’ardèche. la corse occupe une place centrale dans son travail ; il en représente les paysages et les ruelles des villages avec des petites touches en relief, éclatantes, créant une belle lumi-
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nosité. il expose à paris, au canada… il a présenté ses œuvres à plusieurs reprises à ajaccio, la galerie dont récemment, en novembre-décembre 2005. [ Bibliographie ] : pugliesi-conti, Marie-Magdeleine, « agostini aime qu’on l’aime », Corse-Matin, 6 juillet 1994 ; 11 avril 1998 ; 9 mars 2002.
Agostini Pascal, Cap Corse, huile sur toile, 54 x 65 cm. © Courtesy La Galerie, Ajaccio
aGostini, tony, né à Bastia le 29 avril 1916, † antony (hauts-de-seine), 30 mai 1990. après des études techniques industrielles, il exerce plusieurs métiers et vient tardivement à la peinture, après avoir connu Gen paul en 1944. il expose dans les principaux salons annuels parisiens. il figure dans quelques expositions avant 1940, et son succès, à paris notamment, interviendra à partir des années 1950. il a exposé à la galerie Visconti (paris) en 1948, 1949, 1951 et 1952, à la galerie charpentier, à new-York et san Francisco, en allemagne, au Venezuela, etc., parfois considéré comme le maître des natures mortes, tony agostini a, dans ce genre particulier, un répertoire très étendu qu’il a perfectionné au cours de plus de quarante ans de carrière. un ouvrage lui est consacré en 1987, préfacé par roger peyrefitte ; parmi les citations mentionnées, celle de donatella Micault, publiée peu
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dictionnaire des peintres agutte
auparavant dans le Nouveau Journal : « ses toiles, d’un chromatisme luxuriant et brillant, à dominantes de bleus, mauves, verts et rouges intenses, étincellent de mille feux, proches souvent de l’émail ou du gemmail, exécutées à l’aide d’une belle matière qui les rend précieuses telles que des bijoux. Beaucoup de fleurs et de fruits, d’une riche polychromie : voici l’assiette bleue à la grappe, la carafe fleurie, le Bol des cerises, l’hortensia au violon et aussi soleil d’automne, palettes et tubes, opaline. un beau peintre, maître d’une technique picturale sensuelle et d’une science absolue dans le maniement des couleurs. ». installé à paris, ses relations avec la corse deviennent assez peu fréquentes après 1950. les œuvres de tony agostini se trouvent dans plusieurs musées : albi, paris (musée d’art Moderne de la ville de paris), tours, amsterdam, Munich. [ Bibliographie ] : Bénézit – Le Journal de la Corse, 9 décembre 1982, « nos artistes à paris, tony agostini » – Vision sur Agostini, éditions Vision sur les arts, Béziers, 1972 – Tony Agostini, éditions playtime, la Varenne, 1987 – roussard, andré, Dictionnaire des Peintres à Montmartre : Peintres, Sculpteurs, Graveurs, Dessinateurs, Illustrateurs, Plasticiens aux xIxe et xxe siècles, éditions andré roussard, Montmartre, 1999.
Agostini Tony, Vie silencieuse, huile sur toile, 24 x 33 cm. © DR
aGutte, Georgette, (Louise, Georgette aGuttes: aGutte est son nom d’artiste), née à paris le 17 mai 1867, † chamonix, 4 septembre 1922. peintre et sculpteur. Élève de Gustave Moreau, elle compte parmi les artistes non conformistes de son époque et a soutenu avec éclat les Fauves dont elle se réclamait. elle expose au salon des indépendants dès 1904 et également au salon d’automne dont elle est membre d’honneur et à la fondation duquel elle participe. elle se marie en 1897 avec Marcel sembat (18621922), humaniste éclairé, amateur des arts et mécène, avocat, député et ministre en 1916. Georgette agutte a beaucoup produit et elle est connue pour ses paysages de la région de chantilly, des alpes, de la Méditérranée, de la normandie… ses portraits, natures mortes et ses œuvres décoratives. artiste proche de Matisse, elle a séjourné en corse – sans doute sur sa recommandation – au début du siècle et c’est au salon d’automne qu’elle adresse en 1904, des œuvres à la gouache représentant la corse : Le Vieux Port de Bastia (Corse) ; Les calanques de Porto (Corse) et Coucher de soleil sur la Méditerranée. [ Bibliographie ] : Bénézit – livrets des salons – toinon, Marie-noëlle, Suzanne Valadon, Jacquemine Marval, Emilie Charmy, Georgette Agutte : Les femmes peintres et l’avant-garde, 1900-1930, éditions somogy, 2006.
ahleRs-hesteRMann, Friedrich, né à hambourg en 1883, † Berlin, 1973. peintre allemand. déterminé à être peintre, il entame des études artistiques en 1900 et opte très vite pour la peinture en plein air. impressionné par la première exposition Van Gogh à hambourg, ahlers-hestermann se rend à paris en 1907 et y restera jusqu’en 1914. a paris, il fréquente le café du dôme et le cercle des
artistes allemands comme hans purrmann, oskar Moll. ses études parisiennes et l’enseignement d’henri Matisse sont déterminants pour lui. au cours de cette période, il voyage en angleterre, en russie et en italie. c’est alors, qu’il effectue un séjour en corse, à ajaccio, sans doute sur les conseils de Matisse qui a vécu lui-même à ajaccio en 1898. par la suite, ahlers-hestermann réalisera une belle carrière artistique récompensée par de nombreuses distinctions. son œuvre se caractérise par des compositions harmonieuses des couleurs et une exploration sensible des possibilités de traduire des modèles naturels dans une forme picturale analogue. se sont ces qualités que l’on découvre dans ses paysages, compositions figuratives et natures mortes. [ voir ➤ ] Matisse, Moll, purrmann. aillaud, andré-Marius, né à hanoï, en 1902, † paris, 1972. Élève de devambez, roger et colin aux Beaux-arts de paris. peintre de scènes de genres et de paysages, devambez est sociétaire du salon des artistes français où il expose en 1934, 1935 et 1936. en janvier 1947, il est à la galerie Bassoul à ajaccio : la presse signale que « les manifestations artistiques dignes de ce nom sont chose rare en notre ville que nous n’ayons à nous féliciter d’avoir pu admirer, grâce aux frères Bassoul, le talent d’un jeune Maître de la peinture française. » Quant au travail de l’artiste, l’article indique : […] « les ciels de M. aillaud se distinguent par leur sérénité, mais aussi quel charme se dégage de ses paysages ! sans trop idéaliser la nature, aillaud la rend telle qu’elle est : une symphonie. » […]. parmi les nombreuses toiles exposées : Toits de Bastia ; Zicavo ; Couvent ; Vieux-port de Bastia ; Oliviers. en 1948, aillaud expose au musée du travail de Montpellier des paysages de corse, exécutés
dictionnaire des peintres airola
en peinture ou gravures : La tour de la cathédrale ; La barque ; La vieille ruelle ; Le tombeau du Salario et un portrait de chasseur corse. [ Bibliographie ] : Bénézit, « andré aillaud à la galerie Bassoul », Le Sampiero, 11 janvier 1947 ; la corse littéraire, économique, sociale, n° 4, janvier 1948.
aiRola, isabelle, née à Bastia en 1966. peintre et professeur d’arts plastique, installée à Bastia. elle participe en juillet 1990 au iiie salon régional d’art contemporain de Ville-diparaso, puis elle fait sa première exposition personnelle en 1992 et participe la même année au « parcours du regard », à oletta. plus récemment, elle expose à Borgo, en compagnie de cathy Garatte et de nadine Graziani et son travail trouve son inspiration dans la terre et la corse à travers une étude des rapports entre le chaos et la matière. a cette occasion, elle utilise une technique mixte avec un mélange de colle et d’acrylique, d’encres et pigments naturels, de rouille. ses sujets évoquent les traditions corses, avec des portraits, ou le phénomène des incendies. [ Bibliographie ] : Jeanine rivais, entretien avec isabelle airola dans « l’art en corse » dans Les cahiers de la peinture, n° 281-282, 16 décembre 199215 janvier 1993. corse-Matin, 5 mai 2000. rodriguez-antoniotti, Maddalena, Comme un besoin d’utopie, Le Parcours du Regard, un parcours d’art contemporain en Corse, op. cit.
aÏZPiRi, Paul-augustin, né à paris le 14 mai 1919. son père est Basque et sa mère d’origine italienne. il fait ses études à l’école Boulle puis aux Beaux-arts de paris. en 1939, il s’engage dans l’armée et part sur le front où il est fait prisonnier. après la guerre, il figure aux manifestations officielles : salon d’automne, « peintres témoins de leur temps » et dès le début des années 1950, il est présent dans
des manifestations d’envergure internationale. peintre connu pour ses paysages, nus et natures mortes rendus avec un grand réalisme et dans l’exaltation de la couleur, il peint l’italie (Venise), la Bretagne, les côtes de la Méditerranée. il expose régulièrement depuis 1943 à paris, londres, new York. il reçoit le prix corsica de peinture remis en septembre 1948 à l’École des Beaux-arts de Marseille. [ Bibliographie ] : Bénézit, « le prix corsica de peinture est revenu à un jeune Basque », Nice-Matin Corse, 26 septembre 1948.
Aïzpiri, Paul-Augustin, Bouquet de fleurs, huile sur toile, 76 x 58 cm. © DR
aKenaton. Jean torregrosa, plasticien, et philippe castellin, poète sont les créateurs et animateurs de ce groupe multimédia créé en 1984 dont le but est de développer des pratiques dans les zones frontières de la création contemporaine en procédant systématiquement à des déplacements et renversements de perspective : envisager la fabrication d’un
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livre comme une performance (« liVre », « l » avec Julien Blaine, « 13 portraits de trobaïritz » avec Franco Beltrametti, etc) ou comme une installation, envisager réciproquement l’installation (« seMina reruM », ajaccio 1990, rituelM ajaccio 1991, pastorale 1, ajaccio 92) ou la performance (« le teMps iMMoBile », tarascon 1989, reVelateur, Bastia 93, 1969-1970, Quebec 96, Man/ŒuVre, sauve 1996, ouKssaVa, Beaubourg 2000… etc.) comme une variante de l’écriture hors-page, agrandir le territoire et le langage de la poésie visuelle par le recours au travail in situ, à la vidéo ou à l’informatique (pastorale 2, Marseille, les Yeux du langage, utopie/histoire, Martigues Musée Ziem, enVied’ecrire, Frac de corte, etc.). akenaton précise sa démarche : « d’un point de vue formel cette recherche en faisceau s’est, au fil du temps, cristallisée autour d’un intérêt particulier voué à la structure granulaire, plus petit dénominateur commun entre ces différents domaines : du grain à la trame, de la trame au pixel, de la semence à la poussière, de la poussière à la lumière et au parpaing… » thématiquement enfin aKenaton a développé depuis l’origine des pratiques liées aux images « fortes » du xxe siècle (images du xxe siècle, Galerie artco, ajaccio, le lieu/inter, Québec) et à une volonté constante d’articuler son travail sur des dimensions sociales et politiques. aKenaton assume depuis 1990 la direction et l’édition de doc (K) s, revue fondée en 1976 par Julien Blaine et défendant depuis lors la poésie expérimentale contemporaine à l’échelle internationale. depuis 1996, la revue a été systématiquement doublée par des cd audio et rom ou par des dVd. [ Bibliographie ] : Corse-Matin, 24 février 1995 – La Corse votre hebdo, 4 octobre 2002.
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dictionnaire des peintres akerBladh
Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs de 1830 à 1962, Bernard Giovanangeli éditeur, association abd-el-tif, 2001.
aKeRBladh, alexander, né à sundsvalt (suède), le 25 avril 1886, † royaume uni, 1958. architecte de formation, il s’installe à londres où il est illustrateur pour des magazines et des journaux; il décide à trente-deux ans d’embrasser une carrière artistique et reçoit une formation artistisque à londres en 1916 et à Munich en 1917. il expose régulièrement à londres (académie royale) et à paris, aux salons des artistes français. il a voyagé et travaillé en France, italie, espagne, Maroc, suède, en corse et à Majorque. il présente au salon de la nationale de 1930 une peinture intitulée Calvi (Corse). récemment en vente publique, des vues de calvi et de corte, réalisées à cette période.
alBeRti, henri, né à paris le 18 janvier 1868, † 1935. Élève de doucet, lefèvre et Merson, il débute au salon des artistes français en 1894 où il expose régulièrement jusqu’en 1920, obtenant une médaille d’honneur en 1898. peintre scènes de genre, de scènes religieuses et de paysages, notamment de Bretagne, c’est un brillant coloriste qui réalise également de nombreux portraits de personnalités. il adresse aux artistes français en 1911, Le soir et, en 1919, un Intérieur.
[ Bibliographie ] : livrets des salons.
[ Bibliographie ] : Benezit – livrets des salons.
alaux, (Marie) François, né à Bordeaux le 11 octobre 1878, † Bordeaux, 16 avril 1952. Élève de Bonnat à l’École des Beaux-arts, il est nommé peintre de la Marine en 1930. François alaux figure aux salons de la société nationale des Beaux-arts de 1900 à 1930; il est membre associé de cette société et membre du salon d’hiver. il voyage, en italie, en espagne, en algérie, en tunisie, au Maroc (entre 1904 et 1912) ainsi qu’en corse où il séjourne au début des années 1910. il est parfois considéré comme un peintre orientaliste. s’agissant de ses œuvres représentant la corse, il a fait les envois suivants aux salons de la nationale: en 1913, Les gorges de la Spelunca (Corse), en 1934, Manœuvre du youyou à bord de la « Dilligente » (Calvi) et La « Dilligente » dans la baie de Santa Giulia (Corse), enfin, en 1936, Erbalunga (Corse) et Au trois ris vers la Corse. Œuvre recensée en vente publique: Le village d’Ota en Corse.
alBeRtini, Bernard, né à lucciana. peintre de paysages, de portraits et de fleurs, mentionné au Bénézit. il a exposé au salon des indépendants en 1928, 1929 et 1930 des portraits, un bouquet de fleurs, Dahlias et un paysage, Sur les bords de Marne.
[ Bibliographie ] : Bénézit – livrets des salons – cazenave, elisabeth, Les artistes de l’Algérie,
la corse dont castirla, son village natal et donné, en 1937, des pages publicitaires de belle facture pour « l’annuaire général du département de la corse », édition de 1938 : « l’artichaut Violet corse » et « les vins corses 3 nuances, le même délice ». en avril 1948, il expose un Portrait du Sous-Préfet Bonnafous chez le photographe J. catani, boulevard paoli, à Bastia. il est également présent en maijuin 1948 au premier salon de la société régionale des artistes corses, dans les salles du café andréani, boulevard paoli. un article de presse indique à son propos : « l’envoi de M. d. albertini mérite qu’on s’y arrête : il est important par le nombre et l’intérêt des toiles, et il appelle la discussion, ce qui vaut mieux, n’est-ce pas ? que l’indifférence. un souci remarquable de composition décorative frappe dans toutes ses œuvres quelques influences modernes s’y trahissent, celles de Modigliani, Bonnard, Braque ou picasso. nous aimons
[ Bibliographie ] : Bénézit – livrets des salons.
alBeRtini, dominique, né à castirla vers 1880, † ? peintre au talent reconnu il figure dans de nombreux salons parisiens. il présente au salon des artistes français, en 1933, Maïesse du San Biang (Annam) ; en 1934, un tableau intitulé x…, Bandit corse, (œuvre reproduite au catalogue illustré du salon). il figure également au salon d’automne, en 1941, avec un Marché Annamite. au salon de la société nationale des Beaux-arts, il expose en 1941, Montmartre – Versailles, Trianon et, en 1948, quatre peintures : La fin du genre humain – Le poème de Castirla – Couchant aux sanguinaires (Ajaccio) – Soir à Erbalunga (Bastia). dominique albertini a peint
Albertini Dominique, Castirla, mon village, aquarelle, 30 x 23 cm. © Claude Giansily
dictionnaire des peintres alBertini
moins les deux tableaux napoléoniens, le christ en robe rouge, et plus le « carrefour de la Vie », les œuvres indochinoises, « la dolente erbalunga ». M. albertini a raison de vouloir faire de la peinture abstraite, mais son abstraction (comme dans « casier Judiciaire ») est encore trop compréhensible et son symbolisme trop direct. disons que la corse a, avec M. albertini, très certainement un décorateur de grand talent, un affichiste qui s’ignore peutêtre en partie, un illustrateur de légendes tout trouvé ! en ce qui concerne le peintre proprement dit, je ne me sens pas qualifié pour l’apprécier dans mon ignorance. » [ Bibliographie ] : Bénézit – livrets des salons – Le Petit Bastiais, 1er août 1934, « le peintre corse, dominique albertini aux artistes français » – NiceMatin Corse, 2 avril 1948 – Malosse, J., « un VernissaGe a Bastia, le premier salon de la société régionale des artistes corses ouvre ses portes », Nice-Matin Corse, 23 juin 1948.
alBeRtini, Jacqueline. elle effectue deux ans d’études aux Beaux-arts et, par la suite, fait ses premières expositions au milieu des années 1980, figurant régulièrement à Bastia galerie Bosdure. autres expositions en France : aix-en-provence, Béziers, deauville, Marseille, paris, perpignan, saint-laurent-du-Var ; à l’étranger : los angeles. en 1993, elle expose à ajaccio, à la galerie la Marge. elle a été remarquée et récompensée à l’occasion de plusieurs de ses participations à des expositions de groupe. les paysages de la corse, qu’elle traite avec une palette vigoureuse, l’attirent plus particulièrement et elle reconnaît avoir une prédilection pour les sujets en relation avec l’eau. elle déclare en 2001 : « l’eau me permet de capter des reflets, de jouer avec les transparences et de créer un dialogue entre le réel et l’imaginaire. cette attirance vers la
mer vient peut-être du fait d’être née sur une île, c’est au travers de cet élément que j’arrive à exprimer toutes mes émotions. » [ Bibliographie ] : Corse-Matin, 19 novembre 1986 ; 10 mai 1988 ; 17 novembre 1988 ; 27 mars 1992 ; 21 juillet 1993 ; 19 novembre 2001.
alBeRtini, Jacques Philippe (Jacky), né en 1949. très jeune, il fréquente les étudiants des Beaux-arts d’alger. il vient tardivement à la peinture durant un long séjour de coopération en afrique et y prend goût. pourtant, sa formation de professeur de dessin à Bordeaux bien qu’essentielle, ne l’avait guère préparé à la pratique de la peinture. a djibouti, il peint des scènes de rue, brossées de mémoire et surtout ancrées sur la femme. de retour en corse, son travail, toujours figuratif, devient alors plus « enlevé ». c’est la période du vécu et du senti : scènes typiques, chanteurs, guitaristes, mais la palette est encore sage : ocres, bleus… puis la palette éclate : c’est le temps des clowns, des joueurs de boules, des parties de cartes et surtout du jazz avec ses « bœufs nocturnes » ou ses hommages. déjà, la couleur vive a pris le pas sur le trait ; la représentation de l’humain cède progressivement la place à des aplats vifs et contrastés, ponctués de graphismes, de drippings ou encore de petits messages cachés, relatifs à une mort annoncée comme certaine de la peinture… un séjour de six ans en nouvelle calédonie vient cristalliser cette liberté de peindre « en s’amusant » autour des matières et des couleurs. actuellement installé aux antilles, albertini poursuit son exploration de l’abstraction baroque. depuis la première présentation de ses œuvres à djibouti, en 1988, les expositions individuelles ou de groupe s’enchaînent : ajaccio, antibes, porticcio, port-de-Bouc, porto-Vecchio, Bastia, ajaccio (la Marge) en
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1993, lyon, nouméa, et plus récemment, nice, Vence. a l’occasion de son exposition intitulée « Voyages », sylvie Florence écrit dans La Corse-le Provençal du 6 janvier 1993 : « on ne pouvait trouver mieux pour évoquer le parcours artistique et professionnel de ce prof d’arts plastiques installé dans la cité impériale. l’osmose entre la carrière et l’œuvre de l’artiste est parfaite. […] les toiles qu’il présente actuellement à la Marge semblent des vues aériennes d’un monde en mutation : lagons inexplorés, océans bouillonnants. une œuvre tonique, remuante, vivifiante. » Jacques renucci, dans l’édition du Corse-Matin également du 6 janvier 1993 observe : « ce qui frappe d’emblée le visiteur : le développement quasi paroxystique soit nappé, soit brisé et minutieux des envolées colorées. l’initiative est laissée à la couleur qui joue des harmonies violentes sans démarche préconçue […]. rien de prémédité, rien de construit, la toile offre un espace d’évasion au regard… » [ Bibliographie ] : renucci, Jacques, « albertini à « la marge », le virage abstrait du peintre ajaccien », Corse-Matin, 6 janvier 1993 – Florence sylvie, « les voyages de Jacky albertini », La Corse-Le Provençal, 6 janvier 1993.
alBeRtini, Jean-laurent, né à calvi (hautecorse), le 8 septembre 1949. professeur agrégé d’art plastique installé à ajaccio, cet artiste adopte depuis une quinzaine d’années une démarche originale. après avoir exposé en 1993 à la galerie « du point à la ligne », une de ses premières installations, en 1994, dans son atelier de la rue Bonaparte était consacrée à la présentation d’un « lieu », déterminé par ses longitude et latitude, illustré par trente dessins miniatures à la mine de plomb. en 1980, il fait sa première exposition de peinture/objets à ajaccio, à la galerie la Marge. il a participé à
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plusieurs expositions collectives comme au « parcours du regard », à oletta en 1997 et plus récemment, en juin-septembre 2007 au deuxième et dernier volet de « out of corsica », au centre international d’art contemporain de carros, en compagnie de linda calderon, dominique degli-esposti, Jacqueline desanti, Falellu, François retali, dominique ricci et pierre rossignol. actuellement, Jean-laurent albertini élabore des assemblages avec de grandes peintures à l’acrylique transportant le spectateur, avec de jolis clins d’œil, dans ces grands paysages de la région d’albertacce. [ Bibliographie ] : rodriguez-antoniotti, Maddalena, Comme un besoin d’utopie, Le Parcours du Regard, un parcours d’art contemporain en Corse, éditions albiana, ajaccio, juin 2005 – Corse-Matin, 31 juillet 1993; 11 mai 1995; 16 août 2001; 28 août 2008 – « out of corsica 2 », catalogue de l’exposition, éditons du ciac, carros, 2007.
Albertini Jean-Laurent, Montagne, acrylique sur toile, assemblage, technique mixte. © DR
alcani. en 1843, ce peintre de passage reçoit une commande, de la part de François xavier pietri, pour réaliser sur place les quatorze stations du chemin de croix de l’église sainte Marie de sartène. alessandRi, Joseph, né à tunis le 16 février 1940. cet artiste d’origine corse (castellaredi-casinca) a suivi les cours du soir des Beauxarts de Marseille et travaillé sept ans chez un maître-verrier. il rencontre louis pons en 1964 et découvre la peinture d’henri Michaux en 1965. Joseph alessandri oriente alors ses recherches sur la peinture-objet. il vit et travaille en provence, à eygalières. il a exposé à Marseille, lyon, paris, Grenoble, saint-Étienne, erbalunga. l’objet-tableau que crée alessandri n’est pas le fruit d’une récupération, mais plutôt un assemblage de formes mystérieuses, secrètes, inquiétantes, lentement remontées à la conscience par l’intermédiaire d’un médium privilégié, une « peau » en quelque sorte mais en constante évolution. comme l’indique sylvette Ferdac-Jars « tableaux, objets, collages, assemblages, les œuvres de Joseph alessandri, plus que toutes autres, méritent ce nom de « reliefs », car le lisse, le plat, n’est pas et n’a jamais été sa tasse de thé. ses « toiles » qui n’en sont pas tout à fait au sens classique du terme, il les modèle, les sculpte avant de les peindre. chez lui, la matière passe avant la couleur et la lumière. la plupart du temps, il part d’un objet ramassé ça et là, d’une pauvre chose abandonnée faite de bois, de pierre ou de ferraille pour laquelle il va imaginer, modeler un environnement. il va lui donner une nouvelle vie. des restes (des reliefs de notre société de consommation), de ces presque plus rien, il va faire quelque chose de très important : de l’art. ici et là se glissent alors
des personnages, des interrogations, des secrets qui intriguent, étonnent. noires parfois, couleur de rouille souvent, claires quelquefois, surgissent alors des œuvres qui enchantent. alessandri ne recycle pas ce qu’il a récupéré, il le métamorphose. Magnifique alchimie ! » Muséographie : le musée cantini, à Marseille, conserve de lui un assemblage sur bois de 1970 : l’enfer (catalogue 3 villes, 3 collections). [ Bibliographie ] : Bénézit – alauzen, andré, Dictionnaire des Peintres et Sculpteurs de ProvenceAlpes-Côte-d’Azur, éditions Jeanne laffitte, 1986 – Corse-Matin, 5 juillet 2001.
alessi, antoine-louis, né à Bastia le 5 mars 1850, † Bastia, 8 janvier 1918. son père, antoine-Jean alessi, est maçon à Bastia. il bénéficie du legs sisco en 1871 et reçoit l’enseignement des Beaux-arts à rome. a son retour à Bastia, il exerce le métier de peintre puis s’oriente vers la photographie dont il fera sa profession à partir de 1878, obtenant un franc succès auprès de la bourgeoisie bastiaise qui lui permet de vivre de son art. il continue cependant à s’intéresser à la peinture puisqu’au début des années 1910 il enseigne aux cours municipaux de dessin de Bastia (dont il assurera la direction) et fait partie du jury du legs sisco. antoinelouis alessi participe activement à l’activité artis-
Alessi Antoine-Louis, Marine, (entre 1871 et 1876), huile sur toile, 74,5 x 99,5 cm. © Coll. Musée de Bastia – photo J. SERAFINI
dictionnaire des peintres alfonsi
tique de sa ville : en 1899, il est membre du comité artistique provisoire de l’association amicale libre des artistes de Bastia, tout comme hortense de luri-Flach, pierre colonna d’istria, Joseph de Gislain…; en 1905, il figure à l’exposition artistique de Bastia. Muséographie : le Musée de Bastia conserve deux marines d’alessi, copies exécutées pendant sa scolarité à rome, grands formats d’une belle facture. [ Bibliographie ] : Bastia Journal, « le salon bastiais », 28 octobre 1899 – « exposition artistique bastiaise », catalogue du salon de 1900, ollagnier, Bastia – Le Petit Bastiais, 13 janvier 1918 – Bastia, regards sur son passé, collectif, Berger-levrault, 1983 – Le legs Sisco, un siècle de vie artistique Corse 1829-1933, collectif, édition centre d’études salvatore Viale, Bastia, avril 2007 – Gregori, sylvain, « Si eseguisce ogni genere di lavoro » Photographes bastiais, société insulaire et images de la Corse 1843-1914, Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse (Bsshnc) n° 722-723 (ier et iie trimestres 2008).
alFonsi, alexandre, né Bastia le 7 août 1886, † sidi Ferruch (algérie), 13 avril 1944. installé en algérie, il est élève de l’École nationale des Beaux-arts d’alger à la fin des années 1880 et début des années 1890. c’est un artiste au goût délicat, excellent dessina-
Afonsi Alexandre, Scène de rue d’Alger, huile sur toile, 22 x 33 cm. © Claude Giansily
teur ; il se spécialise dans la fabrication du meuble d’art oriental et fonde, en 1894, son atelier à Mustapha supérieur (alger). dans ce domaine, il met en valeur les subtilités de l’art arabe et berbère et rapidement, son entreprise est connue dans le monde entier. il obtient diverses médailles et récompenses comme des médailles d’or à londres (1908), alger (1922), paris (1925). dans le domaine de la peinture, il a peint avec beaucoup de sensibilité des paysages de corse (ajaccio, cargèse.) ainsi que des scènes de la vie quotidienne à alger. il fait partie des nombreux artistes corses présents à cette période à alger comme antoni, acquatella, Fabiani… alFonsi, Jean, né à paris le 6 février 1951. Jean alfonsi, qui est originaire de casaglione, fait des études supérieures de dessin et de peinture à aix-en-provence. il est enseignant en arts plastiques à saint-Florent et réside à Bastia. Jean alfonsi expose depuis le début des années 1980. au cours des années 1990, il poursuit ses recherches picturales, se confrontant aux grands formats qui lui permettent d’organiser l’espace, d’épurer et de dépouiller ses compositions picturales. Véronique emmanuelli évoque dans un article à propos de son exposition en août 2009, à sari d’orcino : « l’exercice a valeur de confidence. il révèle des évolutions, illustre des tâtonnements et signale des revirements. « Aujourd’hui je travaille surtout des gris colorés. Ce qui n’était pas le cas dans un passé récent. En réalité j’ai commencé avec une palette très sombre, ensuite je me suis tourné vers des plages plus colorées. En ce moment je reviens, à quelques différences près, à mes nuanciers du début ». « le peintre affirme une prédilection pour les grands formats qui « amènent à composer, à organiser » et par
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conséquent sollicitent des ressources intellectuelles, techniques, esthétiques complexes. et puis, la « gestuelle, le mouvement » sont des composantes essentielles de l’art de Jean alfonsi. Mais la posture ne vaut pas dogme. il arrive que sa manière de figurer la réalité soit liée à un espace plus restreint. « II s’agit alors davantage de pochades, de moments intimistes ». « au-delà, chaque tableau révèle une histoire faite d’observation, d’états d’âme, d’influences, de matière picturale et d’aléas. la pensée artistique est en marche ». « Le processus est complexe. J’ai un point de départ, l’émotion par rapport à un élément de mon environnement. J’ai besoin de la réalité même si je m’en écarte beaucoup. Ensuite, les lignes, les couleurs s’enchaînent. On ne sait jamais où cela va s’arrêter. » « l’acte de création emprunte la forme de paysages, de natures mortes, de nus. autant d’œuvres élégantes subtiles et lumineuses. » un regard sur ses créations, depuis près d’une trentaine d’années, montre que c’est en effet dans les
Alfonsi Jean, Champ jaune, huile sur toile, 100 x 81 cm. © Claude Giansily
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dictionnaire des peintres alfonsi
œuvres de très grand format que l’artiste s’exprime le mieux. Jean alfonsi poursuit cette recherche de la perfection et expose selon une démarche qui est tout sauf commerciale. expositions personnelles : Maison de la culture de la corse, ajaccio, 1982 ; ecole du centre, Bastia, 1983 ; Galerie Bernheim Jeune, paris, 1984 ; MJc, Bastia, 1986 ; Galerie Gour, Bastia, 2005 et 2007 ; sari d’orcino, 2009. [ Bibliographie ] : Corse-Matin, 12 juillet 1983 ; 25 septembre 1986 ; 25 octobre 1986 ; « alfonsi entre lumière et volupté », 1er octobre 2007 – « Jean alfonsi a repris des couleurs », Le Journal de la Corse, 11 avril 2003 – emmanuelli, Véronique, « Jean alfonsi expose à sari d’orcino », La Corse, votre hebdo, 31 juillet 2009.
alFonsi, Jean Bernard. peintre autodidacte qui présente au cours des années 1990 des œuvres de différentes techniques et d’inspiration variée. par sa démarche artistique, il cherche à « dévoiler la paix et la tranquillité de la corse et de ses habitants et une certaine quiétude. » expositions : galerie convergences, ajaccio, 1993 ; galerie Bassoul, ajaccio, 1994 ; galerie horus, ajaccio, 1996. [ Bibliographie ] : Corse-Matin, 13 juillet 1993 ; 15 juin 1994 ; 7 décembre 1996.
alix, Jeanne, née à paris le 7 mars 1884. Élève de d. Maillart, eugène carrière, J.p. laurens. exposant des artistes français où elle obtient une mention honorable en 1920, le prix Marie Bashkirtseff en 1921, une médaille d’argent en 1925 et une autre médaille à l’exposition internationale de 1937. elle est connue pour ses paysages et ses vues de paris. Jeanne alix a fait plusieurs séjours en corse et présente au salon des artistes
français de 1928 : A Jacques Tessarech, le maître guitariste, œuvre reproduite au livret illustré du salon. ce portrait, plein de vigueur et de réalisme, est offert à la ville par la veuve du musicien en 1931. lors de sa séance du 28 avril 1930, le conseil municipal d’ajaccio adopte le rapport du maire qui indique que « ce tableau, qui a obtenu un très grand succès au salon de 1928, représente le grand artiste jouant de la guitare. » « tous les ajacciens qui ont aimé et admiré Jacques tessarech seront heureux de voir perpétuer sa fine et sympathique silhouette sur cette toile qui évoque d’une façon saisissante le maître disparu ». « ce tableau aura sa place tout indiquée dans la salle où seront groupées les œuvres des peintres corses, celles que les beautés de l’Île ont inspirées et les portraits de tous les enfants de la corse qui ont contribué à illustrer leur terre natale. » Jacques tessarech a contribué à développer un style d’harmonisation du chant corse à la guitare dès la fin des années 1890 et fait des publications sur ce sujet. il a eu une grande influence sur le jeu des guitaristes ajacciens qui ont eux-mêmes influencé l’interprétation des chanteurs et groupes folkloriques corses jusque dans les années 1970. dans son ouvrage publié en 1999 consacré à l’ajaccio des années 1919-1939, Victor Franceschini présente tessarech qu’il a entendu dans les années 1920 au cours d’une soirée de bienfaisance dans la salle des fêtes de la mairie de cette manière : « le maître déjà âgé, penché sur son instrument interpréta avec le brio qui lui était habituel, deux ou trois airs que n’aurait pas renié andrès segovia, releva la tête, le visage curieusement inexpressif, la moustache et l’impériale aussi blanches que ses cheveux, se leva, salut bref, disparut et ne revint pas, malgré les rappels enthousiastes.
tessarech n’aimait pas se produire en public, il avait fait un effort, on ne le revit plus. » Jeanne alix présente au salon des indépendants de 1949, une peinture intitulée Ajaccio, route du Salario. Muséographie: palais Fesch, musée des Beauxarts d’ajaccio: Portrait du guitariste Tessarech. [ Bibliographie ] : Bénézit – livrets des salons – Giansily, pierre claude et perfettini, philippe, Les peintures corses, catalogue raisonné des collections du palais Fesch, musée des Beaux-arts d’ajaccio, décembre 2009, silvana editoriale, Milan.
Alix Jeanne, Portrait du guitariste Tessarech, huile sur toile, 65 x 100 cm. © DR
allenBach, Jean-claude, né à colmar le 17 juillet 1947. il vit et travaille en alsace. il vient à la peinture en 1972 après avoir découvert la beauté de la provence où il fait de fréquents séjours. paysagiste et grand coloriste, sa palette est dominée par la luminosité des couleurs chaudes des paysages méditerranéens gorgés de soleil. ses préférences dans son travail vont à la peinture à l’huile et à la lithographie. il expose régulièrement en France, au Japon et en suisse. [ Bibliographie ] : Corse Matin, 8 nov. 1990 – « le coloriste allenbach », Corse Matin, 13 septembre 1996 – « Jean-claude allenbach : l’art de la simplicité invitation au voyage figuratif à « la Galerie » », Corse Matin, 13 septembre 1996.
dictionnaire des peintres aa
Cet ouvrage est disponible sur le site de Colonna Edition : www.editeur-corse.com
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Pierre claude GiansilY est né en 1948. historien de l’art, il est conservateur des antiquités et objets d’art du département de la corse-du-sud. depuis une vingtaine d’années, il œuvre pour la connaissance des artistes et de leurs réalisations dans le domaine des arts plastiques en corse. il est l’auteur du Dictionnaire des peintres corses et de la Corse (1800-1950), publié en 1993, et de cinq catalogues d’exposition. commissaire de huit expositions dont « images de la corse 1850-1950 », au Musée Fesch, en 2008, et « suzanne cornillac » au lazaret ollandini-musée Marc-petit en avril 2010, il est l’auteur d’une quarantaine d’articles pour des catalogues d’expositions, encyclopédies, dictionnaires, revues scientifiques et magazines, sur la peinture en corse aux xixe et xxe siècles mais aussi sur la sculpture et l’architecture de ces mêmes périodes. il donne régulièrement des conférences dans ces domaines.
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l’histoire de la peinture en corse est aussi celle des artistes. pour cette raison, une partie importante est consacrée à un DICTIONNAIRE DES PEINTRES de cette période. il s’agit en l’occurrence d’un engagement pris en 1993, lors de la publication du Dictionnaire des peintres corses et de la Corse de la période 1800 à 1950, contenant trois cent vingt-cinq notices qui était le premier du genre et a connu un franc succès. la présentation de cette édition prévoyait « une mise à jour de ce dictionnaire qui serait l’occasion de mentionner les peintres qui ont été omis involontairement et qui permettra sans doute d’élargir la période des origines à nos jours. » l’heure est ainsi venue de procéder à cette reprise du travail entamé alors, avec le même esprit.
isbn 978-2-915922-36-3
C
ette HISTOIRE DE LA PEINTURE EN CORSE sur une période de deux cents ans est aussi celle des institutions, des organisations, des individualités, en fait, de tous ceux qui ont agi par le passé et qui agissent en ce moment pour l’enseignement, la diffusion de la peinture, la connaissance des artistes et la conservation des œuvres d’art. après 1960, les peintres, plus nombreux en corse, répartis sur tout le territoire, abordent tous les domaines : traditionnels et « avant-gardistes » avec toujours une singularité insulaire. cet aspect est également abordé, avec les limites du genre, s’agissant de la peinture « en train de se faire ».