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Novembre 2017 - N°9

n'y e y n e m n a Bat li s

FOZ IX

Edito Le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Cette journée semble faire consensus et pratiquement tous les gouvernements de la planète, y compris parmi les plus hostiles aux droits et libertés des femmes, participent au concert de condamnations. Et pourtant, partout dans le monde, cette violence augmente. D’après les chiffres de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), elle s’exerce surtout dans la famille. En effet, au niveau mondial, près d’1 femme sur 3 indiquent avoir été exposées au cours de leur vie à des violences physiques ou sexuelles, et 38% de ces meurtres de femmes sont le fait de leur partenaire intime masculin. En Martinique, 30 % des femmes disent avoir subi des violences psychologiques du fait de leur partenaire. Tout le monde s’indigne, mais partout les budgets pour la lutte contre ces violences diminuent, alerte l’ONU. L’affaire Weinstein a libéré la parole sur le harcèlement sexuel au travail. Mais combien sommes-nous à ne pas oser parler et pour cause : 93% des plaintes sont classées sans suite (Insee 2015) ! Ici même, combien d’entre nous se résignent à ces mot grossiers, ces propositions déplacées, ces commentaires sur nos fesses ou nos seins entendus à longueur de rue, dans l’indifférence générale, à Fort-de-France où le harcèlement sexuel fait partie du paysage urbain ? Cette violence généralisée n’épargne pas les enfants, les fillettes en particulier. Nous devons être vigilant•es et protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels, à l’extérieur et à l’intérieur du cercle familial. Mais en plus de la violence physique ou sexuelle, les femmes, citoyennes de seconde zone, subissent les violences économiques davantage et plus durement que les hommes. Occupant des emplois précaires 1 fois et demie plus qu’eux (Insee 2013), elles subissent de plein fouet « la libéralisation » du travail. La lutte menée, et gagnée, pour préserver quelques emplois aidés en Martinique ne doit pas nous aveugler : la précarité de l’emploi aidé est une violence économique.

Drague, harcèlement ou agression ? COMPORTEMENT Exprimer poliment, dans un contexte adapté, son envie de connaître une personne ou de la revoir, et respecter son éventuel refus Siffler une personne, n’importe où : dans une assemblée, dans la rue, au travail, dans les transports Faire un commentaire sur le physique ou la tenue d’une personne qui n’a rien demandé ou qu’on ne connaît pas Insister après un refus ou un absence de réponse Prendre le refus d’une personne pour de la timidité Suivre ou imposer sa présence à une personne qui ne répond pas ou exprime un refus d’échanger Envoyer des SMS sexuels à une personne qui n’a pas consenti à ce jeu User de sa position pour obtenir des faveurs Menacer une personne pour qu’elle accepte des avances Toucher/pincer les fesses/les seins en dehors d’un rapport mutuellement consenti Embrasser une personne par surprise ou contre son gré Plaquer une femme contre un mur par surprise ou contre son gré en dehors de tout rapport consenti mutuellement

DRAGUE HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT HARCELEMENT AGRESSION AGRESSION AGRESSION

Agenda Samedi 25 novembre 9h-12h Violences psychologiques « Man ka bat-ou san menyenw’ » Rue Piétonne à Fort-de-France Samedi 25 novembre 17h « Pawol fanm » : Drague ou Harcèlement ? Réservé aux femmes, au Garage Popular, 116 rue Lamartine à Fort-de-France, Mercredi 28 novembre 11h-14h RDV sur le campus de Schœlcher Samedi 2 décembre 14h-19h « Bougeons pour dénoncer les violences faites aux femmes » sur La Savane de Fort-de-France Dimanche 10 décembre 17h Journée internationale des droits humains Projection de film et débat sur La Savane


KAY FANM KAY FANM, un nouvel espace pour les femmes Depuis le 14 octobre, Culture Egalité ouvre son siège à toutes les femmes et jeunes filles en butte à une difficulté et qui souhaitent demander conseils ou simplement parler.

Notre espace de parole, « KAY FANM », se veut convivial, ouvert à toutes. Une permanence est assurée tous les samedis matins, de 9 à 11h, par des bénévoles aux profils professionnels divers (psychologue, formatrice, professeure...) qui pourront, si besoin, orienter les demandes vers les structures spécialisées (service sociaux, instances judiciaires, administratives, autres associations...) Le 1er samedi de chaque mois, la permanence sera tenue par une avocate. KAY FANM s’inscrit dans la mission que nous nous sommes donnée : soutenir les femmes dans leurs difficultés, mais aussi et surtout dans leurs projets, afin de renforcer leur capacité d’autonomie et leur pouvoir d’agir sur leur vie. Ces rencontres permettront aussi de repérer les réels besoins des femmes et les problématiques qu’elles vivent dans tous les domaines, quels que soient leur âge et leur statut. Ainsi, Culture Egalité se fera l’écho de l’ensemble des difficultés exprimées pour qu’enfin soient entendues les voix des femmes et que se construisent l’égalité et la justice sociale en Martinique.

Que dire à une femme victime ?

1. Je te crois 2. Tu n’y es pour rien 3. C’est lui le coupable 4. Il n’a pas le droit, c’est la loi legroupeF.fr

Protéger nos Enfants L’actualité récente nous oblige à nous demander comment protéger nos jeunes enfants des prédateurs.

Il n’est jamais simple d’aborder avec eux les questions relatives à la pédophilie tout en respectant leur jeune esprit. Cependant il n’est jamais trop tôt pour le faire car ils peuvent subir des abus à tout âge ! Il faut d’abord instituer une bonne communication, créer avec eux une atmosphère rassurante, propice à l’échange : les écouter, être réceptif à ce qu’ils ressentent. Faire en sorte tout simplement qu’ils puissent se confier à nous. Ensuite, leur enseigner à dire “Non”, immédiatement et fermement, à tout contact physique déplacé. Leur dire que ce n’est pas bien que quelqu’un regarde ou touche ces parties intimes (que nous allons prendre le temps de leur montrer), ou leur demande de regarder ou de toucher les parties intimes d’autrui. « On ne touche pas ici » est une règle simple : un enfant ne doit pas être touché par autrui sur les parties du corps généralement couvertes par ses sous-vêtements. Et lui non plus ne doit pas toucher autrui sur ces mêmes parties. Cette règle les aide à repérer une frontière nette et facile à retenir. Il faut aussi leur signifier l’obligation de parler aux parents d’une personne qui leur ferait des cadeaux ou qui leur demanderait de garder des secrets. Enfin, ériger des règles simples comme ne jamais monter en voiture avec un inconnu et ne jamais en accepter de cadeaux, de bonbons ou d’invitations.

Toutefois, l’éducation joue un rôle important dans la capacité de l’enfant à dire « non ».

Dans son ouvrage Te laisse pas faire, la pédagogue Jocelyne Robert écrit : « L’enfant, dès son plus jeune âge, doit être rapidement conscient de lui-même, de ses droits et de sa capacité à dire non. » Pour qu’il puisse dire son « non » face à un adulte abuseur tout-puissant, ce « non » doit être d’abord encouragé et respecté chez lui. (Par exemple, ne pas les forcer à faire la bise à de quasiinconnus quand ils n’en ont pas envie : un bonjour oral suffit.) Le psychanalyste Gérard Séverin ajoute que les conseils de prévention n’ont de valeur que si, dans sa famille, l’enfant se sent propriétaire de son corps. C’est lorsqu’il fait l’expérience de sujet respecté dans ses émotions et ses désirs, lorsque les limites et les interdits sont clairement posés dans la famille, qu’il est le mieux protégé. Pour prévenir les abus sexuels, de nombreux outils ont été élaborés par diverses autorités : Par le Conseil de l’Europe, site www.onnetouchepasici.org à l’intention des parents et des personnes en charge d’enfants. Par le Gouvernement, NUMÉROS VERTS : le 119 - pour les enfants victimes de violences (sexuelles, physique et morales) et les témoins ; le 3919 - Violences femmes info, à destination des femmes victimes de violences. Enfin, la permanence d’écoute « Kay Fanm », tous les samedis, de 9h à 11h, au siège de Culture Egalité.


Le Harcèlement au travail Le harcèlement sexuel au travail montre combien l’organisation patriarcale de la société renforce et alimente l’exploitation du corps des femmes.

A Culture Egalité, on le sait !

Des maux et des gestes qui tuent en silence Suite à l’affaire « Weinstein», la parole des femmes a été libérée et certaines osent dénoncer le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles dont elles ont été victimes. Cette violence est une illustration des rapports de domination des hommes sur les femmes, particulièrement dans le monde du travail. On s’indigne aujourd’hui de l’attitude des personnes qui savent mais ne font rien, des plaisanteries à propos des fameuses « promotions canapé » reliant presque naturellement la réussite d’une employée à sa relation ambiguë à son « patron ». Mais la situation est grave pour les femmes qui subissent ces agressions. A la tête de beaucoup d’entreprises, d’institutions, de corps de métiers, le pouvoir est masculin et génère des relations d’emprise, de dépendance. Le nombre de femmes ayant subi une forme de harcèlement dans le monde du travail, et bien souvent de leur supérieur hiérarchique, est bien au-dessus du nombre des affaires révélées. En France selon l’INSEE, 1 femme sur 7 est victime de harcèlement mais seules 14% osent porter plainte et seules 4% des plaintes seront suivies d’effets.

Ces victimes, peinent à se faire entendre... Ces victimes, dans leur milieu professionnel, peinent à se faire entendre, et sont souvent sanctionnées pour avoir osé parler. En Martinique, la petitesse du territoire et le jeu des alliances familiales et amicales rendent encore plus compliquée la levée du secret par les victimes. Leur emploi, bien souvent dans le secteur tertiaire, fragilise leur réaction. Le secteur public n’est pas épargné. La peur de ne pas être crue renforce l’isolement. Les insuffisances de la législation, la lenteur des procédures, l’impunité des agresseurs, le silence des collègues, les humiliations, la perte de l’emploi, ne facilitent pas la parole. Comme d’habitude, c’est la victime qui est confrontée à de nombreux obstacles pour obtenir justice et réparation. Pourtant le harcèlement est un processus de destruction. C’est un enchainement de propos, de gestes, de situations violentes qui impactent gravement la santé physique et psychique de celles qui le subissent. Selon la loi, le harcèlement sexuel ce sont des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant et/ou toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle.

On accueille ces femmes, on les écoute, on combat l’impunité des agresseurs et le sexisme ambiant qui disqualifie la parole des plaignantes. Il s’agit de faire en sorte que la honte change de camp. Il faut que les femmes prennent conscience que ces situations sont inacceptables… La société, la justice doivent protéger les victimes et la solidarité entre femmes est essentielle. Notre corps nous appartient. Il n’est pas le « jouet sombre au carnaval » de ces hommes prédateurs qui bénéficient de la complaisance et des privilèges de cette société patriarcale. Rassemblons-nous et agissons collectivement pour un changement des mentalités et pour créer les transformations sociales indispensables afin de faire évoluer les droits des femmes et leur condition… Afin d’en finir avec le patriarcat.

Que faire en cas de harcèlement ? Le harcèlement sexuel est un délit passible de peine de prison. Dans le cadre du code du travail, la juridiction à saisir est la suivante : • le conseil des prud’hommes, si la victime est salariée du secteur privé ; • le tribunal administratif, si la victime est agent public. Par ailleurs, dans une entreprise, toute organisation syndicale représentative peut, avec l’accord écrit de la personne harcelée, engager à sa place une action en justice. Pour en savoir plus : http://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/relationsau-travail/harcelement-discrimination/article/leharcelement-sexuel


Le contrat aidé

An lanmen ba yo

Une violence économique qui touche surtout les femmes L’emploi aidé est un dispositif mis en place depuis des années afin de remettre dans l’emploi des personnes qui en sont privées depuis trop longtemps. Il répond à une vraie demande de service public, mais ne s’inscrit pas dans la durée car il offre des emplois précaires, un statut qui touche surtout les femmes. Nous avons rencontré Frédérique, bénéficiaire d’un emploi aidé qui nous a relaté son expérience et ses espoirs. Elle a occupé le poste d’Accompagnante d’Élève en Situation de Handicap dans une école. Mère au foyer sans formation professionnelle, elle a bénéficié de 2 contrats à temps partiel (20h), avec un salaire mensuel de 680€ net environ et d’une durée d’un an renouvelable une fois, après une période sans activité. Elle prend son poste sans formation lors de son premier contrat. Ce n’est qu’au deuxième qu’elle participe à une formation de 120h. Cette expérience lui a permis de révéler des qualités et des compétences professionnelles. Elle échange avec l’équipe pédagogique, participe à des réunions, prend la parole. Elle réalise la valeur de son savoir, de sa parole, de ses expériences personnelles. Elle s’implique avec plaisir dans son travail.

Sa place dans sa famille a changé car elle prend de l’assurance, réalise que ses prises de décisions sont importantes et trouve des solutions pour résoudre, par exemple, les difficultés scolaires de l’un de ses enfants. Son salaire est le seul revenu fixe du foyer et améliore les conditions de vie de toute la famille. Aujourd’hui elle est sans emploi à nouveau et le poste qu’elle occupait est vacant. Dans cette affaire, il y a une multiple violence exercée à l’encontre des familles et des femmes en particulier. Les parents de l’enfant en situation de handicap espéraient le voir enfin progresser et suivre une scolarité normale. Sans accompagnante, il ne peut plus. Quant à Frédérique, le dispositif de l’emploi aidé ne lui a pas donné une formation diplômante. Elle ne peut donc proposer ses compétences ailleurs. De plus, pour obtenir un nouveau contrat aidé, elle ne doit pas travailler durant 6 mois consécutifs. En outre, la brutale décision gouvernementale de supprimer des milliers d’emplois aidés dont les bénéficiaires sont en majorité des femmes traduit un certain mépris pour les missions de services publics, et pour l’emploi Nous nous sommes battues pour les sauver, mais il faut qu’ils s’accompagnent d’un salaire décent et d’une reconnaissance de leur valeur dans notre société. Mobilisons-nous pour leur maintien et leur transformation en emplois durables !

Samedi 21 octobre, nous partions pour l’île de la Dominique, à la rencontre de l’association Dominica National Council of Women, avec une modeste collecte, fruit de la générosité de femmes sensibles à notre action. Quelle joie de rencontrer nos amies, de revoir leur présidente Vanya David ! Un tour à Roseau nous a permis de voir l’étendue des dégâts. Maria a pris le temps de tout casser, tout arracher sur son passage, laissant la population sans rien : sans toit, sans matelas, sans couvertures, sans moyen d’éclairage, sans eau, sans nourriture, avec seulement quelques racines que le cyclone n’a pas pu atteindre. Mais Maria n’a pas emporté la ferme volonté de nos amies de reconstruire et surtout de reprendre leur projet : rendre autonomes les femmes grâce à la culture de produits maraîchers pour la vente et l’autoconsommation. Le vendredi 17 novembre, nous avons profité d’un bateau affrété par le Secours Catholique pour envoyer des matelas, donné par l’entreprise Tropic Literie, et des produits divers. Nous remercions ces partenaires solidaires. Nous prévoyons d’offrir un joyeux noël aux enfants des familles qu’accompagne la DNCW. Ne les oubliez pas dans vos courses de fin d’année. Avec vous nous continuerons la solidarité pour un mieux être de nos sœurs dominiquaises et de leur famille. Nos amies du DNCW ont besoin de sortir de leur actuel état de précarité pour reprendre de façon opérationnelle leurs actions, en particulier la lutte contre les violences à l’encontre des femmes et des petites filles. La solidarité entre femmes caribéennes, entre peuples de la Caraïbe, doit être notre boussole.

Fanm Ouvè Zié'w N°9 Directrice de la publication : Huguette Bellemare Coordinatrice : Huguette Bellemare Mise en page : Gaële Coquille Rédactrices : Muriel Ameller, George Arnauld, Valérie Bernard, Rose Bonheur, Géraldine de Thoré, Sylvie Javaloyes Mail : asso.culture.egalite@gmail.com Téléphone : 0696 53 71 16 / 0596 34 46 01 www.cultureegalite.fr culture.egalite

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