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Association féministe martiniquaise

Septembre 2015-N°3

EDITO

Résistance et solidarité est le thème du troisième numéro de Fanm Ouvè Zié’w, le journal de Culture Égalité, notre association féministe. Pour illustrer notre propos, nous célébrons la vie et les combats de trois femmes exemplaires : la combattante Lumina Sophie, la révoltée Toto Bissanthe, l’engagée Suzanne Roussi. Résistons comme LUMINA SOPHIE, HEROÏNE DE L’INSURRECTION DU SUD, morte au bagne pour s’être dressée contre l’oppression des colons et, plus encore, pour avoir osé au XIXe siècle, être une femme « meneuse d’hommes ». Comme Lumina, osons résister à l’oppression d’un capitalisme toujours plus avide, qui paupérise les classes moyennes, fait les pauvres encore plus pauvres et les riches toujours plus riches. Soyons solidaires, comme TOTO BISSANTHE, actrice et chanteuse haïtienne qui, toute sa vie, mit son art au service des opprimés. La solidarité n’est-elle pas notre seule arme pour faire face aux puissants de ce monde ? Pour résister à ceux qui essayent de nous faire oublier

leur responsabilité dans la crise écnomique, en nous jetant en pâture l’autre, l’étranger, bouc émissaire de tous nos maux ? L’OMBRE GAGNE, disait Césaire en 1941. En 2015, elle gagne à nouveau. Partout. Comme en République dominicaine où le racisme ordinaire est devenu un racisme d’état contre les Dominicain-e-s d’origine haïtienne. Surtout, soyons engagé-e-s comme SUZANNE ROUSSI, essayiste, autrice de pièces de théâtre et militante qui, alors qu’elle était femme de Césaire, le grand homme, n’hésitât pas à vendre à la criée, sur les marchés de Paris, L’Humanité, le journal du parti communiste. Une femme longtemps éclipsée par l’ombre de Césaire, mais dont les écrits frappent par leur modernité. Une femme libre enfin, qui n’hésita pas à reprendre sa liberté pour choisir une autre vie. Résistance et solidarité, des impératifs pour une société plus humaine, plus émancipatrice, plus libre. Géraldine de Thoré, membre de Culture Égalité

18 septembre : Conf. droit humains et racisme mairie de Fort de France 18h30 20 septembre : Marche sur la route de lumina à Rivière Pilote 8h 23 septembre : émission sur zouk tv à 22h : 1915-2015 : Suzanne Roussi Césaire, une femme sur tous les fronts 28 septembre : journée mondiale pour la dépénalisation de l’avortement. 17 octobre : journée mondiale du refus de la misére (70% des pauvres dans le monde sont des femmes) 25 novembre : journée internationnalepour élimination des violences envers les femmes. 10 décembre : journée internationnale des droits humains.


CE, N A E AV S ! R B N L’OM SISTO É R C’est avec un sentiment d’urgence accrue devant cette

vague xénophobe que nous poursuivons nos actions militantes et d’éveil des consciences. Et pour reprendre la phrase de Césaire dans le premier numéro de Tropiques, en 1941, soyez avec nous « de ceux qui disent non à l’ombre. Nous savons que le salut du monde dépend de Martinique, juin 2015, fin d’une année scolaire comme nous aussi. Que la terre a besoin de n’importe lesquels toutes les autres. Sauf pour un enfant de 10 ans, d’une d’entre ses fils. Les plus humbles. L’ombre gagne... Ah ! école primaire de Fort-de-France, pour qui elle a un goût tout l’espoir n’est pas de trop pour regarder le siècle en très amer. face !» En effet mi-juin, cet enfant est convoqué chez le directeur La Martinique doit être solidaire. Nous dédions notre parce que trop turbulent. Le directeur le reçoit en compa- marche du 20 septembre prochain à la lutte contre le gnie de sa mère et le réprimande en présence d’une racisme, les injustices sociales, sentiments qui animèrent « tatie ». Cette dernière intervient par ces mots : «Il est Lumina et ses compagnes de l’insurrection du Sud. temps de renvoyer tous ces gens-là chez eux.» L’enfant, blessé, rétorque : «Mais je suis français.». La tatie argue Sylvie Javaloyès, membre de Culture Égalité que sa mère est haïtienne et ajoute n’avoir pas honte de dire cela. République Dominicaine, juin 2015 : le racisme ordinaire est devenu racisme d’état. La République Dominicaine a déchu de leur nationalité les personnes d’origine haïtienne, nées en République Dominicaine depuis 1929. Ces Dominicain-e-s sont désormais des apatrides. La solidarité s’organise en Haïti, en République Dominicaine, dans la Caraïbe, au Canada et dans d’autres pays. Les féministes haïtiennes se battent pour assurer la sécurité des femmes et des fillettes qui doivent faire face aux violences masculines, amplifiées par ces situations dramatiques.

HE, T N I A BISS ’UN TOTOÉRANCE D E L’ESP TRE MOND AU

Toto Bissainthe née en 1934, est partie très jeune d’Haïti pour la France. Très vite, à Paris, elle entame sa carrière de comédienne dans la troupe thétrale «Les Griots» fondée par Roger Blin (metteur en scene d’avant-garde de l’époque) pour jouer «Les Nègres» de Jean Genet, en compagnie de comédiens africains et caribéens. Comédienne, elle a joué au théâtre dans des pièces qui dénoncent l’oppression, la souffrance des peuples, les injustices tels que : Les Nègres de Jean Gennet, les Bonnes de Ionesco, Boesman et Liena d’Athol Fuggart, La Tragédie du roi Christophe, de Césaire. Par la suite, on la retrouve dans des pièces de Ionesco, Césaire, Brecht, Maryse Condé, Ina Césaire, Syto Cave etc. Lors d’un voyage de vacances au pays natal, le désir de chanter nait en elle.

Ses choix se précisent dans le sens d’une parole a dire à l’endroit des opprimés. de l’espace Caraïbe, de l’histoire de nos îles sœurs, de leur univers culturel. Et cette parole, elle a su la porter haut et fort, tant dans le théâtre que danla chanson. Elle a aussi fait du cinéma avec Désire Carré, Raoul Peck et d’autres réalisateurs. Elle a vécu en Martinique deux ans. Elle a passé une année à Saint Domingue puis est rentrée en Haïti en 1986, à la chute des Duvalier. Elle est morte en 1995, en Haïti, dans ce pays où elle rêvait tant s’installer pour continuer son travail. Elle y est morte, avec peut-être d’autres chansons et d’autres pièces au cœur qu’elle aurait voulu nous jouer et nous chanter pour un nouveau réveil. Cet engagement aux côtés des plus humbles lui vaut cette place à côté de Lumina, qui paya de sa vie sa témérité et sa volonté de résister à l’oppression. George Arnauld, membre de Culture Égalité


E EROIN E H , E I H C A SOP ISTAN LUMIN0 DE LA RES ON I EN 187 L’OPPRESS A En septembre 1870, le Sud de la Martinique se soulève. Une jeune vendeuse de fruits et légumes, Lumina Sophie, dite Surprise est une des figures majeures de cette insurrection. Les causes de cette révolte ? Quelques mois plus tôt, Léopold Lubin, jeune agriculteur du Marin, est battu en pleine rue, et pour un motif futile, par un colon, Augier de Maintenon. La justice ayant refusé de condamner son agresseur, Lubin se venge. Arrêté, il est condamné à 5 ans de bagne. La population des campagnes du sud n’acceptant pas la condamnation inique de Lubin, se soulève. En 1870, Surprise a 21 ans. Enceinte de deux mois lorsque la révolte éclate, elle participe néanmoins à la marche vers La Mauny. Quelques semaines plus tard, l’insurrection est matée dans le sang et Lumina est arrêtée le 26 septembre 1870. Lors de son premier procès, en avril 1871, Lumina est accusée de vouloir dominer les hommes. Le gouverneur de l’époque la qualifie de «flamme de la révolte». Les témoins à charge parlent de la «reine de la compagnie, la plus féroce, la plus terrible des chefs de bande, la maniaque de l’incendie… » D’abord relaxée, un second procès la condamnera à la déportation. Elle est punie pour s’être révoltée contre le pouvoir des planteurs, pour avoir menacé les hommes et avoir voulu les dominer. Elle est déportée vers le bagne où elle arrive le 22 décembre 1871. Elle y mourra le 15 décembre 1877, à 31 ans. Pour l’historien Gilbert Pago, l’insurrection a été une affaire de femmes, de femmes en lutte, de femmes qui faisaient tout pour échapper aux rôles traditionnels dévolus, au grand dam de certains hommes. Lumina Sophie jeune femme autonome et charismatique, haranguant les hommes, faisait peur, dérangeait l’ordre établi. Ce 20 septembre 2015, venez nombreuses et nombreux refaire la marche qu’empruntèrent Lumina et les autres insurgé-e-s pour saluer la mémoire de la subversive Lumina. Rose Bonheur, membre de Culture Égalité

Connaître l’histoire des femmes, c’est s’inspirer des combats de nos aînées pour mieux mener les nôtres et résister aux oppressions

ES OU SAV ? « Yo Fè listwa la Karaib »

1-Quel est le nom de la première femme maire à la Martinique ? □ Jenny DULYS □ Louisa MARIELLO □ Luce LEMAISTRE □ Jane Léro 2-Entourez le nom des 2 femmes dans la Caraïbe, connues pour leur lutte contre l’esclavage ? □ Nanni □ Lumina Sophie, dite Surprise □ La mulâtresse Solitude □ Suzanne Belair dite Sanité Belair 3-Quelle femme fut pendue lors des révoltes contre l’esclavage, en Guadeloupe, en 1802 ? □ Nany □ Marie Jeanne □ La mulâtresse Solitude □ Anacaona 4-Citez la femme haïtienne dont le nom est associé au drapeau haïtien □ Suzanne LOUVERTURE □ Catherine FLON 5-Quelle femme, en Martinique a réclamé le 31 Mars 1931 le droit de vote pour les femmes ? □ Claude CARBET □ Solange FITT-DUVAL □ Suzanne ROUSSI CESAIRE □ Thérèse Likao-Yoyo 6-Deux femmes ont marqué la révolution à Cuba. Qui sont-elles ? □ Haydée SANTAMARIA □ Yoani SANCHEZ □ Célia SANCHEZ □ Rigoberta Machu 7 – Qui était Victoria Montou ?

Associations associées :

ADHM :Association Des Haitiens en Martinique ADPKM : Asosiyasion Pou Défan ek Palantjé Kilti Matinik AKPA : An Kombit Pou Ayiti ASSOKA : Asosiyasion Solidarité Krayib «Faire Une Différence» «Les salarié-e-s mobilisé-e-s de RA» GARR : Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (Haiti) RNDDH : Réseau Nationnal Des Droits Humains


, 2015 UNE T Û ’ O 11 A AIRE DE ÈR TEN CEN PIONNI Suzanne Roussi, professeure de lettres, essayiste, autrice, militante, une femme engagée et talentueuse dont l’éclat a été masqué par celui de son mari, Aimé Césaire. En 1941, elle fonde avec ce dernier et quelques ami-e-s, la revue culturelle TROPIQUES pour « affirmer l’originalité de la culture des Antilles, ses racines africaines » et « dire non à l’ombre », c’est-à-dire lutter contre le régime de Vichy et son représentant en Martinique, l’Amiral Robert. Suzanne y écrit sept essais dont les arguments passionnés et les intuitions fulgurantes frappent les esprits. Après la guerre, en 1952, Suzanne écrit «Aurore de la liberté», une pièce sur l’abolition de l’esclavage qui obtint un grand succès. Malheureusement, cette œuvre, jamais publiée, est considérée aujourd’hui comme perdue. Militante communiste active, professeure de lettres à la pédagogie avant-gardiste, c’est aussi, selon le témoignage de sa fille Ina, une mère tendre et une épouse attentionnée. Pourtant, à partir de 1956, la rupture du couple Césaire avec le PCF, le dur conflit avec les communistes martiniquais, la détérioration de la santé de Suzanne accélèrent la dégradation d’un mariage déjà fragile. En 1963, les époux divorcent à l’initiative de Suzanne. On sait qu’elle eut un nouveau compagnon, mais sur ce sujet, ses proches gardent un silence pudique. Elle meurt après une longue maladie, en avril 1966, à 51 ans. Suzanne Roussi Césaire a laissé à toutes celles et ceux qui l’ont connue le souvenir d’une femme remarquable à l’indomptable énergie. Ses thèses et sa personnalité qui ont beaucoup influencé ses contemporains, marqueront durablement la littérature antillaise et sont à l’origine d’écoles comme l’antillanité, la créolité… Les jeunes martiniquaises d’aujourd’hui peuvent trouver en elle l’exemple d’une femme autonome, libre et engagée. Seule la maladie a pu venir à bout de cette femmeflèche ! Huguette Bellemare, membre de Culture Égalité

«Tant pis pour ceux qui nous croient des rêveurs.» «La plus troublante réalité est nôtre.» «Cette terre, la nôtre, ne peut être que ce que nous voulons qu’elle soit.» Suzanne Roussi Césaire

REPONSES AU JEU 1-Luce Lemaistre, (1912-2000) 2-Nanni des Marrons En Jamaïque, Nanni est le symbole de la femme Marron. Elle fut cheffe des Marrons Windward, Sanité Belair de son vrai nom Suzanne Belair est née à Verrettes en 1781. Officier de l’armée d’Haïti de Toussaint Louverture lors de la Révolution haïtienne, elle participa activement à la révolution haïtienne et devint sergente, puis lieutenante de l’armée de Toussaint Louverture. 3.-Solitude La mulâtresse Solitude Figure de la résistance des noirs en Guadeloupe. Née vers 1772. Survivante de la bataille du 8 mai 1802 à côté de Delgres.Enceinte, elle est exécutée par pendaison le 29 novembre de la même année, le lendemain de son accouchement. 4-Catherine Flon Catherine Flon fait partie de héroïnes ayant travaillé aux côtés des hommes dans la conquête de l’indépendance de la première république noire, Haïti. 5- Claude Carbet : Martiniquaise, franc-maçonne et membre de la loge intitulée « Émancipation féminine ». 6-Haydée et Célia Haydée Santamaria et Célia Sanchez. Deux héroïnes de la révolution cubaine. La première participe en 1953 à l’attaque de la caserne Moncada aux côtés de Fidel Castro, la seconde prend les armes pour rejoindre le mouvement qui aboutira à la Révolution. 7-Victoria « Toya » Montou était une combattante de la liberté dans l’armée de Jean-Jacques Dessalines au cours de la révolution haïtienne. Pour en savoir, aller sur notre site : www.cultureegalite.jimdo.com

23 septembre : émission sur zouk tv à 22h : 1915-2015 : Suzanne Roussi Césaire, une femme sur tous les fronts Conçue et réalisée par Culture Egalité Famn Ouvè Zié’w N°3 Direction de la publication : Culture Egalité Direction artistique : Yamina Louis Rédactrices : George Arnauld, Huguette Bellemare, Rose Bonheur, Sylvie Javaloyès, Lydia Ramaël, Géraldine de Thoré Courriel :asso.culture.egalite@gmail.com Téléphone : 0596 58 42 17 / 0696 33 66 92 Facebook : Association Féministe Culture Egalité Site : www.cultureegalite.jimdo.com


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