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L’hypothèse d’un black-out préoccupe le secteur électrique

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Une étude publiée par le Conseil fédéral relève que l’absence d’un accord sur l’électricité au niveau européen aura un impact négatif sur la sécurité d’approvisionnement de la Suisse à l’horizon de 2025. Le point avec le directeur de l’association faîtière.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH

Michael Frank dirige depuis 2011 l’Association des entreprises électriques suisses (AES). Avocat, il jouit d’une grande expérience dans les domaines de l’électricité et des télécommunications, et dans la libéralisation de ses marchés. Il a bien voulu répondre aux questions que suscite l’approvisionnement électrique en Suisse.

On parle de risques de black-out en Suisse en raison de problèmes d’approvisionnement en électricité. Qu’en est-il?

Il faut distinguer entre les notions de brève coupure d’électricité et de panne générale (black-out), et celle de pénurie. Une coupure d’alimentation à la suite d’un cas de force majeure, le défaut d’un élément de réseau ou d’un producteur d’électricité majeur peuvent mener à une défaillance du réseau. Dans ces cas, les gestionnaires concernés sont chargés de le rétablir. La problématique est tout autre en cas de pénurie, nécessitant une organisation et des procédures à l’échelle nationale. Une telle situation permet de continuer à fournir de l’électricité, mais à un niveau réduit. Elle peut durer plusieurs jours, semaines ou mois, se caractérise par un déséquilibre entre l’offre et la demande dû à une insuffisance de capacités de production, de transport et/ ou d’importation. Et c’est de cette problématique dont il s’agit.

Quels sont les scénarios envisagés à l’horizon 2025?

L’étude publiée par le Conseil fédéral porte sur le thème de la coopération en matière d’électricité entre la Suisse et l’UE. L’absence d’un accord sur l’électricité aura un impact négatif sur les capacités d’importation, la stabilité du réseau et donc la sécurité de notre approvisionnement. Dans le pire des cas, cela pourrait conduire au scénario le plus pessimiste de l’étude, à savoir des besoins en électricité qui pourraient ne plus être couverts en fin d’hiver à l’horizon 2025. Cette évaluation est tout à fait réaliste, ce qui nous préoccupe au plus haut point.

Le rejet de l’accord-cadre constituet-il un élément prépondérant dans ces difficultés?

Il est clair qu’un accord sur l’électricité avec l’UE, repoussé aux calendes grecques par le rejet de l’accord-cadre, favoriserait la sécurité de l’approvisionnement et, surtout, la stabilité de notre réseau électrique. Indépendamment d’un tel accord, la Suisse doit impérativement faire ses devoirs à l’intérieur du pays pour garantir son auto-approvisionnement. Elle doit remplacer le nucléaire par du renouvelable et compenser l’augmentation prévisible de la demande en électricité en raison de l’électrification. Nos pays voisins faisant face au même défi, la Suisse ne pourra pas compter sur des importations. Différents autres facteurs peuvent notamment aussi contribuer au risque de pénurie: lacs d’accumulation vides, sécheresse prolongée, dommages sur le réseau, centrales nucléaires à l’arrêt en France, cyberattaques, etc. La question de la pénurie d’électricité n’est donc pas nouvelle pour la branche. Le Conseil fédéral a chargé l’AES – par le biais de l’Approvisionnement économique du pays (AEP) – de procéder aux préparatifs nécessaires pour surmonter une situation de pénurie d’électricité. Dans ce but, l’AES a créé et perfectionné OSTRAL, qui intervient comme organisation de crise et se tient prête à agir.

Que doit faire notre pays pour parer ces risques?

Il n’est jamais possible d’éliminer tout risque. En revanche, on peut prendre des mesures pour renforcer la sécurité d’approvisionnement, surtout en hiver, et ainsi minimiser le risque de pénurie d’électricité. La Suisse doit pour cela accélérer le développement de toutes les énergies renouvelables pour renforcer son auto-approvisionnement. Les mesures proposées dans les révisions législatives actuelles vont dans la bonne direction. Je pense en particulier aux incitations à l’investissement pour le maintien et le développement de toutes les énergies renouvelables, l’augmentation de l’accumulation hydraulique en hiver, ou encore la réserve d’énergie. Toutefois, d’autres mesures seront nécessaires à terme sur toute la chaîne de création de valeur, qui s’étend de la consommation, à la production centralisée et décentralisée, au négoce et au réseau. Il est également impératif d’améliorer les procédures d’autorisation et l’acceptation des projets. Malgré cela, une collaboration stable avec nos partenaires européens reste incontournable.

L’effort s’annonce conséquent…

Si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, la décarbonisation passe par l’électrification. Ce qui doit encore être déterminé, c’est la manière dont nous parvenons à avoir une production renouvelable suffisante pour rendre cela possible. L’approvisionnement futur de la Suisse en énergies renouvelables est réalisable, mais il ne sera pas gratuit et nécessitera un rapide effort collectif. Nous devons cesser de laisser primer les intérêts particuliers pour nous mettre enfin à tous tirer à la même corde.

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