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pour la Suisse « Le droit de timbre est pour nous
L’économie circulaire est une aubaine pour la Suisse
Cette nouvelle approche économique, qui réintègre les matériaux et les produits dans le circuit industriel, convainc peu à peu les chefs d’entreprise suisses, car elle leur permet de réduire leurs charges et d’augmenter leurs revenus. Zoom sur un modèle promis à un bel avenir.
L’économie circulaire (EC) ne tourne pas encore à plein régime dans notre pays, mais elle fait peu à peu son trou, si l’on ose dire. L’économie circulaire? Cette approche permet de réintégrer les matériaux et les produits dans le circuit industriel, comme l’explique l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) sur son site Web. Elle englobe l’entier du cycle des matières et des produits, à savoir l’extraction, la conception, la production, la distribution, l’utilisation sur une durée aussi longue que possible et le recyclage. Elle demande ainsi une approche différente de la part de tous les acteurs concernés.
« L’économie circulaire reste un changement de paradigme pour les entreprises et c’est cela qui est difficile à changer », constate Henri Klunge.
14%
« C’est l’une des solutions d’avenir importantes pour limiter l’impact environnemental de l’industrie, explique Henri Klunge, patron d’Alcane Conseils, société qui aide les entreprises à réduire leur impact environnemental tout en améliorant leur productivité. Pourquoi ? Parce que nous vivons dans un système fini : on ne va pas pouvoir créer davantage de matière que celle qui est présente sur notre planète. L’idée consiste à la réutiliser au maximum avant de la détruire. Cela va permettre de poursuivre une croissance économique tout en diminuant l’impact de l’activité industrielle sur l’environnement. Il s’agit clairement d’une question de bon sens. Cela reste un changement de paradigme pour les entreprises et c’est ce qui est difficile à changer. Mais les mentalités évoluent. » (voir l’encadré)
TAUX DE CIRCULARITÉ EN HAUSSE
Selon des chiffres publiés par l’OFEV, depuis l’an 2000, le taux de circularité matérielle a augmenté constamment dans notre pays pour se situer à 14 % environ en 2019. L’utilisation circulaire de matières était alors largement constituée par les minéraux, à hauteur de 71 %, la biomasse en représentant 18 %, les métaux 10 % et les agents énergétiques fossiles 2 %. Pour ce qui est des minéraux, il s’agit principalement de matériaux issus de la récupération des déchets de chantier, qui permettent notamment de remplacer une partie du sable nécessaire à la production de béton. La biomasse est valorisée quant à elle à travers la récupération du papier, des textiles naturels et des déchets comme le compost ou les boues d’épuration. Les métaux sont récupérés et recyclés depuis longtemps, la plupart d’entre eux pouvant être remis dans le circuit économique avec peu de pertes de matière.
La Suisse, pauvre en matières premières, a tout intérêt à développer cette approche. C’est d’ailleurs le chemin qu’elle emprunte. Au cours des dernières années, la thématique environnementale a donné lieu à de nombreuses interventions et initiatives parlementaires relatives au recyclage des déchets, à la préservation des ressources et à l’économie circulaire. Dans ce contexte, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) a déposé une initiative parlementaire en mai 2020, intitulée «Développer l’économie circulaire en Suisse ». Ce texte a débouché sur un projet de modification de la loi sur la protection de l’environnement (LPE), actuellement en consultation. Ce dernier vise à créer un train de mesures efficace et équilibré permettant de préserver les ressources grâce à des efforts fournis à chaque étape de l’économie circulaire. Autant que possible, les mesures proposées sont subsidiaires et décentralisées.
Ce sont avant tout les initiatives de l’économie privée qui sont concernées : il est ainsi prévu d’accorder, au moyen de plateformes, de projets-pilotes ou d’accords sectoriels, un soutien administratif et financier aux approches innovantes. L’innovation reste plus que jamais le moteur de notre prospérité.
TEXTE JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH PHOTO FRANCOIS WAVRE | LUNDI13 ILLUSTRATION OFEV
RESSOURCES NON RENOUVELABLES
RESSOURCES RENOUVELABLES TRA I TEMENT DES MATI ÈRES PREMIÈRES VALORISER
L S E NAT U R
CYCLES RECYCLAGE ET COLLECTE COMPOSTAGE ET FERMENTATION
INCINÉRATION ET MISE EN DÉCHARGE CONCEPTION ET PRODUCTION
RÉPARER RÉUTILISER
P ARTAGER CONSOMMATION ET UTILISATION B U T I ON I R D I S T
Ingénieur chimiste de formation, conseiller communal PLR à Lausanne, Henri Klunge dirige une société qui conseille les entreprises pour diminuer leur impact sur l’environnement sans péjorer leur productivité. Il nous livre sa vision de l’approche circulaire.
L’économie circulaire, a priori, est plutôt un concept altermondialiste et de gauche. Que vient faire un politicien PLR dans cet univers?
Cette vision est totalement fausse. J’ai coutume de dire que toute mesure écologiquement intéressante est économiquement intéressante. Pour moi, la meilleure définition est la suivante: les déchets des uns sont une matière première pour les autres. Un exemple? Si une entreprise utilise de l’acide sulfurique ou de l’ammoniac en fin de production, elle va devoir payer une entreprise pour se débarrasser de ses déchets, ce qui va lui coûter une petite fortune. Alors que si elle valorise ses déchets, ceux-ci passeront de charge à revenu. J’ai réussi à faire économiser 4800 fr. par mois à une entreprise rien qu’en valorisant ses déchets. Il est tout à fait possible de mieux réutiliser ces matières. Avec ma société, nous proposons aux entreprises de se concentrer sur leur métier pendant que nous gérons leurs déchets et rejets industriels.
Les entreprises sont-elles sensibles à l’EC? Voyez-vous une évolution des mentalités à cet égard?
C’est encore embryonnaire, mais elles y sont de plus en plus sensibles car elles comprennent qu’elles ont tout à y gagner. La législation, aujourd’hui très contraignante en matière de tri et de recyclage, évolue aussi dans ce sens, à l’image du projet de modification de la loi sur la protection de l’environnement (LPE), actuellement en consultation. La Confédération a pris conscience de cette nécessité et fait beaucoup, mais aux niveaux cantonal et communal, on en reste un peu au niveau des belles paroles.
Le Covid a-t-il toutefois relégué l’EC au rang de préoccupation secondaire?
En 2020, cela a clairement été le cas. Les entreprises avaient d’autres priorités, comme poursuivre au mieux leurs activités dans un contexte très compliqué. Je me suis cependant dit que c’était le bon moment pour mettre en place de nouveaux projets, de nouvelles filières pour permettre de rendre les usines plus efficaces. Mais c’est reparti, la prise de conscience est de plus en plus forte au sein des entreprises. Elles comprennent que de cette manière, elles réduisent leurs coûts et augmentent leurs marges.
Quelles perspectives pour cette approche?
De plus en plus de plateformes spécialisées émergent qui, au lieu de croître dans leur coin, essaient de collaborer entre elles. Ces plateformes offrent des solutions clé en main et libèrent les entreprises de ces contraintes; elles sont rémunérées sous forme de commission. L’entraide prend aussi le pas sur la concurrence au niveau des entreprises. Il existe une vraie émulation collective par rapport à l’économie circulaire. Ma conclusion, c’est « essayez, cela ne coûte rien, bien au contraire ». Les entreprises ont tout à y gagner.